Les ressources du privilège pour développer un nouvel espace de marché : Le commerce de glace et de neige, XVIIe‑XVIIIe siècle
p. 99-117
Texte intégral
1Si la glace est un produit connu depuis l’Antiquité, l’ampleur du commerce dont il fait l’objet à partir du xviie siècle est quant à elle nouvelle1. La demande de glace et de neige connaît alors une forte croissance à des fins thérapeutiques (faire baisser la fièvre) et pour des usages alimentaires (rafraîchir les boissons, conserver les viandes et les poissons, ou composer des sorbets parfumés2). Les goûts culinaires sont toutefois bien plus étudiés dans l’historiographie que les consommations médicales. Au cours du xviiie siècle le nombre de glacières va se multiplier pour conserver la glace à des fins domestiques, communautaires3 ou commerciales. Ce sont ces lieux de stockage qui ont largement retenu l’attention de l’historiographie pour leurs aspects techniques et architecturaux.
2Aux xviie et xviiie siècles, la glace devient un produit de plus en plus commercialisé en France4. L’objectif de cette communication est précisément de saisir le rôle des privilèges dans la structuration de ce marché. Des concessions vont en effet encadrer la collecte de la glace et sa mise sur le marché dans plusieurs régions. À partir des actes recensés dans le cadre de l’enquête collective menée sur les privilèges d’entreprise concédés par la monarchie sous l’Ancien Régime, il a été possible de trouver quelques dossiers d’exploitation particulièrement intéressants à propos des glacières de Provence (aux archives municipales d’Arles) et en Languedoc (aux archives départementales de l’Hérault). À travers la procédure de rachat du privilège des glacières de Languedoc engagée dans la seconde moitié du xviiie siècle, il est possible d’appréhender les intérêts à la fois économiques et financiers en jeu autour de l’exclusivité de la vente de glace, le profil des acteurs intéressés à ces opérations et les difficultés notamment contentieuses qui émaillent ces spéculations.
3Dans un premier temps, nous verrons que le privilège, dans la seconde moitié du xviie siècle, constitue un levier juridique pour développer de nouveaux marchés à différentes échelles. La deuxième partie sera centrée sur la façon dont les bénéficiaires mettent en œuvre leur privilège qui leur garantit un marché exclusif. Enfin, nous verrons que si le privilège a pu constituer dans un premier temps un outil de structuration d’un nouveau marché, il est progressivement remis en cause au profit d’une autre organisation du marché au xviiie siècle quand la demande va croître fortement.
I. Le privilège : un outil juridique pour développer un nouveau marché
4La nouveauté d’un produit et l’innovation d’un procédé servent souvent à justifier l’obtention d’un privilège : « ce dont il s’agit n’est pas une denrée ou une chose nécessaire à la vie mais seulement une invention pour le plaisir et la volupté et dont on s’étoit passé en France de tout temps5 ». Ce n’est cependant pas ce type d’arguments qui vont servir à la monarchie, dans les années 1640, à octroyer des privilèges pour encourager l’exploitation et la commercialisation de la glace dans plusieurs régions6. Ces concessions, comme plus largement l’octroi de privilèges concédés pour d’autres activités, sont conçues comme une récompense pour la fourniture d’un service utile au public7. L’on comprend dès lors que les rares mentions relatives aux usages que contiennent les actes de concession invoquent des impératifs thérapeutiques tels que la prévention des maladies en cas de fortes chaleurs.
5Dans certaines régions, telles que le Roussillon ou la Provence, la fourniture de glace est originellement un privilège seigneurial. Celui-ci fut ensuite cédé à des particuliers et aux communautés rurales en échange du versement d’un cens souvent réduit. C’est ainsi qu’au xviie siècle, Antoni et Nicolau Dotres ont pu entreprendre un commerce florissant pour l’approvisionnement de Perpignan8. À partir du milieu du xviie siècle, alors que la demande de glace connaît une forte croissance, la monarchie va octroyer des privilèges royaux. Les premières concessions sont accordées à une échelle régionale. En Provence, deux marchands – Pierre Roubaud et Pierre Roman – obtiennent ainsi en 1642 pour dix ans un privilège leur permettant de construire des glacières et de vendre de la glace à Marseille9. En 1648, Magdallaine de Gaillard de Venel (veuve d’un conseiller du Parlement de Provence puis conseiller d’État et gouvernante des nièces de Mazarin puis de la fille du roi) obtient à son tour par brevet un privilège exclusif de production et de commercialisation de glace en Provence10. Cette concession était censée lui rapporter 20 000 livres par an. À la mort de Mme de Venel, le privilège échoit à son frère et héritier, Jean de Gaillard, évêque d’Apt. Quand il décède à son tour en 1694, l’abrogation de ce privilège est envisagée ; elle ne sera effective que quelques années plus tard.
6Des privilèges concédés dans la seconde moitié du xviie siècle viennent structurer d’autres aires de marché. Pour approvisionner la capitale, Étienne Michel se voit attribuer en 1654 un privilège pour une durée de vingt ans lui permettant d’aménager des glacières destinées à conserver la neige et la glace pendant l’été à Paris, faubourgs et banlieues11. En 1658, un privilège est accordé à un certain Prost, lieutenant des gardes de la porte du roi, pour aménager des glacières destinées à conserver la neige et la glace pendant l’été en Bourgogne, Lyonnais, Forez et Beaujolais12. En Languedoc, un privilège est octroyé en octobre 1659 aux nommés Antoine Lefevre (huissier de la chambre du roi) et Gaspard de Rome (valet de la chambre du roi), contre une somme de 60 000 livres tournois (Lt) si l’on en croit le brevet13. Leur concession devient héréditaire en 166114. Pour ces premières concessions, le privilège fonctionne comme un dispositif distinctif pour son bénéficiaire. Profitant à des personnes de l’entourage du roi, elles participent d’une économie de la faveur.
