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    Plan détaillé Texte intégral Introduction I. Jean Monnet et les marchés à l’époquedu plande modernisation, 1945‑1949 II. Jean Monnet et les marchés au momentde la Ceca, 1950‑1955 III. Jean Monnet et les marchés lorsde la préparation des traités de Rome, 1956‑1958 Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Concurrence et marchés

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Jean Monnet et les marchés

    Philippe Mioche

    p. 93-110

    Texte intégral Introduction I. Jean Monnet et les marchés à l’époquedu plande modernisation, 1945‑1949 II. Jean Monnet et les marchés au momentde la Ceca, 1950‑1955 III. Jean Monnet et les marchés lorsde la préparation des traités de Rome, 1956‑1958 Conclusion Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    Introduction

    1La contribution pourrait s’ouvrir par un syllogisme : l’Europe a changé les marchés, Jean Monnet a fait l’Europe ; donc Jean Monnet a changé les marchés. Le développement qui suit consiste à nuancer le propos en prenant en compte deux variables historiques. La première porte sur les enjeux de mémoire et de mythologie qui pèsent jusqu’à nos jours à propos de la pensée et de l’action de Jean Monnet. La seconde variable est plus classique, elle consiste à être particulièrement attentif à la chronologie afin d’éviter les pièges de l’anachronisme. Cette approche chronologique sera d’ailleurs la trame de cette communication car le mot « marché » acquiert des significations différentes dans le temps.

    2La dimension mémorielle et mythique de l’action et de la pensée de Jean Monnet n’est pas l’objet de cette communication, mais il est nécessaire de l’évoquer afin de souligner la difficulté de la tâche et donc, nécessairement, ses limites. Deux approches s’opposent.

    3Plus de cinquante après ses débuts, la construction européenne comporte encore de nombreuses fragilités dont la plus importante est le risque de désenchantement dans l’opinion publique. La Commission et le Parlement cherchent à instrumentaliser à l’échelle de l’Union l’image bienveillante de l’un des « pères fondateurs ». Simultanément se joue un second enjeu de mémoire à propos du rôle de la France dans l’histoire de la construction européenne. L’apogée de cette démarche a eu lieu lors de l’entrée au Panthéon de Jean Monnet en 1988. La valorisation du rôle de la France dans la construction européenne à partir de la figure de « l’Inspirateur » se prolonge jusqu’à nos jours sous des formes différentes1.

    4De l’autre côté, les difficultés rencontrées auprès de l’opinion, en particulier depuis les référendums français et néerlandais de 2005 ont suscité des publications sur le thème de l’Europe des marchés mise en place par Jean Monnet2 et des publications dont l’objectif est de revisiter de façon critique le rôle de ce dernier3.

    5D’une façon générale, il est intéressant d’observer la chronique de la « mort annoncée » de l’Europe de Jean Monnet – en fait de la méthode de celui-ci. Cette Europe ne finit plus d’être enterrée : avec l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, avec la chute du Mur en 1989, avec la réalisation de l’Euro en 1999 ou encore avec le rejet du traité constitutionnel. L’homme et son action seraient-ils un phénix revenant périodiquement au cœur des débats ? Peut-on confirmer sur cette question ce qu’écrivait en 1989 Henry Kissinger, ancien secrétaire d’État : « Aucun homme n’a marqué et modifié la vie politique de notre époque plus que celui que nous honorons aujourd’hui4 » ?

    6Si Jean Monnet fait encore débat, y compris parmi les historiens, c’est aussi que sa mémoire a été soigneusement construite par l’intéressé lui-même. D’abord en rédigeant et publiant ses Mémoires5 avec l’aide de François ­Fontaine ; ensuite en déposant ses archives à la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, qui les gère scrupuleusement jusqu’à nos jours6.

    7Concernant la question posée par le colloque sur les marchés, elle se dédouble. Jean Monnet pensait-il que l’action des marchés est plus efficace ou plus utile que celle des États ? Ce qu’il a entrepris et réalisé est-il plus favorable à la dynamique sui generis des marchés ou repose-t-il sur l’intervention de l’État – fût-il un embryon d’appareil supranational7 ? Les alternatives d’aujourd’hui ne sont pas celles des années 1950. Le débat contemporain est instauré entre libéralisation et régulation alors qu’il se posait entre keynésianisme et soviétisme. De nos jours, l’économie sociale de marché apparaît comme une alternative à la libéralisation sans contrôles ; dans les années 1950, l’économie sociale de marché était assimilée à un grand libéralisme par les acteurs non allemands8.

    8Nous proposons des réponses chronologiques autour de trois réalisations dans lesquelles Jean Monnet a été, à des degrés divers, un acteur majeur : le Plan, la première communauté (Ceca), les traités de Rome. Et, pour commencer, il faut rappeler une réalité toute simple mais fondamentale du point de vue de la psychologie et de la construction intellectuelle de Jean Monnet. Jusqu’en 1938 au moins, et sans ignorer les intermèdes de la Première Guerre mondiale et de la Société des Nations, Jean Monnet a été essentiellement un opérateur sur les marchés financiers ; il a placé des emprunts, manipulé de grosses sommes, spéculé ; gagné et perdu de l’argent9. Il a cinquante ans en 1938, soixante ans en 1948 ; ces chiffres suggèrent que son expérience des affaires a marqué sa conception des marchés10.

    I. Jean Monnet et les marchés à l’époque du plan de modernisation, 1945‑1949

    9La paternité de Jean Monnet sur le plan de modernisation et d’équipement est incontestable alors que dans les autres réalisations, elle sera nécessairement partagée. C’est lui qui propose la structure au général de Gaulle en décembre 1945. C’est lui qui met en place la petite administration de la rue de Martignac en s’entourant d’une poignée de fidèles. C’est lui qui crée la formule de concertation originale, les « commissions de modernisation », dans lesquelles siègent administration, représentants patronaux et syndicaux. Il suit mot à mot le travail de chacune des seize commissions. Avec ses collaborateurs, et notamment Étienne Hirsch et Pierre Uri, il rédige à la virgule près le rapport général du premier plan, que la postérité désigne souvent comme le « plan Monnet ».

    10Il peut paraître absurde de poser la question des rapports entre le plan et le marché. C’est un plan de reconstruction et de modernisation de la production et, étymologiquement, il incite à penser qu’il ne prend pas en compte les signaux des marchés pour fixer ses orientations. Mais ce n’est pas si simple. Les représentants patronaux ne font pas de la figuration dans le plan. Ils sont nombreux, et non des moindres. Dans l’ensemble des 300 membres des commissions de modernisation qui fonctionnent en 1946 et 1947, le patronat représente 31 % des participants. L’un des biographes de Jean Monnet suggère que celui-ci a voulu isoler le patronat dans le plan en prenant appui sur les syndicats11. En fait, le rapport de force est très variable selon les secteurs : le patronat de la machine-outil a dû se plier aux injonctions de Jean Monnet, celui de la sidérurgie a pu imposer ses vues12.

    11Ces entrepreneurs présents dans le plan prennent en compte les indications des marchés, dans certaines activités plus que dans d’autres et dans les formes de gestion de l’époque. Par ailleurs, même si le Plan est essentiellement tourné vers le marché national, il postule vers les marchés internationaux et au moins européens pour certains secteurs. Ce n’est pas un plan d’autarcie, il se frotte à la concurrence mondiale. Le plan a permis aussi à court terme la coexistence entre le secteur nationalisé et les entreprises privées maintenues. C’est le cas évidemment pour l’automobile, mais aussi pour la relation essentielle entre charbonnages et sidérurgie.

    12Les Mémoires de Jean Monnet cherchent à positionner le Plan comme un compromis entre l’État et les marchés. Pour réaliser la modernisation, « il fallait agir de manière plus précise et plus libérale à la fois [que pendant la guerre], et obtenir de l’initiative privée qu’elle se pliât d’elle-même aux exigences de l’intérêt général13 ».

