Les hauts fonctionnaires du ministère des Finances français et la construction européenne, 1948-1974
p. 143-187
Texte intégral
1Alors que des Communautés européennes naissent à partir de 1950, la haute fonction publique française continue, le plus souvent, de raisonner comme si l’avenir de la France passait encore par la défense étroite des intérêts nationaux. Bien entendu, en son sein, au ministère des Finances en particulier, des personnalités ont manifesté de l’intérêt et une présence attentive à la relation France/Europe. Cette communication a pour but de faire comprendre l’état d’esprit de hauts fonctionnaires du ministère des Finances, inspecteurs des finances la plupart ou administrateurs civils, face à la nouvelle réalité de la coopération intereuropéenne ou des Communautés européennes. Elle pose aussi le problème de la place des nouvelles institutions européennes dans le déroulement de la carrière de ces hauts fonctionnaires. Les réponses à ces deux questions apportent des enseignements sur le comportement socio-culturel d’une fraction de l’élite française, sur son adaptabilité et celle de l’institution à un événement majeur de notre siècle, l’unité européenne, sur sa capacité à imaginer l’avenir et son aptitude à gérer les engagements politiques des gouvernants.
2Cette enquête relève du domaine des sciences humaines et non des sciences exactes. La modestie doit présider à cette étude qui repose sur des témoignages oraux fournis par des fonctionnaires du ministère des Finances, des membres des cabinets des ministres des Finances et sur ceux de fonctionnaires français dans les Communautés, originaires principalement du ministère des Finances, mais pas exclusivement, et sur l’interprétation que peut en donner l’historien1. Pour formuler une interprétation historique parfaitement fondée il aurait fallu établir, selon les règles des enquêtes d’opinion, un échantillon représentatif des hauts fonctionnaires, poser des questions identiques à chacune des personnalités considérées, compléter par des enquêtes en archives écrites. Les conditions initiales dans lesquelles les entretiens ont été conduits ne répondaient pas à cette démarche. Toutefois en partant des expériences individuelles de hauts fonctionnaires des Finances et de quelques autres (Michel Gaudet, Pierre Uri, Pierre Chatenet, Sacha Guéronik, Étienne Hirsch, Georges Berthoin), durant la période 1950-1974, un tableau de l’insertion personnelle des hauts fonctionnaires français dans les institutions des Communautés européennes se dessine. Il devient possible de connaître la façon dont ils percevaient l’avenir de la France dans l’Europe de la coopération ou dans l’Europe intégrée. Deux groupes de fonctionnaires sont concernés : ceux qui partent dans les nouvelles organisations, rompant de fait les liens hiérarchiques avec la rue de Rivoli, et ceux qui, par leur fonction au ministère des Finances, ont en charge les dossiers européens. Le premier groupe se compose des fonctionnaires des Finances principalement, en poste à l’OECE (Paris), à la CECA (Luxembourg) et dans les institutions de la CEE ou d’Euratom (Bruxelles). Le second concerne les fonctionnaires à la tête ou membres des directions du ministère des Finances ayant un rapport direct avec les affaires européennes : direction des Relations économiques extérieures (DREE), direction des Finances extérieures (DFE), ou encore les membres de cabinets ministériels en charge de dossiers européens, les membres du secrétariat général du Comité interministériel chargé des questions de coopération économique européenne (SGCI) et enfin les hauts fonctionnaires des Finances en poste au Quai d’Orsay. Leur engagement professionnel a marqué nécessairement leur Département d’origine. L’exposé se déroulera en quatre parties : l’idée d’Europe aux Finances, les raisons de s’engager dans une carrière européenne, les acquis et expériences européennes de ces hauts fonctionnaires, le rôle du ministère des Finances français dans la construction européenne.
I. L’IDÉE D’EUROPE AUX FINANCES
3Notre démarche consiste à saisir l’opinion des hauts fonctionnaires du ministère des Finances avant que l’histoire ne confirme la pérennité des nouvelles organisations européennes. Le point de référence est l’OECE et la déclaration Schuman. Les deux événements sont proches dans le temps – 1948 et 1950 – et contraignent les hauts fonctionnaires à prendre position.
Les idées européennes des uns
4Avant même la naissance des nouvelles organisations européennes, quelques fonctionnaires des Finances avaient travaillé sur le thème de l’unité de l’Europe. Mais d’après les entretiens biographiques réalisés par le Comité pour l’histoire économique et financière de la France depuis une dizaine d’années, il ressort qu’un nombre restreint de fonctionnaires des Finances s’était enthousiasmé très tôt pour l’Europe unie. Hervé Alphand, inspecteur des finances, alors directeur des Affaires économiques du Commissariat des Affaires étrangères du Gouvernement provisoire à Alger, avait préparé dès septembre 1943, des notes sur l’unité européenne2. Il imaginait une sorte de Fédération à l’ouest de l’Europe. Il n’était pas le seul, car les fonctionnaires du CFLN répondaient à une demande du général de Gaulle3. En 1947 il défendit le projet d’une union douanière européenne entre les pays du plan Marshall, ce qu’il rappelle dans l’entretien déposé au Comité4. Il voulait une Europe libérale, sans protectionnisme, sans dirigisme.
5La recherche de l’unité européenne tenait aux conditions politiques générales qui s’imposaient à la France. Affaiblie, détruite, sans repère politique sûr, la France ne pouvait plus agir au nom de sa seule puissance. Le Gouvernement Provisoire de la République (GPRF) et Alphand en étaient bien conscients en 1944. D’autres hauts fonctionnaires allèrent aussi dans ce sens en considération des terribles avanies vécues par l’Europe depuis 1938. Jean Wahl, administrateur civil à la DREE dans les années cinquante, était favorable à la CED. parce qu’il désirait très fortement l’oubli de ce qui s’était passé durant la guerre5. Pour Guy de Carmoy, inspecteur des finances, étroitement associé à Robert Marjolin dans l’été 1947, la nécessité de développer la coopération intereuropéenne répondait à la demande américaine exprimée par le programme d’aide à l’Europe6. Mais Guy de Carmoy était, affirme-t-il, « européen de toujours ». Cette certitude est née lors d’un séjour à Washington à la BIRD au cours duquel il découvrit la communauté de culture des Européens face à la spécificité américaine. Il a donc accueilli avec enthousiasme la déclaration Schuman du 9 mai 1950 et le projet de CED parce qu’il acceptait l’idée des « États-Unis » d’Europe. Georges Berthoin, qui devint chef de cabinet de Jean Monnet à la CECA, insiste sur les origines familiales de son intérêt pour l’unité européenne. Son expérience de la guerre et de la résistance l’a renforcé. Robert Toulemon, inspecteur des finances, en poste à la DREE au début de sa carrière (1958-1962), était un fédéraliste de la première heure, espérant, dans le feu de la Libération, un gouvernement mondial, attentif aux idées fraternelles et mondialistes de Gary Davis, heureux enfin du réalisme du plan Schuman7.
L’ombre portée de l’Europe sur d’autres
6Si les précédents étaient des Européens déclarés, d’autres hauts fonctionnaires laissèrent planer l’ombre de l’Europe sur eux tout en gardant leur distance. Ils n’étaient pas indifférents, mais réticents à l’innovation. Guillaume Guindey, d’après Bernard de Margerie, était « européen très nettement, mais ne s’en occupait pas vraiment »8. En tous cas nous savons bien qu’il a résisté au plan Schuman. Bernard Clappier est « labellisé » européen en raison de son rôle éminent dans la transmission à Robert Schuman du projet de déclaration en faveur d’une Haute Autorité du Charbon et de l’Acier en mai 1950. Mais Paul Delouvrier estime qu’il était un homme prudent et secret. Bernard Clappier croyait à l’Europe sans forcément avoir « une religion » précise sur la nature de l’intégration. Il aurait même repoussé initialement l’offre de Monnet d’une Haute Autorité9. Les témoignages sont parfois contradictoires. Christian Lherm, chef de bureau à la DREE, affirme qu’on parlait d’Europe à la DREE depuis que Bernard Clappier en était devenu le directeur en 1951. Mais de quelle Europe s’agissait-il, demande l’historien ? Les témoignages précisent que la DREE se préoccupait de l’Europe comme d’une aire commerciale privilégiée dont l’économie française avait un absolu besoin. Il ne s’agissait pas d’intégration ni de fédération économique. L’intérêt manifeste de l’économie requérait que la France échangeât avec ses voisins et que la coopération intereuropéenne se développât10. Le témoignage de René-Pierre Cassou, inspecteur des finances, ancien directeur du Marché monétaire en 1960, directeur à la direction du Crédit en 1967, va dans le même sens. Il se dit européen précoce à la suite des guerres intereuropéennes. Alors pourquoi ne pas le classer dans le premier groupe ? Parce que sa sensibilité européenne semble vibrer seulement pour une Europe de la libre concurrence11. Son idée d’Europe n’était pas celle de Schuman ni celle de la réconciliation franco-allemande d’abord, mais plutôt celle de l’OECE qui, aux dires de Sacha Guéronik, ingénieur des Mines, directeur des Services techniques et des Programmes à l’OECE en 1948, s’apparentait à un champ de bataille quotidien pour le gâteau de l’aide Marshall12 ?
L’Europe terre inconnue
7Pour d’autres hauts fonctionnaires l’Europe était une terre inconnue. Tout d’abord il faut se souvenir que les premières constructions européennes ont commencé quelques années après la fin de la guerre avec le congrès de La Haye, en mai 1948, puis le Conseil de l’Europe, un an après, la création de l’OECE le 16 avril 1948, et la déclaration Schuman du 9 mai 1950. L’Europe unie était une idée neuve dans les sphères de l’État. Le ministère des Finances était davantage attiré par l’efficacité, la productivité, le relèvement économique et financier de la France, le Plan et l’administration d’une France encore sous le choc. Si les présidents du Conseil et les hauts fonctionnaires étaient convaincus qu’il fallait rechercher à tout prix la sécurité vis-à-vis de l’Allemagne13, en revanche ils ne partageaient pas tous l’idée de Robert Schuman qu’il fallait la réconciliation franco-allemande par le moyen de l’unité européenne pour éviter de recommencer l’erreur commise après la première guerre envers l’Allemagne14.
8La situation de l’après-guerre présentée, voyons ce qu’il en était au ministère des Finances. Jean Filippi, inspecteur des finances, proche de Henri Queuille, président du Conseil, de retour à la DREE en 1948 après un passage au cabinet civil de Lafon en zone française d’occupation, était persuadé qu’il serait impossible de réduire l’Allemagne. Il était dans ces dispositions quand il devint directeur de la DREE puis président de la Commission des échanges de l’OECE15. René Larre, inspecteur des finances, délégué à l’OECE de la zone française d’occupation en Allemagne, remarque que l’organisation de l’Europe occidentale avait un intérêt tactique : parer aux carences économiques et financières nationales. Il ne la relie pas à l’idée d’intégrer l’Allemagne aux autres États européens16. Le scepticisme sur la construction européenne et la réconciliation franco-allemande était partagé par de nombreux hauts fonctionnaires des Finances. Jean Guyot, inspecteur des finances, sous-directeur du Trésor puis directeur du département des Finances de la CECA en 1953, raconte que le plan Schuman a déclenché son intérêt pour l’Europe17, signifiant ainsi qu’il n’en avait guère manifesté auparavant. Pierre-Paul Schweitzer, inspecteur des finances, premier secrétaire général du secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) était détaché, voire ironique, sans être négatif. Il avait toujours repoussé le dirigisme européen. Il avait accepté l’idée d’un programme commun européen de relèvement, aboutissant à une union douanière européenne coexistant avec le Commonwealth.
9Il n’y a pas de véritable enthousiasme pour l’intégration européenne dans ce milieu. Alain Prate, inspecteur des finances, auteur d’ouvrages contemporains sur la construction européenne, rapporte qu’il se sentait peu concerné par l’idée européenne dans sa jeunesse18. Michel de Boissieu, chef du cabinet de Pierre-Henri Teitgen entre 1944-1948, conseiller référendaire à la Cour des comptes, n’a guère de souvenirs européens avant d’exercer des fonctions à la DREE19. Un haut fonctionnaire comme Dominique Boyer, inspecteur des finances, sous-directeur du Trésor, directeur adjoint du cabinet de Robert Buron, secrétaire d’État aux Finances et Affaires économiques en 1955-1956, manifesta de l’intérêt pour les affaires européennes à partir de la conférence de Messine en juin 1955 dont les objectifs lui paraissaient propres à sortir l’économie française du dirigisme20. Il n’y a pas d’Europe dans ce propos. Etienne Hirsch, très proche de Monnet, ne se signalait pas par un militantisme européen singulier avant la déclaration Schuman. Il avait travaillé au Commissariat général du Plan et avait manifesté un intérêt réduit pour l’insertion de la France dans un réseau d’échanges européens. Il s’était heurté à Guillaume Guindey au point d’entrer publiquement en conflit en janvier 194921. Il est vrai que Jean Monnet et le Plan avaient plus d’influence et de poids dans les affaires extérieures que la direction des Finances extérieures, car ils « disposaient » de la contre-valeur de l’aide américaine22. Michel Denis, inspecteur des finances, directeur de cabinet de Jean Monnet au Plan de 1946 à 1948, montre bien que Monnet lui-même ne manifestait pas de grandes préoccupations pour la construction européenne, absorbé qu’il était par le Plan entre 1946 et juillet 1948 ; et le Plan n’avait pas pour but d’insérer la France dans les échanges intereuropéens. Toutefois Michel Denis souligne que dès 1948, il a compris que l’OECE serait un moyen de coopérer en matière de change et d’échanges23.
