1Le système fiscal de l’État polono-lituanien au XVIII^e était un des plus archaïques dans l’Europe de cette époque-là. Il fut considéré d’abord par les contemporains, et ensuite par les historiens de cette période comme cause principale de la faiblesse de l’Etat et de sa chute finale. Les principes de ce système, formulés pendant la session de la diète dite « sourde » en 1717, constituaient un compromis entre le roi Auguste II et la noblesse qui craignait les aspirations absolutistes de celui-ci. Le budget de l’État, fixé à 10 millions de zlotys polonais, plaçait la Pologne parmi les pays les plus pauvres d’Europe. À la même époque, la Prusse touchait des revenus quatre fois plus élevés, et la Russie sept fois plus élevés. Les droits de douane, des taxes (alors des impôts indirects) de toute sorte et les domaines du roi constituaient donc la seule source de revenu de l’État. Tous les impôts extraordinaires indirects étaient forfaitaires, leur établissement dépendait de la volonté de la diète (parlement) ou des diétines de la noblesse (réunions de la noblesse en province). Les revenus de l’État furent fixés au niveau qui permettait d’entretenir environ 18 000 soldats. C’étaient des forces très médiocres, incapables de préserver l’indépendance de l’État face aux voisins augmentant constamment leur potentiel militaire1.

2Les villes royales, ainsi que la noblesse, le clergé ou les fermiers des domaines du roi payaient un impôt forfaitaire basé sur un système de capitation. La capitation fut introduite en Pologne une première fois en 1498, ensuite en 1520 et 1590, avant de devenir le principal impôt direct dans les années 1662-1676. En 1717, la capitation fut transformée en impôt fixe, néanmoins elle devait être payée conformément aux taux fiscaux de 1676. Chaque ville royale devait payer annuellement un forfait fixe. Le montant de ces droits établi en 1717 était fixe et il resta valable jusqu’en 1776. À titre d’exemple, Toruñ devait payer annuellement 35 100 zlotys polonais d’impôt, Gdañsk 156 000 zlotys polonais, et Elblqg 34 550 zlotys polonais. La participation relative de Toruñ dans l’imposition des villes de la Prusse royale (Poméranie) s’élevait à environ 10 %, et au niveau de toute la province à environ 5,6 %2.

3Malgré le caractère forfaitaire de l’impôt, ces registres constituent une excellente source pour qui souhaite connaître la structure professionnelle et la situation matérielle des habitants des villes polonaises, de leurs faubourgs et des propriétés foncières. À l’opposé de la noblesse, pour laquelle le calcul de l’impôt se faisait à partir des taux de 1676, dans les villes royales comme Toruñ ou Poznañ, on établissait deux fois par an un registre de contribuables regroupés par quartier et par village, qui comprenait des renseignements sur le nombre de membres des familles et sur l’impôt qu’il leur incombait de payer. La capitation versée par les habitants de la ville, des faubourgs et des villages appartenant à Toruñ au début était même supérieure au forfait fixé par la diète en 1717. Pour le deuxième acompte de capitation, en 1724, on collecta au total 9 758 zlotys prussiens 7 groszy3. En admettant que le premier acompte rapporta des effets financiers comparables, les impôts directs en provenance des habitants donnèrent environ 19 500 zi prussiens (1 zl prussien = 2 zl polonais ; on ramassa donc 39 000 zl polonais, environ 111 % du montant)4. Pendant la deuxième moitié de 1725 (acompte à payer jusqu’au 15 septembre), l’impôt perçu fut constitué des versements de la ville (6 193 zl), des faubourgs (1 042 zl 3 gr), des villages municipaux (1 664 zl 7 gr) et des arriérés de l’année précédente (517 zl) et des années antérieures (25 zl)5. Au total, on collecta à l’époque 9 441 zl prussiens 20 gr, ce qui, multiplié par deux et converti, donne environ 37 760 zl polonais, en dépassant ainsi le taux fixé du forfait. Les données de 1725 montrent que les habitants de Toruñ et de son patrimoine ne respectaient pas toujours les échéances. Cette année-là, la caisse municipale perçut 7 235 zl 3 gr en provenance de la ville et de ses faubourgs, c’est-à-dire environ 88 % des 8 238 zl 17 gr initialement prévus. La perception était donc assez efficace. Dans les années 1728-1729 encore, l’excédent de capitation fut sans doute satisfaisant. Après la conversion en zlotys polonais, la recette prélevée dans la ville et dans les faubourgs s’élevait à quelque 32 400 zl polonais. Si on y ajoute celle des villages, c’est-à-dire environ 6 600 zl polonais, nous obtenons un total d’environ 39 000 zl polonais. Mais dans les années 1730, la ville perdit beaucoup d’habitants. De plus, du fait des opérations militaires aux alentours de la ville et du stationnement des troupes russes, il fut nécessaire de relever les taux individuels d’imposition, parce que les rentrées financières étaient insuffisantes6. Il fut impossible d’obtenir en un seul versement un minimum de 8 000 zl prussiens, ce qui, par conséquent, retardait le paiement de la somme exigée par le Trésor public. En 1734, on établit des surtaxes aux taux individuels. Pour le versement d’automne, en 1734, les surtaxes (1492 zl prussiens 15 gr) constituaient environ 16,5 % du montant prévu à percevoir de la ville et des faubourgs (9 092 zl prussiens 18 gr). Après conversion, les recettes d’impôt en 1734 (9 092 x 2 x 2) auraient atteint environ 36 370 zl polonais. Les recettes des villages pouvaient donner environ 6 000 zl en supplément. La révision à la hausse de 16,5 % constituait donc, pour la ville, l’unique moyen de remplir ses devoirs fiscaux. Dans ce cas-là, le versement se serait élevé à environ 29 380 zl polonais. Ce n’est qu’en 1745, quand le nombre de contribuables augmenta et la situation dans le pays se stabilisa, qu’on rétablit les taux précédents. Pendant la guerre de Sept Ans qui éclata en 1757, et pour les mêmes raisons qu’auparavant (diminution du nombre de contribuables), on releva de nouveau les taux d’imposition qui se maintinrent à ce niveau jusqu’en 1776, c’est-à-dire jusqu’au changement de nom, de montant et de méthode de prélèvement d’impôt.

