URL originale : https://books.openedition.org/igpde/17118
Leçon 16
p. 351-368
Texte intégral
[Les résultats (suite)]
[Divers secteurs de production (suite)]
Équipement foncier
1En ce qui concerne l’équipement foncier de l’agriculture, le volume des crédits affectés révèle une intéressante évolution :
7 milliards en 1947 ;
21 milliards en 1948 ;
45 milliards en 1949.
2Même en tenant compte de la différence entre la valeur du franc aux différentes époques, vous apercevez une évolution qui n’est pas sans rapport avec la modification des objectifs agricoles du Plan dont je vous ai entretenus précédemment.
3Ces crédits, assez modestes à l’origine et plus importants par la suite, ont permis en trois ans d’étendre de 27 000 km le réseau d’électrification et de 16 500 km les canalisations d’eau potable, soit, pour ce dernier point, une cadence de travaux quatre fois plus forte qu’en 1938.
4Le programme de distribution d’eau reste très en retard et vous savez à quel point cela pèse sur les possibilités de la production agricole. Nous avons encore, à l’heure actuelle, 14 millions d’habitants qui ne sont pas normalement desservis et qui sont répartis en 25 000 communes.
5Il y a aussi la question du remembrement. Le Plan portait sur 3,5 millions d’hectares à remembrer. À la fin de 1949, 500 000 hectares seulement étaient achevés, c’est-à-dire que les réalisations, dans ce domaine, n’ont pas dépassé 14 %.
6Les travaux projetés en matière d’assainissement et d’irrigation portaient également sur des surfaces assez importantes : 450 000 ha et 45 000 ha. Les travaux déjà achevés à la fin de la dernière année permettaient de dégager des indices de réalisations extrêmement faibles : 13 % pour l’assainissement et 23 % pour l’irrigation. Les crédits ont été majorés récemment et sont passés de 400 millions en 1947 à 4 milliards en 1949.
7Quant aux travaux de voirie, le programme portait sur 9 000 km de chemins ruraux. Ils devaient être terminés avant 1953. 1 800 km ont été achevés, c’est-à-dire 20 %.
Engrais
8J’en arrive aux engrais10. Conformément au Plan, et pour répondre aux besoins agricoles et développer nos exportations, des travaux importants sont en cours dans l’industrie française de l’azote et dans les mines de sel de potasse ; par contre, la production d’engrais phosphatés suffit, dès maintenant, à la satisfaction de nos besoins et à un certain volume d’exportations.
9Pour l’azote, la capacité française de production était avant la guerre de 177 000 tonnes d’azote primaire ; elle a été portée à 226 000 tonnes en 1948 et à près de 270 000 tonnes en 1949. Les opérations engagées pour le développement de cette capacité de production permettront, à leur achèvement, de la porter à 450 000 tonnes, soit un accroissement de 180 000 tonnes. Environ 380 000 tonnes seront réservées à l’agriculture et le complément sera utilisé par l’industrie. En tenant compte de la capacité de production réelle d’azote primaire et de la transformation de l’azote primaire en engrais, la capacité nette de production d’engrais azotés sera portée à 320 000 tonnes par an exprimées en azote dans les engrais. Mais il faudra encore, même si ce Plan est totalement réalisé, importer environ 100 000 tonnes d’engrais azotés.
10Les objectifs de production et d’importation d’engrais azotés pour 1952 correspondent encore à 164 % des résultats de 1949, qui correspondent eux-mêmes à 168 % des résultats de 1946. Nous sommes donc seulement arrivés à mi-chemin de la route à parcourir.
11Pour la potasse, la capacité française d’extraction, qui était avant la guerre de 550 000 tonnes de potasse pure par an, est actuellement de 725 000 tonnes. L’action entreprise tend à développer et à moderniser le matériel, les méthodes d’extraction et les procédés de traitement des sels bruts afin, surtout, d’accroître les rendements, de réduire les prix de revient, d’économiser le combustible et d’améliorer la qualité des produits.
12La consommation globale des engrais s’est révélée jusqu’ici sensiblement inférieure aux prévisions. Les achats d’engrais se sont stabilisés, pour les campagnes 1948-1949 et 1949-1950, à un niveau très inférieur à celui qui eût été souhaitable pour réaliser la production agricole prévue dans le Plan pour 1952. Dans l’ensemble, la consommation effective d’engrais a évolué entre les deux tiers et les trois quarts de la consommation considérée comme possible et souhaitable. L’année 1949 n’a marqué aucun progrès sur l’année 1948 et l’année 1950 confirme cette impression de piétinement.
13Dans l’ensemble, la consommation d’engrais en 1949 peut se résumer ainsi :
azote : 225 000 tonnes, soit 66 % des prévisions pour 1949 ;
phosphate : 37 000 tonnes, soit 61 % ;
potasse : 330 000 tonnes, soit 64 % ;
amendements calcaires : 260 000 tonnes. Ici, il n’y avait pas d’objectif pour 1949 mais seulement pour 1952 ; la consommation ne dépasse pas 8 % de ces prévisions.
14À la fin de 1949, les dépenses d’investissement effectuées dans l’industrie de l’azote pour les opérations terminées ou en cours correspondaient à un total d’environ 8,9 milliards de francs de 1949. Pour mener à bonne fin en 1952 les opérations en cours, il reste à dépenser un peu moins de 20 milliards, de sorte que la dépense totale atteindrait une trentaine de milliards, dont un tiers seulement a été investi à l’heure actuelle.
15Dans l’industrie de la potasse, à la fin de 1949, il avait été dépensé 6 milliards de francs courants, soit, après réévaluation, 8 milliards de francs de 1949. Pour mener les opérations à bonne fin, il reste à dépenser 26 milliards, dont un peu moins de 12 milliards d’ici 1952. À ce stade, le coût des investissements pour la production de la potasse sera donc élevé à 18 ou 19 milliards de francs.
