Pierre Alexandre Victor Barbier (1800-1874)
5 décembre 1860-18 mars 1869
p. 570-576
Texte intégral
Pierre Alexandre Victor Barbier

© Françis Roche. Photothèque des Douanes
1Pierre Alexandre Victor Barbier est né à Huningue le 14 mai 1800. Son père eut une existence liée à l’époque napoléonienne, dont il fit presque toutes les campagnes. Trois de ses oncles ont payé de leur vie la campagne de Russie.
2Après une jeunesse sur laquelle il n’a pas été trouvé de renseignements, il entre en douane. Il se marie en 1879 à une demoiselle Lemercier, presque aussi jeune que lui, qui a dix-sept ans. Ils auront une fille, née en 1879, qui épousera A. Delandre, futur directeur des douanes et auteur d’un Traité pratique des douanes, utilisé dans le présent mémoire. Ils auront un fils en 1828, Pierre Victor, également directeur des douanes. Le capitaine Saint-Jours lui attribue des sentiments bonapartistes.
3Les recherches entreprises après celles de Jean Clinquart n’ont pas permis de retrouver la « fiche de détail des services » le concernant. Il n’a pas été non plus possible de retrouver le moindre dossier permettant de retracer sa scolarité, ni ses débuts dans la carrière douanière. Selon Bacquès, il serait passé par tous les grades de l’administration.1 Saint-Jours affirme en 1904, soit quarante ans après la nomination de Barbier comme directeur général : « il a franchi rapidement les divers degrés hiérarchiques du service des douanes en s’imposant par sa nature supérieure ».2
4Paloc, en douane entre 1855 et 1904, explique : « D’après ses aînés, Barbier, issu des brigades est passé par les grades inférieurs avant d’être nommé capitaine ».3
5Il est possible, comme est tenté de le supposer Jean Clinquart, que Barbier a commencé, comme Gréterin, par être surnuméraire mais que, contrairement à lui, il a gravi par la suite les échelons d’inspecteur, directeur et administrateur avant d’être appelé à la tête de la douane.4
6On sait aussi par Saint-Jours qu’il a fait ses débuts en Alsace, en Lorraine à Longwy, Hatnun, etc. et qu’il perd sa femme très jeune.
7Il fait une partie de sa carrière à la direction générale où il est, de 1841 à 1844, chef du bureau du service général, traitant plus particulièrement des ports et des côtes. Il semble logique qu’il ait accompli, avant cette promotion, quelques années dans la Centrale en tant que commis. Il quitte Paris pour occuper le poste important d’inspecteur principal au Havre, où il est prévu de faire construire une caserne.
8C’est lui qui sera chargé de la réalisation de cet important établissement, remarquable pour l’époque. Rappelons que les fonds permettant le logement des douaniers des brigades et notamment l’édification des casernes, proviennent des versements effectués par les douaniers à la masse, auxquels s’ajoutent les subventions de l’administration. Le bâtiment a été conçu par Branet et Debaines, architectes de l’hôtel des Invalides. « Tout y a été prévu, sagement et habilement combiné, il a été pourvu à tous les besoins de la famille. On y trouve des écoles gratuites des deux sexes, des salles d’asile et toutes les ressources administratives. [...] Cet établissement modèle, compte une population de plus de 2 000 habitants ».5
9Il est possible que Gréterin a envoyé le chef du bureau des ports et côtes pour aller superviser cette construction.
10Après la révolution de Février, et toujours pendant le directorat de Gréterin, il est nommé directeur à Bordeaux. Dans son livre La Douane de Bordeaux, Michel Boyé affirme : « Avec l’arrivée de Pierre-Alexandre Barbier, à la tête de la direction de Bordeaux, débutera une ère particulièrement faste pour l’histoire de la douane du sud-ouest. Forte personnalité, il mit à profit son passage à Bordeaux pour participer à l’activité de la Société Philomatique, qu’il présida même en 1851 ».6
11Il a l’occasion de montrer sa force de caractère, à peine entré en fonction. Le mouvement de 1848 est plein d’idées justes et généreuses, mais certaines se révéleront utopiques. La douane n’est pas à l’écart de ce bouillonnement et par exemple, à la caserne de Briscous, près de Bayonne, les idées de Fourier sont à l’honneur.7 Pendant un court moment, la caserne se transforme en un petit phalanstère avec la communauté de biens étendue jusqu’au vestiaire. Il est vrai que le système de la masse s’apparente quelque peu à l’idée communautaire.