10Il est difficile de trouver des anticipations sur l’organisation nouvelle de l’Europe, comme celles que l’on trouve à la direction Europe du Quai d’Orsay. Des hauts fonctionnaires voyaient avec bonheur « l’intégration des bassins occidentaux sidérurgiques européens » pour résoudre le conflit franco-allemand et donner « à la France et à l’Union française des possibilités de développement presque illimitées »24. L’idée européenne semblait donc partagée par un petit nombre de « croyants ». Ce groupe était attiré par les responsabilités dans les nouvelles instances européennes, alors que les tièdes ou les hésitants n’y entreraient que par suite de concours particuliers (voir la seconde partie). En fait un événement obligea ces hauts fonctionnaires à se dévoiler : la déclaration Schuman du 9 mai. Tous disent avoir pris connaissance du projet par la presse. Le ministère des Finances ne pouvait donc pas donner un avis préalable25. Pour certains ce fut ressenti comme un « coup de massue », dit Pierre Célier, inspecteur des finances. Ce fut aussi le départ de belles carrières européennes.
II. LES RAISONS D’ENTRER DANS LA CARRIÈRE EUROPÉENNE
11Comment s’engage-t-on dans une carrière européenne ? Il convient de distinguer les responsabilités à assumer. Il était normal qu’un directeur des Relations économiques extérieures, ou qu’un directeur des Finances extérieures rencontrât la construction européenne. Les dossiers européens s’imposaient à eux. Plus intéressante était la situation des hauts fonctionnaires qui quittaient la rue de Rivoli pour aller à l’OECE, à Luxembourg ou Bruxelles comme fonctionnaires européens.
Réflexion sur l’Histoire
12Le départ vers des organisations européennes s’explique, selon les témoignages, par les conséquences des événements historiques du premier demi-siècle. Armand Saclé, administrateur civil, qui partit pour la Commission européenne comme directeur à la direction générale de la Concurrence pour dix ans (1958-1968), était sensible aux enjeux de la fin du siècle. Il dit agir pour contribuer à faire de l’Europe une puissance. L’homme, d’origine italienne, accepta un poste européen pour cette raison de fond et parce qu’il avait acquis une expérience des affaires communautaires dans le cabinet de Pierre Abelin au moment des négociations des traités de Rome26. Le cas d’Étienne Hirsch est lié au plus grand drame de l’Europe du XXe siècle. Il devint un fervent défenseur de l’idée d’intégration européenne pour des raisons politiques et historiques. Juif, il avait vu ses beaux-parents déportés et exterminés. Il avait donc un devoir de respect pour leur mémoire. Il éprouvait des difficultés à accepter la réconciliation franco-allemande qui pourrait passer pour une trahison, en participant à l’élaboration de la déclaration Schuman et en acceptant l’Europe. Mais il résolut de surmonter cette résistance intérieure et participa à l’élaboration de la déclaration Schuman, jugeant qu’il fallait éviter que ce drame ne recommence27. Il entra dans la logique européenne par réalisme et pour améliorer les conditions de vie des peuples européens. La formation initiale, la famille, les idées reçues contribuent aux choix de l’engagement pour l’unité européenne. Nous en avons donné quelques exemples.
Une opportunité de carrière ?
13Certains hauts fonctionnaires en poste à Bruxelles l’ont été par hasard ; ce fut le cas de Pierre Colmant, attaché commercial en Rhodésie, nommé à la représentation permanente de la France à Bruxelles, en 1958, à l’instigation de Bernard Clappier, « par accident » dit-il, puis transféré à Paris en 196528. D’autres ont cru trouver une excellente opportunité de carrière, le poste de chef de division à Bruxelles étant sans doute plus prestigieux que celui de chef de bureau en France. Très conscient de l’intérêt historique de l’unité européenne, Armand Saclé partit à Bruxelles à la demande de Bernard Clappier comme directeur à la direction générale de la Concurrence sous la direction d’un Néerlandais. Or Jacques Donnedieu de Vabres lui offrait un poste d’adjoint du secrétaire général du Comité pour les questions de coopération économiques intereuropéennes. Armand Saclé avoue aujourd’hui qu’il aurait préféré rester à Paris. Mais le poste d’adjoint n’était pas libre car Georges Elgozy « s’accrochait » et Armand Saclé dut donc accepter le poste de Bruxelles29.
14Les Communautés ne semblaient pas être une véritable opportunité pour la carrière d’un haut fonctionnaire français des années cinquante-soixante, pas plus d’ailleurs que pour les hommes du secteur privé, indique Jean-François Deniau. La raison en serait le peu de prestige des institutions communautaires au sein du patronat français.
L’appel des fondateurs de l’Europe
15Dans la vocation européenne de certains hauts fonctionnaires français on trouve l’influence de Jean Monnet ou de Robert Marjolin. La discussion avec eux fut déterminante. Paul Delouvrier, inspecteur des finances, secrétaire général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI) en 1953, n’était pas disposé à marcher sur les chemins ordinaires de l’Inspection des finances. Ayant été séduit par les idées et la personne de Jean Monnet, il le suivit à Luxembourg comme directeur des Finances de la Haute Autorité en 1955. Paul Delouvrier était parfaitement conscient du risque qu’il prenait par rapport à la voie classique. Il se « stérilisait », mais il avait décidé de suivre Monnet « tel un nouveau prophète »30.... Jean Guyot était conscient de son audace en répondant favorablement à Jean Monnet. Mais il avait confiance en lui31. C’est aussi la nouveauté des idées de Monnet qui séduisit Georges Berthoin. Robert Schuman lui conseilla d’aller trouver Monnet, ce qu’il fit en confiance32. Sacha Guéronik, qui était ingénieur des Mines, vint à l’OECE comme directeur des Services techniques et des Programmes à la demande de Robert Marjolin. Il n’a pas raisonné, dit-il, en termes de carrière, parce qu’il préférait un travail international à une carrière hexagonale33. Le cas est rarissime. Pierre Millet, administrateur civil, partit à Bruxelles dans l’indifférence de la direction du Personnel, à la demande de Robert Marjolin sur une suggestion de Claude Gruson, chef du service des Études économiques et financières, pour occuper pendant trois ans le poste de directeur des Économies régionales et de la Conjoncture, puis de directeur des Structures et de l’Énergie et de directeur général de la DG III en 1964-196734.
16Certaines missions aux Communautés furent assumées à l’initiative gouvernementale française. Le général de Gaulle envoya Pierre Chatenet, ancien ministre, à l’Euratom avec mission de conduire une politique très précise. Pierre Chatenet avait critiqué la Communauté européenne de Défense. Il pensait : « l’Europe doit sortir des faits ». Il reprochait aux « doctrinaires » leur influence dans la construction européenne35. À travers lui se dessinait l’Europe gaulliste, que Pierre Chatenet avait faite sienne. Il acceptait, en allant à Bruxelles, de relayer dans les institutions européennes l’inspiration politique française du moment.
Le détachement à la française
17Le départ se faisait selon la règle du détachement. Le haut fonctionnaire pouvait espérer un retour au bout d’un certain nombre d’années. Il avait intérêt à garder le contact avec la « maison-mère ». Or le ministère n’était pas favorable à ces détachements. Antoine Pinay, dit Jean Guyot, avait protesté contre le départ d’un haut fonctionnaire. Ces départs étaient considérés comme un renforcement de l’équipe Monnet, au moins au temps de la CECA et Jean Monnet n’était pas bien vu aux Finances36. Jean Guyot raconte que son expérience européenne lui donna « le sentiment d’être sorti de sa coquille ». Michel Gaudet dit aussi que le Français « détaché à Luxembourg » était considéré comme « un apatride, voire un traître »37. « La bonne gestion du personnel, rue de Rivoli, est de considérer tout fonctionnaire français de Bruxelles comme ayant été rayé des cadres. C’est le contraire de la politique de nos partenaires et bien sûr des Anglais... », explique Jean-François Deniau38. Robert Toulemon rapporte : « [Mes collègues] n’ont pas manqué de me dire très gentiment, que j’allais ainsi compromettre la suite de ma carrière, que c’était très mauvais d’aller à Bruxelles. Bruxelles n’était pas alors en odeur de sainteté à Paris » en 196239 ! Pierre Millet écrit que les fonctionnaires détachés à Bruxelles étaient des « émigrés », des aventuriers dont la direction du Personnel ne se souciait guère en terme de carrière et de mérites. L’obligation de mobilité, l’idée de « noria » propre aux Anglais n’existaient pas40. Bref ! La formule du détachement était relativement neutre. Elle se traduisait pourtant par une mise à l’écart des fonctionnaires qui avaient choisi l’Europe, d’autant plus que d’après Jean Aubry, administrateur civil ayant connu l’OECE, l’OCDE et la CEE, « les ministères envoyaient n’importe qui à l’OECE puis à l’OCDE, au moins jusqu’à l’arrivée au SGCI de Jean Mayoux »41.
18Jean-François Deniau estime au contraire, qu’au temps du général de Gaulle, le ministère des Finances envoya des fonctionnaires de qualité pour contrôler et freiner la dangereuse machine bruxelloise. Mais il précise aussi que cette mission de confiance, et quelle mission ! ne les prédisposait pas du tout à être honorés à leur retour par un avancement plus rapide. La politique gaulliste en matière européenne a ruiné aussi la position des hauts fonctionnaires français. La « chaise vide », dit Alain Prate, a entraîné un regain de méfiance en France contre les fonctionnaires français à Bruxelles42. Les postes de Bruxelles servaient alors à se débarrasser de certains d’entre eux, n’hésite pas à dire Jean-François Deniau. Les meilleurs devaient revenir, et de citer son refus de rejoindre Antoine Pinay en 1958, ce qui l’a desservi. Cette « doctrine » non écrite, mais pratiquée, dit Jean-François Deniau aurait duré jusqu’à l’intervention de Jean-René Bernard, conseiller technique à l’Élysée au temps de Pompidou43. Jean-René Bernard a inauguré une nouvelle politique consistant à inclure le stage à l’étranger dans la carrière d’un haut fonctionnaire français. Ce système était proche du système anglais ; les fonctionnaires anglais envoyés à Bruxelles restaient liés à leur maison-mère, mais d’une façon très poussée puisqu’un va et vient avait été établi entre l’Angleterre et Bruxelles de façon à les spécialiser et à les rendre très efficaces du fait de leur connaissance intime des dossiers européens et des dossiers de politique intérieure britannique.
19En France le retour au ministère était souvent douloureux. Car Paris, vu de Bruxelles, continuait de fasciner. La situation de haut fonctionnaire à Bruxelles n’était pas une voie royale, même pour les plus connus. Raymond Barre redevint professeur à son retour de Bruxelles. Robert Marjolin aussi. Jean-François Deniau ne reçut aucun traitement durant six mois à son retour44. Pierre Chatenet, ancien ministre de l’Intérieur, président de la Commission Euratom, souhaitait revenir après avoir réalisé la fusion des exécutifs. Mais même pour lui, le retour posa problème. Il prit la direction de la Commission des opérations de bourse (COB) que Michel Debré venait de créer45. Michel Denis après un séjour à l’OECE, au cabinet de Maurice Petsche, ministre des Finances au début des années cinquante, et à l’OTAN (comité économique et financier), souhaitait réintégrer le ministère des Finances. On lui proposa la CECA qu’il refusa et entra en 1952 dans l’entreprise Prouvost46. Michel Gaudet souhaita, lui aussi, revenir à Paris, pour des raisons familiales après avoir passé dix-sept ans aux Communautés47. Les raisons de son retour n’étaient pas liées à la carrière professionnelle. Mais il faut en conclure que même les fonctionnaires français parfaitement adaptés à ce nouveau monde ne pouvaient pas y passer toute leur carrière. Alain Prate explique qu’il voulait « naturellement » rentrer en France après trois ans, mais qu’il a été considéré par le ministère des Finances comme « un paria ou un transfuge »48. Il est resté dix ans à Bruxelles sans pouvoir revenir à Paris alors qu’il avait formulé très souvent ce vœu. Ayant fait connaître son intérêt pour le poste de secrétaire général du SGCI laissé libre par Jean Dromer en 1966, il se heurta à un candidat que Pompidou désirait placer. Il devint alors conseiller économique du général de Gaulle sans l’avoir cherché. Luxembourg était un exil, dit Delouvrier, citant le cas de Georges Berthoin, non reclassé, ni au ministère de l’Intérieur, ni au Quai d’Orsay49. Georges Berthoin avait choisi Jean Monnet et la CECA balbutiante en 1952. En 1973 il terminait une mission comme représentant de la CEE à Londres. Il avait su expliquer l’Europe aux Britanniques et les Anglais aux Continentaux. Or, il fut proprement écarté d’un poste d’ambassadeur de la Communauté à Washington, du fait de l’absence de soutien du nouveau président de la Commission des Communautés, François-Xavier Ortoli, inspecteur des finances, ancien ministre50. Georges Berthoin quitta l’administration française et communautaire pour se lancer dans l’aventure de la Trilatérale après une période un peu difficile. Robert Toulemon, inspecteur des finances, directeur général des Relations extérieures puis des Affaires industrielles, technologiques et scientifiques de la CEE, de 1963 à 1973, chercha à revenir à Paris pour des raisons familiales, mais aussi en raison des difficultés à mener une véritable politique industrielle communautaire51. Il suscita l’ironie en revenant, affirme-t-il, « il était considéré comme un euro-fanatique ». Aucun poste ne lui a été proposé en particulier à son retour dans l’administration même des Finances et il termina sa carrière à l’Inspection générale des finances. Jean Guyot a quitté la CECA à la fin de 1954 en faisant remarquer que son intérêt pour Luxembourg était épuisé. Peut-être était-ce lié à la perception critique qu’il avait de la IVe République. Il entra à la Banque Lazard52. Le retour d’Armand Saclé en 1969 eut lieu après la fusion des traités, dans des conditions difficiles. Il avait manifesté le souhait que les hauts fonctionnaires français pratiquent le système de « la noria » à Bruxelles. Quand les Anglais arrivèrent dans le Marché commun, Hans von der Groeben cessa d’être son commissaire ; un Anglais réorganisa la direction, et son fauteuil fut offert à un Néerlandais. Il dut donc partir. À son retour en France, il voulut créer une université de commerce international, mais ce fut un échec en raison de l’hostilité de la Chambre de commerce. Il redevint alors l’administrateur civil qu’il avait été, mais « le directeur du personnel fut incapable de le replacer ». Il resta dans « la horde des sauvages », dit-il53. À l’appel de Pierre Esteva, directeur du cabinet d’Ortoli, il fut enfin chargé du poste de directeur de l’Institut national de la consommation (INC).