7Au motif que les principaux titulaires de ces premiers privilèges sont morts, la monarchie décide en avril 1701 la révocation de toutes les concessions. Un privilège perpétuel et général, dont la validité s’étend à tout le royaume, est alors vendu à Louis de Beaumont, un bourgeois de Paris, pour un montant de 1 100 000 Lt. Cette transaction constitue pour la monarchie un expédient financier destiné à financer la guerre de succession d’Espagne. Grâce à ses associés – Acault, Le Bart, Duvau, Thevenin le jeune et Pichon –, un premier versement de 300 000 Lt est effectué15. C’est un certain Charles de Marseille, intéressé à la compagnie du Cap-Nègre, qui s’est porté caution de cette opération financière. Sans doute s’agit-il de Pierre Charles qui a fait banqueroute en 1701. Cela expliquerait pourquoi les assignations n’ont pas été payées. En raison de la défaillance de L. de Beaumont, le roi ordonne que soient passés à son profit des baux pour servir au remboursement de la somme de 300 000 Lt versée par L. de Beaumont et ses associés16. C’est ainsi qu’en 1702, le privilège est affermé pour la ville et la généralité de Paris (bail Barbier de 10 000 Lt par an)17. En 1702, MM. Acault, Le Bart, Duvau, Thévenin et Pichon obtiennent le privilège exclusif de la vente et de la distribution de la glace et de la neige dans tout le royaume, à l’exception de la généralité de Roussillon18 et de la ville de Paris19. Ils s’engagent à payer le reliquat dont le montant s’élève à 800 000 Lt.
8Les titulaires de concessions en vigueur vont alors faire valoir leurs droits, ce qui va contribuer à démembrer le privilège général. C’est ainsi que les ayants droit du privilège de Languedoc – Antoine Azemar, Fulvent Duffours, Guillaume Pradel, Pierre-Garnier Deschenes et Blaise Montréal – vont arguer de l’antériorité de leur concession pour contester ce privilège général. En échange d’une finance de 35 000 Lt, ils obtiennent la confirmation du privilège pour le Languedoc20. De la même façon en Provence, les autorités urbaines d’Arles mettent en cause le préposé de L. Beaumont, M. Perraut, pour ne pas avoir fait construire de glacières comme le prévoyait le privilège de 1701 et réclament une indemnité pour défaut de remplissage21. En 1706, il est convenu que les villes d’Aix, Toulon et Marseille passent des contrats de constitution de rente au profit de MM. Acault, Le Bart, Duvau, Guilles des Buttes et autres intéressés au privilège de glace sous le nom de L. de Beaumont, pour une somme de 23 988 Lt22. Le privilège est aussi révoqué pour la ville de Paris en 1708 au motif qu’il « fait un préjudice considérable non seulement aux propriétaires des glacières, mais au public, en ce que l’adjudicataire n’a pas un assez grand nombre de glacières ; il arrive souvent qu’on manque de glace dans le temps où elle est le plus nécessaire23 ». La principale raison de cette décision semble toutefois tenir au fait que les revenus escomptés par la monarchie se révèlent insuffisants. Après la suppression de ce commerce du bail de Bigot, le marché de la glace devient libre dans la capitale : limonadiers, cabaretiers, regrattiers et propriétaires de glacières peuvent désormais en vendre sans restriction24.
9Après l’échec du privilège général de commercialisation, des concessions vont dans le courant du xviiie siècle porter sur des périmètres définis. En 1719, un privilège exclusif est accordé à Bonnefond, bourgeois de Paris, pour transporter de la neige du Mont-Dore à Paris25. Concédé pour un an, il fait l’objet de renouvellements périodiques (un est attesté en 1721)26, avant d’être finalement supprimé en 177527. Une dernière concession intervient en 1776 au profit de Jean-François Heurtier (inspecteur général des bâtiments du roi), Jean-Jacques Thevenin (architecte expert juré) et Jacques Rauxraulane (notaire au bailliage de Versailles) : les trois associés obtiennent pour une durée de quinze ans la permission exclusive de construire de nouvelles glacières à Versailles et de vendre leur production28.
10Ces différentes entreprises, si elles exploitent une activité ancienne de collecte et de fourniture de glace, utilisent le cadre juridique nouveau qu’est le privilège. Il reste cependant très difficile de vérifier si certaines concessions énoncées ci-dessus ont effectivement été mises en œuvre par leur bénéficiaire. Les privilèges qui ont été activés l’ont été dans les régions méridionales où ces nouvelles entreprises étaient susceptibles de satisfaire une forte demande locale et de structurer le marché.
II. Modalités de mise en œuvre de nouvelles entreprises
11De ces entreprises privilégiées de fourniture de glace, il subsiste des archives disparates pour en étudier le lancement et l’exploitation. Les deux concessions pour lesquelles des informations sont disponibles sont les privilèges de Provence et du Languedoc, dont l’exploitation a été affermée. S’il reste difficile de déterminer comment les bénéficiaires ont pu apprécier les opportunités du marché en sollicitant ces privilèges, il est possible en revanche de saisir les conditions de mise en œuvre de ces entreprises pour garantir l’approvisionnement en glace des marchés urbains.
12Les bénéficiaires jouissent du monopole de collecte ou de remplissage (avec la possibilité de récolter la neige dans les fossés et des ruisseaux mais aussi sur les terrains de propriétaires privés à condition de leur verser une indemnité) et de commercialisation (du 1er avril au 31 octobre). Dans les villes situées dans le périmètre ressortant du privilège, la glace est vendue dans des bureaux destinés à approvisionner limonadiers et consommateurs. Dans le cas du privilège en Languedoc, les bureaux de distribution doivent être ouverts de 5 heures du matin à 21 heures, et les débitants s’engagent à utiliser des balances percées pour permettre à l’eau de s’écouler29. Les particuliers disposant de glacières en conservent toutefois la jouissance pour leur consommation particulière.
13Si le privilège garantit un monopole sur le marché de la glace, les actes de concession fixent le tarif de vente. L. de Beaumont est autorisé à fournir Paris et ses environs dans un rayon de quatre lieues sur le pied de 18 deniers la livre, et de 6 deniers la livre dans le reste du royaume. Bonnefond peut, quant à lui, débiter la glace qu’il fait venir du Massif central à Paris pour un tarif de 8 sols la livre30. Dans le cas du Languedoc, les prix sont arrêtés avec les États de la province. Une première convention négociée en 1661 prévoit que la livre de glace est vendue à 6 deniers31. Une telle disposition est réitérée dans la transaction passée en 1707 entre les propriétaires du privilège et les États de Languedoc32. Alors que les propriétaires du privilège demandent à être déchargés de la fourniture de glace les années sans gelée, une nouvelle convention est passée en janvier 1737 pour une durée de vingt ans : ils obtiennent une majoration du prix de vente de deux deniers et peuvent écouler la livre à 15 deniers les années où en l’absence de gel il faudrait s’approvisionner dans les montagnes33.
