La République, le Budget et les Beaux-Arts
p. 275-294
Texte intégral
1En 1955, Jeanne Laurent publiait un vivant plaidoyer pour une politique culturelle La République et les Beaux-Arts1. Elle y critiquait l’immobilisme de la IIIe et de la IVe Républiques. Dans ce contexte – qu’il conviendrait d’ailleurs de réexaminer attentivement2 – quelle place a pu jouer le ministère des Finances, et en particulier la direction du Budget ?
2Les professionnels de la culture ont tellement souffert ou cru souffrir de la vindicte opiniâtre de la direction du Budget que la vision rétrospective n’est pas aisée, d’autant que les archives, très riches sur certains points secondaires de la politique culturelle, manquent totalement pour certains débats stratégiques3.
3« Il n’y avait pas d’affaires culturelles, avant tout parce qu’il n’y avait pas de budget particulier aux Affaires culturelles 4. »
4Cette analyse d’André Malraux, partagée dès 1955 par Jeanne Laurent, résume l’un des mythes fondateurs de la politique culturelle française : pour développer la politique culturelle, il convient d’en individualiser les dotations budgétaires car, disait encore Malraux, « le fait qu’inévitablement les crédits réservés aux opérations culturelles vinssent à la fin de l’énorme et parfois dramatique budget de ce qu’on appelait jadis l’Instruction publique, impliquait que, chaque fois qu’il était nécessaire d’obtenir un crédit supplémentaire, celui-ci était refusé, non pour de mauvaises raisons, mais parce qu’il était plus nécessaire ailleurs ».
5Cette assertion doit être relativisée : si les Beaux-Arts ne disposaient pas d’un fascicule budgétaire, des rapporteurs parlementaires, notamment du Conseil de la République, traitaient spécifiquement de ces questions.
6Il n’en demeure pas moins une objective inégalité de statut entre une administration des Finances stable, parfois même en liaison directe avec la présidence du Conseil en cas de cumul des fonctions de ministre des Finances et de président du Conseil, et une juxtaposition de services épars rattachés – sauf en 1947 – au ministère de l’Éducation nationale et, pour certaines périodes, dotés d’un secrétariat d’État spécialisé.
7Les Arts et Lettres ont fait partie des services dépendant du ministère de l’Éducation nationale, sauf pendant la période du 22 janvier au 12 novembre 1947 où exista un ministère de la Jeunesse, des Arts et des Lettres confié à Pierre Bourdan5. Le remaniement d’octobre 1947 mit fin à l’autonomie administrative du secteur.
8Du 11 août 1951 au 19 juin 1954, dans cinq gouvernements successifs (Pleven, Faure, Pinay, Mayer et Laniel), André Cornu6 fut secrétaire d’État aux Beaux-Arts sous la tutelle d’André Marie, ministre de l’Éducation nationale et figure importante du parti radical. Enfin, dans le gouvernement Guy Mollet (1956-1957), Jacques Bordeneuve, également membre du parti radical, occupa le poste de secrétaire d’État aux Arts et Lettres7. L’existence de ces secrétaires d’État ne modifie pas sensiblement la donne globale, même si les témoignages de l’époque les créditent d’une certaine efficacité dans la négociation budgétaire. Le rapporteur du budget de 1953, en se félicitant du fait que le secrétariat d’État aux Beaux-Arts ait survécu au dernier remaniement ministériel, note que « si nous n’avions pas ce secrétariat d’État et à sa tête un homme voué à consacrer son temps, son courage et sa volonté à la défense des arts, ces chapitres du budget auraient eu, comme si souvent au cours des annales de notre démocratie, à subir les coupes sombres d’une administration des Finances toujours aussi soupçonneuse, aussi jalouse, aussi tatillonne quand il s’agit des arts et lettres8. »
9Du point de vue de l’organisation administrative, le système s’est révélé cependant beaucoup plus stable. L’ordonnance du 20 novembre 1944 avait créé au sein du ministère de l’Éducation nationale la direction générale des Arts et Lettres organisée par le décret du 18 août 19459. Celle-ci comprenait cinq directions (Arts plastiques devenus fin 1946 direction de l’Enseignement et de la Production artistique ; Musées de France ; Spectacles et Musique ; Bibliothèques de France et Lecture publique ; Archives de France) et un service, le service des Lettres. Cette organisation perdurera jusqu’en 1960 et restera confiée dans toute la période au même titulaire, Jacques Jaujard. Organisée par des textes parallèles, la direction générale de l’Architecture10, comprenait deux directions (« bâtiments, palais et ordonnances urbaines » ; monuments historiques) et un service des « sites, perspectives et paysages ». Ce schéma durera, dans les grandes lignes, jusqu’en 1978. Ces deux directions, éloignées géographiquement de la rue de Grenelle (l’une sise rue Saint-Dominique, l’autre rue de Valois), jouissaient d’une grande autonomie dans leurs relations avec la direction du Budget. Les archives disponibles ne portent qu’exceptionnellement la trace d’une centralisation par la direction de l’Administration générale du ministère de l’Éducation nationale. L’ère est au dialogue direct entre les directions des ministères « dépensiers » et les services du ministère des Finances.
10Les instruments de ce dialogue existent-ils vraiment ? La situation est variable selon les secteurs. Les arrêtés de compétence des bureaux montrent qu’aux Arts et Lettres, la compétence financière n’est pas attribuée à un bureau ou service spécialisé. La compétence en matière d’« établissements des budgets » est reconnue formellement à un bureau de la direction des Musées de France, et à un bureau de la direction des Bibliothèques. La partie « théâtre et spectacles » reste très faible. C’est le sous-directeur (sans le titre à partir de 1952) lui-même qui assurera la négociation budgétaire. L’exposé des motifs de la réforme de 1945 portait pourtant la trace d’une grande ambition : « cette Administration qui ne s’occupait directement jusqu’ici que des théâtres nationaux aura désormais à s’occuper de tous les théâtres et de toutes les sortes de spectacles, le cinéma excepté. Il serait vain de penser que l’actuel bureau de la musique et des théâtres pourrait suffire. L’état des choses présent est particulièrement grave à un moment où dans le domaine artistique comme dans les autres un vaste effort de rénovation et de décentralisation va être entrepris, effort qui requiert de chaque service des enquêtes, des études, un approfondissement et une persévérance d’action dont il ne saurait avoir le moyen s’il continue à être submergé par les affaires quotidiennes. Si l’on veut que cet effort soit utilement fourni et aboutisse à des réformes, à des organisations pertinentes, complètes, convenablement étudiées et contrôlées, il est d’autant plus urgent de modifier un machinisme administratif qui chaque jour s’avère plus difficile »11. Pour saisir la portée de ces propos, on doit mentionner qu’en 1944 le bureau en question comprenait 12 personnes pour traiter spectacles, musique et droit d’auteur.
11À la direction générale de l’Architecture, la direction en charge des bâtiments civils et des palais nationaux se voit reconnaître le rôle de « préparation du budget de la direction générale et de tous projets de lois, décrets, arrêtés ou cahiers collectifs tendant à ouvrir ou à répartir des crédits ». Il y a donc dans ce dernier cas une meilleure organisation qui permettra un dialogue technique à l’évidence mieux maîtrisé, mais en faveur principalement du sous-ensemble dans lequel ce bureau se trouve placé.
12Rétrospectivement, on peut donc dire qu’à l’exception des bâtiments civils et palais nationaux, les services des Beaux-Arts ne se sont pas donné les moyens de mener véritablement le combat, d’autant plus que la direction des Arts et Lettres est dirigée par un conservateur de musée, Jacques Jaujard12, peu au fait des techniques budgétaires.
