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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Introduction I. La police du commerce II. Les débats entre économistes et le rétablissement du ministère du Commerce III. Le développement des interventions IV. La régulation Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Concurrence et marchés

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    Table des matières

    Le ministère du Commerce et de l’Industrie de 1870 à 1914 : innover pour mieux réguler

    Jean-Philippe Dumas

    p. 219-235

    Texte intégral Introduction I. La police du commerce II. Les débats entre économistes et le rétablissement du ministère du Commerce III. Le développement des interventions IV. La régulation Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    Introduction

    1Le ministère du Commerce sous la IIIe République est une institution méconnue. Son importance limitée, le petit nombre de fonctionnaires qui travaillent dans son administration centrale, son faible poids budgétaire expliquent le peu de considération que lui ont accordée les historiens. Pourtant sa place dans l’économie mérite d’être examinée, ne serait-ce que parce qu’elle a beaucoup préoccupé les contemporains, qui discutaient au cours de débats passionnés des conséquences de l’intervention de l’État dans les mécanismes économiques. S’il peut paraître fastidieux de présenter en détail l’histoire du ministère du Commerce, il n’est pas inutile d’essayer d’estimer son influence sur l’économie : par ses contacts directs avec les milieux politiques, mais aussi par ses responsabilités dans la définition et l’application de la réglementation, il dispose en effet d’un pouvoir non négligeable sur les institutions économiques1. Alors que, à la fin du xixe siècle, les fonctionnaires sont pénétrés de la conviction qu’ils entrent dans une époque nouvelle, marquée par un développement sans précédent des échanges internationaux, qualifié aujourd’hui de « première mondialisation », ils cherchent à trouver des réponses aux problèmes inédits auxquels sont confrontés les commerçants et les industriels. Dans un contexte de concurrence exacerbée entre nations, ils s’efforcent de définir de nouvelles modalités d’intervention sur les marchés, afin de venir efficacement en aide aux producteurs. Plutôt que dans les archives mêmes du ministère du Commerce, plus riches sur la pratique quotidienne des fonctionnaires que sur leurs réflexions, c’est dans les débats des sociétés savantes, dans les rapports de la Chambre des députés et des corps consulaires ainsi que dans les écrits théoriques ou didactiques qu’il est possible de trouver l’origine des initiatives prises alors par l’administration. S’il est difficile aux fonctionnaires de se renseigner, de connaître et par conséquent d’agir, l’intérêt constant des hommes politiques, dont beaucoup sont issus du commerce, mais aussi la demande des industriels, soucieux de lutter à armes égales avec l’étranger, les poussent à l’action, les conduisant à forger, autour du ministère du Commerce, des principes et une doctrine qui auront une influence profonde sur la mobilisation économique de la Première Guerre mondiale et sur le dirigisme économique.

    I. La police du commerce

    2Le ministère du Commerce a une compétence de police des échanges, qui recouvre des réalités extrêmement différentes dans leur principe et dans leur application. Depuis l’Ancien Régime, l’administration chargée du Commerce a une fonction d’instrumentation, à la manière d’un notaire. Elle rédige des décisions suivant les formes convenues, leur donnant un caractère officiel. C’est le cas en particulier, à l’époque moderne, pour les offices et charges conférés par le roi et, après la Révolution, pour quelques métiers auxquels le Code de commerce donne un statut particulier, comme les intermédiaires de commerce. Au début de la IIIe République, les professions qui dépendent de l’administration chargée du Commerce sont toutefois extrêmement limitées, en raison du petit nombre de celles qui sont encadrées par le Code, mais aussi des mesures de libéralisation décidées à la fin du Second Empire, notamment à l’égard du courtage en marchandise, par la loi du 18 juillet 18662. L’administration du Commerce ne procède à la désignation que de deux catégories professionnelles mineures : les agents de change situés auprès des bourses de commerce de province, à qui elle confère un privilège, protégé par la loi pénale, dans le ressort de la ville dans laquelle ils sont nommés3, et les courtiers d’assurances et courtiers maritimes. Les courtiers d’assurances, à la différence des agents de change placés auprès des bourses de commerce, sont surtout présents à Paris, où il existe une compagnie des courtiers d’assurances près la Bourse de Paris, qui rend compte régulièrement de ses activités au ministre du Commerce4.

    3Il est paradoxal de constater que l’administration chargée du Commerce n’intervient par le biais de ces professions que dans un domaine restreint et qu’elle ignore des métiers dont le rôle économique est on ne peut plus fondamental, comme les commissionnaires, qui concentrent entre leurs mains un nombre de plus en plus considérable de transactions à la fin du Second Empire, notamment dans la sidérurgie5. De fait, les restrictions apportées à l’action de l’État tiennent d’abord à la difficulté de la matière commerciale. Les opérations de commerce sont souvent obscures aux juristes eux-mêmes, non seulement aux magistrats des tribunaux de commerce, non professionnels, mais aussi à la doctrine, qui peine à définir des principes autour desquels organiser le droit commercial6. Dans ces conditions, l’État répugne à engager directement sa responsabilité, préférant distinguer nettement ses compétences propres de celles des autres institutions publiques chargées du commerce, chambres de commerce et tribunaux de commerce, qui émanent des commerçants et interviennent directement dans la création des bourses de commerce et l’organisation des marchés.

    4De ce point de vue, il n’est pas inutile de préciser les principes qui président à l’action du ministère du Commerce, car la comparaison avec une période plus récente peut être source de malentendus. Le ministère n’organise en aucune manière un contrôle des courtiers ou des agents de change qui lui sont rattachés. S’il paraît nécessaire de garantir leur honnêteté, en raison de leur rôle d’intermédiaire, le ministère du Commerce s’assure seulement que les futurs titulaires de ces offices sont reconnus et acceptés par leurs pairs, qui, en quelque sorte, se portent garants de leur activité future au moment de leur nomination. Il ne réalise pas d’enquête et ne cherche pas à porter lui-même une appréciation sur leur conduite et leur activité. C’est ainsi que les conditions d’admission à la profession de courtier d’assurances sont fixées non par l’Administration mais par les tribunaux de commerce7. Le ministère du Commerce se tient informé de la situation locale par les préfets, auxquels une circulaire du 18 novembre 1871 demande de produire chaque année un rapport sur la situation du courtage dans leur département8. Mais l’action des préfets se limite en général à l’envoi, en début d’année, d’un rapport sur l’« état moral » du courtage9. Il s’agit souvent d’un simple état nominatif des courtiers en activité, agrémenté parfois d’indications relatives aux affaires les concernant. Les informations transmises ne visent en aucune manière à prévenir d’éventuelles irrégularités de gestion. Le fonctionnement pratique des marchés est lui aussi déterminé directement par les commerçants eux-mêmes10. Ils s’entendent sur des usages qui permettent de définir les conditions exactes de fixation des cours. C’est ainsi que, pour le café, les usages de la place du Havre, approuvés le 26 août 1853 par la chambre de commerce, déterminent avec une infinité de détails les tares, réfactions, modalités de pesage et d’emballage (par fût, balle, demi-balle, à simple ou double natte, ballotin, etc.) et les conditions de livraison (dons et termes accordés) pour toutes les espèces11.

    5Le ministère du Commerce n’est pas seul à agir ainsi, car la logique qu’il applique s’étend à toutes les autorités publiques. C’est une position de principe qui vise à interdire aux fonctionnaires des administrations centrales toute initiative pouvant être entachée de favoritisme. Cette action, si archaïque soit-elle, est d’ailleurs louée par les économistes libéraux, qui y voient une source d’économie pour l’État.

    II. Les débats entre économistes et le rétablissement du ministère du Commerce

    6Sans être remis en cause ni pour sa cohérence ni pour son efficacité, le système qui vient d’être décrit fait l’objet de profondes discussions au début de la IIIe République. Les remous entraînés par la défaite de 1870, dans laquelle certains voient une faillite de l’État mais aussi une conséquence de son laxisme, les difficultés que ressentent dès les années 1870 certains secteurs industriels sous la poussée de la concurrence internationale, mais aussi la comparaison avec d’autres pays, notamment l’Allemagne, incitent à critiquer l’abstention du ministère du Commerce. L’inefficacité et le coût de son action dans le secteur sanitaire, dont il est responsable jusqu’au rattachement de celui-ci à l’Intérieur en 1889, sont constamment soulignés12. Dans le domaine industriel, tous les partis politiques sont d’accord pour renforcer la police du travail des enfants, dont les défauts sont accusés d’être une des causes de la défaite dans la guerre franco-prussienne de 187013.

