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Le climat des Antilles

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Pierre Pagney

Deuxième partie. Les traits originaux du climat aux Grandes Antilles et leur explication

Chapitre premier. La physionomie régionale des pluies aux grandes Antilles (tableau 2)

Volltext

1Les schémas pluviométriques moyens (page 41 et suivantes) ont fait apparaître un accord général de la pluviosité avec le relief, et des dissymétries dans l’ensemble conformes aux vents dominants de N.-N.E. à E.-N.E. Des dissymétries inverses ont toutefois été mises en évidence, en particulier au Centre-Est de Cuba et à l’Ouest de la Jamaïque. Les régimes pluviométriques, abstraction faite des stations prises individuellement, ont de même montré l’opposition d’une saison sèche et d’une saison pluvieuse, et la présence au sein de cette dernière de deux exaltations des pluies, l’une en début (mai) l’autre en fin de période (septembre-octobre). Cette étude générale a révélé enfin l’importance plutôt modérée des écarts entre totaux des mois les plus arrosés et des moins pluvieux.

2Le moment est venu d’aller plus avant dans ces divers aspects. Ceci afin de disposer d’éléments plus complets en vue de la résolution des problèmes posés.

3On verra, île par île, la répartition des contrastes pluviométriques entre mois extrêmes, celle des familles de régimes et les dissymétries pluviométriques dans leurs dispositions mensuelles.

LES REGIMES PLUVIOMETRIQUES DANS LEUR REPARTITION REGIONALE

I. — LES BAHAMA, CAICOS ET TURKS ; KAY WEST ET MIAMI

A) LA REPARTITION DES AMPLITUDES DE REGIMES

4Les moyennes mensuelles de « l’aire géographique » ont montré qu’il y tombe environ 4 fois plus d’eau en octobre qu’en mars. L’analyse des cas vrais fait apparaître des nuances. Sur 14 stations, la moitié possède un rapport pluviométrique (quotient du mois le plus pluvieux au plus sec) de 5. Les autres dépassent cette valeur. Andros : Mangrove Cay atteint, avec 12, le contraste saisonnier maximum. Il faut remarquer que le lien entre bilan pluviométrique global et variation saisonnière n’est pas rigoureux. Si Miami et Nassau, les deux stations les plus arrosées du groupe ont un rapport de 5, le plus faible ici, ce n’est pas dans les plus sèches (Grand Bahama : West End et Inagua : Matthew Town) que le contraste est le plus fort ; Andros : Mangrove Cay est beaucoup plus arrosée que ces dernières.

B) LA REPARTITION REGIONALE DES FAMILLES DE REGIMES (figure 99)

5Dans le domaine qui nous préoccupe ici, règne, à l’inverse des grandes îles, une certaine unité. On a, conformément au schéma général, éclatement des pluies en avril-mai, régression en juillet-août et, après le deuxième maximum, passage aux conditions de la période sèche. Ce qu’il faut souligner toutefois, c’est la recrudescence des pluies en janvier. Celle-ci n’est pas partout réalisée, mais l’avantage de janvier n’en est pas moins le plus souvent établi vis à vis des mois voisins. Cet avantage devait être souligné, car il se retrouve sur plusieurs stations septentrionales de Cuba. Si la période estivale des pluies cubaines apparaît aux Bahama, Kay West et Miami, une tendance à la recrudescence de janvier sur ces îles et en Floride les apparente plus précisément au Nord de la grande île antillaise.

II. — CUBA

A) LA REPARTITION DES AMPLITUDES DE REGIMES

6D’après les moyennes mensuelles de « l’aire géographique », la pluviosité est 7 fois plus forte en octobre qu’en février. Cette position estompe en fait là aussi les écarts réels. Plus de la moitié des 1C stations offre un contraste égal ou supérieur à 10 ; 5 d’entre elles l’ont égal ou supérieur à 15. Que pour une station sur 3 il tombe 15 fois plus d’eau au cours du mois le plus arrosé qu’au cours du plus indigent est significatif. Or, les lieux d’observation ne sont pas répartis de ce point de vue au hasard. Ce sont les localités de la côte Nord qui connaissent l’amplitude de régime la plus faible. Sur 7 où le contraste est inférieur à 10, 5 se situent de la sorte. Ainsi les régimes pluviométriques sont-ils plus contrastés sur la Caraïbe que sur l’Atlantique et la mer du Golfe.

7Les forts contrastes du versant méridional s’expliquent facilement. La carte des régimes montre en effet que si, en période estivale l’égalité pluviométrique est à peu près établie sur l’île, quand le Sud n’a pas l’avantage, en hiver par contre, celui-ci est beaucoup plus sec que le Nord. Une sècheresse hivernale marquée sur le versant caraïbe, constitue donc un élément déterminant dans le creusement des écarts pluviométriques du côté de la mer des Antilles.

B) LA REPARTITION REGIONALE DES FAMILLES DE REGIMES

I. — LE SCHEMA D’APRES CHAMBERLIN (figure 100)

8Nous disposons pour Cuba, en dehors des diagrammes que nous avons établis, d’un document pluviométrique précieux : les cartes dressées par Chamberlin pour chaque mois de l’année. Ces cartes montrent que les périodes les plus indigentes (février-mars) sont aussi parmi celles au cours desquelles les différents points de l’île tendent vers les mêmes conditions pluviométriques. Cette égalisation se retrouve quand il pleut massivement. Telle est la situation de mai et surtout celle de juin et d’octobre. Les dissymétries apparaissent de la façon la plus nette entre temps. Mais de l’une à l’autre des périodes intermédiaires ainsi délimitées, ces dissymétries connaissent une inversion radicale. Avril, mois de transition entre le creux pluviométrique principal et le premier maximum, donne l’avantage au Nord. Juillet-août-septembre, période encadrée par les deux paroxysmes, offre un bilan favorable au Sud. Novembre-décembre-janvier enfin, placés entre l’hivernage et le moment le plus sec de l’année, retrouvent la dissymétrie dont bénéficie le Nord.

