1L’innovation managériale peut être définie comme « l’invention et la mise en œuvre d’une pratique managériale, d’un processus managérial, d’une structure ou d’une technique managériale, qui sont nouveaux pour l’état de la connaissance dans l’intention de réaliser les objectifs organisationnels » (Birkinshaw et al., 2008). C’est une question relativement récente dans la littérature académique, comparativement à l’innovation technologique. Les innovations technologiques sont en effet plus tangibles, objectives et maîtrisables, alors que les innovations managériales restent plus subjectives, immatérielles et complexes, car souvent humaines et sociales. Pourtant, Gary Hamel et Bill Breen (2008) indiquent que « seule l’innovation managériale a la capacité de créer des avantages à long terme », expliquant l’intérêt plus récent pour ce thème dans la littérature académique. Il est d’ailleurs pris en compte par de nombreuses institutions publiques, comme la Direction interministérielle à la transformation publique (DITP, ex-Secrétariat général à la modernisation publique – SGMap) à l’échelle nationale, ou encore le Lab’AATF (Association des administrateurs territoriaux de France) à l’échelle locale.

2Plusieurs définitions de l’innovation managériale prennent leurs origines dans les pratiques du secteur privé. Si nous voulons rendre plus spécifique cette définition au secteur public, il est alors possible de s’appuyer sur la double fonction de production des organisations publiques définie par Patrick Gibert (1986). Dans ce cadre, l’innovation managériale concerne clairement la première fonction de production, endogène et centrée sur le triptyque objectifs/ressources/réalisations. Les formes d’innovation managériale publique peuvent alors concerner plusieurs logiques, de manière isolée ou combinée :

• une logique stratégique, en se centrant sur les relations en amont entre l’organisation publique et son environnement : exemple, par la mise en œuvre d’une analyse des besoins sociaux, ou l’émergence d’un nouveau modèle stratégique liant acteurs publics et privés ;

• une logique organisationnelle, en se focalisant sur la maîtrise des processus et ressources structurelles : exemple, par le recours à la mutualisation, la mise en œuvre d’une politique d’achats publics au-delà de la seule commande publique, ou par l’application du lean management ;

• une logique RH, en accompagnement au changement, en gérant les risques psycho-sociaux, ou en améliorant les conditions de la qualité de vie au travail ;

• une logique technologique, en développant la dématérialisation, les systèmes d’aide à la décision, l’open-data ou encore l’e‑démocratie ;

• et, enfin, une logique de service à l’usager, en participant à la modernisation des services publics existants, que cela soit sur leur forme, leur contenu, ou leur niveau de qualité.

3Ces innovations managériales répondent en outre à différentes mutations du contexte public, qu’elles soient de nature financière, démocratique, politique, ou encore productives. Ainsi, elles permettent de prendre en compte l’augmentation de la complexité organisationnelle publique et des tensions associées. À défaut, le décalage entre mutations contextuelles et inertie interne peut participer, non seulement, à une érosion des ressources organisationnelles, marquée par exemple par une dégradation des conditions de travail et des performances RH, mais aussi à une érosion des ressources individuelles, repérée par une perte de la motivation au travail ou une augmentation de l’absentéisme et du turn-over (Safy-Godineau et al., 2020).

4Toutefois, même si elles semblent nécessaires, un certain nombre de recherches font état d’un taux d’échec ou d’insatisfaction importants, en particulier en ce qui concerne des innovations managériales de type management par la performance (Van Dooren, Thijs, 2010). Bien que plébiscitées, ces innovations ont ainsi du mal à s’implanter durablement et à produire des résultats significatifs au sein du secteur public. Face à ces difficultés et aux enjeux associés à l’innovation managériale publique, la compréhension des processus d’innovation s’est alors progressivement imposée comme un thème majeur de recherche et d’analyse, aussi bien pour les praticiens que pour les acteurs académiques. Dans ce cadre, des auteurs mettent en évidence l’importance des facteurs humains, techniques et contextuels dans l’émergence de l’innovation managériale locale, en insistant particulièrement sur l’intérêt du leadership politique et administratif (Carassus et al., 2013).