12À Bordeaux, les idées révolutionnaires ont également séduit le personnel douanier. En mai 1849, un lieutenant est candidat à l’élection à la Chambre des députés, sur la liste d’opposition de Ledru-Rollin pour la Gironde. Il ne sera pas élu, mais sa candidature enthousiasme les douaniers de Bordeaux qui, sous les armes, crient : « Vive la République démocratique ! »
13 Le préfet, alerté, invite Barbier à licencier immédiatement l’ensemble du corps douanier d’où sont partis les cris. Celui-ci estime ne pas pouvoir prendre une telle décision trop fortement marquée par des motivations politiques. Saint-Jours explique : « Le directeur Barbier appelle alors et enferme à clé dans son cabinet un à un, les huit officiers des douanes de Bordeaux. Les huit interrogatoires terminés, il dit : Maintenant je réponds de tout. Et il eut raison du préfet ».8
14Il est promu administrateur le 1er décembre 1851, en remplacement de Moreau de Champlieux, décédé. Voici ce qu’écrit Gréterin à ce propos : « M. Barbier, directeur à Bordeaux, succède à M. de Champlieux. Longtemps l’un de ses premiers et meilleurs collaborateurs à la division du service général, il s’inspirait des mêmes principes et des mêmes vues que lui, et a contribué à former ce faisceau d’excellentes traditions de service, qu’il est appelé à fortifier, encore aujourd’hui, de l’expérience que lui a donnée l’exercice des plus hautes fonctions dans le service des départements ».9
15Barbier a en charge la deuxième division, qui traite du service général et des moyens des services, à l’exception du bureau du personnel qui reste du ressort du seul directeur général.
16Début 1852, de façon assez inattendue et pour des motifs bien plus politiques qu’économiques, la fusion de la Douane et des Contributions indirectes est décidée. L’arrêté d’application précise ainsi le domaine incombant à Barbier :
17« – Service général des douanes et des contributions indirectes dans les questions mixtes, c’est-à-dire la direction et la suite du service dans les circonscriptions où les douanes et les contributions indirectes seront placées sous l’autorité d’un chef unique.
- Service général des douanes coloniales. Créations, suppressions ou déplacements de bureaux ou d’emplois.
- Révocations, dégradations et congés des employés.
- Contrôle général des brigades des douanes.
- Services des masses d’équipement, de casernement et de santé.
- Préparation du budget général des divers services de la direction générale.
- Ordonnancement général des dépenses.
- Crédits de droits de douanes.
- Matériel. »10
18 Barbier prend donc une part active à la mise en place de cette mesure d’organisation très importante. Par la suite, il s’emploiera à faire coexister les personnels et les structures des deux services au sein des directions mixtes dont il a la charge. Il est amené, pour ce faire, à créer un bureau spécialisé dans les questions propres aux Contributions indirectes.
19Administrateur chargé du contrôle général des brigades, il met en forme, sous la signature de Gréterin, le rétablissement du contrôle de guerre. Il invite les directeurs à s’assurer que tous les objets dont se composent l’habillement, l’équipement et l’armement sont dans le meilleur état. Il recommande d’activer l’instruction militaire qui aura pour base la théorie des chasseurs à pied.11
20Administrateur chargé du service général, il prépare pour Forcade de la Roquette, le remplaçant de Gréterin, les mesures provisoires d’organisation des lignes de douane suite à l’annexion, en 1860, de Nice et de la Savoie. Il remplace son chef dans les négociations. Il sera grandement aidé dans cette tâche par Prosper Vignet, ex-directeur des douanes sardes en Savoie et qui, comme beaucoup de Savoyards, préfère rallier la France. Vignet sera maintenu dans ses fonctions de directeur des douanes à Chambéry.
21Forcade de la Roquette quitte la direction générale des Douanes pour devenir ministre des Finances. Ayant eu la possibilité de juger ses collaborateurs immédiats, il songe à Barbier pour le remplacer : celui-ci à soixante ans et une solide expérience de la direction générale comme commis, sous-chef et chef de bureau puis administrateur. Il a aussi connu les services extérieurs comme inspecteur principal et directeur. C’est un bon gestionnaire et il a l’estime de ses pairs.12
22Barbier est donc nommé directeur général des douanes et des contributions indirectes, le 5 décembre 1860. Il s’adresse à l’ensemble des services en ces termes : « En prenant possession du poste élevé auquel l’Empereur a daigné m’appeler, je ne crois pas nécessaire de développer les principes dont s’inspireront les actes de mon administration. A tous les degrés de la hiérarchie, les agents des deux grands services que j’ai l’honneur de diriger me connaissent ; ils sont assurés que leurs intérêts, leurs besoins, seront l’objet de ma constante préoccupation. Enfants d’une même famille, ils savent qu’ils ont des titres égaux à ma sollicitude. De mon côté, j’ai foi dans le dévouement de tous.
23« En ces conditions de confiance réciproque, nous unirons nos efforts pour continuer les traditions d’honneur qui caractérisent l’administration française. En même temps, nous nous attacherons à suivre dans toute leur étendue les vues du chef éminent auquel je succède et qui avait su nous inspirer de si vives sympathies. Par une application loyale et éclairée du nouveau tarif, nous contribuerons au succès du nouveau régime économique inauguré par l’Empereur, et nous prouverons qu’il est facile d’assurer l’exécution de la loi en la couvrant de la forme et des ménagements qui en font accepter les exigences.
24« Pour l’accomplissement de cette tâche importante, le concours des membres du conseil me sera d’autant mieux acquis, que leurs vœux, leur désignation même, avaient devancé la haute distinction que je dois à la confiance de l’Empereur. »
25Le poste de chef de la deuxième division, laissé vacant par cette nomination, ne sera pas pourvu. En 1867, cette suppression fut officialisée.
