Interopérabilité
p. 401-403
Texte intégral
1L’interopérabilité est la propriété des systèmes ou des organisations à travailler ensemble. À l’heure de la transformation digitale dans la fonction publique, et au-delà des questions technologiques, l’interopérabilité interroge la capacité des organisations à s’échanger les informations et à mettre en place des processus et des pratiques communes afin de faciliter la prestation de service à l’usager. L’interopérabilité contribue à la promesse de simplification administrative, notamment avec le principe Once & Only ou « dites-le-nous une fois », dans la mesure où elle réduit le nombre d’intermédiaires (désintermédiation) et permet de mutualiser les informations à travers des plateformes. L’essor de digitalisation enclenché dans les organisations publiques contribue au développement de l’interopérabilité, qui en retour incite les organisations publiques à se digitaliser davantage. La digitalisation et l’interopérabilité participent, mutuellement et alternativement, au processus de transformation des organisations publiques.
2Si la mise en œuvre de l’interopérabilité est déjà difficile à l’échelle d’un service ou d’une organisation, elle devient particulièrement délicate lorsqu’elle mobilise plusieurs organisations à une échelle nationale et internationale. Ainsi, la lutte contre la criminalité transnationale est un exemple de coopération internationale qui repose sur une mise en interopérabilité déclinable en cinq niveaux de maturité (Gottschalk, 2009). Outre la compatibilité technique nécessaire à une bonne transmission des informations, le premier niveau l’interopérabilité nécessite une standardisation sémantique (accord partagé sur la signification des termes utilisés afin d’éviter les incompréhensions).
3Le second niveau consiste à travailler sur l’alignement des processus de travail entre organisations pour fluidifier la transmission des informations. Dans l’exemple de la criminalité internationale, cela consiste en la mise en place d’une base de données mondiale, alimentée par l’ensemble des États membres sur la base de protocoles d’accords multilatéraux. Un fichier favorise l’échange d’informations en temps réel entre les États et permet une traçabilité et une analyse plus pointue des dossiers consultés. Le partage d’information et le développement des interactions entre les organisations contribuent à améliorer la connaissance collective (troisième niveau de maturité), elle-même source de création de valeur (quatrième niveau). Toutefois, cette collaboration ne peut être efficace que si les objectifs stratégiques propres à chaque organisation rejoignent l’objectif commun accepté (cinquième niveau). Il ne peut y avoir d’objectifs contradictoires ou intéressés.
4Si les recherches permettent une meilleure compréhension des enjeux liés au développement de l’interopérabilité, des programmes d’aide permettent d’accompagner les organisations publiques à opérer cette transformation. Ainsi, L’UE défend le programme Interoperability solutions for public administrations, businesses and citizens (ISA) qui propose des solutions pour les administrations publiques européennes, les entreprises et les particuliers. En France, le projet FranceConnect est une solution proposée par l’État pour sécuriser et simplifier la connexion de plus de 700 services en ligne à destination des usagers des services publics.
5Un certain nombre d’obstacles persistent néanmoins dans la mise en œuvre efficace de l’interopérabilité (Scholl, Klischewski, 2007). Les services de l’État sont cloisonnés, la communication est parfois difficile là où l’interopérabilité nécessite un travail collaboratif et réactif dans une structure qui se veut plus horizontale ou en mode projet. Les traitements de l’information varient selon les services et sont très réglementés juridiquement, les données étant parfois confidentielles (par exemple, le secret médical). À ceci s’ajoutent des inégalités liées à la fracture numérique et technologique même si les pouvoirs publics travaillent à les réduire. Enfin, la multiplicité des acteurs aux intérêts parfois divergents complique la prise de décision publique.
6L’interopérabilité soulève enfin la question de la confiance au sein du réseau d’acteurs. La gouvernance de ce réseau se met en place de manière autonome par ajustement mutuel entre tous les acteurs ou par la désignation d’un « chef d’orchestre » qui vient réguler le fonctionnement collaboratif. La confiance est nécessaire tant entre les acteurs, pour générer des collaborations inter organisationnelles efficaces, qu’au niveau des données collectées afin qu’elles soient sécurisées. Le règlement général sur la protection des données (RGPD) responsabilise les organismes privés et publics dans la collecte et le traitement des données afin de garantir une utilisation respectueuse de la vie privée des personnes.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Gottschalk Petter, « Maturity levels for interoperability in digital government », Government Information Quarterly, 2009, 26, p. 75‑81.
10.1016/j.giq.2008.03.003 :Scholl Hans Jochen, Klischewski Ralf, « E-Government Integration and Interoperability: Framing the Research Agenda », International Journal of Public Administration, 2007, vol. 30, n° 8, p. 889‑920.
Auteur
-
Christelle Perrin
Maître de conférences, laboratoire de recherche en management (Larequoi), ISM-IAE de l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Gouverner les territoires
Antagonismes et partenariats entre acteurs publics
Giuseppe Bettoni (dir.)
2011
Les réorganisations administratives
Bilan et perspectives en France et en Europe
Julien Meimon (dir.)
2008
Évaluer les politiques publiques pour améliorer l’action publique
Une perspective internationale
Sylvie Trosa (dir.)
2009
Économie sociale et solidaire
De nouveaux référentiels pour tempérer la crise
Florence Jany-Catrice, Nicolas Matyjasik et Philippe Mazuel (dir.)
2014
L’éthique de la gestion publique
Stratégies nationales et internationales de prévention de la corruption
Marcel Guenoun et Jean-François Adrian (dir.)
2016
Économie sociale et solidaire et État
À la recherche d’un partenariat pour l’action
Jean-Claude Barbier (dir.)
2017
L’avenir des administrations locales en Europe
Leçons tirées de la recherche et de la pratique dans 31 pays
Geert Bouckaert, Sabine Kuhlmann et Christian Schwab (dir.)
2018
Faire preuve par le chiffre ?
Le cas des expérimentations aléatoires en économie
Arthur Jatteau
2020
Encyclopédie du management public
Manel Benzerafa-Alilat, Danièle Lamarque et Gérald Orange (dir.)
2022