    13En matière de modèle, les Mémoires ne se réfèrent évidemment pas à l’exemple soviétique, mais ils n’évoquent pas le modèle américain que Jean Monnet connaît bien14. Assez curieusement, l’unique référence et la très récente (au moment des faits) expérience britannique est citée en introduisant l’idée que la présence de l’administration renforce le caractère démocratique de l’expérience. « Ce modèle était aussi loin du Gosplan que du système original que Stafford Cripps15 avait institué au Royaume-Uni pour organiser la concertation. Nous avions observé le fonctionnement des working parties réunissant industriels, syndicats et techniciens, mais cette tentative d’orientation démocratique de l’économie nous paraissait sérieusement limitée par l’absence de fonctionnaires représentant l’intérêt public16… »

    14Dans la mesure où la dépendance de l’économie française – notamment – à l’égard des États-Unis est connue de tous et assumée par certains, les travaux du Plan se gardent de reconnaître explicitement leur filiation à l’égard des expériences et des pratiques américaines. Ceci d’autant plus qu’il flotte dans les milieux gaullistes une rumeur durable faisant de Jean Monnet « l’homme des Américains ». « Des officiels américains du War Production Board luttent actuellement, pour des raisons de politique intérieure, contre la dictature des militaires dans tous les bureaux de guerre américains. Ils ne nous ont pas caché que la décision en ce qui concerne le ravitaillement européen était entre les mains des militaires, et que Jean Monnet négociait avec faiblesse17 […]. »

    15Revenons aux documents du Plan en posant simplement la question de l’emploi du mot « marché18 ». Il apparaît relativement peu, mais on peut considérer qu’il est traité largement par prétérition. « Le but du plan est de placer l’agriculture et l’industrie française sur une base de concurrence universelle et de rétablir ainsi un équilibre durable de notre balance des comptes. »

    16D’autres mots-clés sont présents : productivité, conjoncture, rendement, consommation, refus de l’autarcie, concurrence. Les développements sur la productivité et bientôt sur les missions de productivité19 font partie des innovations majeures des débuts de la planification20. L’utilisation du concept de productivité, encore peu maîtrisé par les acteurs de l’après-guerre, est le loup du marché dans la bergerie de l’économie administrée21.

    17L’unique occurrence du mot « marché » est la suivante : « Le seul espoir d’un développement important de la production française réside donc dans un abaissement des coûts de production permettant à nos produits de concurrencer sur le marché international les produits des nations économiquement les plus évoluées22. »

    18La présence du marché n’est guère explicite, mais elle est bien réelle. Dans le plan Monnet, le marché avance masqué. Il ne s’agit pas de duplicité mais de vocabulaire et de représentation présents ou absents dans l’air du temps.

    19La publication par la Fondation Jean Monnet de Lausanne des notes personnelles laisse entrevoir la conception qui était la sienne au moment des faits. Déjà en 1943, dans la fameuse note d’Alger du mois d’août, il raisonne en termes de taille du marché : « Les pays d’Europe sont trop étroits pour assurer à leurs peuples la prospérité que les conditions modernes rendent possible et par conséquent nécessaire. Il leur faut des marchés plus larges23. »

    20Le 9 décembre 1946, le Plan traverse alors un épisode de tensions ; il écrit dans son journal intime : « Rendre clair et compréhensible le revenu national et les raisons des règles, budget, entreprises nationalisées. Le but : amélioration du niveau de vie. Condition essentielle, réalité du salaire. Avant que ne soient améliorées les conditions des hommes par l’invention, l’esprit d’entreprise, de collaboration, une meilleure répartition des profits24. »

    21L’intime conviction de Jean Monnet est favorable aux marchés. Cela n’est pas l’avis de l’un de ses biographes : « Il est keynésien sur ce point [la modernisation] comme sur d’autres25. » Il est vrai qu’il existe de multiples façons d’être keynésien et nous savons que Keynes n’était pas hostile aux marchés, simplement il ne leur faisait pas confiance – à la différence de Jean Monnet ? Selon François Fontaine, s’il avait été candidat à une élection politique après 1945, il aurait été socialiste26.

    22Interrogé par moi-même peu de temps avant sa mort, le président Pierre Mendès France déclare que Jean Monnet « était un libéral de tempérament, il était certainement antiplaniste. […] Je n’avais pas de bonnes relations avec Jean Monnet. Il n’aimait pas mon “dirigisme” selon le terme de l’époque. Il était très attaché au marché. C’est d’ailleurs une des raisons du succès du Plan, il réunissait les différentes parties prenantes du marché27 ».

    23Il précise un peu plus loin : « Il avait tendance à dissimuler les difficultés et les sacrifices. Ce n’est pas de la démagogie, mais une méthode pour susciter les adhésions28. »

    24Keynésien ? Socialiste29 ? Libéral ? Que dit la suite du fabuleux destin de Jean Monnet ?

    II. Jean Monnet et les marchés au moment de la Ceca, 1950‑1955

    25Oui, Jean Monnet a largement rédigé la déclaration Schuman du 9 mai 1950 ; en ce sens, il est l’inventeur de la première communauté, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca). Mais, d’une part, l’idée était dans « l’air du temps » ; d’aucuns l’ont formulée autrement, et notamment le Chancelier Adenauer ; d’autre part, entre la déclaration Schuman et le traité de Paris d’avril 1951, il a fallu composer avec de nombreux interlocuteurs sur des aspects essentiels de la future communauté : l’existence et le rôle du Conseil des ministres, le futur Parlement européen, la Cour de justice, etc. Tout ceci est parfaitement compréhensible dans une négociation internationale – la Ceca dispose de toute une famille de papas.

    26Le traité de Paris est-il libéral ou dirigiste ? Nous aborderons trois niveaux de réponses : le traité, l’interprétation du traité, la pratique du traité.

    27Pour qui ne le lit pas, le traité a une allure dirigiste. La principale institution est une « Haute Autorité » ; l’objectif porté par le titre est de créer une « Communauté » et non pas un marché. L’article 65 consacre l’interdiction des ententes :

    « Sont interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le Marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence. »

    28Cet article est très important car les marchés du charbon en particulier sont totalement cartellisés. Il concerne notamment l’Allemagne, la France et la ­Belgique. Dans ce dernier pays, le Comptoir belge des charbons (Cobechar) fixe les prix et les conditions de vente du charbon, Charbonnages de France couvre l’ensemble de la production française et l’Association technique de l’importation charbonnière (ATIC), contrôlée par les sidérurgistes, gère les importations. Surtout, la Gemeinschaftorganisation Ruhrkohle (GEORG) créée en 1951 pour succéder à la Deutscher Kohlen-Verkauf (DKV) est la plus importante entente des charbonnages et la mieux organisée. Dans une moindre mesure, toute relative, la sidérurgie est, elle aussi, maillée par des cartels30. Pour ne citer qu’un exemple, le Comptoir des produits sidérurgiques (CPS) contrôle le marché intérieur français de l’acier31.

    29L’article 65 est supposé introduire « une révolution des marchés en Europe32 ». Il confie à l’administration européenne la mission de libéraliser le marché sur le modèle des lois antitrust aux États‑Unis33.

    30L’article 58 est une innovation forte qui introduit la possibilité de mettre en œuvre une politique industrielle communautaire :

    « En cas de réduction de la demande, si la Haute Autorité estime que la Communauté se trouve en présence d’une période de crise manifeste et que les moyens d’action prévus à l’article 57 ne permettent pas d’y faire face, elle doit, après consultation du Comité consultatif et sur avis conforme du Conseil, instaurer un régime de quotas de production accompagné, en tant que de besoin, des mesures prévues à l’article 74. »

    31En cas de défaillance du marché, le traité peut confier de facto le pilotage des entreprises de deux secteurs à l’organisme public supranational.

    32En dépit de ses apparences et des dispositions citées, le traité de Paris est tourné vers les marchés. Ce traité aux 100 articles, simple et sobre, comporte 24 fois le mot « marché ». L’occurrence la plus fréquente est celle de « marché commun » et l’acception « marchés » au sens dynamique des marchés est présente quatre ou cinq fois. En tout cas, ce que l’apparence du texte et les commentaires politiques immédiats ne disent pas, c’est qu’il s’agit – déjà – de faire un marché commun.

    33La perception à court terme du traité de Paris a été contradictoire. L’administration américaine s’est inquiétée du caractère dirigiste du texte et Pierre Uri a été dépêché avec succès pour éteindre la critique34. La représentation dirigiste de la Ceca a marqué durablement les mémoires. Un fonctionnaire italien évoque le « dictateur du plan Schuman35 » et les acteurs allemands expriment encore en 1984 une vision excessive du dirigisme à propos de la première communauté36.

    34Globalement, il semble que la portée libérale du traité de Paris ait été sous-estimée au profit d’une interprétation interventionniste qui semblait conforme à l’air du temps, en France en particulier. Pourtant le marché est présent, mais il avance – encore – masqué.

