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5. Signification et portée de l’étude humboldtienne de l’homme américain
p. 385-393
Texte intégral
1. — Ancienneté géologique et peuplement
1Que peut-on conclure de cette étude d’anthropologie ?
2En produisant les textes de notre auteur, nous croyons avoir suffisamment prouvé ce que nous avancions plus haut ; Humboldt a énoncé, à propos de l’origine de l’Indien américain, la quasi totalité des hypothèses qui ont retenu par la suite l’attention des anthropologistes.
3Une simple référence à l’œuvre, désormais classique, de Paul Rivet, sur les origines de l’homme américain, permet de mieux mesurer la qualité du travail créateur de Humboldt. Paul Rivet étudie attentivement dans son livre les problèmes du peuplement de l’Amérique par l’Asie, l’Australie, la Mélanésie et la Polynésie1 ; il envisage à part le problème esquimau, celui de l’élément blanc et des pygmées, et celui des Normands. Si l’on compare ces principales têtes de chapitre aux thèmes traités plus ou moins en détail par Humboldt, on s’aperçoit que celui-ci a oublié seulement l’hypothèse australienne et mélanésienne. Pour le reste, Humboldt passe en revue toutes les possibilités de peuplement par migrations, en supposant même l’existence de races primitives qui auraient disparu ou se seraient mêlées à des peuplades venues d’abord d’Asie, puis d’autres continents. Mais il est incontestable que, comme nous l’indiquions plus haut, Humboldt a succombé malgré tout au préjugé géographique, qu’il partageait avec tous ses prédécesseurs, surtout les Espagnols, à cause de la proximité du continent asiatique et de l’Amérique.
Le préjugé géologique de Humboldt
4Ce « préjugé » ne se fonde pas surtout sur un voisinage évident, déjà relevé par Acosta, mais sur l’étude géologique du Nouveau Continent. On pourrait dire que son préjugé est plus « géologique » que géographique.
5Il répète constamment que l’examen attentif de la constitution géologique de l’Amérique ne permet pas d’admettre :
« ...que le nouveau continent soit sorti des eaux plus tard que l’ancien. On y observe la même succession de couches pierreuses que dans notre hémisphère, et il est probable que, dans les montagnes du Pérou, les granités, les schistes micacés ou les différentes formations de gypse et de grès ont pris naissance aux mêmes épcques que les roches analogues des Alpes de la Suisse. Le globe entier paraît avoir subi les mêmes catastrophes »2.
6Une telle définition, nouvelle à une époque où tout le monde croyait à la jeunesse du Nouveau Continent, n’est assurément pas contestable. L’examen d’une carte géologique du globe nous en convainc : le bouclier canadien, le Massif Guyano-Brésilien, les Cordillères sont, du point de vue géologique, identiques aux plus anciens massifs de l’Ancien Monde3. La conception buffonienne de l’immaturité géologique de l’Amérique se trouve donc totalement renversée. Il revient sur ce problème dans les Tableaux de la Nature, où il écrit, à propos des préjugés répandus sur la jeunesse du Nouveau Continent :
« Des écrivains, d’ailleurs justement célèbres, ont trop souvent répété que l’Amérique est, dans toute l’acception du mot, un nouveau-continent. Cette richesse de végétation, les immenses cours d’eau dont elle est arrosée, la puissance et la fermentation continuelle des volcans, annoncent suivant eux que la terre, toujours tremblante et encore détrempée, est là plus voisine que dans l’Ancien Monde de l’état primordial du chaos. Longtemps déjà avant le commencement de mon voyage, de telles idées m’avaient paru aussi peu philosophiques que contraires aux lois physiques généralement reconnues. Ces images capricieuses de jeunesse et d’agitation, opposées à la sécheresse et à l’inertie de la terre vieillissante, ne peuvent prendre naissance que dans les esprits qui se font un jeu de chercher des contrastes entre les deux hémisphères et ne se donnent pas la peine d’embrasser d’un coup d’œil général la structure du corps terrestre »4.