Industries textiles
16Voici quelques indications, maintenant, au sujet des industries textiles.
17En 1946, le Plan avait fixé des objectifs à l’industrie textile pour les seules années 1947 et 1950. En 1947, les objectifs furent approchés pour le coton filé, la laine filée et la fibranne ; les résultats étaient moins bons pour le lin, la soie et la rayonne. Au cours des années suivantes, les résultats ont été nettement décevants. Nous sommes à l’heure actuelle très loin des buts fixés initialement pour 1950.
18En 1949, voici les pourcentages de réalisation des objectifs : 79 % dans l’industrie du coton filé, 40 % dans l’industrie du lin, 90 % dans l’industrie de la laine et 40 % environ dans l’industrie de la soie. Le premier semestre 1950 marque un léger progrès de 10 % qui est loin de permettre de prévoir que le retard sera rattrapé.
19Il faut remarquer que si les objectifs sont loin d’être approchés dans la plupart des domaines textiles, le tonnage global des filés de coton, de laine et de rayonne a été porté, en 1949, à un niveau qui n’avait jamais été atteint en France, même en 1929. Pour ne considérer que trois productions essentielles, nous avons produit en 1949 227 millions de tonnes de filés de coton, contre 246 en 1929 ; 130 millions de tonnes de filés de laine, contre 117 millions en 1929 ; 50 millions de tonnes de rayonne, contre 34 en 1929.
SNCF
20J’en arrive aux transports. Avant de donner les chiffres essentiels, je tiens à faire observer que soit pour la SNCF, soit pour la flotte de commerce et de pêche, il est absolument impossible, autrement qu’en théorie, de distinguer le rééquipement et la reconstruction. Les crédits accordés relèvent tantôt de la Reconstruction, tantôt du Plan, mais, en réalité, les travaux qui ont été faits ont été menés avec le souci d’obtenir le plus vite possible le meilleur rendement ; la question de savoir si l’on avait à refaire un équipement qui avait existé précédemment et qui avait été détruit par la guerre ou bien si l’on créait un équipement entièrement neuf et qui n’avait jamais existé n’entrait donc pas en ligne de compte. Par conséquent, en ce qui concerne les transports, je traiterai en même temps tous les investissements réalisés, sans me préoccuper de savoir s’ils sont imputables théoriquement à la reconstruction ou à la modernisation, sans me préoccuper de leur imputation légale ou comptable.
21Je parlerai successivement des chemins de fer, des transports maritimes et fluviaux, de la flotte de commerce et de pêche et des transports routiers.
22Voyons d’abord la SNCF. Celle-ci a subi au cours des hostilités des dommages d’une ampleur exceptionnelle : près de 5 000 km de voies détruites, 3 200 ouvrages d’art détruits ou endommagés, 4,5 millions de m² de bâtiments atteints (soit le tiers de la surface bâtie totale de la SNCF), notamment la moitié des grands dépôts de locomotives, plus de la moitié des gares de triage, plus de la moitié des grands ateliers de réparation, etc. Aucun des grands secteurs de l’économie nationale n’a subi de tels dommages.
23Il ne pouvait être question de reconstituer à l’identique : il fallait faire bénéficier le réseau du progrès technique et moderniser ses méthodes d’exploitation. Certes, il aurait été souhaitable que le plan de reconstruction prît place dans un programme d’ensemble, lequel aurait fixé à chaque mode de transport son champ d’activité. Il aurait fallu pour cela régler au préalable la question de la coordination, qui reste malheureusement en suspens.
24Quoi qu’il en soit, un premier programme de travaux a été dressé dès 1945 sous le nom de « plan vert » ; ce programme a été modifié ensuite pour tenir compte des autres éléments du Plan Monnet.
25Les objectifs, en bref, étaient les suivants :
reconstituer le parc de matériel roulant pour faire face aux nécessités du trafic tel qu’il était prévu dans le Plan Monnet ; compte tenu de l’amélioration du rendement, il suffisait pour cela, avait-on calculé, de reconstituer 85 % du parc d’avant-guerre. On envisageait en effet d’avoir un parc légèrement inférieur mais dont on aurait tiré, soit par des rotations rapides, soit par des procédés d’exploitation modernes, un rendement plus élevé ;
ensuite, électrifier 2 000 km de lignes ;
en troisième lieu, effectuer un certain nombre de remaniements techniques devant permettre un meilleur rendement du matériel, ce qui nécessitait de moderniser les gares de triage ;
enfin, reconstruire les départs de locomotives et les ateliers en procédant à des regroupements et à des spécialisations.
26En ce qui concerne le trafic prévu, le Plan avait assigné les objectifs suivants :
160 millions de tonnes expédiées pour 1947 ;
190 millions de tonnes pour 1948 ;
220 millions de tonnes pour 1949 ;
240 millions de tonnes pour 1950.
27En fait, l’activité de la SNCF a été loin d’atteindre de pareils niveaux. Elle est passée de 130 millions de tonnes expédiées en 1948 à 160 millions de tonnes en 1949, et à un niveau inférieur au cours du premier semestre 1950 (le chiffre du premier semestre 1950 correspondrait environ à 145 millions de tonnes en année pleine). L’écart entre les objectifs et les résultats a donc été de 31 % en 1948, de 27 % en 1949 et de 40 % pour le premier semestre 1950. Nous nous trouvons en 1950 à un niveau sensiblement inférieur à celui qui avait été assigné comme objectif pour 1947, première année d’application du Plan.
28Cette activité inférieure aux pronostics n’est pas imputable à la SNCF ; elle correspond à la demande des usagers et aux nécessités du trafic demandé. Elle n’a pas été limitée jusqu’à maintenant – sauf dans quelques cas très peu fréquents – par une insuffisance des moyens. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas cessé d’augmenter au cours des dernières années ; la SNCF dispose donc, à l’heure actuelle, d’un potentiel de traction et d’une capacité de transport qui sont vraisemblablement supérieurs, dès maintenant, à son potentiel et à sa capacité d’avant‑guerre.