    7Il est difficile de résumer toutes ces critiques et même parfois d’en définir le fil directeur. Elles trouvent toutefois un porte-parole éloquent en la personne de Paul Cauwès, jeune chartiste, sorti premier de sa promotion en 1868, après une thèse d’histoire du droit, qui s’est tourné précocement vers l’économie politique. Cauwès assure en 1873, alors qu’il est âgé de seulement trente ans, le cours d’économie politique à la Sorbonne, à la place d’Anselme Batbie, appelé à une brillante carrière politique. Il est l’auteur d’un Précis du cours d’économie politique, publié en 1878 puis réédité en 1881, ouvrage monumental dont la version finale de 1893 comprend quatre volumes. Dans celui-ci, il se montre favorable à l’intervention de l’État, détaillant ce qu’il qualifie tantôt d’attributions facultatives, tantôt d’action supplétive, auxiliaire, ou encore d’encouragement ou d’impulsion. Il demande à l’État de stimuler, « d’encourager les bonnes méthodes », « d’éclairer la production sur les faits qu’elle a intérêt à connaître », de lui « prêter un secours nécessaire », ou encore de « coordonner les efforts » par « une organisation destinée à rapprocher les intérêts similaires14 ».

    8Ce n’est pas le lieu ici de faire une analyse approfondie de l’œuvre de Cauwès15. Toutefois, il est intéressant de noter que celui-ci, tout en connaissant des exemples d’interventionnisme à l’étranger, notamment en Allemagne16, ne cherche pas à les copier. Il s’oppose à l’intervention directe de l’État en faveur des industriels et des commerçants, tout comme au principe des nationalisations, adopté par les socialistes17. En effet, si sa doctrine se démarque de celle des économistes libéraux, elle est profondément ancrée dans les principes qui régissent les relations entre l’État et le marché au xixe siècle et en particulier dans celui de liberté du commerce et de l’industrie, qui, depuis la Révolution, interdit à l’État toute intervention dans la production et l’organisation des métiers. Sa doctrine n’est d’ailleurs véritablement neuve ni dans ses principes, ni dans ses conséquences, puisque, déjà, sous la monarchie de Juillet18, le ministère du Commerce avait trouvé le moyen d’augmenter considérablement sa capacité d’intervention en invoquant des raisons objectives fondées sur des critères scientifiques, avant le vaste mouvement de libéralisation de la fin du Second Empire19.

    9L’œuvre de Cauwès eut immédiatement un retentissement considérable dans le monde politique et les affaires20. Émile Levasseur21 puis Léon Say, le petit-fils de Jean-Baptiste Say, un des plus illustres défenseurs de l’individualisme, s’efforcèrent de la relativiser22. Mais l’hostilité que suscita Cauwès tient plus à des considérations politiques qu’à des controverses économiques. Les économistes libéraux lui reprochèrent moins le contenu même de son cours que l’exploitation que pouvaient en faire leurs adversaires politiques, que ceux-ci déplorent l’impuissance de l’État et son incapacité à répondre directement aux difficultés des commerçants et des industriels ou qu’ils demandent, comme Jules Méline, une révision des traités de commerce du Second Empire afin de mieux prendre en compte les difficultés des agriculteurs et des fabricants. De ce point de vue, les propos de Cauwès paraissent toucher tout particulièrement la politique budgétaire de Léon Say, ministre des Finances à plusieurs reprises à la fin des années 1870, accusé de faveurs à l’égard du grand capitalisme financier, notamment des compagnies de chemins de fer, et d’injustice à l’égard des commerçants et des industriels23.

    10Dans la première version de son Précis, Cauwès ne se contente pas de réclamer l’intervention de l’État. Il indique aussi des pistes susceptibles d’améliorer l’action publique, parmi lesquelles l’augmentation du nombre de départements ministériels, condition d’une plus grande efficacité de l’État24. Cette proposition semble avoir directement inspiré Léon Gambetta, qui, tout juste nommé président du Conseil, décide le 14 novembre 1881 de créer plusieurs nouveaux ministères : les ministères de l’Agriculture et celui du Commerce, auparavant rassemblés en un même portefeuille, le ministère des Arts, ainsi que le sous-secrétariat d’État aux Colonies, détaché de la Marine pour être placé auprès du Commerce.

    11Il peut être intéressant de détailler les raisons de cette réorganisation, d’autant que le maintien, à la chute du cabinet Gambetta, d’un ministère du Commerce et d’un ministère de l’Agriculture indépendants ainsi que le développement futur de l’administration des Colonies, élevée au rang de ministère par la loi du 20 mars 1894, montrent la volonté de ses successeurs de poursuivre son projet. À la suite de Joseph Reinach25, l’historiographie a peu insisté sur le ­rétablissement du Commerce en ministère de plein exercice. Il s’agit pourtant, aux yeux de Gambetta, d’un élément essentiel au relèvement de la France à l’extérieur, mais aussi à l’intégration dans la République des commerçants, qui doivent être associés de plus près à l’action de l’État. Le développement du commerce extérieur et des échanges est pour lui une priorité, qui l’a amené à soutenir sans état d’âme l’intervention en Tunisie et l’établissement du protectorat, dans le but d’ouvrir de vastes débouchés à Marseille, qui tire sa prospérité de l’essor du commerce en Méditerranée. Le choix pour les portefeuilles du Commerce et des Colonies de deux jeunes députés, Maurice Rouvier et Félix Faure, représentants des deux plus grands ports français, Marseille et Le Havre, peut passer pour l’incarnation de son programme politique, fondé sur l’avènement des « couches nouvelles » de la République26.

    III. Le développement des interventions

    12Si l’on comprend bien comment le ministère du Commerce s’inscrit dans la pensée de Gambetta et la place symbolique que celui-ci lui accorde dans les institutions républicaines, il est plus difficile de définir en quoi son rétablissement l’investit de missions nouvelles, d’autant que, étant donné la brièveté du passage de Gambetta aux affaires, ce dernier n’a créé aucune institution dans le domaine commercial27. Aussi, pour étudier l’action du ministère du Commerce, est-il nécessaire de s’attacher au développement de ses compétences à partir des années 1880.

    13Le ministère s’intéresse particulièrement au commerce intérieur. Les expositions universelles qu’il organise en 1889 et 1900, bien qu’elles ne soient pas destinées à proprement parler aux échanges marchands28, permettent de faire connaître les nouveaux produits, mais aussi de réaliser un travail de « classification scientifique », de nomenclature29, complémentaire de celui que réalisent au jour le jour ses différents comités, notamment la commission permanente des valeurs de douane, le Comité consultatif des arts et manufactures et le comité d’expertises légales30. Le ministère a un double rôle : technique, lorsqu’il encourage la promotion de normes internationales destinées à faciliter l’échange des produits31 ; politique, lorsqu’il récompense le mérite et crée, selon les théories d’Auguste Comte, une hiérarchie fondée sur l’émulation, donnant au positivisme économique prôné par Cauwès sa pleine force d’expression. Il rend des avis, conseille le cas échéant les fabricants sur les procédés qu’ils utilisent32, mais il refuse catégoriquement d’entrer plus avant dans la conclusion des transactions, rejetant notamment les demandes de ceux qui souhaitent qu’il participe suivant l’exemple de l’Ancien Régime au contrôle de la qualité33. L’État a un rôle circonscrit, limitativement défini. Il légitime les produits. Par des opérations d’identification et de classification, il contribue à faciliter les échanges. Il développe aussi, non sans pédagogie, le goût et la pratique du commerce et de la consommation, dans une population qui consomme peu, dont l’activité n’est qu’imparfaitement intégrée dans les circuits du commerce et qui pratique encore largement les échanges non marchands34. Mais il reste fermement attaché au principe de liberté du commerce et de l’industrie.

