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    Institut de la gestion publique et du développement économique
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    Plan détaillé Texte intégral Introduction I. La régulation conjointe du monde des affaires II. Le tribunal de commerce français : quatre siècles et demi d’une institution improbable III. Un témoignage fort publié en tempsde crise financière IV. Les forces institutionnelles soutenantcette institution improbable Conclusion Notes de bas de page Auteurs

    Concurrence et marchés

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    Le régime consulaire de contrôle social des marchés et ses soutiens institutionnels : le cas du tribunal de commerce de Paris au début du XXIe siècle

    Emmanuel Lazega et Lise Mounier

    p. 291-308

    Texte intégral Introduction I. La régulation conjointe du monde des affaires II. Le tribunal de commerce français : quatre siècles et demi d’une institution improbable III. Un témoignage fort publié en tempsde crise financière IV. Les forces institutionnelles soutenantcette institution improbable Conclusion Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    Introduction

    1Les crises économiques, notamment les crises financières, reposent de manière récurrente, dans les économies de marché, la question du contrôle social des activités marchandes. Les règles du jeu fournies par le droit et les institutions donnent aux acteurs qui acceptent les contraintes imposées par ces règles la possibilité de réduire les risques liés aux transactions marchandes, aux activités contractuelles et à la concurrence. Si la sociologie du droit analyse la manière dont le droit cherche en théorie à organiser le monde des affaires, la sociologie économique s’est, depuis ses débuts, intéressée à la création, au fonctionnement pratique et à l’évolution des institutions contrôlant le fonctionnement des marchés en mettant en œuvre, entre autres, ce droit. En particulier, une forme importante d’« encastrement1 » des transactions économiques dans leur contexte social relève de ce que cette sociologie économique – à la suite des théories wébériennes2 sur les « organisations de régulation de l’économie » (Wirtschaftsregulierende Verbände) – appelle l’« encastrement institutionnel3 ». Les entreprises se surveillent mutuellement et apprennent à s’adapter aux contextes institutionnels et aux organisations4 de régulation de toutes sortes sanctionnant – plus ou moins – les écarts aux règles ainsi établies.

    2L’État a traditionnellement fourni les institutions de contrôle social des marchés. Mais le monde des affaires a très tôt participé à – si ce n’est initié – la construction d’institutions au départ privées, tout comme à l’équipement juridique de « ses » marchés. En Europe, c’est le monde des affaires qui a d’abord créé ses propres régulations5. Mais il a très tôt recouru à l’État, dans un rapport complexe, pour obtenir de meilleurs moyens d’officialisation et de sanction de ses normes. On a ainsi pu dire que la lex mercatoria du Moyen Âge a été le fondement juridique du capitalisme6. Les marchands, qui constituaient un groupe social relativement distinct des autres et aux intérêts économiques bien spécifiés, avaient leurs propres tribunaux et élisaient des juges parmi leurs « pairs ». On y délivrait une justice rapide sans argumentation juridique sophistiquée, fondée en équité, sans avocats professionnels. Les commerçants contrôlaient ainsi ce qui se passait dans leurs marchés et foires, mais, parallèlement, ils faisaient souvent appel au pouvoir d’État pour mettre en œuvre les décisions qu’ils prenaient – ce qui ne signifie pas qu’ils ne pouvaient pas, dans certaines circonstances, compter sur d’autres moyens de contrainte comme la réputation7.

    3Cette lex mercatoria évolua ainsi différemment selon les pays, en fonction de leurs types d’État (plus ou moins absolutiste) et de droit (common law ou codification). Jochen Hoock8 montre que les grandes codifications du xixe siècle, à commencer par le Code de commerce français de 1807, ont toutes tenté de systématiser les expériences des siècles précédents, en France, en s’attachant à la notion d’« acte de commerce » – c’est-à-dire acheter pour vendre – et non à la personne du marchand (comme c’était le cas en Allemagne). En particulier, une forme spécifique d’institution émerge à partir du xvie siècle : les tribunaux de commerce. Ceux-ci apparaissent comme un compromis visant à préserver les avantages de deux formes de régulation, endogène et exogène : tout en conservant les principes de la lex mercatoria (juges commerçants, justice rapide et peu chère, respect des usages du commerce), ils sont intégrés dans l’administration judiciaire (bénéficiant de ses moyens de sanction) et appliquent et développent très tôt (dès la fin du xviie siècle) des lois commerciales générales en tant que force de proposition depuis l’intérieur de l’appareil d’État. Ce compromis de régulation endogène et exogène tient depuis le xvie siècle, malgré des critiques régulières de son caractère hybride entre institution marchande et étatique, critiques portant sur les risques de corruption ou d’incompétence des juges consulaires. En tant que mode de gouvernance hybride à l’échelle inter-organisationnelle, cette institution est particulièrement intéressante pour sa résilience parce qu’elle est l’une des rares qui a traversé presque inchangée la Révolution de 1789, tout en ayant été régulièrement – et même depuis ses débuts – remise en cause de façon fondamentale9.

    I. La régulation conjointe du monde des affaires

    4Le monde des affaires participe ainsi activement au contrôle social de ses propres activités économiques – notamment au partage des coûts de ce contrôle – développant avec les pouvoirs publics ce que nous avons appelé, à la suite de Jean-Daniel Reynaud10 (mais à l’échelle méso-sociale des relations inter-organisationnelles et pour des marchés autres que les marchés du travail), une forme de régulation « conjointe » du monde des affaires11, à savoir une combinaison négociée de régulation « autonome » (endogène) et de « contrôle » (par les pouvoirs publics). Le monde des affaires a toujours fait ce qui était en son pouvoir pour participer aux décisions politiques et administratives qui touchent à ses appareils de production et à ses marchés. Mais l’institution consulaire de régulation conjointe est une tentative plus radicale de rapprochement de la lex mercatoria privée et de la codification publique, le Code de commerce étant lui-même une lex mercatoria codifiée, séparée et dérogatoire par rapport au Code civil, une forme de régulation autonome renforcée, voire extrême ou limite, ayant vocation à évoluer pour s’adapter aux changements de l’économie.

    5C’est qu’en réalité les systèmes exogènes et endogènes de régulation conjointe ou de règlement de conflits se rejoignent à plusieurs égards. Ian Ayres et John Braithwaite12 montrent par exemple, dans leur analyse de la « responsive self-regulation », l’existence de « pyramides de mise en œuvre » (enforcement pyramids) entre les agences de réglementation de l’État et les représentants des entreprises. Ces pyramides illustrent la manière dont ces représentants du monde des affaires et ceux du droit peuvent utiliser des échelles graduées partant de mesures de persuasion personnelles, des lettres de mise en demeure, des sanctions civiles, des sanctions pénales, jusqu’à l’exclusion par la suspension et à la révocation de permis. Les acteurs privés connaissent l’existence de telles pyramides. Ils savent que chaque façon de faire respecter les contrats en appelle une autre et qu’il existe un risque d’escalade. C’est pourquoi, en dépit des coûts élevés du règlement des litiges, les entreprises, qu’elles soient plaignantes ou en défense dans une affaire, n’utilisent des mécanismes de règlement institutionnels formels13 qu’après avoir suivi cette échelle graduée transformant les plaintes informelles en procédures et décisions judiciaires14.

    6Il s’ensuit que le paysage juridique contemporain des institutions de contrôle social de l’économie de marché est complexe. En France, la résolution, par des tierces parties, des conflits engendrés par l’activité économique peut passer par les tribunaux publics spécialisés et dérogatoires (tribunal de commerce) ou généralistes (TGI, cour d’appel et Cour de cassation), mais aussi par des autorités administratives indépendantes, des tribunaux semi-privés (cour d’arbitrage) ou la médiation privée (instances propres à diverses industries, ou services rendus notamment par des professions comme les avocats d’affaires).

    7Dans ce cadre, la solution institutionnelle du régime consulaire surprend néanmoins par sa longévité. Son examen est important, nous semble-t-il, car elle prétend réunir les admirateurs de la vertu républicaine et les partisans de l’esprit de commerce dans l’économie de marché. Déjà, Montesquieu soulignait les limites de l’opposition entre la République et le commerce, entre l’intérêt général et l’intérêt individuel15. Cette opposition, classique dans l’histoire des idées politiques, est remise en question par l’institution consulaire.