9Ces faits renforcent les résultats obtenus d’après notre réseau de stations.

2. — LE SCHEMA D’APRES LA CARTE DES REGIMES (figure 99)

10Il est possible de grouper les régimes en trois ensembles. Nous envisagerons donc successivement : La Havane (observatoire national et Central Hershey), San Antonio : Madruga, Camajuani, Central Moron, Jatibonico, Central Lugareno puis Gibara et Central Preston et enfin Pinar del Rio, Nueva Gerona, Cienfuegos, Central-Francisco, Central Elia, Ensenada de Mora et Central los Canos. Les stations de la façade septentrionale sont dissociées en deux parties tandis que toutes celles du versant caraïbe sont réunies.

11Dans le premier groupe, les pluies vont de mai à octobre. A Central Moron et Central Lugareno des abats appréciables apparaissent toutefois en avril ; en outre à Habana Central Hershey et à Camajuani se maintiennent des totaux sensibles en novembre. Quoi qu’il en soit on retrouve dans les 7 stations, en saison des pluies, le fléchissement sur juillet-août (fléchissement qui peut s’étendre jusqu’en septembre). L’originalité de ce groupe lui vient de la disposition des pluies en saison sèche. Celle-ci connaît en effet un cloisonnement bipartite du fait de la recrudescence de janvier. Décembre d’une part, février et mars d’autre part, constituent deux creux pluviométriques au sein de la saison ((d’hiver ». A Jatibonico, décembre et février, les deux mois les plus secs de l’année, sont bien séparés par l’exaltation de janvier (janvier a 27,5 mm de pluies moyennes, décembre 11,5 et février 10). Cette recrudescence apparaît sur la carte à La Havane et à Central Lugareno. Bien que non distincte, elle n’en existe pas moins également à Central Moron (34 mm en janvier contre 20 à décembre et 22 à février) et à San Antonio : Madruga. Seule Camajuani s’écarte quelque peu de ce schéma hivernal. On trouve donc dans ce groupe les deux maxima de la période des pluies, et surtout deux creux au sein de la saison sèche, sans que la recrudescence de janvier accède au total de l’un des mois les moins pluvieux de l’hivernage. Il faut noter aussi que mai marque un début très net de la pluviosité. Dans certains cas, après les chutes modestes d’avril, les pluies de mai font penser au véritable « éclatement » de la période humide. Le total d’avril se trouve le plus souvent multiplié en mai par 2 ou 3. Quant à la régression préhivernale, elle peut être tout aussi brutale.

12Dans le deuxième groupe, à Gibara et Central Preston, on relève certains traits notés plus haut, mais avec des altérations. Si les pluies débutent toujours en mai, on retrouve, dans les deux cas, novembre encore pluvieux. La dépression de juillet-août subsiste, mais elle va en s’amplifiant par la diminution des totaux du mois le plus indigent et l’étalement des faibles pluies dans le temps. Enfin, décembre et janvier restent arrosés. Ainsi assiste-t-on, dans la partie orientale du littoral septentrional de Cuba, à une exagération de la dépression de juillet-août, au comblement de celle de décembre, et à une augmentation du total des pluies de janvier.

13Dans le troisième groupe, sauf à Nueva Gerone et Central Elia où des abats sensibles sont à noter dès avril, la période pluvieuse s’étend toujours de mai à octobre, avec éclatement préestival et brutale régression préhivernale. La dépression de juillet reste présente, quoique plus ou moins marquée. Le « style » pluviométrique de l’hivernage ne change donc pas, de la façade septentrionale à la façade méridionale de Cuba, même si, d’un bord à l’autre de l’île, les hauteurs d’eau varient. La différence avec le Nord est dans les conditions de période sèche. En effet, dans les stations du troisième groupe, janvier perd sa supériorité. A Cienfuegos, où décembre est le mois le plus sec de l’année, il n’est pas plus pluvieux que février ; tous deux le sont moins que mars et avril. A Central Elia, malgré une très légère recrudescence, janvier perd pratiquement le caractère qu’il avait au Nord. A Central Francisco, Pinar del Rio et Nueva Gerone, il ne se distingue plus des autres mois secs. Surtout, à Ensenada de Mora et Central Los Canos, ce mois devient le plus sec.

14Ainsi, le Nord de Cuba, qui s’apparente en cela aux Bahama, connaît, au coeur de la période froide, une recrudescence des pluies que n’a pas la façade caraïbe. C’est un fait important que nous retrouverons dans les autres grandes Antilles et qui est à la base de l’étude régionale des régimes pluviométriques.

C) REGIMES PLUVIOMETRIQUES ET DISSYMETRIES FONDAMENTALES

15Pour cela, nous avons repris, mois par mois, la comparaison entre Central Moron et Cienfuegos (légère dissymétrie conforme), Central Lugareno et Central Francisco-Central Elia (dissymétrie inverse) et, enfin, entre Gibara-Central Preston et Ensenada de Mora-Central Los Canos (légère dissymétrie conforme). Nous avons calculé pour chaque mois les rapports de pluviosité entre les stations confrontées. Le tableau 20 synthétise les différentes situations.