    14Le ministère du Commerce s’efforce aussi de développer la profession de commerçant en mettant en œuvre, par exemple, des mesures en faveur des commerçants défaillants ou de la valorisation des fonds de commerce35, ainsi qu’en encourageant l’enseignement commercial, qui confère un statut plus prestigieux aux commerçants36. Mais l’aspect le plus ignoré de son action est sans doute la politique résolue qu’il mène en faveur des associations de producteurs, telles qu’elles ont été autorisées par la loi de 1884 sur les syndicats professionnels. Alors que, au début des années 1890, les chambres de commerce s’opposent à ces nouvelles institutions, qui menacent leur pouvoir de représentation, le ministère leur donne une reconnaissance officielle et défend leur originalité. Bien plus, tandis qu’elles connaissent auprès des industriels un succès extraordinaire à la fin du xixe siècle, il les associe étroitement à sa réflexion sur l’économie. Les débats qui se déroulent dans les cercles qui lui sont proches, notamment à la Société d’économie politique nationale, fondée en 1897 par Paul Cauwès pour concurrencer la Société d’économie politique de Léon Say37, témoignent de l’intérêt qu’il accorde à l’association des producteurs. Alors que, à la fin du xixe siècle, la doctrine exprime une opinion généralement favorable, quoique mesurée, à l’égard des ententes38, les industriels se prononcent au début du xxe siècle pour une action plus nette en leur faveur, dont témoigne en 1903 l’opuscule de Paul de Rousiers sur Les ententes industrielles, qui appelle l’attention des pouvoirs publics sur l’intérêt des trusts et des cartels. La chambre de commerce de Paris note que, pour des raisons de « sécurité industrielle », « il faut en France opposer aux puissants groupements industriels qui se forment à l’étranger des groupements analogues capables de contrebalancer leur action39 ». Cauwès défend lui-même la création de structures fortes, capables de rivaliser avec l’étranger. Les associations, soit qu’elles fonctionnent comme des consortiums, qui achètent des matières premières à moindre coût, soit qu’elles constituent des comptoirs de vente, qui proposent aux acheteurs une gamme de produits variés issus de différents producteurs, offrent de nombreux avantages. Elles constituent un cadre plus souple que la société anonyme et peuvent, comme il l’exprime en 1903 devant la Société d’économie politique nationale, corriger quelques-unes des faiblesses du capitalisme français : elles permettent aux producteurs de moderniser leurs méthodes de vente tout en gardant leur indépendance financière. Cette souplesse leur confère, même si elles n’ont pas le caractère de société commerciale, un véritable intérêt industriel. C’est ce que souligne Jules Domergue, secrétaire général de la Société d’économie politique nationale et directeur de La Réforme économique, qui note l’intérêt des ententes qui ont « pour objet d’harmoniser les éléments purement industriels » par « l’économie des intermédiaires inutiles » et la simplification « des rouages dans chacun des établissements associés40 ». Cauwès imagine que les industriels appartenant à des professions a priori rivales, comme les filateurs et les tisseurs, pourraient user des associations pour unir leurs intérêts plutôt que se combattre inutilement41.

    15L’intérêt des associations de producteurs est défendu par l’administration, qui contribue à encourager leur développement en faisant connaître les conséquences bénéfiques de leur action. Le 6 juin 1907, l’ambassadeur de France en Autriche, rendant compte du congrès de la Fédération internationale du coton qui vient de se tenir à Vienne en présence de cinquante-deux délégués français, insiste sur l’importance du développement de « l’idée syndicale » pour réguler les marchés. Prenant l’exemple du comité d’arbitrage constitué par des filateurs et des tisseurs, il souligne l’utilité des syndicats pour « solutionner toutes les difficultés qui peuvent surgir entre les industriels42 ». Dans les départements, le préfet du Gers note l’intérêt des séries de prix établies par les syndicats professionnels, de même que leur rôle de conciliation amiable entre producteurs43. S’il est prématuré de parler dès cette époque d’une collaboration officielle, comme ce sera le cas pendant la Première Guerre mondiale44, force est de constater que l’administration apporte aux syndicats un soutien sans ambiguïté ; celui-ci est motivé par le fait que la création sous forme d’association de comptoirs, qui accompagne une modernisation des méthodes de vente à l’étranger, présente l’avantage de contourner à la fois une difficulté juridique du droit des sociétés et les réticences traditionnelles des industriels français à la collaboration.

    16Le soutien apporté par le ministère du Commerce aux producteurs n’a d’intérêt que s’il leur donne les capacités d’aller à la conquête des marchés extérieurs. Une meilleure circulation de l’information commerciale doit permettre aux industriels comme aux commerçants de connaître les règles en vigueur à l’étranger, que ce soit les droits de douane, les facilités d’entreposage ou encore les particularités du goût. À l’instigation de Charles Hérisson, ministre de 1883 à 1885, un Bureau des renseignements commerciaux est créé au ministère du Commerce. Les consuls sont priés de venir en aide aux commerçants45. Des missions commerciales sont organisées, comme celle du consul Charles Wiener en Amérique latine, pour développer les échanges avec les pays les plus dynamiques. La publication de renseignements, la participation aux expositions à l’étranger ou encore la création de bourses de voyage doivent permettre à chacun d’accéder aux informations, tandis que la marine marchande, qui bénéficie de soutiens extrêmement importants, doit offrir à tous, commerçants comme industriels, un moyen d’exporter facilement leurs produits46.

    17Mais, alors que, à la fin du xixe siècle, l’Allemagne a ravi à la France sa place de deuxième exportateur mondial, le ministère estime nécessaire d’aller plus loin en créant, en 1898, avec le concours de la chambre de commerce de Paris, un Office national du commerce extérieur (Once), aboutissement de toutes les initiatives prises en ce domaine depuis le début des années 188047. Après s’être consacré dans un premier temps aux commerçants individuels, leur fournissant l’information sans toutefois entrer dans la conclusion des transactions commerciales, l’Office multiplie les relations avec les groupements professionnels48. Parallèlement, le ministère du Commerce développe un système d’accréditation, les conseillers du commerce extérieur, et encourage la création d’attachés commerciaux auprès du ministère des Affaires étrangères, finalement réalisée en 1908.

    IV. La régulation

    18Les économistes libéraux ne contestent pas la pertinence de ces mesures, qui leur paraissent propices à l’épanouissement des marchés. Ils s’entendent pour convenir que la France connaît un développement industriel équilibré, marqué par la présence de nombreuses petites unités, dynamiques et qui s’adaptent facilement49. Pour Clément Colson, inspecteur général des Ponts et Chaussées et conseiller d’État, les structures du commerce sont saines et il n’y a pas de distorsion importante de concurrence. Les actions entreprises par le ministère du Commerce, dans la mesure où elles concourent à l’unification du marché intérieur, participent au renforcement de la concurrence, et, tel que le constate la statistique, à la baisse des prix de revient, dans l’intérêt des industriels comme des consommateurs. La situation est très différente des États-Unis, où des trusts, immenses sociétés par actions, réussissent à acquérir en peu de temps une position dominante sur certains marchés, mais aussi de l’Allemagne, où la cartellisation, très avancée, entraîne des distorsions importantes sur les prix. En France, l’appui donné aux ententes ne débouche pas sur des situations de monopole : comme le proclament les industriels, l’entente « n’est pas inspirée par une pensée de spéculation mais par le désir de garantir la stabilité, la vitalité d’une industrie50 » et « le consommateur bénéficiera à long terme des progrès d’une industrie qui aura maintenu ses profits pendant les périodes de mévente51 ».

    19L’essor des échanges appelle évidemment un certain nombre de corrections. Les commerçants, dont le nombre ne fait que croître, demandent un développement de la police pour se protéger contre les excès du marché, notamment contre les fraudes sur les denrées alimentaires, dommageables pour leur réputation52. Il faut aussi réglementer des formes nouvelles de distribution qui sont considérées comme déloyales et traiter le cas des commerçants qui ne paient pas patente53. La doctrine essaie de définir des limites objectives au problème très ancien de la concurrence entre marchands locaux et forains, en distinguant des pratiques commerciales licites ou prohibées. La concentration de la distribution est à l’origine d’inquiétudes, souvent exagérées. Le ministère du Commerce est sommé de définir les formes de concentration qui sont licites. Il introduit des distinctions subtiles54, destinées à accommoder son intérêt pour l’association avec ses préoccupations sociales, souci nouveau, depuis 1886 et surtout 1892. Les grands magasins semblent un modèle, par les prix offerts aux consommateurs, mais aussi par la politique sociale. Si le ministère du Commerce reste prudent à leur égard, il montre en exemple les coopératives, moyen habile pour les producteurs ou les consommateurs de s’approprier les bénéfices.

    20Mais le ministère du Commerce a plus de difficulté à exercer son rôle quand les marchés s’organisent au niveau international. Dès le début du xxe siècle, les États européens doivent intervenir conjointement pour mieux contrôler le grand commerce, mais aussi les pratiques industrielles, qui, pour certains marchés, comme celui du sucre, protégé par des barrières douanières et encouragé par des primes, peuvent donner lieu à des excès condamnables. Le cas du sucre montre comment les industriels peuvent détourner à leur profit les mesures douanières destinées à les protéger par le jeu du dumping. En réponse, le droit international doit permettre, dans une économie où les échanges internationaux ne cessent de croître, de faire triompher l’intérêt général sur la spéculation. La conférence sur le sucre qui se tient à Bruxelles en mars 1902 est un premier pas dans cette voie55. S’inscrivant dans les perspectives ouvertes par la conclusion des premières conventions internationales dans le domaine du droit du travail ou de la propriété industrielle, elle permet aux fonctionnaires d’espérer une moralisation des pratiques commerciales, bien que la complexité des accords imaginés par les industriels tende à rendre ce projet passablement illusoire56.

