La direction du Budget face aux grandes mutations des années cinquante, acteur… ou témoin ?
|II. L’élaboration et le contenu du décret de 1956
La direction du Budget, 1949-1963
Texte intégral
1Dans sa lettre du 1er décembre 1995, adressée à ceux qui ont appartenu à la direction du Budget, Mme Nathalie Carré de Malberg, chef du projet d’histoire de cette direction, indique qu’à la suite de la première réunion du Comité de parrainage, qui réunissait des universitaires concernés par ce projet, il est apparu souhaitable et nécessaire de solliciter la collaboration des anciens de la direction du Budget.
2Ceci m’a conduit à envisager de répondre à l’attente de celles et de ceux qui souhaitent en savoir davantage sur la direction du Budget.
3Sorti de l’École nationale d’administration en 1948, je suis arrivé dans cette Direction en janvier 1949. J’ai pris une part active aux travaux budgétaires, d’abord en tant qu’administrateur civil du bureau B2 puis comme chef de ce bureau et enfin en qualité de sous-directeur chargé de la première sous-direction. Après quoi, entré au Cabinet de M. Valéry Giscard d’Estaing, ministre des Finances et des Affaires économiques, j’ai, d’avril 1962 à novembre 1963, été plus spécialement chargé des problèmes budgétaires.
4Mme Carré de Malberg a précisé que la participation aux travaux dont elle assume la responsabilité pourrait s’envisager de plusieurs manières. En ce qui me concerne, j’ai décidé d’opter pour une formule consistant à dire ce que fut ma propre expérience des problèmes qui, durant la période 1949-1963, se sont posés à la direction du Budget.
5C’est dans cet esprit que j’évoquerai les points ci-après :
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organisation de la direction du Budget ;
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la direction du Budget et l’élaboration du budget de l’État ;
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la direction du Budget et la présentation du projet de loi de finances ;
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la direction du Budget et le Parlement ;
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la place occupée par la direction du Budget au sein du ministère des Finances.
I. ORGANISATION DE LA DIRECTION DU BUDGET
A. La direction du budget comprenait, à l’époque, quatre sous-directions et un bureau d’études
61° Les quatre sous-directions étaient les suivantes :
7– la première sous-direction, qui centralisait les données budgétaires, préparait le projet de budget, les projets de lois de finances rectificatives, la loi de règlement. C’est de cette sous-direction que dépendaient les contrôleurs financiers près les ministères ;
8– la deuxième sous-direction (PCM), qui avait en charge les problèmes concernant les traitements et indemnités des personnels civils et militaires de T État ;
9– la troisième sous-direction, qui avait une vocation essentiellement économique et qui, à ce titre, connaissait des problèmes posés par l’octroi de subventions et de prêts à divers organismes publics. Cette sous-direction était en outre compétente en ce qui concerne les problèmes des collectivités locales ;
10– la quatrième sous-direction, qui avait une vocation sociale, traitait des problèmes concernant notamment la sécurité sociale, les allocations familiales et la politique de la santé.
112° Ultérieurement, à l’initiative de M. Goetze, directeur du Budget, fut créé un bureau d’études, dont l’objectif était de faire en sorte que le projet de loi de finances tînt compte des hypothèses économiques fournies par le service des études économiques et financières. Véritable bureau d’organisation et de méthode, il avait en outre pour mission d’essaimer, auprès de tous les ministères, des antennes autonomes.
- 2 Dominique Leca « Du ministère des Finances », page 22.
12Ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire alors que j’avais quitté la direction du Budget, M. Goetze tendait par là à ce que le budget devînt, avec le temps, de moins en moins la résultante d’une contrainte unilatérale toujours durement ressentie et de plus en plus le fruit d’une réflexion commune et d’une libre adhésion. Ainsi, la direction du Budget n’apparaîtrait plus, comme on l’avait dit « crispée à chaque instant sur des refus, petits ou grands, fussent-ils ennoblis par l’obsession d’équilibres rigoureux2 ».
B. Au sein même de la direction du Budget, il n’est pas excessif de prétendre que la première sous-direction avait fréquemment tendance à témoigner d’un esprit dominateur
13On comprendra mieux ce que signifie une telle affirmation si l’on rappelle que, postérieurement à 1963, le nombre des sous-directions a sensiblement augmenté en raison, notamment, du fait que les budgets des différents ministères ont été répartis entre plusieurs sous-directions.
14Or, concernant la période à laquelle je me réfère, les budgets des ministères étaient, dans leur totalité, placés sous la responsabilité des bureaux B1 (dépenses en capital) et B2 (dépenses ordinaires), tous deux relevant de la première sous-direction.
- 3 Le Budget de l’État, Éditions de Bercy, page 54.