    35Si la première communauté demeure une grande réalisation dont le bilan est satisfaisant37, elle n’est pas parvenue à mettre en œuvre le traité dans les deux domaines qui sont évoqués ici. C’est le reproche que formule sans fioriture le président de l’IG Metall : « Celle-ci [la Haute Autorité] devrait d’ailleurs moins s’occuper des slogans de dirigisme ou de libéralisme et s’intéresser plus à la mise en œuvre d’une politique active conforme aux buts du traité38. »

    36Pour autant, l’Allemagne est très tolérante et même permissive à l’égard des cartels39. Le Chancelier Adenauer menace en 1953 de ne pas ratifier le projet de CED si les mesures anticartels sont adoptées. La crainte plus générale est que la liberté des prix n’entraîne la fermeture des mines les moins rentables. « Les principes de base qui doivent sous-tendre la politique anticartel ne sont jamais définis. En théorie, l’objectif principal est d’accroître la concurrence et d’assurer une libre formation des prix40. »

    37Mais seuls les Néerlandais défendent réellement cette ligne. Les représentants allemands écrivent que les problèmes du charbon de la Ruhr sont trop compliqués pour la Haute Autorité. Ils proclament avec une certaine mauvaise foi que la concurrence existe à travers d’autres formes d’énergies. La sidérurgie allemande met à profit les mécanismes du traité pour opérer une reconcentration de son appareil productif 41. La Haute Autorité a renoncé dans les faits à démanteler les cartels existants dans le charbon et dans l’acier42. La politique charbonnière de la première communauté n’a été nullement dirigiste. Après avoir tenté mollement de démanteler le cartel de la Ruhr, elle ne s’est pas opposée à la volonté d’importer du charbon non européen exprimée par l’Italie et plus encore par les Pays-Bas. Lorsqu’il s’est agi, en 1959, de proclamer l’« état de crise manifeste » du charbon conformément à l’article 58, la Haute Autorité s’est humblement résignée à l’opposition du Conseil43.

    38Les Mémoires de Jean Monnet ignorent le bilan économique de la Ceca pendant la période où il l’a dirigée. « Le commencement de l’Europe, c’était une vue politique, mais c’était plus encore une vue morale44. »

    39C’est là un message fondamental qui tend à minimiser le rôle de l’économie et la présence du marché dans le processus de la première communauté ; il ne correspond pas tout à fait à la réalité.

    40On pourrait en rester là si la publication de son journal intime en 2004 n’introduisait un élément assez surprenant, il faut le dire. Il écrit ainsi, le 18 août 1956, en pleines négociations des futurs traités de Rome : « Il faut, pour aller plus vite, toucher la vie et l’intérêt même du peuple, par exemple, nous avons eu tort de vouloir établir une concurrence dans le charbon. Nous aurions dû faire l’impossible pour établir une société européenne du charbon45. »

    41En une petite phrase, il tourne le dos à l’ensemble de l’interprétation libérale du traité de Paris. Il est inutile de se demander ce qu’auraient pensé les partenaires allemands de la « société européenne du charbon » ! Cette phrase – mais ce n’est qu’une phrase –, non retenue dans la construction mémorielle du « père de l’Europe », montre la complexité du personnage. Son empathie à l’égard des marchés ne fait pas de doute, la présence discrète des marchés dans ses contributions au Plan et à la Ceca est indéniable. Mais il sait aussi que les mêmes textes peuvent faire l’objet de mises en œuvre différentes au gré des choix politiques. Il est aussi possible d’imaginer que la pensée de Jean Monnet évolue en 1956. Se rapproche-t-il de la gauche ?

    42De nombreux hommes politiques deviennent plus conservateurs en prenant de l’âge ; faut-il penser que Jean Monnet devienne plus social-démocrate à soixante-huit ans ? Après tout, il est passé du service de ses intérêts au service public à cinquante ans, ce qui n’est pas si fréquent.

    III. Jean Monnet et les marchés lors de la préparation des traités de Rome, 1956‑1958

    43La question centrale de cette troisième étape est celle de l’attitude de Jean Monnet à l’égard du futur Marché commun. Cette troisième étape de la construction européenne, après la première Communauté européenne du charbon et de l’acier et l’échec de la Communauté européenne de défense (CED), place explicitement le marché au centre du projet46 : « Reconnaissant que l’élimination des obstacles existants appelle une action concertée en vue de garantir la stabilité dans l’expansion, l’équilibre dans les échanges et la loyauté dans la concurrence47. »

    44La sémantique du mot « marché » n’est plus entre les lignes, elle n’est plus refoulée dans les non-dits ; elle claque comme un drapeau. Que fait Jean Monnet ?

    45Après l’échec de la CED devant le Parlement français, le 30 août 1954, Jean Monnet fait preuve tout à la fois d’hésitation et de détermination. Il présente sa démission de président de la Haute Autorité de la Ceca en novembre 1954. Il repousse son départ de février à juin 1955, espérant sans doute être renouvelé. Il hésite sur la conduite à tenir. On peut le comprendre.

    46L’échec de la CED marque un coup d’arrêt du rêve européen tel qu’il s’était exprimé, en particulier à La Haye en mai 1948 (où Jean Monnet n’était pas). L’abandon de l’armée européenne isole la première communauté, qui devient une butte témoin de la supranationalité dans le ressac des États-nations. Le patriote qu’il est se navre de l’affaiblissement de la position européenne de la France. De locomotive de l’Europe qu’elle était lors de la déclaration Schuman, la France se retrouve quasiment privée d’initiative. En outre, Jean Monnet tombe discrètement malade pendant cette période difficile.

    47Il se reprend rapidement. Il apporte son soutien au projet belgo-germanique de Paul-Henri Spaak en vue de la relance de la construction européenne. Il enfourche avec détermination le cheval de bataille d’une nouvelle communauté sectorielle de l’énergie. Il invente et met en place le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe (CAEUE) entre juillet et octobre 195548. Pour l’historienne Maria Grazia Melchionni, c’est une étape décisive de son action.

    « Entre 1955 et 1975 Jean Monnet écrivit les plus belles pages de son histoire aventureuse, des pages pour lesquelles il fera figure au xxie siècle de leader porteur de la vision de l’Europe de l’avenir49. »

    48Le CAEUE est un objet politique inédit. La première session de ce que nous appellerions de nos jours un lobby européen, ou un think tank, intervient le 18 janvier 195650. Pendant près de vingt ans, le CAEUE donne son avis sur les grands débats européens en cours et Jean Monnet consacre sa vie avec une impressionnante énergie à cette mission qu’il s’est confiée. La mesure de l’influence réelle de ce comité fait l’objet de réponses contradictoires, mais pour le propos sur Jean Monnet et les marchés, il convient de souligner un aspect important ayant trait à la composition du CAEUE. Le comité réunit des hommes politiques de centre droit et de centre gauche, quelques fonctionnaires et des syndicalistes salariés en provenance des six pays membres et du Royaume-Uni. La prouesse politico-diplomatique de Jean Monnet est de rassembler des socialistes et des démocrates-chrétiens et, surtout, d’avoir obtenu l’adhésion du parti socialiste allemand, le SPD, dont l’engagement européen était auparavant incertain. La contrepartie nécessaire de ce vaste rassemblement est la tendance à raboter les divergences51. Avec notamment la nombreuse armée de réserve des syndicalistes allemands de la Deutscher Gewerkschaftsbund (DGB), le monde politique et syndical de la petite Europe est bien représenté. C’est particulièrement vrai pour les Allemands, qui constituent un tiers des participants52. On aura compris que les milieux patronaux, acteurs du marché s’il en est, ne sont pas présents. Entre témoignages et travaux académiques, il existe de nombreuses interprétations de ce choix de Jean Monnet53. Avec le comité, le SPD et Guy Mollet, Jean Monnet marque à gauche. Nous ne pensons pas que la composition du comité exprime une défiance à l’égard du patronat et du marché. Dans le contexte de la fin des années 1950, on ne peut avoir les uns et les autres (syndicats ouvriers et patrons dans un cadre privé). Au contraire, c’est parce que Jean Monnet sait que son action européenne bénéficie de l’assentiment d’une large fraction du patronat des Six qu’il peut se passer de sa présence et fonctionner avec les entreprises et les marchés sous la forme de « convergences objectives ».

    49Le travail et les négociations qui se déroulent entre la conférence de ­Messine et la signature des traités de Rome ont fait l’objet de nombreuses études et témoignages54. Pour la question qui nous préoccupe ici, une chose apparaît clairement : autant Jean Monnet s’investit pleinement en faveur du futur traité Euratom, autant il est indifférent, sinon hostile au Marché commun. L’appréciation entre indifférence et hostilité est la marge d’incertitude historique.