20Tous ces témoignages confirment le peu de prestige de la fonction européenne au sein du ministère des Finances. La carrière internationale n’était pas la voie royale pour progresser dans l’administration française et particulièrement aux Finances. La carrière européenne communautaire pas davantage. D’après une étude récente, l’ENA ne s’était pas plus intéressée à ces questions54. Pierre Millet cite Jean Sadrin, administrateur civil, directeur des Finances extérieures de 1954 à 1961, pour qui le Marché commun « était une abstraction aussi floue et même d’avantage, que les institutions spécialisées de l’ONU installées depuis la guerre »55. Les directeurs du ministère des Finances, voire le ministre, étaient ignorants du travail fourni hors de Paris. Armand Saclé confirme que sa situation hiérarchique de directeur à la Commission n’a pas été reconnue par son administration d’origine56. « L’atmosphère était stimulante et angoissante », conclut Michel Gaudet57. Elle fut en effet stimulante pour Robert Toulemon qui vit dans le poste de Bruxelles une exceptionnelle situation pour agir58. Ces conditions ont suscité des ressentiments ou au moins des déceptions graves. La gestion déplorable de la carrière des hauts fonctionnaires français en Europe eut comme conséquence d’abandonner certains secteurs des Communautés en des mains peu favorables à la France. Les rivalités entre le Quai d’Orsay et les Finances expliqueraient cette politique française sans ampleur, estime Alain Prate59. Pourtant, Robert Marjolin n’avait cessé de dire qu’il fallait créer des réseaux d’influence au sein des directions de la Commission et des institutions européennes. L’expérience de ces hauts fonctionnaires conduit à penser que « la noria » aurait été un excellent système pour alimenter en personnel compétent les institutions européennes. On sent bien que les Communautés européennes ont été mal acceptées avant même le retour du général de Gaulle au pouvoir ; la « culture d’entreprise » du ministère des Finances ne portait pas aux innovations internationales et européennes ; et ces dispositions ont été aggravées à partir de 1958 par un pouvoir politique incapable de « positiver » ce qu’il avait été amené à accepter : le Marché commun. La culture interne du ministère des Finances reflétait aussi l’état d’esprit des élites françaises du moment. Quand elles prirent conscience que l’Europe pouvait contribuer au relèvement du pays, voire à ses ambitions de puissance, elles reconnurent plus généreusement l’importance d’une participation aux institutions nouvelles. Michel Gaudet remarque « qu’au temps de la CECA, la considération des fonctionnaires de la CECA était nulle. Aussi ne faut-il pas s’étonner que des postes aient été offerts à des farfelus ou à des laissés pour compte »60, tandis qu’il note une amélioration de l’image des fonctionnaires de la CEE dans les années soixante. En effet les esprits évoluaient lentement au ministère des Finances, comme dans l’opinion, car la CEE s’enracinait. L’Europe unie avait commencé sur un joli coup (déclaration Schuman) ; elle avait échoué sur un point décisif (la CED) ; elle montait lentement en puissance avec la CEE. La considération envers les fonctionnaires européens était directement liée à la perception par la structure nationale de l’importance de l’organisation européenne.
III. LES ACQUIS DES EXPÉRIENCES EUROPÉENNES DES HAUTS FONCTIONNAIRES DU MINISTÈRE DES FINANCES
21En poste à Bruxelles, à Luxembourg, ou encore à l’OECE, ayant contribué du fait de leurs responsabilités au ministère des Finances aux affaires européennes ou à des événements marquants pour la construction européenne, les hauts fonctionnaires français ont-ils acquis une expérience capable de transformer leurs comportements ? Quels bilan et enseignement en tirent-ils ? Le salaire était confortable, les responsabilités nouvelles et intéressantes remarquent-ils. Ce n’est pas l’essentiel.
Représentations et histoire de l’unité
22Comme tout le monde, mais plus que n’importe qui, ces hauts fonctionnaires interprètent l’histoire de l’unité européenne. Un événement historique est omniprésent : l’attitude de Pierre Mendès France au moment du vote de la CED. Hervé Alphand affirme que Pierre Mendès France aurait décidé de « détruire le traité »61. C’est aussi l’idée de Rodolphe Metzdorf, ancien membre du cabinet de Robert Schuman62. Guy de Carmoy évoque l’ambiguïté de Mendès France et sa volonté d’associer la Grande-Bretagne à l’organisation européenne63. Il évoque aussi le mythe d’un engagement anti-CED de Mendès France à la conférence de Genève en échange du cessez-le-feu en Indochine. Philippe Huet en poste à l’OTAN puis à l’OCDE, estime que Mendès France n’a pas voulu vraiment s’engager. Mendès France s’est heurté à Paul-Henri Spaak alors qu’il pensait à une solution transactionnelle64. Pour René Larre, Mendès France a « torpillé la CED » parce qu’il a refusé de présenter une doctrine au nom de son gouvernement65. En revanche seul Armand Saclé juge, à tort, que Mendès France était personnellement favorable à la CED66 ! La CED sonne comme le lancinant rappel d’une occasion perdue, mais elle est aussi l’exemple du dossier difficile à gérer. Hervé Alphand, alors directeur des Affaires économiques et financières au Quai d’Orsay, témoigne à la fois de sa fidélité à de Gaulle, de son obéissance au gouvernement et de sa confiance en Monnet et en la CED. Mais le choc de l’été 1954 fut tel que Hervé Alphand a dit : « Je ne crois plus véritablement à l’Europe depuis l’échec de la CED »67. Pierre Chatenet, dont la position ne peut être comparée à celle d’un haut fonctionnaire puisqu’il a été ministre de l’Intérieur du général de Gaulle puis président de la Commission de l’Euratom de 1962 à 1967, insiste sur son rôle dans la rédaction des articles additionnels du traité de CED et justifie son opposition au traité du fait de sa contradiction fondamentale : ses auteurs affirmaient la Gleichberechtigung – l’égalité des droits –, tout en interdisant à l’Allemagne d’être membre de l’OTAN.
23Le souvenir des années noires de la guerre, de l’Occupation allemande, pesait encore sur le fonctionnement des organisations européennes. À l’OECE, François Bizard raconte qu’on a refusé d’employer le terme de clearing pour désigner la méthode appliquée aux accords de paiements intereuropéens, en raison du mauvais souvenir laissé par le clearing franco-allemand des années d’Occupation68. Philippe Huet déclare aujourd’hui n’avoir pas cru ni accepté le projet de CED car il refusait d’aliéner l’autonomie des forces armées françaises. Plus fondamentalement, il ne croyait pas aux modifications d’état d’esprit des nouvelles générations d’Allemands69. Très engagé à l’OTAN au point de s’estimer l’un de ses premiers organisateurs, Philippe Huet était convaincu de l’intérêt de l’unité européenne pour surveiller, avec la Grande-Bretagne, le « magma allemand »70.
24Parfois aussi la méconnaissance historique du témoin fausse son jugement. Pierre Chatenet affirme que la déclaration du 9 mai serait en grande partie de la main de Clappier71. Or on sait bien que tout a été préparé par Jean Monnet au Plan et que Bernard Clappier a attiré l’attention de Robert Schuman sur ce projet72. Présenter Jean Monnet comme « l’Anglo-Saxon » relève aussi de la méconnaissance de la réalité. Dire qu’il est « un rêveur » est un contresens historique73.
La découverte de la différence
25Il paraît normal aujourd’hui de dire que l’on admire certains aspects de la vie sociale, politique ou économique d’autres pays européens. Mais le voisin européen était un inconnu dans les années cinquante-soixante pour les citoyens des États en guerre et en rivalité depuis le XIXe siècle. Alain Prate revint de Bruxelles avec une réelle admiration pour la Hollande tournée vers l’économie internationale, ou encore pour l’indépendance de la Bundesbank, alors que la Banque de France était un service d’exécution du gouvernement et du Trésor. Les fonctionnaires français découvraient une nouvelle culture économique et financière où l’inflation était tenue pour le mal absolu et les politiques volontaristes proscrites en général. Le milieu dans lequel ils tombaient rejetait le dirigisme centralisateur à la française74. Ils découvraient ce que Gaudet appelle « le concert de volonté »75.
26Dans la vie quotidienne, Bruxelles était plus exotique qu’un Français pouvait le penser. Gaudet a été frappé de découvrir le double clergé catholique dans les églises de Bruxelles, l’un francophone, le second flamingant. Il a été sensible à l’attrait du nouveau paysage humain qu’il assuma en famille76. Chez Michel Gaudet, le juriste plus que le fonctionnaire des Finances a immédiatement senti la richesse de « l’interculturalité ». La vie quotidienne hors de Paris a parfois été mal supportée par certains hauts fonctionnaires. La vie à Bruxelles et à Luxembourg était vécue par ces fonctionnaires français comme une vie « en province ». Mais Armand Saclé emploie ce terme pour qualifier positivement les activités culturelles de Bruxelles. La vie de famille était difficile puisque certains, comme Armand Saclé, revenaient une fois par semaine à Paris77. D’autres avaient choisi d’expatrier leur famille.
Un vrai projet européen commun
27Une des très belles expériences faites par beaucoup de ces hauts fonctionnaires français a été d’apprendre à vivre avec d’autres fonctionnaires européens pour un projet commun. Se sont-ils « dénationalisés » ? Sans doute pas, mais ils se sont perçus comme Européens en situation de peser ou d’influencer le destin de l’ensemble européen. Sacha Guéronik estime que les personnalités remarquables qu’il a fréquentées à l’OECE, Guido Colonna, Frank Figgures, Harry Lintott se sont transformées en vrais Européens. Le milieu des institutions bruxelloises aurait-il lissé les nationalismes78 ? Pour Georges Berthoin, l’expérience européenne a été libératoire. « Cela vous libère. Vous ne trahissez pas votre patriotisme, mais votre patriotisme vous impose quelque chose. Et tout d’un coup on vous offre avec la paix, quelque chose de plus large »79. Le travail en commun à Bruxelles aboutit à une osmose intellectuelle avec les collègues étrangers, déclare Alain Prate. Il fournit une réelle occasion de traiter honnêtement et complètement les politiques communes, ce qui était nouveau80. Dans le cas de Pierre Chatenet, gaulliste, ancien ministre de l’Intérieur, nommé président de l’Euratom à la demande de De Gaulle en janvier 1962, à la place d’un fédéraliste déclaré appartenant à la garde rapprochée de Monnet, Étienne Hirsch, le passage dans les institutions européennes ne s’est pas traduit par une conversion à la Fédération. Son arrivée a été difficile. Étienne Hirsch a été ovationné le jour de son départ et Pierre Chatenet, son successeur, écouté courtoisement. Or durant sa présidence il sut, d’après son témoignage, « malaxer la pâte », pour faire fonctionner par consensus une institution qu’il n’aimait pas, à la satisfaction de tous. « Je déteste le mot supranational » ajoute-t-il toutefois. Il témoigne aussi de l’authenticité de l’engagement européen des fonctionnaires allemands présents autour de lui. Il a vu dans la conviction européenne de Walter Hallstein la volonté de protéger l’Allemagne de démons encore palpitants81. Jean Guyot remarque que les Allemands de la Haute Autorité construisaient un mur infranchissable sur certains dossiers, mais qui s’effondrait d’un coup, une fois le débat tranché par les instances politiques82. L’efficacité venait encore, dit Prate, du petit nombre de participants aux différentes institutions communautaires. Il songeait particulièrement au Comité monétaire de la CEE et à son caractère secret83.