13« Subir les coupes sombres d’une administration des Finances toujours aussi soupçonneuse, aussi jalouse, aussi tatillonne quand il s’agit des Arts et Lettres 13. »
14Démunis administrativement, les services ne semblent pas avoir manqué d’adresse et de finesse. La première de ces techniques est l’énergie avec laquelle ils tentèrent d’utiliser l’arme de la planification naissante.
15Le recensement exhaustif des besoins, notamment en vue de l’élaboration des documents de planification est l’une des méthodes banales mais constantes utilisées par l’administration des Beaux-Arts.
16En matière d’équipement, le travail fut mené avec une grande énergie par la commission du plan d’équipement scolaire, universitaire, scientifique et artistique, créée par arrêté du 13 novembre 1951. Un travail de classement en trois niveaux de priorités fut mené avec la participation dans chacun des groupes de travail de représentants du ministère des Finances, les résultats étant publiés14. Mais les besoins recensés ne furent qu’inégalement repris dans les lois de finances annuelles. En comparant cet état des priorités avec le quinquennat 1953-1957, apparaît clairement le décalage entre cette estimation de 1952 et les travaux effectivement engagés15 sur la période du plan. Seule la direction générale de l’Architecture a réalisé ses priorités dans des proportions convenables.
17La réalisation totale s’établit à 35,5 milliards de francs courants (34,6 milliards de francs 1952) contre une prévision de 71,8 milliards de francs 1952. Cette réalisation à 50 % seulement est proche des chiffres pour l’ensemble de l’éducation nationale puisés aux mêmes sources avec une réalisation totale de 482 milliards pour des besoins estimés par la commission à hauteur de 975.
18Relativement intéressante pour les bâtiments civils (c’est-à-dire dans bien des cas le clos et le couvert des administrations publiques), cette volonté de se raccrocher à la planification ne se semble guère avoir été concluante pour les monuments historiques, les musées et les bibliothèques. Il est évident qu’il n’était pas évident dans le contexte de l’époque d’établir dans ces domaines des ordres de priorité.
19En ce qui concerne les monuments historiques, un rapport présenté pour le comité d’étude sur les coûts et les rendements des services publics par un conseiller-maître à la Cour des comptes critiquait l’Administration en ces termes : « les fautes apparaissent d’autant plus redoutables dans leurs conséquences que, par suite des immenses destructions de la guerre, une foule d’édifices menacent ruine. Certains qui peuvent être sauvés aujourd’hui seront définitivement perdus demain. Dans l’impossibilité de tout secourir à la fois, l’établissement d’un ordre de priorité s’impose. Le pire serait d’effectuer des travaux qui peuvent attendre au détriment des opérations de sauvetage qui ne le peuvent pas16 ». Les services se servaient de ces argumentaires extérieurs : un propos de 1948 du directeur général de l’Architecture en atteste : « les destructions de la guerre atteignent une importance qui, s’il fallait l’évaluer, dépasserait 150 milliards de francs. Pour y faire face, le service des Monuments historiques n’a reçu qu’une allocation annuelle tout à fait insuffisante : 3 milliards en 194717 ».
20En ce qui concerne les musées, les résultats sont plus médiocres encore, ce qui contraignait la direction des Musées de France à rechercher par tous les moyens des financements complémentaires. Tout au long de la période considérée, la direction des Musées de France mena trois combats constants : une politique de rénovation, en particulier du Louvre, des demandes permanentes de renforcement des effectifs de gardiens et une politique d’acquisition.
21En ce qui concerne l’équipement, les crédits obtenus furent modestes :
22Les seuls travaux importants concernent la poursuite du « plan Verne », défini dans l’entre-deux-guerres, pour le réaménagement du musée du Louvre, avec en particulier le chantier du premier et du deuxième étage de la Cour carrée mené à partir de 1953.
23Pour faire face à cette pénurie de crédits budgétaires, la conservation du château de Versailles reçut l’accord de sa direction et du Gouvernement pour rechercher des fonds privés. Le 30 janvier 1952 est signé un arrêté du secrétaire d’État aux Beaux-Arts sur la création d’un « Comité national pour la sauvegarde du château de Versailles » chargé « de faire de la propagande et de provoquer des libéralités en faveur du château de Versailles ». Parallèlement était mise en œuvre une procédure complexe de rattachement de crédits venant abonder les crédits publics. En 1953, outre le crédit budgétaire et participation de la Loterie nationale pour un total de 765 millions, le comité mobilisa 193 millions ; en 1954, les crédits budgétaires et la loterie engagèrent 765 millions, le Comité national procura un surcroît de 180 millions.18
24En ce qui concerne le gardiennage, les effectifs des musées nationaux avaient été reconnus insuffisants en 1939 à la suite du vol de L’Indifférent de Watteau. 184 créations de postes avaient été obtenues en juillet de la même année.
25Au cours des années 1945-1958, seuls 40 postes nouveaux furent accordés (en 1951) ; en revanche chaque année, la direction du Budget augmenta sensiblement les crédits pour occasionnels, « soupape » du fonctionnement à peu près normal des musées nationaux.
26Sur les acquisitions d’œuvres d’art, la situation est encore moins satisfaisante : « un recul regrettable est à noter, par suite d’interventions extérieures au département de l’Éducation nationale, dans l’abattement en deux fois de 4 millions sur la subvention annuelle (ramenée à 14 millions après avoir atteint 22) de l’État à la Réunion des musées nationaux dont les ressources propres ne lui permettent pas à elles seules de soutenir la concurrence internationale pour assurer aux musées français certaines pièces essentielles du patrimoine national19 ».
27En matière d’enrichissement du patrimoine, l’une des réalisations les plus efficaces fut sans conteste la création d’une collection d’art moderne de haut niveau. Pour ouvrir le nouveau musée national d’Art moderne dans des conditions décentes, une collecte d’œuvres sans précédent fut menée à bien en dix-neuf mois, de la fin de 1945 à mai 1947 par Jean Cassou20 avec des moyens sans rapport avec l’ambition affichée. Georges Salles, directeur des Musées de France, avait fixé le 3 novembre 1945 l’objectif à atteindre : « Il faudrait ne pas recommencer l’erreur faite à la génération précédente pour les peintres impressionnistes, et, avant qu’il ne soit trop tard, s’entendre avec des artistes tels que Matisse, Bonnard, Braque, Picasso, Rouault pour effectuer avec leur aide un choix d’œuvres particulièrement représentatives des différentes phases de leur carrière21. » Le Conseil vote une première tranche de 6 millions de francs pour l’achat de tableaux de Matisse et de Bonnard.
28Cinq jours plus tard, Cassou présente au Conseil artistique sept tableaux choisis dans l’atelier de Matisse. Ils ne coûteront que deux millions à la Réunion des musées nationaux. Grâce à la générosité de Matisse, un million reste disponible pour compléter un ensemble où les étapes les plus importantes de son évolution sont représentées.
29Georges Salles propose alors au Conseil d’entreprendre immédiatement des démarches auprès de trois autres artistes : Braque, Picasso et Rouault. Conformément à sa suggestion, un nouveau crédit de 6 millions de francs est affecté.
30Le 10 janvier 1946, Cassou annonce au Conseil une donation de Paul Rosenberg comprenant deux œuvres majeures de Picasso et de Fernand Léger. En février, il présente quatre tableaux choisis dans l’atelier de Georges Braque, deux œuvres de Juan Gris et un choix de cinq toiles de Rouault.
