1Le terme haute fonction publique ne renvoie pas à une réalité juridique précise. Il englobe les très hauts emplois publics, pour lesquels le recrutement se fait souvent par la voie d’écoles. Ces emplois ne se confondent pas avec les emplois supérieurs pour lesquels la nomination est laissée à la décision ou à la discrétion du gouvernement (art. 25 de la loi n° 84‑16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État [FPE], dite titre II du statut général, art. L. 341‑1 et 341‑2 CGFP). Les personnels occupant des hauts emplois de la fonction publique étaient jusqu’à présent soumis au statut général de la fonction publique de l’État.

Une spécificité française

2Le haut fonctionnaire appartient à un corps d’encadrement supérieur de l’État, de catégorie A+ qui désigne l’ensemble des corps ou emplois fonctionnels dont l’indice terminal du grade supérieur est au moins égal à hors échelle B (HEB). Elle englobe les corps de direction des administrations comme le corps préfectoral, dont la fonctionnalisation (donc la disparition en tant que corps) est réalisée par le décret n° 2022‑491 du 6 avril 2022, certains emplois du corps des magistrats de la justice judiciaire et de la justice administrative, les corps d’inspection générale, les corps supérieurs de l’enseignement et de la recherche, certains corps techniques. Il est issu d’une grande école (ex. École nationale d’administration, École polytechnique, École nationale supérieure…) et a vocation à exercer des fonctions d’encadrement supérieur et de direction et des fonctions de responsabilité importantes. Il est recruté par la voie d’un concours d’accès à une grande école, suit une formation et intègre ensuite l’un des grands corps de l’État (Conseil d’État, Inspection générale des finances, Cour des comptes). Il suit un déroulement de carrière classique, et peut accéder à un emploi à la décision du gouvernement.

3Ces écoles qui préparent à la haute fonction publique sont une spécificité française, les autres pays, principalement européens, retenant une approche plus ouverte. Le choix historique fait par la France encourt désormais de nombreuses critiques : le passage par ces écoles façonnerait un moule du haut fonctionnaire (Bellier, 1992), largement déconnecté des problématiques de terrain, enfermé dans des approches technocratiques et incapable d’envisager des mécanismes opérationnels (Corbier, 2019) ; une telle formation couperait les « élites » administratives de la population. La crise des Gilets jaunes en France a ainsi mis en évidence ce rejet d’une élite formée pour diriger l’administration française sans aucun lien avec les préoccupations quotidiennes des citoyens. La critique majeure a porté sur des politiques publiques ne répondant pas aux aspirations de la population, construites sans leur participation, et donc contestées. La volonté de réforme passe donc par une meilleure représentativité de la société et de sa diversité au sein de la haute fonction publique (Pochard, 2012).

Les évolutions majeures actuelles

4Elles sont de trois ordres et souhaitent répondre aux critiques récurrentes formulées depuis plus de trente ans. Certaines évolutions avaient été proposées, mais c’est une véritable révolution à laquelle on assiste aujourd’hui.

Une féminisation de la haute fonction publique

5Plusieurs textes imposent des pourcentages de femmes dans les emplois de direction et dans la haute administration de manière plus large, pour éviter le « plafond de verre ». Ce nombre demeure insuffisant.

Remplacement de l’ENA par l’INSP

6Le président de la République a annoncé en 2021 la disparition de l’ENA, remplacée par l’Institut national du service public (INSP), pour assurer un recrutement de la haute fonction publique plus représentatif de la société. Cette déclaration a été concrétisée par l’ordonnance n° 2021‑702 du 2 juin 2021 portant réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique de l’État. La transformation de l’ENA a pour objectif de modifier la formation initiale et continue des futurs hauts fonctionnaires. C’est dans cette perspective qu’ont été créées les classes Talents à la suite des classes préparatoires intégrées. Les nouveaux diplômés de l’INSP ne pourront plus intégrer directement un grand corps de l’État ; ils devront d’abord exercer des fonctions opérationnelles, sur le terrain, avant d’accéder à un emploi de direction (ord. préc., art. 7 et suivants ; décret n° 2021‑1216 du 22 septembre 2021). Cette évolution est supposée permettre aux hauts fonctionnaires de mieux connaître les administrés. Le recrutement serait également diversifié. A également été créé un corps des administrateurs de l’État par décret n° 2021‑1550 du 1^er décembre 2021, désormais, il sera impossible à un lauréat de l’INSP d’être recruté directement dans un grand corps de l’État comme le Conseil d’État ou une Inspection.

Ouverture de la haute fonction publique aux contractuels

7Les textes ont ouvert le recrutement des emplois de direction aux contractuels. Ce mécanisme, prévu par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique pour les trois fonctions publiques, a été précisé par le décret n° 2019‑1594 du 31 décembre 2019 relatif aux emplois de direction de l’État. Seraient ainsi concernés les emplois de chef de service ou de sous-directeur d’administration centrale, de directeur général des services de communes de plus de 40 000 habitants ou encore de directeur adjoint d’hôpital. Pour l’État, cela représente environ 3 000 emplois. Les candidats, qui doivent justifier d’une expérience professionnelle, sont recrutés selon une procédure permettant de respecter l’égalité et l’impartialité. Ils bénéficient alors d’un contrat à durée déterminée, sans possibilité de transformation en contrat à durée indéterminée ni de titularisation. Ils suivent une formation pour les préparer à leurs nouvelles fonctions, en particulier en matière de déontologie et de connaissance du fonctionnement des services publics. Ce dispositif devrait permettre d’attirer des personnels du secteur privé au sein de l’administration publique.