28Le sentiment de bâtir une Europe plus humaine était renforcé par la présence de grandes personnalités qui avaient contribué d’une façon décisive à la naissance de l’Europe unie : Robert Marjolin, Emile Noël, « l’immuable », selon les termes d’Armand Saclé84. Les hauts fonctionnaires français présents à Bruxelles ou à Luxembourg ont reconnu combien leur rôle a été fondamental pour le bon fonctionnement des institutions européennes. L’image de Jean Monnet, de Robert Marjolin sans doute davantage encore, était très présente chez les hauts fonctionnaires français en poste à Bruxelles. L’image de Robert Schuman était excellente85. Alexandre Kojève, très souvent cité, mort à Bruxelles dans les bras de Colmant, était admiré dès ces temps héroïques. Les « muses » de Luxembourg ont une certaine place dans les témoignages : Pierre Uri, Paul Delouvrier, Jean Guyot, Jacques-René Rabier, Léon Daum. Ceux qui connaissaient Monnet, comme Michel Denis ou Michel Gaudet, ont remarqué qu’il pouvait littéralement happer quelqu’un pour l’utiliser au maximum de son temps et de ses compétences. Jean Monnet était « avide d’authenticité ». Georges Berthoin dit de Monnet : « Ce qu’il demandait et qui représentait la cause, avait un caractère quasi-sacré »86. Plus tard au temps des négociations du Marché commun les témoignages insistent sur l’importance du trio constitué par Jacques Donnedieu de Vabres, Pierre Uri et Paul Delouvrier87. Pour des fonctionnaires français, Walter Hallstein, Sicco Mansholt, Jean Rey, Paul-Henri Spaak faisaient partie des personnalités européennes non françaises reconnues.
29Leur installation à Luxembourg ou Bruxelles a suscité chez Michel Gaudet et d’autres hauts fonctionnaires le souci de donner une éducation différente, mais de qualité, à leurs enfants, en rapport avec leur mission européenne. L’établissement d’une Communauté à Luxembourg posait des problèmes délicats à assumer, car il était impossible d’envisager une scolarisation en patois luxembourgeois. « Il s’est esquissé tout de suite le besoin de quelque chose d’européen », dit-il88. Ainsi est née l’école européenne de Luxembourg en 1953-1954. Paul Delouvrier insiste aussi sur cet aspect pionnier. Il se félicite d’avoir fait voter une ligne budgétaire en faveur de cette école européenne89. Michel Gaudet exprime aussi sa satisfaction à propos de l’enseignement dispensé à l’école européenne. Mais il remarque que ce type d’école n’est pas facilement transposable dans les systèmes éducatifs nationaux parce que les écoles européennes ont fonctionné pour une vraie collectivité multinationale.
30Enfin les opinions publiques évoluaient. Elles découvraient la réalité interculturelle européenne. Beaucoup avaient la conviction (Denis, Gaudet) que l’opinion publique française laissait faire le temps pour opérer la réconciliation franco-allemande. Des mutations s’opéraient dans le secret des consciences du fait du changement de génération et de la prescription des erreurs du passé. Les États et surtout les peuples prirent conscience dans les années soixante-dix, dit Gaudet, d’une réalité interculturelle européenne partagée. Les peuples venaient de découvrir l’Europe. Cette référence aux forces profondes culturelles, agissant dans la conscience des citoyens français et allemands, indique que le comportement des peuples dans ce qu’il a de plus indicible est un élément de la rationalité politique européenne. Ces peuples, à la fin des années soixante, avaient abandonné l’esprit de domination des Européens des années d’impérialisme et de colonisation, l’esprit d’affrontement pour ouvrir une ère de paix et d’innovation politique et sociale.
31Cette rencontre d’hommes et de femmes que tout séparait jusqu’alors, quelques années après la fin de la guerre, était par elle-même inattendue. Les institutions européennes ont probablement vu se nouer des amitiés internationales exceptionnelles comme en témoigne Paul Delouvrier90.
Les limites du pouvoir intégrateur des institutions communautaires
32Un thème revient régulièrement dans les entretiens : les rapports entre grands et petits pays au sein des organisations européennes. Michel Denis note que les petits pays étaient très anxieux du partage de l’aide américaine91. Cette remarque rappelle les expériences d’autres personnalités à Bruxelles concernant l’extrême sensibilité des petits pays au sein des Six d’abord, puis de l’organisation européenne actuelle, sur les procédures de codécision. Dans quelle mesure la recherche du consensus n’était-elle pas un objectif permanent des décideurs plutôt que la difficile application de la règle de la majorité, même qualifiée ? Jean-François Deniau témoigne du rôle parfois décisif des petits pays, comme celui de la Belgique, partagé entre Wallons et Flamands et conduisant Joseph Luns, le Néerlandais, à abandonner la langue française en réunion à la demande d’un flamingant. Ces petits pays éprouvaient aussi une véritable « terreur de l’axe franco-allemand », selon l’expression de Michel Gaudet. Ainsi Michel Gaudet a-t-il été rappelé de vacances par la Commission, le soir même de la signature du traité franco-allemand de janvier 1963, pour se prononcer sur la compatibilité de ce texte avec les traités de Rome92. La peur d’être dominé subsistait donc au sein des communautés.
33Certains revinrent des Communautés avec des critiques. Armand Saclé déclare qu’Émile Noël et Robert Marjolin étaient satisfaits. Pour sa part, il pense que « cela aurait pu marcher mieux »93. Pour Pierre Colmant, le bilan de l’unité européenne est apparu assez discutable : la PAC fut une erreur et la Commission était peuplée de mercenaires ; elle a développé un activisme qu’il aurait fallu encadrer ; le Parlement européen n’a pas joué son rôle de contrepoids ; les Américains avaient trop d’influence sur l’Europe communautaire94. L’émergence d’un sentiment européen partagé n’excluait pas les résistances corporatistes, doublées de nationalisme. La loyauté indubitable des fonctionnaires envers les nouvelles communautés ne pouvait pas les empêcher de songer aux intérêts nationaux, dit encore Armand Saclé. À ce titre les réactions du général de Gaulle ne signifiaient pas une position anti-européenne. Elles marquaient plutôt les limites de ce qui était acceptable par la France et sans doute aussi pour d’autres Etats membres95.
34Les tensions et crises entre États trouvaient aussi leur écho dans les instances communautaires. Ainsi Alain Prate décrit les affrontements entre le gouvernement français du général de Gaulle et « le clan Monnet ». Alain Prate, qui semble-t-il, a apprécié son poste au Comité monétaire, a probablement ressenti davantage la tension dans ses fonctions de directeur général du Marché intérieur. Les débats portaient la trace de tensions très vives avec les Allemands sur le degré de libéralisation et sur le genre d’économie de marché souhaitable.
Une école de réalisme
35Le passage dans les organisations européennes est souvent ressenti comme une école de réalisme. Même Jean Monnet, selon Paul Delouvrier, aurait reconnu que l’usage du terme de « supranationalité », qu’il affectionnait, n’était pas adapté à la situation des communautés européennes des années post-plan Schuman. Il a alors travaillé à développer des institutions qui pérennisaient les acquis communautaires96. L’expérience valait pour tous les idéologues, ceux de la nation ou ceux de la supranationalité. Car il était impossible de transposer au niveau européen les doctrines et querelles de l’administration française, ou simplement la culture du corps ou de l’administration française concernée. Réalisme toutefois, car il était tout autant difficile de faire comme si les intérêts nationaux n’existaient pas. Alain Prate, alors jeune fonctionnaire, a participé à l’élaboration des traités de Rome. Il en a tiré d’une part une admiration pour les principaux négociateurs des traités, mais aussi pour l’originalité des institutions mises en place. Il admirait un traité qui établit que le Conseil des ministres de la CEE se prononce seulement sur des propositions faites par un organe indépendant : la Commission européenne. Armand Saclé affiche sa conviction qu’il a été un réaliste et non pas un de ces Européens béats que le général de Gaulle stigmatisait.
Le dossier britannique
36La présence des Britanniques dans les institutions européennes rassemblait en principe tout le monde. Mais les témoignages divergent. Jean Filippi n’est pas revenu de l’OECE convaincu de l’utilité de la présence anglaise sur le continent. Pas plus d’ailleurs qu’Armand Saclé qui persistait à penser que l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun était prématurée, car l’idée dominait d’organiser une Europe fédérale selon les projets de Walter Hallstein97. Michel Gaudet, en revanche, a salué l’art de Jean Monnet de rassurer les Britanniques et les Américains : la CECA ne se ferait pas contre eux. La Grande-Bretagne a été associée en 1954 et les Américains ont été sollicités de consentir un emprunt les liant avec la CECA98. Autre constatation intéressante, si une réserve critique était perceptible dans les milieux communautaires contre les thèses gaullistes « d’apartheid » envers la Grande-Bretagne, les fonctionnaires communautaires non français ne les rejetaient pas systématiquement. Paul Delouvrier affirme que beaucoup de fonctionnaires étaient effrayés par l’élargissement. Jusqu’où la Grande-Bretagne avait-elle l’intention de s’engager en Europe ? Mais Michel Gaudet tranche dans sa logique pro-britannique sur la moyenne des fonctionnaires français en poste à Bruxelles. Il aurait été malheureux de partir avant d’avoir vu la Grande-Bretagne entrer dans le Marché commun, ajoute-t-il. Robert Toulemon fait part d’une réaction de Jean-Marc Boegner après qu’il eut prononcé un plaidoyer en faveur de l’adhésion de la Grande-Bretagne : « Mon cher ami, vous nous proposez quelque chose que nous n’aimons pas : l’adhésion de l’Angleterre, et pour nous le faire accepter, vous y ajoutez quelque chose que nous détestons encore beaucoup plus, qui est la supranationalité, donc vous n’avez aucune chance de nous convaincre »99. Tous en revanche pouvaient se reconnaître dans ce mot de Michel Gaudet : « On ne peut pas échapper au réel ». C’était aussi l’avis d’Étienne Hirsch qui connaissait bien l’Angleterre puisqu’il avait été en poste à Londres durant la guerre au service de la France combattante. Avec une réserve, puisqu’il dit, qu’après tout, « les États-Unis d’Europe sans la Grande-Bretagne ce serait comme les États-Unis d’Amérique sans le Canada »100.
L’image de la France
37Les fonctionnaires français étaient des observateurs privilégiés de l’image de la France au sein des Communautés. Ils contribuaient aussi à en dessiner les contours auprès de leurs collègues par leur propre comportement. Pierre Colmant a apprécié, dit-il, le fait que la France ait pu appliquer le traité de Marché commun en 1959 sans avoir à mettre en œuvre les clauses de sauvegarde. Cette décision, couplée à l’entente de Gaulle-Adenauer, a eu un effet dynamisant extraordinaire101. « Le plan Rueff-Pinay fut perçu comme le moyen de faire entrer la France dans le Marché commun », rappelle Jean Aubry102. Il répondait donc à un projet européen de De Gaulle fondé sur l’entente franco-allemande. Il serait essentiel que leurs pairs européens décrivent l’image que les fonctionnaires français à Bruxelles donnaient de la France. Mais en raison de l’absence actuelle de travaux sur l’image de l’autre, retenons seulement ceci : Paul Delouvrier affirme que les fonctionnaires français au temps des Six étaient les plus profondément européens et que les positions politiques du gouvernement français n’influençaient pas les chefs de file des fonctionnaires français aux Communautés. En outre, Paul Delouvrier affirme que les autres fonctionnaires européens travaillaient davantage pour leur pays que pour l’intérêt commun103. Armand Saclé estime encore que dans son entourage professionnel les fonctionnaires français étaient d’un niveau extraordinaire, « personne ne pourrait le discuter »104.
38Quelques remarques donnent une idée de ce que les Français pensaient de leurs collègues européens. Claude Pierre-Brossolette témoigne des capacités des fonctionnaires hollandais, très bons économistes et bons fonctionnaires105. Paul Delouvrier présente les Hollandais comme « un peuple dur », redoutant instinctivement que le général de Gaulle soit un nouveau César de l’Europe.
IV. LE RÔLE DU MINISTÈRE DES FINANCES DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE
Les hauts fonctionnaires ont-ils tout fait ?