31Enfin, le 8 mai 1947, Cassou présente les dix toiles dont Picasso fait don au musée national d’Art moderne. La donation est – cette fois, car les décisions précédentes avaient été plus laborieuses – acceptée à l’unanimité moins une voix, celle du représentant de la Cour des comptes. Mais, après l’ouverture du musée, commence une phase beaucoup moins favorable, à la fois à cause de la diminution des crédits et des réticences devenues paradoxalement beaucoup plus fortes au fil des ans à l’égard des artistes vivants22.
32Faute de pouvoir démontrer des besoins incontournables, l’administration des Beaux-Arts tentait de convaincre de l’impérieuse nécessité d’une politique culturelle.
33L’élaboration d’une quantification des besoins était en effet totalement vaine pour les services des Arts et Lettres et en particulier le théâtre, la musique et les spectacles. En 1950, le budget ordinaire des Arts et Lettres était légèrement inférieur à ce qu’il était en 1938, lorsque notre art et notre science disait Jean Giraudoux vivaient « en demi-solde dans une République sans muses23 ». Les Arts et Lettres disposaient en 1950 de 2,6 milliards de francs dans un budget général de 1 510 milliards, soit 0,17 % ; en 1954, leur part était inférieure à 4 milliards dans un budget général de 4 000 milliards, soit seulement 0,10 %. L’administration des Beaux-Arts devait donc faire preuve d’une certaine éloquence pour tenter d’améliorer son financement.
34Quels étaient les arguments de l’administration des Beaux-Arts par rapport à la direction du Budget ? Les archives de la direction générale des Arts et Lettres conservent les fiches de propositions faites au ministère du Budget pour la préparation des lois de finances de 1949 et 1951, ainsi qu’un certain nombre de correspondances dans le cadre de la procédure d’élaboration de ces textes24.
35Une lettre du ministre de l’Éducation nationale (E. Depreux) au secrétaire d’État au Budget en date du 14 juin 1948 sur l’activité théâtrale des départements illustre la rhétorique en vigueur :
36« Le renoncement à la réforme entreprise depuis deux ans serait dommageable non seulement au point de vue artistique par l’appauvrissement qui en résulterait immédiatement, mais aussi du point de vue financier par le fait que les crédits dépensés jusqu’ici le seraient en pure perte. D’autre part, cet abandon découragerait les concours qui se sont manifestés à ce sujet aussi bien sur le plan public (villes et départements) que sur le plan privé. On peut noter que le Parlement, lors de la dernière discussion budgétaire, s’est particulièrement intéressé à cette question et que l’Assemblée nationale avait unanimement voté les crédits. D’un autre côté, certains articles publiés dans différents organes de la presse parisienne ont souligné à nouveau la gravité du problème et les difficultés rencontrées dans la poursuite de notre politique de décentralisation. »
37Enfin, le ministre appelait l’attention de son collègue sur la nécessité de renforcer la politique culturelle en Alsace. C’est d’ailleurs le seul point où le directeur du Budget finit par accepter une augmentation. Après le changement de ministère (André Marie remplace Robert Schuman à la présidence du Conseil, Delbos remplace Depreux) les services font le point le 28 juillet 1948 : « Le respect des engagements pris à l’égard des villes et des départements nécessite l’inscription d’un crédit de 281 millions au budget de 1948. De pressantes demandes avaient été adressées à cet effet par vos prédécesseurs au ministre des Finances. Cependant, l’Assemblée nationale n’a été saisie que d’une proposition de 147 999 000 francs. La commission des finances dans son rapport n° 4046 page 38 a émis un avis favorable à l’inscription des crédits indispensables à la décentralisation théâtrale tant dramatique que lyrique et a notamment signalé qu’il y aurait lieu de prévoir 30 000 000 francs pour la seule activité lyrique dans sept villes : Bordeaux, Toulouse, Marseille, Lyon, Lille, Nantes et Strasbourg. »
38La note préconisait de « saisir l’assemblée de nouvelles propositions à hauteur de 281 millions ». L’un des arguments destiné à convaincre le Parlement est le déséquilibre choquant qui existe sur le plan théâtral entre Paris et les départements. Les crédits affectés au théâtre à Paris se montent à 738 millions. Le budget ne comprend que 136 999 000 francs pour les départements. La province la plus favorisée, l’Alsace, bénéficie de crédits très inférieurs à ceux qui lui étaient consacrés sous l’occupation allemande. Ce « lobbying » parlementaire était appuyé par un courrier, certainement téléguidé, du maire de Strasbourg insistant sur le déséquilibre entre Paris et la province.
39Cependant, on a pu montrer que le Parlement était « relativement indifférent » aux questions de la politique des arts et lettres et en particulier celle du théâtre25.
40Dans le dossier pour 1951, on retrouve une argumentation dont les grandes lignes sont les mêmes mais qui a su s’adapter :
41« La situation des théâtres privés est de plus en plus inquiétante. Les crédits accordés pour l’exercice 1950 sont nettement insuffisants. Alors que les Etats étrangers augmentent d’une manière considérable les subventions qu’ils accordent à leurs théâtres, la France se doit d’encourager le développement à Paris d’une activité brillante qui maintienne le rayonnement mondial de notre capitale. »
42Pour la décentralisation dramatique, le crédit demandé pour 1951 était de 77 millions contre 35 millions en 1950. Pour justifier cette énorme demande, le rédacteur note que « cette année, à l’occasion de la présentation des spectacles des divers centres à Paris, tous les critiques parisiens ont reconnu que la réforme de la décentralisation dramatique s’imposait et qu’elle avait déjà donné d’importants résultats. Plusieurs critiques éminents ont formulé des vœux pour que certains centres insuffisamment dotés (le Grenier de Toulouse entre autres) obtiennent des moyens d’action plus importants et que le bénéfice de cette réforme soit étendu à des régions privées d’un foyer permanent d’activité dramatique ».
43Enfin, pour la décentralisation lyrique dotée de 47 millions de francs en 1950, 360 millions étaient demandés. Le rédacteur notait que « la loi du 11 février 1950 sur les conventions collectives a provoqué un accroissement moyen de 30 % des dépenses des personnels de théâtre » et qu’il en résultait une impossibilité de maintenir l’exploitation dans le cadre de l’accord passé avec l’État par arrêté du 3 mars 1947. Les subventions attribuées sont en effet trop faibles pour représenter une participation réelle aux dépenses. Afin de remédier à cet état de chose et à la suite d’une étude minutieuse du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, un nouveau plan a été établi en créant deux catégories « suivant l’importance des villes ». C’est seulement à cette dernière demande que la direction du Budget ne se montra pas totalement insensible.
44On voit donc que l’administration des Beaux-Arts utilisait tour à tour des arguments techniques (juridiques et économiques comme dans le cas cité de l’activité lyrique en dehors de Paris), des arguments de notoriété (le recours y compris dans les documents budgétaires les plus modestes aux réactions de la critique, parisienne bien sûr) et enfin des arguments d’« aménagement culturel du territoire » comme on dira quelques décennies plus tard, en tentant d’inverser la fatalité du déséquilibre entre Paris et la province par l’augmentation plus que substantielle des crédits.
45Du côté de la direction du Budget, on tire argument de la mauvaise gestion des administrations culturelles.