29L’état et les perspectives du parc sont les suivants :
pour les locomotives à vapeur : en 1939, nous disposions d’un parc de 16 500 locomotives ; il y en a aujourd’hui 12 600. Ce chiffre continuera à s’accroître légèrement d’ici 1952 ;
les locomotives Diesel étaient au nombre de 10 ; il y en a 115 et on en prévoit 160 pour 1952 ;
les locomotives électriques étaient au nombre de 790 ; il y en a 830 et l’on compte sur 900 ;
les autres moyens de traction, automotrices électriques et autorails, sont également en progrès.
30Par conséquent, pour le matériel de traction, on peut dire que le nombre de locomotives à vapeur est et restera inférieur au nombre d’avant-guerre, tandis que les locomotives Diesel, les locomotives électriques et les autres moyens de traction qui correspondent à une technique plus moderne constituent en général un parc supérieur, et souvent très supérieur, au parc dont nous disposions autrefois.
31Par contre, le parc de voitures de voyageurs et de wagons est inférieur à celui d’avant-guerre. Nous ne disposons plus que de 17 800 voitures au lieu de 27 000 et de 393 000 wagons au lieu de 460 000, ce qui exige une rotation plus rapide du matériel en service.
32En dehors de cela, la SNCF a fait reconstruire ou réparer un certain nombre d’installations fixes : 2 500 ponts-rails, dont 2 135 à titre définitif ; des passages supérieurs ; des postes d’aiguillage ; 4 600 km de voies sur les 5 000 qui avaient été détruits ; des dépôts, des gares de triage, des gares, etc.
33Cet effort de Reconstruction s’est accompagné d’un perfectionnement des méthodes et d’une réduction des dépenses d’entretien. Je peux vous en donner quelques exemples assez significatifs ; c’est ainsi que pour 1 000 km de parcours, la moyenne des heures passées pour l’entretien courant des locomotives est tombée, entre 1939 et 1949, de soixante-cinq heures à quarante-six pour les locomotives à vapeur, ce qui constitue une amélioration de productivité très sensible, et de vingt-six heures à vingt heures pour les locomotives électriques.
34De grands efforts ont été accomplis pour réaliser une compression des dépenses de combustibles, dépenses très importantes puisqu’elles représentent 10 % du budget de la SNCF. La consommation de charbon par millier de tonnes kilométriques brutes remorquées est tombée de 86 kg en 1945 à 66 kg en 1949. Toutefois, cette consommation est encore légèrement supérieure à celle d’avant-guerre, par suite de la mauvaise qualité de certains charbons employés et de l’effort que fait la SNCF pour utiliser, dans toute la mesure du possible, des qualités et des variétés de combustibles que peut fournir la production nationale.
35De même, la SNCF cherche à améliorer systématiquement l’utilisation des engins moteurs. Le parcours journalier moyen d’une locomotive à vapeur, qui était de 75 km avant-guerre, est passé à 90 ; il est passé de 174 à 212 km pour une locomotive électrique et de 146 à 166 km pour une locomotive automotrice.
36Il me reste à mentionner le problème de l’électrification du réseau. Le programme de modernisation prévoyait en effet l’électrification de plus de 2 000 km de lignes en dix ans – ce qui correspond d’ailleurs à une cadence lente puisqu’il s’agit, à peu de chose près, de la cadence d’avant-guerre. L’électrification, malheureusement, exige des dépenses d’investissements considérables et entraîne ensuite, en contrepartie, d’importantes économies de gestion. Pour ne prendre qu’un exemple, la ligne Paris-Lyon (qui, à elle seule, correspond à peu près au quart du programme total d’électrification, c’est-à-dire environ 500 km sur 2 000) apportera, lorsqu’elle sera électrifiée totalement, une économie d’exploitation de 3,5 milliards de francs, une compression de 3 000 agents et ouvriers et une réduction de consommation de 600 000 tonnes de charbon par an. Cela donne une idée des résultats que peut entraîner l’électrification des voies ferrées. Mais en contrepartie, elle exige au départ des frais d’investissements considérables en sommes à dépenser, en matériaux et en produits rares.
37Pour en revenir à la ligne Paris-Lyon, les crédits prévus pour 1950 permettent d’ouvrir deux sections : Laroche-Dijon et Paris-Laroche. Malheureusement, on a été obligé de mettre en sommeil la section Dijon‑Lyon.
38Les investissements globaux de la SNCF ont été, jusqu’au 1er janvier dernier, de l’ordre de 430 milliards de francs de 1949, ce qui correspond à 85 % des dépenses prévues par le Plan. Leur cadence se ralentit en 1950, car la SNCF ne dispose effectivement que d’une cinquantaine de milliards de crédits, contre 60 l’année dernière. À vrai dire, des critiques ont été formulées avec une grande vivacité contre la manière dont la SNCF utilise ses crédits d’investissements ; des débats ont eu lieu à ce sujet au Conseil de la République, où l’on a reproché à la SNCF d’employer, pour faire face au simple maintien en état de son matériel et de son outillage technique, une partie des crédits d’investissements qui lui ont été attribués.
39L’équilibre commercial de la SNCF est loin d’être assuré et un déficit considérable continue à caractériser sa gestion. En dehors d’autres raisons, ce déficit résulte du fait que la coordination du rail et de la route n’a pas été réalisée et que la SNCF subit une sorte d’hémorragie de trafic résultant de la concurrence qui lui est faite, sur les parcours faciles et rentables, par les transporteurs routiers. Il n’y a pas de solution concevable au problème de la SNCF tant que cette compétition se poursuivra ; c’est pourquoi le problème de la coordination est devenu absolument essentiel11.