39À l’écoute de certains témoignages on est frappé par la défense et illustration de l’excellence de hauts fonctionnaires appartenant au ministère des Finances ou à d’autres administrations dans la construction européenne. Alain Prate salue et célèbre Jacques Donnedieu de Vabres ou Robert Marjolin, Olivier Wormser du Quai d’Orsay, Bernard Clappier et Alexandre Verret pour leur rôle dans l’élaboration des traités de Rome, ou encore Pierre Uri et Paul Delouvrier106. Il égratigne les milieux politiques, syndicalistes et économiques, y compris Paul Ramadier, ministre des Affaires économiques et des Finances. Veut-il dire que seuls Jacques Donnedieu de Vabres et Robert Marjolin ont imposé les traités ? Ce serait faire fi des courants pro-européens puissants tant au gouvernement de Guy Mollet que dans les milieux d’affaires107. Si la France était totalement dirigiste et protectionniste, on ne voit pas pourquoi un suppôt réputé du dirigisme, le socialiste Guy Mollet, aurait négocié si ardemment les traités de Rome qui détruiraient le carcan administratif et dirigiste. Bernard Clappier disait d’ailleurs que Guy Mollet, comme Robert Schuman précédemment, a assumé politiquement la création de la CEE et que sa pensée se tournait alors vers « les experts du jeudi matin », Alexandre Verret et Robert Marjolin, les grands négociateurs des traités de Rome108. En fait, il apparaît que les hauts fonctionnaires des Finances et d’autres Départements en charge des dossiers européens ont loyalement servi la politique européenne des gouvernements de la IVe République quelles que soient les critiques formulées contre les institutions de cette République. De plus, comme le laisse entendre Alain Prate, ces hauts fonctionnaires étaient attentifs en général, à laisser s’exprimer les tendances libérales dans l’organisation de l’économie française en raison des excès antérieurs de l’économie dirigée109.
L’OECE, l’organisation européenne idéale pour les Finances
40L’exploitation des archives écrites montre que les grandes directions du ministère des Finances privilégiaient l’OECE plus que les institutions de la petite Europe des Six. Alain Prate se souvient encore de l’hostilité d’Alexandre Kojève au Marché commun110. La DREE et son directeur de l’époque, Bernard Clappier, croyaient plus à l’OECE qu’à la supranationalité. Le SGCI était tout aussi hostile à la petite Europe Monnet-Schuman. Bref ! L’OECE était l’organisation idéale pour le ministère des Finances. Guy de Carmoy fut directeur de l’administration de l’OECE dès avril 1948 ; deux inspecteurs des finances participèrent à la direction des Finances de l’OECE et travaillèrent de concert avec Guillaume Guindey111. Pierre Ledoux considère que les initiateurs de l’OECE portaient une idée européenne profonde112. Ce jugement n’est pas ratifié par les faits. Mais faire du ministère des Finances une citadelle des idées dirigistes, sans imagination internationale, aux mains de mendèsistes uniquement préoccupés d’affaires françaises et déphasés par rapport à l’international, est exagéré. Il est vrai aussi que des déclarations du type de celle de P.J. Simon, chargé de mission au ministère de l’Economie et des Finances en 1948, n’était pas légion au ministère : « la France doit penser à la fois européen et transatlantique »113. Les Finances eurent une présence intense à l’OECE. La direction des Finances extérieures tenta d’accélérer la libération des paiements et des échanges à l’OECE en invitant les pays membres qui se sentaient prêts à créer un noyau dur de libération (avril-novembre 1949). L’affaire connue sous le nom de Finebel échoua114. Guillaume Guindey se heurta à Robert Marjolin et à Jean Monnet : « Je n’exclus pas, dit-il, bien que je n’en aie aucune preuve, une certaine action basochienne », c’est-à-dire de Jean Monnet qui habitait à Bazoches-sur-Guyonne (Seine-et-Oise)115. Guillaume Guindey n’avait pas su faire du projet un acte politique majeur. Il n’en avait eu ni l’intuition, ni l’intention, ni sans doute les moyens, à la différence de Jean Monnet le 9 mai. Le 8 mars 1950, Guillaume Guindey, manifestement marqué par cet échec, affirma que Finebel était enterré116.
41Maurice Petsche, le ministre des Finances, et Alexandre Kojève, de la DREE, proposèrent à l’OECE une méthode de suppression des obstacles quantitatifs aux échanges : « La création d’un marché unique devrait se faire par l’extension progressive d’une liste commune de produits libérés simultanément par tous les pays participants », écrit Alexandre Kojève en janvier 1950117. Les libérations seraient prononcées sous le contrôle d’une banque européenne118. Alexandre Kojève imaginait même une monnaie commune établie sur l’or et un tarif extérieur commun119. Des contrats collectifs à long terme seraient conclus sur les matières premières. Mais il était loin de la Fédération européenne ou de la Haute Autorité120. Il recherchait une coopération intergouvernementale parfaite en Europe. Plus tard, alors que la France avait du mal à assumer la libération des échanges à l’OECE, Alexandre Kojève proposa une solution à Joseph Laniel, qui a été reprise par Guy Mollet en 1956. Les prix français étant surévalués d’environ 15 %, il fallait dévaluer, ce qui était aux yeux du gouvernement un signe de faiblesse. Augmenter les droits de douane de 15 % aurait méconnu les règles de l’OECE et du GATT. Il imagina donc une taxe de 15 % sur les transactions commerciales en devises étrangères. Où était l’Europe dans ce projet ?
L’hostilité au plan Schuman et à la petite Europe
42La direction des Finances extérieures de Guillaume de Guindey et la DREE ont manifesté d’une manière « militante » leur hostilité au plan Schuman. Guillaume Guindey, selon le témoignage de Pierre-Paul Schweitzer, avait été choqué que la proposition de Haute Autorité de Jean Monnet ait été élaborée sans recueillir l’avis de la direction des Finances extérieures. « Guillaume Guindey était très UEP, très OECE », rappelle Pierre-Paul Schweitzer121. Après avoir pris connaissance du projet de CECA, les fonctionnaires des Finances ont exprimé des objections sans appel contre la petite Europe qui divisait davantage l’Europe occidentale. François Bizard évoque le contre-pouvoir de Jean Monnet qui cherchait à passer outre l’avis des principaux directeurs ; « ça ne marchait pas », ajoute-t-il. En quoi il se trompait, puisque Jean Monnet réussit à proposer directement son plan au ministre des Affaires étrangères, Robert Schuman, et à diriger seul les négociations sur la CECA122. Les réactions à la déclaration du 9 mai furent vives. René Larre constatait que le Commissariat général du Plan (Jean Monnet) avait démenti les services ; il qualifiait la Haute Autorité de Monnet « d’ours qu’il trimballait de foires en foires »123. Alexandre Kojève demanda à son ministre, « sinon d’écarter, du moins de surveiller les agissements de M. Monnet »124. Il estimait que l’OECE devait mener la négociation avec les industriels125. Alexandre Kojève « réécrivit » la déclaration Schuman en remplaçant les termes « France et Allemagne », par « pays de l’OECE », et « Haute Autorité » par « Banque européenne d’investissements »126. Il tenta de récupérer le projet Monnet-Schuman au profit de la politique française à l’OECE. Plus étonnant encore, le ministre des Finances, Maurice Petsche, prit contact secrètement avec le chancelier de l’Échiquier, Stafford Cripps pour créer un front commun des partisans de la coopération à l’OECE127. Ainsi se développait un combat politique entre barons de la IVe République, entre ceux qui voulaient poursuivre l’effort de coopération contractuelle à l’OECE et ceux qui estimaient l’institution dépassée. Kojève obtint le soutien de Thierry de Clermont-Tonnerre et de Bernard de Margerie. Il trouva un appui à la direction des Finances extérieures. Bernard de Margerie proposa de remplacer la Haute Autorité par un bureau international composé d’entreprises privées, contrôlé par les Etats128. Au Quai d’Orsay, Olivier Wormser voulait fondre le Fonds européen d’intégration du plan Stikker avec la Haute Autorité du plan Schuman129. Robert Buron tenta la même opération en décembre 1950. Le 3 juillet 1950, Petsche avait présenté un plan de libération des échanges. Il avait salué le plan Schuman mais insisté sur la Banque européenne d’investissements (BEI). Il s’agissait, clairement, d’un contre-plan, provenant du ministère des Finances, qui fit long feu. Son argument était que le plan Schuman, – le « combinat » comme il était appelé au ministère –, mettait en place une structure européenne hérétique à côté de l’OECE. Les hauts fonctionnaires des Finances voulaient le détruire ab initio en dépit de leurs protestations ultérieures de loyauté à l’Europe supranationale. Robert Toulemon souligne, en généralisant, que cette opposition était partagée : « L’administration dans sa majorité était plutôt hostile à tout ce qui pouvait ressembler à une évolution fédérale ou supranationale. Wormser avait de bons rapports avec Bernard Clappier, mais il était sur la ligne de Couve de Murville, tout comme le représentant permanent Boegner »130.
L’évolution des Finances
43Si le ministère des Finances n’était guère disposé à accueillir une petite Europe sauf à la considérer comme un substitut utile aux disciplines que les gouvernements et les industriels refusaient d’adopter, l’existence même des institutions, la logique d’organisation, la dynamique de l’intégration européenne firent évoluer les esprits rue de Rivoli.
44René Larre fait remarquer que la CECA n’était vraiment pas une idée des Finances, mais que lui-même s’était résolu à l’accepter car elle créait un sentiment d’équité dans les affaires franco-allemandes encore insolubles131. Si de telles idées étaient partagées, alors le corps entier devait évoluer. D’autres se sont pris au jeu en raison des dossiers européens à gérer. Bernard de Margerie, alors qu’il était au SGCI, s’est convaincu de l’intérêt de la CED. Avec Thierry de Clermont-Tonnerre, il a bâti « un système » financier pour la CED132. À cet égard, une place particulière doit être faite au SGCI, créé en 1948 par René Mayer et Robert Schuman pour assumer administrativement la relation France-OECE et avec l’administration américaine du plan Marshall à Paris, l’Economic cooperation administration (ECA). Ce service, dépendant de la Présidence du Conseil, a été amené à s’occuper de la gestion des affaires européennes. Une pléiade d’inspecteurs des finances en fut les secrétaires généraux : Pierre-Paul Schweitzer, Bernard de Margerie, Thierry de Clermont-Tonnerre, Paul Delouvrier, Jacques Mayoux, Pierre Nacivet, etc. Cette structure administrative, dont j’ai découvert les papiers aux Archives nationales en 1982, grâce au conservateur en chef de la section contemporaine, M. Cézard, a joué un rôle essentiel à partir de 1953 dans l’élaboration de la politique européenne de la France sous l’action de Georges Elgozy, Pierre Alby, Pierre Nacivet. Le SGCI a établi des relations structurelles avec le ministère des Finances : Guillaume Guindey, Jean Sadrin, Bernard Clappier, et avec le Quai d’Orsay : Hervé Alphand, Olivier Wormser et François Valéry. Il était en relation plus délicate mais indispensable avec la Défense nationale, avec l’ingénieur général Louis Kahn. Le SGCI avait des relations officielles ou informelles, selon les périodes, avec le Commissariat général du Plan, avec Jean Monnet, puis avec la Haute Autorité de la CECA par l’intermédiaire de Pierre Uri, Jean Guyot, ou Michel Gaudet.
45Les traités signés, le temps n’était plus aux polémiques avec les autres services. Face au projet Beyen de Marché commun en décembre 1952, les directions du ministère approuvèrent même la création « d’un embryon d’autorité politique [européenne] qui serait chargée de réaliser une intégration économique progressive, de supprimer progressivement les restrictions quantitatives et de diminuer les tarifs douaniers », mais « sans unité monétaire » précise Guillaume Guindey133 et tout en se gardant bien de se prononcer sur la nature de cette autorité politique.