46L’un des reproches implicites ou explicites et déjà bien ancré sous la IIIe République fait par les « géomètres » des finances est celui de la mauvaise qualité de la gestion des « saltimbanques » des Beaux-Arts. La lecture des rapports annuels des contrôleurs des dépenses engagées (contrôleurs financiers après 1955) est à cet égard tout à fait révélatrice. L’un des griefs avancés est l’incapacité à « consommer » les crédits de travaux, en particulier en matière de monuments historiques : « Le retard chronique apporté au règlement des dépenses commandées par la direction de l’Architecture est bien connu des entrepreneurs : comme ces travaux sur les monuments historiques et les bâtiments civils sont répartis sur tout le territoire, on peut dire que le service en question est responsable pour une très large part de la réputation détestable qui est faite à l’État26. »
47La réalité est pourtant beaucoup plus nuancée car ces difficultés de gestion sont dues à la difficile mise en place faute de postes des agences des bâtiments de France chargées du suivi des travaux (111 étaient prévues par les décrets du 21 février 1946 ; elles n’étaient pas toutes créées à la fin de la IVe République) ainsi qu’au vote tardif des documents budgétaires, voire à des annulations de crédits en cours d’exercice (l’année 1953 fut particulièrement chaotique de ce point de vue avec deux vagues de blocages). De plus les séries disponibles témoignent surtout d’une amélioration des performances gestionnaires tout au long de la période.
48Le deuxième reproche constant est l’inobservation des règles de gestion, et en particulier de l’engagement financier préalable à la dépense. La direction des Musées de France semble avoir été régulièrement rappelée à l’ordre, en particulier pour les commandes passées à des artistes vivants : « un projet d’arrêté tendant à allouer à M. Braque une somme de 10 millions pour l’exécution d’une composition destinée à décorer le plafond de la salle Flenri II fut soumise au contrôle le 20 mai 1953 alors que des articles de presse reproduisaient même des fragments de l’œuvre permettant de penser que le travail en question était achevé et avait par conséquent été commandé à une date très antérieure27 ». On sait que cette commande avait été en effet passée personnellement par le directeur des Musées de France, Georges Salles28 . Braque avait été réticent pour entreprendre ce travail à soixante-dix ans, mais, par amitié pour Georges Salles, il vint, à partir de décembre 1952, travailler tous les jours ouvrables au Louvre. De nombreux articles de presse reproduisirent effectivement le travail en cours29.
49Le troisième reproche constant est celui de la dispersion des efforts de l’administration des Beaux-Arts. L’une des formalisations les plus franches de cette critique se trouve dans un rapport de l’inspection générale des Finances : « les subventions examinées ici présentent un ensemble de caractères communs tout à fait contraires aux règles d’une bonne administration et aux exigences d’une gestion économique des deniers publics. Aux caractères d’inefficacité, d’absence de toute politique sélective, d’action aveugle et non contrôlée, de double-emploi qu’on a signalées chemin-faisant, on ne peut même pas opposer que cette politique d’aumônes est un moyen de gouvernement. C’est l’Administration centrale qui par un obscur travail où l’on peut relever davantage l’action de machines à calculer que l’effet d’une pensée humaine émiette les crédits et saupoudre le territoire30 ». Le seul exemple qui trouve grâce aux yeux du rapporteur est celui du Centre dramatique de l’Est où la concentration des moyens et la définition d’objectifs lui paraissaient de bonne politique.
50Dans son examen du budget de 1954, le rapporteur de la commission des finances du Conseil de la République, Jacques Debû-Bridel critiquait également sévèrement la dispersion des efforts31 : exception faite de la décentralisation dramatique, de l’aide à la première pièce et de la politique en Alsace, « l’anarchie » semble régner en matière de subvention théâtrale, écrivait le rapporteur en reprochant au secrétariat d’État aux Beaux-Arts « de se laisser mener par l’événement, semant à tous vents et selon l’humeur du moment d’ici et de là quelques millions ». Il concluait en critiquant « le manque de politique du système actuel de subvention ». Jeanne Laurent reconnaissait cette carence et l’attribuait à l’omnipotence des commissions. Elle suggérait pour l’avenir un responsable jouissant d’une autorité personnelle fondée sur la compétence et l’indépendance32.
51Il ne faut pas sous-estimer dans la médiocrité des résultats obtenus dans certains secteurs l’énorme inertie des procédures administratives. L’un des exemples les plus significatifs est celui de l’aide de l’État à l’équipement des théâtres municipaux, en particulier ceux détruits par la guerre. En 1958, un des hebdomadaires culturels les plus influents lançait une campagne sur ce thème :
52« C’est un fait indiscutable que depuis 1945, les initiatives les plus ingénieuses de la direction des Arts et Lettres, les ambitions et les démarches les plus pressantes des villes ont été découragées par les obstacles administratifs créés et multipliés par les services de la reconstruction et d’une façon plus générale par ceux de la rue de Rivoli33. » À la même époque, Jean Dasté responsable depuis 1947 de la Comédie de Saint-Étienne, figure historique de la décentralisation dramatique, déplorait « la grande misère des théâtres de province » avec l’assentiment de la direction générale des Arts et Lettres : « nous sommes habilités, écrivait-il dans une lettre-circulaire, par le ministère de l’Éducation et des Beaux-Arts à constituer un dossier sur les besoins des théâtres en matière d’équipement, dossier qui permettrait la mise au point d’un projet financier34. »
53Le cas du Havre est particulièrement emblématique : il montre la lourdeur des procédures auxquelles l’administration des Beaux-Arts pouvait être confrontée. La chronologie des opérations est éloquente :
541946 : les premières démarches du maire en vue de la reconstruction du théâtre détruit sont effectuées auprès des services parisiens ;
551947 : la mise en œuvre d’installations théâtrales provisoires est annoncée par une conférence de presse le 9 février 1947 dans l’euphorie d’une prochaine reconstruction ;
561948 : inscription sur plan de priorité des services des Beaux-Arts mais refus du comité interministériel de la reconstruction ;
571949 : un avant-projet examiné le 20 juin à la direction générale des Arts et Lettres par une commission de réflexion présidée par Jeanne Laurent, sous-directeur ;
581950 : l’avant-projet est remanié. Le théâtre prévu pour 2300 places est chiffré à 400 millions de francs, mais la ville ne veut pas engager les travaux avant que soit fixé le montant des dommages de guerre ;
591954 : l’aide du crédit pour dommages de guerre est établie à 200 millions de francs. Rien ne semble s’opposer au début du chantier que Le Monde annonce le 5 janvier 1955 ;
601955 : la ville ne veut pas engager les travaux sans l’aide financière de l’Éducation nationale. Le ministère lui répond que la situation des dotations budgétaires dont il dispose permet seulement une subvention symbolique. La ville préfère attendre ;
611956 : Jacques Bordeneuve, nouveau secrétaire d’État, annonce en décembre l’attribution d’une subvention d’équipement de 35 millions ;
621957 : la municipalité ne pouvant plus emprunter envisage d’abandonner le projet primitif sans toutefois renoncer complètement à la création d’une salle de théâtre ;
631958 : une nouvelle mise au point est lancée par la ville. Faute de pouvoir attendre, la direction générale des Arts et Lettres annula cet engagement de crédit.
64Il s’agit bien d’une sorte de dossier maudit, extrême35, dont les vicissitudes ne s’arrêteront pas là, puisque le nouveau ministre d’État chargé des Affaires culturelles choisit de mettre l’accent sur un concept révolutionnaire de musée-maison de la culture transformable inauguré en 1961 et que Le Havre ne parvint à achever sa nouvelle maison de la culture qu’en 1981.