4Là où il était impossible de collecter les sommes requises par le Trésor public selon les taux individuels fixés encore en 1717, on révisait ceux-ci à la hausse. Ce procédé intervenait généralement quand la situation politique s’enflammait et l’État, ou plutôt les troupes russes logées dans la ville avec le consentement du souverain polonais, exécutait la perception des impôts avec plus de rigueur.

Tableau 1 Revenus prévus à titre de capitation de la ville de Toruñ et de ses faubourgs dans les années 1723-1769

5Cette source se révèle très utile pour le chercheur. Elle permet notamment d’analyser la totalité des sommes versées par chaque contribuable. Qui plus est, elle fournit des renseignements sur la composition des familles (en y incluant les domestiques) ainsi que sur les taux individuels d’imposition qui devaient refléter approximativement les différences du statut matériel des contribuables-chefs de famille.

6En 1723, à Toruñ, les hommes furent assujettis à 13 taux d’imposition (en zl prussiens, gr) : 18 ; 15 ; 12 ; 9 ; 7,15 ; 6 ; 4,15 ; 3,18 ; 3 ; 2,12 ; 1,24 ; 1,6 ; 0,27. Les taux les plus élevés (18 zl) furent payés par les membres du conseil municipal. Les échevins de la vieille ville, de la nouvelle ville et des faubourgs versaient 15 zl. Les commerçants et les artisans les plus riches payaient 12 zl. D’autres citoyens ayant tous les droits et les hommes instruits (dans des universités) payaient de 3 à 9 zl. Les fils majeurs des citoyens et les plus riches compagnons de commerçants payaient également 3 zl. Les mesureurs de grains, les timoniers, les compagnons de maîtres brasseurs et les artisans sans corps de métier mais réunis dans leurs propres corporations, sans toutefois bénéficier de tous les droits municipaux, versaient 2 zl 12 gr. Les manœuvres, les porteurs, les journaliers, d’autres compagnons, valets de ferme, scieurs, etc. payaient 1 zl 24 gr, et les apprentis chez les marchands et dans l’artisanat, 27 gr.

