1L’évolution du contexte public pousse les organisations publiques à réaliser de plus en plus d’arbitrages budgétaires. En effet, depuis le début des années 2000, la situation financière publique est marquée par un effet de ciseau, entre les dépenses qui augmentent, notamment sous la pression de la demande sociale, et, en parallèle, des recettes qui ont tendance plutôt à stagner ou à diminuer, qu’elles soient bancaires, fiscales ou étatiques.

2Dès lors, se pose la question des modalités de ces arbitrages, dans un contexte public où décision et priorisation financière sont souvent complexes. Dans ce sens, de nombreux auteurs évoquent d’abord la domination originelle du paradigme du contrôle dans les pratiques publiques. En particulier, Julien Batac et ses co-auteurs (2009) évoquent l’importance des dispositifs de surveillance et d’inspection des ressources consommées. En privilégiant le suivi des moyens au détriment du contrôle des finalités de l’action publique, ils garantissent ainsi la conformité à des normes. En raison de l’importance de la comptabilité dans la gestion publique, les deux formes traditionnelles de contrôle public, dans des logiques de régularité et de conformité, sont alors largement associées au processus budgétaire et comptable. Ces deux moyens de contrôle, fortement dépendants, peuvent alors être considérés comme ayant une double finalité, déploiement et bonne exécution du budget voté (Wathelet, 2000). Ils peuvent être qualifiés de contrôle par les entrées (Wirth, 1986) permettant de s’assurer du respect des règles administratives et comptables qui gouvernent l’action des services.

3Sur le terrain spécifique des collectivités locales, David Carassus et ses co-auteurs (2017) analysent les dispositifs de recherche d’économies dans les collectivités territoriales. Ainsi, ils montrent que la logique de contrôle est encore dominante, avec des dispositifs centrés strictement sur les ressources consommées. En effet, les collectivités peuvent alors, par exemple, engager des processus de cost-killing en diminuant leurs frais de fonctionnement, en gelant les recrutements, ou encore en décalant dans le temps des investissements. Dans ce cadre, la technique du rabot budgétaire est privilégiée, en complément d’une logique de mutualisation ou d’externalisation à d’autres parties prenantes.

4Or, face aux limites d’une seule méthode de contrôle dans un contexte d’augmentation des contraintes publiques, notamment financières, de nombreuses organisations publiques ont ainsi fait évoluer leurs pratiques de gestion, notamment celles liées aux arbitrages budgétaires, vers une technique de pilotage. Les arbitrages financiers intègrent alors des logiques plus stratégiques, plus long-termistes et plus qualitatives. Le paradigme originel du contrôle centré sur les moyens prévus et consommés est ainsi élargi à celui du pilotage de la gestion en introduisant les notions d’objectifs et de réalisations, puis à celui du pilotage stratégique (ou des politiques publiques) en s’intéressant aux effets et impacts des services proposés sur le territoire. Alors que les solutions mobilisées dans une logique de contrôle se focalisent sur l’utilisation des moyens, les solutions influencées par le paradigme de pilotage se centrent, elles, sur les compétences et services de l’organisation publique. En mettant au centre de la réflexion la stratégie de la collectivité, ces solutions demandent alors de répondre aux questions suivantes : quelles sont les actions et les activités qui sont menées ? Pourquoi ? Quelles sont celles qui sont prioritaires ? Quelles sont celles qui doivent être maintenues, renforcées ou abandonnées ?

5Contrairement au paradigme du contrôle où les solutions sont focalisées sur les seuls moyens consommés, il s’agira ici d’effectuer un choix de hiérarchisation des actions et des activités. Dans ce cadre, l’évaluation des politiques publiques tiendra une place importante puisqu’il faudra savoir ce que fait la collectivité, comment elle le fait et quelle est la performance des actions engagées. On parle alors de right-sizing pour déterminer le niveau d’offre de service public, en qualité et en quantité, adapté à la fois aux besoins du territoire, mais aussi aux ressources de la collectivité (Overmans, Noordegraaf, 2014). La question de la consommation des moyens est donc aussi mobilisée dans ce paradigme du pilotage, mais dans un second temps, et de manière itérative, après des réflexions stratégiques. Les recherches d’économies se construisent alors en mettant au cœur de la réflexion les services rendus, alors qu’ils en sont absents dans les solutions orientées contrôle.