14La mise en œuvre de telles entreprises requiert des capitaux assez importants. Une part significative des dépenses est affectée à la construction et à l’entretien des glacières (dont le nombre ou les lieux d’implantation ne sont pas fixés dans l’acte de concession). Si l’on dispose d’assez peu d’informations pour la Provence, on sait qu’en Languedoc, les propriétaires du privilège ont commencé par amasser de la neige dans des trous creusés à même le sol, en indemnisant les propriétaires des terrains concernés. Ce n’est que par la suite qu’ils vont entreprendre la construction de glacières en dur34. En 1703, ils prétendent avoir réalisé pour 3 0951 Lt de travaux depuis le début de la concession35.
Tableau 1. Privilège de glace en Languedoc : investissements réalisés
Opération | Montant (en Lt) |
|
---|---|---|
1706 | 2 500 | |
Acquisition de glacières | 1709 | 2 000 |
1730 | 120 | |
1730 | 1 107 | |
Construction de glacières | 1762 | 4 785 |
1764 | 1 780 | |
? | 10 000 | |
1709 | 1 658 | |
Acquisition de terrains | 1722 | 100 |
1734 | 900 | |
1762 | 4 785 | |
Plantation de mûriers | 1745 | 6 000 |

Source : AD Hérault, C 10241, Demande en liquidation des sommes qui doivent être remboursées aux propriétaires du privilège exclusif de la vente des glaces et neiges de la province du Languedoc… (1775).
15À ces dépenses viennent s’ajouter les frais d’entretien des infrastructures (glacières, aqueducs…)36 et de remplissage des glacières en hiver37. Il faut aussi compter les frais d’acheminement de la glace, qu’il est parfois nécessaire d’aller chercher dans des régions éloignées. Les blocs de neige, qui pouvaient venir de Grenoble et transiter par le port de Beaucaire, étaient enveloppés dans des couvertures ou des sacs et transportés de nuit de façon à limiter les pertes.
16À l’ombre du privilège, la prise de risque de l’entreprise apparaît somme toute assez limitée. Au début du xviiie siècle, les propriétaires du privilège invoquent des « cas fortuits » – des chaleurs anormales ou le renchérissement des transports (fourrages et mulets) en raison de la guerre de Succession d’Espagne38. Certaines années sont par ailleurs marquées par l’absence d’intempéries de neige : c’est le cas en Languedoc en 1719 ; de même, en 1724, l’approvisionnement de Montpellier oblige à faire venir des chargements de neige depuis Grenoble et le mont Ventoux39. Le défaut de gel au cours des années 1724-1726 cause une perte d’environ 40 000 Lt40. La situation devient à nouveau critique en 1736. De tels aléas expliquent les clauses d’exclusivité de collecte et de vente qui sont prévues dans les concessions de privilège, tout en reconnaissant la possibilité à des particuliers de disposer de glacières et sans remettre en cause les installations antérieures. Dans le cas du privilège de Languedoc, la prise de risque est toutefois limitée par une disposition qui prévoit qu’en cas de pénurie de glace, les propriétaires ne sont pas obligés de pourvoir à l’approvisionnement41. Les villes ont alors la possibilité de l’adjuger aux enchères avec un rabais d’un sol par livre pesant. C’est une disposition que rappelle l’intendant en 1719 quand les fermiers des propriétaires du privilège prétendent ne plus pouvoir fournir la glace à cause de « cas fortuits42 ». Les autorités urbaines de Nîmes vont d’abord chercher à se procurer 2 000 quintaux de glace à Beaucaire (au prix de 35 sous le quintal), puis, après l’échec de cette transaction, vont prospecter à Grenoble et Avignon. Les consuls de la ville vont ensuite réclamer aux fermiers une indemnité de 2 000 Lt pour les frais engagés pendant deux mois ainsi qu’une amende de 500 Lt43.
17Les archives fournissent peu d’indications sur la rentabilité commerciale de ces privilèges, notamment dans les premières années de leur mise en exploitation. Pour le Languedoc, rares sont les pièces de gestion à avoir été conservées, et quand elles l’ont été, elles sont relativement tardives44. En Provence, les premières traces comptables datent du début du xviiie siècle, soit près de cinquante ans après l’entrée en vigueur du privilège.
Tableau 2. Commerce de glace à Arles, mai-octobre 1702
Bureau | Livraison (en quintaux) | Recettes (en Lt) |
---|---|---|
Saint-Julien | 811 | 1 360 |
Grand bureau du boulevard | 1 807 | 3 497 |

Source : AM Arles, DD36, Débit de glace, Bureau de Saint-Julien (1702), Grand bureau du boulevard (1702), Compte du débit de la neige (1702). Les recettes dégagées par la vente de glace se montent à 4 961 Lt tandis que les dépenses s’élèvent à 9 884 Lt.
18Le montant des baux pourrait constituer un autre indicateur des profits réalisés, mais ils n’ont pas été systématiquement conservés. Quant au prix de la glace, il reste globalement inchangé depuis la concession des privilèges au milieu du xviie siècle, ce qui tendrait à montrer qu’il tend à diminuer au cours du xviiie siècle.