    II. Le tribunal de commerce français : quatre siècles et demi d’une institution improbable

    8Dans cette solution institutionnelle consulaire, l’État partage son propre pouvoir judiciaire avec la communauté d’affaires locale qui dispose de sa propre juridiction spéciale pour le commerce (contentieux commercial et faillites, devenues procédures collectives)16. Ce sont des juges consulaires, hommes et femmes d’affaires bénévoles, qui siègent dans ce type de tribunaux. Ils sont parrainés, cooptés, sélectionnés puis élus pour un mandat de deux ou de quatre années (pour une judicature maximale de quatorze ans) par un corps électoral composé notamment par les juges déjà en place et par les délégués syndicaux de la chambre de commerce de leur localité17, les deux institutions économiques s’appuyant mutuellement et entretenant des liens étroits. Ainsi, dans cette solution institutionnelle, les coûts du contrôle sont partagés par l’État, les industries ou les entreprises, mais aussi par les juges individuels qui se disent volontiers représentants de la « société civile économique ». Le régime consulaire est une manière pour l’État d’exercer a minima une régulation de contrôle sur le fonctionnement des marchés, en particulier les PME, mais aussi tous les marchés de la liquidation et de la reprise. Ce régime a la particularité de compter sur les entreprises et les syndicats patronaux pour s’autodiscipliner, en théorie, sans structures corporatistes comme celles que la Révolution française avait supprimées.

    9Institution de niveau méso-social, elle est marquée par la séparation des mondes sociaux, privés et publics18 qu’elle utilise. Comme d’autres institutions situées à la frontière de l’administration publique et du monde de l’économie et remplissant des fonctions de régulation autonome dans la régulation conjointe, les tribunaux de commerce se caractérisent par une grande discrétion, voire une superposition de clôtures renforcées19. De récents travaux de sociologues et d’historiens ont souligné que la réalité de ce clivage n’était pas si simple20. Le poids d’une idéologie refusant l’existence d’intérêts particuliers est indéniable ; les barrières mises, pendant près d’un siècle après 1791, à la création de toute forme de corporation ou de syndicat en témoignent. Mais en réalité, de nombreuses institutions de niveau méso-social ont prospéré en France, y compris depuis la Révolution. Elles ont permis, à l’échelle locale ou nationale, des formes de régulation autonome, voire verrouillée, de l’économie dans lesquelles des hommes eux-mêmes issus du commerce et de l’industrie étaient très actifs, mais qui incluaient aussi une certaine sanction de l’État (elles n’avaient pas seulement lieu entre « pairs »).

    10Un tel régime de régulation conjointe (mais où la régulation autonome est très forte) est justifié de plusieurs manières. Premièrement, c’est une forme de justice moins dispendieuse et qui valorise davantage la rapidité qu’un système qui fait appel à des juges de carrière. Le monde des affaires endosse une plus grande partie des coûts du règlement de ses propres conflits, et les retards et les attentes y sont moins longs que dans les tribunaux judiciaires traditionnels. Deuxièmement, les juges de carrière – qui sont des fonctionnaires – sont souvent caricaturés comme inexpérimentés, peu formés à comprendre les problèmes des entreprises ou capables de contrôler de façon appropriée le comportement des dirigeants d’entreprises, particulièrement en matière d’insolvabilité et de faillite21. Pour créer le contraste, beaucoup de juges consulaires affirment conjuguer droit, économie, gestion et leur expérience pour prendre leurs décisions. Troisièmement, le droit des affaires ignore souvent les us et coutumes idiosyncrasiques désignés au tribunal de commerce par le terme « usages ». Ces derniers sont « des pratiques qui, pour une profession et une région déterminées, ont force obligatoire dans les contrats22 ». Ils sont basés sur les sous-cultures traditionnelles de l’industrie ou du commerce et caractérisent le secteur entier. Le règlement efficace des conflits ne pourrait passer outre l’ensemble des règlements et des conventions qui structurent différemment les pratiques du monde des affaires dans chaque secteur traditionnel. Les juges du tribunal de commerce, qui sont supposés être des hommes et des femmes d’affaires expérimentés, sont considérés comme des spécialistes de leur domaine professionnel et seraient par conséquent dans une meilleure position (que des fonctionnaires permanents) pour en connaître les coutumes, les adapter rapidement au milieu instable ou changeant des affaires et aussi pour innover en matière de réglementation, voire de lobbying renforcé depuis l’intérieur de l’appareil d’État sur le modèle d’une régulation à la fois conjointe et croisée.

    11Avec les arguments de la rapidité, du faible coût pour les contribuables, de l’expérience de l’économie et de la gestion et de la connaissance des usages, le tribunal de commerce français revendique donc des caractéristiques spécifiques qui donnent une visibilité accrue à certains aspects du lien entre les mécanismes juridiques (exogènes) et sociaux (endogènes) de la régulation conjointe dans le domaine du commerce. L’État est loin de sanctionner tout seul. Il requiert la participation et les investissements d’intervenants – tant des particuliers que des entreprises – qui sont prêts à assumer une partie des coûts du contrôle. De fait, les juges cooptés et élus accomplissent ce qui est habituellement considéré comme une fonction régalienne de l’État. Ce cas assez particulier de régulation conjointe se rapproche de la « corégulation23 », entendue comme une auto­régulation renforcée par des associations industrielles reconnues par l’État ou comme une régulation autonome extrême fonctionnant dans le cadre d’une régulation de contrôle éloignée.

    12Pour les juges du tribunal de commerce de Paris, cependant, rappeler les usages ne signifie pas représenter des intérêts corporatistes. Les médias soupçonnent souvent que la cooptation dans les nominations a pour résultat l’élection de juges qui ne parviendraient pas, par la suite, à se distancer de leur milieu d’origine, par exemple du secteur qui a parrainé leur candidature, et donc d’intérêts particuliers. Les parties n’ont souvent qu’une confiance limitée en l’impartialité des décisions du tribunal, particulièrement dans les tribunaux de commerce des petites villes, mais elles ont besoin de décisions rapides pour renégocier leurs contrats. Du point de vue de certains secteurs de l’économie, les juges consulaires apparaissent comme davantage que de simples juges, plutôt comme des entrepreneurs judiciaires24 qui représentent la sensibilité et chercheraient à promouvoir les normes du syndicat patronal qui les a initialement aidés à siéger au tribunal. Même si ce compromis tient depuis le xvie siècle, malgré son caractère hybride à la frontière entre institution marchande et étatique, ces critiques portent essentiellement sur les risques de corruption, d’incompétence ou de lobbying des juges. En effet, les tribunaux ne sont pas des institutions statiques prenant des décisions atemporelles et purement rationnelles. Ce sont des institutions « contestées25 » dont le contrôle direct ou indirect fait l’objet d’une concurrence. Par exemple, 29 % (entre 2000 et 2005) d’entre les juges consulaires du tribunal de commerce de Paris proviennent du secteur de la banque et de la finance (sans compter les 8 % de juges provenant du secteur très proche des assurances). Cette surreprésentation évidente soulèverait, dans la plupart des pays européens et dans les pays anglo-saxons, la question de l’impartialité de cette juridiction et des juges en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflits. Mais l’institution présuppose que ses juges zélés seront entièrement vertueux malgré le peu de distance qui existe parfois entre eux et le justiciable26.

    III. Un témoignage fort publié en temps de crise financière

    13Comment le contrôle social des marchés peut-il reposer, en France, sur une participation aussi pérenne du monde des affaires au règlement des litiges commerciaux, notamment à travers une régulation autonome aussi forte et verrouillée au tribunal de commerce consulaire ? La réponse réside, au moins en partie, dans le fait que cette institution est soutenue par tout un système interinstitutionnel et qu’elle représente donc un véritable « régime » consulaire que le personnel politique et administratif de ce système peut avoir intérêt à conserver.

    14Pour fonder ou illustrer cette affirmation, nous nous appuyons sur les propos récents d’un ancien président du tribunal de commerce de Paris, Michel ­Rougier, qui raconte, dans un article sur la crise financière de 2008, comment il a procédé au sauvetage des banques françaises au cours d’une autre crise (elle aussi déclenchée par l’explosion d’une bulle immobilière) entre 1992 et 1995. Cette dernière, moins spectaculaire que celle de 2008, n’en menaçait pas moins les grandes banques françaises de faillite. L’ancien président du tribunal de commerce de Paris participe, avec le ministre de l’Économie et des Finances de l’époque qui cosigne l’article, à un débat concernant le rôle des banques dans la crise. Son intervention s’appuie sur son expérience de président au moment-même de cette crise.

    Encadré. « Qu’attendre des banques ? », par Michel Rougier, extrait d’article paru en 2009 dans Le Journal de l’École de Paris

    Entre l’été 1992 et l’été 1997, je me suis posé tous les jours, et parfois la nuit, la question qui nous réunit ce soir : « Que peut-on attendre des banques ? » Pour y répondre, il faut distinguer les deux acceptions du verbe attendre : « J’attends de vous » exprime une exigence ; « Je vous attends », une patience. C’est entre ces deux acceptions que sera tendu le fil de mon propos.