7À la même époque, les femmes furent réparties selon 11 taux d’imposition. Les veuves de citoyens payaient généralement la moitié du taux individuel versé auparavant par leurs maris (1 zl 15 gr, 3 zl, 4 zl, 4 zl 15 gr, 6 zl, 7 zl 15 gr et 9 zl, dans le cas de veuves de conseillers municipaux). Les femmes et les filles de citoyens, selon la richesse de leur mari ou de leur père, furent assujetties à deux taux d’imposition – elles payaient 1 zl 15 gr ou 27 gr. Le dernier taux fut valable aussi pour les femmes et les filles d’autres habitants de la ville. Les filles (all. Jungfer, Budenjungfer, en principe des boutiquières embauchées par les marchands et les artisans), les nourrices, les journalières, les blanchisseuses, les fileuses furent assujetties à un impôt qui s’élevait à 1 zl 24 gr, les servantes dans les maisons bourgeoises (ail. Magd) versaient 1 zl 6 gr, et les domestiques simples (all. Mädchen) 18 gr.

8Dans les années 1734-1745 et après 1756, on surtaxait les taux d’imposition fixés auparavant. Le supplément augmentait par tranches de 3 gr ; d’une fille (18 gr), on percevait 3 gr supplémentaires, des femmes de bourgeois moins riches (27 gr) 6 gr, des journaliers, fileuses etc. (1 zl 24 gr) 9 gr, des citoyens et des compagnons (qui payaient jusqu’alors 3 zl) 18 gr, et par exemple des conseillers municipaux (18 zl) 3 zl 9 gr.

9Les grilles d’imposition montrent que certains groupes d’habitants de la ville et des faubourgs furent soumis à des taux variables. Par exemple, les habitants de la propriété privée des bénédictines, dans le quartier Winnica, payaient des impôts nettement inférieurs. Une famille composée d’un mari et d’une femme payait 2 zl, et après 1734,2 zl 12 gr. Les employés municipaux (les collecteurs de taxes, les gardes municipaux, les peseurs) payaient aussi, pour eux et pour leurs femmes, la somme de 2 zl. Le montant de l’impôt pouvait servir également d’outil dans la politique de restrictions envers des groupes d’habitants choisis. Par exemple, dans les années 1754-1758, les servantes qui n’étaient pas au service et qui habitaient seules (all. dienstlose Magd) étaient assujetties à un impôt lourd 2 zl 12 gr (avec la surtaxe de 2 zl 18 gr), qui fut augmenté encore dans les années 1760-1761 à 3 zl 9 gr. En 1760, on mentionne dans le registre un nombre record de ces femmes. Elles sont 19. En 1761, elles étaient 15, et en 1758 il n’y en avait que 5. En 1762, cette catégorie de femmes contribuables disparaît des registres, et à partir de 1763, les rares servantes qui n’étaient pas au service figurant dans le registre payaient de nouveau un impôt bas, 1 zl 9 gr. Néanmoins, déjà en 1769, réapparaît une femme contribuable appartenant à cette catégorie professionnelle qui payait 2 zl 18 gr. Peut-être ces mesures de rétorsion furent-elles le résultat de la lutte que la municipalité avait entrepris contre la prostitution et aboutirent, en 1762, à un éloignement, au moins temporaire, des femmes qui se prostituaient.

10À Poznañ, les taux d’imposition en vigueur étaient différents. Les registres mentionnent également des catégories de contribuables différents : les maîtres payaient 6-7 zl, les compagnons et les huissiers 5 zl, les charretiers 3 zl, et les servantes 1 zl 15 gr.7

11Cependant, pour définir l’utilité scientifique de cette source, il est nécessaire de déterminer les groupes qui en sont systématiquement omis. Une analyse précise des registres de Toruñ montre que les représentants du clergé catholique et les soldats municipaux n’y sont pas inscrits. À Poznañ, la situation fut identique8. Avant 1734, à Toruñ, on exonérait d’impôt les pasteurs protestants (luthériens et calvinistes) et les professeurs du collège académique. Dans les registres, nous ne trouvons aucune trace d’élèves du collège académique et du collège de jésuites, que leur séjour fût temporaire ou permanent. Le bourgmestre président, de par ses fonctions, était systématiquement exonéré d’impôt, on l’inscrivait quand même dans le registre mentionnant seulement la dispense. On prélevait la capitation forfaitaire des habitants de certaines propriétés privées de l’Église (jurydyka). A part l’enregistrement de l’impôt, dont l’échéance tombait au 15 septembre 1723, on n’inscrivait pas dans les registres les habitants des propriétés privées appartenant aux institutions catholiques de l’Église. Les jésuites (déjà en 1723), ainsi que les dominicains et les bénédictines (à partir de 1728), payaient un forfait destiné à tous les habitants de l’enceinte de leurs cloîtres. Les dominicains payaient 30 zl, les bénédictines 44 zl, et les jésuites, 22 zl 24 gr pour les personnes habitant dans leur collège. Après 1734, ces taux furent augmentés de surtaxes (les bénédictines payaient 8 zl 24 gr de plus, les dominicains 6 zl, les jésuites 4 zl 24 gr). En ce qui concerne les autres propriétés privées dans la ville (les maisons appartenant à l’église Saint-Jean, les bernardins après 1725, les hôtels de la noblesse) et dans les faubourgs (les propriétés privées appartenant aux bénédictines à Rybaki, Zlota Góra et Winnica), les habitants payaient l’impôt suivant les mêmes principes que les habitants de maisons soumises pleinement à la juridiction municipale.