Transports maritimes et fluviaux, flotte de pêche
40La deuxième catégorie des moyens de transport dont je dois parler concerne les transports maritimes et fluviaux ainsi que la flotte de pêche.
41Les pertes subies par les transports maritimes et fluviaux du fait de la guerre ont été particulièrement massives. En 1945, la France avait ainsi perdu 87 % de ses péniches, 85 % de ses paquebots, 87 % de ses cargos, 30 % de ses charbonniers et 25 % de ses pétroliers.
42La quasi-totalité de cette flotte avait été exploitée pendant la guerre sous un régime de réquisition ou d’affrètement sous la garantie de l’État. Les accords fixant les conditions d’exploitation obligeaient l’État à remplacer les navires perdus ou à les rembourser à leur valeur de reconstruction (déduction faite d’un abattement de vétusté). La reconstruction de la flotte est donc entièrement à la charge du Trésor. Par ailleurs, comme pour la SNCF, il est évidemment impossible de distinguer dans ce domaine, autrement qu’en comptabilité, la reconstruction et l’équipement ou la modernisation. J’examinerai donc globalement, sans essayer de séparer les actions de reconstruction et les actions de rééquipement, les travaux réalisés en ce qui concerne la navigation intérieure, la flotte de commerce et la flotte de pêche.
La navigation intérieure
43L’activité a été très inférieure à ce qui avait été prévu, puisque les statistiques de l’affrètement donnent :
pour 1947, 20 millions de tonnes, soit 72 % de l’objectif ;
pour 1948, 24 millions de tonnes, soit 60 % de l’objectif ;
pour 1949, 24 millions de tonnes, soit 44 % de l’objectif.
44Non seulement les objectifs n’ont jamais été atteints, mais les pourcentages de réalisation ont été régulièrement déclinants.
45Les dépenses pour la batellerie ramenées en francs de même valeur représentent 62 % des dépenses prévues (soit 18 milliards de francs 1949, contre 29 milliards). On a donc dépensé proportionnellement beaucoup plus qu’on a réalisé.
46La flotte fluviale française comptait, avant la guerre, plus de 12 600 bateaux dont 500 remorqueurs, auxquels s’ajoutaient 400 unités de la flotte du Rhin, soit au total environ 13 000 unités. Au cours des hostilités, plus de 2 400 bateaux furent mis hors d’usage définitivement et 5 800 endommagés. Par conséquent, en 1945, il ne restait plus que 4 800 bateaux fluviaux intacts.
47Du début 1947 à la fin de 1949, 680 unités ont été construites et 4 400 bateaux ont été réparés, ce qui portait la flotte, au 1er janvier dernier, à 9 900 unités. On prévoit que le programme de reconstruction de la flotte fluviale et l’extension de la flotte du Rhin seront achevés au cours de l’année 1951. En 1951, dans la meilleure hypothèse, nous aurons retrouvé le niveau d’avant‑guerre.
La flotte de commerce
48La flotte de commerce française, qui avait atteint 3,5 millions de tonneaux en 1931, était tombée en 1939 à 2,7 millions de tonneaux. La marine marchande a subi des pertes du fait de la guerre de l’ordre de 1,7 million de tonneaux. L’État s’est engagé à reconstituer cette flotte soit directement, soit en versant des indemnités aux armateurs. De 1945 à 1949, la flotte s’est accrue de 1,5 million de tonneaux, dont 970 000 correspondent à des navires acquis ou mis en état et 565 000 à des constructions neuves.
49Les efforts initiaux ont principalement porté sur des navires de charges et sur des pétroliers. Le tonnage provient :
soit de l’étranger pour des navires neufs (348 000 tonneaux) ou acquis en service (930 000 tonnes) ;
soit de chantiers français pour des navires neufs (217 000 tonneaux) ou d’anciens navires ennemis remis en état (40 700 tonneaux).
50Compte tenu des suppressions survenues depuis 1945, la flotte de commerce française a retrouvé, à la fin de 1949, un tonnage total de 2,7 millions de tonneaux de jauge brute, c’est-à-dire le tonnage qui existait avant la guerre mais qui, je le rappelle, était très inférieur à celui dont nous disposions dix ans plus tôt. Il y a lieu, toutefois, de considérer que si le tonnage est équivalent, notre flotte a été rajeunie, avec 60 % de tonnage de moins de dix ans d’âge, au lieu de 28 % avant la guerre. Enfin, le potentiel a également été augmenté par suite de l’accroissement de la vitesse des navires.
51Encore faut-il faire observer que parmi les navires de moins de dix ans, qui améliorent l’apparence de la statistique, figurent de nombreuses unités de séries construites aux États-Unis au cours de la guerre, notamment un demi-million de tonneaux de Liberty ships12, dont les caractéristiques et le coût d’exploitation ne permettent pas d’espérer qu’elles puissent être maintenues en service pendant de longues années encore.
La flotte de pêche
52Le tonnage avait diminué de 30 % au cours de la guerre ; il est à peu près totalement reconstitué à l’heure actuelle. Toutefois, si la capacité des unités en bois est supérieure à celle d’avant-guerre, un déficit subsiste pour la flotte en acier, qui est celle dont le rendement est le plus élevé. Or, c’est sur cette dernière que portent pratiquement les constructions effectuées aux frais de l’État ; sur les 155 navires en acier que l’État devait remplacer, il en reste encore 32 à livrer.
Transports routiers
53Pour terminer le chapitre des transports, ajoutons un mot sur les routiers. Les objectifs de production pour 1947 étaient de 120 000 pour les voitures particulières et de 77 000 pour les véhicules utilitaires. Pour 1950, il n’y avait pas d’objectifs distincts pour les voitures particulières et les véhicules utilitaires, mais seulement un chiffre global, soit 475 000 véhicules.
