Chapitre II. La Restauration, 1815-1830
p. 89-134
Texte intégral
1L’empereur des Français parti en exil vers Sainte-Hélène, Louis XVIII est revenu prendre possession de son royaume. Les armées alliées ont envahi la France, un million et demi de soldats anglais, russes, autrichiens, allemands, hollandais, suisses, italiens et espagnols se répandent dans les villes et les campagnes livrées au pillage.
2Pour les Bourbons, tout ce qui s’est passé pendant les Cent-Jours doit être considéré comme nul et non avenu. Autour du roi, intelligent et libéral, s’agitent le comte d’Artois, la duchesse d’Angoulême et les émigrés « rentrés dans les fourgons de l’Étranger et qui n’avaient rien oublié ni rien appris ». Outrés d’avoir été si vite balayés au retour de l’île d’Elbe, ils brûlaient de se venger sur ceux qui s’étaient ralliés à l’« Usurpateur ». La Terreur blanche désola le Midi. Les élections amenèrent la Chambre introuvable où dominaient les ultraroyalistes qui firent voter des mesures attentatoires à la liberté individuelle et établirent des cours prévôtales destinées à réprimer toute subversion. L’un des objectifs prioritaires fut la reprise en main de l’Administration qu’il allait falloir débarrasser des créatures du régime honni.
3À l’extérieur, les frontières de la France et donc ses lignes de douanes avaient été conditionnées par les négociations menées à Vienne et par le traité de Paris qui réduisit le pays aux limites de 1792.
I. LA POLITIQUE DOUANIÈRE
4Alors qu’en 1814 le gouvernement royal avait affirmé sa volonté « que le commerce chargé d’entraves reprenne sa liberté »,1 la politique douanière devint de plus en plus protectionniste dans tous les domaines tant agricoles qu’industriels.
5Comme sous la première Restauration, le gouvernement avait affirmé d’entrée que « les droits de douane devaient être établis au niveau nécessaire à compenser les désavantages des manufactures, sous réserve des efforts à faire pour mettre en œuvre tous les perfectionnements utilisables ou à inventer ».
6Les milieux industriels qui, à l’abri du Blocus continental, avaient monopolisé le marché intérieur et étendu leur emprise sur ceux des pays alliés ou conquis, refusèrent de se voir supplanter par leurs rivaux anglais. En effet, ceux-ci, grâce aux améliorations apportées aux procédés de fabrication d’un grand nombre de produits, étaient en mesure de faire une concurrence très préjudiciable à leurs intérêts. À la Chambre des députés, les milieux protectionnistes formèrent une coalition de plus en plus active et de moins en moins tolérante.
7La protection douanière leur apparaissait comme vitale, tant pour les agriculteurs que pour les industriels. Ils affirmèrent même que les ouvriers et les petits paysans risquaient d’être réduits au chômage et à la misère si les produits nationaux subissaient la concurrence étrangère.
8Pierre de Saint-Cricq, rétrogradé au poste d’administrateur pendant les Cent-Jours, s’est vu confier à nouveau les rênes de l’administration des douanes. Très vite, le gouvernement conscient de sa compétence et de ses talents d’orateur, lui délégua le soin de présenter au Parlement l’exposé des motifs de la partie consacrée à la douane, des projets de loi de finances. Ce fut déjà le cas de l’importante loi élaborée et discutée à la Chambre des députés au cours du premier trimestre 1816.
9Saint-Cricq, nouvellement élu député à cette Chambre, se trouvait face à des tendances opposées se faisant jour, dans les discussions parlementaires, sur la politique douanière.
10Sa grande connaissance de la politique économique, surtout de ses aspects commerciaux et industriels, sa vivacité d’esprit, la clarté de ses exposés et son esprit de répartie lui donnaient un réel ascendant sur ses collègues parlementaires. Cet état de fait se prolongea même après son départ de la douane. Il était considéré comme un « puits » de science douanière et comme un oracle en politique du commerce extérieur. Il a été amené à taire ses opinions personnelles à tendance modérée et à prendre à son compte la volonté résolument protectrice de la faction qui allait durant de longues années influer sur la politique douanière de la France.
11Au début ce ne fut pas facile, il se trouva mêlé à une lutte d’influence avec d’un côté, les partisans de la liberté commerciale et de l’autre, ceux d’un protectionnisme défendant les intérêts particuliers d’une grande partie des secteurs agricoles et industriels. Face à ces prises de positions contradictoires, le gouvernement qui, au départ et tout comme Saint-Cricq, aurait volontiers adopté l’option libérale mais qui, peu à peu, se trouva entraîné à des concessions de plus en plus nombreuses faites aux défenseurs du protectionnisme.
12Devant la Chambre, Saint-Cricq résuma ainsi la position générale du gouvernement : « Nous aurions moins de progrès à faire si une trop longue interruption de nos relations commerciales n’eut constitué une prohibition à l’abri de laquelle on a pu négliger, sans danger, les moyens de perfectionnement qu’une heureuse rivalité n’aurait pas manqué de développer ».
13Le gouvernement se voulait libéral, mais il lui fallait tout d’abord accroître immédiatement les ressources fiscales et notamment les recettes douanières. Par ailleurs, il avait le souci de ne pas mécontenter le puissant milieu industriel dont l’appui lui était indispensable pour asseoir un régime encore fragile.
14Saint-Cricq se résigne donc quand il déclare : « Nous avons dû nous conformer au vœu public, tel qu’il apparaît aujourd’hui, et attendre que le temps et les progrès d’une opinion qui s’éclaire tous les jours davantage aient résolu cette grande question. »2
15« Entre-temps, le Gouvernement se proposait d’accroître les recettes douanières proprement dites de 15 millions environ, soit d’un tiers, grâce à trois mesures : la révision de ceux des droits de douane qui n’avaient pas été modifiés depuis 1791, la suppression de l’exonération des cotons bruts décident 1814, l’élévation des taxes sur les denrées coloniales ».3
16Le projet de loi douanière dégageait l’exportation d’un grand nombre de prohibitions ou de droits élevés. Il supprimait ainsi les interdictions de sortie frappant le houblon, le lin, le chanvre, les graisses et suifs, les peaux et les bestiaux, ainsi que le cuivre et l’étain bruts. Saint-Cricq défendit avec succès la proposition de taxation des cotons bruts contre les partisans d’une exonération des droits d’entrée sur ces matières premières. Il expliqua que le droit de 40 francs proposé ne représentait pas plus de 2,5 % sur les tissus moyens, et plus de 0,25 % sur les tissus fins, ce qui n’aggravait pas lourdement les prix à l’intérieur et permettait néanmoins des rentrées intéressantes pour le Trésor. Une prime de 50 francs par quintal à la sortie des tissus de coton devait permettre de soutenir la concurrence à l’étranger.
17Le directeur général des douanes fit ainsi entériner par la Chambre des députés ainsi que par la Chambre des pairs la proposition gouvernementale. Il réussit à faire accepter l’abandon de la prohibition des peaux à la sortie, faisant triompher l’intérêt des éleveurs sur les réclamations des maroquiniers.
18La Chambre repoussa l’introduction par voie terrestre des denrées coloniales, donnant ainsi satisfaction aux représentants des régions maritimes contre l’avis de ceux de Charleville, Lille et Metz qui préféraient se procurer à leurs portes les produits qui leur étaient nécessaires, plutôt que d’aller les chercher dans des ports lointains comme Bordeaux ou Nantes.
19La loi du 28 avril 1816 occupe une place considérable dans la politique douanière de la Restauration. Elle a consacré notamment les tendances protectionnistes de la Révolution et de l’Empire qui auront marqué pour longtemps le régime du commerce extérieur de la France.
20Saint-Cricq a montré, dans les débats parlementaires, de réelles qualités de négociateur. En outre, c’était un intime de Decazes, ministre de l’Intérieur puis président du Conseil, ce qui confortait sa position dans les sphères gouvernementales.
21La loi de 1816 était déjà résolument protectionniste mais les tenants de cette politique ne s’estimaient pas satisfaits. Ils agirent non seulement dans l’opinion mais aussi et surtout à la Chambre et amenèrent à un raidissement de la politique douanière.
22En 1820, la pression des intérêts privés amena une extension nouvelle du régime protecteur. Saint-Cricq qui avait en charge la présentation et la défense des lois douanières, déclara que les industriels français produisaient des aciers d’une qualité égale à celle des produits étrangers. Il souligna les étonnants progrès réalisés depuis la loi de 1814 qui avait nettement moins taxé les aciers et produits en acier que les fers. Mais les intéressés demandèrent et obtinrent une élévation importante des droits. Il en fut de même des cachemires, des nankins, des fromages et des tissus de soie.
23Pour la laine, les réclamations des éleveurs et des fabricants étaient tellement opposées que Saint-Cricq, dans le débat préalable, fut amené à déclarer que la procédure des amendements présentés en commission, lui semblait à même de concilier tous les intérêts.
24Le tarif ainsi adopté n’a pas excité les plaintes ni des consommateurs et des fournisseurs étrangers, ni des fabricants et des commerçants français.
25La loi de 1822 a prévu une nette augmentation de la surtaxe des sucres étrangers ainsi que des droits, sur les bovins, les laines, les fers et les fontes, les lins, le sumac, le riz, l’huile d’olive, le chanvre, le bois, le goudron et les viandes. Cette liste bien longue n’était pas complète. Tous les producteurs, voyant les résultats obtenus lors des précédentes discussions budgétaires, firent pression pour avoir des avantages supplémentaires.
26Pour les produits dont il fallait encourager la fabrication, des primes à la sortie furent établies en corrélation avec les droits d’importation ayant frappé les matières premières utilisées.
27À la Chambre des pairs, c’est le comte Collin de Sussy, directeur général des douanes et ministre du Commerce sous l’Empire, élevé au titre de pair après quelques années de disgrâce, qui fut le rapporteur de la commission. Il ne mit pas en doute l’opportunité des augmentations prévues pour les droits sur les huiles et sumacs. Malgré des protestations qui mettaient en évidence les risques de représailles et l’inévitable répercussion de ces augmentations de droits et taxes sur le pouvoir d’achat des consommateurs, le projet soutenu par Saint-Cricq fut adopté à la quasi unanimité.
28Léon Amé, dans sa remarquable Étude économique sur les tarifs de douanes parue en 1859 et réimprimée en 1875, alors qu’il était directeur général des douanes, affirme : « Bien peu d’orateurs, dans la discussion de la loi du 27 juillet 1822, soutinrent l’extension de notre régime protecteur pour son mérite propre. Ce n’était point parce qu’il était bon et utile en soi, c’était surtout, répétaient presque toujours les défenseurs de ce système, parce que les autres peuples l’appliquaient que nous étions forcés nous-mêmes de le compléter. C’est absolument ce qu’on disait en Russie, en Allemagne, en Espagne et en Italie : "La France veut tout faire chez elle, imitons-la". Au fond, il était de l’essence même du système protecteur, tel qu’on l’avait entendu depuis 1814, de se généraliser. Mais la discussion de 1822 n’en offrit pas moins le triste spectacle d’un pêle-mêle d’intérêts privés en ébullition, là où l’on n’aurait dû s’inspirer que de l’intérêt général du pays ».4
29En 1824, la Chambre des députés, sous la pression des éleveurs, décida de surtaxer les laines de qualité inférieure. En 1826, ce furent les bœufs et les chevaux qui supportèrent une augmentation de droits ainsi que le houblon, les légumes secs et bon nombre de produits industriels, notamment les toiles de lin, les aciers, le marbre, les tapis, la passementerie.
30C’est en 1826 que se posa la question des fers et des fontes. La production française de fer s’était accrue et devait encore s’accroître dans des proportions importantes. Les prix s’étaient envolés sur le marché intérieur, dépassant la limite de 50 francs le quintal prévue par le gouvernement pour atteindre 65 francs. Il était à craindre qu’ils n’augmentassent encore de par la demande accrue des divers secteurs, notamment du fait de l’ouverture nouvelle de voies ferrées.5
31Les bénéfices des maîtres de forges paraissaient très et même trop importants ; aussi des propositions de baisse du tarif des fontes et fers furent présentées par certains députés, mais la résistance énergique des représentants des départements métallurgiques empêcha toute révision tarifaire. Le gouvernement fut contraint d’adopter cette position et le tarif de 1822 fut maintenu. Il représentait 120 % de la valeur des fers à la houille et au laminoir. Cette protection servait des intérêts particuliers représentés par des députés déterminés et nuisait gravement à l’intérêt général.
32La loi de 1826 fut le dernier acte en matière de politique douanière de la Restauration. Saint-Cricq avait été nommé dès le mois de mars 1824, président du bureau du commerce et des colonies. Il avait conservé, dans sa position nouvelle, le soin de préparer les lois sur les tarifs douaniers. C’est ce qu’il fit avec éclat, en défendant devant le Parlement les positions gouvernementales jusqu’à la Révolution de Juillet.
33Les lois de 1814 et 1816 avaient frappé de surtaxes l’importation par des navires étrangers de marchandises objets de courants importants : bois, denrées tropicales, cotons bruts, ainsi que des matières premières comme la potasse, le cuivre, l’étain. Ce système avait ainsi permis de privilégier la part du pavillon national dans les importations françaises.
34Cette protection avait subi des atteintes importantes par les traités de navigation conclus avec les États-Unis en 1822 et avec l’Angleterre en 1826.
35D’autres traités similaires furent également signés avec des pays d’Europe et d’Amérique du Sud. La surtaxe de pavillon fut supprimée vis-à-vis d’un grand nombre de pays sur les marchandises originaires de ces pays et même, dans certains cas, sur des marchandises non originaires. Cette libéralisation n’intervenant que pour l’inter course directe.
36Les grains n’ont été frappés par la loi du 28 avril 1816 que d’un simple droit de balance à l’importation, sans effet notable sur la production ou la consommation. Mais des arrivages de blé de la mer Noire influèrent à la baisse sur les cours. Les céréaliers du Midi de la France firent agir leurs représentants à la Chambre. Le gouvernement, à l’exemple d’autres Etats, se décida à proposer à l’importation un système de droits et de prohibitions semblable à celui pratiqué jusqu’alors à l’exportation.
37Le but recherché était double : du pain pas trop cher et du blé français pas trop bon marché. Pour cela il fallait, dès que les prix monteraient, protéger le consommateur en élevant les droits de sortie et en diminuant les droits d’entrée. Par contre, si le marché intérieur du blé menaçait de s’effondrer, on favoriserait l’exportation par la diminution des droits de sortie.