12Aussi bien à Toruñ qu ’ à Poznañ, conformément aux principes énoncés déjà au XVII^e siècle, on n’inscrivait pas dans les registres de capitation les enfants de moins de 10 ans et les vieillards. Une analyse plus approfondie de la source, et la mise en parallèle de celle-ci avec les informations provenant des registres d’état civil démontrent quand même qu’au XVIII^e siècle, l’enregistrement des enfants de plus de 10 ans n’était pas systématique9. Dans ma tentative d’analyse de ce phénomène, nous verrons les enfants de protestants nés à Toruñ et figurant dans les registres avec leurs parents. Comme ces enfants ne sont pas inscrits sous leurs propres prénoms, il est souvent difficile de les identifier. Pour m ’ aider dans cette démarche, je me suis servi de registres d’état civil, en confrontant les inscriptions de naissances et de décès des enfants avant le moment de l’établissement du registre. Grâce à cette méthode, on a pu constater lesquels, parmi ces enfants, furent mentionnés avec leurs parents, l’année indiquée, et quel âge ils avaient à l’époque. Il me semble que les résultats obtenus reflètent d’une façon statistiquement correcte la particularité qui nous intéresse ici (voir tableau 2).

Tableau 2 Âge des enfants figurant dans les registres de capitation de Toruñ avec leurs parents protestants des années 1723, 1734, 1749 et 1779

13Le registre mentionne uniquement les enfants qui vivaient avec leurs parents. Dans la majorité des cas, il s’agit des filles rarement mises en service (au moins dans ce groupe concret qui peut être soumis à l’analyse). Le seuil de 10 ans n’était pas respecté – on mentionne des filles de plus de 12 ans (1723), et plus tard, cette limite fut encore augmentée (en 1734, au-delà de 13 ans, en 1749, au-delà de 14 ans). Il est vrai cependant qu’en 1723 et 1779, on mentionne quelques filles de 13-14 ans, mais il faut y voir une exception. Généralement, seules les filles âgées de 16 à 20 ans au moment de l’établissement du registre figurent dans ses pages.

14En ce qui concerne les fils, nous trouvons dans les registres les jeunes gens revenus sous le toit familial après un cursus scolaire ou un apprentissage, ou encore ceux dont la formation s’était limitée à l’atelier paternel. C’est un groupe très peu nombreux (en 1749, on identifia l’âge de seulement 15 fils de bourgeois protestants figurant dans le registre). On note des hommes adultes âgés de 18 à 27 ans, attendant leur indépendance économique. D’autres fils furent sans doute embauchés en dehors de la maison familiale où ils continuaient leur apprentissage.

15Les registres ne comprennent pas de gens « sans attache », de mendiants, d’habitants des hôpitaux. Certaines catégories de ce type d’habitants furent temporairement inscrites dans les registres, comme l’exemple déjà mentionné des servantes qui n’étaient pas au service (prostituées ?) dans les armées 1761- 1762. Néanmoins, en général, le groupe de gens « sans attache » restait en dehors du registre, et d’après les recherches qui ont été menées pour d’autres villes, ils pouvaient atteindre même jusqu’à 30 % du total de la population.