19Alors que le privilège de Provence n’a qu’une titulaire en la personne de Mme de Venel, la concession en Languedoc repose sur un montage financier beaucoup plus complexe. Très rapidement après sa concession en 1659 à A. Lefevre et G. de Rome, le privilège est fragmenté en parts qui font l’objet de transactions. Deux ans après, en 1661, les deux associés cèdent un tiers du privilège à Henri de Robin (trésorier de France dans la généralité de Montpellier). En 1689, Honoré Rome, fils d’un des premiers titulaires, aliène un tiers à Guillaume Vidal et Guillaume Pradel pour un montant de 16 050 Lt (versé sous forme d’une pension viagère de 1 000 Lt)45. En 1692, le fils de Robin, Pierre-Hippolyte, vend son tiers dans l’entreprise à Antoine Azemar, Fulvent Duffour et Guillaume Pradel pour la somme de 2 000 Lt. Les trois associés demandent en 1701 à racheter à A. Lefevre le tiers qu’il détient dans le capital du privilège pour un montant de 35 000 Lt qu’ils versent au roi. L’année suivante, en 1702, ils s’engagent à verser une somme de 35 000 Lt pour conserver le bénéfice des deux tiers qu’ils détiennent dans le privilège de fourniture de glace en Languedoc pour être conservés dans leurs droits face aux prétentions des ayants droit de la concession générale accordée à L. de Beaumont. Finalement, ils vont régler les deux tiers de cette somme, soit 23 333 Lt, pour obtenir la confirmation de leur privilège46. En août 1703, A. Lefevre cède ses droits à P.-G. Deschenes (pour une somme de 20 000 Lt) et Blaise Montréal. Les trois principaux associés vont alors constituer une société, sans doute en nom collectif47. En 1706, F. Duffour cède ainsi sa part à A. Azemar48, qui, à son tour, revend en 1718 une partie de ses parts à M. de La Poupière. Ce dernier acquiert au même moment les intérêts de G. Pradel49.
Tableau 3. Intéressés au privilège des glaces de Languedoc, 1744
Nom de l’intéressé | Clé de répartition | Intérêts (en %) |
---|---|---|
M. Tesses (avocat) | Demi d’un tiers | 1 |
Louis Azemar | Tiers de cinquième | 7 |
Pierre Benezet | Tiers de cinquième | 7 |
J. Deyde (conseiller à la cour des comptes et aides de Montpellier) | Tiers de cinquième | 7 |
Mlle de Combe | Tiers de cinquième | 7 |
Marguerite Garonne (veuve de Martin Baude) | Tiers de cinquième | 7 |
M. Garimont | Tiers de cinquième | 7 |
Mlle de Montréal | Tiers de cinquième | 7 |
Mlle de Treille | Tiers de cinquième | 7 |
P.-G. Deschenes | Tiers d’un tiers de deux tiers | 12 |
Pierre Galabert (marchand) | Tiers d’un tiers de deux tiers | 12 |
Jean de La Poupière (procureur à la sénéchaussée de Montpellier). Comptable de la société | Deux tiers | 14 |

Source : AD Hérault, C 12041, Compte général en recette et depance du produit des glaces… (1743‑1744).
20En 1748, L. Azemar cède sa part pour 3 000 Lt. L’année suivante, c’est au tour de P.-G. Deschenes de vendre une large partie de ses actions50. Une nouvelle société est alors créée.
Tableau 4. Composition de la société créée, 1749
Nom de l’intéressé | Clé de répartition | Intérêts (en %) |
---|---|---|
M. Tesses | Demi-1/12e | 4,1 |
Pierre Benezet | 1/12e | 8,3 |
Héritiers de J. Creissels | 1/12e | 8,3 |
Jean Deyde | 1/12e | 8,3 |
Pierre-Garnier Deschenes (trésorier de France) | 1/12e | 8,3 |
Pierre Galabert | 1/12e | 8,3 |
André Garimond | 1/12e | 8,3 |
Marguerite Garonne | 1/12e | 8,3 |
Marguerite Mastel (veuve d’Antoine Montréal) | 1/12e | 8,3 |
Thérèse Turon (épouse séparée de Louis Combes) | 1/12e | 8,3 |
Jean de La Poupière | 2/12e | 16,6 |

Source : AD Hérault, C 12042.
21En 1753, P.-G. Deschenes vend la dernière part qu’il possède encore dans l’entreprise. À la veille de la dissolution du privilège en 1776, la société compte dix actionnaires pour lesquels il est possible de reconstituer la chronologie des transactions qui leur ont permis d’en bénéficier.
Tableau 5. Intéressés au privilège des glaces de Languedoc, 1775
Titulaire | Historique des contrats | Montant (en Lt) | Part |
---|---|---|---|
Mlle Soulines51 | 1706. Vente de F. Dufour à Pierre Dufour | Tiers de 5e | |
1741. Vente de P. Dufour à Pierre Benezech | |||
1755. Vente de P. Benezet à Antoine Pelbel | 5 200 | ||
Mlle Anne de La Poupière | 1718. Vente par A. Azemar et G. Pradel à M. de La Poupière | 8 300 | Tiers de 5e |
1718. Vente par A. Azemar à MM. de La Poupière, Deschenes et Galabert | 13 100 | Tiers de 5e + demi d’un tiers de 5e | |
1737. Vente par les intéressés à M. de La Poupière | 2 000 | Deux tiers d’un demi-tiers de 5e | |
Paul Garimond | 1738. Vente de P.-G. Deschenes à André Garimond (bourgeois de Montpellier) | 6 494 | Tiers de 5e |
M. Touchi | 1718. Vente par A. Azemar et G. Pradel à M. de La Poupière | 3 000 | Demi-tiers de 5e |
Raymond Grabert aux droits de Pierre Galabert |
1716. Vente de P. Azemar (oncle de P. Galabert) | 8 000 | Tiers de 5e |
1718. Achat conjointement avec P.G. Deschenes et M. de La Poupière | 4 366 | Tiers de 5e + demi d’un tiers | |
Mme de Mauclair (héritière de Marguerite Garonne veuve de Martin Baude) | 1737. Vente par P.-G. Deschenes à Marguerite Garonne | 7 200 | Quart de 5e |
M. Causse (de Béziers, héritier) | 1712. Vente de G. Pradel à M. Creissels | 9 000 | Tiers de 5e |
Jean Deyde (conseiller à la cour des aides) | 1741. Achat sous le nom de Guillaume Subvenille à P.-G. Deschenes | 6 000 | Tiers de 5e |
Héritiers de Jean Combes (négociant) | 1738. Achat à P.-G. Deschenes | 5 994 | Tiers de 5e |
M. Sesses (procureur au sénéchal de Montpellier) | 1723. Achat à G. Pradel par Mme Darles (veuve de M. Perdier) | Tiers de 5e | |
1734. Vente par celle-ci à M. Sesses | 3 100 |
22Les titres qui composent le capital de la société de fourniture de glace en Languedoc ont fait l’objet d’une active circulation52. Les détenteurs de ces titres sont indistinctement désignés comme « propriétaire(s) » ou comme « intéressé(s) ». Les parts d’intérêt, représentatives d’une fraction de propriété commune du privilège, ouvrent droit à un revenu dont nous ne savons pas selon quelles modalités il est distribué53. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un placement capitaliste, puisqu’ils n’ont aucune part directe à l’exploitation qui est affermée, et n’en attendent que le revenu d’une rente54. Ces parts d’intérêts font l’objet de transactions portant parfois sur de modiques fractions. Les ventes, dont les raisons ne sont pas explicitées dans les actes, peuvent servir à solder des créances diverses ou à régler des héritages. De la même façon, il reste difficile d’expliquer les variations de prix auquel se négocient ces parts correspondant à des fractions équivalentes dans le privilège. De telles différences peuvent peut-être s’expliquer par la forte personnalisation des transactions.