La résistance au Marché commun
46Une occasion était offerte au ministère des Finances de participer activement à la création de deux nouvelles organisations européennes, la négociation du Marché commun et de l’Euratom. Dans cette opération on distinguera une position quasi officielle du ministère, élaborée par les directions et par Paul Ramadier, ministre des Affaires économiques et des Finances, de février 1956 à mai 1957, et le travail mené par les fonctionnaires des Finances dans la délégation française à Bruxelles. Leurs premières réactions furent très critiques sur le projet de Marché commun. Lors du comité Spaak de l’été 1955, le ministère des Finances s’était fait remarquer. À la différence des autres délégations étrangères, le représentant des Finances au Comité du Marché commun, M. Nespoulos Neuville « s’est trouvé seul pour s’opposer au principe même de l’adoption d’un délai de réalisation du Marché commun », repoussant donc indéfiniment son plein effet134. Le témoignage de Claude Pierre-Brossolette, membre du cabinet de Paul Ramadier, est édifiant et confirme les informations puisées dans le fonds des archives Ramadier135. Le rapport Spaak d’avril 1956, qui tirait les conclusions de la négociation du CIG de la rue Belier (juillet-décembre 1955), fut reçu, selon ses termes, comme « un objet venu d’une autre planète » ; il semblait inacceptable en l’état de l’économie française136. Georges Plescoff et Claude Pierre-Brossolette ont alors « fait pratiquement rédiger par les services une sorte de contre-projet qui a, un peu, servi de base aux négociateurs français »137. Le ministère des Finances attirait l’attention des négociateurs sur les clauses de sauvegarde. Bernard Clappier, même s’il avait été favorable à la petite Europe, conseilla d’invoquer les clauses de sauvegarde en raison de l’état de la balance des paiements et de la décision de Guy Mollet de ne pas dévaluer138. Des tensions apparurent au sein de la délégation française. Le représentant du ministère de l’Économie et des Finances (DREE) continuait de s’opposer à la fixation d’un délai de réalisation du Marché commun. Le successeur de Guillaume Guindey, Jean Sadrin, estime que la direction des Finances Extérieures n’a pas joué un rôle fondamental dans l’intégration européenne même si elle s’en est occupée139 et que lui-même était un des rares hauts fonctionnaires des Finances ouvertement favorables. La réaction des grandes directions du ministère révèle les enjeux de la négociation. La direction du Trésor (Pierre-Paul Schweitzer) contestait l’adhésion au Marché commun parce que la France était incapable de respecter ses engagements de libération à l’OECE. Elle s’inquiétait aussi des abandons de souveraineté qui menaçaient l’Union française. Pierre-Paul Schweitzer se demandait si le Marché commun permettrait des avancées sociales. Une dévaluation du franc serait décourageante140. Jean Sadrin, le directeur des Finances extérieures, expliquait que le projet de Marché commun est révolutionnaire par son ampleur et ses implications politiques. Il croyait aux bienfaits de la nouvelle construction. Jean Sadrin était un atout pour les « Européens » du gouvernement. En revanche le scepticisme régnait dans le cabinet de Paul Ramadier et dans l’esprit du ministre. Alain Prate explique qu’en fait d’instructions sur l’abaissement des droits de douane, on lui a dit : « Faites ce que vous voulez ; tout cela n’a aucun sens et ne sera jamais mis en pratique ; d’ailleurs l’économie française ne le supporterait pas »141. Le ministre des Affaires économiques et des Finances, Paul Ramadier (SFIO), redoutait la fin de l’économie planifiée. Il envisageait même une crise industrielle provoquée par le Marché commun, comme celle de 1860 après la mise en vigueur du traité franco-anglais de libre-échange. Il conseillait une dévaluation et une période d’adaptation de vingt ou trente ans, assortie d’une possibilité de retrait142. Paul Ramadier déplorait le libéralisme du Marché commun : « Grâce au système protecteur, déclara-t-il, la France a pu conserver et même accroître sa place sur le marché international, malgré une disparité dangereuse entre ses prix et ceux des autres pays »143. On trouve des remarques identiques sous la plume d’Olivier Wormser, le directeur général adjoint pour les Affaires économiques au Quai d’Orsay. Le témoignage de Bernard Clappier rejoint ce que nous constatons par ailleurs : les réticences du ministère des Finances pour cette nouvelle organisation. Toutefois, Bernard Clappier, oubliant ses propres réticences de l’époque et la position favorable de Jean Sadrin, dit qu’il était le seul à la vouloir144.
Un constat désabusé : le déclin de l’influence française
47Rétrospectivement pourtant, la période des Six est perçue comme un âge d’or par ces hauts fonctionnaires français du ministère des Finances. Jean-François Deniau insiste sur les conséquences de l’élargissement des Communautés à la Grande-Bretagne. La diminutio capitis de la France à la Commission, la perte de vitesse de la langue française, les combats européens du général de Gaulle expliquent le recul de l’influence française. Alain Prate145 comme Jean-François Deniau146 ne doutent pas que le temps de l’Europe des Six coïncide avec une période d’une influence française à son apogée, une Europe où les Français exerçaient une influence du fait de l’excellence de leurs fonctionnaires passés par l’ENA enviée par les étrangers. Pierre Colmant note, comme d’autres, qu’à partir de l’élargissement et des revendications linguistiques flamingantes, « la Commission devint une véritable tour de Babel »147. Alain Prate estime que le général de Gaulle a empêché la transformation du Marché commun en une zone de libre-échange en novembre 1958, mais que, sur le long terme, les Anglais ont gagné puisque les politiques communes sont un échec. Il voit d’ailleurs dans l’appel aux Anglais une « contradiction majeure » de Jean Monnet. Robert Toulemon montre qu’en dépit de certaines ouvertures faites par Olivier Guichard, le gouvernement français n’a pas été disposé à soutenir les hauts fonctionnaires français en poste à Bruxelles désireux de prendre des initiatives audacieuses en matière de politique industrielle communautaire148. Robert Toulemon fut proprement éconduit par François-Xavier Ortoli, nouveau président de la Commission qui lui dit : « Vous savez, une politique industrielle, c’est déjà très difficile au niveau national. Au niveau européen, c’est exclu ». Jean-François Deniau parle du mépris du général de Gaulle et de Georges Pompidou pour la Commission européenne alors qu’elle défendait les thèses françaises. L’influence française est restée forte dans le domaine agricole qui n’appartenait pas au ministère des Finances, du fait de la qualité des négociateurs, d’après Jean Aubry149.
Conclusion
48Le témoignage des hauts fonctionnaires de Finances sur leurs activités aux Communautés ou dans les directions parisiennes du ministère des Finances des années 1950 à 1970 laisse transparaître une distance réelle du ministère par rapport à l’esprit de l’Europe communautaire. Seule l’OECE a bénéficié de l’intérêt constant et immédiat du ministère, à savoir l’Europe de la coopération intergouvernementale et la grande Europe occidentale. Les archives écrites confirment tout à fait cette conclusion que parfois les témoignages gomment alors que les Communautés ont réussi historiquement. Les conflits Guindey-Monnet, la critique acerbe de Petsche et de Kojève contre le plan Schuman, la méfiance de la plupart des grandes directions et du cabinet du ministre envers le Marché commun en 1956-1957 tracent une solide ligne de fond.
49Les hauts fonctionnaires des Finances en poste aux Communautés apparaissent comme des « aventuriers sans avenir ». Car le ministère des Finances de ce temps-là n’aimait pas le « chaos créateur », selon les termes de Georges Berthoin qui n’était pas des Finances. Partir aux Communautés répondait généralement à un choix personnel et souvent à un mauvais calcul de carrière. Le départ pour les Communautés répondait parfois à l’appel de l’un des grands acteurs de la construction européenne : Jean Monnet ou Robert Marjolin. L’expérience des Communautés n’est donc jamais sans conséquences : une véritable transformation de la vision de la société s’opère chez le haut fonctionnaire du fait de son éloignement de Paris et du ministère des Finances, des rencontres européennes, de sa méditation sur l’étrangeté de la spécificité française. Un véritable esprit européen naît de ce travail aux Communautés chez les hauts fonctionnaires français.
50Les années 1950-1970 ont été des années sans doute particulières puisqu’elles furent celles de la création de l’OECE, de la CECA, de la CEE et de l’Euratom. Ce furent des années d’innovation pour les administrations nationales face à un mouvement d’unité impulsé par les gouvernements de la IVe République puis freiné par ceux de la Ve République gaulliste, ce furent des années fastes, mais délicates pour les pionniers de la pratique européenne au sein même d’un ministère qui ne les a jamais portés. On a l’impression d’un monde aux règles figées où des gens de valeur, de très grande valeur, n’ont pas pris conscience des nouveaux enjeux européens. C’est très paradoxal et très inquiétant. Terminons sur cette remarque de Robert Toulemon : « J’ai l’impression que dans la jeune génération, les jeunes fonctionnaires actuels sont beaucoup plus ouverts à l’Europe, y compris dans ses aspects les plus supranationaux ou fédéralistes, que ça n’était le cas de la génération précédente »150.
Annexe I Corpus des témoins cités dans le texte
Annexe
IF : inspecteur des finances
AC : administrateur civil
Nom, prénom151 | Postes occupés dans les affaires et institutions européennes | Date | Éléments non exhaustifs concernant la suite de la carrière |
Alphand Hervé, | Directeur général des Affaires économiques, financières et techniques au ministère des Affaires étrangères (1945-1949), délégué et rapporteur du Comité de coopération économique européenne (1947), délégué à la conférence sur le plan américain d’aide à l’Europe à Washington (octobre 1947), président de la délégation française à l’OECE (1948), président de la conférence pour l’institution d’une Communauté européenne de défense (CED, 1951-1952). | 1988-1989 | Représentant permanent de la France au conseil de l’OTAN (1952). |
Aubry Jean, | Membre du Comité des experts en conjoncture auprès de la Commission de la CEE (1959-1964). | 1992-1993 | Conseiller pour les affaires économiques au Secrétariat général du gouvernement (1965-1976). |
Beck Bernard, | Cabinets de Robert Schuman, ministre des Finances, puis président du Conseil puis ministre des Affaires étrangères (1947-1953). | 1990 | Directeur de cabinet de Jacques |
Berthoin Georges, | Chef de cabinet de Monnet président de la CECA (1952-1956), chef adjoint de la délégation de la | 1998 | Président européen de la Commission trilatérale, président du Mouvement européen. |
Bizard François, | Directeur des Échanges et des Finances au secrétariat général de l’OECE (1953-1954). | 1989-1990 | Banque d’État du Maroc (1954-1964). |
Boissieu Michel de, | Conseiller commercial à Londres (1950), puis sous-directeur à la DREE (1954-1955). | 1992 | Administrateur général de la Compagnie européenne de banque (ancienne Banque |
Boyer Dominique, | Directeur de cabinet adjoint du secrétaire d’État aux Affaires économiques en 1955-1956 (Pierre Abelin). | 1991-1992 | Directeur de la Compagnie des Chargeurs réunis (1956). |
Carmoy Guy de, | Directeur de l’administration à l’OECE (1948-1962). | 1988-1989 | Gérant de la Sarl Eurinvest (1959-1962). |
Cassou René-Pierre, | Directeur du Marché monétaire (1960), puis directeur à la direction générale du Crédit (1967) à la Banque de France | 1992 | Compagnie parisienne de réescompte (1968). |
Chatenet Pierre, | Président d’Euratom, 1962-1967 | 1990 | Président de la Commission des opérations de bourse (1968-1972). |
Clappier Bernard, | Directeur du cabinet Robert Schuman (1947-1950). | 1990 | Sous-gouverneur puis gouverneur de la Banque de France (1966-1979). |
Colmant Pierre, | DREE (1957-1958). | 1991 | Directeur général de la société d’économie mixte SERIAC (1965-1968). |
Delouvrier Paul, | Secrétaire général du SGCI (1953-1955). | 1989-1991 | Délégué général du Gouvernement en |
Deniau Jean-François, | Secrétaire général adjoint du SGCI (1955-1957). | 1998 | Ambassadeur de France en Mauritanie (1963-1966). |
Denis Michel, | Directeur de cabinet du commissaire général du Plan, Jean Monnet (1947-1948). | 1990-1991 | Filatures Prouvost et Cie (1952-1959). |
Filippi Jean, | DREE (1948). | 1989 | Directeur de la banque Louis Dreyfus et Cie (1951), puis président-directeur général (1959-1971). |
Gaudet Michel, | Directeur au service juridique de la Haute autorité de la CECA(1952-1958). | 1998 | Fédération des compagnies d’assurances (1969), commission des relations économiques internationales du CNPF (1971), président du groupe de travail Marché commun du Comité européen des assurances (1972), président de la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (1977-1989). |
Guéronik Sacha, | Directeur des services techniques et des programmes à l’OECE (1948-1952). | 1991 | Associé gérant de Lambert et Cie (1953-1960). |
Guindey Guillaume, | Directeur des Finances extérieures (1946-1953). | 1986 | Président Mines de Cu de Mauritanie, puis BRI |
Guyot Jean, | Cabinets Robert Schuman (1947-1949). | 1991-1992 | Associé gérant de la banque Lazard |
Hirsch Étienne | CECA. | 1991 | |
Huet Philippe, | Adjoint du directeur de l’Administration financière et économique de l’OTAN (1951). | 1990-1991 | Conseiller économique et financier à Londres (1958). |
Larre René, | Chef du service des tarifs douaniers à la DREE (1949-1950). | 1990 | Ambassade de France à Washington, service approvisionnement (1954). |
Ledoux Pierre, | SGCI (1948-1950). | 1990 | Chargé de mission auprès du Commissariat français en Indochine (1950). |
Lherm Christian, | Sous-directeur puis chef de service puis inspecteur général des postes d’expansion économiques à la | 1990-1991 | Conseiller maître puis président de Chambre à la Cour des comptes (1967-1984). |
Margerie Bernard de, | Direction des Finances extérieures (1942-1949). | 1990 | Administrateur adjoint FMI (1948-1949). |
Metzdorf Rodolphe, | Cabinets Robert Schuman (1947-1956). | 1992 | Cabinets Alain Poher (1969 et 1974). |
Millet Pierre, | Directeur des Économie nationales et de la | 1998 | Vice-président délégué de l’Union des industries chimiques (1966-1972). |
Ortoli François-Xavier, | DREE (1953-1958). | 1990 | Ministre successivement de l’Équipement, de l’Éducation nationale, puis de [’Économie et des Finances (1967-1969). |
Pierre-Brossolette | Cabinet de Paul Ramadier (1956-1957), direction des Finances extérieures (1958-1960 et 1962-1965), membre du Comité monétaire de Bruxelles, cabinets Wilfrid | 1998 | Directeur du Trésor (1971-1974). |
Prate Alain, | Chargé de mission à la DREE (1957). | 1997 | Conseiller technique à la présidence de la République (1967-1969). |
Saclé Armand, | DREE (1948-1955). | 1992 | Directeur de l’Institut nationale de la consommation, INC (1959). |
Sadrin Jean, | Chef de bureau (1943), puis sous-directeur (1946), puis directeur (1953-1961) à la direction des Finances extérieures. | 1989-1990 | Directeur général du Comptoir national d’escompte de Paris (1962). |
Sallerin Guy, | SGCI (1964-1969). | 1992-1993 | Cabinet du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur (1967-1971). |
Schweitzer Pierre-Paul, | Secrétaire général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (1948-1949). | 1989-1990 | Directeur du Trésor (1952-1959). |
Toulemon Robert, | DREE (1958). | 1998 | Directeur de cabinet du ministre de la Coopération (1974-1975). |
Uri Pierre, | Directeur à la CECA (1952-1959), corédacteur du rapport Spaak (1956) | 1989-1990 | Conseiller de Lehman Brothers (1959-1961). |
Valls André, | Sous-directeur à la direction des Finances extérieures (1957-1959). | 1990 | Président du conseil de surveillance de la Caisse centrale de coopération économique (1978-1981) |
Wahl Jean, | Chef de bureau, sous-directeur puis chef du service politique commerciale à la DREE (1947-1965), chef des services d’expansion économique en | 1991 | Délégué aux industries agricoles et alimentaires (1977-1979). |
Annexe II L’Europe dans le bulletin vert
Le Bulletin vert revue du ministère des Finances à diffusion interne est très révélateur des attentions et préoccupations des fonctionnaires des Finances. J’ai simplement repris le contenu de ce Bulletin, en relevant les titres des articles consacrés à l’Europe et leur nombre par rapport à l’ensemble des articles publiés dans la rubrique I, Regards et réflexions.
