Chapitre IV. Conclusion générale sur les Petites Antilles

1Nous aboutissons finalement, après l’étude de l’arc oriental, à un problème majeur : le problème de ses limites climatiques ; limites septentrionales du côté des Grandes Antilles, limites méridionales du côté des Guyanes.

2Sur les Petites Antilles, ce qui frappe, c’est l’unité pluviométrique de la saison chaude. Certes, on peut noter sur certaines stations un fléchissement des totaux au cœur de l’hivernage. G. Lasserre le relève sur plusieurs points de la Guadeloupe107. Mais il n’y a rien là de systématique, et, surtout rien de comparable à ce que nous avons reconnu aux Grandes Antilles108. Il nous fallait donc marquer cette différence avec force, la disposition de faits divergents introduisant une nécessaire différence dans l’explication et fournissant le meilleur critère pour la caractérisation d’une limite entre les deux alignements de l’archipel antillais. La phase de régression pluviométrique de juillet-août due, au Nord, à l’importance de l’immunité anticyclonique d’altitude n’existe pas ici, ou du moins que de façon limitée. Il ne reste donc aux Petites Antilles que l’exaltation unique de fin de saison, due à la multiplication des processus tropicaux violents (cyclones) et à l’interférence des manifestations de saison chaude et des événements polaires renaissants.

3Pour retrouver deux maxima très distincts, il faut descendre jusqu’au Sud des Petites Antilles et surtout jusqu’à la latitude des Guyanes. C’est là où se pose le problème de la limite méridionale de notre domaine d’étude. Mais alors, non seulement il faut rendre compte du retour à deux moments d’exaltation pluviométrique, mais aussi au déplacement des pluies saisonnières par rapport à la position qu’elles occupent plus au Nord.

4Envisageons donc très rapidement ici le mécanisme des saisons dans les Guyanes109.

5J. Fougerouze distingue deux grandes saisons : celle des pluies, du 15 novembre au 15 août, et la saison sèche du 15 août au 15 novembre. La disposition est à peu près à l’inverse de celle des Petites Antilles.

6Cazalens et Ventrillon tiennent compte du « petit été de mars ». On peut considérer ce « petit été de mars » comme une période de récession pluviométrique au sein de la saison des pluies. Il se situe sur mars mais peut être reporté sur février ou sur avril.

7Ainsi, en dehors de la grande période sèche de juillet-août à novembre, on distingue une première saison des pluies (novembre-décembre à fin février), la petite saison sèche de mars et une seconde saison des pluies qui va d’avril à juillet-août. C’est ce deuxième paroxysme pluviométrique que Ventrillon appelle la « grande saison pluvieuse ».

8Ce rythme saisonnier s’explique par des conditions qui permettent la comparaison avec les Antilles.

9Le temps découle sur les Guyanes du jeu des alizés de N.-E. et de S.-E. Se trouvent ainsi impliquées les hautes pressions subtropicales des deux hémisphères (anticyclones des Bermudes, des Açores et du Brésil), ainsi que la zone intertropicale de convergence.

10En règle générale, les pluies interviennent quand la Z. I. C. est sur les Guyanes ou proche d’elles, et aussi quand le pays est soumis au régime de N.-E. (issu de l’hémisphère boréal).

11La sécheresse apparaît quand la Z. I. C. est rejetée entre le 10^e et le 15^e Nord et que règne l’alizé de S.-E. C’est à cela que correspond la situation moyenne de la grande période sèche (juillet-août à novembre). Il est vrai que le petit été de mars intervient « pendant que la Z. I. C. stationne sur les bouches de l’Amazone, point extrême de sa route vers l’Equateur géographique »110. A ce moment là, l’anticyclone de l’Atlantique Nord se retire déjà vers le Nord. Par ailleurs la dorsale brésilienne n’a pas encore ((amorcé ses poussées qui produisent des incursions importantes d’air polaire de S.-E. »111 et ramènent la Z. I. C. sur les Guyanes au moment de la deuxième période des pluies.

12C’est donc lorsque le régime polaire boréal est transgressif en direction de l’Equateur, au moment où intervient l’inhibition pluviométrique sur les Petites Antilles, que les pluies sont maximales sur les Guyanes, sauf en mars. Ceci s’explique tout d’abord par le rejet qui en résulte de la Z. I. C. au plus près de l’Equateur donc sur notre région, et aussi parce que l’air polaire de N.-E. arrive très instable grâce au réchauffement à la base. On peut alors considérer la pluviosité des Guyanes comme l’exagération des conditions reconnues dès le Sud des Petites Antilles hivernales. L’inhibition pluviométrique est moins forte en décembre et en janvier dans la région de Trinidad que plus au Nord. Or, c’est justement en janvier que se situe le maximum de la première saison des pluies guyanaises.

13C’est par contre lorsque l’anticyclone du Brésil a son activité la plus grande que les Guyanes ont le moins de pluies. Ceci s’explique par le fait que la Z. I. C. remonte alors très haut en latitude. En outre peut intervenir, selon Cazalens, de l’air d’origine saharienne ou soudanaise lié aux hautes pressions boréales, air qui vient s’ajouter à l’air subsident habituel de S.-E. des hautes pressions australes.

14En prenant comme critère leurs pluies de saison chaude, on peut, d’après ce qui précède, arriver à expliquer la limite méridionale du régime pluviométrique des Antilles et, partant, leur limite climatique du côté du Sud. La frontière se situe à la latitude la plus basse à laquelle la Z. I. C. se trouve maintenue durant l’été boréal. Cette latitude est celle de la Guyane britannique. La Z. I. C. séjourne alors au Nord de Georgetown et peut osciller jusqu’au 15^e.

15Tout ce qui est au Sud de la position extrême de la zone de convergence — les Guyanes — se trouve ainsi sous le règne du seul flux de S.-E. austral (ou encore sous l’alizé de retour boréal). L’air glisse en moyenne parallèlement aux côtes et de plus, il est subsident. Il ne peut, de ce fait, provoquer là des abats substantiels.

16Au Nord de Georgetown, l’air austral (et le cas échéant le flux d’Est saharien ou soudanien) ne réagit plus de même façon. Sur l’archipel antillais, l’advection d’origine brésilienne peut, en effet, amener le grand mauvais temps parce que l’air arrive en conflit avec l’alizé boréal et aussi parce qu’il est fortement réchauffé, humidifié et convergent.

17Tandis qu’entre les Grandes Antilles et l’Amérique du Nord, la limite climatique fait une part importante au critère thermique, entre Antilles et Guyanes, la limite climatique doit donc sa présence aux seuls critères pluviométriques.

18Il y aurait à envisager la frontière de notre domaine à l’Ouest, avec l’Amérique centrale isthmique. Mais le problème de cette limite intéresserait tout l’archipel et impliquerait l’analyse de conditions qui dépasseraient par trop notre propos. Nous en resterons donc à la description faite plus haut des seuls aspects pluviométriques.

19Avant de conclure définitivement, il nous reste à envisager les cyclones tropicaux.