7Un savant ne peut admettre que l’Italie méridionale soit plus récente que l’Italie du Nord, parce que la première est : « ...presque incessamment tourmentée par des tremblements de terre et des éruptions volcaniques ». On ne peut, en aucun cas, comparer les secousses telluriques et les éruptions des volcans américains « pauvres phénomènes » d’aujourd’hui, « ...avec les révolutions de la nature que doit supposer le géologue dans l’état de chaos, pour expliquer le soulèvement, la solidification et la rupture des masses de montagnes »5.
8On retiendra surtout de ces lignes son désaccord avec les idées et les méthodes de Buffon. Celui-ci recherche dans l’histoire de la Nature les oppositions, les contrastes, comme Linné établissait, en botanique, une classification fondée sur les différences sexuelles des plantes, au lieu de rechercher les caractères identiques. On remarquera aussi comment Humboldt relie l’activité scientifique (« les lois physiques généralement reconnues »), à la philosophie générale de l’harmonie de la Nature et du Monde compris comme un tout indissociable. En affirmant qu’avant son voyage il était déjà convaincu de la fausseté de la méthode buffonienne, fondée sur la recherche des contrastes, il réitère son attachement aux vues synthétiques de Diderot et de Goethe, dont nous croyons avoir montré l’influence déterminante sur la formation de sa pensée. Mais sa conception unitaire de l’univers, si féconde dans l’histoire des idées, le conduit à une conclusion erronée sur l’ancienneté du peuplement de l’Amérique.
L’homme américain, aussi ancien que l’homme de l’Ancien Monde ?
9« Rien ne prouve, écrit-il, que l’existence de l’homme soit beaucoup plus récente en Amérique que dans les autres continents »6. Sans doute, les conditions naturelles sous les tropiques, (force de la végétation, largeur des fleuves et inondations partielles) « ...ont mis de puissantes entraves aux migrations des peuples » ; mais la faible densité du peuplement du Nouveau Mexique et du Paraguay, comparable à celle de l’Asie boréale, ne prouve pas une occupation récente : « il n’est pas nécessaire, affirme-t-il, de supposer que les contrées les plus anciennement habitées soient celles qui offrent la plus grande masse d’habitants »7.
10Dans ce domaine, Humboldt s’est incontestablement trompé. Cependant, on remarque que son affirmation n’est pas tellement catégorique : « rien ne prouve », « soit beaucoup plus récente ».
11Malgré cette affirmation nuancée, Humboldt énonce fort prudemment une série de considérations qu’il est bon d’examiner. Dans un ouvrage écrit une vingtaine d’années après la publication de ses premières œuvres américaines, il reprend l’étude des relations possibles entre l’Asie et l’Amérique. Après avoir fourni les coordonnées géographiques, il calcule les distances, en lieues marines, qui séparent les diverses terres du globe.
12Il remarque que l’Asie et l’Amérique, dans leur partie la plus septentrionale, ne sont séparées que par un bras de mer de 17 1/2 lieues marines. Des deux côtés du détroit, on trouve la même flore. La présence d’îles nombreuses à l’Ouest du continent asiatique, îles qui forment une chaîne presque ininterrompue depuis les Kouriles jusqu’aux Philippines, a pu inciter les habitants des côtes de l’Asie à entreprendre des voyages maritimes.
« Cependant, précise-t-il en réfutant quelques auteurs modernes, on n’a encore aucune preuve, dans les temps historiques, que se soit réalisée cette navigation, ni qu’une découverte due au hasard, à la violence d’une tempête, pût être un motif de communications entre les deux continents »8.
13Mais il n’est pas invraisemblable « que quelque tempête ait entraîné les Japonais ou des Siampis de la race de Corée vers la côte Nord-Ouest de l’Amérique ». On remarque ici que Humboldt réserve son jugement sur l’hypothèse, qui devait être reprise avec bonheur par Paul Rivet, d’une migration par voie maritime à partir des îles du Pacifique.