    50L’engouement de Jean Monnet en faveur d’une communauté de l’énergie repose sur plusieurs motivations. La méthode d’intégration sectorielle a réussi avec le charbon et l’acier ; elle pourrait donc réussir à nouveau avec l’énergie atomique. Jean Monnet est convaincu, et il s’est laissé convaincre notamment par Louis Armand, que l’atome est l’énergie de l’avenir. Il semble d’ailleurs penser a contrario en 1956 que le charbon est une énergie du passé. Cette conviction est renforcée chez lui, comme chez de nombreux décideurs, par la crise de Suez qui démontre la fragilité énergétique de l’Europe. Jean ­Monnet n’est pas insensible au fait que la France dispose de plusieurs longueurs d’avance en matière nucléaire et donc que ce pays serait incontestablement leader dans le contexte d’une future communauté atomique. Plus simplement encore, il partage avec beaucoup d’autres l’enthousiasme scientiste, optimiste et naïf sur l’ère de l’atome pacifique à venir.

    « Son cœur était avec Euratom. Il l’a fait. Quand il a vu que ça ne donnait finalement pas grand-chose, il restait le Marché commun55. »

    51Les Allemands, portés par le renouveau de leur croissance économique, ont une vision différente. « Les Allemands » est ici un raccourci, car il y a au moins trois points de vue allemands en 1955-1956 : celui du Chancelier ­Adenauer, attentif à la France et à la construction européenne ; celui du ministre des Finances de la CDU, Ludwig Erhard, imprégné d’américanisme ; celui du SPD, tourné vers la réunification de l’Allemagne. Pour de nombreuses raisons qui ne sont pas notre propos, les Allemands n’aiment pas le projet de communauté atomique. Inversement, ils sont très friands du projet de Marché commun pour des raisons idéologiques générales, avec des variantes selon les porteurs, et pour des raisons d’intérêt national partagées par l’ensemble de la République fédérale.

    52Cette situation débouche sur la proposition Spaak de rédiger deux traités, l’un – favorable à l’Allemagne – pour un Marché commun, et l’autre – favorable à la France – pour une communauté atomique. Tout ceci est bien connu.

    53En France, peu de gens sont favorables au Marché commun56. La CGT est hostile par principe et parce qu’elle craint une domination économique des cartels allemands57. À de rares exceptions, le patronat et le CNPF sont inquiets de la future disparition des barrières douanières, des contingents et de l’ouverture des marchés des territoires d’outre-mer. Seule une poignée de hauts fonctionnaires, d’hommes politiques de centre droit et gauche, de syndicalistes chrétiens et de Force ouvrière s’intéressent aux discussions de Bruxelles et de Venise ; l’immense majorité des Français n’a que l’Algérie en tête.

    54Pendant cette période, Jean Monnet s’exprime plusieurs fois en faveur de la concurrence et notamment dans une « Note rose » d’août 1955 : « Ce dont les Français ont besoin, c’est de la concurrence. […] Les Français, mis en concurrence avec les autres, se retrouvent eux-mêmes – intelligents, travailleurs, sérieux – et capables de faire face à n’importe qui58. »

    55Fondamentalement, Jean Monnet est convaincu que c’est l’expansion du marché – à l’instar du marché américain – qui créera des richesses et qui permettra de « jouir de l’abondance matérielle59 ». Il ne cesse de le répéter.

    56Dans ce contexte, la posture de Jean Monnet est inattendue. Lui qui connaît les marchés, lui qui croit au dynamisme des marchés, il va bouder le moment où le mot marché devient l’en-tête du projet européen. « Il s’est trompé en 1956 », déclare Robert Marjolin60. Jusqu’où est-il allé dans son « erreur » ? Un de ses plus fidèles collaborateurs, Max Kohnstamm, explique : « Monnet était tout à fait opposé à l’idée du junctim [lier les deux traités]. Il a fait tout ce qu’il a pu pour dire : “Euratom doit passer, le reste…” C’est tard qu’il a commencé à croire dans l’affaire du Marché commun61. »

    57Tous les documents et les témoignages convergent pour indiquer que Jean Monnet ne s’intéressait pas au Marché commun. Il n’y a guère pour affirmer le contraire que Pierre Uri : « Je crois que cette fameuse thèse que Monnet voulait très rapidement qu’on abandonne le Marché commun de peur qu’il compromette Euratom, je crois que c’est largement une légende62 » ; et Gilles Grin : « Jean Monnet était pleinement favorable au principe de créer le Marché commun, avec les transitions nécessaires63. »

    58Jean Monnet a vraisemblablement tenté de convaincre le Chancelier de différer le Marché commun et de commencer uniquement par Euratom. Mais de cela, les Allemands, toutes tendances confondues, ne veulent pas entendre parler.

    59L’indifférence de Jean Monnet à l’égard du projet de Marché commun repose sur la conviction de la supériorité européenne d’Euratom et sur la crainte que les peurs françaises à l’égard du Marché commun aboutissent à un échec de la relance européenne à l’instar de celui de l’armée européenne. Il est vrai que la façon discrète et simple dont les débats à l’Assemblée nationale sur le marché commun et la ratification du traité se sont déroulés a été assez inattendue.

    60Il existe une marge d’incertitude dans cette discussion sur Jean Monnet, l’Europe et les marchés. Il ne convient sans doute pas de surestimer les convictions idéologiques des acteurs de la construction européenne. De nombreux paramètres leur échappent, à commencer par l’usage politique qui sera fait (qui a été fait) des traités. C’est ce que dit Jan Tinbergen, futur prix Nobel d’économie, en réponse en 1963 à la question du futur de la construction européenne : sera-t-elle conservatrice (dirigiste) ou progressiste (libérale) ?

    « Il a défendu la thèse que les traités étaient faits pour un certain dynamisme, qui permettrait une évolution dans les deux sens ; ça dépendrait de la Commission, du Conseil et du Parlement européen. Mais le traité en tant que tel, malgré l’expression Marché commun qui […] ferait penser à l’économie d’un marché, laisserait toutes les possibilités de planification ouvertes64. »

    61Les acteurs, y compris Jean Monnet, ne pouvaient pas prévoir le général de Gaulle et le fait que des pans entiers des traités de Rome n’ont pas été mis en œuvre65.

    62Au total, les premières étapes de la construction européenne inspirée par Jean Monnet ne seraient-elles pas ni libérales, ni dirigistes, mais allemandes ?

    « La conception du Marché commun est une conception “Soziale Marktwirtschaft”, ce n’est pas une conception dirigiste. […] Si vous regardez le rapport Spaak, il est basé sur une conception libérale avec des mesures sociales, très proche des conceptions allemandes66. »

    63Ce n’est pas exactement ce que Jean Monnet désirait.

    Conclusion

    64Jean Monnet est un personnage historique contradictoire et fascinant – fascinant parce que contradictoire. Il chérissait le marché et ses dynamiques créatrices qu’il a éprouvées, pour le meilleur et pour le pire, pendant quarante années de sa vie. Et pourtant il accepta d’évoquer le marché entre les lignes à l’époque du Plan et, dans une moindre mesure, à celle de la Ceca. Il souhaita la fin des cartels mais regretta dans son quant-à-soi de ne pas avoir créé une société européenne du charbon. Quand vint l’heure du Marché commun, il lui préféra nettement la communauté atomique.

    65Nombre de commentateurs de Jean Monnet et de son œuvre soulignent son pragmatisme. Le pragmatisme est indéniable mais il n’est pas exclusif d’une charpente de valeurs chez Jean Monnet. Parmi ces valeurs, il y a celles du marché et de ses dynamiques. Il y a aussi le repère de l’Amérique et de la taille de son marché. Il pensait construire une Europe à l’américaine, ce qui est différent d’une Europe américaine. Ce qu’il a contribué à réaliser n’est pas exactement ce qu’il avait rêvé.

    66Son Europe européenne, inspirée par l’Amérique, a pris en compte de façon croissante l’influence et l’expérience allemandes. C’est partiellement vrai non dans le traité de Paris mais dans la mise en œuvre de la Ceca, et c’est encore beaucoup plus sensible dans le traité de Rome, et a fortiori dans sa mise en œuvre.

