1La transversalité se définit négativement par opposition à la spécialisation et renvoie à la collaboration entre acteurs, habituellement séparés, autour de problématiques et d’enjeux communs. En opposition au modèle d’organisation bureaucratique de type wébérien/taylorien fondé sur la division horizontale des activités, la recherche de transversalité est un objectif revendiqué régulièrement dans les politiques de modernisation publiques, qu’elles concernent l’organisation administrative ou les politiques publiques. La récurrence de la recherche de transversalité s’explique par la prégnance croissante de problèmes transversaux par nature, qu’il s’agisse des risques majeurs, des problèmes dits épineux ou interstitiels.

La transversalité de l’action publique

2La notion de transversalité, en supposant la coopération d’une pluralité d’acteurs internes ou externes conduit à adopter une analyse géographique/territoriale de l’action publique, qu’il s’agisse du niveau local, national ou international. Ici, la transversalité désigne essentiellement l’action publique en réseau ou partenariale.

3L’extension progressive des compétences et de l’influence des collectivités locales tout comme le modèle de gouvernance tripartite promu par les Nations Unies depuis les années 1990 – et notamment le Pacte mondial – sont autant d’exemples de transversalité de l’action publique. Le Pacte vert (Green Deal) de l’Union européenne peut être considéré comme une action publique nécessairement transversale.

4Ces modes d’action publique se caractérisent par la mise en œuvre de différentes formes de collaboration entre l’État et ses démembrements, mais aussi entre, d’une part, les pouvoirs publics locaux, nationaux, internationaux et transnationaux et, d’autre part, les organisations de la société civile (organisations non gouvernementales, syndicats, médias, chercheurs, organisations confessionnelles, culturelles ou de jeunesse) et les entreprises.

5Au niveau territorial, ce phénomène se traduit par une multiplication des organisations de coopération telles que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). De même, les instruments de financement par projet tels que les fonds de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou les fonds européens visent justement à amener les acteurs à agir conjointement sur leur territoire.

6De façon plus fondamentale, l’action publique westphalienne, caractérisée par la création de normes étatiques appliquées à une population sur un territoire se double d’une action publique transversale. Cette action publique se caractérise par la création de normes et de processus transnationaux appliqués à des produits ou à des secteurs. Les exemples de transversalité de cette nature sont nombreux : régulation de la concurrence, régulation des pratiques sportives, protection du climat (Luhmann, 1995). Les notions de sphère d’influence ou de chaîne de valeur jouent un rôle important dans la mise en œuvre de ces actions publiques aux effets extraterritoriaux.

La transversalité des politiques publiques

7Au niveau des politiques publiques, une politique peut être qualifiée de transversale lorsqu’elle ne correspond pas aux classifications traditionnelles utilisées pour délimiter les champs d’action des pouvoirs publics. De fait, l’administration publique est, historiquement, organisée autour de certains domaines d’intervention, par exemple, le logement, l’éducation, l’emploi, l’insertion. Les modes d’organisation transversaux sont articulés autour de missions spécifiques qui concernent plusieurs de ces compétences générales.

8En France, la politique de la ville des années 1980, les contrats de développement locaux des années 1990 ou l’actuel Haut-Commissariat au Plan et les missions interministérielles sont des exemples de politiques publiques transversales. L’action est transversale dans la mesure où elle concerne différentes politiques sectorielles qui, par ailleurs, conservent leur autonomie propre.

9La transversalité est alors présentée comme un moyen de renforcer l’efficacité des politiques publiques, de redéfinir certains de leurs enjeux de manière plus pertinente et de rationaliser les coûts de l’action publique lorsque la transversalité est accompagnée de mutualisations. La mise en place de telles politiques permet aussi la communication politique autour des moyens alloués à ces missions particulières à partir de moyens préexistants.

La transversalité dans les organisations publiques

10Dans l’organisation, la transversalité est réapparue comme nécessaire à la résolution de problèmes épineux (wicked issues). « Il s’agit de l’aspiration à une coordination horizontale et verticale afin d’éliminer les situations dans lesquelles différentes politiques se nuisent mutuellement, de manière à mieux utiliser des ressources limitées, à créer des synergies en rassemblant différentes parties prenantes dans un domaine d’action particulier et à offrir aux citoyens un accès transparent plutôt que fragmenté aux services » (Christensen et al., 2007). Cette approche est notamment désignée sous le terme de Whole-of-Government Approach.

11Il s’agit ici de réinterroger les pratiques liées à la mise en œuvre d’un management de la performance organisé autour d’organisations à but unique et autonome vis-à-vis des pouvoirs centraux. Cette organisation peut effectivement conduire à ignorer, en pratique, les problèmes concernant plusieurs organisations. De même, le risque d’une telle organisation est de réduire les leviers d’action et d’information des autorités politiques et administratives. Ces autorités sont pourtant, dans de nombreux cas, considérées comme responsables des échecs constatés, y compris lorsque leur influence dans le domaine considéré est faible.

12Une part importante des composantes des politiques de réformes visent via des leviers financiers, structurels ou culturels, à favoriser ou rendre obligatoire cette transversalité : chef de file, organisation par projets, gestion de projet, tiers lieux, laboratoire d’innovation.