L’obstacle boréal
14Reste alors la voie septentrionale, celle du détroit de Behring. Humboldt perçoit fort bien la difficulté majeure à laquelle se sont heurtés, par la suite, les américanistes. S’il lui semble « ...hors de doute que les monuments, les divisions du temps, les cosmogonies et les nombreux mythes... des peuples américains présentent de remarquables analogies avec ceux de l’Asie Orientale », il reconnaît cependant qu’il n’est pas possible « ...dans l’état actuel de nos connaissances, de résoudre d’une façon satisfaisante le problème de savoir par quelles voies la communication entre les deux continents a pu se faire, et par quels moyens la culture intellectuelle asiatique a pu se conserver en traversant les régions boréales »9.
15Humboldt pose ici le problème principal sur lequel les débats ont porté par la suite10. Car « la grande proximité de l’Asie et de l’Amérique correspond à une zone inhospitalière et glacée sous la latitude du Labrador, de la Mer de Hudson, du lac des Esclaves et du fleuve Anadyr ». C’est le seul lieu par où a pu se faire la communication avec l’Asie, car, en avançant vers le Sud,
« Les côtes des deux continents s’inclinent depuis le 60e parallèle en direction tellement opposée, et fuient, pour ainsi dire, l’une de l’autre, de telle manière qu’au 30e degré de latitude sur le parallèle de Nanking et de la Nouvelle Orléans, le littoral de la Chine s’éloigne de 123° du littoral de la Vieille Californie, c’est-à-dire de trois fois la distance qui existe entre l’Afrique et l’Amérique Méridionale »11.
16L’obstacle à une migration asiatique et surtout à la transmission d’éléments culturels, religieux et de civilisation aux peuples américains est donc clairement perçu ; il se rend compte combien difficile a pu être cette transmission, depuis l’Asie, à travers les régions les plus froides du globe. Ce n’est pas le lieu ici de passer en revue les systèmes qui ont pu être imaginés pour expliquer un passage, et surtout pour démontrer comment la culture intellectuelle asiatique « a pu se conserver » en traversant ces déserts de glace. C’est précisément en tenant compte de ce fait que Paul Rivet a démontré, de façon convaincante, d’une part, que le peuplement par l’Asie n’est pas l’unique origine des sociétés américaines, d’autre part, que ce peuplement n’a pu être que très tardif. Naturellement, Paul Rivet utilise les résultats les plus récents des sciences géographiques. Il ne s’agit plus de tenir compte du fait que les régions septentrionales de l’Amérique, par leur latitude élevée, n’offrent pas des conditions idéales, à cause du froid excessif qui y règne, pour la transmission des cultures asiatiques, mais d’un obstacle bien plus considérable. Paul Rivet rappelle que tout passage par le Nord de peuples venus d’Europe ou d’Asie, était impossible au quaternaire, ère à partir de laquelle on admet l’apparition de l’homme sur la terre, étant donné que le processus de glaciation, qui se manifeste alors, avait revêtu toutes les zones septentrionales d’une énorme couche de glace dont l’épaisseur variait entre 1 200 et 3 000 mètres. Les glaces recouvraient la moitié nord du Nouveau Continent, formant une barrière dont Paul Rivet indique les limites méridionales.
« Un obstacle absolu, conclut-il, s’opposait donc à toute communication entre l’Europe et l’Amérique du Nord, et bien que cet obstacle fût moindre entre l’Alaska et la Sibérie, il n’est pas douteux... que la voie du détroit de Behring n’a pas été accessible avant la fin de l’époque glaciaire »12.
17Il y a sans doute entre la perplexité de Humboldt devant l’obstacle boréal et les certitudes de Paul Rivet devant l’existence de la barrière glaciaire, une grande différence quantitative et qualitative d’optique. Il reste que le doute géographique humboldtien porte en lui le germe des futures hypothèses sur les migrations et l’ancienneté de l’homme en Amérique. Mais il aura fallu attendre plus de cent ans pour que nous soit offerte une explication satisfaisante de ces problèmes.