    21Mais ce n’est pas la piste principale sur laquelle travaille le ministère du Commerce. Après 1900, un certain nombre de fonctionnaires pensent que les connaissances accumulées sur les prix peuvent être, au niveau national, à la base d’une action positive sur les marchés. Les travaux des économistes, qui présentent un jeu relativement complet de courbes de prix en fonction des différentes situations de l’offre et de la demande57, permettent d’espérer que l’État puisse agir, en fondant son action sur des critères incontestables, régulant les bénéfices dans l’intérêt commun du producteur et du consommateur. Sous l’influence de personnalités politiques comme Millerand, premier socialiste à recevoir le portefeuille du Commerce de 1899 à 1902, le ministère, comme il le fait déjà sur un autre marché, celui du travail, commence à se préoccuper des prix. Alors que, après 1900, les fonctionnaires cherchent à faire reconnaître leur capacité d’expertise et la part qu’ils prennent dans les décisions publiques, la maîtrise de l’économie mathématique peut leur donner une base incontestable sur laquelle fonder leur action. C’est l’espoir qui anime quelques radicaux et de jeunes socialistes – comme François Simiand, bibliothécaire du ministère du Commerce58 – qui, soit qu’ils théorisent la disparition de l’État ou que, au contraire, ils pensent que celui-ci n’intervient pas assez, veulent tourner la page de l’État républicain, tel qu’il a été imaginé au début de la IIIe République59.

    22Le concours des chambres de commerce et des associations syndicales permet de collecter des données qui, exploitées de façon statistique, servent à fixer tant des prix de référence que leur évolution. Si les producteurs s’entendent sur les prix de vente, la régulation des prix paraît le meilleur moyen de concilier l’intérêt des producteurs et des consommateurs60. À partir de 1910, grâce notamment à Fernand Chapsal, conseiller d’État et directeur du Commerce et de l’Industrie au ministère du Commerce, le nombre de travaux sur ce sujet se multiplie61. Ces réflexions sont poursuivies pendant la Première Guerre mondiale62. Un projet de réorganisation du ministère du Commerce en 1917 comporte « la création d’une direction de la production », et d’un office des prix « parce que le ministère du Commerce et de l’Industrie a l’obligation de surveiller les transactions commerciales et d’en assurer la loyauté. Il ne suffit pas, à cet égard, d’exiger que les marchandises livrées soient conformes aux poids, quantités et qualités, à ce qui peut être exigé par l’acheteur : le ministère du Commerce doit également exercer une surveillance sur les prix, de manière à éviter que l’acheteur ne soit victime des agissements de certains producteurs, vendeurs ou intermédiaires et ne paie un prix illégitimement surélevé les choses qui lui sont nécessaires. » Par ailleurs, pour lutter contre le dumping, « il est nécessaire que l’on puisse établir un cours national et un cours mondial des principales marchandises63 ».

    Conclusion

    23À partir de 1880, les milieux dirigeants, hommes politiques et fonctionnaires, s’appuient sur la réflexion présentée par Paul Cauwès dans son Précis du cours d’économie politique pour réévaluer les principes sur lesquels fonder l’action du ministère du Commerce. Alors que celui-ci répugnait, au début de la IIIe République, à exercer ses compétences de police, pour ne pas engager inconsidérément la responsabilité de l’État, il trouve progressivement des moyens qui lui permettent de s’insinuer de plus en plus, dès avant 1914, dans le fonctionnement des marchés. Il ne s’agit pas de diriger ceux-ci mais de faciliter leur épanouissement en développant la concurrence et de faire baisser les prix en raison de l’accroissement du paupérisme et de l’essor de la population ouvrière.

    24Alors que les économistes libéraux du xixe siècle et, à leur suite, l’historiographie ont généralement considéré comme négligeable l’intervention de l’État avant 191464, l’examen des relations entre l’État et les producteurs ou les industriels montre, au contraire, que celle-ci ne cesse de croître. Le développement des interventions, dans tous les domaines, par la modification des structures administratives et le perfectionnement du droit commercial, doit faciliter l’épanouissement du marché. Il s’agit de trouver un équilibre entre une ouverture raisonnable du marché français à l’extérieur et un renforcement des entreprises nationales, dans la mesure où fonctionnaires comme industriels ont conscience que seules des entreprises d’une certaine importance peuvent remplir les objectifs poursuivis par le régime, alliant prix de vente raisonnables, action sociale et compétitivité internationale. L’action du ministère du Commerce s’appuie sur une collaboration étroite avec les chambres de commerce et les groupements économiques. Elle gagnerait en efficacité si elle était soutenue par la création d’organes administratifs, capables de réagir plus promptement aux demandes des producteurs et de connaître les marchés locaux, qui pourraient être en rapport avec les groupements professionnels.

    25Si, avant 1914, la doctrine du ministère du Commerce est encore libérale, il ne faut pas négliger l’importance des réflexions qu’il conduit sur les prix, dans la mesure où elles seront à l’origine de la politique qui sera mise en œuvre en France après la crise des années 1930.

    Notes de bas de page

    1 Voir Jean-Philippe Dumas, « L’administration du commerce et de l’industrie : institutions publiques et transformation de l’État de 1870 à 1914 », thèse de doctorat en histoire sous la direction de François Monnier, EPHE, 2006 ; J.‑P. Dumas, L’État, moteur du progrès. Le ministère du Commerce et de l’Industrie, 1870-1914, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2016, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/4303.

    2 Il suffit à ceux qui veulent exercer cette profession de se faire inscrire sur une liste dressée par le tribunal de commerce.

    3 Léon Lefort et Auguste Vannacque, article « Agents de change », dans Maurice Block (dir.), Dictionnaire de l’administration française, Paris, Berger-Levrault, 1877, p. 46. Leur organisation fait l’objet du titre V du livre Ier du Code de commerce de 1807. Après avoir été supprimés par une loi du 17 mars 1791, les agents de change sont réorganisés par la loi du 28 ventôse an IX relative aux bourses de commerce. à la Restauration, par une loi du 28 avril 1816, les charges sont constituées en offices publics, dont les titulaires sont nommés par le pouvoir exécutif. Il y a en onze à Dunkerque, quatre à Reims, trois à Sète, Clermont-Ferrand et au Havre, deux à Agen, Orléans, Poitiers, Rouen, Troyes, Versailles, La Rochelle et Toulon, un seul auprès des bourses moins importantes.

    4 Sur cette population, voir Patrick Verley, « Les sociétés d’agents de change parisiens au xixe siècle », Études et documents, vol. I, 1989, p. 127‑147. Voir Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, Histoire de la Bourse, Paris, La Découverte, 2012 ; P. Lagneau-Ymonet, Amir Rezaee et A. Riva, « Aux sources de l’histoire sociale des professions boursières : les archives du personnel de la Compagnie des agents de change à Paris », Entreprises et Histoire, n° 74, avril 2014, p. 118‑121.

    5 Sur l’importance des commissionnaires à Paris, voir Bertrand Gille, « Fonctions économiques de Paris », dans Paris, fonctions d’une capitale, Paris, Hachette, 1966, p. 143.

    6 Voir par ex. Georges Ripert, Traité élémentaire de droit commercial, Paris, LGDJ, 1948, p. 870. L’auteur souligne la « confusion de rôle et de dénomination » dont témoigne le Code de commerce. Elle tient notamment à la difficulté à constituer et à organiser des métiers qui, dans leur variété, échappent à la conceptualisation.

    7 L. Lefort, article « Courtiers », dans M. Block (dir.), Dictionnaire…, op. cit., p. 715.

    8 Archives nationales (désormais AN), F12 6176, Agents de change et courtiers de commerce, 1907‑1910.

    9 Archives départementales (désormais AD) Bouches-du-Rhône, 8 M 81, Situation du courtage à Marseille, fin du xixe siècle.

    10 G. Ripert, Traité élémentaire…, op. cit., p. 846. Les lois des 13 juillet 1911 et 27 février 1912 réglementent le marché, sous le contrôle des chambres de commerce.

    11 Georges Dumont, article « Café », dans Yves Guyot et Arthur Raffalovich (dir.), Dictionnaire du commerce, de l’industrie et de la banque, Paris, Guillaumin et Cie (1re éd. 1901), t. II, p. 694. Il existe des marchés spécialisés à Lyon pour la soie, à Marseille pour le riz, le maïs et l’huile, à Reims pour les laines, à Roubaix pour les laines peignées, au Havre, pour le café, le coton et le cuivre.

    12 Le ministère du Commerce assure la police, suivant des usages souvent très anciens, des eaux minérales, dont l’administration était déjà organisée sous Louis XIV, des sources thermales et de la profession de pharmacien, organisée sur un mode corporatif. Pour les eaux minérales, il n’est absolument pas tenu compte des découvertes pastoriennes sur la contamination bactériologique.