Date et | Auteur et titre de l’article | % par rapport au nombre d’articles d’un numéro |
1959, 1 | P. Esteva, « De l’UEP à l’AME » | |
1959,2 | P. Esteva, « Les conséquences du retour à la convertibilité des monnaies européennes » | |
1959, 2 | P. de Vogüe, « Réflexions sur quelques aspects de l’évolution monétaire récente » | |
1959 | 3/19 | |
1960,7 | P. Millet « La coordination des politiques conjoncturelles des pays du Marché commun, 1 » | |
1960,8 | Idem, 2 | |
1960 | 2/17 | |
1961, 14 | G. Guindey, « La BRI et les problèmes actuels de la coopération monétaire internationale » | |
1961, 14 | J. Carrière, « L’OCDE » | |
1961 | 2/17 | |
1962, 15 | G. Delorme, « L’harmonisation des fiscalités dans le cadre du Marché commun » | |
1962, 17 | B. Cazes, « les progrès récents de la planification dans l’Europe occidentale » | |
1962 | 2/18 | |
1963, 23 | F. Bloch-Lainé, « Le président Robert Schuman » | |
1963 | 1/16 | |
1964, 27 | J. Archambaud, « Heurs et malheurs du Marché commun agricole » | |
1964 | 1/11 | |
1965, 29 | G. Beisson, « Incidence du Marché commun sur nos marchés agricoles et nos prix alimentaires » | |
1965 | 1/17 | |
1966 | 0/13 | |
1967 | 0/15 | |
1968, 43, 44 | G. Delorme, « La TVA, impôt harmonisé sur le chiffre d’affaire dans la CEE » | |
1968 | 4/9 | |
1969 | 0/12 | |
1970, 52 | C. Pietra « Les nouvelles relations financières des États membres avec la CEE » | |
1970 | 1/13 | |
1971, 54 | J. Rosselot, « L’Euromarché » | |
1971 | 1/16 | |
1972 | 0/14 | |
1973 | Ch. Dillemans, « Les marchés publics et l’Europe » | |
1973 | 1/13 | |
1974, 66 | J.-P. Demumieux, « Simplification des procédures du commerce extérieur et union douanière » | |
1974, 67 | V. Giscard d’Estaing, « Allocution » | |
1974 | 2/18 | |
1975,70 | C. Trabuc, « La France et l’intégration européenne » | |
1975,70 | P. Mentré, « Problèmes actuels du financement de l’industrie en Europe » | |
1975 | 2/9 | |
1976 | 0/17 | |
1977 | 0/13 | |
1978 | 0/18 | |
1959/1978 | 23/295 soit 8 % |
Le décompte est assez significatif. 8 % des articles de tête du Bulletin vert sont consacrés à l’Europe communautaire ou aux questions de coopération économique et financière intereuropéennes ; tout le reste appartient au domaine français, métropolitain ou africain, ou encore aux relations avec le reste du monde, États-Unis et pays de l’Est. Le fonctionnaire français à Bruxelles qui aurait voulu connaître le point de vue du ministère des Finances, un point de vue officieux mais important ne pouvait rien y trouver. Les rubriques II, Vivante administration et III, Repères, contiennent aussi quelques courts articles sur les questions européennes mais ni de manière significative, ou systématique153. Si l’ambition du Bulletin vert était bien d’être une vitrine de l’administration « vivante » des Finances, pour reprendre les termes d’une des rubriques de la revue, force est de constater que l’Europe communautaire n’y tenait pas une grande place. Comme le remarque justement un chercheur, « pour les auteurs du Bulletin, la politique de coopération économique semble revêtir un enjeu aussi grand que la Communauté européenne. Leurs articles concernent plus souvent la zone franc que le Marché commun »154. La place restreinte accordée à l’Europe communautaire traduit le regard, l’univers mental, l’imaginaire, les préoccupations profondes de ces hauts fonctionnaires, jeunes de surcroît, en passe de prendre le pouvoir, et s’exprimant paradoxalement au moment précis où les institutions du Marché commun et d’Euratom sont installées et se fortifient. Cette absence de l’Europe est-elle due aux réserves du général de Gaulle ? Il ne faut pas exclure cette raison. Certes le Bulletin vert n’est pas une revue spéculative. Il traite d’affaires en cours, d’actualité. Or la construction de l’Europe communautaire entre 1959 et 1979 a connu des moments importants : concurrence avec la zone de libre-échange, Politique agricole commune, Union douanière, élargissement, Union économique et monétaire, problème des balances sterling. Nous ne retrouvons pas la trace de ces dossiers dans le Bulletin. Pourtant, les informations reçues des Communautés ne laissaient guère de doute sur le potentiel d’unité que la CEE recelait, comme le dit Michel Gaudet. La libre-circulation ferait sortir l’Europe du protectionnisme. Le débat sur libéralisme et le protectionnisme perdait de son acuité. Le principe d’une Politique agricole commune ouvrait la possibilité de développer d’autres politiques communes. La politique commerciale commune éliminait les contingents et créait une association avec d’autres pays européens, américains et africains. L’analyse du contenu du Bulletin vert reflète à tout le moins l’intérêt mesuré du ministère des Finances pour les affaires communautaires européennes.
Notes de bas de page
1 Cette communication s’appuie sur les archives orales collectées par le Comité pour l’histoire économique et financière de la France, à l’initiative de Florence Descamps puis de Marie-Ange Santarelli. Plus d’une quarantaine d’entretiens biographiques ont été écoutés. D’autres entretiens ont été utilisés (Jean Monnet oral project, Entretiens français, Michel Gaudet, Robert Toulemon, Jean Flory, Jean Ripert, Maurice Faure par Gérard Bossuat, Rémy Pech, entretiens transcrits et consultables à l’Institut Universitaire de Florence ; Certains entretiens, non consultables, ont été réalisés par Gérard Bossuat entre 1981 et 1986 pour sa thèse : Bernard Clappier, Pierre Uri (en collaboration avec Antoine Marès), Bernard de Margerie, Robert Marjolin, Philippe Huet, Jean Filippi, Jacques Van Helmont, Guillaume Guindey, Pierre-Paul Schweitzer, Jean Guyot, Pierre Ledoux, Hervé Alphand. D’autres entretiens existent à la Fondation Jean Monnet de Lausanne, Ferme de Dorigny (audio et vidéo). Voir aussi de Gérard Bossuat, « Les hauts fonctionnaires français et le processus d’unité en Europe occidentale d’Alger à Rome, 1943-1958 » p. 87-109, Journal of European Integration History, 1995, volume 1, number 1, Nomos Verlag, Baden-Baden.
Tous les entretiens cités sauf précisions contraires appartiennent au fonds d’archives orales du Comité pour l’histoire économique et financière de la France.
2 Gérard Bossuat, D’Alger à Rome (1943-1957) Histoire de la construction européenne, choix de documents, Ciaco éditeur, Louvain-la-Neuve, 1989, p. 55, note d’Hervé Alphand pour M. Massigli, voir aussi AME 33/2/4, note d’Alphand du 17/09/43 ; Guerre 39-45, Alger-CFLN-GPRF, vol. 718, Note, 17 septembre 1943, non signée, mais c’est bien la note d’Alphand, p. 55-58.
3 Michel Dumoulin, (sous la direction de), Plans de temps de guerre pour l’Europe d’après guerre, 1940-1947, actes du colloque de Bruxelles, 12-14 mai 1993, Bruylant/ Bruxelles, Giuffré/ Milano, LGDJ/ Paris, Nomos Verlag/Baden-Baden, 1995.
4 Entretien d’Hervé Alphand avec Anne Rasmussen, 24 janvier 1991, cassette 3.
5 Entretien de Jean Wahl avec Philippe Masquelier, 19 mars 1991, cassette 4.
6 Entretien de Guy de Carmoy avec Aude Terray, 18 janvier 1989, cassette 11.
7 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne, p. 2.
8 Entretien de Bernard de Margerie avec Laure Quennouëlle, 12 avril 1990, cassette 5.
9 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 18 mars 1991, cassette 22.
10 Entretien de Christian Lherm avec Clémence Rouvier, 13 décembre 90, cassette 7 .
11 Entretien de René-Pierre Cassou avec Sabine Effosse, octobre 1992, cassette 10.
12 Entretien de Sacha Guéronik, avec Sophie Cœuré, 5 juin 1991, cassette 2.
13 Entretien de Bernard Beck, chef de cabinet de Robert Schuman, en 1947 ministre des Finances et président du Conseil, 22 janvier 1990 avec Anne Rasmussen.
14 Entretien de Bernard Clappier avec Fabrice Demarigny, 15 février 1990, cassette 5.
15 Entretien de Jean Filippi avec Aude Terray, 3 mai 1989, cassette 9.
16 Entretien de René Larre avec Sophie Cœuré, 6 juin 1990, cassette 2.
17 Entretien de Jean Guyot avec Olivier Feiertag, 7 avril 1992, cassette 9.
18 Entretien de Alain Prate avec Anne de Castelnau du 3 février 1993, cassette 3.
19 Entretien de Michel de Boissieu avec Laurence Badel, 30 janvier 1992.
20 Entretien de Dominique Boyer avec Philippe Masquelier, 16 septembre 1991 cassette 1, 12.
21 AN, F 60 ter 357, SGCI, PPS, n° 479, 14 janvier 1949, à H. Alphand. F 60 ter 389, PPS, 14janvier 1949 à H. Alphand, sur un conflit Hirsch/autres délégués français à l’OECE. F 60 ter 411, note de Kojève du 3 novembre 1948, à PPS (?), Intégration des programmes nationaux à long terme en un programme européen. CE 50, coopération économique, A.L. 9 novembre 1948, note, articulation des PLT.
22 Entretien privé de Georges Berthoin avec Gérard Bossuat, 27 mai 1998.
23 Entretien de Michel Denis avec Olivier Feiertag, 11 décembre 1990, cassette 7.
24 ZE 1944-49, Allemagne 83, MAE, Direct. Europe, 30 novembre 1948, « Perspectives d’une politique française à l’égard de l’Allemagne ». Note de Romain Gary, collaborateur de Paris, pour un jury d’examen. Ce travail a été communiqué à Massigli et à Bonnet pour avis.
25 Entretien de Pierre Célier avec Catherine Sauvé, 20 février 1990, cassette 12.
26 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 10.
27 Entretien d’Étienne Hirsch avec Clémence Rouvier, 8 février 1991, cassette 2.
28 Entretien de Pierre Colmant avec Laurence Badel, décembre 1991, cassette 1.
29 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 10.
30 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 23 janvier 1991, cassette 22.
31 Entretien de Jean Guyot avec Olivier Feiertag, 7 avril 1992, cassette 9.
32 Entretien privé de Georges Berthoin avec Gérard Bossuat, 27 mai 1998.
33 Entretien de Sacha Guéronik, avec Sophie Cœuré 5 juin 1991, cassette 2.
34 Témoignage manuscrit de Pierre Millet remis à Anne de Castelnau et entretien, avril-juin 1998 avec Anne de Castelnau.
35 Entretien de Pierre Chatenet avec Laure Quennouëlle, novembre 1990, cassette 7.
36 Entretien de Jean Guyot avec Olivier Feiertag, 7 avril 1992, cassette 9.
37 Entretien de Michel Gaudet avec Anne Rasmussen, avril 1992, cassette 5.
38 Mémoires de 7 vies, tome 2 Croire et oser, Plon, 1997, p. 196.
39 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne, transcription p. 2.