2. — Humboldt chiffre l’ancienneté du peuplement
La cosmogonie au secours de l’anthropologie
18En affirmant que l’existence de l’homme en Amérique n’est « pas beaucoup plus récente » que dans les autres continents », Humboldt, avons-nous écrit, s’est trompé. Il faut corriger maintenant ce jugement. De son temps, on était bien loin de se douter que l’homme était apparu sur le globe à des époques extrêmement reculées. On ne supposait pas une humanité vieille de 300 000 ou 400 000 ans. On essayait de dater l’ancienneté de l’homme en étudiant les cosmogonies des peuples réputés les plus anciens, tels que les Thibétains ou les Hindous. Humboldt n’a pas manqué de relever par les contrastes entre celles-ci et celles des Aztèques. Alors que la mythologie hindoue compte « quatre millions trois cent vingt mille ans », et que d’après les anciens Thibétains, « l’espèce humaine compte déjà dix huit révolutions, dont chacune a plusieurs padu exprimés par des nombres de soixante deux chiffres », l’étude attentive qu’il fait des quatre âges, ou époques de la Nature, de la religion mexicaine ne lui offre que 18 028 ans13. L’extrême différence entre les évaluations des peuples asiatiques et celles des Mexicains ne laisse pas de le surprendre et serait même une preuve de plus contre la thèse de l’origine asiatique14. Mais il est également étonné de l’ancienneté que représentent ces 18 028 ans. S’il fait la part de l’imagination des peuples dans ces « fictions cosmogoniques », il n’en déduit pas moins la certitude que les peuples américains sont plus anciens et plus civilisés qu’on ne le supposait alors : 18 028 ans, voilà un chiffre beaucoup plus reculé que celui allégué par Buffon, par exemple, lorsqu’il écrit que les traditions les plus anciennes des Péruviens remontent à 300 ans à peine. Robertson, qui ne fournit aucune précision chiffrée, se contente de supposer l’établissement en Amérique de quelques tribus sauvages tartares, en se fondant sur « ...les traditions que les Mexicains avaient sur leur propre origine, et qui, toutes imparfaites qu’elles étaient, avaient été conservées avec plus de soin et méritaient plus de confiance que celles d’aucun peuple du Nouveau Monde. Les Mexicains prétendaient que leurs ancêtres étaient venus d’un pays éloigné situé au Nord-Est de leur empire. La description que les Mexicains faisaient de la figure, des mœurs, de la manière de vivre de leurs ancêtres à cette époque, est une peinture fidèle des tribus sauvages de Tartarie dont je suppose qu’ils sont descendus »15.
19Dans cette interprétation très proche de celle de Buffon, l’origine des Mexicains se situerait à peine en deçà des temps historiques.
Une étrange concordance de dates
20Reprenons le chiffre (18 028 ans) qu’obtient Humboldt par le moyen d’une méthode peu sûre ; on s’aperçoit que cette évaluation est étrangement proche de celle des anthropologistes actuels. En se fondant sur les travaux les plus récents, et surtout sur ceux qui ont permis, par le procédé du carbone radioactif (carbone 14) de mesurer l’ancienneté des ossements humains ou animaux exhumés en Amérique, Paul Rivet propose de dater de 20 000 ans l’apparition de l’homme sur le Nouveau Continent. C’est selon lui la date la plus reculée que l’on puisse avancer, puisque, jusqu’à présent, les fouilles n’ont permis de mettre à jour que des ossements datés entre 10 000 et 11 000 ans pour les plus anciens, jusqu’à 2 000 (av. J.C.) pour les plus récents16.
21Sans aller jusqu’à affirmer que Humboldt a devancé de 150 ans, dans ses calculs, les résultats de l’anthropologie actuelle, nous pensons qu’il était indispensable de rappeler ses propres évaluations sur l’ancienneté de l’homme américain, pour démontrer comment, à partir d’une étude minutieuse des manuscrits aztèques, notre auteur a pu arriver à des conclusions d’une précision surprenante.