54En fait, en 1947, il a été construit 67 000 voitures particulières au lieu de 120 000 et 71 000 véhicules utilitaires au lieu de 77 000. On a approché le but pour les voitures utilitaires, tandis que l’on est resté loin en arrière pour les voitures particulières. En 1949, on a fabriqué près de 300 000 véhicules en tout, alors que l’objectif était de 475 000. Pendant le premier semestre 1950, la production a été de l’ordre de 325 000 véhicules de tous genres, c’est-à-dire qu’en 1950 nous réalisons probablement 66 % de l’objectif. Encore faut-il ajouter que le nombre de véhicules spéciaux et de tracteurs fabriqués mensuellement a diminué considérablement de 1949 à 1950. Dans ce domaine, qui a pris une grande importance technique, nous sommes en présence d’un déclin inquiétant.
55Bien que les résultats soient inférieurs aux prévisions, le nombre de véhicules fabriqués est supérieur au chiffre qui avait été atteint avant la guerre. Nous en sommes à 125 % environ du maximum de l’avant‑guerre.
56D’autre part, le progrès ne se mesure pas seulement par le nombre de véhicules, mais aussi par diverses caractéristiques techniques. Les engins actuels sont en effet supérieurs à ceux d’il y a vingt ans sous le rapport de leur résistance et de leur capacité de travail.
Agriculture
57Pour terminer cette revue des différents domaines intéressés par le Plan, il me reste à parler tout d’abord de l’agriculture, et ensuite des territoires d’outre-mer. J’en aurai ainsi terminé avec cette revue un peu fastidieuse des secteurs principaux couverts par le Plan.
58Je vous ai déjà entretenus des objectifs qui avaient été arrêtés pour 1950 ; je vous ai dit aussi que ces objectifs avaient été révisés postérieurement à 1946. Toutefois, dans le domaine agricole, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres secteurs, la révision des projets n’a pas été faite en vue d’une réduction des premiers projets ; au contraire, il s’agissait cette fois-ci d’une révision en hausse.
59Les nouveaux objectifs ont été fixés pour 1952 et ils sont presque toujours plus élevés que les objectifs envisagés à l’origine.
60Prenons par exemple le blé. L’objectif initial avait été fixé à 4,2 millions d’hectares emblavés pour 1950. Cet objectif a d’abord été porté à 4,4 millions d’hectares et ensuite à 4,66 millions pour 1952. Quant à la production escomptée, elle s’élevait à 82 millions de quintaux pour 1952, puis a été fixée au chiffre assez élevé de 95 millions de quintaux.
61De même, l’objectif pour les céréales secondaires – dont nous sommes d’ailleurs très loin – a été porté de 78 millions de quintaux à 80 millions ; pour les oléagineux, de 2,44 millions de quintaux à 3,45 ; pour les betteraves industrielles, de 100 millions de quintaux à 123,5 millions ; pour le lait, de 150 000 hectolitres à 170 000 ; pour la viande, enfin, de 1,68 million de tonnes à 2,2 millions.
62En même temps, le montant des crédits prévus pour la modernisation de l’agriculture a été également révisé. Jusqu’à la fin de 1949, il a été dépensé 90 milliards de francs courants, correspondant à 103 milliards de francs de 1949. Un programme de travaux complémentaires s’élevant à 318 milliards, c’est-à-dire trois fois plus, reste à réaliser. Dans ce domaine, nous n’avons dépensé, à l’heure actuelle, que le quart des sommes nécessaires à la réalisation du programme envisagé.
63Nous sommes ici en présence d’un véritable changement d’orientation du Plan résultant de la réforme des objectifs. Cette réforme contraste avec les compressions qui ont été apportées dans d’autres domaines importants, par exemple la sidérurgie. Par rapport au Plan primitif, le Plan révisé donne à la France, au point de vue de sa production comme au point de vue de son exportation, une structure plus agricole et moins industrielle.
64Où en sommes-nous maintenant quant aux résultats ? Pour le savoir exactement, il faut comparer les résultats obtenus en 1950 avec les objectifs primitifs de 1950 et ceux révisés de 1952, qui constituent les deux repères intéressants.
65Pour le blé, les surfaces emblavées en 1950 se sont élevées à 4,2 millions d’hectares, ce qui correspond au premier objectif fixé pour 1950, mais reste très inférieur à l’objectif révisé, fixé à 4,65 millions d’hectares pour 1952. Le rendement officiel est un peu supérieur à 17 quintaux à l’hectare, contre 19,5 primitivement prévus pour 1950 et 20,5 correspondant à l’objectif de 1952. L’indice de la production de blé, en 1950, est seulement de 90 % de la production moyenne des quatre années d’avant-guerre. Il avait été de 96 % en 1949, année de bonne récolte. Dès maintenant, nous pouvons faire face à nos besoins intérieurs, mais nous n’aurons une base intéressante et exploitable pour l’exportation que dans la mesure où les emblavures se développeront plus largement dans l’avenir. Or, c’est un fait que leur superficie tend à diminuer au profit des herbages et d’autres cultures, notamment de celle des plantes sarclées, et cela justement dans les bonnes terres, là où il serait souhaitable qu’elle s’accroisse.
66Pour les céréales secondaires, les résultats sont moins bons. Les surfaces n’ont guère progressé et les rendements sont restés médiocres. De grands progrès restent nécessaires si nous voulons assurer, dans de meilleures conditions, l’alimentation du bétail et une réduction des importations qui pèsent sur notre balance extérieure.
67L’indice d’ensemble de la production céréalière ne dépasse pas encore 87 % de la moyenne des années 1934-1938 et 76 % des derniers objectifs fixés pour 1952.
68Nous produisions peu d’oléagineux avant la guerre. Nous en produisons dix fois plus actuellement, mais nous restons très en dessous des buts fixés ; notre production atteint en effet la moitié environ de la production escomptée pour 1952.