65Mais il montre les difficultés auxquelles tout projet ambitieux était alors confronté, ce que, dans une note interne, Jacques Jaujard appelait « le cercle » : « Ainsi se referme le cercle où se trouve pris l’État et les villes dans leur commun désir d’édifier les salles de salles de théâtre qui leur sont réclamées. Les villes souhaitent construire. Mais leurs finances sont si précaires qu’elles ne peuvent entreprendre leurs constructions sans que l’État ait fait connaître sa décision, ferme et irrévocable, de les subventionner au taux maximum. Et elles attendent la notification de cette décision. L’État souhaite aider les villes. Mais l’incertitude où il est sur l’avenir du chapitre « Construction des théâtres » ne l’autorise pas à donner les assurances que les villes attendent de lui. Il subventionne sur l’exercice en cours et ne peut s’engager au-delà de cet exercice. L’État attend l’initiative des villes. De plus, le taux, le montant de la subvention sont déterminés sur avis du Conseil général des bâtiments de France qui exige la production d’un dossier comportant des plans et des devis détaillés. Ce travail considérable entraîne une dépense importante et qui sera vaine si on ne passe pas à l’exécution du projet. Les villes répugnent à consentir cette dépense tant qu’elles redoutent de n’être pas subventionnées. Mais l’État ne peut pas promettre sa subvention sans appuyer sa promesse sur l’étude d’un projet précis. L’État exige donc ce projet36. » Ce récit tend à prouver que le principal responsable de cet état de choses est la réglementation, en particulier celle du ministère lui-même (la logique de la direction de l’Architecture).
66Enfin le ministère des Finances témoigne d’une grande constance dans l’opposition à la mise en œuvre de moyens d’intervention nouveaux. Un premier exemple est celui de la mise en place très lente de la Caisse nationale des lettres.
67L’année 1948 est marquée par une affaire décisive. Afin d’assurer des ressources à la nouvelle caisse nationale des lettres instituée par la loi du 11 octobre 1946 et pour laquelle un crédit budgétaire de 400 000 francs avait été voté puis annulé à deux reprises37, l’Assemblée nationale, avec le soutien de la direction générale des Arts et Lettres, vota en première lecture le 13 février une proposition de loi prévoyant qu’au-delà de la protection des droits d’auteurs proprement dits (50 ans près le décès du créateur), le « domaine public » deviendrait « payant ». Un droit de 6 % serait versé pour moitié à la Société des gens de lettres, pour moitié à la Caisse nationale des lettres. Très vite, les protestations de la presse (Combat, le Monde, Carrefour, Les Nouvelles littéraires) et celles des éditeurs (Gaston Gallimard menace d’arrêter la Pléiade) s’élevaient, reprochant au système de favoriser la. Société des gens de lettres et surtout de créer un moyen d’intervention de l’État sur l’édition. Le 14 mai 1948, le Conseil de la République rejetait le texte à la quasi-unanimité. Une taxe sur le chiffre d’affaires était alors proposée par les éditeurs. Le président de la Société des gens de lettres, soulignait que « la loi du 13 février ne frappait que les morts, la taxe va toucher les petites maisons d’édition dont la vie est difficile. Ensuite, le premier système ne réclamait à l’État aucun personnel, vous allez voir avec votre impôt que cela va lui coûter de nouveaux fonctionnaires, entendez que cela va coûter à vous38 ».
68Les services de la direction générale des Beaux-Arts proposaient soit le rétablissement du crédit budgétaire, ce qui fut refusé par la rue de Rivoli, soit de remettre en chantier un système de taxe. En 1950, est présentée une proposition de loi visant à créer une nouvelle ressource parafiscale39. La position des services du ministère des Finances40 est éloquente : « Il y a lieu de rappeler que l’État fait déjà dans le domaine artistique un effort extrêmement important aussi bien par l’institution de prix ou la passation de commandes d’œuvres d’art que par la participation aux dépenses des théâtres nationaux et des théâtres de décentralisation lyrique et dramatique. » Le deuxième argument est plus subtil : « Le versement d’une subvention entraîne nécessairement l’exercice d’un certain contrôle sur le budget et sur l’ensemble de l’activité de l’organisme subventionné et par là-même l’indépendance de ce dernier se trouve en quelque sorte amoindrie. Cette conséquence inévitable serait particulièrement inopportune et difficilement acceptée en matière artistique qui demande par sa nature même une très grande liberté. »
69On voit s’enchaîner deux strates complémentaires dans le discours : la politique héritée de la IIIe République est tout à fait suffisante d’une part, d’autre part les professionnels de la culture ne tolérant pas le contrôle ne peuvent donc réclamer le subventionnement. La caisse nationale des lettres, pour ce qui la concerne, ne fut finalement mise en place qu’en 1956 par une faible taxe sur le chiffre d’affaires des éditeurs.
70Un deuxième exemple de l’opposition doctrinale du ministère des Finances à l’élargissement de la palette des interventions dans le domaine culturel est le débat autour du financement du théâtre privé.
71En 1947, sous le ministère Bourdan, est institué un système d’« avances remboursables » pour le théâtre privé et les jeunes compagnies. Ce système institué par le décret n° 47-2083 permettait l’octroi à des spectacles « d’intérêt artistique » d’avances qui devaient être remboursées si les théâtres (dont l’exploitation pouvait être contrôlée par un inspecteur général des Finances désigné à cet effet) disposaient au bout du compte « d’une marge bénéficiaire suffisante ». Le mécanisme a été caractérisé par la faiblesse du montant des avances, au total 425 millions de francs de 1947 à 1961, date à laquelle le système fut abandonné. Au cours de cette période, 804 spectacles furent aidés, 133 inspectés. Les remboursements totaux se sont élevés à 15 millions sur cette même période41.
72Les archives portent sur cette affaire banale la trace d’une intense activité des services de la direction du Budget en liaison avec la direction de la Comptabilité publique qui, à la fin de 1951 et au début de 1952, s’ouvrent au ministère de l’Éducation nationale de difficultés d’application du décret de 1947 autour de la notion de « marge bénéficiaire suffisante » qui confère aux services de la direction générale des Arts et Lettres un « pouvoir discrétionnaire pour apprécier si les avances doivent ou non être remboursées42 ».
73Visiblement choquée par ce caractère discrétionnaire, la direction du Budget proposait une certaine automaticité, à savoir que le remboursement serait exigé lorsque l’exploitation du spectacle pour lequel elles auront été rattachées ferait apparaître un bénéfice dépassant un pourcentage du montant des recettes brutes diminuées des impôts, des taxes et des droits d’auteur y afférents.
74L’inspecteur général des Finances chargé des vérifications concluait pourtant au caractère non opportun d’une modification : « C’est la nature même des avances visées par ledit décret qui paraît avoir prêté à confusion. Ces avances sont attribuées en général pour des spectacles lourds à monter (nombre de décors ou de personnages) ou dont le succès est incertain pour des causes diverses (sujet difficile, auteur intéressant mais de notoriété non encore confirmée, etc.). Elles tendent à encourager la mise à la scène de pièces valables qui ne pourraient être représentées sans une aide de l’État. Le plus souvent de tels spectacles sont déficitaires. La proportion des spectacles bénéficiaires est faible. Ces avances constituent en réalité des subventions à fonds perdus, assorties d’une clause imposant leur reversement dans le cas où la pièce pour laquelle elles ont été attribuées se révélerait bénéficiaire43. »
75Une enquête est même demandée à la direction générale des Impôts et remise début 1953 « concernant les spectacles subventionnés et tendant à fixer le pourcentage de bénéfice net sur recettes à partir duquel pourra être exigé le remboursement des avances consenties par l’État ». Cette enquête constitue un travail de haut niveau sur l’économie du spectacle vivant à Paris dans les années 1950.