Les conclusions de l’anthropologie au XXe siècle
22Si le problème de l’influence asiatique sur les sociétés américaines n’a pas été encore résolu de façon satisfaisante, si Paul Rivet a développé d’une façon décisive, par des arguments de poids, ses thèses sur les diversités d’origine de ces peuples américains, il n’en reste pas moins qu’il retient aussi, naturellement, comme fort probable, l’hypothèse du peuplement asiatique. Il a critiqué le tenant de l’origine asiatique, Hrdlička, parce que ce dernier n’avait pas suffisamment nuancé ses conclusions, et qu’il s’en était tenu, en quelque sorte, à l’étude superficielle des caractères morphologiques ou culturels des types ou des sociétés américaines. Paul Rivet admet une lente infiltration d’éléments asiatiques en Amérique, après le retrait de la barrière glaciaire qui la séparait de l’Asie.
« Cette haute ancienneté relative de leur arrivée, explique, écrit-il, pourquoi il est si difficile de retrouver, dans les caractères physiques, culturels et linguistiques des populations actuelles, des faits attestant d’une façon indiscutable leur origine asiatique et permettant de rattacher chacune de leurs vagues d’émigration à une population déterminée de l’Asie »17.
23C’est pourquoi Paul Rivet a supposé l’intrusion d’autres éléments ethniques différents des Asiatiques, qui seraient intervenus dans un second stade, à une époque tardive, dans le peuplement de l’Amérique. Ce serait alors le métissage entre la couche d’origine asiatique et les migrations postérieures qui aurait produit « ...le polymorphisme extraordinaire des populations, des civilisations, et des langues américaines, polymorphisme évident malgré le lien que crée entre elles le substrat asiatique primitif, sur lequel elles se développèrent »18.
Conclusion
24On revient ainsi au caractère essentiel des descriptions anthropologiques que Humboldt a laissées de l’Indien américain : « un air de famille » asiatique, mais un polymorphisme et des différences linguistiques et culturelles qui n’ont cessé de le surprendre ; ces faits cependant ne l’ont pas directement conduit aux conclusions que dégageront plus tard les anthropologistes.
25Il a été retenu par le schéma de la « race américaine », par le préjugé géologique et géographique, par la croyance erronée en la blancheur native des Esquimaux. Cependant, nous croyons avoir démontré que malgré ses insuffisances, Humboldt met en lumière un grand nombre de données fort précieuses, tirées de l’observation directe ou de la consultation de documents. Il appréhende ainsi dans leur ensemble et leur complexité les problèmes du peuplement et de l’ancienneté de l’homme américain, pour nous en offrir un tableau fort nuancé. Les ombres, certes, ne manquent pas, mais elles sont largement compensées par les éclairages les plus étonnants, les plus intuitifs, les plus prophétiques d’une pensée scientifique ample et vigoureuse.
Notes de bas de page
1 Paul Rivet, les origines de l’homme américain, Paris, 1943.
2 Vues des Cordillères,... tome I, p. 19. Humboldt ajoute : « A une hauteur qui excède celle du Mont-Blanc, se trouvent suspendues, sur la crète des Andes, des pétrifications de coquilles pélagiques. Des ossemens fossiles d’éléphans sont épars dans les régions équinoxiales et, ce qui est très remarquable, ils ne se trouvent pas au pied des palmiers dans les plaines brûlantes de l’Orénoque, mais sur les plateaux les plus froids et les plus élevés des Cordillères. Dans le nouveau monde comme dans l’ancien, des générations d’espèces détruites ont précédé celles qui peuplent aujourd’hui la terre, l’eau et les airs ». Ib., p. 19.