23Si le privilège assure à ses titulaires un monopole sur le marché de la glace, la mise en œuvre de ce commerce implique la mobilisation de capitaux relativement importants, notamment pour l’aménagement et l’entretien de glacières.
III. Privilégier une nouvelle organisation de marché
24Alors que la concession de privilèges constitue au milieu du xviie siècle un cadre institutionnel nouveau pour développer le marché de la glace, ce dispositif est largement remis en cause dans le courant du xviiie siècle pour garantir l’approvisionnement urbain. Ce changement d’organisation s’explique moins par les défaillances des entreprises privilégiées que par la vigueur des contestations dont elles font l’objet.
25Dès leur concession, ces privilèges se heurtent à des difficultés concernant leur mise en ɶuvre. Les amendes particulièrement lourdes prévues dans les actes d’octroi ne parviennent pas à décourager les atteintes portées au monopole de commercialisation. Les premiers bénéficiaires ont dû engager plusieurs procédures pour faire valoir leurs droits. En 1654, Mme de Venel et son mari intentent ainsi une action en justice contre les consuls d’Arles et Roustaing Boussard, avocat dans cette ville, pour avoir fait construire deux glacières en infraction du privilège. Les bénéficiaires de celui-ci réclament les sommes dégagées par le commerce de glace qui, depuis 1649, se montent à 2 000 Lt par an55. De même en Languedoc, une information judiciaire, avec audition de témoins, est engagée en 1688 par Louis Ponsery, le fermier en charge de l’exploitation du privilège, contre les nommés Fourcade, Cassivol et Mme Lannergné pour détention et commerce de glace56.
26L’opposition des autorités locales joue un rôle central dans la fragilisation des privilèges. Alors que celui du Languedoc, accordé par lettres patentes en octobre 1659, est enregistré au Parlement de Toulouse et à la chambre des comptes de Montpellier, il est contesté par les États de la province de Languedoc57. Au début de l’année 1720, les États demandent une nouvelle fois la révocation du privilège accordé aux propriétaires des glacières de la province, de façon à permettre aux villes d’organiser elles-mêmes leur approvisionnement en glace58. Les villes situées dans le périmètre du privilège ne cessent par ailleurs de dénoncer les défaillances des fermiers dans la fourniture de glace. Ils sont accusés de ne pas aménager le nombre de glacières nécessaires à l’approvisionnement urbain ou de ne pas les remplir suffisamment pour assurer la fourniture satisfaisante des habitants. Ainsi, en 1699, la ville de Montpellier fit constater la faible quantité de glace emmagasinée et demanda la condamnation des propriétaires du privilège à une somme de 2 000 Lt. Ces derniers saisirent la cour des aides59.
27Au cours du xviiie siècle, c’est un autre mode d’organisation du marché qui va être privilégié. Les villes vont faire le choix de prendre en charge elles-mêmes l’approvisionnement d’une glacière quand elles en disposent d’une et, pour cela, de racheter ce droit aux détenteurs du privilège. En Provence, Mme de Venel vend son privilège à la ville de Toulon en 1658 pour 3 000 Lt60, avant de céder aux échevins de Marseille, cinq ans plus tard, celui qu’elle a en partage avec Léon de Valbelle (lieutenant général de l’amirauté) pour 10 000 Lt61. Quand ce privilège est finalement révoqué en 1706, la ville d’Arles le rachète l’année suivante62. En Languedoc, les États ont incité les villes à se faire adjuger le privilège général accordé à Louis de Beaumont, avant que les titulaires de la concession antérieure fassent valoir leurs droits. En 1708, les villes de Toulouse et de Saint-Esprit vont racheter leur quote-part dans la concession, respectivement pour un montant de 16 500 Lt et de 1 200 Lt. En 1746, la ville de Béziers acquiert quant à elle sa fraction dans le privilège en échange du versement d’une rente perpétuelle de 250 livres par an (pour un capital de 5 000 Lt en 1775)63.
28Finalement en 1775, les États du Languedoc, à la demande des principales villes de la province (Montpellier, Narbonne, Carcassonne, Nîmes, Béziers, Uzès, Pézenas et Beaucaire) sollicitent la révocation du privilège au motif qu’il est contraire au droit commun et onéreux au public64. Après avoir obtenu le consentement bon gré mal gré des propriétaires65, la procédure est avalisée par le pouvoir royal66. Cela implique le remboursement des propriétaires et intéressés, auxquels il est demandé de produire des pièces comptables pour les dix dernières années67. La discussion va dès lors porter sur le calcul de l’indemnité sur la base de la production des titres de propriété et de l’estimation des glacières. Alors que les propriétaires du privilège réclament une somme de 155 795 Lt, en intégrant dans la somme à liquider les sommes déboursées pour l’acquisition des actions formant le capital de la société, le montant de la liquidation est finalement fixé à 113 057 Lt, correspondant à la valeur du privilège au moment de son rachat68. Il est décidé que la somme sera supportée pour les deux tiers par la province et pour l’autre tiers par les 44 villes ou communautés où se situent les glacières (29 892 Lt).