69Un peu dans tous les domaines, les rendements restent faibles, notamment pour les prairies artificielles et pour les fourrages annuels. Les rendements ont été faibles aussi en 1949 pour la betterave à la suite de circonstances climatériques13 exceptionnellement défavorables ; en 1950, la récolte de betteraves apparaît comme devant être bonne en quantité – 12 millions de tonnes, contre moins de 9 millions l’année dernière – et en qualité (la teneur moyenne en sucre sera de l’ordre de 9 °B14 contre 7,3 °B l’année dernière).
70Les quantités de betteraves produites sont supérieures d’un tiers environ à la moyenne d’avant-guerre. Mais ce résultat ne provient pas d’une amélioration des rendements ; il tient surtout au fait que les surfaces ensemencées en betteraves se sont rapidement développées. Il en est résulté une surproduction d’alcool qui pose des problèmes difficiles. Par contre, la consommation de sucre par habitant en France reste basse. Alors que nous produisons moins de sucre qu’il n’avait été prévu au Plan, l’écoulement de la production ne s’opère pas bien ; l’écoulement s’est amélioré ces derniers mois par suite de la constitution de stocks chez les distributeurs comme chez les consommateurs par suite des craintes de guerre. En dehors de la constitution de ces stocks anormaux, l’écoulement du sucre, commercialement parlant, est difficile.
71La situation est comparable pour le lait. La production est passée de 100 millions d’hectolitres en 1947 à 125 millions en 1949. Les objectifs sont de 150 millions d’hectolitres pour 1950 et 170 pour 1952. Mais dès maintenant, l’écoulement des produits laitiers, notamment beurre et fromage, est difficile sur le marché français ; ceci résulte de la diminution du pouvoir d’achat du consommateur français. D’autre part, les marchés extérieurs seraient sans doute prêts à absorber une partie de notre production si elle se présentait dans des conditions de prix et de qualité mieux adaptées. Quant à l’écoulement de la production de lait frais, il dépend, au premier chef, des habitudes du consommateur français15. Ici, un effort d’éducation reste à faire. Il est nécessaire de réformer certaines habitudes traditionnelles du consommateur français, peu enclin à boire du lait, et d’organiser par ailleurs plus activement nos exportations de produits laitiers de qualité, notamment de beurre et de fromage.
72La production de viande est à peu près égale à celle d’avant-guerre, sauf pour le mouton. Elle a dépassé en 1949 l’objectif prévu pour 1950, tout en restant de 20 % inférieure à celui de 1952.
73En 1949 et 1950, pour conclure, l’indice général de la production agricole est de 86,5 % sur la base 100 pour la production moyenne des quatre années d’avant-guerre, alors qu’il avait été prévu que nous retrouverions l’indice 100 dès 1950. Cet indice résulte d’une pondération effectuée entre nos productions essentielles : blé, avoine, orge, pomme de terre, betterave industrielle, vin, lait, viande, etc.
74Le Plan de modernisation et d’équipement avait insisté sur la nécessité d’améliorer les rendements. À ce point de vue, les résultats n’ont nulle part correspondu à l’attente. À vrai dire, les circonstances climatériques n’ont pas été très satisfaisantes : 1948 et 1950 ont été des années humides et 1949 a été une année très sèche.
75Néanmoins, la lenteur que nous observons dans le progrès des rendements constitue l’aspect le plus préoccupant de la situation. Dans la majorité des régions françaises, surtout dans les régions de petite et moyenne culture, les améliorations de rendement ne sont pas suffisantes pour permettre à la production de lutter victorieusement sur les marchés étrangers sans entraîner une baisse du niveau de vie des paysans, ou en ayant recours à des méthodes de péréquation et de compensation qui sont complexes et souvent très artificielles. D’un autre côté, on constate trop souvent une cristallisation regrettable des méthodes de production qui, par exemple, freine le remembrement ou aboutit au maintien de méthodes archaïques de culture, tandis que nous constatons, par endroits, un suréquipement individuel qui n’est pas sans danger non plus.
76En agriculture, plus que partout ailleurs, des changements importants ne peuvent être obtenus qu’avec beaucoup de temps. Mais on ne doit pas regretter les crédits d’équipement mis à la disposition de l’agriculture par les pouvoirs publics. Des investissements privés agricoles (épargne privée, autofinancement) s’y ajoutent ; si leur montant est difficilement chiffrable, ils ont néanmoins été évalués récemment à une soixantaine de milliards – il est toutefois difficile de savoir dans quelle mesure ce chiffre correspond à une réalité très précise.
Territoires d’outre-mer
77Pour terminer, je dirai quelques mots de la réalisation du Plan dans les territoires d’outre‑mer.
78La production de riz des pays d’outre-mer a sensiblement progressé au cours des dernières années sans atteindre nulle part des rendements qui soient vraiment satisfaisants et susceptibles d’être comparés avec les rendements des pays concurrents.
Production agricole
79L’extension des zones cultivées ne peut donner des résultats qu’à longue échéance. Les améliorations enregistrées proviennent des efforts entrepris pour mécaniser l’outillage et pour moderniser les méthodes, mais on ne peut attendre de résultats substantiels qu’avec une relative lenteur.
80Les progrès de la culture des céréales en Afrique du Nord permettent, dès maintenant, d’assurer son ravitaillement propre bien que la consommation locale ait considérablement progressé, et d’exporter des quantités assez importantes de céréales secondaires (environ 400 000 tonnes en 1949).
81Quant au riz, qui constitue la nourriture de base des populations d’Afrique noire, sa culture y est vivement encouragée. L’Office du Niger prévoit la mise en exploitation de 10 500 ha de cultures nouvelles et la construction de centres pilotes destinés à moderniser la technique des cultivateurs indigènes.
