1La sanction est une décision qui émane d’une autorité et qui vise à réprimer un comportement fautif, l’inobservation de règles juridiques. Classiquement, la sanction peut être judiciaire (civile ou pénale), lorsqu’elle émane d’une juridiction, ou administrative, lorsqu’elle émane d’une autorité administrative. La sanction peut aussi être disciplinaire.

2Avec la mise en place de la gouvernance tripartite qui émerge sous l’égide des Nations Unies à partir des années 1990, des sanctions transnationales se développent – transposant une logique managériale en droit. La sanction transnationale, notamment appliquée par l’entreprise, s’ajoute donc à la sanction publique, émanant des administrations et des juridictions : le management public se fait transnational.

Les sanctions étatiques

3Les sanctions judiciaires sont civiles ou pénales. Les premières sont nombreuses : le paiement de dommages et intérêts, l’anéantissement de l’acte juridique ou la cessation du trouble en sont quelques exemples. En droit de la concurrence, l’action en réparation occupe une place importante. L’introduction de dommages et intérêts punitifs consacre l’existence d’une responsabilité civile punitive (Lasserre, 2015). La fonction sanctionnatrice de la responsabilité civile est ainsi admise, même en droit français. Quant aux sanctions pénales, elles ont souvent accompagné l’émergence de nouveaux droits : droit économique, droit social, droit des biotechnologies. La question de l’opportunité de la sanction pénale est un problème central.

4Les sanctions administratives auxquelles le management public portera un intérêt particulier intéressent le chercheur spécialiste des organisations publiques. Ce sont généralement des sanctions pécuniaires, des blâmes, des suspensions ou interdictions d’activités, des retraits d’autorisation ou d’agrément, des assignations à résidence. En principe, seules les sanctions pénales peuvent constituer une privation de liberté (Conseil constitutionnel, 28 juillet 1989, Commission des opérations de bourse, COB).

5À travers les sanctions administratives, l’administration dispose du pouvoir exorbitant de se faire justice elle-même. Les sanctions administratives, très répandues sous le régime de Vichy, se sont de nouveau développées notamment à partir des années 1980. Le Conseil constitutionnel a tout d’abord condamné ces sanctions (Conseil constitutionnel, 10 et 11 octobre 1984, Entreprises de presse), avant de les admettre (Conseil constitutionnel, 28 juillet 1989, COB) et de chercher à les encadrer.

6Quatre garanties constituent cet encadrement. En premier lieu, les régimes de sanction administrative ne peuvent être institués que par la loi. En deuxième lieu, la sanction administrative ne peut pas constituer une privation de liberté (Conseil constitutionnel, 28 juillet 1989, COB). En troisième lieu, les garanties associées au droit à un procès équitable s’appliquent aussi lorsqu’il est question de sanctions (Conseil d’État, sect. 28 juillet 1999, Groupement d’intérêt économique GIE Mumm-Perrier-Jouët). En quatrième lieu, les peines doivent être conformes à la Déclaration de 1789 (art. 8). Ce dernier point implique le respect de quatre principes : la légalité des incriminations et des sanctions ; la proportionnalité des sanctions par rapport aux infractions ; la non-rétroactivité de la loi d’incrimination plus sévère ; et le droit de la personne poursuivie de se défendre avant d’être sanctionnée.

7En droit français, trois types d’autorités administratives sont habilitées par le législateur à infliger des sanctions administratives. Il s’agit, premièrement, des autorités administratives indépendantes soustraites au pouvoir des ministres telles que l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), l’Autorité des marchés financiers (AMF) ; deuxièmement, de certaines personnes privées chargées de missions de service public telles que les fédérations sportives ; troisièmement, des autorités exécutives telles que les ministres et les préfets.

8Les sanctions disciplinaires peuvent être infligées à un agent public, par l’administration, à l’employé, par son employeur, ou à un professionnel, par l’ordre professionnel dont il dépend. D’une façon générale, ces sanctions doivent être motivées et sont contrôlées par le juge.

Les sanctions transnationales

9Les sanctions internationales n’ont pas de réalité, dans la mesure où ces sanctions ne s’appliquent que dans le cas d’une acceptation de la sanction au travers du mécanisme de la compétence internationale qui repose sur une acceptation de compétence. En revanche, il est possible de considérer l’existence de sanctions transnationales.

10La première source des sanctions transnationales provient du rapport intitulé Agenda pour la paix de Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations Unies, publié en 1992. Sa mise en application progressive, autour des propositions de Kofi Annan, aboutit notamment à l’adoption du cadre Protéger, respecter et réparer : un cadre pour les entreprises et les droits de l’Homme proposé par John Ruggie (2008) puis à l’adoption des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux Droits de l’homme pour la mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » (2011) et du Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises (2018). Cet ensemble de textes est aujourd’hui notamment complété par la résolution du Parlement européen du 10 mars 2021 contenant des recommandations à la Commission sur le devoir de vigilance et la responsabilité des entreprises et par la proposition de la Commission sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité du 23 février 2022.

11Les mécanismes transnationaux de sanction s’appuient sur ces normes qui permettent de rechercher la responsabilité de l’entreprise, pour des défauts de vigilance en matière de droits humains. La vigilance de l’entreprise doit notamment porter sur les activités de ses partenaires commerciaux et de ses sous-traitants, de façon transnationale. Dans ce cadre, des sanctions peuvent être prononcées contre des partenaires commerciaux. Ces derniers peuvent se voir écartés de certains marchés ou contraints de mettre en place certaines mesures de contrôle.

12De telles sanctions sont le fait des entreprises donneuses d’ordre. De même, des organisations professionnelles peuvent être amenées à prononcer ces sanctions. Il en est ainsi de structures comme le Forest Stewardship Council, organisme professionnel transnational susceptible de sanctionner les acteurs de l’industrie forestière. Ces sanctions sont notamment encadrées, d’une part, par les normes du droit de la concurrence, d’autre part par des juridictions ou quasi-juridictions – notamment les cours arbitrales (Favreau, 2020).

13Ce sont ainsi des sanctions transnationales, expression de normes professionnelles appliquées à des activités et à des produits qui viennent s’ajouter aux sanctions administratives nationales, expression de la loi, appliquées à des populations sur un territoire.