3 Vidal de la Blache et Gallois, Géographie Universelle, Amérique du Sud, tome XV, par Pierre Denis, Chapitre Premier : La structure et le relief, pp. 7-26. Paul Bivet, dans son chapitre I, étudie l’Amérique du point de vue géologique, il rappelle que l’origine de la terre remonte approximativement à 2 milliards d’années, alors que celle de l’homme qui est apparu à l’ère quaternaire peut être située environ à partir de 500 000 ans. Les géologues supposent, aux origines, l’existence de trois continents : le Laurentia, qui comprend l’Amérique du Nord, le Groenland et l’extrémité septentrionale des Iles Britanniques ; l’Angara, Scandinavie, Finlande, Russie, Sibérie, Turkestan, Thibet, Mongolie, et Chine ; et le Gondwana qui réunissait l’Afrique, l’Arabie, l’Inde, Madagascar, l’Australie Occidentale et Centrale, l’Amérique du Sud et peut-être l’Antarctique. On remarquera donc que du point de vue purement géologique, dans les masses de terre émergées, les parties nord et sud de l’Amérique sont considérées comme possédant la même ancienneté que celles des autres parties du globe.
4 Tableaux de la Nature, traduction de Ch. Galuski, la seule approuvée par l’auteur, Paris, 1866. Dans le chapitre XII, intitulé Steppes et déserts, Humboldt combat les « Préjugés répandus sur la jeunesse du Nouveau Continent ». Il se fonde d’une part sur les résultats qu’il a obtenus lui-même, et d’autre part, sur les travaux de Benjamin Barton Smith (1766-1816), qui écrivait, dans ses Fragments de l’histoire naturelle de Pensylvanie, Philadelphie, 1799. « C’est une puérile supposition que rien ne confirme dans la nature, que celle qui fait sortir du fond de l’Océan, une grande partie de l’Amérique plus tard que les autres continents ». Humboldt reproduit à la suite de cette citation de B. Barton Smith, un fragment d’un mémoire sur les peuples primitifs de l’Amérique, qui avait été publié dans le « Neue Berlinische Monatsclhrift », tome XV, 1806, p. 190.
5 Le passage cité ici figure dans les Tableaux de la Nature, pp. 177-180. Humboldt se réfère également aux travaux d’Adolphe Brongniart, Prodrome d'une histoire des végétaux fossiles et de Charles Lyell, Travels in North America, tome II.
6 Tableaux de la Nature, op. cit., ibidem., p. 171.
7 Vues des Cordillères..., tome I, pp. 19-20.
8 Histoire de la Géographie du Nouveau Continent..., pp. 103-105.
9 Histoire de la Géographie du Nouveau Continent, ibidem.
10 Paul Rivet, Les Origines de l’homme américain, op. cit. Paul Rivet rappelle qu’à certains moments de l’histoire géologique, les trois continents originels ont pu être réunis par des langues de terre. Si l’Angara qui correspond à l’Eurasie actuelle s’est maintenu presque intégralement, le Laurentia et le Gondwana étaient déjà dissociés lorsque l’homme a fait son apparition. En tenant compte de la théorie de la coalescence des continents, de Wegener, qui suppose d’abord une union étroite de ces continents, puis un fractionnement des masses terrestres originairement réunies et séparées par des crevasses qui allaient en s’élargissant sous l’action du principe de l’isostasie, Paul Rivet précise que cette théorie n’est pas tellement différente de celle de la géologie classique. Elle permet d’expliquer la remarquable identité de flore et de faune entre des continents actuellement séparés, et notamment entre celles de l’Afrique et de l’Amérique. Le seul point qu’il discute dans l’hypothèse de Wegener est de savoir pour quelles raisons l’Amérique et l’Europe, réunies au début du quaternaire selon Wegener, l’homme n’a pu passer d’Europe en Amérique Il explique l’impossibilité d’une telle migration par l’obstacle glaciaire, chapitre I, pp. 15-29.