    La crise de 1992-1997

    Ce que nous avons vécu entre 1992 et 1997 était, comme aujourd’hui, une crise des promesses de revenus. Cette crise avait commencé à la fin des années 1980, aux États-Unis et à Londres, dans l’immobilier de commerces et de bureaux. En France, elle a pris la forme d’une crise des promesses de revenus liée aux échanges de promesses de transactions immobilières qui s’étaient mises à circuler en quantités industrielles. Dès son arrivée au ministère des Finances, Edmond Alphandéry a bloqué le système de circulation libre de ces promesses de vente, qui était devenu une sorte de titrisation inavouée et avait pris des proportions effarantes. Personne n’était capable d’évaluer l’étendue exacte des dégâts, mais André Lévy-Lang s’en est sans doute approché en estimant que le montant de cette titrisation s’élevait environ à 450 milliards de francs. Compte tenu du taux de décote important que l’on observe lorsque l’immobilier se retourne, le système bancaire s’avérait totalement incapable d’assumer le coût correspondant.

    La perspective des élections législatives prévues en mars 1993 et de l’alternance politique qui s’annonçait ne facilitait guère la gestion de la crise. Le tribunal de commerce s’est retrouvé en première ligne, car à partir de septembre 1992, plus personne, dans la classe politique, n’était en mesure de prendre les décisions qui s’imposaient. Or, la situation était grave : non seulement les banques, mais les trois principales compagnies d’assurances (le DAP, le GAN et les AGF) étaient touchées.

    La patience

    Face à cet effondrement économique et politique, nous avons assez vite compris qu’il serait impossible de tout attendre des banques, et qu’il faudrait au contraire savoir les attendre, quelle que soit la pression de l’opinion publique. Or, cette pression était très forte : les principales critiques se concentraient sur le Crédit lyonnais, mais on assistait aussi à des règlements de compte idéologiques entre partisans et adversaires du concept de banque d’État.

    Nous étions convaincus que si nous pouvions laisser entre les mains des banques, pendant quelques années, l’énorme patrimoine immobilier qu’elles avaient acquis et pour lequel elles ne trouvaient pas d’acheteurs, nous parviendrions à dénouer la crise car la dénationalisation des compagnies d’assurances ferait émerger un nouveau marché immobilier. Nous avons réussi à retarder jusqu’au 30 juin 1995 la première mise en liquidation d’une banque significative, la Pallas Stern. Si cette faillite avait eu lieu deux ans plus tôt, elle aurait sans doute provoqué une vraie crise systémique comme la faillite de Lehman Brothers en 2008. Mais en 1995, ces balises avaient été placées au bon endroit et sa disparition n’a pas eu de conséquences graves. Le marché immobilier était d’ores et déjà en train de renaître de ses cendres. Des sociétés américaines se sont précipitées en France pour acheter des lots très importants, parfois sans se montrer très regardantes sur ce qu’elles acquéraient, immeubles ou simples créances. Le sang-froid et la capacité à attendre s’étaient révélés payants.

    L’exigence

    Dans le même temps, nous avons mis en œuvre le second volet de notre action, qui consistait au contraire à exprimer des attentes très fortes à l’égard des banques, mais dans un domaine très précis ; la préservation de deux filières industrielles qu’il nous semblait indispensable de protéger. La première était celle des transports. La seconde, celle de presse, dont dépendaient la publicité, l’imprimerie et l’industrie de la pâte à papier. Nous nous sommes montrés intransigeants sur ce point et nous avons imposé aux banques d’accorder tous les crédits nécessaires dans ces deux filières. Cela n’a pas été simple et il a fallu, dans certains cas, recourir à la coercition. Nous avons constaté que, dans ce genre de circonstances, les politiques nous laissaient largement la bride au cou : ils estimaient manifestement que l’imperium des juges serait plus efficace, face aux banques, que leurs propres pressions.

    La situation actuelle

    Pour sortir de la crise actuelle, il faudra également savoir utiliser le verbe attendre dans ses deux acceptions. La situation va sans doute évoluer plus rapidement que lors de la crise de 1992-1997 car, à l’époque, les décisions avaient été retardées par deux campagnes électorales successives, celle de 1993, puis celle de 1995. La très grande impatience de l’opinion publique peut cependant pousser les pouvoirs publics à se tromper dans le choix de leurs domaines d’intervention, et à exiger où il faudrait patienter, et patienter où il faudrait exiger. De son côté, le système bancaire, qui est aujourd’hui très éprouvé, ne comprendra peut-être pas toujours ce que l’on attend de lui et ne saura peut-être pas convaincre sur ce qu’il est en droit d’attendre des pouvoirs publics […].

    En 1992, les difficultés rencontrées par le Crédit lyonnais risquaient de provoquer 40 000 suppressions d’emplois dans les entreprises où cette banque détenait des participations. Pour nous, sacrifier ces 40 000 emplois était totalement exclu, quelle qu’ait été la responsabilité du Crédit lyonnais. Comme je le disais à l’époque : « Ma mission consiste à sauver des actifs, pas à condamner des fautifs ». La sanction relève de la justice pénale […]

    Edmond Alphandéry, Michel Rougier et Patrick Pélata, « Qu’attendre des banques ? », Le Journal de l’École de Paris du management, n° 78, 2009, p. 8-16.

    15Au sein du tribunal de commerce de Paris, pour les juges consulaires, le président Rougier est le président « qui a sauvé les banques françaises ». Ce compte rendu témoigne, à notre sens, de la dimension politique du travail du juge du commerce français. Il nous intéresse particulièrement ici car il met bien en scène quelques-uns des soutiens institutionnels du tribunal de commerce consulaire, mais aussi les échanges de services politiques entre l’institution consulaire et le ministère de l’Économie et des Finances, depuis l’intérieur de l’appareil d’État, dans les couloirs mêmes du pouvoir exécutif.

    IV. Les forces institutionnelles soutenant cette institution improbable

    16À condition de ne pas considérer l’État comme une organisation monolithique27, il apparaît que cette institution représente un intérêt manifeste pour plusieurs acteurs : pour la classe politique en général, la gestion des faillites (et donc leur évitement) est déléguée à des juges « indépendants ». Ce que le président Rougier exprime très diplomatiquement :

    « Nous avons constaté que, dans ce genre de circonstances, les politiques nous laissaient largement la bride au cou : ils estimaient manifestement que l’imperium des juges serait plus efficace, face aux banques, que leurs propres pressions ».

    17Pour le ministère de l’Économie et des Finances, dont la visibilité en temps réel sur l’économie locale est parfois limitée, le tribunal consulaire peut parfois représenter un instrument de politique industrielle. Le président Rougier montre l’intérêt pour le ministère de l’Économie et des Finances d’avoir à sa disposition une institution judiciaire, d’une part, qui facilite le « sale boulot » (au sens sociologique d’Everett Hughes) de la gestion des crises et des faillites – en permettant, par exemple, de « jouer la montre » plus facilement, en prolongeant les procédures jusqu’à ce que les effets de ces crises se soient fortement atténués, en apparence d’eux-mêmes – et, d’autre part, qui prend à son compte, le cas échéant, des politiques industrielles peu compatibles avec les théories néolibérales revendiquées par le gouvernement en place.

    18Pour le ministère de la Justice (au budget toujours faible par comparaison avec beaucoup d’autres ministères), il représente des économies considérables en termes de salaires qu’il faudrait verser à des juges de carrière. Il ne faut pas mésestimer l’importance du fait que la justice commerciale est peu coûteuse pour l’État. À cet élément s’ajoute, dans les argumentaires, l’idée d’un faible coût pour les intéressés, la rapidité de la justice consulaire et, longtemps dans l’histoire, la prise de distances vis-à-vis des avocats. Tant du point de vue de la classe politique que de celle des ministères directement concernés, le maintien d’une institution consulaire comme le tribunal de commerce de Paris, et du régime consulaire plus généralement, semble donc fournir des marges de manœuvre dont ils disposeraient probablement moins sans cette institution. Notons que, du point de vue du tribunal lui-même, servir deux maîtres renforce les soutiens institutionnels, mais peut aussi permettre de profiter de tensions entre eux pour gagner en capacité de régulation autonome renforcée.