76Une étude de huit cas sur les années 1951 et 1952 montrent que seuls trois de ces spectacles avaient été bénéficiaires (Le Complexe de Philèmon, satyre de la psychanalyse qui tint l’affiche au théâtre Montparnasse avec 402 représentations ; Henri IV à l’Atelier avec 118 représentations et Le Diable et le Bon Dieu, mise en scène de la pièce de Jean-Paul Sartre par Louis Jouvet au théâtre Antoine de juin 1951 à septembre 1952 avec 191 représentations et un énorme bénéfice de 16,5 millions de francs).
77L’enquête souligne l’extrême variabilité des conditions d’exploitation des spectacles, les recettes journalières moyennes varient du simple au décuple, les dépenses de une à cinq. Les rédacteurs concluaient que « la diversité des résultats d’une part, la variété des subventions d’autre part rendent très aléatoire l’établissement d’une réglementation générale tendant à fixer le pourcentage de bénéfice sur recettes à partir duquel le remboursement de l’avance pourra être exigé ».
78Après une ultime relance en date du 21 mars 1953 signée par le directeur du Budget M. Goetze, le ministère des finances, il est vrai dirigé quelques semaines plus tard par un nouveau titulaire, Edgar Faure, semble avoir abandonné le combat devant le peu d’empressement de ses interlocuteurs.
79Cette affaire mineure est significative à bien des égards :
80– tout d’abord de la réticence de l’administration des Finances à s’engager, en dehors du cas spécifique des théâtres nationaux, dans une logique de subvention pourtant explicitement prévue dans l’ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles : « ceux des spectacles qui paraissent plus particulièrement dignes d’encouragement et notamment ceux qui ont pour objet principal l’éducation et la propagande artistique peuvent être subventionnés par l’État, les départements, les communes et les universités » ;
en second lieu, même dans le cas d’avances remboursables sa méfiance à l’égard de toute forme de subjectivité et en particulier de celle des fonctionnaires des Beaux-Arts ;
enfin, sa grande méconnaissance des mécanismes économiques de la production du spectacle qui n’est plus dans ce début des années 1950 une activité profitable sauf à de très rares exceptions.
81Dans ce paysage, l’art lyrique fait figure d’exception dans l’attitude du ministère des Finances.
82Le budget de l’art lyrique occupait une place de choix dans le financement de la Culture. Au cours de la discussion budgétaire annuelle au Parlement, l’une des critiques permanentes concernait le niveau très élevé des subventions accordées à la Réunion des théâtres lyriques nationaux (RTLN regroupant l’Opéra et l’Opéra-Comique). La direction générale des Arts et Lettres prenait la précaution d’établir pour le ministre une note de « justification pour la subvention très élevée de la RTLN44 » (1948). L’observation principale est que le budget est « pour ainsi dire exclusivement un budget de salaires, d’impôts et de charges sociales ». Si l’on veut comparer la subvention de 1948 et celle de 1939 il faut donc retrancher 90 millions des 540 millions de francs de subvention correspondant aux charges nouvelles d’assurance-maladie et de retraite. Il en résulte par rapport à 1939 une multiplication par 11. Le personnel artistique ou manuel n’est pas plus nombreux qu’en 1939, époque du secteur privé. La Réunion ne dispose, pour la mise en scène que de 35 millions. « On sait que ces 35 millions (qui ne représentent que le tiers du prix de revient d’un mauvais film) ont été obtenus après de nombreuses discussions. C’est par des prodiges d’économie qu’il sera possible d’assurer au cours de l’année 1948 les créations prévues. »
83La série des comptes administratifs de l’Opéra de Paris et de l’Opéra-Comique (constituant la « réunion des théâtres lyriques nationaux-RTLN ») est éloquente.
84Les oscillations de ce tableau ne s’expliquent que par un cycle régulier de déficits amenant, comme en 1955, l’administration des Finances a accepté de « renflouer » périodiquement la RTLN à des hauteurs extrêmement importantes, pour enrayer – pour un temps court – la spirale des déficits de cette institution. L’un des exemples les plus significatifs est celui de la réforme des modalités de service des musiciens de l’Opéra et de l’Opéra-Comique en 1953. L’objectif en plein accord avec la direction du Budget, pour ne pas dire sous son inspiration, était d’imposer à ces interprètes un service plus chargé, en même temps qu’il leur retirait le droit de se faire remplacer aux répétitions et aux représentations. Après une crise aboutissant à la fermeture des théâtres, une nouvelle convention collective était signée le 6 novembre 1953 entraînant une dépense qualifiée de « très modeste ». Or les dispositions de cette convention qui prévoyait 32 services mensuels pour l’Opéra et 36 pour l’Opéra-Comique n’ont jamais pu être appliquées et ramenées dès 1954 à 29 services mensuels. Le coût de ces accords entraînait un besoin de financement complémentaire de 125 millions de francs, soit environ 25 % de la subvention accordée à la RTLN. Celle-ci ne cessait de croître, passant de 540 millions de francs en 1948 à 967 en 1954 et 1 102 millions en 1955, soit un neuvième du budget total de l’administration des Beaux-Arts.
85Le ministère des Finances (et les services des « affaires économiques » en particulier la direction de la Concurrence) réagissaient en revanche fortement à l’augmentation du prix des places. Par un courrier du 27 mai 1953, le ministre saisit son collègue d’une protestation sur la hausse de 15 à 20 % unilatéralement mise en pratique par la RTLN : « Vous estimerez comme moi que des majorations de prix ne sauraient être envisagées ni pour des théâtres privés ni pour les autres théâtres nationaux et je suis convaincu que vous voudrez bien user de votre autorité pour faire échec aux nouvelles demandes qui pourraient vous être adressées. »« En effet si une grande partie du public qui fréquente l’Opéra et l’Opéra-Comique peut à la rigueur supporter des majorations de prix de 15 à 20 %, il n’en serait pas de même pour la plupart des spectateurs qui vont à la Comédie française ou au Théâtre national populaire. »
86« Les représentations suivies à l’Odéon et à la salle Richelieu sont suivies par les jeunes gens des écoles, lycées et facultés qui estiment avec juste raison qu’un spectacle de la Comédie française constitue un complément nécessaire de leurs études et toute modification en hausse des tarifs risquerait d’apporter une gêne certaine à toute une catégorie sociale, particulièrement digne d’intérêt et dont les moyens financiers sont généralement réduits. » Intéressant exemple de démonstration culturelle venant de la rue de Rivoli.
87L’Opéra a, dans les rapports Finances – Beaux-Arts, toujours occupé une place singulière, où la connivence est souvent de mise. L’interprétation de cette constante est malaisée, comme si la démesure des coûts de l’art lyrique coupait court à toute critique et laissait place, chez les financiers, à une certaine fascination.