38Les départements frontaliers étaient divisés en quatre classes. Dans chacune de celles-ci, les droits d’entrée et de sortie variaient suivant la hausse ou la baisse du blé produit localement, ces régions disposant chacune d’une échelle de prix, servant au déclenchement des modifications tarifaires, applicable sur le plan local. Les lois de 1819, 1821 et 1832 mirent en pratique ce système appelé « échelle mobile ».6 En 1832, la loi abolit les prohibitions frappant le blé tant à l’entrée qu’à la sortie.
39Des discussions entre les libéraux, défenseurs du consommateur, et les groupes de pression représentants les intérêts des producteurs de blé furent, le plus souvent, très vives. Et la Chambre assista à des joutes oratoires entre le libéral Decazes et son collègue Villèle, ministre des Finances depuis peu, mais qui n’oubliait pas ses électeurs de la Haute-Garonne. Ce dernier grossissait, dans ses interventions, l’effet moral susceptible d’être produit par l’importation de blé étranger dans les régions productrices.
40Or, dans cette discussion, Saint-Cricq, porte parole du gouvernement, a été amené à prendre position contre les affirmations de son ministre ! « Et l’on vit ainsi le ministre de l’Intérieur combattu par le ministre des Finances, que combattaient, à leur tour, le Directeur général des Douanes et le commissaire du Roi ».7
41Le système très compliqué de l’échelle mobile, contrariait le développement des marchés céréaliers, victimes d’à-coups successifs, et qui ne pouvaient faire de prévisions à moyen et long terme.
42Conçu pour concilier la défense des consommateurs et les intérêts des producteurs, il fut plutôt une cause de déceptions. D’autre part, il a favorisé la fraude, les spéculateurs faisant passer les grains étrangers d’une région où l’importation était autorisée, vers une autre frappée de prohibition provisoire. Il en était de même pour les blés français qui partaient des contrées où l’exportation était interdite pour celles où la sortie était libre.
43Pour les produits coloniaux, si dans la métropole, les pressions des producteurs se faisaient de plus en plus fortes, dans les colonies, les voix des planteurs s’élevaient pour exiger des mesures destinées à protéger leurs productions.
44La perte de Saint-Domingue, de l’île de France – aujourd’hui île Maurice –, de Sainte-Lucie et de Tobago, avait diminué l’importance des approvisionnements de la métropole. Il ne restait plus guère que les Antilles et l’île Bourbon – aujourd’hui la Réunion. D’autre part, Leipzig et Francfort avaient supplanté Bordeaux et Nantes pour ce trafic particulièrement rémunérateur.
45Les denrées coloniales étrangères n’étaient plus prohibées depuis décembre 1814, mais, pour favoriser les colonies françaises, elles subissaient, venant de l’étranger, des surtaxes importantes. C’est ainsi que pour les sucres bruts étrangers, la surtaxe était de 50 %.
46Depuis la loi du 28 avril 1816, les sucres bruts étrangers étaient surtaxés de 33 % à 100 %. C’est ainsi que, en 1819, la part des sucres étrangers n’était que de 12 % dans les importations. Cependant les colons réclamaient le retour à la prohibition des sucres étrangers et une diminution des droits sur leur production. Ils obtinrent une augmentation de la surtaxe de 10 % pour les transports de sucres étrangers sous pavillon national et de 20 % pour les importations par navires étrangers.
47En 1821, la part des sucres étrangers avoisina 5 % du total des importations. Cependant les planteurs firent ressortir la faible part leur revenant sur le prix des sucres sur le marché métropolitain.
48Le tarif de 1820 n’avait pas freiné les importations en provenance de l’Inde. Les colons des Antilles étaient d’autant plus outrés par la connaissance de la croissance de ces arrivages en métropole, qu’ils prétendaient que le monopole de ce commerce leur était dû. Leurs défenseurs s’unirent aux partis des ultras.
49Le gouvernement et la commission des douanes auraient bien voulu rendre moins difficile leur situation sans toutefois se priver de la possibilité de recevoir des sucres de l’étranger.
50À la session de 1821, et surtout à celle de 1822, Saint-Cricq défendit, une fois de plus, ses positions, réalistes et même teintées d’un certain libéralisme. À la première, il réussit sans trop de difficultés à faire repousser par la Chambre des députés, les prétentions des colons. En 1822 par contre, une discussion violente mit en évidence ceux qui voulaient l’abolition du pacte colonial privilégiant les importations en provenance des établissements installés dans les colonies, et qui proposaient la liberté du commerce colonial.
51D’autres voulaient qu’on vînt en aide aux planteurs par le dégrèvement des taxes sur leurs sucres, sans prévoir d’augmentation de la surtaxe prélevée sur ceux venant de l’étranger. Saint-Cricq s’attacha à démontrer que, s’il fallait aider les colons qui ne pouvaient vendre leurs sucres à aussi bas prix que leurs concurrents étrangers, il suffisait pour ce faire d’élever la surtaxe. Il mit également en évidence le fait que cette proposition ne portait pas atteinte aux recettes du Trésor.
52Le protectionnisme, qui avait guidé les promoteurs de la politique douanière en matière de sucre, allait susciter des intérêts nouveaux totalement opposés à ceux des producteurs de sucre de canne.
53La loi du 27 juillet 1822 allait, en effet, prévoir une surtaxe de 100 à 110 % pour les sucres bruts étrangers. Le gouvernement espérait ainsi donner des revenus satisfaisants à ses ressortissants outre-mer. Saint-Cricq démontra à la tribune que cette élévation devait permettre d’assurer une rentabilité satisfaisante aux planteurs sans réduire les rentrées fiscales.
54Il aborda de front l’étude du pacte colonial et convint qu’il fallait introduire dans le commerce extérieur de nouvelles combinaisons, notamment avec l’Amérique du Sud, mais il assura qu’il ne convenait pas de sacrifier les relations privilégiées avec les possessions françaises à des perspectives aléatoires.
55Cette politique amena à un résultat pour le moins fort éloigné des préoccupations des planteurs et des armateurs. En effet le maintien à un taux très élevé, d’environ 60 %, de la seule taxe sur les sucres coloniaux favorisa la production du sucre de betterave qui a ainsi pris une place de plus en plus importante sur le marché intérieur.8
56Que ce soit pour les sucres, les grains, l’agriculture en général et surtout pour l’industrie, la position de la Chambre des députés en matière de commerce international, fut de plus en plus protectionniste.
57Plus tard, en 1828, Saint-Cricq, devenu ministre du Commerce, cherchera à protéger encore les sucres coloniaux par l’instauration d’un impôt sur le sucre de la métropole.
58Presque tous les autres produits de l’agriculture et de l’industrie de la France ont leurs défenseurs. Au cours des discussions de 1816 à 1826, Pierre de Saint-Cricq chargé de la présentation des tarifs des douanes au Parlement dut donc souvent combattre puis tâcher de concilier des prétentions souvent contradictoires émanant de groupes de pression qui ont vite su s’organiser et montrer un égoïsme corporatiste des plus exclusifs.
59Le directeur général des douanes fut amené à accepter des amendements protectionnistes lorsque la pression de ces intérêts se montrait trop forte, mais généralement, il était fort écouté par la Chambre et arrivait le plus souvent à faire adopter la position gouvernementale qui, il faut le souligner, avait déjà pris en compte les tendances protectionnistes prédominantes du moment.
60Il fut quand même mis en échec à plusieurs reprises, et dut notamment accepter en 1816, le maintien de la prohibition sur les eaux de vie autres que le vin et, la même année, l’augmentation des droits sur les fils de laiton et sur les bestiaux.
61Autre exemple : en 1820, il s’abstint, dans un premier temps, d’inclure les laines dans le projet de loi, mais il fut contraint de prendre en considération, les amendements déposés par les représentants des éleveurs. Après de grandes discussions, ce fut un tarif modéré et réglé de façon à ne pas dépasser 5 % de la valeur des laines qui fut adopté.
62Il dut, au cours de la même session, accepter un amendement élevant le droit sur les fromages.
63Si le tarif de 1822 avait donné satisfaction aux planteurs de canne, il avait comporté, en revanche, un doublement du droit sur les laines communes et sur les fers ainsi qu’un décuplement du tarif sur les bœufs gras.9 Ces positions, très conciliantes vis-à-vis des protectionnistes, furent exposées à la Chambre par Saint-Cricq, qu’on avait vu plus libéral !
64Cette présentation était assez nouvelle pour être critiquée aussi bien par les membres de l’opposition que par ceux de la majorité royaliste. Les premiers lui reprochaient d’anéantir le commerce avec l’Inde, de freiner les filatures et manufactures de laine, de nuire gravement à l’approvisionnement de la population et, par l’augmentation du droit sur les fers, de freiner le commerce.
65Les seconds se gaussaient de lui voir défendre une doctrine totalement opposée à son libéralisme antérieur.
66Pour avoir une idée plus précise de l’influence de Saint-Cricq sur la Chambre, en matière de politique douanière, il n’est que de lire l’analyse d’Amé sur les discussions des lois douanières de 1816 à 1826 et notamment celles de 1816, 1820, 1822, 1825 et 1826.10
67Ce dernier écrit : « Les connaissances approfondies, la lucidité d’esprit, le bonheur d’à-propos qu’il avait plus particulièrement déployés dans les débats relatifs à la loi de 1822 l’avaient beaucoup grandi dans l’opinion des chambres ».11
68Ce que Duverger confirme : « Le parti ultra se trouva grossi, à la session de 1821 de tous les intérêts coloniaux. À cette session, le tarif de 1820 fut vivement attaqué ; mais il fut habilement défendu par M. de Saint-Cricq, qui déploya dans la discussion, non seulement les qualités oratoires assurant sa position de député, mais encore des vues saines et élevées en économie politique ».12
II LA GESTION DE L’ADMINISTRATION DES DOUANES
Le retour de Pierre de Saint-Cricq (8 juillet 1815-20 mars 1824)
69Si Saint-Cricq a eu une influence certaine sur la politique douanière de la Restauration, son rôle en matière de gestion administrative a été particulièrement important.
70C’est à une douane épurée des suppôts de la Révolution et de l’Empire, que l’entourage du roi voulait confier l’application de la politique douanière que nous venons de voir évoluer.
71En juillet 1815, Saint-Cricq est confirmé dans les fonctions de chef de l’administration des douanes exercées sous la première Restauration. On lui avait su gré d’avoir réintégré, sans heurts, les directions et les agents implantés à l’extérieur des frontières reconnues par les traités. Cette opération a fait passer de 40 à 24 le nombre de directeurs, et a entraîné la mise à l’écart d’une dizaine de milliers de douaniers sur les 35 500 que comptait l’Empire.
72À l’époque, Saint-Cricq avait replacé les lignes de douane sur les nouvelles limites du royaume. Il avait déployé des qualités incontestables d’organisation, de persuasion et d’autorité. C’est certainement à cette action et à ses talents qu’il dut de reprendre son poste.
73Dans l’entourage de Louis XVIII, on est aussi conscient qu’il n’a pas manifesté de zèle pendant les Cent-Jours, se contentant de reprendre la place d’administrateur qu’il avait déjà avant le départ pour l’île d’Elbe. Le voici donc en charge d’une administration éminemment suspecte.
74« Il sait fort bien que son administration est bonapartiste. Les brigades – vingt-deux mille hommes – sont composées pour l’essentiel d’anciens militaires dont l’hostilité aux Bourbons est connue. L’encadrement se montre assurément plus partagé, prêt à un ralliement inévitable, mais il est tout à fait hostile à une épuration dont nul ne peut savoir où elle s’arrêtera. Ce qui paraît alors essentiel à la hiérarchie, c’est de sauver l’outil que représente la douane, et de rendre à ce service, pour la seconde fois en l’espace d’une année, sa capacité opérationnelle : le service de l’État passe avant celui d’un parti ».13
75Saint-Cricq est donc, d’entrée de jeu, amené à appliquer la politique d’épuration que les ultraroyalistes réclament. Ses premières circulaires semblent être un gage donné à une thèse dont il ne partage pas les outrances. Il agit cependant avec beaucoup de prudence et ses actes démentiront souvent ses positions de principe hautement affirmées.
76La réflexion du gouvernement est courte : le 7 juillet, Saint-Cricq reçoit le titre de conseiller d’Etat et est nommé directeur des douanes.14 Le 11, il informe les directeurs provinciaux de cette nouvelle, et les prévient qu’il est habilité à correspondre directement avec le secrétaire d’État aux Finances.
77Le gouvernement a, en effet, consacré la modification intervenue pendant les Cent-Jours au cours desquels la douane, retrouvant son indépendance, avait été extraite de la direction générale des Droits réunis, instaurée par la première Restauration, et qui comprenait également les Contributions indirectes.
78Saint-Cricq poursuit : « Je dois croire qu’au moment où cette lettre vous parviendra, l’autorité du Roi aura déjà été pleinement rétablie dans toute l’étendue de votre direction, et que tous les chefs et préposés auront repris avec empressement la cocarde blanche, seul signe de ralliement de tous les Français en uniforme. Dans tous les cas, vous leur rappellerez sur le champ les dispositions de ma circulaire du 21 avril 1814, et vous veillerez, sous votre responsabilité, à ce qu’elles soient exécutées ponctuellement, et sans aucun délai.
79« Il est peu de directions dans lesquelles un nombre plus ou moins considérable de préposés n’aient été détournés de leur service pour être adjoints à des corps militaires, enfermés dans des places fortes, ou employés à d’autres destinations également étrangères à leur institution. Vous les rappellerez sur le champ à leur poste par tous les moyens qui sont en votre pouvoir, et vous ferez connaître à tous les commandans ou fonctionnaires avec qui vous pourriez avoir à vous concerter à cet égard, que telle est l’intention formelle du gouvernement.
80« Il résulte des rapports qui me sont faits, que, sur plusieurs points, et notamment sur les frontières du Nord et de l’Est, un bon nombre de préposés, et même quelques chefs se sont fait remarquer par la violence de leurs procédés, et par l’exagération d’un prétendu zèle, qui n’a pu trouver sa source que dans des sentiments incompatibles avec l’ordre de choses heureusement rétabli en France. Je vous recommande de me signaler les employés à ma nomination qui se trouvent dans ce cas, et de faire promptement justice de ceux dont le choix et la révocation vous appartiennent.