15Il en résultait que c’est celle-ci qui centralisait les perspectives budgétaires et qui organisait les conférences budgétaires, dont on a pu dire qu’elles sont « un des grands moments de la vie administrative3 ».
- 4 Pendant 15 ans, il y eut une seule exception à cette « règle non écrite ».
16Dominatrice, la première sous-direction l’était aussi, en ce sens que ceux qui la dirigeaient étaient, dans la quasi-totalité des cas4, issus du bureau B2, véritable cheville ouvrière de la première sous-direction.
C. B2 ou « Le Saint des Saints5 »
- 5 L’expression est de M. Goetze.
17II va de soi que ce qui suit concerne aussi bien B1 que B2. L’esprit était le même dans les deux bureaux et il était souvent difficile de ne pas rapprocher leurs points de vue : il est évident, par exemple, que l’évolution supposée de la population scolaire a une incidence à la fois sur les dépenses de fonctionnement et sur les dépenses d’équipement.
18Évoquant un jour ce qu’étaient les fonctionnaires du bureau du Budget, M. Goetze les a présentés « comme ayant d’abord, et au plus haut degré, le sens de l’État, comme sachant en toutes circonstances faire passer la défense des intérêts supérieurs avant tout autre considération, comme ayant l’esprit assez agile, la culture générale assez vaste, les connaissances administratives assez précises pour connaître finalement les rouages administratifs et la finalité des services dont ils contrôlent et établissent le budget, comme étant des hommes de devoir, audacieux mais disciplinés, qui savent sacrifier leurs loisirs, parfois même leur vie familiale à l’accomplissement d’un travail qu’ils veulent parfait, achevé à l’heure dite, quelles qu’en soient les difficultés ».
19Ces fonctionnaires, au nombre d’une douzaine, étaient sous les ordres d’un administrateur civil qui avait fait carrière au sein du bureau, avait suivi l’évolution de nombreux budgets, dont les plus importants, et savait comment devaient être rédigées les notes d’examen au vu desquelles le sous-directeur mènerait les conférences budgétaires.
- 6 Le Budget de l’État, Éditions de Bercy, page 55.
20C’est lui qui répartissait les budgets entre les intéressés, qui veillait à ce que chaque administrateur respectât les décisions prises en conférence budgétaire et dont il avait connaissance, grâce aux indications portées par le sous-directeur sur les notes d’examen. Sur ce dernier point, remarque est faite que, contrairement à ce qui se pratique de nos jours6, les points d’accord et de désaccord n’étaient pas retracés dans un dossier d’arbitrage. Très simplement, la direction du Budget et les ministères dépensiers respectaient les décisions prises. Si, d’aventure, un administrateur de la direction du Budget avait, de sa propre initiative, remis en cause telle ou telle décision, il aurait été immédiatement muté dans un autre service.
21Il revenait également au chef de bureau de veiller scrupuleusement au respect des échéances : date de sortie des budgets votés, date limite à laquelle devaient être adressées aux ministères les mesures nouvelles qui leur étaient allouées, date de chacune des conférences budgétaires et, bien entendu, date de présentation au Parlement des fascicules budgétaires.
22Ainsi, ce fonctionnaire, qui, jusque-là, avait eu des relations constantes avec les ministères dont les budgets relevaient de sa compétence, qui avait assisté à toutes les conférences budgétaires portant sur les dossiers dont il était responsable, était conduit, en raison de ses nouvelles attributions, à quitter un monde extrêmement vivant pour se trouver quotidiennement face à une situation où la moindre erreur, la moindre inattention pouvaient préjudicier au bon fonctionnement d’un ensemble où l’urgence est la règle.
23L’importance de ce poste n’avait pas échappé au membre d’un cabinet ministériel qui, pendant plusieurs jours, s’était intéressé aux attributions de ce fonctionnaire au point d’imaginer que, si la possibilité lui était donnée d’occuper le fauteuil de l’intéressé, il en saurait plus sur la préparation du budget que ce qu’on lui en avait dit jusque-là.
D. La direction du budget et l’Inspection générale des finances
24Lorsque le directeur du Budget est issu du corps de l’inspection générale des finances, ce qui est fréquemment le cas, le chef de service est un administrateur civil. Si le poste de directeur du Budget est tenu par un administrateur civil, le chef de service est un inspecteur des finances.
- 7 Le bureau des études comptait en outre en son sein un administrateur civil, chef de bureau et, fai (...)
25Telle a été la situation pendant de nombreuses années. À partir du moment où le bureau des études a été créé, il a compté en son sein un inspecteur des finances, chargé de mission7.