88En conclusion, le sentiment qui prévaut est celui d’une opposition entre les deux administrations qui n’a que très rarement (et sur des dossiers mineurs comme celui du financement du théâtre privé) pris la forme d’un conflit ouvert. Il est vrai que l’extrême faiblesse des sommes en jeu ne fait pas alors du financement de la culture un véritable enjeu. Ainsi que le soulignait un rapporteur parlementaire, « deux chiffres montrent depuis trois siècles le chemin parcouru. Alors que Louis XIV consacrait aux Beaux-Arts et aux Lettres plus de 12 % de son budget, la France actuelle ne leur consacre que 0,65 % du sien (...). Entre les gaspillages dont Colbert souffrit toute sa vie et le budget de misère qui est accordé à la rue de Valois, il doit y avoir une juste mesure45. »
89La question demeure : cette « juste mesure » fut-elle véritablement recherchée, y compris même par les ministres successifs en charge du dossier ? Il semble qu’à de rares périodes près (le ministère Bourdan et sans doute les années 1951-1952 du secrétariat d’État d’André Cornu), on puisse répondre sans ambiguïtés par la négative. Dès lors, l’administration des Finances pouvait se borner à « saupoudrer » quelques rares mesures nouvelles, le plus souvent obtenues au niveau des directions elles-mêmes, parfois sous la pression de parlementaires (deux postes de conservateurs créés en 1955 pour pourvoir le poste d’Arras à la demande de Guy Mollet).
90Reste le discours des protagonistes. Jean Vilar a par exemple eu des propos définitifs sur le ministère des Finances. Atteint par une diminution de crédits de 23 % au budget 1953, il estimait dans un projet de lettre à Jacques Jaujard46 que « l’administration des Finances est certes, depuis Colbert, l’Administration la plus compétente du monde. Mais en chiffres seulement. »
91Dans cette ténébreuse affaire, que le propre Journal de Jean Vilar47 publié au début des années quatre-vingts éclaire d’un jour nouveau, les règlements de comptes semblent avoir été beaucoup plus politiques que financiers. Le prétexte administratif reposait sur les maladresses commises par Jean Vilar au sujet de sa propre rémunération que la convention initiale (1951) de « concession » du TNP (à ses risques personnels au-delà de la subvention) ne lui permettait pas à l’évidence d’assurer. Mais, les attaques de presse nombreuses dont il fit l’objet et les accusations à peine voilées d’appartenance à la mouvance du Parti communiste français amène à considérer cette opération sous un jour plus politique que financier, à quelques mois de son renouvellement de mandat. Les récits des entretiens avec le secrétariat d’État aux Beaux-Arts et le ministre de l’Éducation nationale, la conciliation effectuée par le président de la République Vincent Auriol et enfin, le fait que la clémence vint du ministère des Finances, après une entrevue avec Edgar Faure montre bien qu’au-delà de l’attaque rhétorique à l’égard du ministère des Finances, Jean Vilar n’était dans l’affaire qu’un des boucs émissaires de l’anticommunisme latent48.
92Plus mesurée, Jeanne Laurent n’incrimine d’ailleurs pas particulièrement le ministère des Finances. Elle constate que l’opinion publique n’est pas convaincue de la nécessité d’un effort public en faveur de la culture. « Nombreux sont en effet les Français qui considèrent l’art comme un luxe réservé à des privilégiés. (...) ceux qui tiennent l’art pour un patrimoine auquel tous les citoyens doivent avoir accès sont obligés de reconnaître que ce patrimoine ne peut être mis à la portée de tous sans intervention des pouvoirs publics ; mais ils redoutent que ceux-ci ne soient pas des mécènes éclairés49. » Dans sa conduite à l’égard des arts, « l’Etat offre un reflet des contradictions de l’opinion publique. Depuis dix ans il a pris des engagements nouveaux : dans le préambule de la Constitution, il a garanti à tous un égal accès à la culture et, d’autre part, à l’UNESCO, il a participé à la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme qui reconnaît à chaque personne le droit de jouir des arts50 ».
Notes de bas de page
1 Jeanne Laurent (1902-1989), d’origine bretonne, nommée à la Libération sous-directeur des spectacles et de la musique, évincée en 1952 et mutée dans un honorifique poste de sous-directeur des affaires internationales du ministère de l’Éducation nationale, elle consacrera son énergie à proposer une véritable politique des Beaux-Arts (La République et les Beaux-Arts, 1955) et à pourfendre l’académisme.
2 Cf. Chougnet (J-F.), « Réconcilier l’État et le génie », in Paris 1944-1954, Artistes, intellectuels, publics : la culture comme enjeu, Autrement, série « Mémoires », n° 38, mars 1995.
3 L’auteur tient à remercier pour leur concours efficace le service des archives économiques et financières, en particulier Mme Dijoux et la mission des archives du ministère de la Culture, et en particulier Mme Genest-Rouffiac, chef de cette mission et M. Beaulieu. Cette communication ne traite ni du cinéma alors rattaché au ministère de l’Industrie, ni de la radio-télévision gérée directement par le ministère de l’Information.
4 Malraux (André), présentation du budget des Affaires culturelles, 17 novembre 1959, JO, Débats Assemblée nationale, 18 novembre 1959, p. 2498, reproduit dans Discours prononcés à l’Assemblée nationale 1945-1976, Assemblée nationale, novembre 1996.
5 Bourdan (Pierre), pseudonyme de Pierre Maillaud (1909-1948), rédacteur en chef du bureau de Londres d’Havas en 1940, il prend le parti de la France libre et devint l’animateur de l’émission « Les Français parlent aux Français », élu membre de la première et deuxième Assemblée constituante, il fut député de la Seine de 1946 à 1948 (UDSR). Durant ses six mois de gouvernement, il déposa six projets de lois : trois concernent la presse et trois le domaine sportif (ski, montagne). Son décès accidentel par noyade au cours de ses congés interrompit une carrière politique brillante.
6 André Cornu (1892-1980), sénateur des Côtes-du-Nord de 1948 à 1958 sous l’étiquette Rassemblement des Gauches Républicaines, fut candidat du parti radical à la présidentielle de décembre 1953.
7 Jacques Bordeneuve (1908-1981), sénateur de Lot-et-Garonne de 1946 à 1958, secrétaire d’État aux Arts et Lettres du 1er février 1956 au 13 juin 1957 et du 1er juin au 6 novembre 1957, puis ministre de l’Éducation nationale du 14 mai au 1er juin 1958, résistant, radical-socialiste, il s’impliqua dans la préservation du patrimoine, en donnant une accélération à la restauration de Versailles, et en particulier de l’Opéra royal qui put accueillir dès 1957 des représentations. Enfin, il créa l’Ordre national des Arts et Lettres.
8 Jacques Debû-Bridel, Conseil de la République, séance du 9 décembre 1952, JO, Débats, p. 2293. Jacques Debû-Bridel (1902-1993) journaliste et homme de lettres, sénateur de la Seine de 1948 à 1958 sous les étiquettes gaullistes en particulier RPF, fut un des plus attentifs analystes de la politique culturelle de l’époque.
9 Décret n° 45-1889 du 18 août 1945 portant organisation de la direction générale des Arts et Lettres signé par le général de Gaulle et contresigné par René Capitant, ministre de l’Éducation nationale et par René Pleven, ministre des Finances (JO du 24 août 1945, p. 5293). Le même jour paraît un arrêté sur les « attributions des bureaux de la direction générale des Arts et Lettres ».
10 Décret n° 45-1890 du 18 août 1945 portant organisation de la direction générale de l’Architecture (JO du 24 août 1945, p. 5294).
11 Archives nationales, ministère de la Culture, 91040.
12 Jacques Jaujard (1895-1967), conservateur de musée, sous-directeur puis directeur des Musées nationaux (1939-1944), nommé à cette date directeur général des Arts et Lettres, poste qu’il occupera jusqu’à la création du ministère des Affaires culturelles (1959) où il occupera le poste honorifique de secrétaire général. Une porte du Louvre porte son nom, en hommage à la protection efficace des collections nationales qu’il assura pendant l’occupation.