    19Du côté des entreprises, le monde des affaires compte, avec cette institution spécialisée, mais aussi avec un Code de commerce dérogatoire, sur une justice qui permet de contrôler son espace normatif propre (excluant en particulier la voix des consommateurs et des salariés), qui recourt à des économies politiques libérales ou néolibérales, et qui tient compte de ses contraintes en termes de pragmatisme : une justice plus rapide, plus au fait des usages du monde des affaires, plus facilement instrumentalisable que la justice généraliste du tribunal judiciaire. Il ne s’agit pas seulement pour les juges consulaires d’avoir des connaissances livresques des usages de chaque profession, mais bien de pouvoir interpréter les discours des intéressés, de comprendre comment réfléchissent les acteurs économiques. Dans bien des cas, par exemple, les parties assignent non pas pour demander justice au sens courant du terme, mais pour demander au juge de fixer les termes d’une renégociation de leur contrat. Le tribunal consulaire adapte ainsi ses procédures de résolution de conflit aux demandes de sa clientèle. Il est aussi utilisé comme regulatory sandbox ou force de proposition ou de relais d’idées de régulation autonome innovante, notamment au départ des campagnes de lobbying auprès du pouvoir législatif. De ce point de vue, tout comme « les usages sont source de droit » (une expression souvent utilisée par les juges consulaires), le tribunal de commerce est source d’innovations juridiques et de légitimité dans la promotion de ces innovations dans le système politique. Il apparaît comme un lieu de formulation, de test, de maturation de nouvelles règles pour une économie en constante évolution. Ainsi, le Code de commerce lui-même a été rédigé par le président du tribunal de commerce de Paris en 1807. Autre exemple plus récent, la première présidente du tribunal de commerce de Paris a fortement contribué à la promotion et à la formulation d’une nouvelle loi de la sauvegarde dans le champ des procédures collectives (2007).

    20Du point de vue de certains secteurs de l’économie, les juges consulaires sont en effet plus que de simples juges. Ces magistrats peuvent être considérés comme des « entrepreneurs institutionnels28 ». Nous entendons « entrepreneurs institutionnels » au sens d’acteurs qui, pour défendre leurs intérêts régulatoires, créent en amont des conditions culturelles de possibilité et agissent en aval – et ont suffisamment de ressources – pour maintenir, modifier ou créer des structures institutionnelles, que ce soit par calcul instrumental et stratégique ou par convictions idéologiques ou morales, elles-mêmes plus ou moins institutionnalisées. Les juges consulaires, souvent activistes, défendent des convictions militantes sur le fonctionnement de l’économie et agissent, à la fois en leur nom propre et au nom des entreprises et syndicats patronaux qui les ont parrainés au moment de leur élection, pour promouvoir des « sensibilités » et des règles spécifiques de fonctionnement du monde des affaires. Ce sont aussi des « entrepreneurs judiciaires » au sens de Wayne V. McIntosh et Cynthia L. Cates29 – en particulier ceux issus des secteurs surreprésentés (finance et BTP notamment).

    21Le président Rougier décrit ainsi très explicitement la manière dont il se fait, à l’instigation du ministre, le défenseur (voire le porte-parole) de deux filières économiques (transports, presse) en difficulté face aux banques. Le ton de son propos est celui d’un membre du cabinet du ministre de l’Économie et des Finances. Ces branches trouvent ainsi un soutien fort auprès du président du tribunal face à ces banques qu’il contribue à sauver. Ce soutien renvoie lui-même au lien avec la chambre de commerce et, dans le cadre parisien, au Comité intersyndical des élections consulaires (CIEC), articulation principale entre les deux institutions puisqu’il filtre et pré-recrute les juges consulaires30.

    22Aux ministères et aux organisations patronales, il faut enfin ajouter les associations de juges consulaires. Les juges du tribunal de commerce sont les acteurs emblématiques du régime consulaire car ces tribunaux sont le parfait exemple d’un corps méso-social producteur de notables. En effet, ce sont les juges consulaires, leurs convictions et leur engagement personnel, militant et/ou citoyen, qui font fonctionner cette institution au quotidien. À nouveau, les propos du président Rougier sont éclairants : « Ma mission consiste à sauver des actifs, pas à condamner des fautifs. » Ces propos invitent à envisager plus précisément le point de vue politique et militant des juges sur leurs fonctions.

    23À la complexité des tâches du juge du commerce s’ajoute la complexité sociale de son engagement dans une société marquée par un fort clivage social entre monde du public et monde du privé. C’est notamment dans le cadre de leurs associations qu’ils expriment et entretiennent cet engagement pour endosser une part des coûts de la régulation autonome par la « société civile économique ». Reste que ce bénévolat est un bénévolat de pouvoir : la « corvée » du tribunal de commerce exige aussi de ces magistrats une forme d’adhésion à des convictions politiques. Bien que le magistrat consulaire ne soit pas à sa place du point de vue de la séparation des pouvoirs, le bénévolat légitime (ou même achète) la défense pragmatique de convictions politiques pour la définition de l’intérêt général31.

    24Le régime consulaire s’appuie donc aussi sur une organisation spécifique, la Conférence des juges consulaires de France, qui a pris récemment le relais de la Conférence générale des tribunaux de commerce, créée à la fin du xixe siècle. Cette Conférence ne peut pas se présenter comme un ordre professionnel délivrant un droit de pratiquer, mais elle entend « faire connaître l’institution consulaire et assurer sa notoriété, représenter les juges consulaires auprès des autorités de tutelle, veiller au respect des règles déontologiques, aider les juges à se former, défendre les intérêts matériels et moraux, individuels et collectifs, et les droits des juges consulaires, y compris en étant en justice, réaliser études et travaux sur les questions liées aux activités consulaires, entretenir et développer des relations cordiales et solidaires entre ses membres32 ». Les juges consulaires sont souvent pris dans une comparaison avec le corps d’État des magistrats fonctionnaires par rapport auxquels ils défendent depuis des siècles leur propre légitimité contrariée. Ils cherchent sans cesse à tourner cette comparaison à leur avantage. Mais dans la mesure où ils ne sont pas, par définition, juges de carrière, la comparaison entre la Conférence et un ordre professionnel n’est jamais très éloignée, même si elle est écartée au moment même où elle est suggérée puisque les institutions consulaires ont été créées pour aider le monde des affaires à fonctionner hors du cadre des corporatismes de l’Ancien Régime33.

    25Cette analyse des soutiens institutionnels du tribunal de commerce consulaire n’est qu’une esquisse. Aux conditions de possibilité de sa régulation autonome extrême, il faudrait ajouter toute une série d’exclusions de parties prenantes de l’entreprise. Les représentants institutionnels des artisans sont exclus jusque très récemment (2022) du régime consulaire de contrôle social des marchés. Les salariés et les consommateurs aussi sont écartés de la régulation autonome renforcée des marchés par le monde des affaires. Enfin, le tribunal d’arbitrage, bien qu’en théorie concurrent du tribunal de commerce en tant que modèle de justice encore plus privatisé et internationalisé, peut représenter a contrario un soutien institutionnel. La comparaison avec l’arbitrage, qui n’a aucune exigence de cohérence juridique interne et qui n’agit que pour satisfaire les parties contractantes exclusivement, permet au tribunal de commerce d’approcher avec moins d’exigence (qu’un tribunal judiciaire) la question de la cohérence interne de ses jugements au premier degré. Au cœur d’une régulation autonome que l’on pourrait appeler « limite-limite », on voit donc l’institution consulaire s’appuyer sur la cooptation, les exclusions et les traversées de frontières (voire les dérives) théorisées par l’institutionnalisme classique34.

    Conclusion

    26Une fois que le monde des affaires comme « système » institutionnel séparé au sens de Polanyi35 s’est installé dans une fonction qui relève du cœur de métier de l’État, il adapte cette installation au fonctionnement organisationnel des institutions publiques du moment, tout en créant autour d’elles un véritable milieu social (à la fois hétérogène et porteur) et système interinstitutionnel dont l’autonomie et les interdépendances peuvent lui garantir une permanence surprenante. Cette adaptation et la création de ce milieu social, que nous appelons le « régime consulaire », évoluent au fil des époques. La profondeur historique, qui permet de mettre en lumière cette évolution, est indispensable pour comprendre les régularités de ce régime. Nous en sommes restés ici, faute de place, à une étude de cas spécifique, limitée, qui a tenté d’identifier le régime interinstitutionnel sur lequel s’appuie cette institution improbable. Les propos du président Rougier nous ont aidés à proposer des explications de la pérennité de cette institution en exposant les liens des milieux interinstitutionnels qui « portent » aussi ce régime consulaire de contrôle social des marchés.

    27C’est en dégageant les facettes et usages multiples des institutions de contrôle social des marchés que l’analyse sociologique de ces interdépendances institutionnelles contribue à mieux comprendre leur pérennité – même lorsqu’elles sont régulièrement critiquées et menacées, car leur fonctionnement défie à bien des égards le principe de la séparation des pouvoirs – ainsi que l’extension éventuelle du régime consulaire de régulation conjointe des marchés à d’autres sphères de la vie publique. Il pose la question de l’évolution, dans les formes de capitalisme contemporaines, du type de présence séparée et verrouillée du monde des affaires dans la sphère publique, voire de son rôle facilitateur ou d’obstruction dans les changements à venir face aux grands défis contemporains (environnementaux, climatiques, sociaux).