Tableau 6. Répartition de la somme affectée au rachat à la charge des communautés (en Lt)
Ville ou communauté | Montant | % | Ville ou communauté | Montant | % |
---|---|---|---|---|---|
Montpellier | 36 655 | 46,3 | Annonay | 471 | 0,6 |
Nîmes | 5 376 | 6,8 | Lunel | 466 | 0,6 |
Albi | 4 810 | 6,0 | Aubenas | 462 | 0,6 |
Narbonne | 4 528 | 5,8 | Montagnac | 461 | 0,6 |
Castres | 3 241 | 4,0 | Saint-Gilles | 428 | 0,5 |
Carcassonne | 3 092 | 4,0 | Mèze | 402 | 0,5 |
Lavaur | 2 976 | 3,8 | Mauguio | 392 | 0,5 |
Pézenas | 1 127 | 1,5 | Gignac | 384 | 0,5 |
Beaucaire | 1 004 | 1,3 | Sommières | 381 | 0,5 |
Alais | 999 | 1,3 | Marseillan | 344 | 0,4 |
Uzès | 875 | 1,1 | Marsillargues | 308 | 0,4 |
Le Puy | 857 | 1,1 | Frontignan | 291 | 0,3 |
Agde | 853 | 1,0 | Sète | 285 | 0,3 |
Castelnaudary | 793 | 1,0 | Ganges | 282 | 0,3 |
Clermont | 775 | 1,0 | Villeneuve-lès-Avignon | 277 | 0,3 |
Gaillac | 743 | 1,0 | Béziers | 275 | 0,3 |
Lodève | 694 | 0,9 | Levigan | 262 | 0,3 |
Limoux | 653 | 0,9 | Aimargues | 242 | 0,3 |
Bagnols | 616 | 0,8 | Viviers | 187 | 0,2 |
Rabastens | 539 | 0,7 | Aigues-Mortes | 140 | 0,2 |
Florensac | 516 | 0,7 | Alet | 119 | 0,1 |
Saint-Hippolyte | 476 | 0,6 | Le Caylar | 119 | 0,1 |

Source : AD Hérault, C 12045, État de répartition de la somme de 79 292 L 3 s 4 d à supporter par les villes & communautés cy-après dénommées à raison tant de leur portion du rachat du privilège exclusif de la vente de glaces & neiges que du montant de l’estimation des glacières, batimens et autres effets cédés à la province avec led. Privilège.
29Il est prévu que les communautés acquittent non seulement la valeur correspondant à leur portion dans le privilège, mais aussi le montant correspondant à l’évaluation des glacières. Comme l’indique le tableau 6, c’est la ville de Montpellier qui doit assumer la contribution la plus importante. Dès lors, les communautés ont toute latitude pour affermer leur glacière et pourvoir à l’approvisionnement en glace au moindre coût69.
Conclusion
30À compter du milieu du xviie siècle, le privilège concédé par la monarchie a constitué un levier juridique nouveau pour développer le marché de la glace. Il s’agit par ce dispositif d’encourager la construction de glacières et d’accroître ainsi l’offre de glace d’abord dans les régions méditerranéennes, puis plus largement dans le royaume. Dans le cas du Languedoc, le privilège, en sécurisant des placements financiers, a effectivement permis de mobiliser des capitaux auprès de différents acteurs locaux, principalement des officiers de justice, pour financer des infrastructures coûteuses. Le privilège accorde aussi un pouvoir de marché, dans la mesure où il assure à ses bénéficiaires un monopole de commercialisation dans les principales villes situées dans le périmètre de la concession, tout en encadrant le prix de vente. L’introduction de ces privilèges et leur mise en œuvre, en modifiant les conditions de l’offre qui prévalaient jusqu’alors, vont cependant aiguiser les tensions avec les autorités locales. Au cours des premières années d’exploitation, les bénéficiaires vont également s’employer à défendre leurs droits face à des prétentions concurrentes ou à des atteintes au monopole. Si le régime du privilège accompagne la construction d’un marché émergent, il constitue aussi une ressource que les bénéficiaires n’hésitent pas à négocier précocement avec les autorités urbaines en leur proposant le rachat de la portion que représente la ville dans la concession. Alors que le régime du privilège a permis de structurer localement le marché, l’évolution de celui-ci va progressivement rendre caduque cette forme d’encadrement.
Notes de bas de page
1Ada Acovitsioti-Hameau, « Hommes de peine et hommes d’affaires dans le commerce de l’eau gelée en Provence », Provence historique, vol. LVIII, n° 234, 2008, p. 385-398 ; idem, « Le commerce de l’eau gelée et les montagnards », dans Gilles Boëtsch et Hervé Cortot (dir.), L’homme et l’eau en milieu montagnard, Gap, Éd. des Hautes-Alpes, 2006, p. 67-84 ; idem, « À qui appartiennent la neige et la glace ? », Provence historique, vol. LXIII, n° 251, 2013, p. 86-103 ; Xavier de Planhol, L’eau de neige. Le tiède et le frais, Paris, Fayard, 1995.
2L’ouvrage de Pierre Barra (L’usage de la glace, de la neige et du froid, Lyon, 1675) évoque principalement les usages thérapeutiques. Dominique Michel, « Glaces et boissons rafraîchissantes de la seconde moitié du xviie siècle au début du xixe siècle (fabrication, types et usages) », dans Aline Rousselle (dir.), La glace et ses usages, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1999, p. 123-132 ; A. Acovitsioti-Hameau, « La place de l’eau gelée dans les pratiques alimentaires avant 1900 », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, vol. 138, n° 3, 2014, p. 5-20 ; idem, « La glace à rafraîchir. Acquisition, consommation et implications socio-culturelles », dans Jan Borm et Daniel Chartier (dir.), Le froid. Adaptation, production, effets, représentations, Québec, Presses de l’université du Québec, 2018, p. 107‑130.
3Voir notamment les puits de glace dans les Pyrénées.
4La base réalisée dans le cadre du projet financé par l’Agence nationale de la recherche « Privilèges » montre que des privilèges similaires ont été concédés en Toscane à Paulsanti Francesco pour le marché florentin (1608), à Visconti Cesare en 1613 pour produire des « conserves de glace » dans le territoire de Pistoia et à Montelatici Agostino dans le Grand-Duché en 1625. À Turin, un privilège est octroyé en 1620 à Bernardo Calligaro pour stocker et vendre de la glace, et, en 1752, Giuseppe Felice Tessier obtient une concession similaire tout en se faisant adjuger la perception de l’impôt sur la glace.