16Les aspects révélés par les cartes de Chamberlin se retrouvent sur ce tableau, surtout pour les deuxième et troisième groupes. Entre Central Moron et Cienfuegos, il y a tendance à l’égalisation au cours des mois les plus pluvieux et les plus secs. Ainsi en est-il en octobre et en février. Mais, à l’inverse du cas le plus général, la station septentrionale, sauf léger désavantage en août, l’emporte en « été » comme en « hiver » sur la station caraïbe. La dissymétrie conforme que nous avons relevée dans le bilan pluviométrique global est donc ici à attribuer à la fois aux dispositions estivales et hivernales. Cienfuegos, situé au fond d’une baie profonde, ne constitue toutefois pas un cas très démonstratif, car la position d’abri joue non seulement contre les influences septentrionales, mais aussi contre celles qui viennent du S.-E.

17Avec Central Lugareno, Central Francisco et Central Elia, les choses deviennent plus nettes. On retrouve en effet ici les trois tendances révélées par les documents de Chamberlin. La dissymétrie hivernale favorable au Nord est très bien réalisée. C’est elle qui offre les rapports les plus forts (en décembre et en janvier). Celle qui est favorable au Sud durant les mois de l’hivernage est également démonstrative. Enfin, pour des raisons diamétralement opposées, février, mai, juin et octobre tendent vers l’égalisation pluviométrique. Ce cas indique que la dissymétrie est plus brutale en hiver qu’en été. Il suggère donc que les pluies les plus massives tendent vers l’effacement ou, du moins, la réduction des écarts sur les différentes parties du territoire. La confrontation des dissymétries mensuelles et de la dissymétrie générale, ici favorable au Sud, prouve finalement que c’est la disposition aberrante de plusieurs mois d’été qui réussit à l’emporter sur la situation, conforme, des mois d’hiver. Ceux-ci, bien que les plus tranchés sont, en effet, les moins nombreux.

18De part et d’autre des hauts reliefs de l’Est cubain, les faits demeurent expressifs : fort contraste favorable au Nord en hiver, avantage durant 4 mois successifs au Sud, en été, tendance à l’égalisation pluviométrique au cours des mois les plus secs et les plus humides. Le bilan global s’établit ici au bénéfice du Nord. Ceci s’explique cette fois par l’importance des dissymétries de période sèche. Il faut insister sur ce point. En hiver, le creusement des écarts devient le plus important, d’une façon générale et aussi dans la mesure où les reliefs puissants s’intercalent entre les deux façades de l’île. En effet si les pluies estivales, tout en maintenant la dissymétrie favorable au Sud, n’offrent pas un écart considérable, les processus pluviométriques l’emportant sur l’action du relief, les pluies hivernales voient leur dissymétrie s’aggraver en accord avec la présence de ce relief. Les contrastes hivernaux favorables au Nord sont plus puissants sur la longitude de la sierra Maestra que plus à l’Ouest tandis que ceux de l’été n’y sont pas aggravés.

19Les bilans pluviométriques généraux ont fait entrevoir que les notions de côtes exposées et de côtes abritées sont plus complexes qu’il n’est admis ordinairement. L’analyse détaillée des régimes de Cuba en fournit une preuve éclatante. Les autres îles vont en donner confirmation.

III. — HISPANIOLA

A) LA REPARTITION DES AMPLITUDES DE REGIMES

20L’amplitude générale est de 4 entre mai et février. Mais le jeu des moyennes vient, là encore, estomper les dispositions réelles. Nulle part plus qu’à Hispaniola les amplitudes peuvent être considérables. A Dessalines, il pleut 126 fois plus en juin qu’en décembre. Il tombe à Desdunes 75 fois plus d’eau en septembre qu’en décembre (moyennes calculées sur 10 ans de relevés). A Verrettes (sur 13 ans), il pleut 46 fois plus en août qu’en janvier, à Hinche (sur 13 ans), 40 fois plus en mai qu’en janvier, à Gonaives (15 ans de relevés), 30 fois plus en mai qu’en janvier également. Il y a en outre plusieurs rapports proches de 20. On rencontre par ailleurs sur cette île des contrastes faibles, de l’ordre de 3. On doit donc en conclure que les amplitudes de régimes sont très variables et répondent à des conditions très dissemblables.

21En Haïti se situent les écarts de loin les plus considérables, entre autres, tous ceux dont il vient d’être question. Sur les 17 stations dominicaines, par contre, seule Barahona a une amplitude supérieure à 10 (13), bien que les conditions de pluviosité générale soient très variables. C’est en Haïti que la relation entre ces conditions et les contrastes saisonniers extrêmes semble le mieux respectée. Les stations côtières et subcôtières du Nord et du Sud ont des écarts relativement faibles par rapport à ceux que l’on trouve à l’intérieur et surtout sur la façade du golfe de la Gonave. Tandis que cette dernière est très sèche, les deux autres côtes sont arrosées. Aux valeurs de 3 (Port-de-Paix), 4 (Limbé, Grande Rivière et les Cayes), 6 (Ouanaminthe), 7 (Gaillard), 9 (Cap Haïtien) répondent celles de 19 (Grande Saline), 26 (Anse à Galet), 30 (Gonaives) et 75 (Desdunes). Pourtant, comme en République dominicaine, on peut s’étonner de certains faits aberrants. Il pleut passablement à Dessalines, Verrettes et à Hinche où les écarts saisonniers sont supérieurs à 40. Il pleut davantage encore à Maissade où l’amplitude, bien que moins importante, n’en reste pas moins de 28. Mais surtout on relève à Mirebalais, l’un des points les plus arrosés de l’île, un écart de 12 qui n’est pas éloigné de celui de deux stations dont la médiocrité pluviométrique est établie, Thomazeau (18) et Ganthier (10).