    13 J.-P. Dumas, « Vous allez faire détester la République ! », dans Jean-Louis Robert (dir.), Inspecteurs et inspection du travail sous la IIIe et IVe République, Paris, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité-Documentation française, 1998, p. 34‑40.

    14 Paul Cauwès, Précis du cours d’économie politique professé à la faculté de droit de Paris, Paris, L. Larose et Forcel, 1881, t. I, p. 104.

    15 Didier Taverne, « La tradition éclectique dans la pensée économique française. Paul Cauwès, entre individualisme et socialisme », dans Pierre Dockès, Ludovic Frobert, Gérard Klotz, Jean-Pierre Potier et al. (dir.), Les traditions économiques françaises, 1848-1939, Paris, CNRS Éd., 2000.

    16 William O. Henderson, The Rise of German Industrial Power, 1834-1914, Berkeley, University of California Press, 1975. En Allemagne, l’administration intervient de façon parfois très importante dans l’industrie, prenant des participations au capital des grandes entreprises et investissant directement dans des secteurs jugés stratégiques.

    17 Voir Jean-Pierre Machelon, « L’idée de nationalisation en France de 1840 à 1914 », dans Michel Bruguière, Jean Clinquart, Micheline Guillaume-Hofnung, Jean-Pierre Machelon, Administration et contrôle de l’économie, 1800-1914, Genève, Droz, 1985, p. 1‑46.

    18 Durant la monarchie de Juillet, le portefeuille du Commerce est généralement associé aux Travaux publics ou à l’Agriculture. Il est notamment confié à Thiers du 31 décembre 1832 au 4 avril 1834.

    19 C’est notamment le cas pour la police des poids et mesures. Elle permet de garantir la validité des transactions en évitant toute erreur sur la nature de l’objet vendu, rendant caducs de nombreux procédés inventés par les métiers sous l’Ancien Régime pour compenser les défauts des instruments.

    20 Voir Alain Gélédan, « Paul Cauwès, un nationaliste pour l’État régulateur », dans Yves Breton et Michel Lutfalla (dir.), L’Économie politique en France au xixe siècle, Paris, Economica, 1991, p. 335‑351 ; Lucette Le Van-Lemesle, « Le marché dans les manuels d’économie politique (1859-1914) », dans François Bayard, Patrick Fridenson et Albert Rigaudière (dir.), Genèse des marchés, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2015, p. 221‑236, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/3889.

    21 Émile Levasseur, Résumé historique de l’enseignement de l’économie politique et de la statistique en France, Paris, Guillaumin et Cie, 1883, p. 33 (extrait du Journal des économistes, novembre 1882).

    22 William G. Sumner, article « Liberté des échanges », dans Léon Say et Joseph Chailley (dir.), Nouveau dictionnaire d’économie politique, Paris, Guillaumin, 1892, t. II, p. 164. Cet article qualifie, sans la citer, la pensée de Cauwès d’« économie politique romantique ». Il la considère comme vouée à « suivre les politiciens pour leur fournir des raisons philosophiques à l’appui de ce qu’ils entreprennent ». Si l’on en croit Charles Gide, l’enseignement de l’économie politique lui fut quelque temps interdit.

    23 Jean Garrigues, « Léon Say : un libéral sous la IIIe République (1871-1896) », Revue historique, vol. 286, n° 1, 1992, p. 119‑141 ; idem, « Léon Say : principes libéraux et gestion républicaine, 1871-1896 », Études et documents, vol. I, 1989, p. 149‑190.

    24 A. Gélédan, « Paul Cauwès… », art. cité, p. 345.

    25 Joseph Reinach, Le ministère Gambetta. Histoire et doctrine (14 novembre 1881-26 janvier 1882), Paris, Charpentier, 1884.

    26 Cauwès annonce en quelque sorte le rassemblement du Commerce et des Colonies dans le même portefeuille, quand il insiste sur l’importance de la loi de Wakefield, loi de solidarité entre les industries, qui incite à installer dans les colonies agricoles des « centres de fabrication et de commerce » (P. Cauwès, Précis…, op. cit., t. I, p. 87). De même, il plaide pour le ministère des Arts quand il note l’intérêt de l’enseignement technique et artistique pour la production, car « l’intelligence et le goût ont une influence souvent décisive sur le travail industriel » (idem, t. I, p. 116).

    27 À la différence de ce que feront ses successeurs, une décennie plus tard, dans le domaine du travail, avec l’Office du travail et le Conseil supérieur du travail : Jean Luciani (dir.), Histoire de l’Office du travail, 1890-1914, Paris, Syros, 1992 ; Isabelle Lespinet-Moret, L’Office du travail, 1891-1914. La République et la réforme sociale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.

    28 Après 1900, le ministère n’organise plus d’expositions universelles, mais multiplie les foires et les expositions, inspirées de l’Allemagne, dont les méthodes paraissent devoir être imitées : les foires marchandes allemandes, qui permettent aux exposants d’entrer directement en contact avec leurs clients, sont plus efficaces que les expositions universelles, destinées prioritairement au grand public.

    29 Sur les tentatives d’unification des nomenclatures douanières au début du xxe siècle, voir ministère du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des Télégraphes, des Transports maritimes et de la Marine marchande, direction des Études techniques, Rapport général sur l’industrie française, sa situation, son avenir, Paris, Imprimerie nationale, 1919, vol. III, p. 333.

    30 Jules Josat, Le ministère des Finances : son fonctionnement, suivi d’une étude sur l’organisation générale des autres ministères, Paris, Berger-Levrault, 1882.

    31 Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères [désormais MaéE], Affaires diverses commerciales, série A, carton 16, Lettre de la chambre de commerce de Lyon au ministère du Commerce, 11 septembre 1902. Les initiatives américaines pour promouvoir des normes dans le commerce de la soie se heurtent au refus des producteurs français.

    32 AN, F12 6934, Rapports et avis du comité consultatif des arts et manufactures, 1907-1913.

    33 AN, F12 4840. Le ministère du Commerce refuse d’entrer dans la logique des fabricants, qui se plaignent que la concurrence des marchandises à bon marché les oblige à baisser la qualité de produits et voudraient que l’État mette en place des procédures destinées à authentifier cette dernière. Une commission réunie en 1879 à la demande du ministre refuse l’établissement d’un conditionnement officiel des tissus de soie. Voir Marius Moyret, De la Charge des soies considérée aux points de vue économique, de la durée des soies teintes, de la loyauté dans les transactions, des dangers qu’elle peut offrir pour la sécurité et l’hygiène publiques, de son influence sur l’abandon de la soie par le consommateur et sur la ruine des départements séricicoles du Midi de la France. Des moyens de la combattre, Privas, Union des filateurs et des mouliniers français, 1879, p. 6.

    34 Jean-Pierre Daviet, La société industrielle en France, 1814-1914. Productions, échanges, représentations, Paris, Seuil, 1997.

    35 Jean Hilaire, Le droit, les affaires et l’histoire, Paris, Economica, 1995, p. 140.

    36 Eugène Léautey, L’enseignement commercial et les écoles de commerce en France et dans le monde entier, Paris, Librairie comptable et administrative, 1886.

    37 La Société d’économie politique nationale est placée sous la présidence d’honneur de Jules Méline, le célèbre ministre de l’Agriculture à l’origine du tarif douanier de 1892. Celui-ci est alors président du Conseil.

    38 Voir par ex. Maurice Vignes, La science sociale d’après les principes de Le Play et ses continuateurs, Paris, V. Giard et E. Brière, 1897, t. II, p. 347‑355. Le développement des marchés s’inscrit bien dans la théorie de Le Play qui y voit une forme d’« évolution vers le grand atelier ». Pour Maurice Vignes, le grand magasin « exerce une influence régulatrice sur l’industrie, lui fournit des débouchés stables et sûrs. [Les grands magasins] sont utiles même à ceux qui n’achètent pas, car ils contribuent à modérer les prix de détail […] Les cartels, en équilibrant, d’une part, la production aux besoins du public et en prévenant les crises et l’avilissement des prix, en incitant, d’autre part, les entreprises liguées à réaliser des perfectionnements techniques et économiques par la latitude que laisse à l’intérêt individuel la différence entre les frais de fabrication et le prix du syndicat, favorisent la stabilité et les progrès de l’industrie. Par là même, sans doute, la permanence des engagements est assurée, les travailleurs se voient garantir une occupation durable et rémunératrice. La valeur d’échange des marchandises s’arrête à un taux uniforme et est soustraite aux fluctuations, les objets livrés sont de bonne qualité. »

    39 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, III 3 10 (1).

