1L’administration dispose de trois types de décisions administratives. Dans un premier cas, elle ne dispose même d’aucun pouvoir d’appréciation et se trouve dans une situation de compétence liée. La décision administrative devient alors une simple application de la loi. Lorsque certains éléments de fait prévus par la loi – par exemple la preuve d’un revenu inférieur à une somme donnée – sont transmis à l’administration selon des procédures prédéterminées, l’administration est tenue de rendre une décision prédéterminée – par exemple le versement de certaines prestations.

2Dans un deuxième cas, l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation. Ici, des éléments de fait sont appréciés par l’administration. Par exemple, en droit des étrangers, des éléments tels que « la bonne intégration à la société française » ou « le sérieux des études suivies » sont appréciés par l’administration.

3Dans un troisième type de cas, l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire. Ici, la loi donne une compétence particulière à une autorité administrative et ne subordonne pas la prise de décision à des éléments de fait prédéterminés.

Du pouvoir discrétionnaire au contrôle juridictionnel

4Historiquement, le juge n’exerçait pas de contrôle sur les décisions discrétionnaires de l’administration. Depuis le début du xx^e siècle, il existe un contrôle minimal portant sur l’erreur manifeste d’appréciation. Actuellement, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’administration est contrôlé par le juge administratif du point de vue de la compétence de l’auteur de la décision, de la légalité des motifs et de la régularité du but de l’acte. Par ailleurs, toute décision administrative peut être l’objet d’un contrôle du juge qui porte sur l’inexactitude matérielle, l’erreur de droit, le détournement de pouvoir et l’erreur manifeste d’appréciation.

5Il faut enfin noter que l’Union européenne (UE) mène une politique de juridictionnalisation des différends, particulièrement dans le domaine du commerce international. Les différends qui opposent les entreprises et les autorités administratives de l’UE sont, de plus en plus, à l’initiative de l’administration, tranchés devant les juridictions – et non réglés au moyen d’accords. L’UE, après avoir négocié de nombreux traités, entend ainsi les faire appliquer (Hervé, 2020). Ici, l’­efficacité d’une bureaucratie ne dépend pas nécessairement de l’étendue du pouvoir discrétionnaire accordé aux autorités administratives.

Littérature managériale sur le pouvoir discrétionnaire

6Le management public s’interroge sur l’étendue du pouvoir discrétionnaire qu’il convient d’accorder aux administrations.

7La littérature retient de Max Weber l’idée selon laquelle les agents publics doivent adopter des comportements impersonnels. Les intérêts des agents et de l’administration sont ainsi clairement séparés. L’autonomie de l’administration permet alors de garantir la continuité de la démocratie malgré l’existence de cycles politiques.

8Des années 1930 à 1970, ces positions sont discutées. Alvin Ward Gouldner affirme que la discipline et l’impersonnalité sont susceptibles de réduire l’engagement des fonctionnaires et l’accomplissement des objectifs de l’administration. Robert K. Merton, de même, critique M. Weber, en constatant qu’une trop grande formalisation des règles administratives ne permet pas une adaptation cohérente à l’environnement et à ses changements.

9Dans les années 1980-1990, le New Public Management met l’accent sur la professionnalisation et la loyauté des hauts fonctionnaires. La neutralité des agents publics est remise en question. En soutien aux intérêts de certains industriels, des auteurs comme William A. Niskanen considèrent que les agents publics tendent à maximiser les budgets qui leur sont alloués afin de servir leurs intérêts personnels. Cette littérature propose la mise en œuvre de codes éthiques et la limitation des pouvoirs de l’administration, réputée arbitraire.

10Plus récemment, la littérature met l’accent sur l’importance prise par les réseaux de fonctionnaires et d’organisations de la société civile, notamment lorsqu’il s’agit de développer les expertises nécessaires à l’efficacité de l’action publique (Falanga, 2018).