22Hispaniola apporte donc bien la preuve que si, en général, les régions les plus pluvieuses d’un territoire sont les moins contrastées, il ne faut pas s’attendre à un lien obligé entre ces deux aspects.

B) REPARTITION REGIONALE DES FAMILLES DE REGIMES (figure 101)

23L’île se divise, dans le sens de la longueur, en deux parties. Les régimes, comparables, de la façade septentrionale s’étendent très peu vers l’intérieur en Haïti. Ils semblent s’étaler vers le Sud beaucoup plus largement en République dominicaine. C’est ainsi que Port-de-Paix, Limbé, Cap Haïtien, Pilate à l’Ouest, Puerto Plata, Sanchez, Samana, San José de las Matas, Santiago, Jarabacoa, Moca, La Vega, San Francisco de Macoris et Constanza à l’Est, constituent un ensemble où les régimes ont des traits communs. Dans toutes ces stations, deux maxima pluviométriques se placent entre mai et octobre. Mais l’originalité de l’hivernage vient de la régression intermédiaire. C’est ainsi que l’on retrouve, sur certains points, la tendance à l’épanouissement et à l’approfondissement du minimum de juillet-août déjà rencontrée au Nord de la sierra Maestra. Ce fait peut prendre ici une importance toute particulière. A Limbé, juillet devient le mois le plus sec de l’année ; à Cap Haïtien c’est le cas pour juillet et août, à Puerto Plata pour juin, juillet et août, et, vers l’intérieur, à San José de las Matas, pour juillet. Mais, même là où l’on ne relève pas, à cette époque de l’année, les pluies les plus indigentes, le fléchissement de la pluviosité n’en est pas moins réel. L’unité de cette famille de régimes se justifie pourtant essentiellement en période fraîche.

24Si l’on envisage l’allure des pluies entre décembre et avril on constate que décembre et janvier, pour correspondre le plus souvent à un fléchissement de la pluviosité par rapport à novembre, n’en conservent pas moins de fortes précipitations. A Port-de-Paix, décembre et janvier sont les plus arrosés de l’année après novembre et octobre. A Limbé où les pluies sont soutenues en toutes saisons, décembre et janvier sont nettement plus pluvieux que juillet et août. Il en est de même à Cap Haïtien. A Puerto Plata, décembre et janvier sont les mois les plus humides après novembre. Décembre est même le plus arrosé à Samana. On retrouve de fortes précipitations en décembre et même janvier au Sud de la cordillère septentrionale, dans la dépression de Cibao. Le groupe septentrional d’Hispaniola se signale donc par un renforcement des tendances, surtout hivernales, notées au Nord de Cuba. D’ailleurs, décembre et janvier peuvent devenir à Hispaniola tellement arrosés, qu’arrêter la période des pluies en octobre ou novembre est purement conventionnel. Dans certains cas, les conditions sont telles que l’on doit repousser la fin de la saison pluvieuse à fin décembre ou même fin janvier. En ce sens, il y a quand même un fait nouveau par rapport au Nord de Cuba et les Bahama.

25Toutes les autres stations de l’île peuvent être groupées pour constituer un deuxième type pluviométrique. On y retrouve les maxima entre mai et octobre. On y relève également la dépression de juillet. Mais le fait qui doit retenir l’attention est la sécheresse de décembre et de janvier. D’une façon générale, en Haïti, ces deux mois deviennent les plus secs de l’année. Ils sont parmi les plus indigents en République dominicaine. Le passage entre les deux styles est brutal en Haïti. La preuve en est donnée par la comparaison de stations aussi proches les unes des autres que le sont Port-de-Paix et Limbé de Gros Morne.

26A Hispaniola se présente donc l’opposition entre deux régimes qui créent une dissymétrie N. - S. rappelant celle que nous avons vue s’esquisser à Cuba. Mais ici, la largeur de l’île, son relief et aussi le plus grand nombre de stations, donnent plus de consistance au style caraïbe. Ce qui frappe le plus, finalement, c’est qu’en Haïti les reliefs massifs stoppent très vite toute tendance à l’expansion vers le Sud du style septentrional, alors qu’en République dominicaine celui-ci réussit à passer au Sud de la cordillère côtière.

27Il est intéressant de remarquer enfin que les stations de l’Est de l’île, Samana pouvant être considérée comme telle, sont pluvieuses en décembre et janvier, alors que celles de l’Ouest (Gonaives, Grande Saline etc.) ne le sont pas.

28La limite des deux familles de régimes dessine une diagonale qui parcourt l’île du N.-W. au S.-E.

C) REGIMES PLUVIOMETRIQUES ET DISSYMETRIES FONDAMENTALES

29Entre Port-de-Paix, Limbé, Cap Haïtien, Grande Rivière et Gaillard-Jacmel, la pluviosité moyenne annuelle est la même. Les rapports de dissymétrie mois par mois (tableau 21), font apparaître les faits suivants. En janvier-février et novembre-décembre, l’avantage pluviométrique est au Nord ; le reste du temps il est au Sud. Or, si les mois hivernaux favorables au Nord sont moins nombreux que les autres, ils le sont massivement. C’est cela qui explique l’équilibre annuel. De mars à octobre, les dissymétries ne dépassent pas 1,6. En janvier et février elles se rapprochent de 2, en novembre de 3. En décembre, elles dépassent largement 4. Nous retrouvons donc un schéma connu : dissymétrie inversée en été, mais conforme, et ceci fort nettement, en période hivernale, au moment où les pluies sont d’ailleurs les moins intenses.