    28Les thèses néolibérales et l’application du principe de subsidiarité ont conduit aujourd’hui la puissance publique à céder encore davantage de ses secteurs d’intervention traditionnels aux entreprises privées. La concurrence entre puissance publique et monde des affaires s’étend ainsi à presque tous les domaines du service public. Pour mieux comprendre ce nouveau capitalisme, l’examen du régime consulaire, qui représente une modalité très ancienne de contrôle social des marchés, est éclairant. Ce régime est caractérisé, entre autres, par le fait que le monde des affaires (les dirigeants d’entreprises et/ou leurs représentants syndicaux) entre dans l’appareil d’État pour faire fonctionner l’une ou l’autre de ses institutions en concevant, appliquant et évaluant ses politiques publiques. D’une certaine manière, ce régime de « gouvernance » s’étend au fur et à mesure que l’État semi-privatise des services publics ou qu’il se semi-privatise lui-même, délégant des fonctions que l’on considérait jusqu’à peu comme purement régaliennes. Sa description est un complément utile à la reconstitution du cadre institutionnel du fonctionnement des économies contemporaines qui a été fortement marqué par les politiques de libéralisation engagées dès la fin des années 1970 (déréglementation, privatisations, désengagements de l’État). Une part de l’interpénétration actuelle du monde des affaires et de l’État s’appuie sur des modèles plus anciens, d’une longévité historique surprenante, de régulation autonome extrême.

    29À l’heure du glissement des frontières entre privé et public, mais aussi entre normal et pathologique (par exemple dans le domaine des faillites comme déviances du débiteur normalisées par une dépénalisation progressive), nous identifions ainsi un niveau de régulation conjointe des activités économiques qui contient en lui-même une régulation autonome extrême dont nous avons analysé quelques caractéristiques et conditions de possibilité. Le tribunal de commerce de Paris est considéré en France comme une institution exemplaire du régime consulaire. Son observation en tant que source de régulation autonome extrême montre que l’entrée du monde des affaires dans l’appareil d’État s’accompagne d’un processus d’instrumentalisation mutuelle, mais aussi parfois d’une forme de régulation de contrôle plus faible que cette régulation autonome renforcée et disposant d’autant d’accès au droit en vigueur. Encore une fois, l’une des questions que pose cette dernière est de savoir si elle peut aider au développement, en temps de crises existentielles pour la société, d’une perspective longue dont l’économie contemporaine a besoin. Par exemple, une régulation autonome extrême permettant un contrôle social des activités industrielles et marchandes par une finance court-termiste est-elle adaptée aux enjeux des transitions contemporaines ?

    Notes de bas de page

    1 Mark Granovetter, « Economic Action and Social Structure: The Problem of Embeddedness », American Sociological Review, vol. 91, n° 3, 1985, p. 481‑510.

    2 Voir aussi Richard Swedberg, Max Weber and the Idea of Economic Sociology, Princeton, Princeton University Press, 1998, p. 99‑107, sur les prérequis juridiques de l’émergence du capitalisme selon Weber ; idem, « Economics and Custom », Journal of Institutional and Theoretical Economics, vol. 149, n° 1, 1993, p. 204‑209 ; idem, « The Case for an Economic Sociology of Law », Theory and Society, vol. 32, n° 1, 2003, p. 1‑37.

    3 Voir par ex. Emmanuel Lazega et Lise Mounier, « Interdependent Entrepreneurs and the Social Discipline of their Cooperation: A Research Programme for Structural Economic Sociology in a Society of Organizations », dans Olivier Favereau et E. Lazega (dir.), Conventions and Structures in Economic Organization: Markets, Networks, and Hierarchies, Cheltenham, Edward Elgar, 2002, p. 147‑199 ; Neil Fligstein, The Architecture of Markets: An Economic Sociology of Capitalist Societies, Princeton, Princeton University Press, 2002 ; Vincent Buskens, Werner Raub et Chris Snijders (dir.), The Governance of Relations in Markets and Organizations, Amsterdam-Boston, Jai, vol. 20, 2003, p. 267‑296.

    4 Harrison C. White. « Where do markets come from? », American Journal of Sociology, vol. 87, n° 3, 1981, p. 517‑547.

    5 Jochen Hoock et Pierre Jeannin (dir.), Ars mercatoria. Manuels et traités à l’usage des marchands, 1470-1820, Paderborn-Munich-Vienne-Zurich, Schöningh, 1991-2001, 3 vol. parus, contenant la bibliographie complète des manuels ayant trait au droit consulaire ; Robert Descimon et Alain Guéry, « Un État des temps modernes ? », dans André Burguière, Jacques Revel et Jacques Le Goff (dir.), Histoire de la France, t. IV, La longue durée de l’État, Paris, Seuil, 2000, p. 345.

    6 Max Weber, « Zur Geschichte der Handelsgesellschaften im Mittelalter », Gesammelte Aufsätze zur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, Tubingue, Mohr Siebeck, 1988, p. 312‑443 ; Harold J. Berman, « Mercantile Law », dans Law and Revolution: The Formation of the Western Legal Tradition, Cambridge, Harvard University Press, 1983, p. 333‑356.

    7 Paul R. Milgrom, Douglass C. North et Barry R. Wiengast, « The Role of Institutions in the Revival of Trade: The Law Marchant, Private Judge, and the Champagne Fairs », Economics and Politics, vol. 2, n° 1, 1990, p. 1‑23.

    8 J. Hoock, « Zur Entwicklung der französischen Handelsgerichtsbarkeit zwischen dem 16. und dem 18. Jahrhundert », dans Neithard Bulst et Jean-Philippe Genet (dir.), La ville, la bourgeoisie et la genèse de l’État moderne (xiie-xviiie siècle), Paris, CNRS Éd., 1988, p. 230‑242 (cartes et graphiques) ; idem, « Entre gouvernance marchande et loi civile. À propos du rôle des juridictions consulaires en France, xviie-xviiie siècle », 2009.

    9 Pour une contextualisation historique de cette institution, voir par ex. Jean Hilaire, « La Révolution et les juridictions consulaires », dans Robert Badinter (dir.), Une autre justice, 1789-1799. Contributions à l’histoire de la justice sous la Révolution, Paris, Fayard, 1989, p. 243‑266 ; Jean-Pierre Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éd. de l’EHESS, 1985 ; Alain Chatriot et Claire Lemercier, « Les corps intermédiaires », dans Vincent Duclert et Christophe Prochasson (dir.), Dictionnaire critique de la République, Paris, Flammarion, 2002, p. 691‑698 ; Amalia D. Kessler, A Revolution in Commerce: The Parisian Merchant Court and the Rise of Commercial Society in Eighteenth-Century France, New Haven (CT), Yale University Press, 2007.

    10 Jean-Daniel Reynaud, Les règles du jeu, Paris, Armand Colin, 1989. Voir par ex. Emmanuel Lazega et Lise Mounier, « Interlocking Judges: On Joint (External and Self-) Governance of Markets », dans V. Buskens, W. Raub et C. Snijders (dir.), The Governance of Relations…, op. cit., p. 267‑296.

    11 E. Lazega et L. Mounier, « Lorsque l’État se retire du contrôle de l’économie, qui prend le relais ? », dans Jean Crête (dir.), La science politique au Québec. Le dernier des maîtres fondateurs. Hommage à Vincent Lemieux, Québec, Presses universitaires de Laval, 2003, p. 155‑178 ; idem, « La régulation conjointe des marchés : Le cas du tribunal de commerce de Paris », dans Bernard Convert (dir.), Repenser le marché, Paris, L’Harmattan, Cahiers lillois d’économie et de sociologie, n° 41, 2003. Voir aussi à ce sujet Ian Ayres et John Braithwaite, Responsive Regulation: Transcending the Deregulation Debate, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; Donald Black, « Social Control as a Dependent Variable », dans Donald Black (dir.), Toward a General Theory of Social Control, New York, Academic Press, 1984 ; Albert J. Reiss, Jr, « Selecting Strategies of Social Control over Organizational Life », dans Keith O. Hawkins, John M. Thomas (dir.), Enforcing Regulation, Boston, Kluwer-Nijhoff, 1984 ; Christopher D. Stone, Where the Law Ends: The Social Control of Corporate Behavior, New York, Harper & Row, 1975 ; Diane Vaughan, Controlling Unlawful Organizational Behavior, Chicago, Chicago University Press, 1983.

    12 I. Ayres et J. Braithwaite, Responsive Regulation…, op. cit.

    13 Terence Dunworth et Joel Rogers, « Corporations in Court: Big Business Litigation in U.S. Federal Courts, 1971-1991 », Law & Social Inquiry, vol. 21, n° 3, 1996, p. 497‑592 ; Ross E. Cheit et Jacob E. Gersen, « When Businesses Sue Each Other: An Empirical Study of State Court Litigation », Law & Social Inquiry, vol. 25, n° 3, 2000, p. 789‑816.