    Notes de bas de page

    1 Discours du président Nicolas Sarkozy à Strasbourg, le 21 février 2007.

    2 Jean-Pierre Chevènement, La faute de M. Monnet, Paris, Fayard, 2006.

    3 Marc Joly, Le mythe Jean Monnet, Paris, CNRS Éd., 2007 et Antonin Cohen, « Le “père de l’Europe”. La construction sociale d’un récit des origines », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 166‑167, 2007, p. 14‑29. Le fait que Paul Reuter, le futur juriste du plan Schuman, proche de Jean Monnet, ait fréquenté l’école d’Uriage sous Vichy devient une piste sur les continuités technocratiques de l’Europe.

    4 Collectif, Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1989, p. 317.

    5 Jean Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976.

    6 Nous saluons la richesse des fonds et la qualité de l’accueil à la Fondation, https://jean-monnet.ch.

    7 Nous ne développons pas ici la discussion sur les objectifs politiques et/ou économiques de la construction européenne. Cf. Alan S. Milward, Frances M. B. Lynch, Frederico Romero, Ruggero Ranieri et al., The Frontier of National Sovereignty. History and Theory, 1945-1992, Londres-New York, Routledge, 1993, John Gillingham, Coal, Steel, and the Rebirth of Europe, 1945-1955. The Germans and French from Ruhr Conflict to Economic Community, Cambridge, Cambridge University Press, 1991 ; F. M. B. Lynch, France and the International Economy. From Vichy to the Treaty of Rome, Londres-New York, Routledge, 1997.

    8 Un exemple de reconstruction, dans François Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, 116 p., https://archives.eui.eu/oral_history/INT529, p. 57. Cette note est ajoutée après l’entretien : « La même idée d’un marché régulé est le fondement du traité de Marché commun. Prendre en compte les distorsions que créent les fiscalités ou les interventions publiques, les réorientations de l’emploi qu’appel­lent les changements de direction de la demande ou les transformations techniques. L’instabilité irrationnelle des marchés les plus importants, que ce soit le change ou la bourse. Les atteintes à la concurrence par les ententes ou les concentrations excessives, voilà sur quoi économistes ou hommes d’affaires avertis peuvent converger, aussi bien les libéraux intelligents et des hommes plus à gauche, contre l’appel sans nuances au jeu du marché par des politiciens aussi prétentieux qu’incompétents. »

    9 Philippe Mioche, « Jean Monnet, homme d’affaires à la lumière de nouvelles archives », Parlement(s), 2007, hors-série n° 3, p. 55‑72 ; Gérard Bossuat, Jean Monnet, banquier, 1914-1945. Intérêts privés et intérêt général, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2014, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/3780.

    10 Cf. les biographes de Jean Monnet : Éric Roussel, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1995 ; François Duchêne, Jean Monnet: The First Statesman of Interdependence, New York-Londres, W. W. Norton & Company, 1994.

    11 F. Duchêne, Jean Monnet: The First Statesman of Interdependence, op. cit., p. 358.

    12 P. Mioche, « La triple malédiction de l’industrie de la machine-outil en France », dans Jean-François Belhoste, Serge Benoît, Serge Chassagne et P. Mioche (dir.), Autour de l’industrie : histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004, p. 589 et s. ; Roger Martin, Patron de droit divin, Paris, Gallimard, 1984.

    13 J. Monnet, Mémoires, op. cit., p. 280.

    14 Sur la question des relations de Jean Monnet avec les États-Unis, l’ouvrage essentiel demeure : G. Bossuat, La France, l’aide américaine et la construction européenne, 1944-1954, 2 vol., Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997, consultables en ligne, http://books.openedition.org/igpde/2692 et https://books.openedition.org/igpde/2786.

    15 Stafford Cripps, 1889-1952, travailliste de gauche, président du Board of Trade dans le gouvernement Attlee (1945‑1951).

    16 J. Monnet, Mémoires, op. cit., p. 281.

    17 « La position de l’Amérique à l’égard de certains problèmes français », note pour Louis Joxe de Maurice Couve de Murville, 20 février 1945, Archives nationales (désormais AN) F60 1003, citée dans P. Mioche, Le plan Monnet. Genèse et élaboration, 1941-1947, Paris, Publications de la Sorbonne, 1987, p. 76, consultable sur https://books.openedition.org/psorbonne/70264.

    18 Première session du Conseil du Plan, Notes documentaires et études, n° 291, avril 1946 et Rapport général sur le 1er Plan de modernisation et d’équipement, Paris, La Documentation française, n° 208, novembre 1946, janvier 1947.

    19 Dominique Barjot (dir.), Catching up with America. Productivity Missions and the Diffusion of American Economic and Technological Influence after the Second World War, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2002 ; Régis Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité. La modernisation de la France (années trente-années cinquante), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2008.

    20 Cf. Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, 2 vol., Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, consultables en ligne, https://books.openedition.org/igpde/2276 et https://books.openedition.org/igpde/2320 ; François Fourquet, Les comptes de la puissance. Histoire de la comptabilité nationale et du plan, Paris, Encres, 1982.

    21 Cf. le passage ayant trait à la Ceca, mais les développements sur la productivité sont nombreux dans le plan Monnet, dans F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 30 ; Pierre Uri : « C’est une très belle déclaration [La déclaration Schuman]. La première version, je crois que c’est Hirsch qui l’a largement écrite, et puis je l’ai récrite le lendemain. C’est moi surtout qui ai introduit la notion de dispositions qui élèveraient le niveau de production au niveau de productivité le plus élevé. C’est la notion d’un marché bien organisé. Mais pas le marché comme le pense un Alain Madelin ou, par contagion, Monsieur Chirac, le marché, mais avec toutes les conditions pour que ça fonctionne bien. »

    22 Ibid., p. 7.

    23 Note du 5 août 1943 pour le gouvernement provisoire de la République française (GPRF), chap. VI, André Kaspi, La mission de Jean Monnet à Alger, mars-octobre 1943, Paris, Publications de la Sorbonne, 1971.

    24 Henri Rieben, Claire Camperio-Texier et Françoise Nicod, À l’écoute de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2004, p. 53. Texte souligné par nous avec une ponctuation de notre fait.

    25 É. Roussel, Jean Monnet, op. cit., p. 432.

    26 Témoignage cité Ibid., p. 428.

    27 P. Mioche, entretien avec Pierre Mendès France, 30 octobre 1981, dans P. Mioche, Le plan Monnet…, op. cit., p. 287.

    28 Ibid.

    29 Le Professeur Wilfried Loth évoque « les relations étroites de Jean Monnet avec Léon Blum », dans Fondation Jean Monnet pour l’Europe (dir.), Une dynamique européenne. Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe : méthode, action, influence, Paris, Economica, 2010.

    30 F. Duchêne, entretien avec P. Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 44 : « F. D. : L’affaire de prix était difficile pour des raisons techniques ou pour des raisons politiques aussi ? P. U. : Elle était difficile à cause des mauvaises habitudes de la sidérurgie qui est un cartel. F. D. : Soutenu par les gouvernements ? Si je comprends bien, à part on peut presque dire Monnet, les délégations voulaient maintenir un cartel ? P. U. : Enfin, pas dans des termes aussi explicites. Mais c’était très difficile de faire comprendre que la répartition rationnelle des ressources – on l’appelle en anglais allocation – ne serait correcte que si en réalité on se concurrençait sur les prix départ. La sidérurgie avait l’habitude, comme d’ailleurs le ciment, d’avoir des basing points, c’est-à-dire, ce n’est pas votre prix départ ; tout le monde fait des prix qui permettent que ce soit à un certain nombre de points de livraison le même prix, inévitablement, c’est cartellisé. »

    31 P. Mioche, « L’influence de la construction européenne sur les marchés et les produits de l’acier en France », dans P. Mioche et Denis Woronoff (dir.), L’acier en France : produits et marchés, de la fin du xviiie à nos jours, Dijon, Éd. universitaires de Dijon, 2006, p. 158‑175.

    32 P. Mioche, « La révolution des marchés de l’acier en France (1950-2002) », dans Éric Bussière, Michel Dumoulin et Sylvain Schirmann (dir.), Europe organisée, Europe du libre-échange ?, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2006, p. 165‑175.