30Entre Puerto Plata et Barahona, la dissymétrie générale, très favorable au Nord, est de l’ordre de 2. Les dispositions mensuelles font apparaître une certaine altération du schéma précédent (tableau 21). Au cours de la période des pluies, l’avantage n’est plus systématiquement au Sud (cas de juillet-août). En dehors de l’été, le privilège du Nord devient plus important que précédemment par le nombre de mois impliqués (novembre-décembre et janvier à avril, soit 6 mois contre 4). La valeur des dissymétries est de même plus grande. En décembre, janvier et février, il pleut au moins 10 fois plus sur l’Atlantique qu’au Sud. Ainsi le rapport global, très favorable au Nord, est-il, par référence à l’exemple précédent, le fait des modifications estivales et surtout de l’aggravation des conditions pluviométriques de saison sèche. En ce sens, l’étude détaillée des dissymétries vient à l’appui des aspects dégagés dans le découpage régional.

31Entre Samana, Sanchez, d’une part, San Pédro de Macoris, Santo Domingo et la Romana, d’autre part, les faits se modifient encore (tableau 21). Le recul de l’avantage estival relevé sur le méridien de Puerto Plata se précise. Les aspects les plus généraux de l’évolution se maintiennent pourtant. Les dissymétries, ici conformes, de l’été, sont beaucoup moins importantes que celles de la saison sèche. Les localités de Samana et de Sanchez sont d’ailleurs dans une position telle qu’elles peuvent profiter en saison chaude des influences venues du S.-E. Par là s’explique que leur avantage puisse se maintenir tout au long de l’année à l’égard des stations méridionales. Il est vrai que la même absence de dissymétrie mensuelle inverse se retrouve dans l’Est de la Jamaïque et sur l’ensemble de Porto Rico.

32Il est intéressant pour terminer d’opposer Samana et Gonaives (tableau 21). Dans cette dernière localité, il tombe en moyenne 5 fois moins d’eau que dans la première. Or, à aucun moment de l’année il n’y a renversement de la dissymétrie. Celle-ci est même toujours très marquée : appréciable en été, massive en période sèche. Ces dispositions s’expliquent. Gonaives, et toute la côte du golfe de la Gonave, est en position d’abri aussi bien par rapport à la Caraïbe qu’à l’égard de l’Atlantique. Pourtant, cette confrontation montre encore que la tendance est en été, sinon à l’égalisation, du moins à l’écrasement des contrastes pluviométriques sur les différents points d’une île. En effet, les écarts estivaux entre Samana et Gonaives, pour sensibles qu’ils soient, n’en sont pas moins minimes par rapport à ceux de la saison sèche.

IV. — LA JAMAÏQUE

A) LA REPARTITION DES AMPLITUDES DE REGIMES

33L’écart moyen entre les deux mois extrêmes est compris entre 3 et 4. Or, cette amplitude générale est beaucoup plus conforme à celles calculées pour chaque station, que dans les cas de Cuba et surtout d’Hispaniola. En effet, sur 22 stations consignées, la moins arrosée, Kingston, a un rapport de 12, et une, un rapport de 8. Les 20 autres ont un écart égal tout au plus à 6. L’homogénéité dans les faibles contrastes est en accord avec la présence de pluies appréciables sur l’île. En outre, c’est bien là où la pluviosité est minimale que l’écart est le plus fort.

34Comme Hispaniola, toutefois, la Jamaïque comporte des cas aberrants. Kingston est la localité la moins pluvieuse et la plus contrastée ; les trois stations du pied Nord des Montagnes Bleues, qui sont parmi les plus humides sont aussi parmi les plus égales. Il se trouve pourtant que le même écart (6) se présente sur les stations intérieures arrosées de Cambridge, Balaclava, Stony Hill et sur les stations côtières ou subcôtières caraïbes plus sèches d’Alligator Pond et Spanish Town. Il semble, en tout cas, que les dispositions hivernales ne soient nulle part très éloignées de celles de l’été. Or, compte tenu de la tendance à l’égalisation estivale, générale sur les îles, les hivers ne doivent pas être ici aussi indigents qu’ils le sont, par endroits, à Hispaniola et à Cuba. En d’autres termes, il faut admettre qu’en Jamaïque, ce sont les hivers relativement pluvieux qui tendent à refermer l’éventail des pluies (ceci contribuant aux forts totaux annuels, d’où l’accord satisfaisant qui s’établit entre ceux-ci et l’écrasement des écarts). Le tableau 22, donnant la moyenne pluviométrique générale des différentes Grandes Antilles pour les deux saisons, confirme ce point de vue.

35En comparant Cuba à la Jamaïque, on constate que la moyenne des pluies d’été augmente seulement dans la proportion de 1 à 1,2, tandis que celle des pluies d’hiver varie du simple au double. D’Hispaniola à la Jamaïque, les faits sont moins démonstratifs, bien que la même tendance se maintienne : relation de 1 à 1,2 en été, de 1 à 1,5 en hiver. Entre Porto Rico et la Jamaïque les conditions sont voisines. On voit par là que les pluies d’été jamaïcaines sont comparables à celles de Cuba et d’Hispaniola, tandis qu’en hiver la Jamaïque est plus arrosée que ses voisines. Ce qui éclaire bien l’écrasement des amplitudes de régime dans l’île.