82Un effort est fait pour développer la production des aliments énergétiques. Pour le sucre, la production prévue pour 1950-1951 est de 250 000 tonnes par an et celle de 1952 s’élèvera à 300 000 tonnes. On s’est efforcé de réduire le prix de revient en améliorant les procédés de culture (mécanisation, sélection des plantes, emploi d’engrais). Déjà se manifeste une certaine concurrence entre la production des territoires d’outre-mer et la production métropolitaine, laquelle – comme je l’ai déjà rappelé – ne trouve pas toujours à s’écouler facilement, bien que la consommation par tête reste encore faible en France, et plus encore dans les territoires de l’Union française.
83Autre aliment énergétique : le cacao, production spécifiquement indigène. Cette production peut être estimée pour 1950-1951 à 90 000 tonnes, en légère augmentation sur celle de l’année précédente. Environ 10 % de cette production sont exportés vers la zone dollar.
84Le bilan reste déficitaire en ce qui concerne le café. Des progrès notables ont été réalisés sur cette culture d’implantation récente ; de 1920 à 1938, sa production est ainsi passée de 3 500 à 66 000 tonnes. C’est un domaine dans lequel, entre les deux guerres, nous avons fait des progrès remarquables en quantité et aussi dans une certaine mesure en qualité. En 1949, le chiffre de 74 000 tonnes a été atteint en raison d’améliorations techniques poussées. Des résultats plus satisfaisants sont escomptés.
85Dans le domaine des corps gras – où, à un moment donné, un déficit a été particulièrement inquiétant et qui pèse grandement sur notre balance extérieure –, des accroissements substantiels ont été enregistrés. La production d’arachides doit s’élever à 450 000 tonnes en 1950-1951, tandis que la production d’huile d’olive atteint en Tunisie des chiffres record ; cela contribue, dans une grande mesure, à équilibrer le bilan des corps gras de l’Union française qui, dans cinq ans, pourra peut-être se suffire à elle-même pour les fluides. D’autre part, on pense pouvoir réaliser des exportations importantes d’huile d’olive de Tunisie.
86En ce qui concerne le coton et le bois, le développement est également intéressant.
87Pour le coton, certaines difficultés ont été rencontrées : manque de semences, difficultés techniques, etc. Cependant, la production s’accroît. Elle s’élevait à 17 000 tonnes en 1938 et passera à 30 000 tonnes cette année ; on escompte 45 000 tonnes en 1952, ce qui reste une production minime bien que nettement en progrès.
88Pour le bois, dont la production est directement influencée par l’amélioration technique de l’équipement d’exploitation, les exportations passeront de 450 000 tonnes en 1949-1950 à 500 000 tonnes environ en 1950-1951, dont près de 20 000 tonnes seront destinées à la zone dollar et rapporteront 1 million de dollars.
Industries extractives
89Dans ce domaine, le développement de la production dépend essentiellement de l’équipement en matériel moderne, ce qui nécessite des investissements coûteux qui doivent souvent, au surplus, être financés en monnaies rares.
90En ce qui concerne le charbon, la production de l’Afrique du Nord passe de 538 000 tonnes en 1948 à 660 000 tonnes en 1949. Les prévisions pour 1952 atteignent 900 000 tonnes, ce qui doit entraîner une réduction des besoins nord-africains en charbons étrangers et une économie appréciable de devises, notamment de livres sterling, car l’Afrique du Nord se ravitaille principalement en Angleterre pour son combustible.
91L’extraction du minerai de fer en Afrique du Nord avait considérablement décliné pendant la guerre. L’objectif de 4,5 millions de tonnes prévu pour 1952 dépasse à peine la production de 1938. Cela est d’autant plus regrettable que nous avons en Afrique du Nord des minerais de très haute teneur en fer, susceptibles de jouer un grand rôle dans l’économie nationale.
92Quant aux métaux non ferreux, les progrès se poursuivent. La production du plomb d’Afrique du Nord passera en 1950-1951 à 120 000 tonnes de minerai, auxquelles s’ajouteront 5 000 tonnes en provenance d’AEF16. En 1952, l’Union française devrait équilibrer ses besoins en plomb, d’où une économie de devises (nous achetons encore du plomb au Mexique, par exemple, et nous devons le payer en dollars).
93La production du manganèse marocain est passée de 78 000 tonnes en 1938 à 202 000 tonnes en 1948, 230 000 tonnes en 1950 et 260 000 tonnes cette année.
94La production des mattes de nickel néo-calédonien17 dépassera le niveau d’avant-guerre en 1950-1951 avec 3 000 tonnes et celle de ferronickel atteindra également 3 000 tonnes. Toujours en Nouvelle-Calédonie, l’extraction du minerai de chrome passera à 100 000 tonnes, dont les deux tiers seront exportés vers les États-Unis et rapporteront des dollars.
95La production de graphite à Madagascar passera à 15 000 tonnes en 1950-1951, dont la moitié sera exportée sur la zone dollar.
96Enfin, la production des phosphates, en Afrique du Nord, est passée de 4 millions de tonnes en 1938 à 6 millions de tonnes en 1949. L’objectif est de 7,5 millions de tonnes en 1952.
97Le développement de l’énergie électrique reste à signaler, particulièrement en Afrique du Nord, où la production atteint, dès maintenant, mensuellement 85 millions de kWh, soit le double de la production de 1938. La mise en service de nouveaux barrages ainsi que de plusieurs centrales thermiques permettrait d’atteindre, en année normale, des objectifs fixés à 160 millions de kWh pour 1952, ce qui est d’ailleurs très peu si l’on tient compte de l’importance des besoins virtuels considérables de l’Afrique du Nord, notamment pour l’industrialisation.
98Pour les autres territoires, des travaux de barrages sont en cours en vue d’une production plus importante d’énergie, notamment au Cameroun, en AEF et en AOF18.
99L’examen des principales productions coloniales permet donc d’enregistrer partout des accroissements, aussi bien dans le domaine agricole que dans les domaines minéral et énergétique. Dans un certain nombre de cas, ces progrès ont permis à l’Union française de réaliser un meilleur équilibre de sa balance commerciale et de ne plus demander certaines fournitures à l’étranger, en particulier à la zone dollar. Les cas les plus typiques sont ceux des matières grasses, du plomb et du nickel. Sur ces trois points, l’autonomie de l’Union française est réalisée ou le sera à brève échéance.