13 Jacques Debû-Bridel, Conseil de la République, séance du 9 décembre 1952, JO, Débats, p. 2293.
14 Rapport de la commission du plan d’équipement scolaire, universitaire, scientifique et artistique, Paris, Centre national de documentation pédagogique, 1952, 64 pages.
15 Les montants annuels exprimés en millions de francs courants sont issus du chiffre des autorisations de programme effectivement affectées (on disait alors « bloquées ») telles qu’elles apparaissent dans les rapports annuels du contrôleur financier, SAEF B30962.
16 Rapport de M. Savin, cité par Henry de Segogne, conseiller d’État honoraire, Rapport au Premier ministre sur la sauvegarde du patrimoine esthétique et culturel, 1961, p. 10.
17 Commentaire de M. Perchet, rapporté par H. de Segogne, ibid, p. 9.
18 Réponse ministérielle n° 13693 du 15 décembre 1954 à M. Jean-Paul Palewski.
19 Note au directeur des Musées de France du 7 décembre 1955. Archives nationales, ministère de la Culture, 870074/7 et 870074/2.
20 Jean Cassou (1897-1986), inspecteur des Monuments historiques, romancier, poète et historien d’art, participe en 1936 au cabinet de Jean Zay, puis à la préfiguration du musée national d’Art moderne ; emprisonné sous l’occupation, puis commissaire de la République pour la région de Toulouse où il est grièvement blessé ; il retrouve en 1945 le musée national d’Art moderne qui ouvrira le 9 juin 1947. Cassou a été le premier président du Comité national des écrivains (CNE), proche du PCF. Il cessera d’être compagnon de route en 1949 en prenant parti pour Tito. Il a publié des Mémoires sous le titre Une vie pour la liberté, Paris, Robert Laffont, 1981.
21 Archives de la Réunion des musées nationaux, citées par Jeanne Laurent, Arts et pouvoirs, CIEREC, 1983, p. 152.
22 Fin 1947, Cassou tente de faire acquérir une œuvre de Balthus, Les Beaux-Jours, aujourd’hui au Hirshom Museum de Washington. Cette acquisition échoua et Cassou tenta par la suite de s’adresser directement au bureau des « travaux d’art » de la direction générale des Arts et Lettres. La tristesse du roi de Matisse fut acquise garce à ce financement et à très bas prix. cf. Jean Cassou, un musée imaginé, catalogue d’exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1995, p. 193 et 232.
23 Giraudoux (Jean), Sans pouvoirs, p. 42, cité dans Laurent (Jeanne), La République et les Beaux-Arts, Paris, Julliard, 1955, p. 85.
24 Archives nationales, ministère de la Culture, 9110240/6.
25 Lang (Jack), L’État et le théâtre, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1968, p. 44. L’auteur recense les questions écrites posées par les parlementaires sur les problèmes de l’art dramatique. De 1946 à 1958, treize questions seulement furent posées par les deux Chambres. Sur plus de 2 000 questions orales posées entre 1950 et 1965, seules trois avaient trait au théâtre.
26 Rapport du contrôle des dépenses engagées, exercice 1953, p. 27, SAEF B 30962 les séries statistiques reproduites proviennent de la compilation de ces rapports annuels, les lois de règlement n’étant pas assez détaillées.
27 Ibid., p. 55
28 Georges Salles (1889-1966), amateur d’art, ancien fonctionnaire de la direction des Beaux-Arts, conservateur du département des Antiquités orientales puis directeur du musée Guimet pendant la guerre et l’occupation. Georges Salles fut directeur des Musées de France de 1944 à 1957.
29 Laurent (Jeanne), Arts et pouvoirs, Saint-Étienne, CIEREC, 1983, p. 155.
30 « Rapport d’ensemble sur les services extérieurs du ministère de l’Éducation nationale » fait par M. Culmann, inspecteur général des Finances, au cours de l’année 1956, conservé aux Archives nationales, ministère de la Culture, 910240/6.
31 Conseil de la République, rapport n° 203, 1954, p. 136.
32 Laurent (Jeanne), La République et les Beaux-Arts, Paris, Julliard, 1955, p. 194-195.
33 Bonnat (Yves) « Construisez des théâtres en province, notre campagne pour Rouen et Le Havre dénonce un scandale national », Arts, du 5 au 11 février 1958.
34 Lettres du 13 avril 1957 et réunion en juin 57. À la même époque d’autres intervenants plaident en faveur de salles « nombreuses » et « bon marché » (rapport interne de P.-A. Touchard, ancien administrateur de la Comédie française et alors inspecteur des spectacles, le 7 janvier 1957, Archives nationales, ministère de la Culture, 840756/274).
35 La ville du Havre disposait pourtant d’un interlocuteur efficace dans les cercles gouvernementaux, son ancien maire, Pierre Courant, qui fut ministre du Budget en 1951-1952. Il ne faut pas négliger le fait que Le Havre est alors une des importantes municipalités dirigées par le parti communiste français et que le traitement prioritaire du dossier a pu en souffrir.
36 Note de Jacques Jaujard au ministre, 23 mars 1957 référence RD/DG, Archives nationales, ministère de la Culture, 840756/274.
37 Cette annulation est un des exemples, finalement peu nombreux dans le secteur étudié, d’intervention de la « commission de la guillotine » (décret 48-3 et 48-4 du 2 janvier 1948) et de l’application de loi du 7 janvier 1948 instituant un prélèvement exceptionnel contre l’inflation.
38 Gérard Bauer, président de la Société des gens de lettres, cité dans Muller (Henry), « Tour d’horizon », Almanach des lettres 1949, Paris, éditions de Flore, 1948, p. 22.
39 : Assemblée nationale, proposition de loi n° 9414 de M. Deixonne tendant à créer une Caisse nationale des arts alimentée par l’institution d’une redevance spéciale perçue à l’occasion de l’utilisation à des fins lucratives d’œuvres d’arts plastiques tombées dans le domaine public.
40 Note direction du Budget du 14 avril 1950, SAEF B20223.
41 Lang (Jack), L’État et le théâtre, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1968, p. 227.
42 Note du Budget n° 5058 du 7.06.52 suite à une note d’octobre 1951 du ministère de l’Éducation nationale et une note de la direction de la Comptabilité publique de février 1952, lettre n° 9390 du 15 décembre 1952 du directeur du Budget au ministère de l’Éducation nationale, SAEF B 124.
43 Note de M. Lagrenée, inspecteur général des Finances en date du 25 septembre 1952, SAEF B 124.
44 Archives nationales, ministère de la Culture, 9110240/6.
45 J. Bordeneuve (futur secrétaire d’État), intervention au Sénat, 9 avril 1954.
46 Vilar (Jean) in Le Théâtre service public, Paris, Gallimard, 1975, collection « Pratique du théâtre », p. 515.
47 Vilar (Jean), Mémento du 29 novembre 1952 au 1er septembre 1955, Paris, Gallimard, collection « Pratique du théâtre », 1981, 337 pages.
48 Le récit de la visite au président le 15 mai 1953 est très éloquent. Vilar relate avoir entendu les interlocuteurs du président évoquer à la fois sa mauvaise gestion et ses idées « communistes », Vilar (Jean), Mémento, p. 33.
49 Laurent (Jeanne), La République et les Beaux-Arts, Paris, Julliard, 1955, p. 84.
50 Laurent (Jeanne), ibid., p. 85.
Auteur
Administrateur civil au ministère de la Culture. Il a publié divers textes sur l’histoire du ministère, notamment dans le colloque Jacques Duhamel, La Documentation française, 1995 et André Malraux ministre, La Documentation française, 1996.
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