81« Les circonstances politiques n’ont atteint que très peu d’employés, grâce à l’excellent esprit qui a constamment animé le chef de l’Administration. Quelques-uns cependant ont été momentanément éloignés de leur place depuis le 20 mars, les uns pour défaut de prestation de serment, les autres en vertu d’ordres supérieurs et absolus. Ils doivent être immédiatement réintégrés. Vous donnerez les ordres nécessaires dans cet objet, aussitôt que la demande vous en sera faite par chacune des parties intéressées. En me rendant compte de l’exécution de ces ordres, vous voudrez bien me remettre un état des employés qui se trouveront déplacés par suite de ces nouveaux mouvements ».
82Il termine cette première circulaire de son second directorat par la nouvelle de son retour à l’hôtel d’Uzès où le ministre lui a ordonné de fixer sa résidence.15
83La douane recouvre son indépendance mais si son chef n’est plus subordonné au directeur général des droits réunis, il n’est toujours pas directeur général. Cette anomalie sera corrigée rapidement par l’ordonnance prise le 5 octobre et qui dispose en son article premier : « Le Sieur de Saint-Cricq, notre conseiller d’État en service ordinaire, directeur de l’Administration des Douanes, prendra définitivement le titre de directeur général de nos douanes, dont il remplit les fonctions depuis le 8 juillet de cette année. Il travaillera exclusivement avec notre ministre-secrétaire d’État des Finances ».16
84Le directeur de Nantes, Dubois-Aymé, qui avait fait partie de l’expédition d’Égypte en tant qu’élève de Polytechnique, adresse, le 15 juillet, à ses collaborateurs une note de circonstance démontrant bien les fluctuations de l’opinion générale et le sens du devoir de certains : « Il doit être indifférent, Monsieur, aux Français raisonnables d’avoir une cocarde d’une couleur ou d’une autre, mais ce qui doit leur importer extrêmement, c’est de ne devenir ni Prussien ni Anglais. Le salut de la France est dans le sacrifice de toute opinion particulière, et l’on doit se réunir franchement autour d’un prince dont la bonté est aujourd’hui si connue de tous les Français. Cependant, comme notre premier devoir envers lui, envers l’État, est de veiller au recouvrement des droits, qui sont d’une haute importance pour le Trésor public, nous devons pour n’être point troublés dans nos fonctions éviter de choquer aucune opinion. Ainsi, là où le gouvernement n’est point encore reconnu on continuera à porter la cocarde tricolore ; partout ailleurs les préposés prendront la cocarde blanche. Il en est de même de l’écriteau placé à la porte des bureaux : on doit replacer l’inscription Douanes Royales dans tous les lieux soumis au gouvernement.
85« Je vous autorise à révoquer de suite, sans être obligé de m’en référer, tout préposé qui se permettrait d’insulter quelque drapeau, quelque cocarde que ce soit, et à suspendre de ses fonctions tout employé qui se conduirait d’une manière aussi répréhensible ».17
86Le directeur de Nantes est aux prises avec, d’une part l’occupation alliée et, d’autre part, la guerre civile qui s’est rallumée depuis plusieurs mois en Vendée. Il écrit à Saint-Cricq, le 9 août : « Après-demain les Prussiens entreront probablement à Nantes. Il serait instant de donner des ordres pour qu’ils ne désorganisent point le service des douanes que nous venons de rétablir en partie à grand peine. [...] La Vendée [est un] pays livré à l’anarchie la plus complète et où les obstacles de tout genre nous ont été opposés ».18
87En effet, l’avant veille, Dubois-Aymé a été amené en compagnie du sous-préfet des Sables-d’Olonne, à signer une convention d’armistice à l’Aiguillon-sur-Vie, « entre les Vendéens et les douaniers actuellement en service ».
88Par cette convention, valable jusqu’au 25 août, les « officiers supérieurs de l’Armée royale de Vendée » se sont engagés à laisser la Douane exercer son métier, notamment dans les marais salants, à la condition qu’en soient exclus ceux qui « n’offriraient point de garantie de la pureté et de la fermeté de leur attachement au Roi ».19
89Il est visible que la situation a évolué depuis le jour où le directeur à Nantes engageait ses troupes à la tolérance !
90Saint-Cricq a bien montré, dans sa circulaire du 11 juillet, son adhésion aux thèses de ceux naguère saisis de panique devant « le vol de l’Aigle de clocher en clocher » et contraints brusquement à un nouvel exil. Leur vengeance voudrait s’exercer contre tous les officiers supérieurs et les hauts fonctionnaires qui se sont ralliés instantanément à l’« Usurpateur ». Mais Saint-Cricq se garde bien de prendre des mesures individuelles contre ceux qui « ont fait preuve de sentiments incompatibles avec l’ordre des choses heureusement rétabli ». Il est tout a fait probable qu’il estime de première urgence, la remise des services douaniers en mesure d’accomplir leurs diverses missions.
91Cependant sous la pression des ultras de la Chambre introuvable, la répression contre les nostalgiques de l’Empire se fait de plus en plus sévère. Saint-Cricq est amené à durcir ses positions. Il précise aux directeurs à propos de préposés ne portant pas la cocarde blanche : « Il faut purger les brigades de ces hommes indociles et raisonneurs, qui, montrant quelque difficulté à se décorer des signes distinctifs de tout Français en uniforme, ne méritent point de place sous le gouvernement légitime auquel ils hésitent à se rallier. Les inspecteurs, et les contrôleurs sont chargés, sous leur propre responsabilité, de vous les signaler.
92« Mettez, Monsieur, la dernière main à l’épuration que, plusieurs fois déjà, je vous ai recommandée : apportez une attention sévère dans le choix pour les remplacements ; qu’une justice inébranlable préside aux avancements, entretienne l’attachement à l’emploi et l’émulation ; des punitions immédiates réprimeront les fautes commises, et par une ferme discipline, vous préviendrez l’effet des mauvais exemples ; faites régner surtout la subordination ; le préposé en qui elle est éteinte, devient capable de manquer à tous les devoirs.
93« Il m’est pénible d’entendre les plaintes qui, jusqu’ici, se sont élevées sur la composition vicieuse du service actif. Je me persuade que vous éprouvez vivement le désir de les faire cesser. Consacrez donc, Monsieur, tous vos soins à établir la bonne réputation dont il me sera si agréable de voir jouir le personnel qui vous est confié. J’aimerai à reconnaître votre zèle et votre dévouement à vos fonctions, dans les prompts résultats que vous m’offrirez à cet égard ».20
94Il recommande aussi de reprendre leur armement aux préposés démissionnaires ou révoqués, mettant l’accent sur l’application du règlement en la matière. Il ajoute que cela doit se faire surtout « dans ce moment, où vous devez, ainsi que je vous l’ai recommandé, vous occuper sans relâche de l’épuration si indispensable des brigades ».21
95Il rappelle, en novembre, la position prise à sa rentrée en fonctions : « Je vous ai enjoint d’opérer promptement dans les brigades de votre direction une réforme dont j’avais pressenti la nécessité, et d’en écarter tous les préposés qui, pendant l’interrègne, avaient volontairement donné des gages de leur attachement de préférence à la personne et au gouvernement de l’usurpateur.
96« Je suis fondé à craindre que les ordres que j’ai donnés dès cette époque, n’aient pas été exécutés avec la juste sévérité que j’avais recommandée, et j’ai droit de m’étonner que plusieurs directeurs ne paraissent pas avoir suffisamment senti l’importance de cette mesure.
97« Elle tend à régénérer l’esprit public de 22 000 hommes armés, la plupart anciens soldats ; à détruire en eux des affections devenues coupables, et à attacher sincèrement à l’autorité royale cette portion intéressante de la force publique. On ne peut se dissimuler en effet, que beaucoup de préposés de brigades, militaires retirés ou réformés, partageant le déplorable entraînement de l’armée, n’aient manifesté les mêmes sentiments lors du retour de l’usurpateur, et qu’ils n’aient applaudi à sa criminelle entreprise.
98« L’intérêt public, la sûreté même de l’État, commandent impérieusement que l’on éloigne du service de l’Administration ces hommes aussi coupables par leur conduite passée, qu’ils pourraient être dangereux à l’avenir. Aussi, les brigades de douanes exigent une épuration sévère, et qui doit surtout avoir les chefs pour objet.
99« Sous la désignation de chefs, je n’entends pas ici les contrôleurs de brigades ni les lieutenans d’ordre, que je vous ai recommandé de me signaler individuellement, à raison de leur conduite politique. Ce travail, le plus important de tous ceux que réclament les circonstances, est déjà avancé dans beaucoup de directions ; il s’achèvera successivement avec les concours des inspecteurs généraux, dont vous ne devez pas cependant attendre la présence pour leur réclamer les changemens ou révocations que vous jugeriez encore nécessaires.
100« Je veux parler des chefs immédiats des brigades, des lieutenans et sous-lieutenans, et surtout des premiers. Ce sont eux dont vous devez tout d’abord. Monsieur, examiner avec le plus grand soin la conduite pendant les derniers événemens, afin d’en améliorer la classe entière, en destituant ou dégradant tous ceux dont l’attachement à la cause royale ne serait pas certain.
101« Vous savez combien ces chefs immédiats ont d’influence sur le service et la moralité administrative des préposés qu’ils commandent, et avec lesquels ils vivent sans cesse ; cette influence n’est pas moindre sous le point de vue des principes politiques ; et il est certain qu’en fort peu de temps, un lieutenant de brigade, sincèrement dévoué au Roi, ne comptera point parmi ses subordonnés un seul préposé factieux, soit parce que son exemple et ses discours plieront naturellement leur façon de penser à la sienne, soit parce qu’il provoquera la destitution ou le changement de ceux qui s’obstineraient à rester ennemis du Roi.
102« Vous devez donc, Monsieur, à la réception de ma lettre : 1° m’envoyer un état indicatif, par grade, de tous les hommes que vous avez renvoyés ou dégradés pour conduite politique.
1032° procéder de nouveau avec un soin tout particulier à la vérification approfondie de la conduite et des opinions publiques de tous les lieutenans et sous-lieutenans de votre direction, depuis le 1er mars dernier ; vous ne vous en rapporterez pas uniquement pour cette vérification, aux témoignages des contrôleurs de brigades et lieutenans d’ordre ; vous n’y aurez égard qu’autant que vous seriez parfaitement sûr des principes politiques de ceux-ci, et vous vous éclairerez le plus que vous pourrez par le suffrage des fonctionnaires et habitans notables qui étant à portée de connaître les chefs de brigades sur lesquels vous les consulterez, sont d’ailleurs sans motifs de partialité contre eux.
104« À mesure que vous aurez recueilli et complété les renseignemens nécessaires sur un lieutenant ou un sous-lieutenant, il conviendra souvent, s’ils sont à son désavantage, que vous le mandiez pour le voir, l’interroger vous-même, et achever d’éclairer votre opinion par ses réponses.
105« Lorsqu’elle sera fixée, si elle lui est défavorable, vous devrez, sans vous arrêter à aucune considération, le dégrader au rang de simple préposé, ou le destituer si vous avez lieu de le regarder comme incorrigible, et le remplacer à l’instant par un homme fut-il même étranger à l’Administration, qui, ayant d’ailleurs les qualités nécessaires pour devenir bon chef ou sous-chef de brigade, vous offrira, pour première condition, un dévouement sincère et prouvé au Roi et à son gouvernement ; toutefois vous prendrez, autant que possible, ces nouveaux lieutenans et sous-lieutenans dans la classe des simples préposés ; cette préférence n’étant pas seulement dans l’intérêt général du service, mais devant agir encore plus fortement sur l’opinion, en donnant le double exemple d’un simple préposé avancé et récompensé, et d’un chef de brigade dégradé et puni, pour la seule différence de la conduite politique de l’un et de l’autre.
106« Les détails dans lesquels je viens d’entrer sur le mode d’exécution de la mesure que je recommande de nouveau, suffiront, Monsieur, pour vous donner une juste idée de l’extrême importance que j’y attache. Cette importance est en proportion de l’influence qu’elle doit avoir sur la situation générale du royaume et sur le service du Roi, auquel je serai certain d’avoir procuré vingt mille braves défenseurs, aussitôt que les directeurs se seront mis parfaitement en mesure de répondre du dévouement de tous les lieutenans et sous-lieutenans placés par eux à la tête de leurs brigades, et qu’ils pourront me garantir leur conduite politique pour l’avenir.
107« Je place ainsi très spécialement sous votre responsabilité, la stricte exécution de toutes les dispositions de la présente, et je vous recommande de ne point perdre de vue qu’elle serait également compromise si vous négligiez de compléter les renseignements que je vous ai déjà plusieurs fois demandés sur la conduite politique des employés de tout grade à ma nomination, et de me mettre ainsi en état d’obtenir, parmi les chefs et dans les bureaux, une composition telle que le Gouvernement a droit de l’attendre de mes principes, et qu’il est dans mes devoirs de l’assurer ».22
108Saint-Cricq s’inquiète aussi de la moralité des futures recrues et recommande aux directeurs de veiller à l’orthodoxie de leurs sentiments politiques. Il précise : « Je ne doute pas, Monsieur, après votre attachement aux bons principes et à la dynastie régnante, qu’avant d’admettre les nouveaux sujets qui se présentent pour rentrer dans les brigades, vous n’exigiez la preuve écrite de leurs bonnes mœurs et de leur dévouement aux intérêts du Roi. Néanmoins, je crois devoir prescrire à cet égard une mesure générale. Tout individu qui sollicite une place dans les brigades doit être porteur d’une déclaration de trois notables, soit de la commune où il est né, soit de celle où il a demeuré et acquis domicile en dernier lieu attestant qu’il a toujours eu une conduite régulière, que ses mœurs sont irréprochable, et que son attachement au Roi ne laisse aucun doute ».23
109Pour guérir « les plaies cruelles que la Révolution a faites à la société, en s’attachant à détruire, jusque dans les dernières classes, les principes religieux, sans lesquels il n’existe plus de sanction ni de garantie pour la morale et pour mettre continuellement à la portée des agents des brigades les doctrines conservatrices de l’ordre social, l’attachement à la religion, aux bonnes mœurs et au gouvernement légitime », Saint-Cricq invite chaque brigade à s’abonner sur le fond de masse au Journal des maires qui a pour « objet principal de mettre les bonnes doctrines pour ainsi dire, en circulation journalière parmi le peuple ».24 Il recommande d’encourager les demandes particulières d’abonnement.
