1Le débat sur la certification des comptes émerge dans le secteur public au début des années 1990, Philippe Laurent (1995) le qualifiant de complexe en remarquant qu’il est « certainement celui qui, en matière de transparence financière, est aujourd’hui le moins bien balisé ». Les réflexions concernent alors l’intervention éventuelle des commissaires aux comptes, des cabinets d’audit et de conseil dans le secteur public, en complément ou substitution des acteurs publics.

2Ce débat originel oppose ainsi plusieurs conceptions. La première prône la mise en place d’une certification des comptes locaux comme évolution des contrôles légaux publics. Cette certification serait, en effet, nécessaire à la réduction d’insuffisances qui concernent l’absence de responsabilité des magistrats financiers, la déconnexion des observations de la Cour des comptes (CC) et des Chambres régionales et territoriales des comptes du processus d’information public, ou encore l’insuffisance des pouvoirs d’investigation des comptables publics. L’Ordre des experts-comptables (OEC) propose alors, en 1991, au Comité consultatif pour la réforme de la comptabilité communale, le principe d’une révision légale annuelle des comptes des collectivités locales (Gaulmyn, 1991).

3À cette conception de l’évolution des contrôles externes publics, s’opposent des magistrats financiers ou comptables publics qui considèrent la certification des comptes publics comme un faux problème. En effet, pour eux, les procédures d’exécution, de comptabilisation et de contrôle édictées par les règles de la comptabilité publique constituent des garanties suffisantes. Le triptyque de contrôle assuré par le préfet, d’abord, un comptable public séparé de l’ordonnateur et responsable pécuniairement, ensuite, et par le juge financier (CC/CRTC) jugeant les comptes émis par le comptable et examinant la gestion de l’organisation publique, enfin, leur apparaît ainsi comme un système équivalent, sinon plus ambitieux, à une certification des comptes par des commissaires aux comptes (Prada et al., 1993).

4Depuis, la mise en œuvre pratique de la certification des comptes dans le contexte public semble avoir privilégié une logique hybride, d’un point de vue des certificateurs, en fonction des organisations publiques concernées. Au niveau étatique, la mise en œuvre de la Lolf prévoit ainsi, dans son article 58, la certification des comptes nationaux depuis le 1^er janvier 2006 par la Cour des comptes. D’un autre côté, les universités accédant au régime des responsabilités et compétences élargies sont également obligées, par la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007, à faire certifier leurs comptes, par un commissaire aux comptes. Dans le secteur hospitalier, la loi « Hôpital, Patients, Santé, Territoire » du 21 juillet 2009 introduit également des dispositions relatives à l’obligation de certification des comptes, généralement réalisée par des commissaires aux comptes. Plus récemment, pour les collectivités locales, la loi « Nouvelle Organisation Territoriale de la République » du 7 août 2015 prévoit une expérimentation de la certification des comptes locaux par des commissaires aux comptes, démarrée au 1^er janvier 2017 avec 25 collectivités volontaires. Ce dispositif de certification doit s’étendre à tout le territoire. Dans l’ensemble de ces cas, la certification porte sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes publics.

5Pourtant, si ce débat semble avoir trouvé une réponse dans des modalités hybrides d’un point de vue des certificateurs, il n’en reste pas moins ouvert concernant la nature de la certification. En effet, comme évoqué, les modalités actuellement privilégiées de certification à l’échelle française concernent à la fois les états comptables, un objectif d’assurance quant à la régularité, la fidélité et la sincérité de ces comptes, mais aussi des cibles informationnelles focalisées sur les acteurs financiers. Or, l’analyse internationale des pratiques d’audit externe légal (Carassus, Rigal, 1999) laisse à penser qu’un autre modèle de certification est possible, modèle centré sur les informations publiques (au-delà des états comptables), sur un objectif d’analyse de la performance des opérations, des actions ou des programmes publics, et sur une cible plus large que les acteurs financiers en s’intéressant à la population de manière générale. Dans ce sens, Marie Caussimont et David Carassus (2016) analysent les préférences des acteurs publics locaux en la matière (élus, cadres territoriaux, citoyens – usagers – contribuables, etc.), sur la base de 477 réponses à un questionnaire. La nature, la responsabilité et la communication de l’audit sont ainsi étudiées. Les réponses combinées mettent alors en évidence une préférence pour un modèle de certification plus étendu que les pratiques légales actuelles dans le contexte français, assimilé à un audit de performance de l’action publique, avec une information de l’ensemble de la population. Des innovations importantes semblent alors encore possibles d’un point de vue légal pour répondre à des enjeux à la fois externes et démocratiques, mais aussi internes et décisionnels dans un contexte public en évolution.