    14 William L. F. Felstiner, Richard L. Abel et Austin Sarat, « The Emergence and Transformation of Disputes: Naming, Blaming, Claiming », Law & Social Inquiry, vol. 15, n° 3, 1980, p. 631‑654.

    15 Pour une analyse synthétique, voir Bernard Manin, « Montesquieu, la République et le commerce », Archives européennes de sociologie, vol. 42, n° 3, 2001, p. 573‑602.

    16 Nadine Levratto, « From failure to corporate bankruptcy: a review », Journal of Innovation and Entrepreneurship, vol. 2, n° 1, 2013, p. 1‑15.

    17 Les délégués consulaires sont les correspondants économiques des chambres de commerce et d’industrie pour les circonscriptions auxquelles ils appartiennent. Leurs listes électorales sont dressées par catégorie et sous-catégorie professionnelle. Les électeurs comprennent, entre autres, les commerçants immatriculés au registre du commerce de la circonscription de la chambre de commerce, les chefs d’entreprise inscrits au répertoire des métiers et immatriculés au même registre du commerce, etc.

    18 Le clivage entre gens du public et gens du privé occupe une place toujours importante dans les débats sur la société française (François de Singly et Claude Thélot, Gens du privé, gens du public : la grande différence, Paris, Dunod, 1988). Alors que d’autres différences laissent souvent indifférent, celle qui distingue les mondes sociaux du privé et du public soulève de fortes polémiques. Les oppositions, réelles et imaginaires, entre fonctionnaires et salariés du privé s’étendent aussi bien à la vie privée qu’à la vie professionnelle.

    19 Le greffe du tribunal de commerce peut exercer son activité de manière libérale, en étant titulaire d’une charge à titre personnel ou au sein d’une société titulaire d’une charge.

    20 Voir notamment Pierre Rosanvallon, « Corporations et corps intermédiaires », Le Débat, n° 57, novembre-décembre 1989, p. 190‑194 ; Alain Plessis (dir.), Naissance des libertés économiques : liberté du travail et liberté d’entreprendre. Le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier, leurs conséquences, 1791-fin xixe siècle, Paris, Institut d’histoire de l’industrie, 1993 ; Philippe Minard, « État et économie en France après la Révolution », Historiens et géographes, n° 378, mai 2002, p. 195‑201 ; C. Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003.

    21 Bruce G. Carruthers et Terence C. Halliday, Rescuing Business: The Making of Corporate Bankruptcy Law in England and the United States, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 431.

    22 Selon le Guide pratique du magistrat consulaire, Document interne, Tribunal de commerce de Paris et Conférence générale des tribunaux de commerce, 2001, p. 134. Depuis 1982, il existe au greffe du tribunal de commerce de Paris (service des expertises) un bureau de dépôt des usages professionnels, auprès duquel les professions ont été appelées à déposer leurs usages et règlements ; il en existait 275 au 31 octobre 2000.

    23 Peter Grabosky et J. Braithwaite, Of Manners Gentle: Enforcement Strategies of Australian Business Regulatory Agencies, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 83.

    24 Wayne V. McIntosh et Cynthia L. Cates, Judicial Entrepreneurship: The Role of the Judge in the Marketplace of Ideas, Westport (CT), Greenwood Press, 1997.

    25 Au sens de Roy B. Flemming, « Contested Terrains and Regime Politics: Thinking about America’s Trial Courts and Institutional Change », Law & Social Inquiry, vol. 23, n° 4, 1998, p. 941‑965 et Ana Maria Falconi, Karima Guenfoud, E. Lazega, C. Lemercier et al., « Le contrôle social du monde des affaires : une étude institutionnelle », L’Année sociologique, vol. 55, n° 2, 2005, p. 451‑484.

    26 E. Lazega, « Networks in Legal Organizations: On the Protection of Public Interest in Joint Regulation of Markets », Oratie for Wiarda Chair, Wiarda Institute Publications, Faculty of Law, Utrecht University, 2003. Pour un aperçu synthétique du fonctionnement de la machine organisationnelle du tribunal de commerce de Paris (travail des juges, nombre de cas, rapidité de la prise de décision, système d’acteurs, caractéristiques socio-démographiques des juges), voir E. Lazega et L. Mounier, Étude organisationnelle et structurale du tribunal de commerce de Paris, Mission de recherche « Droit & Justice », Ministère de la Justice, 2001 ; E. Lazega et L. Mounier, avec la collaboration d’A. M. Falconi, K. Guenfoud, C. Lemercier et Stéphanie Vermeersch, Régulation conjointe et partage des compétences entre les juges du tribunal de commerce de Paris, Mission de recherche « Droit & Justice », Ministère de la Justice, 2003 ; E. Lazega et L. Mounier, avec la collaboration d’A. M. Falconi, C. Lemercier, Philippa Pattison et Tom Snijders, Cognition, réseaux sociaux et changement organisationnel : une sociologie structurale de la connaissance basée sur l’étude des réseaux de conseil, Programme « Cognitique », Ministère de la Recherche, 2003 ; E. Lazega et L. Mounier, avec la collaboration d’A. M. Falconi, Partage des compétences entre magistrats consulaires et usages du monde des affaires au tribunal de commerce de Paris, Mission de recherche « Droit & Justice », Ministère de la Justice, 2007 ; E. Lazega et L. Mounier, « Networks of Institutional Capture », dans Balázs Vedres et Marco Scotti (dir.), Networks in Social Policy Problems, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 124‑137.

    27 Edward O. Laumann et David Knoke, The Organizational State: Social Choice in National Policy Domains, Madison, University of Wisconsin Press, 1987 ; Patrick Fridenson, « Pour une histoire de l’État contemporain comme organisation », Cahiers du Centre de recherches historiques, octobre 2000, p. 149‑156.

    28 Shmouel Eisenstadt, « Cultural Orientations, Institutional Entrepreneurs, and Social Change: Comparative Analysis of Traditional Civilizations », American Journal of Sociology, vol. 85, n° 4, 1980, p. 840‑869 ; Paul DiMaggio, « Interest and Agency in Institutional Theory », dans Lynne G. Zucker (dir.), Institutional Patterns and Organizations: Culture and Environment, Cambridge (MA), Ballinger, 1988, p. 3‑22.

    29 W. V. McIntosh et C. L. Cates, Judicial Entrepreneurship…, op. cit.

    30 Organisme représentant l’union des syndicats professionnels patronaux de Paris et réunissant la quasi-totalité des secteurs professionnels de la capitale et des départements voisins (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), il choisit une liste de candidats au tribunal, listes qui ont été uniques et totalement élues presque continûment depuis 1893. Le CIEC applique une forte sélection professionnelle et institutionnelle aux candidats à la fonction de juge consulaire. Sa fonction est « de rechercher, de susciter et de sélectionner pour les suffrages des électeurs des candidats aux fonctions de juges des tribunaux de commerce de la circonscription » ; en effet, malgré l’intérêt qu’ont pu trouver, à peu près continûment, les organisations professionnelles à y être représentées, les tribunaux de commerce semblent avoir toujours éprouvé une certaine difficulté à « recruter » des juges, du fait du caractère chronophage de leur activité et du sens de la « mission » que leur engagement requiert. Des compensations symboliques au temps passé dans l’institution ont donc toujours été recherchées.

    31 E. Lazega, « Quatre siècles et demi de New (New) Law & Economics : du pragmatisme juridique dans le régime consulaire de contrôle social des marchés », Revue française de socio-économie, vol. 1, n° 3, 2009, p. 97‑120 ; E. Lazega et L. Mounier, « Polynormativité et contrôle social du monde des affaires : l’exemple de l’interventionnisme et de la punitivité des juges du tribunal de commerce de Paris », Droit et société, vol. 1, n° 71, 2009, p. 103‑132.

    32 https://tribunauxdecommerce.fr/linstitution/la-conference-generale/

    33 E. Lazega et L. Mounier, « La rhétorique des professions libérales au service de la privatisation de l’État : le cas des juges consulaires du tribunal de commerce français », dans Didier Demazière et Charles Gadéa (dir.), Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis, Paris, La Découverte, 2009.

    34 Philip Selznick, TVA and the Grass Roots: A Study in the Sociology of Formal Organization, Berkeley, University of California Press, 1949.

    35 Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (1944).