16Les registres de capitation de Toruñ ne comprennent généralement pas (mis à part quelques exceptions) d’information sur la profession exercée par le chef de famille. Dans la source, on mentionnait, mais pas systématiquement, les emplois des habitants les plus pauvres (paysans sous-locataires, cabaretières, porteurs, journaliers, blanchisseuses, fileuses). Y figurent également les membres des pouvoirs municipaux, à côté des taux d’imposition plus élevés, les bourgmestres, les conseillers municipaux, les échevins, les secrétaires et les greffiers municipaux y sont décrits par les titres de courtoisie relatifs à leurs fonctions. Le titre de dominus appartenait aux personnes qui avaient une formation j uridique. Dans les années 1723-1728, on attribuait des titres spéciaux aux pasteurs et aux professeurs du collège qui à l’époque furent encore mentionnés dans la source. Les registres de Poznan sont à ce sujet plus précis. Le greffier fiscal inscrivait le nom et le prénom du maître, et ensuite la profession qu’il exerçait10.

17Après 1776, la capitation fut remplacée par l’impôt dit « de la couronne » (Krongeld) et son montant annuel pour Toruñ fut considérablement diminué – jusqu’à 3 350 zl par an11. Il fut prélevé de la même façon que la capitation. Dans les actes non classés des Archives nationales de Toruñ, j ’ai réussi à retrouver seulement un registre complet de cet impôt de l’année 1779. Il contient des données basiques pour le calcul de son montant (sans taux d’imposition attribués à des catégories sociales concrètes). Cette source permet d’étudier la structure professionnelle des habitants de la ville dans la période d’appauvrissement très rapide et de dépopulation de la ville après le premier partage de la république de Pologne.

18Néanmoins, d’une façon générale, pour que les registres de capitation et de l’impôt de la couronne soient plus utiles pour les recherches sur la structure professionnelle et la situation matérielle des habitants, il conviendrait de compléter les données, y compris par les renseignements provenant d’autres sources – avant tout des registres d’admission au droit municipal12 et des registres d’état civil. En ce qui concerne ces derniers, j’ai profité entièrement des registres de paroisses évangéliques13, les registres catholiques ne sont accessibles pour les chercheurs que depuis peu de temps – ils attendent une étude scientifique14. Pour l’identification des fils, la qualification de leur mortalité à l’âge préscolaire, le niveau de leur scolarisation, il est nécessaire de consulter les registres d’élèves du Collège académique de Toruñ (Toruñskie Gimnazjum Akademickie)15 et le fichier d’étudiants d’origine de Toruñ des années 1500-179516.

19Les registres de capitation constituent une source formidable pour l’étude des fluctuations de la conjoncture économique dans les villes, car c’est une des rares sources conservées en si grand nombre dans toute la République de Pologne. L’analyse de la fluctuation des domestiques et des journaliers pourrait y être utile car elle devait être liée d’une façon naturelle aux possibilités variables de trouver un emploi par ces groupes sociaux dans les villes. Pour que les registres de capitation soient pleinement utiles pour l’étude, il est nécessaire de procéder à leur analyse au moins dans les plus grandes villes de Pologne (Varsovie, Dantzig, Cracovie, Elblqg, Toruñ, Poznañ, Lvov, Lublin, Vilnius). Cela permettra de répondre à la question de savoir si, et à quel niveau, les habitants de la République de Pologne profitaient de la relance économique dans l’Europe occidentale avant 1776. Mes recherches actuelles sur la société de Toruñ impliquent que nous avons affaire à une crise permanente du système corporatif et à des conjonctures généralement négatives dans le commerce et l’artisanat. Il n’y avait guère de nouveaux modèles d’organisation du travail à substituer au système en déclin. Malgré leurs efforts, les citoyens les plus illustres de cette ville ne furent pas à même de créer des manufactures, de baser leur production sur le système à domicile. La population des villes polonaises était à l’époque encore trop pauvre pour pouvoir consommer la production plus massive de l’« industrie » locale.

20L’introduction de méthodes modernes d’évaluation du revenu et de la valeur de parcelles municipales ne s’opéra en Pologne qu’à la fin du XVIII^e siècle, analogiquement aux cadastres sur les terrains ruraux qui font l’objet de cette conférence. Cela fut lié à l’apparition des registres hypothécaires, à l’enregistrement rigoureux des mutations de propriété et de l’endettement des maisons particulières, enfin à l’évaluation de leur valeur qui devint la base de calcul de l’impôt. Néanmoins, ce processus n’eut lieu qu’après la chute de l’État polonais et fut le résultat des réformes faites sur les terres rattachées à la Prusse et à l’Autriche.