5Archives municipales d’Arles (désormais AM Arles), DD36, Consulte pour l’affaire de Madame de Venel (11 novembre 1653).
6Comme les privilèges en général, ceux que concède la monarchie pour la fourniture de glace sont justifiés comme étant une compensation à une activité concourant à l’utilité publique : elle est présentée comme un « secours absolument nécessaire pour la continuation de la santé de la plus grande partie du menu peuple, comme pour les personnes les plus qualifiées » (Archives départementales de l’Hérault [désormais AD Hérault] C 12041, Projet d’arrêt du Conseil, s. d.).
7Le privilège de Bonnefond est justifié « par les épreuves qu’il a faites, il y a lieu d’espérer de réussir dans ce projet ; mais qu’étant obligé pour y parvenir, d’avancer des sommes considérables » (Archives nationales [désormais AN] E 2003, Arrêt du Conseil, 3 juin 1719).
8Denis Fontaine, « Antoni et Nicolau Dotres, entrepreneurs de la glace à Villelongue-dels-Monts, 1623-1673 », dans A. Rousselle (dir.), La glace et ses usages, op. cit., p. 19‑40.
9Les lettres patentes ne sont enregistrées qu’en 1647.
10AM Arles, DD 36, Autre copie de l’arrêt du Conseil et des lettres patentes portant don du privilège de la glace en faveur de la dame de Venel (13 octobre 1654 et 29 décembre 1656) ; Jean Proust, « Glacières modernes provençales » [notice archéologique], Archéologie de la France – Informations (AdlFI), Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1994.
11AN, X1a8659, Lettres patentes (23 décembre 1654).
12AN, X1a8680, Lettres patentes (16 décembre 1658).
13AD Hérault, C 12044.
14AD Hérault C 12041.
15Bibliothèque nationale de France (désormais BnF), F 23616 (800).
16BnF, F 23644 (214), Arrêt du Conseil (8 novembre 1701).
17BnF, F 23646 (506), Arrêt du Conseil (21 juin 1707) subrogeant M. Chapelle, Levûe, Le Texier, Saint-André, Charlet, Corbon, Clinval et Longchamps (sous le nom de Fiacre Minaud) à Edme Bigot puis Alexis Robert pour le bail regroupant la perception du droit d’un sol sur les jeux de cartes et de tarots et le privilège exclusif de vendre la neige et la glace dans la ville et la généralité de Paris.
18Si les glacières ont fait l’objet d’un recensement méthodique en Roussillon, l’histoire du privilège local mériterait sans doute d’être étudié plus précisément. AN, MC/ET/XCVI/81, Désistement et subrogation (24 octobre 1662) par Claude Person, conseiller du roi en ses Conseils et commissaire ordinaire des guerres, demeurant rue des Rosiers, paroisse Saint-Gervais, à l’enseigne de la Fontaine, en faveur de Jean Caboud, avocat en Parlement (du privilège accordé par le roi de vendre et faire vendre de la glace et de la neige en l’étendue des comtés de Roussillon, Conflent, Sardaigne et terres adjacentes, moyennant la somme de 1 100 livres).
19BnF, F 5003 (2590), Arrêt du Conseil d’État qui accorde aux sieurs Acault, Le Bart, Duvau, Thévenin et Pichon le privilège exclusif de la vente et distribution de la glace et de la neige dans tout le royaume (14 février 1702).
20AD Hérault, C 12041, Arrêt du Conseil maintenant les sieurs Azemar, Duffour, Pradel et Lefevre dans la jouissance du privilège de vendre ou fournir de la neige et de la glace dans la province de Languedoc (29 juillet 1704). Un autre exemplaire est conservé sous la cote 1 B 40 (f° 168).
21AM Arles, DD36, Requêtes des maire et consuls de la ville d’Arles à l’intendant (1702).
22AM Arles, DD36, Arrêt du Conseil (9 juillet 1709) rappelant les dispositions prévues par les arrêts du Conseil des 30 octobre et 14 décembre 1706.
23AN, E 1927, Édit (18 août 1705).
24BnF, F G 15 (9, f° 304), Arrêt du Conseil (9 octobre 1708).
25AN, E 2003, Arrêt du Conseil (3 juin 1719).
26AN, E 2026, Arrêt du Conseil (8 février 1721).
27AN, F12 65, f° 55.
28AN, O1 123, Lettres patentes (22 juillet 1775).
29AD Hérault, C 12041, Ordonnance des maire, consuls et viguiers de la ville de Montpellier (12 juin 1689).
30AN, E 2003, Arrêt du Conseil (3 juin 1719).
31AD Hérault, C 12041, Délibération des États du Pays de Languedoc portant consentement de vendre sa glace 6 deniers la Livre (7 mars 1662).
32AD Hérault, C 12041, Transaction au sujet de la fourniture de glace (29 janvier 1707). Voir Sylvie L’Hostis, « Transactions sur la fourniture des glaces et neiges dans la province de Languedoc », Arts et traditions rurales, cahier 29, 2018, p. 55-72 ; J. Blanc, « Les glacières de Sète du xviie au xixe siècle », Bulletin de la Société d’études scientifiques de Sète, t. X-XI, 1980, p. 155‑162.
33AD Hérault, C 12043, Transaction sur la fourniture des glaces et nèges dans la province de Languedoc (21 janvier 1737) ; AD Hérault, C 12045, Lettre aux syndics du diocèse (2 janvier 1757).
34En 1776, plusieurs communautés, à l’instar de Frontignan, indiquent toutefois qu’il n’y avait pas de glacières (AD Hérault, C 12044, Résultat des délibérations des villes et communautés au sujet du rachat du privilège des glaces et neiges).
35AD Hérault, C 12045, Lettre de P. Galabert à l’intendant M. de Saint-Priest (15 novembre 1775).
36AD Hérault, C 12041, Estat des frais de batiments pour l’exploitation du privilège des glaces du Languedoc de l’année 1725.