    40 « Compte rendu des travaux de l’année 1903 », Bulletin mensuel de la Société d’économie politique nationale, 1903, p. 5.

    41 Ibid., p. 28. En 1903, Paul Cauwès note, à propos des filateurs et des tisseurs : « J’imagine que des unions syndicales […] peuvent être de très utiles instruments pour rapprocher ces intérêts de frères ennemis qu’il faut réconcilier si on veut se défendre d’une matière utile sur le marché intérieur. »

    42 MaéE, Affaires diverses commerciales, série A, carton 14, Rapport de l’ambassadeur de France à Vienne sur le congrès de la Fédération internationale du coton, 6 juin 1907.

    43 AD Gers, 10 M 37, Lettre du préfet du Gers au ministre du Commerce, 20 mars 1895.

    44 John F. Godfrey, Capitalism at War. Industrial Policy and Bureaucracy in France (1914-1918), Leamington Spa, Berg, 1987. L’administration ne répugne plus alors à déléguer aux associations une partie de sa mission de service public.

    45 Bruno Ricard, « Des consuls aux attachés commerciaux. La crise économique de 1882 et le ministère des Affaires étrangères », Revue d’histoire diplomatique, vol. 106, n° 4, 1992, p. 343‑369.

    46 La Chambre des députés octroie des subventions généreuses à la marine marchande, secteur dont le maintien est vital à l’ensemble de l’industrie et du commerce français. C’est, selon les conceptions du temps, une mesure d’esprit libéral, application de la loi des débouchés, mise en évidence par Jean-Baptiste Say. Une première loi est adoptée le 30 janvier 1881, prévoyant des primes à la navigation pour les voyages de long cours. Elle distribue près de 16,7 millions de francs en moins de trois ans. Par la suite, des primes considérables sont accordées pour la construction des navires. Mais les primes à la navigation, qui sont très incitatives, encouragent les armateurs à acheter des navires étrangers désuets pour servir des lignes subventionnées, ce qui contribue au vieillissement général de la flotte.

    47 Philippe Lacombrade, « La chambre de commerce, Paris et le capitalisme français (1890-1914) », thèse de doctorat en histoire sous la direction de Francis Démier, université Paris-Nanterre, 2002, p. 61‑62 et 258‑259.

    48 Ministère du Commerce…, Rapport général…, op. cit., vol. III, p. 362‑363.

    49 Étienne Martin Saint-Léon, Le petit commerce français, sa lutte pour la vie, Paris, J. Gabalda, 1911, p. 21‑27.

    50 André François-Poncet, La vie et l’œuvre de Robert Pinot, Paris, Armand Colin, 1927, p. 336, cité par Philippe Mioche, « La vitalité des ententes sidérurgiques en France et en Europe de l’entre-deux-guerres à nos jours », dans Dominique Barjot (dir.), International Cartels Revisited. Vues nouvelles sur les cartels internationaux, 1880-1980, Caen, Éd. du Lys, 1994, p. 119.

    51 Ibid.

    52 Alessandro Stanziani, « Qualité des denrées alimentaires et fraude commerciale en France, 1871-1905 », dans Vincent Mangematin et Christian Thuderoz (dir.), Des mondes de confiance, une conception à l’épreuve de la réalité sociale, Paris, CNRS Éd., 2003, p. 155‑169.

    53 Chambre des députés (Georges Berry, rapporteur), Rapport fait au nom de la commission du budget chargée d’examiner le projet de loi portant budget général… (ministère du Commerce), annexe au procès-verbal de la séance du 13 juillet 1905, n° 2670, p. 2‑4 et 146‑153.

    54 Voir par ex. Nonna Mayer, La boutique contre la gauche, Paris, Presses de la FNSP, 1986, p. 46.

    55 Par suite d’interventions massives des différents pays européens, le marché du sucre, dans laquelle la France se distinguait, est marqué par une énorme surproduction en Europe. Les subventions directes accordées aux producteurs ne font qu’empirer la situation, obligeant les États à réagir pour calmer le marché.

    56 Voir par ex. J.-P. Daviet, « Saint-Gobain et les ententes internationales, 1862-1939 », dans D. Barjot (dir.), International Cartels…, op. cit., p. 108‑109. La convention internationale des glaceries constituée par Saint-Gobain régule ce marché au niveau européen.

    57 Voir par ex. Clément Colson, Cours d’économie politique professé à l’École nationale des ponts et chaussées, t. I, Théorie générale des phénomènes économiques, Paris, Gauthier-Villars-Félix Alcan, 1915, p. 198‑314.

    58 P. Besnard, « La formation de l’équipe de l’Année sociologique », Revue française de sociologie, vol. XX, n° 1, janvier-mars 1979, p. 7‑31. Jeune socialiste issu de l’École normale supérieure, disciple de Durkheim, François Simiand est recruté par Millerand sur le poste de bibliothécaire du ministère du Commerce, pour faire des suggestions originales en matière de statistique.

    59 Jean-Jacques Gislain et Philippe Steiner, La sociologie économique, 1890-1920, Paris, PUF, 1995, p. 91.

    60 Roger Fighiéra, Commerce et Postes, l’œuvre d’un ministre (mars-décembre 1913), Nevers, Impr. de « La Tribune », 1914, p. 89. Ces projets s’inscrivent eux-mêmes dans un plan plus vaste de création d’un « service très complet de statistique comprenant, notamment, une statistique de la production, une statistique des prix, une statistique de divers indices commerciaux permettant éventuellement de présager l’annonce des crises ».

    61 Ministère du Commerce et de l’Industrie, direction du Personnel, des Expositions et des Transports, Évaluation de la production d’après les renseignements fournis par les chambres de commerce (1910) et les statistiques administratives (1912), Deuxième partie, Résultats généraux, Paris, Imprimerie nationale, 1917, p. I.

    62 Ministère du Commerce…, Rapport général…, op. cit., vol. III, p. 71‑72.

    63 Clotilde Druelle-Korn, « Ministère du Commerce – Statistique générale de la France. Le rendez-vous manqué des statistiques économiques », Histoire & Mesure, vol. 22, n° 1, 2007, p. 45‑69.

    64 Richard F. Kuisel, Le capitalisme et l’État en France. Modernisation et dirigisme au xxe siècle, Paris, Gallimard, 1984.

    Auteur

    • Jean-Philippe Dumas

      Archiviste paléographe, docteur en histoire, Jean-Philippe Dumas est conservateur général du patrimoine au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères et chercheur associé à l’École pratique des hautes études (Histara, EA 7347). L’ouvrage tiré de sa thèse L’État, moteur du progrès. Le ministère du Commerce et de l’Industrie, 1870-1914, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2016, consultable en ligne https://books.openedition.org/igpde/4303 a reçu en 2017 le prix Claude-Berthault de l’Académie des sciences morales et politiques. Son dernier ouvrage est la biographie Alexandre Millerand. Un combattant à l’Élysée, Paris, CNRS Éd., 2022.

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    1 Voir Jean-Philippe Dumas, « L’administration du commerce et de l’industrie : institutions publiques et transformation de l’État de 1870 à 1914 », thèse de doctorat en histoire sous la direction de François Monnier, EPHE, 2006 ; J.‑P. Dumas, L’État, moteur du progrès. Le ministère du Commerce et de l’Industrie, 1870-1914, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2016, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/4303.

    2 Il suffit à ceux qui veulent exercer cette profession de se faire inscrire sur une liste dressée par le tribunal de commerce.

    3 Léon Lefort et Auguste Vannacque, article « Agents de change », dans Maurice Block (dir.), Dictionnaire de l’administration française, Paris, Berger-Levrault, 1877, p. 46. Leur organisation fait l’objet du titre V du livre Ier du Code de commerce de 1807. Après avoir été supprimés par une loi du 17 mars 1791, les agents de change sont réorganisés par la loi du 28 ventôse an IX relative aux bourses de commerce. à la Restauration, par une loi du 28 avril 1816, les charges sont constituées en offices publics, dont les titulaires sont nommés par le pouvoir exécutif. Il y a en onze à Dunkerque, quatre à Reims, trois à Sète, Clermont-Ferrand et au Havre, deux à Agen, Orléans, Poitiers, Rouen, Troyes, Versailles, La Rochelle et Toulon, un seul auprès des bourses moins importantes.

    4 Sur cette population, voir Patrick Verley, « Les sociétés d’agents de change parisiens au xixe siècle », Études et documents, vol. I, 1989, p. 127‑147. Voir Paul Lagneau-Ymonet et Angelo Riva, Histoire de la Bourse, Paris, La Découverte, 2012 ; P. Lagneau-Ymonet, Amir Rezaee et A. Riva, « Aux sources de l’histoire sociale des professions boursières : les archives du personnel de la Compagnie des agents de change à Paris », Entreprises et Histoire, n° 74, avril 2014, p. 118‑121.

