Risques psychosociaux
p. 613-615
Texte intégral
1La notion de risques psychosociaux (RPS) a été élaborée dans le but de mesurer la gravité des impacts néfastes du travail et de ses évolutions sur les individus (Wolff, Clot, 2015). Dans la continuité du rapport Nasse-Légeron produit en 2008, le rapport Gollac conçoit les RPS comme des « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » (Gollac, Bodier, 2011, p. 31).
Une notion toujours controversée
2Le rapport Gollac distingue plusieurs facteurs psychosociaux : l’intensité du travail, les exigences émotionnelles, la faible autonomie, la mauvaise qualité des rapports sociaux au travail, les conflits de valeurs, l’insécurité au travail, la déconsidération et le manque de reconnaissance de la part des usagers (publics difficiles). Les RPS peuvent revêtir diverses formes : la souffrance, le stress, les violences internes et externes, le déséquilibre des univers de vie, l’épuisement, etc. Les RPS constituent donc une notion multidimensionnelle, multi-déterminée et controversée. Ses antécédents et effets se confondent et les modèles théoriques qui l’analysent sont généralement ceux du stress.
3Deux approches théoriques des RPS coexistent : l’approche déterministe et l’approche compréhensive. La première renvoie à une analyse quantitative centrée sur l’étude statistique des facteurs de RPS par le biais d’un questionnaire standardisé. La seconde approche moins répandue que la première s’intéresse à l’analyse qualitative des situations de travail. Plus contextualisée que l’approche précédente, elle mobilise des entretiens et des observations pour comprendre le sens qu’attribuent les travailleurs à leurs activités réelles.
Un secteur public à la peine face à ses obligations légales
4L’émergence des RPS dans certaines organisations publiques est généralement associée aux difficultés d’adaptation des agents à de multiples objectifs et attentes : accomplir une mission de service public de qualité, satisfaire des impératifs de gestion dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, répondre à l’accroissement et à la diversité des demandes sociales. Des exigences qui sont vécues comme des injonctions contradictoires qui s’ajoutent à la faible évolution de la grille indiciaire de la majorité des agents favorisant ainsi l’émergence des RPS. Les RPS traduisent alors des situations d’inadéquation qualitative entre les contraintes et les ressources perçues par les agents. Ce déséquilibre perçu peut engendrer une perte de sens du service public susceptible de réduire l’attractivité des emplois publics, la mobilisation des agents et l’efficacité des politiques mises en œuvre (Bartoli, Trosa, 2016).
5Depuis 2013, en France, tout employeur public doit élaborer un plan d’évaluation et de prévention des RPS. L’exposition aux RPS varie selon les spécificités des organisations, des métiers et des caractéristiques personnelles des agents. La fonction publique hospitalière « est nettement plus exposée que les autres versants de la fonction publique et le secteur privé, à l’intensité et la complexité du travail, aux exigences émotionnelles, aux conflits de valeurs, à l’insécurité de la situation de travail et aux contraintes physiques et environnementales » (Zilloniz, Baradji, 2016, p. 3) ; ce qui n’empêche pas les agents de la fonction publique de l’État d’être aussi exposés.
6Malgré des controverses sur les relations de causalité entre les RPS et le suicide au travail, de nombreux rapports nationaux font le lien entre le suicide de certains agents (policiers, gendarmes, enseignants, travailleurs sociaux, etc.) et la dégradation de leurs conditions de travail. Le caractère multifactoriel des conduites suicidaires au travail entraîne une remise en cause par certains acteurs de l’impact direct des RPS et complexifie l’identification des responsabilités.
7Les résultats de l’enquête européenne sur les risques nouveaux et émergents publiés en 2019 montrent que la prévention des RPS n’est pas systématique dans le secteur public. Malgré la diffusion des outils d’évaluation des RPS au sein des administrations, la plupart d’entre elles rencontrent des difficultés à gérer les principaux RPS, notamment la pression temporelle et le fait d’avoir à traiter avec certains usagers difficiles. L’efficacité des actions de prévention et d’accompagnement du personnel en souffrance nécessite une approche contextualisée centrée sur une expression directe des agents et une adaptation de la prise en charge en fonction des métiers et des conditions dans lesquelles ils s’exercent (travail en présentiel et/ou en distanciel).
Bibliographie
Bartoli Annie, Trosa Sylvie (dir.), Les paradoxes du management par le sens, Rennes, Presses de l’EHESP, 2016.
Gollac Michel, Bodier Marceline (dir.), « Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser », rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail faisant suite à la demande du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Santé, Dares, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, 2011, https://www.santetravail-fp.fr/risques-psychosociaux/comprendre/les-grands-modeles-danalyse.
Wolff Loup, Clot Yves, « Faut-il encore parler des RPS ? », Revue de droit du travail, 2015, n° 4, p. 228‑233.
Zilloniz Sandra, Baradji Eva, « Exposition aux risques professionnels et psychosociaux au travail : une analyse globale », Département des études, des statistiques et des systèmes d’information, DGAFP, Point Stat, 2016, n° 30, dossier spécial.
Auteur
Maître de conférences HDR, université de Bretagne occidentale.
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