    Auteurs

    • Emmanuel Lazega

      Professeur de sociologie à l’Institut d’études politiques de Paris, Emmanuel Lazega est membre du Centre de sociologie des organisations (CNRS) et membre senior de l’Institut universitaire de France. Sa recherche de sociologie des organisations et de sociologie économique porte notamment sur les réseaux sociaux et les institutions méso-sociales de régulation du monde des affaires. Il a codirigé avec Lise Mounier l’enquête sur la justice commerciale au tribunal de commerce de Paris (2000-2005). Ses publications sur le fonctionnement de cette institution sont accessibles sur HAL, https://hal.archives-ouvertes.fr et sur le site personnel de l’auteur, http://elazega.fr/?page_id=694.

    • Lise Mounier

      Ingénieure de recherche émérite au Centre Maurice Halbwachs (UMR 8097 CNRS) de l’École normale supérieure (Jourdan), Lise Mounier est spécialiste en méthodes quantitatives et plus particulièrement en analyse de réseaux. Dans le domaine de la sociologie économique structurale, elle a codirigé avec Emmanuel Lazega l’enquête sur la justice commerciale au tribunal de commerce de Paris (2000-2005). Ses publications sur le fonctionnement de cette institution sont accessibles sur HAL, https://hal.archives-ouvertes.fr et sur http://elazega.fr/?page_id=694.

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    1 Mark Granovetter, « Economic Action and Social Structure: The Problem of Embeddedness », American Sociological Review, vol. 91, n° 3, 1985, p. 481‑510.

    2 Voir aussi Richard Swedberg, Max Weber and the Idea of Economic Sociology, Princeton, Princeton University Press, 1998, p. 99‑107, sur les prérequis juridiques de l’émergence du capitalisme selon Weber ; idem, « Economics and Custom », Journal of Institutional and Theoretical Economics, vol. 149, n° 1, 1993, p. 204‑209 ; idem, « The Case for an Economic Sociology of Law », Theory and Society, vol. 32, n° 1, 2003, p. 1‑37.

    3 Voir par ex. Emmanuel Lazega et Lise Mounier, « Interdependent Entrepreneurs and the Social Discipline of their Cooperation: A Research Programme for Structural Economic Sociology in a Society of Organizations », dans Olivier Favereau et E. Lazega (dir.), Conventions and Structures in Economic Organization: Markets, Networks, and Hierarchies, Cheltenham, Edward Elgar, 2002, p. 147‑199 ; Neil Fligstein, The Architecture of Markets: An Economic Sociology of Capitalist Societies, Princeton, Princeton University Press, 2002 ; Vincent Buskens, Werner Raub et Chris Snijders (dir.), The Governance of Relations in Markets and Organizations, Amsterdam-Boston, Jai, vol. 20, 2003, p. 267‑296.

    4 Harrison C. White. « Where do markets come from? », American Journal of Sociology, vol. 87, n° 3, 1981, p. 517‑547.

    5 Jochen Hoock et Pierre Jeannin (dir.), Ars mercatoria. Manuels et traités à l’usage des marchands, 1470-1820, Paderborn-Munich-Vienne-Zurich, Schöningh, 1991-2001, 3 vol. parus, contenant la bibliographie complète des manuels ayant trait au droit consulaire ; Robert Descimon et Alain Guéry, « Un État des temps modernes ? », dans André Burguière, Jacques Revel et Jacques Le Goff (dir.), Histoire de la France, t. IV, La longue durée de l’État, Paris, Seuil, 2000, p. 345.

    6 Max Weber, « Zur Geschichte der Handelsgesellschaften im Mittelalter », Gesammelte Aufsätze zur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, Tubingue, Mohr Siebeck, 1988, p. 312‑443 ; Harold J. Berman, « Mercantile Law », dans Law and Revolution: The Formation of the Western Legal Tradition, Cambridge, Harvard University Press, 1983, p. 333‑356.

    7 Paul R. Milgrom, Douglass C. North et Barry R. Wiengast, « The Role of Institutions in the Revival of Trade: The Law Marchant, Private Judge, and the Champagne Fairs », Economics and Politics, vol. 2, n° 1, 1990, p. 1‑23.

    8 J. Hoock, « Zur Entwicklung der französischen Handelsgerichtsbarkeit zwischen dem 16. und dem 18. Jahrhundert », dans Neithard Bulst et Jean-Philippe Genet (dir.), La ville, la bourgeoisie et la genèse de l’État moderne (xiie-xviiie siècle), Paris, CNRS Éd., 1988, p. 230‑242 (cartes et graphiques) ; idem, « Entre gouvernance marchande et loi civile. À propos du rôle des juridictions consulaires en France, xviie-xviiie siècle », 2009.

    9 Pour une contextualisation historique de cette institution, voir par ex. Jean Hilaire, « La Révolution et les juridictions consulaires », dans Robert Badinter (dir.), Une autre justice, 1789-1799. Contributions à l’histoire de la justice sous la Révolution, Paris, Fayard, 1989, p. 243‑266 ; Jean-Pierre Hirsch, Les deux rêves du commerce. Entreprise et institution dans la région lilloise (1780-1860), Paris, Éd. de l’EHESS, 1985 ; Alain Chatriot et Claire Lemercier, « Les corps intermédiaires », dans Vincent Duclert et Christophe Prochasson (dir.), Dictionnaire critique de la République, Paris, Flammarion, 2002, p. 691‑698 ; Amalia D. Kessler, A Revolution in Commerce: The Parisian Merchant Court and the Rise of Commercial Society in Eighteenth-Century France, New Haven (CT), Yale University Press, 2007.

    10 Jean-Daniel Reynaud, Les règles du jeu, Paris, Armand Colin, 1989. Voir par ex. Emmanuel Lazega et Lise Mounier, « Interlocking Judges: On Joint (External and Self-) Governance of Markets », dans V. Buskens, W. Raub et C. Snijders (dir.), The Governance of Relations…, op. cit., p. 267‑296.

    11 E. Lazega et L. Mounier, « Lorsque l’État se retire du contrôle de l’économie, qui prend le relais ? », dans Jean Crête (dir.), La science politique au Québec. Le dernier des maîtres fondateurs. Hommage à Vincent Lemieux, Québec, Presses universitaires de Laval, 2003, p. 155‑178 ; idem, « La régulation conjointe des marchés : Le cas du tribunal de commerce de Paris », dans Bernard Convert (dir.), Repenser le marché, Paris, L’Harmattan, Cahiers lillois d’économie et de sociologie, n° 41, 2003. Voir aussi à ce sujet Ian Ayres et John Braithwaite, Responsive Regulation: Transcending the Deregulation Debate, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; Donald Black, « Social Control as a Dependent Variable », dans Donald Black (dir.), Toward a General Theory of Social Control, New York, Academic Press, 1984 ; Albert J. Reiss, Jr, « Selecting Strategies of Social Control over Organizational Life », dans Keith O. Hawkins, John M. Thomas (dir.), Enforcing Regulation, Boston, Kluwer-Nijhoff, 1984 ; Christopher D. Stone, Where the Law Ends: The Social Control of Corporate Behavior, New York, Harper & Row, 1975 ; Diane Vaughan, Controlling Unlawful Organizational Behavior, Chicago, Chicago University Press, 1983.

    12 I. Ayres et J. Braithwaite, Responsive Regulation…, op. cit.

    13 Terence Dunworth et Joel Rogers, « Corporations in Court: Big Business Litigation in U.S. Federal Courts, 1971-1991 », Law & Social Inquiry, vol. 21, n° 3, 1996, p. 497‑592 ; Ross E. Cheit et Jacob E. Gersen, « When Businesses Sue Each Other: An Empirical Study of State Court Litigation », Law & Social Inquiry, vol. 25, n° 3, 2000, p. 789‑816.

    14 William L. F. Felstiner, Richard L. Abel et Austin Sarat, « The Emergence and Transformation of Disputes: Naming, Blaming, Claiming », Law & Social Inquiry, vol. 15, n° 3, 1980, p. 631‑654.

    15 Pour une analyse synthétique, voir Bernard Manin, « Montesquieu, la République et le commerce », Archives européennes de sociologie, vol. 42, n° 3, 2001, p. 573‑602.

    16 Nadine Levratto, « From failure to corporate bankruptcy: a review », Journal of Innovation and Entrepreneurship, vol. 2, n° 1, 2013, p. 1‑15.

    17 Les délégués consulaires sont les correspondants économiques des chambres de commerce et d’industrie pour les circonscriptions auxquelles ils appartiennent. Leurs listes électorales sont dressées par catégorie et sous-catégorie professionnelle. Les électeurs comprennent, entre autres, les commerçants immatriculés au registre du commerce de la circonscription de la chambre de commerce, les chefs d’entreprise inscrits au répertoire des métiers et immatriculés au même registre du commerce, etc.