    5 Sur l’importance des commissionnaires à Paris, voir Bertrand Gille, « Fonctions économiques de Paris », dans Paris, fonctions d’une capitale, Paris, Hachette, 1966, p. 143.

    6 Voir par ex. Georges Ripert, Traité élémentaire de droit commercial, Paris, LGDJ, 1948, p. 870. L’auteur souligne la « confusion de rôle et de dénomination » dont témoigne le Code de commerce. Elle tient notamment à la difficulté à constituer et à organiser des métiers qui, dans leur variété, échappent à la conceptualisation.

    7 L. Lefort, article « Courtiers », dans M. Block (dir.), Dictionnaire…, op. cit., p. 715.

    8 Archives nationales (désormais AN), F12 6176, Agents de change et courtiers de commerce, 1907‑1910.

    9 Archives départementales (désormais AD) Bouches-du-Rhône, 8 M 81, Situation du courtage à Marseille, fin du xixe siècle.

    10 G. Ripert, Traité élémentaire…, op. cit., p. 846. Les lois des 13 juillet 1911 et 27 février 1912 réglementent le marché, sous le contrôle des chambres de commerce.

    11 Georges Dumont, article « Café », dans Yves Guyot et Arthur Raffalovich (dir.), Dictionnaire du commerce, de l’industrie et de la banque, Paris, Guillaumin et Cie (1re éd. 1901), t. II, p. 694. Il existe des marchés spécialisés à Lyon pour la soie, à Marseille pour le riz, le maïs et l’huile, à Reims pour les laines, à Roubaix pour les laines peignées, au Havre, pour le café, le coton et le cuivre.

    12 Le ministère du Commerce assure la police, suivant des usages souvent très anciens, des eaux minérales, dont l’administration était déjà organisée sous Louis XIV, des sources thermales et de la profession de pharmacien, organisée sur un mode corporatif. Pour les eaux minérales, il n’est absolument pas tenu compte des découvertes pastoriennes sur la contamination bactériologique.

    13 J.-P. Dumas, « Vous allez faire détester la République ! », dans Jean-Louis Robert (dir.), Inspecteurs et inspection du travail sous la IIIe et IVe République, Paris, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité-Documentation française, 1998, p. 34‑40.

    14 Paul Cauwès, Précis du cours d’économie politique professé à la faculté de droit de Paris, Paris, L. Larose et Forcel, 1881, t. I, p. 104.

    15 Didier Taverne, « La tradition éclectique dans la pensée économique française. Paul Cauwès, entre individualisme et socialisme », dans Pierre Dockès, Ludovic Frobert, Gérard Klotz, Jean-Pierre Potier et al. (dir.), Les traditions économiques françaises, 1848-1939, Paris, CNRS Éd., 2000.

    16 William O. Henderson, The Rise of German Industrial Power, 1834-1914, Berkeley, University of California Press, 1975. En Allemagne, l’administration intervient de façon parfois très importante dans l’industrie, prenant des participations au capital des grandes entreprises et investissant directement dans des secteurs jugés stratégiques.

    17 Voir Jean-Pierre Machelon, « L’idée de nationalisation en France de 1840 à 1914 », dans Michel Bruguière, Jean Clinquart, Micheline Guillaume-Hofnung, Jean-Pierre Machelon, Administration et contrôle de l’économie, 1800-1914, Genève, Droz, 1985, p. 1‑46.

    18 Durant la monarchie de Juillet, le portefeuille du Commerce est généralement associé aux Travaux publics ou à l’Agriculture. Il est notamment confié à Thiers du 31 décembre 1832 au 4 avril 1834.

    19 C’est notamment le cas pour la police des poids et mesures. Elle permet de garantir la validité des transactions en évitant toute erreur sur la nature de l’objet vendu, rendant caducs de nombreux procédés inventés par les métiers sous l’Ancien Régime pour compenser les défauts des instruments.

    20 Voir Alain Gélédan, « Paul Cauwès, un nationaliste pour l’État régulateur », dans Yves Breton et Michel Lutfalla (dir.), L’Économie politique en France au xixe siècle, Paris, Economica, 1991, p. 335‑351 ; Lucette Le Van-Lemesle, « Le marché dans les manuels d’économie politique (1859-1914) », dans François Bayard, Patrick Fridenson et Albert Rigaudière (dir.), Genèse des marchés, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2015, p. 221‑236, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/3889.

    21 Émile Levasseur, Résumé historique de l’enseignement de l’économie politique et de la statistique en France, Paris, Guillaumin et Cie, 1883, p. 33 (extrait du Journal des économistes, novembre 1882).

    22 William G. Sumner, article « Liberté des échanges », dans Léon Say et Joseph Chailley (dir.), Nouveau dictionnaire d’économie politique, Paris, Guillaumin, 1892, t. II, p. 164. Cet article qualifie, sans la citer, la pensée de Cauwès d’« économie politique romantique ». Il la considère comme vouée à « suivre les politiciens pour leur fournir des raisons philosophiques à l’appui de ce qu’ils entreprennent ». Si l’on en croit Charles Gide, l’enseignement de l’économie politique lui fut quelque temps interdit.

    23 Jean Garrigues, « Léon Say : un libéral sous la IIIe République (1871-1896) », Revue historique, vol. 286, n° 1, 1992, p. 119‑141 ; idem, « Léon Say : principes libéraux et gestion républicaine, 1871-1896 », Études et documents, vol. I, 1989, p. 149‑190.

    24 A. Gélédan, « Paul Cauwès… », art. cité, p. 345.

    25 Joseph Reinach, Le ministère Gambetta. Histoire et doctrine (14 novembre 1881-26 janvier 1882), Paris, Charpentier, 1884.

    26 Cauwès annonce en quelque sorte le rassemblement du Commerce et des Colonies dans le même portefeuille, quand il insiste sur l’importance de la loi de Wakefield, loi de solidarité entre les industries, qui incite à installer dans les colonies agricoles des « centres de fabrication et de commerce » (P. Cauwès, Précis…, op. cit., t. I, p. 87). De même, il plaide pour le ministère des Arts quand il note l’intérêt de l’enseignement technique et artistique pour la production, car « l’intelligence et le goût ont une influence souvent décisive sur le travail industriel » (idem, t. I, p. 116).

    27 À la différence de ce que feront ses successeurs, une décennie plus tard, dans le domaine du travail, avec l’Office du travail et le Conseil supérieur du travail : Jean Luciani (dir.), Histoire de l’Office du travail, 1890-1914, Paris, Syros, 1992 ; Isabelle Lespinet-Moret, L’Office du travail, 1891-1914. La République et la réforme sociale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007.

    28 Après 1900, le ministère n’organise plus d’expositions universelles, mais multiplie les foires et les expositions, inspirées de l’Allemagne, dont les méthodes paraissent devoir être imitées : les foires marchandes allemandes, qui permettent aux exposants d’entrer directement en contact avec leurs clients, sont plus efficaces que les expositions universelles, destinées prioritairement au grand public.

    29 Sur les tentatives d’unification des nomenclatures douanières au début du xxe siècle, voir ministère du Commerce, de l’Industrie, des Postes et des Télégraphes, des Transports maritimes et de la Marine marchande, direction des Études techniques, Rapport général sur l’industrie française, sa situation, son avenir, Paris, Imprimerie nationale, 1919, vol. III, p. 333.

    30 Jules Josat, Le ministère des Finances : son fonctionnement, suivi d’une étude sur l’organisation générale des autres ministères, Paris, Berger-Levrault, 1882.

    31 Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères [désormais MaéE], Affaires diverses commerciales, série A, carton 16, Lettre de la chambre de commerce de Lyon au ministère du Commerce, 11 septembre 1902. Les initiatives américaines pour promouvoir des normes dans le commerce de la soie se heurtent au refus des producteurs français.

    32 AN, F12 6934, Rapports et avis du comité consultatif des arts et manufactures, 1907-1913.

    33 AN, F12 4840. Le ministère du Commerce refuse d’entrer dans la logique des fabricants, qui se plaignent que la concurrence des marchandises à bon marché les oblige à baisser la qualité de produits et voudraient que l’État mette en place des procédures destinées à authentifier cette dernière. Une commission réunie en 1879 à la demande du ministre refuse l’établissement d’un conditionnement officiel des tissus de soie. Voir Marius Moyret, De la Charge des soies considérée aux points de vue économique, de la durée des soies teintes, de la loyauté dans les transactions, des dangers qu’elle peut offrir pour la sécurité et l’hygiène publiques, de son influence sur l’abandon de la soie par le consommateur et sur la ruine des départements séricicoles du Midi de la France. Des moyens de la combattre, Privas, Union des filateurs et des mouliniers français, 1879, p. 6.