100Des développements de production escomptés pour la seule Afrique du Nord, on attend une réduction de 80 millions de dollars du solde déficitaire actuel avec la zone dollar, un accroissement de 34 millions de dollars du solde créditeur actuel avec la zone sterling, et un accroissement de 70 millions de dollars des échanges avec les autres zones étrangères.
101Le montant des investissements consentis dans l’Union française s’est élevé à 32 milliards de francs courants en 1947, 63 milliards en 1948 et 120 milliards en 1949. Ces sommes, qui sont importantes, restent cependant très loin derrière celles qui avaient été demandées en 1946 par la commission de Modernisation ; elles atteignaient en effet 394 milliards pour l’ensemble des territoires d’outre-mer. Nous ne sommes même pas à la moitié des dépenses envisagées.
102Sur les 394 milliards demandés, 244 concernaient l’Afrique du Nord pour cinq exercices. Les réalisations pour 1949 ont été de 31,5 milliards pour l’Algérie, 8 milliards pour la Tunisie et 16 milliards pour le Maroc, soit au total 56 milliards. Ce total passe à près de 70 milliards en 1950, dont 48 proviendront de la métropole (principalement par l’intermédiaire du Fonds de modernisation et d’équipement, c’est-à-dire de la contre-valeur de l’aide Marshall) et 21,5 milliards de la mobilisation des ressources algériennes et marocaines.
103Dans l’ensemble, on reste assez mal renseigné sur les résultats obtenus et sur les programmes envisagés par rapport à l’étendue des véritables besoins. Le rapport du commissariat général au Plan, publié en décembre dernier, contenait un fascicule spécialement consacré à la France d’outre-mer ; mais ce fascicule n’apportait aucune clarté à cet aspect essentiel du problème.
104J’en ai terminé maintenant avec l’examen des différents secteurs de production et avec la comparaison nécessaire entre les objectifs envisagés et les résultats obtenus.
Notes de bas de page
10 Longtemps négligée par les recherches, cette question commence à être étudiée dans une perspective historique, cf. Michaël Llopart, « Entre l’État, l’usine et le marché. Le “problème de l’azote” en France. Retour sur les débuts controversés d’une entreprise publique durant l’entre-deux-guerres, l’Office national industriel de l’azote, 1924-1940 », thèse de doctorat en histoire sous la direction de Jean-Marc Olivier et Alain Boscus, université de Toulouse 2, 2020 et Laurent Herment, « La plus belle firme du monde ne peut offrir que ce qu’elle a. L’émergence des filières agro-industrielles en France : les engrais commerciaux (1860-1913) », manuscrit inédit présenté dans le cadre d’une habilitation à diriger des recherches, université de Paris 1, 2021.
11 Pour une analyse sur une plus longue durée de cette question, cf. Nicolas Neiertz, La coordination des transports en France de 1918 à nos jours, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1999, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/3265.
12 Les Liberty ships sont les cargos construits aux États-Unis au cours de la Seconde Guerre mondiale, à la suite de la déclaration du président F. D. Roosevelt affirmant que les États-Unis seraient l’arsenal du monde libre. Cf. Craig Lee Symonds, Histoire navale de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2020.
13 Le terme a longtemps été davantage employé que l’adjectif « climatique ».
14 Degrés Brix.
15 On ne peut s’empêcher ici de rappeler la campagne du verre de lait que Mendès France mène quand il est à la présidence du Conseil en 1954, cf. Roland Barthes, « Le vin et le lait », dans Mythologies, Paris, Seuil, 1957, p. 74‑77 ; Annie Collovald, « Le verre de lait de Pierre Mendès France ou l’oubli des origines politiques », dans Alain Garrigou (dir.), La santé dans tous ses états, Biarritz, Atlantica, 2000, p. 35‑54 ; Joseph Bohling, The Sober Revolution: Appellation Wine and the Transformation of France, Ithaca, Cornell University Press, 2018 et « The Mendès France Milk Regime: Alcoholism as a Problem of Agricultural Subsidies, 1954-1955 », French Politics, Culture and Society, vol. 32, n° 3, hiver 2014, p. 97‑120.
16 Afrique équatoriale française.
17 La matte désigne l’un des produits résultant de la première fusion d’un minerai et composé d’un mélange de sulfures métalliques. Sur les débuts de la production de nickel en Nouvelle-Calédonie, cf. Yann Bencivengo, Nickel. La naissance de l’industrie calédonienne, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2014.
18 Afrique occidentale française.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Financer la Reconstruction de la France
Ce livre est diffusé en accès ouvert freemium. L’accès à la lecture en ligne est disponible. L’accès aux versions PDF et ePub est réservé aux bibliothèques l’ayant acquis. Vous pouvez vous connecter à votre bibliothèque à l’adresse suivante : https://freemium.openedition.org/oebooks
Si vous avez des questions, vous pouvez nous écrire à access[at]openedition.org
Financer la Reconstruction de la France
Vérifiez si votre bibliothèque a déjà acquis ce livre : authentifiez-vous à OpenEdition Freemium for Books.
Vous pouvez suggérer à votre bibliothèque d’acquérir un ou plusieurs livres publiés sur OpenEdition Books. N’hésitez pas à lui indiquer nos coordonnées : access[at]openedition.org
Vous pouvez également nous indiquer, à l’aide du formulaire suivant, les coordonnées de votre bibliothèque afin que nous la contactions pour lui suggérer l’achat de ce livre. Les champs suivis de (*) sont obligatoires.
Veuillez, s’il vous plaît, remplir tous les champs.
La syntaxe de l’email est incorrecte.
Référence numérique du chapitre
Format
Référence numérique du livre
Format
1 / 3