110C’est à ce retour à la morale que Saint-Cricq appelle, quand il écrit à propos de l’institution des inspecteurs généraux des douanes : « Les directeurs ne doivent voir dans les inspecteurs généraux que des auxiliaires puissants, toujours prêts à les seconder dans la recherche des abus, et à concerter avec eux, les mesures les plus efficaces pour les détruire ou les prévenir.
111« C’est dans ce sens, Monsieur, que sont rédigées les instructions détaillées que je leur destine. Le gouvernement que nous avons le bonheur de servir et qui veut réparer nos longs malheurs, n’a l’espoir d’y parvenir qu’en rendant à la morale publique tous ses droits, en exigeant de tous ceux qu’il emploie, la probité, l’attachement à leurs devoirs, l’exactitude à les remplir et en extirpant ainsi des différentes branches de l’administration générale, le germe des désordres que le temps et les circonstances extraordinaires y avaient introduits.
112« C’est pour concourir à opérer dans les douanes cette grande et salutaire réforme, que vient d’être rétablie, suivant un nouvel ordre de combinaisons, l’institution des inspecteurs généraux ; je suis fondé à attendre de leur zèle, secondé de vos lumières et de l’unanimité de vos efforts, des résultats aussi prompts que satisfaisans pour l’amélioration du service que vous dirigez ».25
113Cependant, le gouvernement montre, dès l’abord, sa volonté de faire surveiller cette administration des douanes, dont les employés sont soupçonnés non seulement d’attachement nostalgique à des idéaux révolus, mais aussi d’inertie et même de corruption face à la contrebande.
114Il accepte donc la proposition de Saint-Cricq de rétablir les inspecteurs généraux des douanes, institution créée en 1800 et supprimée en 1814.26
115Nous avons vu que le nouveau chef de la douane s’était vu confier jusqu’à la fin de l’Empire la « correspondance avec les inspecteurs généraux ». Ceux-ci procédaient alors à des vérifications dans les services extérieurs, tâche que les administrateurs ne pouvaient assurer régulièrement du fait de l’augmentation du travail de bureau.
116Saint-Cricq, instruit par son expérience, apporte un changement important dans leurs attributions : chacun d’eux a un arrondissement formé de six directions et doit s’y établir. Au nord, le siège est Lille, à l’est, Besançon, dans le Midi c’est Montpellier, et à l’ouest, Vannes. Saint-Cricq obtient la nomination de fonctionnaires des douanes aux cinq postes ainsi créés, notamment trois directeurs particulièrement appréciés pour leur connaissance de l’administration.
117Comme « premier inspecteur général » il fait nommer Hains en qui il a toute confiance et qui deviendra son plus proche collaborateur.
118Le chef de la douane rappelle qu’en décembre 1814, un arrêté avait supprimé les inspecteurs généraux des douanes sans, toutefois, supprimer leurs fonctions. Il précise que :
119« Celles ci ont été confiées à des agens temporaires, que le chef de l’Administration pouvait prendre à son gré, soit dans l’Administration, soit hors de son sein, et auxquels il était libre de conférer, outre le droit de vérifier le service, tous les pouvoirs qu’il jugeait convenables.
120L’expérience a prouvé que ce nouveau mode de vérification supérieure n’offrait pas toute l’utilité qu’on s’en était promise. Le ministre a reconnu surtout qu’il était insuffisant, dans les circonstances présentes, pour opérer les réformes qu’elles commandent, découvrir tous les abus qui paraissent s’être introduits sur plusieurs points des lignes de douanes, les signaler, et en prévenir le retour.
121« La réorganisation de ces lignes rompues et détruites en grande partie par l’effet des événements militaires, demande d’ailleurs des soins assidus, un travail particulier, et des courses multipliées, que l’Administration ne peut exiger de ses directeurs sans faire souffrir le service.
122« Ces considérations ont déterminé Son Exc. à rétablir les Inspecteurs Généraux. Vous trouverez ci-joint une expédition de l’arrêté qu’elle a pris à cet effet, le 15 de ce mois.
123« Ses dispositions sont tellement détaillées et précises, qu’elles n’exigent presque aucun développement. Elles rendent sensibles tous les avantages de la nouvelle institution sur l’ancienne, et sur la mesure transitoire qui lui avait été substituée.
124« Les chefs éclairés de l’Administration avaient reconnu depuis longtemps, qu’elle manquait d’Agens Spéciaux de surveillance, qui, étrangers à l’émission des ordres de Régie, comme à leur exécution, fussent uniquement chargés de vérifier celle-ci ; placés ainsi dans la nécessité de tout voir, et essentiellement désintéressés dans leurs vérifications, comme dans les comptes, qu’ils seraient tenus d’en rendre.
125« Il fallait que ces agens fussent placés sur les lignes mêmes, et à portée du service, pour pouvoir en acquérir une connaissance suffisante, être informés de toutes les infractions à l’ordre, les constater promptement, et m’en donner une connaissance exacte ».27
126Par la suite, le directeur général obtient « la création de quatre inspecteurs généraux adjoints destinés à suppléer les inspecteurs généraux divisionnaires dans leurs tournées, à travailler concurremment avec eux et à les aider dans leurs vérifications ». Il signale aux directeurs : « Cette disposition a pour but de compléter une institution dont l’expérience a démontré, je ne dirai pas l’utilité, mais la nécessité dans les douanes. MM. les inspecteurs généraux, créés l’année dernière, en vertu de l’arrêté ministériel du 15 septembre, ont rendu depuis cette époque des services appréciés par le gouvernement, et applaudis dans les départemens par les autorités, le commerce, le public et tous les bons employés ; mais leur travail même, et le zèle infatigable avec lequel ils s’y sont livrés, ont démontré l’immensité de leur tâche, et le besoin de les seconder dans leurs pénibles et importantes fonctions ». Après avoir annoncé que, pour des raisons d’économie, il n’y aura que deux créations de poste, il décide une modification des limites des quatre arrondissements, destinée à tenir compte de la nomination d’un inspecteur général adjoint dans ceux du Nord et de l’Est. Enfin il précise : « les devoirs et les attributions de l’inspecteur général adjoint en fonction, soit dans sa division, soit sur tout autre point lorsqu’il y est envoyé, sont précisément les mêmes que ceux de l’inspecteur général divisionnaire, dont il tient la place et partage les pouvoirs en tout ce qui concerne la vérification du service ».28
127Sous la seconde Restauration, l’encadrement de la douane ne subit guère de changements. François Ferrier, directeur général pendant les Cent-Jours, laisse au terme d’un curieux chassé-croisé, son poste, pour la seconde fois, à Pierre de Saint-Cricq. Il aimerait réintégrer la direction de Dunkerque, déjà occupée à sa demande, sous la première Restauration. Saint-Cricq peut témoigner qu’il a évité toute mesure d’épuration parmi ceux qui s’étaient ralliés à la monarchie et n’a pas tenté de revenir sur les décisions prises en matière de politique douanière.
128En effet, Ferrier avait écrit dans sa première circulaire, intervenue seulement six jours après la constitution du nouveau gouvernement impérial : « J’ai remercié MM. les administrateurs et spécialement celui d’entre eux qui a dirigé le service, des améliorations qu’il y a faites et confirme tout ce qu’il a prescrit » et avait poursuivi : « M. de Saint-Cricq reprendra la division des sels qu’il demande ».29
129Ce dernier, à la reprise de ses fonctions de chef du service des douanes, a certainement voulu agir dans le même sens et a obtenu que Ferrier retrouve les fonctions de directeur à Dunkerque, place laissée opportunément vacante pendant les Cent-Jours.
130Aucun changement n’intervient dans l’administration centrale. Le nombre des administrateurs est réduit à quatre du fait de la promotion de Saint-Cricq et les titulaires, y compris Louis Collin de Sussy, restent en place. Il en est de même du secrétaire général Lavigerie, et de tous les chefs de bureau de la direction générale des Douanes, les uns et les autres, en poste depuis 1801, et, pour la moitié, depuis la Ferme générale. Le corps des directeurs provinciaux reste relativement stable puisqu’on enregistre en 1815 et 1816, seulement quatre nominations nouvelles et cinq mutations.30
131L’épuration politique n’est donc pas intervenue dans les cadres de la direction générale des Douanes et ne s’est guère fait sentir dans l’encadrement principal en province. Par contre, les directeurs régionaux ont prononcé un grand nombre de révocations parmi les douaniers de la ligne, beaucoup plus qu’en temps ordinaire, mais surtout pour inconduite.
132Il est possible d’estimer avec Jean Clinquart que, d’après les éléments d’appréciation dont on dispose, le bilan de l’épuration est maigre dans l’ensemble de l’administration des douanes.
133« L’épuration politique, nulle dans les hautes sphères reste très limitée aux niveaux intermédiaires de la hiérarchie et à la base. On révoque énormément à cette époque, plus qu’en temps ordinaire, mais surtout pour "inconduite". Les directeurs tirant manifestement parti du caractère équivoque des ordres de Saint-Cricq pour se débarrasser d’éléments jugés indésirables ».31
134Et nous pouvons appliquer à la douane l’opinion de Jean Tulard traitant de l’ensemble des corps de l’État : « Cette épuration a peut-être en définitive laissé un souvenir exagéré de dureté alors qu’elle tente au fond de revenir à la situation antérieure aux Cent-Jours ».32
135Par la suite, Pierre de Saint-Cricq s’est souvent attaché à mettre en évidence les « loyaux services des agents placés sous sa direction ».
136C’est ainsi que le 14 février 1818, après avoir fait, devant la Chambre des députés, le rapprochement entre les dépenses de fonctionnement du service des douanes et les intérêts dont il a la garde ; après avoir démontré que le traitement moyen de 26 321 douaniers avoisine 770 francs ; après avoir dépeint d’une part les dures conditions d’existence et la pénibilité du métier de ces fonctionnaires d’élite ; après avoir souligné les résultats obtenus, Saint-Cricq affirme : « Ils suffiront, sans doute, ces calculs, pour faire prendre une idée plus juste, et assez relevée peut-être, d’une administration qui, n’ayant à placer sur ses lignes que trois hommes par lieue-frontière, sait les faire mouvoir et surveiller en tout temps avec un ordre et une précision telle, qu’ils obtiennent contre la fraude et pour le double intérêt de notre industrie et du trésor, des succès aussi remarquables ; qui sait faire, en même temps, qu’on les trouve prêts, en toute occasion, à concourir à toutes les mesures d’ordre public. Je pourrais ajouter qu’on les a toujours vus disposés à verser leur sang pour la patrie, lorsqu’il a fallu la défendre, si ce n’était aux braves, dont ils ont plus d’une fois, sur les champs de bataille, partagé les travaux et les dangers, à leur rendre ce glorieux témoignage.
137« Pour moi, messieurs, qui, plus que personne, suis à portée d’apprécier le travail et le zèle des diverses classes d’agens que j’ai l’honneur de diriger, qui souvent ai eu la satisfaction de leur dire que le gouvernement applaudissait à leur dévouement, je n’ai plus qu’un vœu à former pour eux et pour moi, c’est que le suffrage des Chambres vienne m’aider à soutenir leurs efforts, jusqu’à ce que des temps plus heureux donnent le pouvoir d’améliorer leur position, et de les affranchir de l’état de gêne et de détresse où gémissent la plupart d’entre eux.
138« Ils ont besoin, en effet, de compter sur l’avenir pour se dévouer à défendre aussi courageusement et aussi utilement qu’ils l’ont fait, surtout depuis deux ans, tous les intérêts régis par la législation que doit améliorer et approcher toujours davantage de la perfection, le projet de loi dont je vais mettre les articles sous vos yeux ».33
139En même temps que l’on s’occupe des hommes, il faut veiller à la nouvelle implantation des lignes de douane. La situation dans les premiers temps de la seconde Restauration est particulièrement compliquée. Les limites territoriales nouvelles sont loin d’être définies. Localement les responsables des douanes ont des difficultés avec les troupes alliées qui n’ont cure des impératifs douaniers et ont occupé les locaux de la douane dans de nombreux points.
140Le second traité de paix entre la France et les puissances alliées précise, en son article premier : « Les frontières de la France seront telles qu’elles étaient en 1790 ».
141La Savoie tout entière est perdue, ainsi qu’une partie du pays de Gex, cédée à la Confédération helvétique. « La ligne des douanes françaises sera placée à l’ouest du Jura, de manière que tout le pays de Gex se trouve hors de cette ligne ».34
142Il est en outre stipulé que « les rapports établis entre la France et la Principauté de Monaco cesseront à perpétuité et que les mêmes rapports existeront entre cette principauté et S.M. le Roi de Sardaigne ».
Lutte contre la fraude
143Saint-Cricq va s’appuyer sur les directeurs et surtout sur les inspecteurs généraux pour arriver à réorganiser les lignes et à veiller au parfait rétablissement des brigades sur les lignes de terre. Il affirme, à propos des tâches des inspecteurs généraux : « La réorganisation des lignes, rompues ou détruites en grande partie par les opérations militaires, demande d’ailleurs des soins assidus, un travail particulier et des courses multipliées que l’Administration ne peut exiger de ses directeurs sans faire souffrir le service ». Il poursuit : « Il fallait que ces agens fussent placés sur ces lignes mêmes, et à portée du service, pour pouvoir en acquérir une connaissance suffisante ».35
144Par ailleurs, il réclame aux directeurs des explications sur « la manière dont le service, destiné à écarter ou arrêter la fraude, a été commandé et exécuté ». Il veut connaître les améliorations possibles et continue ainsi : « Vous terminerez en indiquant si la fraude qui peut se faire sur votre ligne, est assurée ; et, dans ce cas, vous ferez tout ce qui sera en votre pouvoir pour connaître précisément le taux de l’assurance et m’en informer ».36
145La loi du 28 avril 1816 contient d’importantes dispositions en matière de politique douanière, comme nous l’avons vu en début de chapitre. Elle apporte également une modification très importante aux possibilités d’action du service des douanes. C’est ainsi qu’il est décidé que les cotons filés, les tissus et tricots de coton et de laine, et tous autres tissus étrangers prohibés seront recherchés et saisis sur tout le territoire national. « À l’effet de distinguer les tissus fabriqués en France, toute pièce d’étoffe de la nature de celles prohibées devra porter une marque et un numéro de fabrication. Les préposés des douanes, accompagnés d’un officier municipal ou d’un commissaire de police, rechercheront et saisiront les marchandises non conformes. Un procès verbal sera établi, des échantillons prélevés, le tout soumis à un jury assermenté et composé de cinq négociants qui tranchera en matière d’origine. Si les marchandises ne sont pas reconnues comme fabriquées en France, il y aura confiscation et amende de 500 francs. Dans le cas contraire le propriétaire se verra remboursé de ses frais et percevra une indemnité correspondant à un pour cent par mois de la valeur des marchandises ».37
146La douane a reçu, à cette occasion, un pouvoir de recherche exorbitant dont elle ne voudra user qu’avec tact et prudence.