    33 F. Duchêne, entretien avec P. Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 48 : « F. D. : Je reviens à la négociation de la Ceca. Est-ce que vous vous souvenez de crises importantes dans le courant de cette négociation ? P. U. : Oui. Il y a eu une très grosse difficulté. C’était l’affaire des ententes et concentrations. Là, nous nous sommes servi des Américains. Il s’agissait de surmonter une réticence, je dirais même une résistance, allemande. Dans une certaine mesure, les articles 65 et 66 ont été rédigés par Bob Bowie. Enfin, en liaison avec nous. Je vois encore Jack McCloy venant à Paris, et nous nous sommes vraiment servi des Américains pour faire pression sur le gouvernement allemand. »

    34 P. Uri, Penser l’action, Un fondateur de l’Europe, Paris, Odile Jacob, 1991 ; J. Monnet, op. cit., 1976, p. 357 ; Alexandre Bota, « L’action européenne de Pierre Uri », maîtrise en histoire contemporaine de l’université Aix-Marseille I, juin 1997, 115 p. + annexes ; F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 22 : « Il y a un papier de moi pour expliquer qu’il ne s’agit pas d’un cartel parce que nous avions des problèmes avec Acheson. »

    35 Cité par Maria Grazia Melchionni, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », dans G. Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 223.

    36 Cf. les témoignages de Hans von der Groeben et d’Ulrich Meyer-Cording dans M. G. Melchionni et Roberto Ducci, La genèse des traités de Rome. Entretiens inédits avec 18 acteurs et témoins de la négociation, Paris, Economica- Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2007.

    37 P. Mioche, Les cinquante années de l’Europe du charbon et de l’acier, 1952-2002, Luxembourg, Commission européenne, Office des publications, 2004.

    38 « La représentation des syndicats ouvriers est tout à fait insuffisante dans le Marché commun et dans l’Euratom », entretien avec Otto Brenner, président de l’IG Metall et membre du Comité, Le Monde, 8 décembre 1957.

    39 Harm G. Schröter, « Cartelization and Decartelization in Europe, 1870-1995: Rise and Decline of an Economic Institution », Journal of European Economic History, vol. 25, n° 1, 1996, p. 129.

    40 Dirk Spierenburg et Raymond Poidevin, Histoire de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Une expérience supranationale, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 124.

    41 Tobias Witschke, Gefahr für den Wettbewerb ? Die Fusionskontrolle der Europäischen Gemeinschaft für Khol und Stahl und die « Rekonzentration » der Ruhrstahlindustrie, 1950-1963, Berlin, Akademie Verlag, 2009.

    42 D. Spierenburg et R. Poidevin, Histoire de la Haute Autorité…, op. cit. ; P. Mioche, « La vitalité des ententes sidérurgiques en France et en Europe de l’entre-deux-guerres à nos jours », dans D. Barjot, International Cartels Revisited. Vues nouvelles sur les cartels internationaux, 1880-1980, Caen, Éd. du Lys, 1994, p. 119‑128.

    43 La Commission, héritière de la Haute Autorité, mettra en œuvre avec succès l’article 58 pour la sidérurgie dans les années 1980. Cf. P. Mioche, « La CECA e la ristrutturazione europea del mercato siderurgico », dans Ruggero Ranieri et Luciano Tosi (dir.), La Comunità Europea del Carbone et delle’Acciao (1952-2002). Gli esiti del trattato in Europa e in Italia, Padoue, CEDAM, 2004, p. 85‑105.

    44 J. Monnet, Mémoires, op. cit., p. 460.

    45 H. Rieben, C. Camperio-Texier et F. Nicod, À l’écoute de Jean Monnet, op. cit., p. 105.

    46 Laurent Warlouzet, « La France et la mise en place de la politique de la concurrence communautaire (1957-1964) », dans É. Bussière, M. Dumoulin et S. Schirmann (dir.), Europe organisée…, op. cit., p. 175‑201.

    47 Préambule du traité de Rome.

    48 Pascal Fontaine, Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1974.

    49 M. G. Melchionni, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », art. cité, p. 221. Nous ne souhaitons pas rentrer dans les discussions, assez byzantines, sur la définition du Comité.

    50 Ibid., p. 221‑251.

    51 Jean Meynaud et Dusan Sidjanski, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », European Yearbook, vol. XLIII, 1965, p. 3‑26 : « Pour des raisons évidentes, des raisons qu’impose toute collaboration entre groupes partisans ou syndicalistes à couleurs différentes, le Comité fait abstraction des interprétations et des idéologies et se limite aux solutions graduelles et pragmatiques. C’est pourquoi il a évité de définir une politique à long terme ou de préciser certains aspects de l’Europe unie. Son action colle toujours à la réalité. »

    52 Martial Libera, « Jean Monnet et les personnalités allemandes du CAEUE », dans Fondation Jean Monnet pour l’Europe (dir.), Une dynamique européenne, op. cit.

    53 P. Mioche, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe et la politique sociale européenne », dans Fondation Jean Monnet pour l’Europe (dir.), Une dynamique européenne, op. cit.

    54 Entre autres : Enrico Serra (dir.), Il rilancio dell’Europa ei trattati di Roma, Bruxelles-Milan-Paris-Baden-Baden, LGDJ, 1988 ; Gilbert Trausch (dir.), The European Integration from the Schuman Plan to the Treaties of Rome Contributions to the Symposium in Luxembourg, May 17‑19, 1989, Baden-Baden-Paris, Nomos Verlag-LGDJ, 1993.

    55 Max Kohnstamm, Témoignage dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit.

    56 L. Warlouzet, « La France et les négociations du traité de Rome (1955-1957) », http://www.cvce.eu/obj/laurent_warlouzet_la_france_et_les_negociations_du_traite_de_rome_1955_1957-fr-b5e074bc-e1fa-486f-9c85-be1ebeffa806.html ; idem, « Quelle Europe économique pour la France ? La France et le Marché commun industriel (1956-1969) », thèse sous la direction d’Éric Bussière, université Paris IV, 2007, 1 107 p.

    57 Jean Duret, « Le poids de l’Allemagne dans le Marché commun », Cahiers internationaux, n° 83, février 1957, p. 57‑67, https://www.cvce.eu/obj/jean_duret_le_poids_de_l_allemagne_dans_le_marche_commun_paris_fevrier_1957-fr-acd5ea09-7aa8-431b-8859-561e57a2852c.html

    58 « Note rose » du 27 août 1955, citée par Gilles Grin, « Jean Monnet, le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe et la genèse des traités de Rome », Relations internationales, n° 136, 2008, p. 28, www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-4-page-21.htm. Jean Monnet ajoute un peu plus loin : « Pourquoi les politiciens et les gouvernements veulent-ils ainsi enfermer les Français dans des formes nationales qui rendent nos problèmes insolubles […] ? Parce qu’ils sont conservateurs et en réalité réactionnaires et nationalistes. »

    59 J. Monnet, Allocution de à la deuxième conférence des syndicats chrétiens, Rome, 8‑10 mai 1962 ; AMK 43/3/41, Fondation Jean Monnet pour l’Europe.

    60 Robert Marjolin, Témoignage dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit., p. 323.

    61 M. Kohnstamm, Témoignage, ibid., p. 375.

    62 F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 92.

    63 G. Grin, « Jean Monnet, le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe… », art. cité.

    64 Johannes Linthorst Homan et M. Kohnstamm, Témoignages dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit., p. 68.

    65 F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 81 : « F. D. : Le traité est devenu plus libéral surtout parce qu’on ne l’a pas appliqué. P. U. : Exactement. On n’a jamais fait la politique des transports, la coordination des politiques économiques. »

    66 Témoignages de H. von der Groeben et M. Kohnstamm dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit., p. 119.

    Auteur

    • Philippe Mioche

      Professeur émérite d’histoire contemporaine au laboratoire Temps, espaces, langages, Europe méridionale, Méditerranée (TELEMMe ; UMR 7303) de l’université d’Aix-Marseille, Philippe Mioche a travaillé sur l’histoire de la construction européenne, celle de la Ceca en particulier Fifty Years of European Coal and Steel, 1952-2002, Luxembourg, Commission européenne, Office des publications, 2004, il est titulaire de la chaire Jean Monnet ad personam d’histoire de la construction européenne. Ses recherches en cours portent sur l’histoire de la sidérurgie, Dictionnaire historique de la sidérurgie française, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2022 et sur l’histoire de l’aluminium, « A History of Aluminum in South Africa », Cahiers d’histoire de l’aluminium, n° 62, 2019, p. 60‑89.

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    1 Discours du président Nicolas Sarkozy à Strasbourg, le 21 février 2007.

    2 Jean-Pierre Chevènement, La faute de M. Monnet, Paris, Fayard, 2006.

    3 Marc Joly, Le mythe Jean Monnet, Paris, CNRS Éd., 2007 et Antonin Cohen, « Le “père de l’Europe”. La construction sociale d’un récit des origines », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 166‑167, 2007, p. 14‑29. Le fait que Paul Reuter, le futur juriste du plan Schuman, proche de Jean Monnet, ait fréquenté l’école d’Uriage sous Vichy devient une piste sur les continuités technocratiques de l’Europe.