B) REPARTITION REGIONALE DES FAMILLES DE REGIMES (figure 102)

36Basée sur les seuls diagrammes, cette répartition réunit dans un premier groupe, les stations de Port Maria, Buff Bay, Port Antonio, Fellowship, Bath, Morant Point Light et aux limites, Falmouth et Morant Bay. Tout le reste de l’île s’oppose par le style hivernal à cette région. Il est bon de distinguer toutefois les stations intérieures de celles de la façade caraïbe.

37Dans le premier groupe, la pluviosité s’accroît fortement en mai. A Morant Point Light, mai a presque trois fois plus d’eau qu’avril. Le schéma dégagé à Cuba et surtout à Hispaniola se retrouve avec deux maxima séparés par un minimum estival. Celui-ci peut devenir, tout comme à Cap Haïtien et Puerto Plata, le minimum principal. Ainsi en est-il à Falmouth. Le parallélisme entre la façade Nord et Nord-Est de la Jamaïque et la façade Nord d’Hispaniola est d’ailleurs complet. Buff Bay et Port Antonio, comme Sanchez et Samana, connaissent en été un fléchissement pluviométrique beaucoup moins marqué que plus à l’Ouest. Mais surtout, les stations de la côte Nord et Nord-Est des deux îles ont de fortes pluies en décembre et, pour la plupart, en janvier. Janvier garde des précipitations qui peuvent être massives. Tel est le cas à Buff Bay, Port Antonio et Fellowship. Là encore il y a recul de la fin de la saison pluvieuse jusqu’au début de février. Cette disposition est d’autant plus nette que décembre et janvier ont le plus souvent plus d’eau que les mois de la période estivale dépressionnaire. Les régimes pluviométriques, sur les côtes Nord et Nord-Est de la Jamaïque et d’Hispaniola, ont donc, surtout par les conditions hivernales, un style commun.

38Un deuxième groupe réunit les stations côtières et subcôtières de Negril Point Light House, Savannah la Mar, Black River, Alligator Pond, Old Harbour, Spanish Town et Kingston. On retrouve la poussée de mai et les deux maxima estivaux séparés par la régression intermédiaire. Mais une fois encore, la distinction entre façades septentrionale et méridionale vient de l’allure des pluies de décembre et de janvier. Ici, ces mois sont parmi les plus secs, sinon les plus secs de l’année. Ils sont, avec février, les plus indigents à Negril Point Light House ; à Savannah la Mar aucun autre mois n’atteint leur sécheresse. A Black River le minimum de l’année est sur janvier. Tout comme à Hispaniola et à Cuba, à une façade Nord pluvieuse en hiver répond donc une côte Sud peu ou relativement peu arrosée.

39Le troisième groupe réunissant les stations intérieures de Darliston, Balaklava, Christiana, Chapelton, Linstead et Stony Hill, va permettre de fixer une limite entre ces deux styles. L’hivernage y est fort pluvieux, la régression estivale se marquant peu. Décembre et janvier y sont secs ou même les deux mois les plus secs de l’année. La régression pluviométrique de l’hiver apparente donc les régions montagneuses du centre de l’île à la façade méridionale. La dissymétrie hivernale amène ainsi à opposer les parties méridionales et intérieures de la Jamaïque à la frange septentrionale. Si l’on ne tient compte que du critère hivernal, la limite séparant les deux styles se situe sur le méridien de Falmouth, au plus près de la côte Nord. Cette limite se maintient ainsi jusqu’à Morant Bay sans qu’il soit possible, faute de renseignements, d’en fixer le cheminement dans le massif des Montagnes Bleues

40L’esquisse régionale des régimes jamaïcains reproduit à peu près celle d’Hispaniola.

C) REGIMES PLUVIOMETRIQUES ET DISSYMETRIES FONDAMENTALES

41Envisageons les dispositions mensuelles de la dissymétrie générale inverse Falmouth-Black River (rapport 1,3), de la dissymétrie conforme Port Antonio-Kingston (rapport 4) et de celle qui existe entre ce même Port Antonio et Negril Point Light House (rapport 2,4) (voir pour les deux premiers cas le tableau 23).

42Là, encore, les dispositions sont en tous points comparables à celles d’Hispaniola. A l’Ouest de l’une comme de l’autre île, la dissymétrie est favorable au Nord, de novembre à février. L’avantage est au Sud pendant 8 mois consécutifs. Entre Port-de-Paix, Limbé, Cap Haïtien, Grande Rivière et Gaillard-Jacmel, les deux tendances s’annulent. A l’Ouest de la Jamaïque, le Sud l’emporte sur le Nord parce que les rapports hivernaux sont écrasés et ne réussissent pas à contrebalancer une dissymétrie estivale massive à la fois dans sa durée et son intensité. Ce dernier point constitue une originalité. Alors que décembre et janvier donnent 2 fois plus de pluies à Falmouth qu’à Black River, Black River en a 2 fois plus que Falmouth en avril, 2 fois et demie plus en août et plus de 3 fois plus en juillet. La station du Nord-Ouest connaît alors son minimum annuel. Nous avons expliqué les dissymétries conformes reconnues précédemment par une influence déterminante de l’hiver. La dissymétrie jamaïcaine inverse révèle une intervention estivale non moins déterminante, et qui rappelle celle relevée à Cuba sur le méridien de Central Francisco.