147Le texte législatif stipule en outre que « toutes les marchandises fortement taxées seraient obligatoirement importées par une trentaine de ports maritimes et un nombre à peu près équivalent de bureaux des frontières terrestres ».
148Saint-Cricq explique cette décision : « La fraude trouve un accès trop facile dans les petits bureaux pour qu’on ne s’applique pas à en écarter les objets imposés à de forts droits, ou qui, par leur espèce, exigent une vérification éclairée ».38
149Cette même loi traite en son titre IV de la lutte contre la fraude. Une nouvelle démarcation du rayon des frontières terrestres est autorisée. Y figurent, également, des modifications aux règlements sur la circulation et le dépôt des marchandises sensibles à la fraude dans ce rayon.
150Dans ses différentes notes de transmission, Saint-Cricq s’attache à expliquer les points susceptibles d’erreurs d’interprétation et à donner tous détails nécessaires à l’exécution de chacun des objets de cette loi.39
151C’est ainsi que pour ce qui concerne le rayon, il recommande aux directeurs de « choisir dans chaque localité les meilleures limites de ce territoire, en raison de tout ce qui peut contribuer à réprimer la fraude ». Le rayon pourra être, par endroits, étendu de deux à deux myriamètres et demi. « On en profitera pour fortifier le service ordinaire de la seconde ligne des positions favorables dont il est privé par la mesure fixe de deux myriamètres. On cherchera à appuyer ce service sur les cours d’eau et à en tenir éloignés autant qu’il sera possible les communes ou habitations qui peuvent servir de dépôt ».
152Saint-Cricq poursuit en prônant l’utilisation de cette possibilité d’extension de la profondeur du rayon, pour organiser le service spécial destiné à l’exercice du droit de poursuite. En effet, la loi ajoute au droit de contrôle et de saisie à l’intérieur du rayon des marchandises présumées avoir été introduites frauduleusement, l’utilisation d’un droit de poursuite instauré par l’article 39. C’est ainsi que « toutes les marchandises de la classe de celles qui sont prohibées à l’entrée ou assujetties à des droits de 20 francs par 100 kg et au dessus, seront réputées avoir été introduites en fraude ». Elles seront saisissables à quelque distance qu’elles puissent être à l’intérieur, lorsqu’il sera constaté par un procès-verbal en bonne forme, qu’ayant franchi le rayon, elles ont été poursuivies sans interruption et que « les dites marchandises sont dépourvues, au moment de la saisie, de l’expédition qui était nécessaire pour les transporter ou faire circuler ».
153L’administration espère, en traitant les marchandises dépourvues d’expédition valable comme si elles arrivaient frauduleusement du territoire étranger, atteindre plus sûrement la fraude.
154Saint-Cricq pense accorder à chacune des directions sensibles au Nord et à l’Est, ainsi que le long du Var une augmentation de cinquante à soixante hommes à pied, et le nombre nécessaire de lieutenants et contrôleurs sous les ordres d’un inspecteur ou sous-inspecteur qui n’aura pas d’autres fonctions que de diriger le nouveau service chargé spécialement de cette poursuite. Il suggère aux directeurs concernés d’y inclure la cavalerie qui leur paraîtra nécessaire.
155Mais s’il insiste sur le fait que cette loi « déroge à cet égard aux lois générales, et que par conséquence on pourra procéder aux recherches et saisies dans toutes les villes et communes de l’étendue du rayon, quelle que soit leur population », s’il estime important d’atteindre, « jusque dans l’intérieur, les marchandises prohibées qui y auraient été précédemment introduites, ou qui pourraient y pénétrer nonobstant la prohibition », il indique plus loin : « on ne devra procéder qu’avec infiniment de réserve ». Il affirme que l’on ne doit pas « fatiguer par des recherches et visites domiciliaires des citoyens contre lesquels de forts indices n’autoriseraient pas l’emploi de ces mesures ». Plus loin, il recommande « de veiller à ce qu’on use toujours d’une grande circonspection ».40 Il veut donc que ses subordonnés n’usent qu’avec discernement des pouvoirs exceptionnels qui leur sont conférés.
156Par la suite, en 1819, Saint-Cricq se félicite des premiers résultats obtenus grâce à la ligne spéciale. Il attribue aux dispositions prises en 1816, le principal mérite de « l’augmentation progressive survenue depuis cette époque dans le taux de l’assurance ».
157« Il n’a plus suffi, en effet, aux entrepreneurs de la fraude de vaincre ou d’éluder la résistance du service dans le rayon ordinaire des douanes, pour consommer avec succès et sécurité leurs opérations. Ils ont éprouvé encore sur le terrain de la ligne spéciale de nouveaux risques qui les ont obligés d’étendre leurs combinaisons et de chercher des lieux de dépôts plus reculés. Aussi l’on voit maintenant les bandes à leur solde prolonger dans l’intérieur leur marche, qui se terminait précédemment à la limite de quatre lieues frontière.
158« Ces réunions de fraudeurs souvent armés pourraient, d’un moment à l’autre, devenir dangereuses pour l’ordre public ; de même elles ont donné, sous ce rapport, des inquiétudes dans quelques départemens.
159« J’ai recherché les moyens de prévenir ces désordres autant que cela peut dépendre de l’Administration, d’introduire à cet effet dans le service de la ligne spéciale des améliorations indiquées par l’expérience, et en même tems d’assurer l’exécution de recherches prescrites par l’art 59 de la loi du 28 avril 1816 partout où il est possible aux douanes d’étendre leur action.
160« Le système qui m’a paru devoir être le plus efficace, sous les divers rapports, consiste :
1611°, à porter, par intervalles plus ou moins longs, et secrètement, dans l’intérieur, en arrière des lignes de détachemens mobiles de préposés qui, dirigés tantôt sur un point, tantôt sur un autre, choisissant d’ailleurs pour leurs excursions temporaires, les cantons les plus fréquentés par les fraudeurs, auront beaucoup de chances pour rencontrer ceux-ci assez souvent et les tiendront dans une appréhension continuelle, à raison de l’ignorance où ils seront toujours sur les mouvemens de ces détachemens.
1622°, à placer dans les villes de l’intérieur où passe ordinairement la contrebande qui a traversé les lignes, des employés pris dans les directions frontières et placés sous les ordres et la surveillance des chefs locaux, avec la mission spéciale de recueillir des renseignements sur la fraude ; d’observer les démarches des individus connus pour s’y livrer ; de s’enquérir des routes qu’ils lui font suivre, des lieux où ils la déposent ; de donner ainsi aux directeurs et aux chefs du service mobile des notions propres à régler les mouvements des brigades spéciales, et enfin de procéder avec le concours des autorités, tant dans les villes où ils seront en résidence que dans les lieux environnants, à la recherche et à la saisie des tissus étrangers, en conformité du titre VI de la loi du 28 avril 1816.
163« C’est d’après ce plan, et dans la vue de le réaliser, que j’ai donné aux brigades de la ligne spéciale l’organisation nécessaire pour les rendre mobiles, ainsi que j’en ai prévenu les directeurs que cette mesure concernait, en leur annonçant des instructions sur le genre de service auquel je les destinais. »
164Il explique ensuite aux directeurs provinciaux, qu’à sa demande, le ministre de l’Intérieur a fait connaître à tous les préfets des régions frontalières, que la loi du 28 avril 1816, titre VI, article 59, ordonne la recherche dans tout le royaume des tissus prohibés et cotons filés de l’étranger, aussi bien à domicile qu’en cours de transport. « En cas de résistance, soit qu’elle ait cédé ou non à l’emploi de la force, devenu alors légitime, l’opposition à l’exécution de la loi doit être constatée par procès-verbal, à remettre après affirmation au ministère public, pour poursuivre les auteurs de cette résistance coupable, conformément à la section 4, livre III du code pénal relative aux crimes et délits de résistance, désobéissance et autres manquemens envers l’autorité publique ».
165Il indique que le ministre Decazes l’a assuré de la collaboration des préfets concernés et poursuit : « L’inspecteur de la ligne spéciale sera chargé, sous vos ordres de diriger et de surveiller les mouvemens des détachemens mobiles des préposés, et le service d’observation des employés de bureau dans l’intérieur. Cette attribution importante devant exiger de sa part des courses multipliées, il lui sera accordé par mois, outre son traitement, pour indemnité de frais de déplacement, une somme dont je vous ferai connaître le montant, si, comme je ne dois pas en douter, il se livre avec l’activité nécessaire et à ma parfaite satisfaction, aux nouveaux soins que je lui confie.
166« Le service actif en arrière des lignes sera exécuté uniquement par des brigades mobiles des lignes spéciales, auxquelles je viens d’assigner une solde très élevée et de donner une composition telle que l’exige la nature de leurs fonctions essentiellement ambulatoires. Les préposés garçons dont ces brigades sont formées pourront trouver, dans le produit des saisies, une compensation de leurs fatigues. Ils seront aussi en position de se faire valoir et de mériter de l’avancement. Enfin, mon intention est d’encourager encore par des gratifications ceux d’entre eux qui se seront le plus distingués.
167« Les employés de bureau, doués de la sagacité nécessaire, et faits pour inspirer, par leur mérite personnel, une estime et une confiance particulière aux autorités avec lesquelles ils se trouveront en rapport, seront appelés, comme détachés, au service sédentaire d’observation, dans les villes où, d’après la marche connue de la contrebande, leur séjour promettra les résultats les plus utiles. Je vous désignerai ces villes, pour ce qui concerne votre direction, dans une lettre qui vous parviendra en même temps que la présente. Vous aurez à me présenter, vous-même, pour ce service, le plus promptement possible les employés de votre division que vous jugerez réunir au plus haut degré les qualités requises. Chacun d’eux jouira d’un complément de traitement par mois, à raison des courses momentanées qu’il devra faire selon les circonstances ».
168Enfin il prescrit d’organiser au sein de chaque direction un échange de renseignements sur la fraude et « recommande surtout de ne pas permettre aux chefs et employés du service spécial et d’observation d’oublier qu’ils doivent toujours agir avec la plus grande circonspection, et ne se déterminer à des visites à domicile que lorsqu’elles seront pleinement justifiées par des avis positifs et certains. S’ils ne s’abstenaient ainsi de toute investigation indiscrète, ils provoqueraient bientôt des plaintes fondées, et ces plaintes compromettraient l’existence même de ce service spécial dont le gouvernement attend les plus heureux effets pour la répression de la contrebande ».41
169La Chambre introuvable avait institué des cours prévôtales destinées à connaître et juger les crimes de rébellion et de sédition. Ces cours ne doivent pas être assimilées aux cours prévôtales de l’Empire, qui avaient pour unique compétence les actes de fraude douanière et dont l’arsenal répressif était féroce.
170Devant la recrudescence d’actions violentes commises lors du passage des lignes par des bandes nombreuses ou armées, le gouvernement proposa d’englober les actes de contrebande par attroupements armés dans la compétence de ces cours.
171La Chambre alla plus loin et décida que toute tentative en réunion, soit par trois cavaliers soit par six hommes à pied, même non armés, serait de leur ressort. Elle renforça aussi la répression des autres actes de contrebande qui devenaient justiciables des tribunaux correctionnels. Ces dispositions furent inscrites dans la loi du 28 avril 1816.
172Saint-Cricq écrit à ses directeurs : « Votre première remarque sera, sans doute, que les nouvelles dispositions sont plus sévères que les précédentes ; mais il vous sera ensuite facile de reconnaître que les circonstances exigeaient qu’il en fût ainsi. Jamais, en effet, la contrebande n’a été plus audacieuse, plus protégée par l’état actuel de nos frontières, et plus nuisible aux intérêts du Trésor et de la France ; il fallait donc proportionner les moyens de défense à ceux d’attaque, et ces expressions ne sont pas impropres ici, car c’est un véritable état d’hostilité qui existe aujourd’hui entre le gouvernement et le commerce d’une part et les contrebandiers de l’autre ; et d’ailleurs, une loi qui ne punit que ceux qui, la connaissant bien, osent l’enfreindre, n’est que juste, quelle que puisse être sa sévérité ».
173Après avoir souligné que la loi a été en même temps sévère et modérée, il affirme : « Ce serait méconnaître ce dernier caractère de la loi que de n’être pas réservé dans son application. [...] Il convient de ne jamais rien donner à de simples présomptions ».
174Il prescrit à ses directeurs de donner des instructions pour prévenir toute irrégularité dans ce domaine. Puis il énumère les cas où il serait beaucoup trop rigoureux de faire l’application pure et simple de certaines dispositions de la loi.
175Il met enfin l’accent sur l’application à apporter dans la rédaction des actes juridiques et rappelle : « Les préposés doivent toujours uniquement compter sur les moyens que la loi leur donne pour mettre leurs procès verbaux à l’abri de toute critique ».
176Si Saint-Cricq fait preuve de beaucoup de réserve en matière de saisine des tribunaux d’exception, il entend, on l’a déjà vu, mettre tout en œuvre dans la lutte contre la fraude. Les directeurs sont invités à remettre toutes propositions utiles pour la « nouvelle démarcation du rayon des frontières » et pour le droit de poursuite de la fraude.
177Il promet des effectifs supplémentaires affectés prioritairement à la création d’un service spécial amené à intervenir « soit sur la ligne de démarcation du rayon des frontières, soit dans les positions convenables les plus rapprochées de cette ligne, en dedans ou au dehors ».42
178Si, comme nous l’avons déjà constaté, la loi de finances pour l’année 1816 a défini pour de très longues années la politique douanière de la France, la douane se voit dotée de moyens dont certains suscitent sa prudence, voire même sa méfiance.
179« En dépit du côté paradoxal de la situation, cette loi 1816 tient une place importante dans l’histoire du droit douanier français : elle y a en effet introduit un certain nombre de principes dont l’application s’est poursuivie jusqu’à la période contemporaine ».43
180Tel est le cas du droit de poursuite de la fraude, mais aussi de la compétence des tribunaux correctionnels en matière de contrebande, ainsi que la gradation des peines en fonction des circonstances de la fraude.