    4 Collectif, Témoignages à la mémoire de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1989, p. 317.

    5 Jean Monnet, Mémoires, Paris, Fayard, 1976.

    6 Nous saluons la richesse des fonds et la qualité de l’accueil à la Fondation, https://jean-monnet.ch.

    7 Nous ne développons pas ici la discussion sur les objectifs politiques et/ou économiques de la construction européenne. Cf. Alan S. Milward, Frances M. B. Lynch, Frederico Romero, Ruggero Ranieri et al., The Frontier of National Sovereignty. History and Theory, 1945-1992, Londres-New York, Routledge, 1993, John Gillingham, Coal, Steel, and the Rebirth of Europe, 1945-1955. The Germans and French from Ruhr Conflict to Economic Community, Cambridge, Cambridge University Press, 1991 ; F. M. B. Lynch, France and the International Economy. From Vichy to the Treaty of Rome, Londres-New York, Routledge, 1997.

    8 Un exemple de reconstruction, dans François Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, 116 p., https://archives.eui.eu/oral_history/INT529, p. 57. Cette note est ajoutée après l’entretien : « La même idée d’un marché régulé est le fondement du traité de Marché commun. Prendre en compte les distorsions que créent les fiscalités ou les interventions publiques, les réorientations de l’emploi qu’appel­lent les changements de direction de la demande ou les transformations techniques. L’instabilité irrationnelle des marchés les plus importants, que ce soit le change ou la bourse. Les atteintes à la concurrence par les ententes ou les concentrations excessives, voilà sur quoi économistes ou hommes d’affaires avertis peuvent converger, aussi bien les libéraux intelligents et des hommes plus à gauche, contre l’appel sans nuances au jeu du marché par des politiciens aussi prétentieux qu’incompétents. »

    9 Philippe Mioche, « Jean Monnet, homme d’affaires à la lumière de nouvelles archives », Parlement(s), 2007, hors-série n° 3, p. 55‑72 ; Gérard Bossuat, Jean Monnet, banquier, 1914-1945. Intérêts privés et intérêt général, Paris, IGPDE-Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2014, consultable en ligne, https://books.openedition.org/igpde/3780.

    10 Cf. les biographes de Jean Monnet : Éric Roussel, Jean Monnet, Paris, Fayard, 1995 ; François Duchêne, Jean Monnet: The First Statesman of Interdependence, New York-Londres, W. W. Norton & Company, 1994.

    11 F. Duchêne, Jean Monnet: The First Statesman of Interdependence, op. cit., p. 358.

    12 P. Mioche, « La triple malédiction de l’industrie de la machine-outil en France », dans Jean-François Belhoste, Serge Benoît, Serge Chassagne et P. Mioche (dir.), Autour de l’industrie : histoire et patrimoine. Mélanges offerts à Denis Woronoff, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2004, p. 589 et s. ; Roger Martin, Patron de droit divin, Paris, Gallimard, 1984.

    13 J. Monnet, Mémoires, op. cit., p. 280.

    14 Sur la question des relations de Jean Monnet avec les États-Unis, l’ouvrage essentiel demeure : G. Bossuat, La France, l’aide américaine et la construction européenne, 1944-1954, 2 vol., Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1997, consultables en ligne, http://books.openedition.org/igpde/2692 et https://books.openedition.org/igpde/2786.

    15 Stafford Cripps, 1889-1952, travailliste de gauche, président du Board of Trade dans le gouvernement Attlee (1945‑1951).

    16 J. Monnet, Mémoires, op. cit., p. 281.

    17 « La position de l’Amérique à l’égard de certains problèmes français », note pour Louis Joxe de Maurice Couve de Murville, 20 février 1945, Archives nationales (désormais AN) F60 1003, citée dans P. Mioche, Le plan Monnet. Genèse et élaboration, 1941-1947, Paris, Publications de la Sorbonne, 1987, p. 76, consultable sur https://books.openedition.org/psorbonne/70264.

    18 Première session du Conseil du Plan, Notes documentaires et études, n° 291, avril 1946 et Rapport général sur le 1er Plan de modernisation et d’équipement, Paris, La Documentation française, n° 208, novembre 1946, janvier 1947.

    19 Dominique Barjot (dir.), Catching up with America. Productivity Missions and the Diffusion of American Economic and Technological Influence after the Second World War, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2002 ; Régis Boulat, Jean Fourastié, un expert en productivité. La modernisation de la France (années trente-années cinquante), Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2008.

    20 Cf. Michel Margairaz, L’État, les finances et l’économie. Histoire d’une conversion, 1932-1952, 2 vol., Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, consultables en ligne, https://books.openedition.org/igpde/2276 et https://books.openedition.org/igpde/2320 ; François Fourquet, Les comptes de la puissance. Histoire de la comptabilité nationale et du plan, Paris, Encres, 1982.

    21 Cf. le passage ayant trait à la Ceca, mais les développements sur la productivité sont nombreux dans le plan Monnet, dans F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 30 ; Pierre Uri : « C’est une très belle déclaration [La déclaration Schuman]. La première version, je crois que c’est Hirsch qui l’a largement écrite, et puis je l’ai récrite le lendemain. C’est moi surtout qui ai introduit la notion de dispositions qui élèveraient le niveau de production au niveau de productivité le plus élevé. C’est la notion d’un marché bien organisé. Mais pas le marché comme le pense un Alain Madelin ou, par contagion, Monsieur Chirac, le marché, mais avec toutes les conditions pour que ça fonctionne bien. »

    22 Ibid., p. 7.

    23 Note du 5 août 1943 pour le gouvernement provisoire de la République française (GPRF), chap. VI, André Kaspi, La mission de Jean Monnet à Alger, mars-octobre 1943, Paris, Publications de la Sorbonne, 1971.

    24 Henri Rieben, Claire Camperio-Texier et Françoise Nicod, À l’écoute de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2004, p. 53. Texte souligné par nous avec une ponctuation de notre fait.

    25 É. Roussel, Jean Monnet, op. cit., p. 432.

    26 Témoignage cité Ibid., p. 428.

    27 P. Mioche, entretien avec Pierre Mendès France, 30 octobre 1981, dans P. Mioche, Le plan Monnet…, op. cit., p. 287.

    28 Ibid.

    29 Le Professeur Wilfried Loth évoque « les relations étroites de Jean Monnet avec Léon Blum », dans Fondation Jean Monnet pour l’Europe (dir.), Une dynamique européenne. Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe : méthode, action, influence, Paris, Economica, 2010.

    30 F. Duchêne, entretien avec P. Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 44 : « F. D. : L’affaire de prix était difficile pour des raisons techniques ou pour des raisons politiques aussi ? P. U. : Elle était difficile à cause des mauvaises habitudes de la sidérurgie qui est un cartel. F. D. : Soutenu par les gouvernements ? Si je comprends bien, à part on peut presque dire Monnet, les délégations voulaient maintenir un cartel ? P. U. : Enfin, pas dans des termes aussi explicites. Mais c’était très difficile de faire comprendre que la répartition rationnelle des ressources – on l’appelle en anglais allocation – ne serait correcte que si en réalité on se concurrençait sur les prix départ. La sidérurgie avait l’habitude, comme d’ailleurs le ciment, d’avoir des basing points, c’est-à-dire, ce n’est pas votre prix départ ; tout le monde fait des prix qui permettent que ce soit à un certain nombre de points de livraison le même prix, inévitablement, c’est cartellisé. »

    31 P. Mioche, « L’influence de la construction européenne sur les marchés et les produits de l’acier en France », dans P. Mioche et Denis Woronoff (dir.), L’acier en France : produits et marchés, de la fin du xviiie à nos jours, Dijon, Éd. universitaires de Dijon, 2006, p. 158‑175.

    32 P. Mioche, « La révolution des marchés de l’acier en France (1950-2002) », dans Éric Bussière, Michel Dumoulin et Sylvain Schirmann (dir.), Europe organisée, Europe du libre-échange ?, Bruxelles, PIE Peter Lang, 2006, p. 165‑175.