26Barbier continue la mise en place de la nouvelle politique douanière qu’il a commencée sous les ordres de Forcade. Il doit mettre en vigueur le traité franco-anglais ainsi que les deux conventions complémentaires conclues après de difficiles négociations. Il doit faire jouer en faveur de l’Angleterre la clause de la nation la plus favorisée, à la suite d’avantages particuliers que la Belgique a obtenus lors de la signature des accords douaniers du 1er mai 1861.
27Il met notamment en œuvre les régimes particuliers du sucre, du blé et du sel et procède à la révision de la réglementation douanière en matière de cabotage, de transit et d’admission temporaire.13 Il appliquera dans les douanes d’outre-mer la politique libérale de Napoléon III.
28Le 18 mars 1869, il est mis à la retraite et est élevé à la dignité de sénateur.
29Le lendemain, un décret stipule : « Le service des contributions indirectes est séparé de celui des douanes ».14
30Le même jour, Léon Amé, administrateur, est nommé directeur général des douanes. Il informe les seuls douaniers de cette séparation en offrant aux confrères des contributions indirectes un témoignage de sympathie, et pense que les deux services auront encore à s’entraider.
31Le rôle de Barbier à la Chambre haute est effacé et, le 4 septembre 1870, il quitte la scène officielle.
32Il meurt à Paris le 9 février 1874.
33Chevalier de la Légion d’honneur en 1847, année de sa participation à la construction de la caserne du Havre, il sera grand officier le 19 janvier 1867.15
34 Son fils, Pierre Victor fait carrière en douane. Il a, de par la situation administrative de Pierre Alexandre, le chemin tout tracé. Inspecteur divisionnaire à Bayonne en 1865, il a dû être apprécié par l’impératrice Eugénie qui lui marque de l’intérêt lors d’un passage à Chambéry, où il vient d’être nommé directeur. Il assistera, à titre privé et mêlé à la foule, à un service funèbre célébré à Chambéry, à la mémoire du prince impérial. Cela lui coûtera sa place et il sera contraint de démissionner le 30 décembre 1879, à l’âge de 51 ans.16 Il mettra à profit sa retraite pour écrire une Monographie des directions des douanes, destinée à faire connaître leur circonscription aux directeurs nouvellement promus.
35La fille de Pierre Alexandre, nous l’avons vu, a épousé A. Delandre, qui après un passage à l’administration centrale sera directeur à Vannes. Delandre est l’auteur d’un recueil de lois et règlements intitulé Traité pratique des douanes qui prend le relais du Code des douanes de Bourgat.
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36Bacquès estime que Barbier « a signalé les débuts de son administration par quelques heureuses simplifications dans les écritures, dans le mode de travail, dans l’expédition des affaires. En même temps il a témoigné à son personnel une sollicitude efficace. Dès les premiers mois de son installation, les positions ont été améliorées dans une mesure très sensible. »17
37Paloc répète les affirmations de ses aînés quand il écrit : « M. Barbier avait une grande valeur. Issu des brigades, où il avait passé par les grades inférieurs avant d’être nommé capitaine, puis inspecteur et directeur, il avait fait preuve d’une intelligence d’élite et de qualités de premier ordre. Il possédait notamment une grande facilité de rédaction ».18
38Il est possible de conclure que Barbier a eu peu d’influence sur la politique douanière de la France. D’ailleurs, dans les archives consultées, il n’a pas été retrouvé traces de ses éventuelles interventions au niveau des commissions des finances parlementaires. Il a été le bon gestionnaire que Forcade de la Roquette avait choisi pour successeur.
Notes de bas de page
1 H. Bacquès, cité par J. Clinquart, L’administration des douanes... de la Révolution..., op. cit., p. 596.
2 B. Saint-Jours, Pierre-Victor Barbier, 1828-1898, Bordeaux, A. Arnaud, 1904 (ce livre évoque le fils de Pierre).
3 J. Paloc, op. cit., p. 139.
4 J. Clinquart, L’administration des douanes... de la Révolution..., op. cit., p. 596.
5 CHD, n° 15.
6 M. Boyé, La Douane de Bordeaux, Fédération historique du sud-ouest, Université de Bordeaux III, 1999, p. 98.
7 Philosophe et économiste, 1772-1837.
8 B. Saint-Jours, op. cit., p. 13.
9 Circ. 2468 du 12 novembre 1851 : LRDF, tome XXIV.
10 Arrêté du 11 janvier 1852 : LRDF, tome XXV
11 Circ. 585 du 1er mai 1859 : LRDF, tome XXVIII.
12 Voir chapitre IV, p. 207.
13 Voir chapitre IV, p. 210-218.
14 Décret du 19 mars et circ, du 25 mars 1869 : LRDF, tome 31.
15 Arch. nat., fichier Léonor.
16 B. Saint-Jours, op. cit., p. 9.
17 H. Bacquès, op. cit., p. 121.
18 J. Paloc, op. cit., p. 139.
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