37AD Hérault, C 12041, Compte général en recette et depance du produit des glaces… (1743-1744). En 1744, les dépenses s’élèvent à 2 079 Lt, alors que les recettes se montent à 5 843 Lt.
38AD Hérault, C 12041, A Nosseigneurs des États de la province de Languedoc (s. d. / début xviiie siècle).
39AD Hérault, C 12043.
40AD Hérault, C 12043, A Nosseigneurs des États de la province de Languedoc (s. d. / début xviiie siècle).
41AD Hérault, C 12041, Arrêt du Conseil (21 mars 1705).
42Archives départementales du Gard (désormais AD Gard), E dépôt 36/64, Ordonnance du sieur de Bernage, intendant de Languedoc, portant que les propriétaires des privilèges de la fourniture des glaces continueront à fournir de neige à la ville à leurs risques et dépens (16 août 1719).
43AD Gard, E dépôt 36/64, Requête à l’intendant (1719), État des frais faits par les consuls de Nîmes pour fournir, à défaut des propriétaires du privilège, la ville de neige et de glace du 12 août au 10 octobre 1719. Cette somme se monte à 4 317 Lt. Ordonnances du sieur de Bernage condamnant lesdits propriétaires du privilège à rembourser les consuls de Nîmes de leurs dépenses (15 novembre 1719).
44AD Hérault, 1 B 7950, État des glaces vendues à Agde (1711).
45AD Hérault, C 12045, Lettre de P. Galabert à l’intendant M. de Saint-Priest (15 novembre 1775). Pradel verse une pension viagère de 1 000 Lt à la veuve de G. Rome.
46Ce privilège fut confirmé par les arrêts du Conseil du 19 juin 1703 et du 29 juillet 1704 (AD Hérault, C 12041, Titres produits par les propriétaires du privilège des glaces).
47AD Hérault, C12041, Acte de société pour le privilège des glaces (29 août 1703).
48AD Hérault, 2 E 57/739, Contrat de vente (1706).
49AD Hérault, C 12041, Inventaire des titres des propriétaires du privilège exclusif des glaces et neiges de la province de Languedoc… (1776).
50AD Hérault, C 12041, Titres produits par les propriétaires du privilège des glaces.
51Mlle de Souline n’est qu’usufruitière des biens de M. Pillet dont l’hôpital général est l’héritier (AD Hérault, C 12045, Inventaire de production que mettent et baillent devant vous Monseigneur le vicomte de Saint-Priest intendant de la province du Languedoc).
52En 1775, la seule transmission héréditaire est celle qui profite à Armand Montréal et sa sœur, héritiers d’Antoine Montréal leur père.
53AD Hérault, C 12045, Inventaire de production que mettent et baillent devant vous Monseigneur le vicomte de Saint-Priest intendant de la province du Languedoc. Y est indiqué le détail des quittances des intérêts payés aux propriétaires.
54En 1776, les versements dus s’élèvent à 26 000 Lt (AD Hérault, C 12045, Inventaire de production que mettent et baillent devant vous Monseigneur le vicomte de Saint-Priest intendant de la province du Languedoc).
55AM Arles, DD36, Copie du compte établi par le bureau de finances de la généralité de Provence (1654), Arrêt du Conseil et des lettres patentes portant don du privilège de la glace en faveur de la dame de Venel (13 octobre 1654 et 29 décembre 1656).
56AD Hérault, 1 B 8281, Information (16 août 1688).
57AD Hérault, C 12041, Deslibération pri[n]se par les gens des trois-estats du pays de Languedoc assemblez par mandement du Roy en la ville de Pezenas au mois de janvier mil six cent soixante‑un.
58Archives départementales de Haute-Garonne (désormais AD Haute-Garonne), C 2364.
59AD Hérault, 1 B 3516.
60AM Arles, DD 36.
61AM Arles, DD 36, Transaction passée entre la ville de Marseille, Mme de Venel et M. de Valbelle (novembre 1663).
62AM Arles, série DD 36, f° 83, Quittance pour remboursement du privilège de la glace (1714), Compte du capital de 7 053L 17s 6d que cette comm[unaut]té doit au Sr François Lebats cess[ionnai] du sr Nicolas Dieul bourgeois de Paris faisant partie de plus grand procédant du privilège de la glace (1714).
63AD Hérault, C 12044.
64AD Gard, C 597, Délibération des États au sujet du rachat du privilège exclusif de la vente des glaces & neiges dans la province (décembre 1776).
65AD Hérault, C 12044, Observations sur l’affaire du privilège de la fourniture de la glace (s. d.).
66AD Hérault, C 12045, Arrêt du Conseil (4 septembre 1775).
67AD Hérault, C 12045, Inventaire de production que mettent et baillent devant vous Monseigneur le vicomte de Saint-Priest intendant de la province du Languedoc.
68Outre la valeur des titres, l’estimation des glacières s’élève à 62 987 Lt. AD Hérault, C 12044, Brevet de l’affaire concernant le remboursement des propriétaires du privilège de la fourniture des glaces et neiges de la province. AD Hérault, C 12045, Inventaire de production que mettent et baillent devant vous Monseigneur le vicomte de Saint-Priest intendant de la province du Languedoc.
69AD Hérault, C 12045, Résultat des délibérations prises par diverses communautés de la province de Languedoc, en conséquence de celle des Etats du 19 décembre 1776 relativement à l’exercice du privilège de la glace (novembre 1777).
Auteur
Professeure d’histoire moderne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et chercheuse à l’IDHE.S (UMR 8533), Anne Conchon, depuis la publication de son ouvrage sur Le péage en France au xviiie siècle. Les privilèges à l’épreuve de la réforme (Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/1141), continue ses recherches sur le financement des infrastructures. Son dernier ouvrage traite de la réquisition en travail pour assurer la construction et l’entretien des routes : La corvée des grands chemins au xviiie siècle. Économie d’une institution, Presses universitaires de Rennes, 2016. Elle a codirigé avec David Plouviez et Éric Szulman l’ouvrage Le financement des infrastructures de transport, xviiie-début xixe siècle, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2018, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/5138. Elle poursuit actuellement des recherches sur le travail contraint, l’économie des transports et les privilèges d’entreprises.
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