    18 Le clivage entre gens du public et gens du privé occupe une place toujours importante dans les débats sur la société française (François de Singly et Claude Thélot, Gens du privé, gens du public : la grande différence, Paris, Dunod, 1988). Alors que d’autres différences laissent souvent indifférent, celle qui distingue les mondes sociaux du privé et du public soulève de fortes polémiques. Les oppositions, réelles et imaginaires, entre fonctionnaires et salariés du privé s’étendent aussi bien à la vie privée qu’à la vie professionnelle.

    19 Le greffe du tribunal de commerce peut exercer son activité de manière libérale, en étant titulaire d’une charge à titre personnel ou au sein d’une société titulaire d’une charge.

    20 Voir notamment Pierre Rosanvallon, « Corporations et corps intermédiaires », Le Débat, n° 57, novembre-décembre 1989, p. 190‑194 ; Alain Plessis (dir.), Naissance des libertés économiques : liberté du travail et liberté d’entreprendre. Le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier, leurs conséquences, 1791-fin xixe siècle, Paris, Institut d’histoire de l’industrie, 1993 ; Philippe Minard, « État et économie en France après la Révolution », Historiens et géographes, n° 378, mai 2002, p. 195‑201 ; C. Lemercier, Un si discret pouvoir. Aux origines de la chambre de commerce de Paris, 1803-1853, Paris, La Découverte, 2003.

    21 Bruce G. Carruthers et Terence C. Halliday, Rescuing Business: The Making of Corporate Bankruptcy Law in England and the United States, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 431.

    22 Selon le Guide pratique du magistrat consulaire, Document interne, Tribunal de commerce de Paris et Conférence générale des tribunaux de commerce, 2001, p. 134. Depuis 1982, il existe au greffe du tribunal de commerce de Paris (service des expertises) un bureau de dépôt des usages professionnels, auprès duquel les professions ont été appelées à déposer leurs usages et règlements ; il en existait 275 au 31 octobre 2000.

    23 Peter Grabosky et J. Braithwaite, Of Manners Gentle: Enforcement Strategies of Australian Business Regulatory Agencies, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 83.

    24 Wayne V. McIntosh et Cynthia L. Cates, Judicial Entrepreneurship: The Role of the Judge in the Marketplace of Ideas, Westport (CT), Greenwood Press, 1997.

    25 Au sens de Roy B. Flemming, « Contested Terrains and Regime Politics: Thinking about America’s Trial Courts and Institutional Change », Law & Social Inquiry, vol. 23, n° 4, 1998, p. 941‑965 et Ana Maria Falconi, Karima Guenfoud, E. Lazega, C. Lemercier et al., « Le contrôle social du monde des affaires : une étude institutionnelle », L’Année sociologique, vol. 55, n° 2, 2005, p. 451‑484.

    26 E. Lazega, « Networks in Legal Organizations: On the Protection of Public Interest in Joint Regulation of Markets », Oratie for Wiarda Chair, Wiarda Institute Publications, Faculty of Law, Utrecht University, 2003. Pour un aperçu synthétique du fonctionnement de la machine organisationnelle du tribunal de commerce de Paris (travail des juges, nombre de cas, rapidité de la prise de décision, système d’acteurs, caractéristiques socio-démographiques des juges), voir E. Lazega et L. Mounier, Étude organisationnelle et structurale du tribunal de commerce de Paris, Mission de recherche « Droit & Justice », Ministère de la Justice, 2001 ; E. Lazega et L. Mounier, avec la collaboration d’A. M. Falconi, K. Guenfoud, C. Lemercier et Stéphanie Vermeersch, Régulation conjointe et partage des compétences entre les juges du tribunal de commerce de Paris, Mission de recherche « Droit & Justice », Ministère de la Justice, 2003 ; E. Lazega et L. Mounier, avec la collaboration d’A. M. Falconi, C. Lemercier, Philippa Pattison et Tom Snijders, Cognition, réseaux sociaux et changement organisationnel : une sociologie structurale de la connaissance basée sur l’étude des réseaux de conseil, Programme « Cognitique », Ministère de la Recherche, 2003 ; E. Lazega et L. Mounier, avec la collaboration d’A. M. Falconi, Partage des compétences entre magistrats consulaires et usages du monde des affaires au tribunal de commerce de Paris, Mission de recherche « Droit & Justice », Ministère de la Justice, 2007 ; E. Lazega et L. Mounier, « Networks of Institutional Capture », dans Balázs Vedres et Marco Scotti (dir.), Networks in Social Policy Problems, Cambridge, Cambridge University Press, 2012, p. 124‑137.

    27 Edward O. Laumann et David Knoke, The Organizational State: Social Choice in National Policy Domains, Madison, University of Wisconsin Press, 1987 ; Patrick Fridenson, « Pour une histoire de l’État contemporain comme organisation », Cahiers du Centre de recherches historiques, octobre 2000, p. 149‑156.

    28 Shmouel Eisenstadt, « Cultural Orientations, Institutional Entrepreneurs, and Social Change: Comparative Analysis of Traditional Civilizations », American Journal of Sociology, vol. 85, n° 4, 1980, p. 840‑869 ; Paul DiMaggio, « Interest and Agency in Institutional Theory », dans Lynne G. Zucker (dir.), Institutional Patterns and Organizations: Culture and Environment, Cambridge (MA), Ballinger, 1988, p. 3‑22.

    29 W. V. McIntosh et C. L. Cates, Judicial Entrepreneurship…, op. cit.

    30 Organisme représentant l’union des syndicats professionnels patronaux de Paris et réunissant la quasi-totalité des secteurs professionnels de la capitale et des départements voisins (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), il choisit une liste de candidats au tribunal, listes qui ont été uniques et totalement élues presque continûment depuis 1893. Le CIEC applique une forte sélection professionnelle et institutionnelle aux candidats à la fonction de juge consulaire. Sa fonction est « de rechercher, de susciter et de sélectionner pour les suffrages des électeurs des candidats aux fonctions de juges des tribunaux de commerce de la circonscription » ; en effet, malgré l’intérêt qu’ont pu trouver, à peu près continûment, les organisations professionnelles à y être représentées, les tribunaux de commerce semblent avoir toujours éprouvé une certaine difficulté à « recruter » des juges, du fait du caractère chronophage de leur activité et du sens de la « mission » que leur engagement requiert. Des compensations symboliques au temps passé dans l’institution ont donc toujours été recherchées.

    31 E. Lazega, « Quatre siècles et demi de New (New) Law & Economics : du pragmatisme juridique dans le régime consulaire de contrôle social des marchés », Revue française de socio-économie, vol. 1, n° 3, 2009, p. 97‑120 ; E. Lazega et L. Mounier, « Polynormativité et contrôle social du monde des affaires : l’exemple de l’interventionnisme et de la punitivité des juges du tribunal de commerce de Paris », Droit et société, vol. 1, n° 71, 2009, p. 103‑132.

    32 https://tribunauxdecommerce.fr/linstitution/la-conference-generale/

    33 E. Lazega et L. Mounier, « La rhétorique des professions libérales au service de la privatisation de l’État : le cas des juges consulaires du tribunal de commerce français », dans Didier Demazière et Charles Gadéa (dir.), Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis, Paris, La Découverte, 2009.

    34 Philip Selznick, TVA and the Grass Roots: A Study in the Sociology of Formal Organization, Berkeley, University of California Press, 1949.

    35 Karl Polanyi, La grande transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard, 1983 (1944).

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    Lazega, E., & Mounier, L. (2023). Le régime consulaire de contrôle social des marchés et ses soutiens institutionnels : le cas du tribunal de commerce de Paris au début du XXIe siècle. In P. Fridenson, F. Monnier, & A. Rigaudière (éds.), Concurrence et marchés (1‑). Institut de la gestion publique et du développement économique. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16951
    Lazega, Emmanuel, et Lise Mounier. « Le régime consulaire de contrôle social des marchés et ses soutiens institutionnels : le cas du tribunal de commerce de Paris au début du XXIe siècle ». In Concurrence et marchés, édité par Patrick Fridenson, François Monnier, et Albert Rigaudière. Vincennes: Institut de la gestion publique et du développement économique, 2023. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16951.
    Lazega, Emmanuel, et Lise Mounier. « Le régime consulaire de contrôle social des marchés et ses soutiens institutionnels : le cas du tribunal de commerce de Paris au début du XXIe siècle ». Concurrence et marchés, édité par Patrick Fridenson et al., Institut de la gestion publique et du développement économique, 2023, https://doi.org/10.4000/books.igpde.16951.

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    Fridenson, P., Monnier, F., & Rigaudière, A. (éds.). (2023). Concurrence et marchés (1‑). Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840
    Fridenson, Patrick, François Monnier, et Albert Rigaudière, éd. Concurrence et marchés. Vincennes: Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2023. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840.
    Fridenson, Patrick, et al., éditeurs. Concurrence et marchés. Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2023, https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840.
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