Prééminence des fonctions du directeur général
181Nous avons vu Saint-Cricq confirmé par ordonnance du 5 octobre 1815 dans les fonctions de directeur général des douanes et seul habilité à correspondre directement avec le ministre des Finances. Il a fait procéder à une épuration et à une réduction drastique des brigades. Il a fait rétablir le corps des inspecteurs généraux chargés du contrôle des services extérieurs.
182Fin 1816, le moment lui semble venu de conforter la prééminence de ses fonctions. Il rend tout d’abord témoignage au service des douanes de l’amélioration sensible constatée depuis plus d’un an dans la plupart des directions. Il félicite les chefs et les employés dont le zèle a produit ces heureux effets. Mais il pense que « plusieurs choses sont encore à faire pour conduire cette branche importante de l’Administration du Royaume au degré de perfection qu’elle peut atteindre ».
183Il fait prendre une ordonnance44 qui lui donne les moyens d’y parvenir. Ainsi il met en place une organisation de l’administration centrale afin que, d’un côté il puisse exercer avec sûreté et rapidité « le droit d’action qui lui appartient exclusivement sur le service » et que, de l’autre, le conseil d’administration puisse examiner à fond les questions qui, par leur nature, doivent faire l’objet d’une délibération. Dans sa transmission, il souligne que tout le courrier à destination des administrateurs et du premier inspecteur général devra être adressé sous son couvert, sous double enveloppe.
184Il affirme ainsi la prépondérance du directeur général et la réduction du conseil d’administration à un rôle délibératif.
185Il précise : « Ainsi, tout ce qui concerne, d’une part, les ordres de service quels qu’ils soient, et les comptes qui en sont rendus, compris les journaux des employés appelés à fournir des rapports de travail périodiques ; et, de l’autre, ce qui concerne le personnel, les nominations, les changemens, avancemens, institutions ou congés des employés de tous grades, à l’exception des préposés, sous-lieutenans et lieutenans de brigades, dont l’institution vous est déférée, doit être désormais traité par moi directement, et c’est à moi seul que sera adressée, à l’avenir, toute la correspondante relative à ces deux sortes d’affaires. Elles feront, au bureau central, l’objet du travail de deux divisions ; l’une du Service actif, et l’autre du Personnel.
186« La première sera exclusivement chargée, sous ma surveillance directe, de tout ce qui a rapport au service, soit pour l’émission des ordres, soit pour la vérification et l’examen de leurs résultats.
187« L’autre comprendra, outre le personnel, qui me concerne seul, tous les objets réservés à l’un des administrateurs, et détaillés dans le second paragraphe de l’art. Il de l’ordonnance. Ces objets, de même que ceux relatifs au personnel proprement dit, porteront, dans votre correspondance et celle des employés, le timbre générique du personnel ; et tout ce qui regarde le service et son exécution, me sera adressé sous le timbre du service actif. [...]
188« Je me réserve, suivant l’article 13, de charger M. le premier inspecteur général de suivre personnellement les parties de correspondance qui auront le plus connexité avec son travail particulier et ses attributions ».45
189Par ailleurs l’ordonnance fixe que : « Chaque Administrateur correspond avec les Directeurs des départements sur les objets de service qui sont placés dans ses attributions. Il fait préalablement ses rapports au Directeur Général, et prend ses décisions sur tous ceux qui en sont susceptibles ».
190Les administrateurs, création du Consulat, ont vu leur compétence, d’abord géographique, devenir fonctionnelle sous la première Restauration, sur proposition de Saint-Cricq. C’est ce que l’ordonnance confirme dans son article 11. Le fonctionnement du conseil d’administration a également évolué. Dans ce domaine aussi, l’organisation du service connaît un changement important.
191À l’origine, le conseil n’avait à connaître que du seul contentieux, mais Collin de Sussy avait coutume de le consulter sur la plupart des sujets importants. En consécration de cet état de fait, des dispositions sont prises pour que dorénavant, la consultation devienne obligatoire en matière d’élaboration du budget, des dépenses de la douane, de l’arrêté des recettes, de la suspension et de la révocation des cadres supérieurs, des pensions de retraite, ainsi que des affaires contentieuses.
192« La comparaison de ces dispositions avec les usages antérieurs confirme bien l’orientation que nous avons précédemment signalée : on donne officiellement au Conseil des attributions que les textes précédents ne lui reconnaissaient pas explicitement mais dans les faits on réduit son rôle, en posant en principe que, sauf cas limitativement énumérés, sa saisine dépend du seul bon vouloir du chef de l’administration ».46
193Le 17 mai 1817, une ordonnance supprime les administrateurs des postes, des douanes et des contributions indirectes et les remplace par un conseil composé provisoirement de trois agents supérieurs de la direction générale.47
194Ce n’est que le 9 juillet que Saint-Cricq commente ce texte en soulignant qu’il a été adopté après prise en considération de « vues générales d’économie, commandées impérieusement par les circonstances ».
195Il annonce tout d’abord, la nomination de deux des quatre administrateurs au poste d’inspecteur général à la résidence de Paris. Le troisième partant à la retraite et le quatrième rejoignant un poste de directeur à Strasbourg. Il décrit ensuite, la composition provisoire du conseil d’administration qui comprend outre ces deux inspecteurs généraux, le premier inspecteur général divisionnaire et le secrétaire général de l’administration centrale.48
196C’est en 1822 que, sur la suggestion de Saint-Cricq, le grade d’administrateur est rétabli en douane. Les quatre membres du conseil nommés à titre provisoire, sont établis dans cette fonction par une disposition du même texte.49
197Il est précisé, dans la transmission, que les « Inspecteurs généraux peuvent désormais être appelés au conseil d’administration toutes les fois que le directeur général le jugera utile. Ils y assisteront avec voix consultative. Placés dans l’ordre hiérarchique immédiatement après les administrateurs, ils recueillent sur les lignes, les notions les plus exactes sur tout ce qui intéresse le service ».50
198L’arrêté du ministre des Finances, pris le même jour, apporte une novation importante dans le rôle des administrateurs. Il détermine en effet « les parties du service dont la suite sera attribuée à chaque administrateur des douanes, et les objets y relatifs sur lesquels chacun d’eux pourra correspondre avec les directeurs, après avoir pris, dans les cas qui en seront jugés susceptibles les décisions du directeur général ».51
199Par ailleurs, et bien qu’il soit prévu à l’article 2 que le directeur général travaille seul avec le ministre des Finances, celui-ci peut, d’après l’article 4, appeler « près de lui dans les occasions où il le jugera convenable, le conseil d’administration ».
200Dans les faits, le directeur n’est plus seul à travailler avec le ministre. D’autre part, son domaine réservé, qu’il assurait avec l’aide du secrétaire général et du premier inspecteur général, fonctions supprimées par l’ordonnance, est désormais partagé entre les quatre administrateurs. L’importante division du personnel reste cependant du ressort du directeur général.
201Les bureaux de l’administration centrale sont répartis en quatre divisions : contentieux ; comptabilité et retraites ; service actif et sels ; commerce et navigation.
202Poursuivant sa lettre de transmission, Saint-Cricq souligne : « Le Gouvernement du Roi y donne une nouvelle preuve et une garantie de plus de sa persévérance à maintenir les principes hiérarchiques qui assurent aux services les plus distingués ou les plus anciens, leur récompense ».
203Il est tout à fait vraisemblable que Saint-Cricq, comme il l’affirme dans sa circulaire, a inspiré l’ordonnance du 30 janvier 1822 qui a réservé un rôle important aux administrateurs.
204Le même jour, une autre ordonnance confirme Louis Collin de Sussy et de Lavigerie à ce poste et y nomme Hains, anciennement premier inspecteur général ainsi que David, titulaire depuis 1819 du poste de secrétaire général laissé libre par la promotion de Lavigerie.52
205Ce sont de hauts fonctionnaires connaissant parfaitement leur métier : Lavigerie était secrétaire général depuis la Révolution. Hains, entré tout jeune en douane, a grimpé tous les échelons de la carrière et, nommé directeur à l’âge de trente-huit ans, a occupé successivement les directions de Toulon et Emden. Inspecteur général, lors de la restructuration des directions en 1815, il a brillamment rempli deux missions délicates à Bordeaux et à Marseille. David, nommé premier commis de la direction de Mayence à son entrée en douane, a été ensuite promu administrateur général des douanes du royaume de Westphalie. Directeur à la division du tarif de la direction générale sous la première Restauration, il a largement contribué à la grande loi du 28 avril 1816. Enfin Collin de Sussy fils, après avoir été officier pendant les campagnes d’Italie, a rejoint l’administration dirigée par son père et fut directeur à Anvers et en Toscane. Il est administrateur depuis 1811.
206C’est cette équipe solide et expérimentée qui va être amenée à diriger effectivement la douane de 1824 à 1831, consécutivement à l’arrivée, à la tête de l’administration, des successeurs de Saint-Cricq.
207La question se pose de savoir si cette modification des fonctions du directeur général et du conseil d’administration des douanes ne viendrait pas de la méfiance envers Saint-Cricq du nouveau ministre des Finances, Villèle.
208En effet, Saint-Cricq s’était plusieurs fois opposé aux revendications de Villèle, naguère représentant des intérêts du Bordelais dont il était député, lors des discussions sur la politique douanière suivie par Decazes. D’où une certaine tension entre les deux fortes personnalités du ministre et de son directeur général aux douanes. Nous verrons plus loin que ce dernier devra faire preuve de souplesse dans cette relation.
209Cependant, les termes de la circulaire directoriale sont clairs. Il écrit, évoquant le rétablissement du titre d’administrateur à l’enregistrement et aux contributions indirectes : « J’ai réclamé pour la douane, l’application de la même mesure ». Plus loin il affirme : « Un arrêté, rendu sur ma proposition règle la distribution du travail entre les administrateurs ». Il apparaît bien comme l’initiateur de cette mesure.
Les services extérieurs
210L’organisation et le fonctionnement des services extérieurs n’ont guère subi de modifications après l’adaptation des directions terrestres aux nouvelles frontières du royaume. Le 30 janvier 1817, Saint-Cricq donne des instructions précises sur « les améliorations qu’il est possible d’introduire dans le service proprement dit ».
211Il y détaille la forme des comptes rendus qui doivent lui être adressés et transmet « une espèce de code pratique qui, pour le travail des bureaux comme pour celui des brigades, fixe d’abord la hiérarchie des grades et détermine, les règles générales applicables aux deux services ».
212Cette instruction fixe les devoirs et attributions de chaque grade. Elle reprend et condense les textes parus en la matière à différentes époques. Saint-Cricq s’attache notamment à définir les lignes de douane. Il déclare : « Entre la première et la deuxième ligne dont la continuité fait toute la sûreté, sont établies les brigades intermédiaires ou ambulantes, soit à pied, soit à cheval, qui servent à multiplier les moyens de surveillance sur les brigades de lignes, dont elles éclairent continuellement le service ; elles ont de plus l’avantage d’être toujours prêtes à renforcer au besoin les points spécialement menacés par la fraude, sans affaiblir la garde d’aucuns, et enfin la variété de leur service et leur activité continuelle inquiète et déconcerte, plus que toute autre chose, le contrebandier ».53
La position de Saint-Cricq de plus en plus menacée
213Le 15 décembre 1821, Villèle, député du Bordelais et chef de file des représentants des agriculteurs dans le parti ultra, obtient le portefeuille des Finances, après l’éviction de Decazes dont le libéralisme était vivement attaqué depuis plusieurs années par les extrémistes.
214Villèle décide, dans un premier temps, de conserver Saint-Cricq à la tête de la douane. Celui-ci s’était attaché à faire oublier leur antagonisme passé et avait « pour s’en rapprocher [usé] de toute la séduction dont il était doué pour se faire apprécier de cet homme d’Etat, dans lequel, mieux que personne, [il] avait deviné le futur ministre des finances ».54
215Saint-Cricq, de moins en moins libéral pendant les dernières années de son directorat, va de plus en plus épouser les thèses de son ministre. Il plaide avec succès devant le Parlement le tarif de 1822, marqué d’un protectionnisme accru, mais de Villèle tout en paraissant couvrir son directeur général, se garde bien de faire taire ceux, qui dans les rangs de son parti, redoublent d’ardeur contre celui qui n’apporte pas assez de zèle à la défense de la cause royale et que les ultras accusent de protéger les bonapartistes.
216Parmi eux, le comte de Vaublanc qui n’a pas réussi à contrecarrer l’influence de Saint-Cricq sur la commission des douanes et l’a vainement attaqué à la tribune de la Chambre des députés. Furieux de sa défaite à la Chambre, il lance contre son adversaire un libelle intitulé Du commerce de la France en 1820 et 1821. Les ultras font grand bruit autour de cette brochure.
217« Ce bruit devient tel que Saint-Cricq est forcé de répondre deux fois dans Le Moniteur universel (1823) d’abord avec mesure, ensuite avec un dédain qui ne pouvait qu’augmenter l’irritation de ses adversaires ».55
218C’est après les élections de 1824 que Saint-Cricq doit céder une place à laquelle il a tant apporté.
219Son influence et son mérite sont si importants que, comme le dit Duverger « par une de ces mesures dont le Pouvoir a su toujours user, il est nommé Président du Bureau du commerce ». Cet organisme administratif est chargé de préparer les travaux du Conseil supérieur du commerce composé notamment de MM. de Levis, Vaublanc, Mollien etc. Saint-Cricq se trouve donc dans une position inférieure à celle de son ennemi juré : Vaublanc.56
220Nous verrons plus loin qu’à ce nouveau titre, il a la charge de la présentation des lois douanières. Il les défendra à la tribune jusqu’en 1830, et notamment lorsque, devenu ministre du Commerce, il proposera à la Chambre, un texte conduisant à réduire « une protection excessive » comportant notamment la réduction des droits sur les fers, sur les sucres et les soies, ainsi que des dispositions réglementaires d’un grand intérêt.
221La « disgrâce polie » que Saint-Cricq vient de subir l’a certainement très péniblement affecté mais il sait s’accommoder des événements et c’est par une lettre pleine de dignité qu’il prend congé de ses collaborateurs proches ou lointains. Il indique avoir été appelé à la présidence d’une institution chargée de préparer les lois douanières, et avoir fait le choix qui va le séparer d’une administration à laquelle il a appartenu durant plus de vingt ans.