43A l’Est, même physionomie qu’entre Samana-Sanchez et San Pedro de Macoris-Santo Domingo-La Romana. A aucun moment, l’avantage ne revient au Sud entre Port Antonio et Kingston. Toutefois l’exagération des écarts se situe en période hivernale, ce qui est conforme au schéma déjà dégagé. Il faut remarquer cependant que ces écarts sont, au cours de l’année, beaucoup plus marqués de part et d’autre des Montagnes Bleues qu’ils ne le sont entre le Nord et le Sud, à l’Est d’Hispaniola. La barrière montagneuse jamaïcaine interdit donc toute possibilité mensuelle de dissymétrie inverse. Malgré un certain écrasement des contrastes, elle maintient, même en été, une forte dissymétrie conforme. Cette constatation nuance mais ne détruit pas ce qui a été constaté en période estivale, de part et d’autre de la sierra Maestra, où le relief n’est pas capable d’empêcher une certaine égalisation des pluies. Il est donc à présumer que suivant le degré de puissance des deux facteurs antagonistes estivaux que sont le relief et les processus pluviométriques, la dissymétrie inverse, l’égalisation ou le maintien d’une disposition conforme en résulteront. Il est bon d’ajouter que tout comme Samana, Port Antonio n’est pas à l’abri des influences estivales d’E.-S.E.

44Enfin, entre Port Antonio et Negril Point Light House, le rapport est chaque mois favorable à l’Est, exactement comme il l’était entre Samana et Gonaives. Le fait est parfaitement visible à la seule lecture des totaux mensuels. Nous n’avons pas cru devoir calculer ici les écarts.

45Hispaniola et la Jamaïque diffèrent par leur pluviosité. Mais les deux îles sont étonnament proches par leurs « styles » pluviométriques. Même tendance du point de vue des dissymétries générales, mêmes dispositions dans l’incidence des régimes sur ces dissymétries, même opposition entre une famille de régimes septentrionaux maintenus en façade et une famille de régimes méridionaux qui s’enfoncent loin vers l’intérieur. On retrouve l’essentiel de ce dessin à Cuba. Pourtant l’organisation même des divers éléments n’y apparaît pas avec une similitude aussi parfaite. Porto Rico garde les aspects les plus généraux si bien réalisés à la Jamaïque et à Hispaniola. Mais tout comme Cuba, elle en diffère par quelques côtés.

V. — PORTO RICO

A) LA REPARTITION DES AMPLITUDES DE REGIMES

46L’amplitude moyenne, inférieure à 3 est la plus faible parmi celles que nous ayons rencontrées aux Grandes Antilles. Tout comme à la Jamaïque, elle est en bon accord avec les amplitudes vraies. Si l’on envisage la région de l’île la plus arrosée (c’est-à-dire l’ensemble, mise à part la mince bande de la façade caraïbe) on n’y relève aucun écart supérieur à 8. L’homogénéité est telle que, sur à peu près les 3/4 des 65 cas analysés, il ne tombe pas plus de 4 fois plus d’eau durant le mois le plus arrosé que durant le plus sec. Sur la frange méridionale la sécheresse s’accompagne de plus grandes amplitudes. Des 15 stations retenues, la plus contrastée ne dépasse cependant pas le rapport de 18.

47La faible variation générale est en accord avec la forte pluviosité de l’île grâce à sa latitude. Cette relation se confirme du fait que les écarts les plus importants sont au Sud. On doit cependant remarquer, là encore, que des contrastes identiques (égaux ou inférieurs à 6) se retrouvent, sur toute l’île, entre des points de pluviosité moyenne très différente. L’amplitude est la même à San Sébastian, Maricao et Ponce, dont les totaux sont respectivement de 2 408, 2 625 et 900 mm. La contradiction entre ces faits est relative car Porto Rico montre, comme les autres îles, que c’est où l’écart est le plus faible que les pluies hivernales restent les plus abondantes relativement aux pluies d’été.

B) REPARTITION DES FAMILLES DE REGIMES (figure 103)

48Comme il n’y a aucune anomalie du genre de celle que nous avons relevée au N.W. de la Jamaïque et d’Hispaniola, nous ne nous préoccuperons ici que de la distinction majeure entre régions où les pluies sont importantes jusqu’en janvier (et au moins décembre), et celles où ces deux mois sont parmi les plus secs. La répartition de ces deux styles est claire autour de l’île. Le Nord et l’Est s’y opposent au Sud et à l’Ouest.

49Au Nord de Porto Rico, c’est-à-dire d’Isabella et surtout d’Arecibo à Fajardo, et à l’Est jusqu’à Yabucoa, décembre et janvier prolongent la saison pluvieuse. La recrudescence pluviométrique apparaît toujours en mai ; une certaine régression se situe fin novembre. La dépression de juin-juillet, lorsqu’elle existe encore, n’est que peu marquée, surtout à l’Est. La façade méridionale qui comprend la zone littorale et sublittorale, s’interrompt entre Patillas Dam et Maunabo, là où la côte cesse de faire face au Sud. On y retrouve le début des pluies en mai, une dépression de juin-juillet qui peut être nette, et une régression en novembre. Mais décembre et janvier ne sont plus pluvieux. Ces deux mois deviennent même parmi les plus secs, sinon les plus secs de l’année. La façade occidentale de Porto Rico s’apparente à ces dispositions. Ainsi relevons-nous ici tout comme à Hispaniola et à la Jamaïque, la dissymétrie à caractère hivernal entre le Nord et le Sud et entre l’Est et l’Ouest. Dans les trois îles, la tendance est en effet au rapprochement de l’Ouest et du Sud, d’une part, de l’Est et du Nord, d’autre part.