    34 Jean-Pierre Daviet, La société industrielle en France, 1814-1914. Productions, échanges, représentations, Paris, Seuil, 1997.

    35 Jean Hilaire, Le droit, les affaires et l’histoire, Paris, Economica, 1995, p. 140.

    36 Eugène Léautey, L’enseignement commercial et les écoles de commerce en France et dans le monde entier, Paris, Librairie comptable et administrative, 1886.

    37 La Société d’économie politique nationale est placée sous la présidence d’honneur de Jules Méline, le célèbre ministre de l’Agriculture à l’origine du tarif douanier de 1892. Celui-ci est alors président du Conseil.

    38 Voir par ex. Maurice Vignes, La science sociale d’après les principes de Le Play et ses continuateurs, Paris, V. Giard et E. Brière, 1897, t. II, p. 347‑355. Le développement des marchés s’inscrit bien dans la théorie de Le Play qui y voit une forme d’« évolution vers le grand atelier ». Pour Maurice Vignes, le grand magasin « exerce une influence régulatrice sur l’industrie, lui fournit des débouchés stables et sûrs. [Les grands magasins] sont utiles même à ceux qui n’achètent pas, car ils contribuent à modérer les prix de détail […] Les cartels, en équilibrant, d’une part, la production aux besoins du public et en prévenant les crises et l’avilissement des prix, en incitant, d’autre part, les entreprises liguées à réaliser des perfectionnements techniques et économiques par la latitude que laisse à l’intérêt individuel la différence entre les frais de fabrication et le prix du syndicat, favorisent la stabilité et les progrès de l’industrie. Par là même, sans doute, la permanence des engagements est assurée, les travailleurs se voient garantir une occupation durable et rémunératrice. La valeur d’échange des marchandises s’arrête à un taux uniforme et est soustraite aux fluctuations, les objets livrés sont de bonne qualité. »

    39 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Paris, III 3 10 (1).

    40 « Compte rendu des travaux de l’année 1903 », Bulletin mensuel de la Société d’économie politique nationale, 1903, p. 5.

    41 Ibid., p. 28. En 1903, Paul Cauwès note, à propos des filateurs et des tisseurs : « J’imagine que des unions syndicales […] peuvent être de très utiles instruments pour rapprocher ces intérêts de frères ennemis qu’il faut réconcilier si on veut se défendre d’une matière utile sur le marché intérieur. »

    42 MaéE, Affaires diverses commerciales, série A, carton 14, Rapport de l’ambassadeur de France à Vienne sur le congrès de la Fédération internationale du coton, 6 juin 1907.

    43 AD Gers, 10 M 37, Lettre du préfet du Gers au ministre du Commerce, 20 mars 1895.

    44 John F. Godfrey, Capitalism at War. Industrial Policy and Bureaucracy in France (1914-1918), Leamington Spa, Berg, 1987. L’administration ne répugne plus alors à déléguer aux associations une partie de sa mission de service public.

    45 Bruno Ricard, « Des consuls aux attachés commerciaux. La crise économique de 1882 et le ministère des Affaires étrangères », Revue d’histoire diplomatique, vol. 106, n° 4, 1992, p. 343‑369.

    46 La Chambre des députés octroie des subventions généreuses à la marine marchande, secteur dont le maintien est vital à l’ensemble de l’industrie et du commerce français. C’est, selon les conceptions du temps, une mesure d’esprit libéral, application de la loi des débouchés, mise en évidence par Jean-Baptiste Say. Une première loi est adoptée le 30 janvier 1881, prévoyant des primes à la navigation pour les voyages de long cours. Elle distribue près de 16,7 millions de francs en moins de trois ans. Par la suite, des primes considérables sont accordées pour la construction des navires. Mais les primes à la navigation, qui sont très incitatives, encouragent les armateurs à acheter des navires étrangers désuets pour servir des lignes subventionnées, ce qui contribue au vieillissement général de la flotte.

    47 Philippe Lacombrade, « La chambre de commerce, Paris et le capitalisme français (1890-1914) », thèse de doctorat en histoire sous la direction de Francis Démier, université Paris-Nanterre, 2002, p. 61‑62 et 258‑259.

    48 Ministère du Commerce…, Rapport général…, op. cit., vol. III, p. 362‑363.

    49 Étienne Martin Saint-Léon, Le petit commerce français, sa lutte pour la vie, Paris, J. Gabalda, 1911, p. 21‑27.

    50 André François-Poncet, La vie et l’œuvre de Robert Pinot, Paris, Armand Colin, 1927, p. 336, cité par Philippe Mioche, « La vitalité des ententes sidérurgiques en France et en Europe de l’entre-deux-guerres à nos jours », dans Dominique Barjot (dir.), International Cartels Revisited. Vues nouvelles sur les cartels internationaux, 1880-1980, Caen, Éd. du Lys, 1994, p. 119.

    51 Ibid.

    52 Alessandro Stanziani, « Qualité des denrées alimentaires et fraude commerciale en France, 1871-1905 », dans Vincent Mangematin et Christian Thuderoz (dir.), Des mondes de confiance, une conception à l’épreuve de la réalité sociale, Paris, CNRS Éd., 2003, p. 155‑169.

    53 Chambre des députés (Georges Berry, rapporteur), Rapport fait au nom de la commission du budget chargée d’examiner le projet de loi portant budget général… (ministère du Commerce), annexe au procès-verbal de la séance du 13 juillet 1905, n° 2670, p. 2‑4 et 146‑153.

    54 Voir par ex. Nonna Mayer, La boutique contre la gauche, Paris, Presses de la FNSP, 1986, p. 46.

    55 Par suite d’interventions massives des différents pays européens, le marché du sucre, dans laquelle la France se distinguait, est marqué par une énorme surproduction en Europe. Les subventions directes accordées aux producteurs ne font qu’empirer la situation, obligeant les États à réagir pour calmer le marché.

    56 Voir par ex. J.-P. Daviet, « Saint-Gobain et les ententes internationales, 1862-1939 », dans D. Barjot (dir.), International Cartels…, op. cit., p. 108‑109. La convention internationale des glaceries constituée par Saint-Gobain régule ce marché au niveau européen.

    57 Voir par ex. Clément Colson, Cours d’économie politique professé à l’École nationale des ponts et chaussées, t. I, Théorie générale des phénomènes économiques, Paris, Gauthier-Villars-Félix Alcan, 1915, p. 198‑314.

    58 P. Besnard, « La formation de l’équipe de l’Année sociologique », Revue française de sociologie, vol. XX, n° 1, janvier-mars 1979, p. 7‑31. Jeune socialiste issu de l’École normale supérieure, disciple de Durkheim, François Simiand est recruté par Millerand sur le poste de bibliothécaire du ministère du Commerce, pour faire des suggestions originales en matière de statistique.

    59 Jean-Jacques Gislain et Philippe Steiner, La sociologie économique, 1890-1920, Paris, PUF, 1995, p. 91.

    60 Roger Fighiéra, Commerce et Postes, l’œuvre d’un ministre (mars-décembre 1913), Nevers, Impr. de « La Tribune », 1914, p. 89. Ces projets s’inscrivent eux-mêmes dans un plan plus vaste de création d’un « service très complet de statistique comprenant, notamment, une statistique de la production, une statistique des prix, une statistique de divers indices commerciaux permettant éventuellement de présager l’annonce des crises ».

    61 Ministère du Commerce et de l’Industrie, direction du Personnel, des Expositions et des Transports, Évaluation de la production d’après les renseignements fournis par les chambres de commerce (1910) et les statistiques administratives (1912), Deuxième partie, Résultats généraux, Paris, Imprimerie nationale, 1917, p. I.

    62 Ministère du Commerce…, Rapport général…, op. cit., vol. III, p. 71‑72.

    63 Clotilde Druelle-Korn, « Ministère du Commerce – Statistique générale de la France. Le rendez-vous manqué des statistiques économiques », Histoire & Mesure, vol. 22, n° 1, 2007, p. 45‑69.

    64 Richard F. Kuisel, Le capitalisme et l’État en France. Modernisation et dirigisme au xxe siècle, Paris, Gallimard, 1984.

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    Dumas, J.-P. (2023). Le ministère du Commerce et de l’Industrie de 1870 à 1914 : innover pour mieux réguler. In P. Fridenson, F. Monnier, & A. Rigaudière (éds.), Concurrence et marchés (1‑). Institut de la gestion publique et du développement économique. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16933
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    Fridenson, Patrick, et al., éditeurs. Concurrence et marchés. Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2023, https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840.
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