222Il poursuit ainsi : « Témoin et appréciateur, pendant un si long temps, du zèle, du dévouement, des sentiments d’honneur et de fidélité qui distinguent si éminemment toutes les classes des agents de l’Administration, je m’étais attaché à eux comme une famille dont je m’enorgueillissais d’être le chef ; et la peine que je ressens de m’en éloigner s’augmente du regret de n’avoir pu faire pour beaucoup tout ce qu’ils avaient mérité. [...] J’emporte le sentiment d’avoir fait quelque bien ; toujours je désirais le mieux ; mon successeur saura le réaliser ».
223Il affirme, ensuite : « Et moi, que mes nouvelles fonctions associeront par quelques points à ses travaux, je serai heureux de tenir encore par ce lien à une administration à laquelle se rattacheront à jamais les plus doux souvenirs de ma vie ».57
224Léon Amé explique : « La loi de 1826 fut le dernier acte de douanes des assemblées législatives de la Restauration. Dès le mois de mars 1824, M. de Saint-Cricq avait quitté la direction générale des Douanes pour occuper la présidence du bureau du commerce et des colonies. Mais il avait conservé dans sa position nouvelle, le soin de préparer les lois de tarif. Les connaissances approfondies, la lucidité d’esprit, le bonheur d’à-propos qu’il avait plus particulièrement déployés dans les débats relatifs à la loi de 1822, l’avait beaucoup grandi dans l’opinion des Chambres et il soutint encore avec éclat presque tout le poids de la dernière discussion.
225« Les majorités imposantes qui avaient adopté ses doctrines n’avaient pu les faire prévaloir sans opposition. En dehors des Chambres, les récriminations étaient encore plus ardentes qu’à la tribune. Beaucoup d’industries se plaignaient des charges que leur imposait le tarif. Chacun demandait la protection pour ce qu’il fabriquait, et la liberté d’importation pour ce qu’il ne fabriquait pas. En lutte avec tous ces intérêts individuels, qui se montraient à nu avec la plus complète naïveté, le gouvernement jugea utile, en 1828, de former, sous la présidence de M. de Saint-Cricq, une commission d’enquête chargée d’examiner de nouveau quelques-unes des questions fondamentales de notre régime protecteur.
226« On vit là ce qui s’est toujours rencontré en France lorsque le pouvoir, au lieu de prendre l’initiative des réformes utiles, a voulu amener à un sacrifice volontaire les intérêts que ces réformes devaient atteindre ».58
227Par la suite, la commission des douanes a pris en compte la nécessité d’étudier les véritables besoins de chaque branche industrielle et de mettre en balance les dommages susceptibles de provenir d’une protection excessive. Les événements de juillet 1830 empêcheront la discussion de ce dernier travail de Pierre de Saint-Cricq.
228Celui-ci a influé plus qu’aucun autre directeur général sur la politique douanière de la France. Son impact sur les services douaniers n’a pas été moins important. Sa détermination mais aussi sa pondération se sont exercées dès sa prise de fonction le 11 juillet 1815.
229Il s’est appuyé sur les administrateurs et notamment sur David, ainsi que sur les inspecteurs généraux des douanes avec à leur tête son homme de confiance, Hains. Il a eu, grâce à Lavigerie, la mainmise sur l’ensemble des bureaux de la direction générale. Il a confié à ses collaborateurs toutes les questions de détail concernant la gestion de cette énorme administration, pris qu’il a été par les interminables discussions à la commission des douanes de la Chambre des députés.
* *
230Le départ de Saint-Cricq décidé, le gouvernement et, en particulier, le ministre des Finances de Villèle, se refusent à chercher le nouveau chef de la douane parmi les hauts fonctionnaires.
231Jusque-là, les directeurs généraux étaient généralement choisis à l’intérieur de leurs corps. C’était particulièrement vrai en douane. « Collin de Sussy, et après lui Ferrier et Saint-Cricq, étaient originellement des douaniers, et leur inféodation à des régimes politiques (impérial pour les deux premiers, royal pour le troisième) avait laissé subsister leur qualité fondamentale de serviteurs de l’État : leur engagement apparaît comme la conséquence, plus que l’origine de leur ascension administrative. [...] Ainsi allait-on voir se succéder à la tête de l’administration des douanes, comme à la tête d’autres services, des aristocrates d’Ancien Régime, émigrés ou fils d’émigrés, tous d’extrême droite et voyant en Charles X le Roi selon leur cœur. »
232Les ultras reprochent au pouvoir royal de n’avoir pas débarrassé les administrations des suppôts de la Révolution et des nostalgiques de l’Empire. Il convient désormais de placer aux commandes administratives des personnalités entièrement acquises aux thèses monarchiques de l’Ancien Régime.
233Il faut aussi récompenser les fidèles issus de l’émigration. Par ailleurs, le fait que certaines places à prendre comportent des traitements s’étageant entre 40 000 et 60 000 francs suscite bien des convoitises.
234Parmi elles, la douane est particulièrement intéressante. Saint-Cricq a pris une place prépondérante dans les discussions économiques, aussi bien au Parlement que dans les cercles et salons parisiens. Il a commandé une administration à caractère militaire et ses « troupes » ont été de très loin les plus importantes en effectifs par rapport aux autres services publics. La vie fastueuse qu’il mène dans le splendide hôtel d’Uzès a éclipsé même celle de certains ministres. Le nombre de ses bureaux particuliers, l’importance de ses proches collaborateurs équivalent voire dépassent ceux de plusieurs départements ministériels.
235La place est donc particulièrement bonne à prendre. Ce n’est pourtant pas un intriguant qui la prendra.
Louis de Vaulchier du Deschaux (20 mars-4 août 1824)
236Le marquis de Vaulchier, député et préfet du Bas-Rhin, est nommé à la douane par Louis XVIII.59
237Il veut, d’entrée de jeu, se reposer sur des collaborateurs qu’il sait capables. C’est ainsi qu’il déclare aux directeurs que, s’il a osé accepter une charge aussi difficile, c’est parce qu’il sait pouvoir compter sur leur capacité, leur dévouement et leur expérience. Il leur dit attendre leur coopération et avoir besoin de leur confiance. Par ailleurs, il affirme qu’il veut trouver chez tous les douaniers « ces sentiments pour l’auguste Dynastie des Bourbons, qui caractérisent les bons Français ».60
238La présence de collaborateurs de qualité et en particulier d’administrateurs compétents et dévoués, le dispense d’étudier puis de faire fonctionner un service dont il n’a pas la moindre notion. Mais sa gestion prudente n’a pas l’heur de plaire aux ultras qui obtiennent quelques mois plus tard la nomination, par Villèle, du vicomte de Castelbajac.61
239Louis de Vaulchier est cependant nommé directeur général des Postes car il bénéficie de l’estime du roi.
Barthélemy de Castelbajac (9 août 1824-15 février 1828)
240Celui-ci, député de Toulouse, est un de ces « chevaliers de la foi » qui ont soutenu Villèle dans ses manœuvres. Fidèle du comte d’Artois, il a participé à la fondation du journal Le Conservateur, organe des extrémistes.
241Il a été nommé directeur général de l’Agriculture et du Commerce en 1822, poste où il s’est occupé de politique douanière. Il obtient de ses protecteurs le poste plus prestigieux de directeur général des douanes, enlevé à Vaulchier.62
242Orateur très violent à la tribune de la Chambre où il a été élu dès 1816, adversaire opiniâtre de Saint-Cricq, Castelbajac est jugé dans son parti comme le représentant idéal des thèses protectionnistes.
243Comme son prédécesseur, il a vite compris toute l’utilité de s’appuyer sur une administration bien structurée et dont les cadres, capables et sincèrement attachés à la douane, sont à même de faire face à toutes les circonstances.
244Duverger affirme que, pendant les quatre années de son directorat, Castelbajac a géré ses services avec beaucoup de sagesse. Il a laissé la plus grande liberté aux administrateurs, en particuliers à Hains qui s’est attaché à perfectionner et à moraliser le service des brigades. David, de son côté, a eu à cœur la formation et l’information du service des bureaux et a perfectionné le régime du transit.
245Duverger estime qu’il faut porter au crédit de Castelbajac, la suppression des « émoluments » que Saint-Cricq avait en quelque sorte officialisés au cours de 1818. 11 explique : « Sous le titre ou prétexte de prompte expédition, les agents de la ferme générale recevaient une indemnité du commerce. Cette dégradante habitude, conservée dans quelques douanes, avait été portée comme un droit à l’étranger, et, après le reculement des lignes, avait pris en France une telle assiette, que les émoluments attachés aux différents emplois de bureaux entraient dans les considérations qui déterminaient le choix des titulaires.
246« À peine en fonctions, M. de Castelbajac coupa court au mal, et, si sur quelques points, il s’est encore perpétué jusqu’en 1831, l’administration de M. Gréterin n’a eu qu’à déraciner quelques honteuses pratiques, tandis que M. de Castelbajac avait dû attaquer de front ce qui était considéré comme un revenu licite ».63
247Il est certain que Castelbajac (ou son collaborateur, Hains) a émis en premier cette idée mais elle a été reprise au cours du directorat de son successeur, Villeneuve.
248Les services de Castelbajac ont notamment organisé le recrutement des surnuméraires et les pensions de retraite.64 Ils ont collaboré à la mise en place de la centralisation, au niveau du ministère, de la comptabilité de l’ensemble des régies financières et des cautionnements ainsi qu’à l’harmonisation du régime des pensions. Cette réorganisation a été facilitée par le regroupement de toutes les directions du ministère des Finances dans l’hôtel du Mont Thabor. C’est en janvier 1825 que la direction générale des Douanes a quitté le magnifique hôtel d’Uzès, où elle était établie depuis le début du siècle. Elle restera dans cette nouvelle résidence jusqu’à l’incendie de 1871.
249La réduction de la partie comptable de la gestion de la douane a entraîné Castelbajac à modifier les attributions des divisions. De plus, il a été amené à supprimer un poste d’administrateur, quand Lavigerie a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, à la fin du mois de janvier 1825.65
250En revanche, il faut mettre au passif du directorat de Castelbajac, le tour politique qu’il a donné à sa gestion du personnel. C’était le domaine où ses amis attendaient qu’il montrât une détermination sans faille.
251Il nomme Dausse à la division du personnel, un homme entièrement acquis aux opinions ultraroyalistes. Duverger estime que les administrateurs ont pu faire usage de leur haute position et de leurs relations directes avec le ministre pour empêcher des nominations aux postes importants d’hommes ayant comme seule référence leur zèle royaliste, ce qui a été le cas du pourvoi au poste de directeur régional à Strasbourg en 1826. Par contre, ils n’ont rien pu faire « pour soustraire grand nombre d’avancements secondaires à l’influence absolue de l’opinion dominante ».66
252Castelbajac, conscient de la qualité des administrateurs laissés en place par Saint-Cricq, ne s’intéresse guère aux techniques et procédures douanières, pas plus d’ailleurs qu’à la lutte contre la fraude.
253S’il fait pourchasser les douaniers suspectés d’infidélité, il ne prend ni ne fait prendre aucune mesure de détail pour faire appliquer la politique douanière très protectionniste au service de laquelle il avait été naguère voué. Cette constatation donne un certain crédit à l’affirmation de M. Henri Bacquès qui pense « qu’il s’était séparé peu à peu des ultraroyalistes, que, dans sa verve tribunitienne, il avait proclamés les Ultra-malheureux pour la cause royale ».67
254En 1828, les idées libérales commençaient à se faire entendre dans l’opinion publique et les travées de la Chambre. C’est ainsi que Villèle ayant laissé la place à Martignac, la majorité des députés adopta une adresse au roi qui affirmait : « Le premier besoin du commerce et de l’industrie est la liberté. Tout ce qui gêne sans nécessité la facilité de nos relations porte au commerce un préjudice dont le contrecoup se fait sentir aux intérêts les plus éloignés ».68
255Saint-Cricq, estimé par la nouvelle majorité comme le spécialiste incontestable du commerce international, fut nommé ministre du Commerce dans le cabinet Martignac. À ce poste élevé, il se montra enclin à revenir à la position nettement plus libérale qu’il avait affirmée au début de la Restauration. Tout en continuant à proclamer les vertus du protectionnisme, il reconnut, au risque d’être taxé d’inconséquence, la nécessité d’assouplir les restrictions contenues dans les lois douanières. Nous avons vu qu’à son initiative, une commission fut établie mais n’amena pas les résultats escomptés par les tenants de l’aile libérale et les doléances sur la liberté commerciale se firent de plus en plus fortes.
256Cependant, Castelbajac avait quitté discrètement la direction générale le 12février 1828.
Joseph de Villeneuve-Bargemon (13 février-13 novembre 1828)
257Dès le 13 février, une ordonnance nomme le baron de Villeneuve au poste de directeur général des douanes.69
258Membre d’une vieille famille de la noblesse provençale fort estimée à la cour, il a des amis de sa famille dans les allées du gouvernement. C’est aussi un fonctionnaire : après avoir été commis de préfecture puis référendaire à la Cour des comptes, il a embrassé la carrière préfectorale sous la première Restauration. Il y a montré des qualités d’administrateur et un dévouement à toute épreuve à l’auguste famille des Bourbons.
259Il se dit le premier surpris de cette nomination mais rassuré par la réputation des hommes chargés de diriger sa nouvelle administration. Il veut établir la plus rigoureuse impartialité dans le choix et l’avancement des employés. Il affirme que « dans une administration qui se compose presque exclusivement des droits acquis, [...] l’ancienneté, lorsqu’elle aura été accompagnée d’un zèle soutenu, doit être la première base de tout avancement.70
260Il n’aura guère le temps de se familiariser avec « la juste application des lois et règlements qui régissent la douane » qu’il ambitionne dans sa circulaire aux directeurs provinciaux. Il doit en effet abandonner son poste au bout de neuf mois.