50La question qui se pose maintenant est de savoir quelle limite assigner, à l’intérieur, à ces deux familles de régimes. L’observation des diagrammes montre que Porto Rico est, beaucoup moins nettement que la Jamaïque et Hispaniola, pénétré par le style méridional. Le style septentrional s’enfonce certainement fort avant vers le Sud, au moins au centre et à l’Est de l’île. Les reliefs sommitaux porto ricains sont en effet décalés vers le Sud, laissant non seulement à la pluviosité générale mais aussi aux influences septentrionales hivernales, un champ d’action plus vaste vers l’intérieur que dans les autres Grandes Antilles.

C) REGIMES PLUVIOMETRIQUES ET DISSYMETRIES FONDAMENTALES

51Entre Arecibo-Barceloneta-Dorado et San Juan d’une part, Ensenada-Ponce-Santa Isabel et Aguirre d’autre part (tableau 24), la dissymétrie générale est de 1,7. Elle recouvre une dissymétrie qui se maintient, conforme, au cours de 10 mois de l’année, tandis que l’égalisation est obtenue en septembre et octobre (où se dessine toutefois une très légère disposition inverse). On a groupé les stations. Il peut sembler discutable de faire ici ce que l’on n’a pas fait pour les autres Grandes Antilles. A Cuba, Hispaniola, la Jamaïque, en effet, les dissymétries ont été suivies sur diverses longitudes, ce qui réservait la possibilité de la mise en évidence d’inversions. La position prise pour Porto Rico s’explique par le fait que, sauf en octobre, les stations comparables sur chaque méridien indiquent que le Nord l’emporte sans cesse sur le Sud. Ainsi, nous ne retrouvons pas ici la tendance qui se révélait à l’Ouest de la Jamaïque et même d’Hispaniola. Le tableau montre que c’est l’hiver qui enregistre les rapports les plus importants. C’est donc à leur intervention que la dissymétrie générale doit surtout d’exister.

52La dissymétrie E.-W. que nous trouvions aux latitudes de Samana et de San Antonio n’existe pas ici. La pluviosité substantielle de Mayaguez et de Coloso constitue même un fait important qui demande à être éclairé. Or, la comparaison des pluies mensuelles entre San Cristobal et Mayaguez y aide. Le tableau 24 révèle une répartition des rapports, conforme à ce qui se passe entre deux régimes dont l’un est dominé par une influence hivernale sensible (à l’Est) et l’autre par une action estivale également marquante (à l’W.). Nous découvrons que l’été à Mayaguez, toujours « sous le vent » de l’île, peut l’emporter sur une station qui, en toute saison, est « sous le vent » de l’Atlantique. L’absence de dissymétrie générale entre l’Est et l’Ouest est donc liée à une pluviosité estivale qui peut aller jusqu’à créer une disposition inverse. La constatation est d’importance car il n’y a pas de cas identique à Hispaniola et à la Jamaïque. La masse porto ricaine n’a pas, en été, le rôle déterminant que jouent pour leurs parties occidentales les masses jamaïcaine et dominicaine. C’est que des influences locales interviennent à Mayaguez qui font sans doute une large part aux processus convectifs de l’hivernage.

53Cet exemple, dans une disposition géographique démonstrative, suggère donc que, lorsqu’il y a dissymétrie inverse ou, simplement tendance à l’égalisation des pluies, la situation peut être le fait de phénomènes convectifs locaux sur une région restant « sous le vent ». Les dissymétries inverses aux Petites Antilles ne peuvent a priori procéder, pour la plupart, que de cela.

54L’hypothèse « convective » a d’ailleurs une valeur générale. Mirebalais est en position aberrante par rapport aux conditions favorables aux pluies, du point de vue altitude et exposition. La station n’en connaît pas moins, avec 2 834 mm, le deuxième total d’Hispaniola. Là aussi, tout comme à Mayaguez, il faut bien admettre la massivité et la fréquence des phénomènes convectifs.

CONCLUSION SUR L’ETUDE PLUVIOMETRIQUE REGIONALE DES GRANDES ANTILLES : LE SCHEMA

55L’étude régionale montre la nécessité d’articuler l’explication du temps selon le rythme pluviométrique saisonnier. On envisagera la saison sèche, puis la saison pluvieuse (avec l’éclatement de mai) la régression de juin-juillet-août et le deuxième maximum. Cette explication aura donc pour objet majeur d’éclairer le rythme quadripartite des pluies aux Grandes Antilles.

56Chemin faisant, elle permettra de dégager les dispositions thermiques reconnues dans la première partie et sur lesquelles nous n’avons pas cru devoir revenir.

57Mais elle aura aussi dans ce contexte, à éclairer le cloisonnement des îles en familles de régimes, différenciées surtout par la pluviosité hivernale.

58Elle devra résoudre enfin le problème fondamental des dissymétries. A ce sujet, plus encore que les bilans moyens annuels, les dispositions mensuelles montrent combien nous sommes loin dans les faits, de la distinction classique entre côtes « au vent » arrosées et côtes « sous le vent » nécessairement plus sèches. Ce qui vient d’être dit suggère non seulement l’intervention différentielle, selon la saison, des directions de flux, mais aussi la nature même des processus pluviométriques (pluies de convection, perturbations plus ou moins épaisses etc.). En tout état de cause, on peut dire qu’une part essentielle des dissymétries générales conformes revient aux dispositions hivernales. Ce sont les dispositions estivales inverses qui expliquent la possibilité de dissymétries générales aberrantes.

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