    33 F. Duchêne, entretien avec P. Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 48 : « F. D. : Je reviens à la négociation de la Ceca. Est-ce que vous vous souvenez de crises importantes dans le courant de cette négociation ? P. U. : Oui. Il y a eu une très grosse difficulté. C’était l’affaire des ententes et concentrations. Là, nous nous sommes servi des Américains. Il s’agissait de surmonter une réticence, je dirais même une résistance, allemande. Dans une certaine mesure, les articles 65 et 66 ont été rédigés par Bob Bowie. Enfin, en liaison avec nous. Je vois encore Jack McCloy venant à Paris, et nous nous sommes vraiment servi des Américains pour faire pression sur le gouvernement allemand. »

    34 P. Uri, Penser l’action, Un fondateur de l’Europe, Paris, Odile Jacob, 1991 ; J. Monnet, op. cit., 1976, p. 357 ; Alexandre Bota, « L’action européenne de Pierre Uri », maîtrise en histoire contemporaine de l’université Aix-Marseille I, juin 1997, 115 p. + annexes ; F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 22 : « Il y a un papier de moi pour expliquer qu’il ne s’agit pas d’un cartel parce que nous avions des problèmes avec Acheson. »

    35 Cité par Maria Grazia Melchionni, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », dans G. Bossuat et Andreas Wilkens (dir.), Jean Monnet, l’Europe et les chemins de la paix, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 223.

    36 Cf. les témoignages de Hans von der Groeben et d’Ulrich Meyer-Cording dans M. G. Melchionni et Roberto Ducci, La genèse des traités de Rome. Entretiens inédits avec 18 acteurs et témoins de la négociation, Paris, Economica- Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 2007.

    37 P. Mioche, Les cinquante années de l’Europe du charbon et de l’acier, 1952-2002, Luxembourg, Commission européenne, Office des publications, 2004.

    38 « La représentation des syndicats ouvriers est tout à fait insuffisante dans le Marché commun et dans l’Euratom », entretien avec Otto Brenner, président de l’IG Metall et membre du Comité, Le Monde, 8 décembre 1957.

    39 Harm G. Schröter, « Cartelization and Decartelization in Europe, 1870-1995: Rise and Decline of an Economic Institution », Journal of European Economic History, vol. 25, n° 1, 1996, p. 129.

    40 Dirk Spierenburg et Raymond Poidevin, Histoire de la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Une expérience supranationale, Bruxelles, Bruylant, 1993, p. 124.

    41 Tobias Witschke, Gefahr für den Wettbewerb ? Die Fusionskontrolle der Europäischen Gemeinschaft für Khol und Stahl und die « Rekonzentration » der Ruhrstahlindustrie, 1950-1963, Berlin, Akademie Verlag, 2009.

    42 D. Spierenburg et R. Poidevin, Histoire de la Haute Autorité…, op. cit. ; P. Mioche, « La vitalité des ententes sidérurgiques en France et en Europe de l’entre-deux-guerres à nos jours », dans D. Barjot, International Cartels Revisited. Vues nouvelles sur les cartels internationaux, 1880-1980, Caen, Éd. du Lys, 1994, p. 119‑128.

    43 La Commission, héritière de la Haute Autorité, mettra en œuvre avec succès l’article 58 pour la sidérurgie dans les années 1980. Cf. P. Mioche, « La CECA e la ristrutturazione europea del mercato siderurgico », dans Ruggero Ranieri et Luciano Tosi (dir.), La Comunità Europea del Carbone et delle’Acciao (1952-2002). Gli esiti del trattato in Europa e in Italia, Padoue, CEDAM, 2004, p. 85‑105.

    44 J. Monnet, Mémoires, op. cit., p. 460.

    45 H. Rieben, C. Camperio-Texier et F. Nicod, À l’écoute de Jean Monnet, op. cit., p. 105.

    46 Laurent Warlouzet, « La France et la mise en place de la politique de la concurrence communautaire (1957-1964) », dans É. Bussière, M. Dumoulin et S. Schirmann (dir.), Europe organisée…, op. cit., p. 175‑201.

    47 Préambule du traité de Rome.

    48 Pascal Fontaine, Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe de Jean Monnet, Lausanne, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, 1974.

    49 M. G. Melchionni, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », art. cité, p. 221. Nous ne souhaitons pas rentrer dans les discussions, assez byzantines, sur la définition du Comité.

    50 Ibid., p. 221‑251.

    51 Jean Meynaud et Dusan Sidjanski, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe », European Yearbook, vol. XLIII, 1965, p. 3‑26 : « Pour des raisons évidentes, des raisons qu’impose toute collaboration entre groupes partisans ou syndicalistes à couleurs différentes, le Comité fait abstraction des interprétations et des idéologies et se limite aux solutions graduelles et pragmatiques. C’est pourquoi il a évité de définir une politique à long terme ou de préciser certains aspects de l’Europe unie. Son action colle toujours à la réalité. »

    52 Martial Libera, « Jean Monnet et les personnalités allemandes du CAEUE », dans Fondation Jean Monnet pour l’Europe (dir.), Une dynamique européenne, op. cit.

    53 P. Mioche, « Le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe et la politique sociale européenne », dans Fondation Jean Monnet pour l’Europe (dir.), Une dynamique européenne, op. cit.

    54 Entre autres : Enrico Serra (dir.), Il rilancio dell’Europa ei trattati di Roma, Bruxelles-Milan-Paris-Baden-Baden, LGDJ, 1988 ; Gilbert Trausch (dir.), The European Integration from the Schuman Plan to the Treaties of Rome Contributions to the Symposium in Luxembourg, May 17‑19, 1989, Baden-Baden-Paris, Nomos Verlag-LGDJ, 1993.

    55 Max Kohnstamm, Témoignage dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit.

    56 L. Warlouzet, « La France et les négociations du traité de Rome (1955-1957) », http://www.cvce.eu/obj/laurent_warlouzet_la_france_et_les_negociations_du_traite_de_rome_1955_1957-fr-b5e074bc-e1fa-486f-9c85-be1ebeffa806.html ; idem, « Quelle Europe économique pour la France ? La France et le Marché commun industriel (1956-1969) », thèse sous la direction d’Éric Bussière, université Paris IV, 2007, 1 107 p.

    57 Jean Duret, « Le poids de l’Allemagne dans le Marché commun », Cahiers internationaux, n° 83, février 1957, p. 57‑67, https://www.cvce.eu/obj/jean_duret_le_poids_de_l_allemagne_dans_le_marche_commun_paris_fevrier_1957-fr-acd5ea09-7aa8-431b-8859-561e57a2852c.html

    58 « Note rose » du 27 août 1955, citée par Gilles Grin, « Jean Monnet, le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe et la genèse des traités de Rome », Relations internationales, n° 136, 2008, p. 28, www.cairn.info/revue-relations-internationales-2008-4-page-21.htm. Jean Monnet ajoute un peu plus loin : « Pourquoi les politiciens et les gouvernements veulent-ils ainsi enfermer les Français dans des formes nationales qui rendent nos problèmes insolubles […] ? Parce qu’ils sont conservateurs et en réalité réactionnaires et nationalistes. »

    59 J. Monnet, Allocution de à la deuxième conférence des syndicats chrétiens, Rome, 8‑10 mai 1962 ; AMK 43/3/41, Fondation Jean Monnet pour l’Europe.

    60 Robert Marjolin, Témoignage dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit., p. 323.

    61 M. Kohnstamm, Témoignage, ibid., p. 375.

    62 F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 92.

    63 G. Grin, « Jean Monnet, le Comité d’action pour les États-Unis d’Europe… », art. cité.

    64 Johannes Linthorst Homan et M. Kohnstamm, Témoignages dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit., p. 68.

    65 F. Duchêne, entretien avec Pierre Uri, 22 avril 1988, art. cité, p. 81 : « F. D. : Le traité est devenu plus libéral surtout parce qu’on ne l’a pas appliqué. P. U. : Exactement. On n’a jamais fait la politique des transports, la coordination des politiques économiques. »

    66 Témoignages de H. von der Groeben et M. Kohnstamm dans M. G. Melchionni et R. Ducci, La genèse des traités de Rome…, op. cit., p. 119.

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    Mioche, Philippe. « Jean Monnet et les marchés ». Concurrence et marchés, édité par Patrick Fridenson et al., Institut de la gestion publique et du développement économique, 2023, https://doi.org/10.4000/books.igpde.16890.

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    Fridenson, P., Monnier, F., & Rigaudière, A. (éds.). (2023). Concurrence et marchés (1‑). Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840
    Fridenson, Patrick, François Monnier, et Albert Rigaudière, éd. Concurrence et marchés. Vincennes: Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2023. https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840.
    Fridenson, Patrick, et al., éditeurs. Concurrence et marchés. Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2023, https://doi.org/10.4000/books.igpde.16840.
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