261Dans sa dernière circulaire, il exprime ses vifs et sincères regrets de quitter une administration à laquelle il a été « tous les jours plus attaché » et affirme avoir eu le temps « d’apprécier à toute sa valeur [le] travail de zèle, de dévouement et de rigoureuse probité dans les agents de cette vaste et si importante administration ». Il termine par cette tirade aux allures de proclamation : « Mon si estimable successeur, dont vous avez déjà pu apprécier les qualités, prend avec satisfaction les rênes d’une administration où il fera le bien qu’il a toujours fait ».71
Retour de Louis de Vaulchier du Deschaux (13 novembre 1828-30 juillet 1830)
262C’est en effet le marquis de Vaulchier, qu’une ordonnance de Charles X retire de la direction générale des Postes, qu’il occupe depuis son premier départ de la douane en 1824, et le nomme à nouveau directeur général des douanes.72
263Villeneuve explique, dans ses mémoires, que Vaulchier est souvent mis en difficulté par l’opposition, notamment au sujet du « cabinet noir »73. Le roi voulant le tirer d’embarras, a décidé de lui redonner la douane.
264Dans sa circulaire d’intronisation, celui-là écrit : « Je reprends avec empressement les travaux que votre coopération m’avait fait aimer. Déjà j’ai pu apprécier votre zèle dont j’aurai à recueillir de nouvelles preuves et tout mon soin sera de faire qu’il ne soit pas stérile pour vous ».74
265Comme Villeneuve et même Castelbajac, Vaulchier expédie les affaires courantes. Tous les trois ont laissé la plus large initiative aux administrateurs qu’ils savaient compétents et éclairés et se sont plutôt comportés comme des « commissaires de gouvernement ».
266Vaulchier et son équipe ont eu à préparer l’ordonnance royale qui a prescrit d’introduire en douane « les économies et modifications qui sont compatibles avec les intérêts qu’elle protège sans en changer les bases de l’organisation et en offrant aux bons services les chances d’un avancement progressif ».75
267Dans le rapport préliminaire à l’ordonnance, il propose de garder en l’état la distribution du travail de la direction centrale avec ses trois divisions et de faire passer la dépense correspondante de 500 000 à 445 000 francs grâce « à l’abandon des travaux devenus sans utilité et après les perfectionnements introduits dans la comptabilité ».
268S’il déclare par ailleurs, que « rien n’est à changer dans l’organisation du service extérieur des douanes », il pense que « le nombre de certains emplois de surveillance ou de perception peut être réduit sans inconvénient ».
269Il propose, également, une diminution de la rémunération des cadres supérieurs et la suppression de vingt postes d’inspecteurs, sous-inspecteurs ou receveurs principaux ainsi que de quelques autres emplois de bureau. Cependant il réaffirme : « Le premier et principal objet de l’institution des douanes étant de défendre nos frontières contre les importations et les exportations frauduleuses, j’ai dû considérer comme une mesure utile et économique à la fois, celles qui augmenteraient les moyens de garde et par suite de protection de l’industrie sans demander de nouveaux secours au Trésor ».76
270Il estime à 600 000 francs, soit 2,5 % du budget des dépenses de la douane, les économies produites par les mesures proposées. Il demande, en revanche, qu’un montant de 400 000 francs reste à sa disposition pour le consacrer à compléter l’effectif des brigades de ligne. Cette mesure est destinée à porter les appointements à un minimum de 600 francs pour les préposés, de 650 francs pour les sous-lieutenants et de 700 francs pour les lieutenants. Il décide de supprimer certaines perceptions sur le commerce, devenues sans objet avec l’évolution de la réglementation, de diminuer les remises accordées aux receveurs et de réduire le prix des plombs. Il pense qu’ainsi, les usagers de la douane verront réduire de 550 000 francs leurs frais de dédouanement.
271Ces mesures comportant un rattrapage des salaires des petites catégories et un tassement sensible des gros traitements seront les dernières, prises en matière de douane, par le gouvernement de Charles X.
272À la fin du directorat de Vaulchier, Saint-Cricq, ministre du Commerce, qui avait, en matière de politique douanière, bien plus l’initiative que le directeur général des douanes, avait pensé donner satisfaction aux libéraux qui se faisaient de plus en plus entendre dans l’opinion et au Parlement, en présentant une proposition de loi abaissant progressivement les droits sur les produits métallurgiques et réduisant les surtaxes sur certains articles comme les sucres, les soies et quelques bois. Ce texte comprenait aussi et surtout « des dispositions réglementaires d’un grand intérêt ».77
273Mais sa proposition, mise à l’étude en commission, disparut dans la tourmente de la révolution de 1830. Lui-même ne fut pas reconduit dans ses fonctions ministérielles.
274Parallèlement, Vaulchier se trouva évincé de la direction générale des Douanes et rayé du Conseil d’État.
275L’un des administrateurs, Hains, anciennement premier inspecteur général des douanes sous le directorat de Saint-Cricq fut chargé de l’intérim. Il expédia les affaires courantes jusqu’au 5 janvier 1831, date de l’ordonnance de Louis-Philippe précisant que M. Gréterin, chef de bureau de première classe au ministère des Finances, était nommé directeur de l’administration des douanes.78
Conclusion
276Le protectionnisme mis en œuvre par la politique douanière du Consulat et de l’Empire a été conditionné par la guerre économique menée contre l’Angleterre, et a connu son apogée avec le Blocus continental.
277C’est sans conteste sous Napoléon que la douane a pris une place prépondérante dans l’administration française et qu’elle s’est transformée en organisation de combat contre le commerce interlope.
278Les quinze années de 1815 à 1830, ont été marquées par un protectionnisme qui s’est montré particulièrement sans concession sous l’influence des ultraroyalistes et de l’entourage de Charles X. L’importance des douanes ne fit que croître sous les derniers rois.
279Jamais, même au temps du Grand Empire, elles ne connurent époque plus faste que de 1815 à 1830 et cette importance durera encore en 1848. Le point culminant de cette ascension semble avoir été atteint sous le directorat de Saint-Cricq ; la personnalité exceptionnelle de ce directeur général y a beaucoup contribué mais la cause principale en a été la politique économique menée par la classe dirigeante.
280Charles Augier affirme : « Avec les lois des 7 juin 1820, 27 juillet 1822 et 17 mai 1826, conçues dans le sens d’une protection outrée, qui suscita des alarmes dans les pays étrangers et nous valut des représailles, les taxes afférentes aux denrées agricoles et aux principaux produits industriels subirent des relèvements importants. Ce revirement procédait, avant tout, d’une conception politique ; il s’agissait, d’après les visées de la Monarchie de 1815, de reconstituer la grande propriété et de créer la grande industrie ».79
281Pierre de Saint-Cricq, élu député de Seine-et-Marne à la Chambre introuvable, a vu son audience croître au fur et à mesure que le protectionnisme prenait le pas sur les idées libérales et que, par voie de conséquence, la politique douanière était au premier rang des préoccupations du Parlement. Il a été rapidement désigné comme le représentant officiel du gouvernement dans toutes les discussions parlementaires sur la douane. Il avait une idée très autocratique de ses fonctions. Il a su s’entourer de collaborateurs très compétents et à sa dévotion comme Hains et David.
282Il restructura la douane après le repli sur les frontières de 1792 et mit le service des brigades en mesure de poursuivre la fraude et les fraudeurs.
283Après la dissolution des juridictions douanières spéciales établies par l’Empire, la décision a été prise d’une pause dans la répression de la contrebande mais, dès 1816,le droit douanier pénal fut vite marqué par des aggravations très importantes, avec la possibilité offerte à la douane de déférer les contrebandiers en troupe devant les cours prévôtales qui, à l’origine, avaient été instituées pour réprimer le brigandage.
284La gestion de Saint-Cricq a été toujours brillante, elle a été souvent utile à l’ensemble de ses services, qu’il a su protéger des excès d’une épuration sectaire. Il a laissé le souvenir d’améliorations réelles. Nous avons vu l’autonomie du directeur général et de son « armée » se réduire à mesure de l’accroissement de l’autorité ministérielle.
285Le conseil d’administration prenant de l’importance à partir de l’ordonnance du 30 janvier 1822, a permis à la douane de passer dans un calme relatif les années 1824-1830, au cours desquelles les oscillations politiques ont amené trois directeurs généraux politiques : Messieurs de Vaulchier, de Castelbajac et Villeneuve de Bargemon. Ceux-ci, confiants dans la haute qualité de leurs collaborateurs immédiats, conscients de la bonne organisation des services extérieurs, accaparés par leur fonction de commissaire du gouvernement auprès du Parlement, se sont contentés, sur le plan douanier, d’expédier les affaires courantes.
Notes de bas de page
1 Adresse aux Français exprimée, le 4 avril 1814, par le gouvernement provisoire.
2 Le Moniteur universel, cité par J. Clinquart, L’administration des douanes en France sous la Restauration et la Monarchie de Juillet (1815-1848), Neuilly-sur-Seine, AHAD, 1981, p. 47 et p. 393.
3 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 47.
4 L. Amé, op. cit., p. 124.
5 Ibid., p. 142.
6 Lois des 16 juillet 1819, 4 juillet 1821 et 15 avril 1832 : LRDF, tomes XI, XIII et XVIII.
7 L. Amé, op. cit., p. 88.
8 Ibid., p. 104-109.
9 Loi du 27 juillet 1822. B. des Lois, n° 544 du 27 juillet et circ. 740 du 28 juillet : LRDF, tome XIV. Dans son commentaire, Saint-Cricq aborde le problème des voitures de voyageurs et autorise un large assouplissement de leur admission temporaire et, surtout, l’extension de la procédure instaurée dans les ports de la Manche à toutes les frontières (avec consignation du tiers de la valeur).
10 L. Amé, op. cit., p. 64, 88, 91, 94, 96, 104, 108-109, 113, 122, 124, 128, 130, 138, et 142- 143.
11 Ibid., p. 142.
12 T. Duverger, op. cit., p. 472.
13 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 26.
14 Ordonnance du 7 juillet 1815 et circ, du 11.
15 Circ. 50 du 11 juillet 1815 : LRDF, tome VIII.
16 B. des Lois, 7e Série, tome I, p. 313-314.
17 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 27.
18 Ibid., p. 28.
19 Ibid., p. 29.
20 Circ. 70 du 17 septembre 1815 : LRDF, tome VIII.
21 Circ. 81 du 16 novembre 1815 : LRDF, tome VIII.
22 Circ. 83 du 20 novembre 1815 : LRDF, tome VIII.
23 Circ. 84 du 23 novembre 1815 : LRDF, tome VIII.
24 Circ. 109 du 8 février 1816 : LRDF, tome IX.
25 Circ. 73 du 29 septembre 1815 : LRDF, tome VIII.
26 Arrêté du ministre des Finances : B 54558 du 15 septembre 1815 transmis par circ. 73 du 29 : LRDF, tome VIII.
27 Circ. 73 du 29 septembre 1815 : LRDF, tome VIII.
28 Cire. 235 du 28 décembre 1816 : LRDF, tome IX.
29 Circ, du 27 mars 1815 : LRDF, tome VIII.
30 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 40.
31 Ibid., p. 36.
32 J. Tulard, Les épurations administratives en France de 1800 à 1830, actes du colloque de l’EPHE, Genève, Droz, 1973, p. 57.
33 Exposé des motifs du projet de loi présenté le 14 février 1818 : LRDF, tome XI, p. 54.
34 B. des Lois, 7e Série, n° 404 et circ, sans n° du 20 novembre 1815 : LRDF, tome VIII.
35 Circ, du 29 septembre 1815 : LRDF, tome VIII.
36 Circ, sans n° du 24 juillet 1816 : LRDF, tome IX.
37 Loi du 28 avril 1816, Titre VI, p. 146.
38 Circ. 148 du 1er mai 1816 : LRDF, tome IX.
39 Circ. 148 et 149 du 1er mai 1816 : LRDF, tome IX.
40 Circ. 151 du 1er mai 1816 : LRDF, tome IX.
41 Circ. 495 du 19 mai 1819 : LRDF, tome XI.
42 Circ 150 du 1er mai 1816 : LRDF, tome IX.
43 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 54.
44 Ordonnance du 27 novembre 1816 : LRDF, tome IX.
45 Circ. 227 du 3 décembre 1816 : LRDF, tome IX.
46 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration.... op. cit., p. 71.
47 Ordonnance du 17 mai 1817 : B. des Lois, 7° Série, n° 2118.
48 Circ. 296 du 9 juillet 1817 : LRDF, tome X.
49 Ordonnance du 30 janvier 1822 : LRDF, tome XIV
50 Circ. 707 du 31 janvier 1822 : LRDF, tome XIV.
51 Arrêté du ministre des Finances du 30 janvier 1822 : LRDF, tome XIV
52 Circ. 415 du 19 mai 1819 : LRDF, tome XII.
53 Circ. 247 du 30 janvier 1817 : LRDF, tome X.
54 T. Duverger, op. cit., p. 473.
55 Ibid., p. 476.
56 Ibid., p. 477.
57 Circ, sans n° du 21 mars 1824 : LRDF, tome XV.
58 L. Amé, op. cit., p. 142.
59 Ordonnance du 20 mars 1824 : LRDF, tome XV
60 Circ, sans n° du 29 mars 1824 : LRDF, tome XV
61 Ordonnance du 4 août 1824 : LRDF, tome XV
62 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 88.
63 T. Duverger, op. cil, p. 478.
64 Ordonnance du 12 janvier 1825 : B. des Lois du 18, n° 16 et circ. 906 du 17 février 1825 : LRDF, tome XV.
65 Circ. 005 du 4 février 1825 : LRDF, tome XV.
66 T. Duverger, op. cit., p. 479.
67 H. Bacquès, Les douanes françaises, Paris, Guillaumin, 1882, 3e éd., p. 87.
68 J. Clinquart, L’administration des douanes... sous la Restauration..., op. cit., p. 97.
69 Ordonnance royale du 13 février 1828 et LRDF, tome XVII.
70 Circ, de transmission du 18 février 1828 : LRDF, tome XVII.
71 Circ, du 15 novembre 1828 : LRDF, tome XVII.
72 Ordonnance du 13 novembre 1828 : LRDF, tome XVII.
73 Service dépendant de la Poste et chargé de lire, au passage, le courrier des personnalités suspectes ou « intéressantes ». Cette censure suscitait de très vives critiques.
74 Circ, du 17 novembre 1828 : LRDF, tome XVII.
75 Ordonnance du 30 décembre 1829.
76 Rapport au roi du 30 décembre 1829 : LRDF, tome XVII.
77 L. Amé, op. cit., p. 144.
78 Ordonnance du 5 janvier 1831 : LRDF, tome XVIII.
79 Ch. Augier, La France et les traités de commerce. Chevalier et Rivière, 1906, p. 19.
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