40 Témoignage manuscrit de Pierre Millet remis à Anne de Castelnau, p. 6.
41 Entretien de Jean Aubry avec Laure Quennouelle, 15 octobre 1992.
42 Entretien d’Alain Prate, avec Anne de Castelnau, 21 mars 1997, cassette 4.
43 Entretien de Jean-François Deniau avec Anne de Castelnau, 4 décembre 1997, cassettes 1 et 2.
44 Jean-François Deniau, Mémoires de 7 vies, tome 2, Croire et oser, Plon, 1997, p. 194.
45 Entretien de Pierre Chatenet, avec Laure Quennouëlle, novembre 1990, cassette 7.
46 Entretien de Michel Denis avec Olivier Feiertag, 18 décembre 1990, cassette 9 et 15 janvier 1991, cassette 10.
47 Entretien de Michel Gaudet avec Anne Rasmussen, avril 1992, cassette 8, 27 novembre 1991.
48 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 21 mars 1997, cassette 4 et 9 avril 1997, cassette 5.
49 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 28 mars 1991, cassette 24.
50 Entretien privé de Georges Berthoin avec Gérard Bossuat, 27 mai 1998.
51 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne, transcrition p. 9.
52 Entretien de Jean Guyot avec Olivier Feiertag, 15 septembre 1992, cassette 11.
53 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 26 mai 1993, cassette 13.
54 Voir Michel Mangenot, « Une école européenne d’administration, l’improbable conversion de l’ENA à l’Europe », Politix, n° 43, 1998 p. 7 à 32.
55 Témoignage manuscrit de Pierre Millet remis à Anne de Castelnau.
56 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 11.
57 Entretien de Michel Gaudet avec Anne Rasmussen, 28 octobre 1991, cassette 5.
58 Conversation téléphonique avec Gérard Bossuat du 3 février 1999.
59 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 9 avril 1997, cassette 5.
60 Entretien de Michel Gaudet avec Gérard Bossuat, 20 et 26 janvier 1998, Jean Monnet Oral Project, Commission européenne.
61 Entretien d’Hervé Alphand avec Anne Rasmussen, décembre 1988.
62 Entretien de Rodolphe Metzdorf avec Anne Rasmussen, 24 mars 1992, cassette 2.
63 Guy de Carmoy, entretien avec Aude Terray, 18 janvier 1989, cassette 11.
64 Entretien de Philippe Huet, avec Olivier Feiertag, novembre 1990, cassette 13.
65 Entretien de René Larre avec Sophie Cœuré, 6 juin 1990, cassette 2.
66 Entretien de Armand Saclé avec Laurence Badel, 5 mai 1992, cassette 8.
67 Entretien de Hervé Alphand avec Anne Rasmussen, 6 février 1989, cassette 4.
68 Entretien de François Bizard avec Agathe Georges-Picot, 8 novembre 1989, cassette 5.
69 Entretien de Philippe Huet, transcriptions, Olivier Feiertag, décembre 1990, cassette 12.
70 Entretien de Philippe Huet, avec Olivier Feiertag, novembre 1990-juin 1991, cassette 15.
71 Entretien de Pierre Chatenet, avec Laure Quennouëlle, novembre 1990, 13 juin 1990, cassette 3.
72 Voir Pierre Gerbet, la construction de l’Europe, Imprimerie nationale, nouvelle édition, 1999 ; Gérard Bossuat, l’Europe des Français, Publications de la Sorbonne, 1997.
73 Voir Gérard Bossuat et Andreas Wilkens (sous la direction de), Jean Monnet, l’Europe ou les chemins de la paix, Publications de la Sorbonne, 1999, 531 pages ; voir Eric Roussel, Jean Monnet, Fayard, 1996, 1030 p.
74 Témoignage manuscrit de Pierre Millet remis à Anne de Castelnau, p. 6.
75 Entretien de Michel Gaudet avec Gérard Bossuat, 20 et 26 janvier 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne. Transcription.
76 Entretien de Michel Gaudet avec Gérard Bossuat 20 et 26 janvier 1998, Jean Monnet oral Project, Commission européenne. Transcription, p. 22
77 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 11.
78 Entretien de Sacha Guéronik, avec Sophie Cœuré, 5 juin 1991, cassette 2.
79 Entretien privé de Georges Berthoin avec Gérard Bossuat, 27 mai 1998.
80 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 21 mars 1997, cassette 4.
81 Entretien de Pierre Chatenet, avec Laure Quennouëlle, novembre 1990, cassette 5.
82 Entretien de Jean Guyot avec Olivier Feiertag, 7 avril 1992, cassette 9.
83 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 21 mars 1997, cassette 4.
84 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 10.
85 Entretien de Pierre Colmant, avec Laurence Badel, décembre 1991, cassette 1.
86 Entretien privé de Georges Berthoin avec Gérard Bossuat, 27 mai 1998.
87 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 18 mars 1991, cassette 22.
88 Entretien de Michel Gaudet avec Gérard Bossuat 20 et 26 janvier 1998, Jean Monnet oral Project, Commission européenne. Transcription, p. 34.
89 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 18 mars 1991, cassette 22.
90 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 18 mars 1991, cassette 22.
91 Entretien de Michel Denis avec Olivier Feiertag, 18 décembre 1990, cassette 8.
92 Entretien de Michel Gaudet avec Anne Rasmussen, 30 décembre 1991, cassette 9.
93 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 10 et 11.
94 Entretien de Pierre Colmant, avec Laurence Badel, décembre 1991, cassette 1.
95 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 19 mai 1992, cassette 12.
96 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, 18 mars 1991, cassette 22.
97 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 11.
98 Entretien de Michel Gaudet avec Anne Rasmussen, avril 1992, cassette 5.
99 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne, p. 5
100 Entretien d’Étienne Hirsch avec Clémence Rouvier, 8 février 1991, cassette 2.
101 Entretien de Pierre Colmant, avec Laurence Badel, décembre 1991, 27 novembre 1991.
102 Entretien de Jean Aubry avec Laure Quennouëlle, 5 novembre 1991.
103 Entretien de Paul Delouvrier avec Anne Rasmussen, cassette 24, 28 mars 1991, cassette 25, 15 avril 1991.
104 Entretien d’Armand Saclé avec Laurence Badel, 12 mai 1992, cassette 10 et 11.
105 Entretien de Claude Pierre-Brossolette, avec Anne de Castelnau, 9 décembre 1996, disque 5.
106 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 3 février 1997, cassette 3.
107 Voir Gérard Bossuat, L’Europe des Français, 1943-1959, Publications de la Sorbonne, 1997, chapitre 12.
108 Entretien de Bernard Clappier avec Fabrice Demarigny, 23 février 1990, cassette 8.
109 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 3 février 1997, disque 3.
110 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 3 février 1997, disque 3.
111 Entretien de Guy de Carmoy avec Aude Terray, janvier 1989, cassette 9.
112 Entretien de Pierre Ledoux, avec Fabrice Demarigny, mars-septembre 1990, cassette 4.
113 Y I 1944-49, 367, conférence par P.J. Simon, chargé de mission au ministère des Finances et des Affaire économiques, 26 janvier 1948, sous la présidence de Jacques Rueff, sur le problème des réparations allemandes.
114 Gérard Bossuat, L’Europe des Français, 1943-1959, Publications de la Sorbonne, 1997.
115 AN, F 60 ter 469, Guindey à PPS le 3 février 1950.
116 AN, F 60 ter 469, G. Guindey 8 mars 1950 à PPS ; F 60 ter 471, 15 février 1950, Guindey à PPS, Washington.
117 CE 68, M. des Finances, SE affaires économiques, 41 quai Branly, 31 janvier 1950, de la part de Kojève, 31 janvier 1950.
118 AN, F 60 ter 411, OECE, secret, CGM(49) 12, le 2 juin 1949, groupe consultatif des ministres, délégation française, commerce et paiements intra-européens, « Mémorandum du ministre des finances et des affaires économiques ».
119 AN, F 60 ter 411, note pour M. Filippi le 4 novembre 1949 , AK/SL, « Objet mémorandum français ».
120 AN, F 60 classement provisoire, carton 4, boite 11, Kojève à Th. De Clermont-Tonnerre, note pour M. Clappier, 26 février 1953.
121 Entretien de Pierre-Paul Schweitzer avec Agathe Georges-Picot, 22 novembre 1989, cassette 7.
122 Entretien de François Bizard avec Agathe Georges-Picot, 8 novembre 1989, cassette 7.
123 Entretien de René Larre avec Sophie Cœuré, 6 juin 1990, cassette 2.
124 AN, F 60 ter 474, 19 mai 1950, Kojève, Finances, note pour M. Filippi objet : « Le combinat et l’OECE ».
125 AN, F 60 ter 411, note Kojève du 20 mai 1950, « Note sur le projet de pool européen du charbon et de l’acier ».
126 AN, F 60 ter 474, « Combinat », texte amendé de la déclaration de M. Schuman du 9 mai 1950, le 19 mai 1950, texte Kojève ; CE 89 AK Paris le 16 mai 1950, Note pour M. Filippi, « La proposition Schuman et l’OECE ».
127 Klaus Schwabe (sous la direction de), The Beginnings of the Schuman-plan, Nomos Verlag, LGDJ, Giuffré, Bruylant, 1988 ; Roger Bulen, « The British government and the Schuman Plan », May 1950-March 1951, p. 208.
128 AN, F 60 ter 474, note de BM 20 mai 1950, « Note sur le projet de pool européen du charbon et de l’acier » ; BM à Filippi, 20 mai 1950.
129 CE 89, OW CE 14 juin 1950, « Note pour le Président ». Il s’agissait de l’un des multiples plans pour faciliter les échanges et changes intereuropéens à l’OECE. Le plan Stikker n’eut pas de suite.
130 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne, p. 16.
131 Entretien de René Larre avec Sophie Cœuré, 6 juin 1990, cassette 2.
132 Entretien de Bernard de Margerie avec Laure Quennouëlle, 12 avril 1990, cassette 5.
133 CE 84, PAC, 11 février 1953, DAEF, DG, a.s plan Beyen, note, bureau de Charpentier, le 9 février.
134 DDF 1955, 2, 1er juillet-31 décembre, 151, M. Dufournier, c.a. de France à M. Pinay, MAE, tel. 531-533, urgent, Bruxelles, 31 août 1955, 13h40.
135 Voir archives privées de Paul Ramadier, Rodez, Archives départementales de l’Aveyron, série 52 J.
136 Sur l’état de l’économie française, voir Archives départementales de l’Aveyron, Rodez, « La note pour le président » au sujet de la politique économique et financière du gouvernement du 11 mai 1956, 52J 93, signée Claude Pierre-Brossolette.
137 Entretien de Claude Pierre-Brossolette avec Anne de Castelnau, 9 décembre 1996, disque 3, piste 3, page IC de la retranscription.
138 Archives départementales de l’Aveyron, 52 J 113, Clappier, DREE, 5 juillet 1956, note sur les questions d’échanges qui seront traitées à la prochaine réunion du Conseil des ministres de l’OECE.
139 Entretien de Jean Sadrin avec Aude Terray, 11 janvier 1990, cassette 5.
140 Archives départementales de l’Aveyron, 52 J 114, 17 mai 1956, Direction du trésor, PPS/ dp, n° CD 280, Note pour le ministre, objet : projet de Marché commun européen.
141 Alain Prate, Quelle Europe ? Julliard, 1991 p. 54.
142 Archives départementales de l’Aveyron, 52 J 114, MAEF, le ministre, 24 mai 1956, note sur le Marché commun.
143 Archives départementales de l’Aveyron, 52 J 114, MAEF, 4 mai 1956, cabinet, note pour M. le Président, sur quelques réflexions que m’a inspiré son étude sur le Marché commun.
144 Entretien de Bernard Clappier avec Fabrice Demarigny, 23 février 1990, cassette 8.
145 Entretien d’Alain Prate avec Anne de Castelnau, 21 mars 1997, cassette 4.
146 Entretien de Jean-François Deniau avec Anne de Castelnau, 4 décembre 1997, cassette 1 et 2.
147 Entretien de Pierre Colmant, avec Laurence Badel, décembre 1991, cassette 4.
148 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral Project, Commission européenne, p. 7.
149 Entretien de Jean Aubry avec Laure Quennouëlle 15 octobre 1992.
150 Entretien de Robert Toulemon avec Gérard Bossuat, 10 mars 1998, Jean Monnet oral project, Commission européenne, transcription p. 18.
151 Quelques éléments biographiques supplémentaires sur les débuts de carrière sont précisés.
152 Comité pour l’histoire économique et financière de la France.
153 Voir François Chambon, « Le Bulletin vert : Une source pour l’histoire économique et financière », p. 261-296, Études et documents, 1, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1989.
154 Ibid., p. 281.
Auteur
Gérard Bossuat est professeur à l’Université de Cergy-Pontoise. Il a publié Europe brisée, Europe retrouvée : nouvelles réflexions sur l’unité européenne au XXe siècle, sous la direction de René Girault et Gérard Bossuat, Publications de la Sorbonne, 1994 ; La France, l’aide américaine et la construction européenne, 1944-1954, 2 volumes, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, réédition 1997 ; L’Europe des Français, Publications de la Sorbonne, 1997 ; Les fondateurs de l’Europe, Belin, réédition 2001 ; Les aides américaines économiques et militaires à la France 1938-1960, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2001 ; États-Unis, Europe et Union européenne, histoire et avenir d’un partenariat difficile, 1945-1999, G. Bossuat et N. Vaicbourdt (éds), Peter Lang, coll. Émoclio, 2001.
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