11 Histoire de la Géographie du Nouveau Continent, op. cit., ibidem.
12 Paul Rivet, op. cit., précise que l’optique de Wegener, même si elle était juste, ne modifierait en rien ses propres conclusions « parce que le passage était alors et est resté pendant longtemps impraticable, du fait des grands phénomènes de glaciation qui se sont produits à cette époque. Dans les contrées septentrionales de l’Europe, une immense calotte glaciaire recouvrait l’Irlande, urne grande partie des Iles Britanniques, les Pays Scandinaves, le Danemark, la Hollande, presque toute l’Allemagne et la Russie. En Amérique la limite sud de ce revêtement partait du Cap Cod (Massachusetts), débordant sur l’archipel des petites îles rocheuses qui longe la côte du Massachusetts (Nantucket, Tuckermuck, Martha’s Vineyard) ; elle passait un peu au Sud de Cincinnati, puis, à travers l’Indiana, l’Illinois et le Missouri, atteignait le Missouri qu’elle suivait depuis Saint-Louis jusqu’à Kansas-City, rejoignait ensuite Topeka, tournait vers le Nord, à une centaine de milles à l’Ouest du Missouri, traversait les rivières Platte et Elkhorn et rejoignait le Missouri à son confluent avec le Niobrara, côtoyait de nouveau le Missouri jusqu’au confluent de la Big Cheyenne, s’infléchissait un peu plus à l’ouest, coupait les rivières Moreau et Grand, à une cinquantaine de milles de leur confluent avec le Missouri, passait un peu à l’ouest de la ville de Bismarck, puis englobait la Colombie britannique et l’Alaska », chap. I, p. 27.
13 Vues des Cordillères, tome II, p. 118, voir : Époques de la Nature d’après la mythologie aztèque, pp. 118-140.
14 C’est Buffon qui le premier a supposé que la terre était plus ancienne qu’on le croyait alors. Il lui accordait 74 000 ans. L’Église, à cette époque, en se conformant à l’enseignement biblique, soutenait que la terre n’avait que 6 000 ans. Depuis, les savants ont pris l’habitude de compter par centaines de millions d’années l’âge de la terre. On remarquera que les 20 000 ans environ attribués par Humboldt à l’humanité mexicaine sont, face au chiffre admis alors pour l’ancienneté de la terre, dans le rapport de 3 à 1 environ. Si l’on tient compte des dernières recherches sur l’ancienneté du peuplement américain, qui ne serait plus de 20 000 ans, comme le suppose Paul Rivet, mais de 30 à 40 000 ans (P. Chaunu, l’Amérique et les Amériques, op. cit., p. 21), on remarquera alors que le rapport entre l’ancienneté du peuplement des autres continents et celui du Nouveau Monde, passe de 1 à 10, puisqu’on suppose dans les premiers une humanité vieille de 300 à 400 000 ans ou même plus. Naturellement, il existe une relation entre l’ancienneté du peuplement, le développement culturel et le nombre des habitants. En reculant de 10 000 à 40 000 ans l’ancienneté du peuplement américain, on peut mieux comprendre que l’expérience humaine en Amérique ait atteint le niveau relativement élevé que nous connaissons. Il n’en reste pas moins certain que l’estimation humboldtienne semble particulièrement audacieuse surtout si on la rapporte aux chiffres avancés à son époque pour dater l’ancienneté de la terre. Dans l’hypothèse de Humboldt la différence n’est que de 60 000 à 70 000 ans. Dans les hypothèses modernes, elle est de 360 000 ans (si l’on prend 400 000 ans pour base du calcul). Ainsi, même en accordant généreusement à l’humanité américaine une ancienneté 4 fois plus grande, l’écart n’en est pas moins considérable. Cette différence pourrait expliquer, peut-être, et en tenant compte de l’absence en Amérique des animaux domestiqués en Europe (chevaux, bovins, etc...), le développement insuffisant ou incomplet des civilisations précolombiennes face à celles de l’Ancien Continent.
15 W. Robertson, Histoire de l'Amérique, op. cit., p. 531.
16 Paul Rivet, op. cit., chap. ii, Antiquité de l’homme en Amérique, pp. 30-62.
17 Paul Rivet, op. cit., chap. III, Le peuplement de l’Amérique par l’Asie, p. 82.
18 Paul Rivet, ibidem.
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Alexandre de Humboldt
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Alexandre de Humboldt
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