26Le problème s’est alors posé de savoir si ce fonctionnaire n’accéderait pas un jour au poste de sous-directeur. Cette éventualité ne s’est jamais produite durant la période considérée, sans que la qualité des intéressés qui se sont succédé à ce poste ait été mise en doute. Tout se passait comme si le directeur du Budget, pressentant qu’une telle promotion serait susceptible de heurter la susceptibilité des gens en place, avait préféré y renoncer.
27Depuis que j’ai quitté la direction du Budget, il en a été autrement, puisque des inspecteurs des finances ont occupé et occupent encore des postes de sous-directeur et, ce qui m’eût paru à l’époque inimaginable, des emplois de chef de bureau.
28En fait, le seul problème humain qui se soit posé l’a été à partir de 1947, date d’arrivée du premier énarque à la direction du Budget. Il est certain que les administrateurs en place, qui étaient incontestablement de grande qualité, commençaient à s’interroger sur la place que les énarques pourraient prendre, progressivement, dans le dispositif. De leur côté, les énarques admettaient difficilement d’être astreints à des exercices rédactionnels trop nombreux – ce qui n’était pas le cas à la première sous-direction – et souffraient de devoir accomplir des tâches matérielles jugées par eux mineures. C’est à leur demande, par exemple, que la confection matérielle des budgets votés fut confiée à des fonctionnaires relevant des services du Trésor et qui accomplirent leur mission avec compétence et dévouement.
II. LA DIRECTION DU BUDGET ET L’ÉLABORATION DU BUDGET DE L’ÉTAT
A. La phase interne
29Dès le début de l’année N, les fonctionnaires de la direction du Budget étaient conduits à s’interroger sur ce que pourrait être le budget de l’année N + 1.
30Chaque bureau de la direction du Budget était invité à formuler les propositions concernant le secteur dont il était responsable.
31Le problème n’est pas ici d’aborder les problèmes techniques de cette « mise en chantier » mais de répondre à une question que l’on se pose peut être encore aujourd’hui et que se posaient à l’époque certains bons esprits « la direction du Budget dispose-t-elle de moyens suffisants pour accomplir un tel travail ? »
32En premier lieu, il ne saurait échapper que, grâce aux données de base fournies par le service des études économiques et financières et exploitées par son bureau des études, la direction du Budget était en mesure de définir le cadre dans lequel évoluerait le budget de l’année suivante.
33D’autre part, concernant l’évolution possible d’un budget déterminé, il faut bien voir que le fonctionnaire de B2 et son homologue de B1, tous deux responsables de ce budget, en maîtrisaient les données depuis deux ou trois ans : ils avaient en effet assisté aux conférences budgétaires, préparées par eux-mêmes, et au cours desquelles les hauts fonctionnaires des ministères dépensiers avaient exposé leurs problèmes et défini leurs projets ; ils disposaient en permanence des informations que leur communiquait le contrôleur financier compétent. Enfin, ils avaient en tête les promesses faites et les engagements pris de part et d’autre.
34En outre, à partir du moment où les responsables d’un ministère comprenaient que la personne à convaincre du bien fondé de leurs projets était celui qui, avant tout autre, examinerait leurs propositions, ils n’hésitaient pas à venir en personne lui faire part de leurs préoccupations.
- 8 Les charges de la Dette publique, les crédits globaux concernant notamment les majorations de rému (...)
35Une fois définies les perspectives sectorielles, celles-ci étaient centralisées par la première sous-direction. Celle-ci se prononçait en outre, en accord avec la direction générale des Impôts, sur l’évolution prévisible des ressources de l’État et enregistrait, sur avis de la direction du Trésor, le montant prévisible des charges de la Dette publique8.
36Le document ainsi centralisé était remis au directeur du Budget, qui au vu des éléments mis à sa disposition, des orientations qu’il savait être celles du ministre du Budget et de celles qu’il estimait devoir retenir compte tenu de son expérience personnelle, rédigeait à l’intention du ministre une note permettant à ce dernier de se prononcer sur ce que devaient être, selon lui, les traits fondamentaux du prochain budget.
37Il va de soi que, lorsque, comme c’était souvent le cas, coexistaient un ministre des Finances et un ministre du Budget, tous deux se rapprochaient en vue d’harmoniser leurs points de vue.
38Sur le point de savoir dans quelles conditions les ministres qui se sont succédé au cours de la période considérée ont tenu les chefs de Gouvernement informés des orientations de la politique budgétaire de l’année suivante, la vérité oblige à dire que les procédures suivies en ce domaine ont sensiblement différé selon les années et selon les hommes. Quoiqu’il en soit, c’est en Conseil des ministres que les décisions étaient prises ou avalisées.
39Ces décisions débouchaient sur l’envoi de lettres adressées aux ministres par le chef du Gouvernement leur indiquant les conditions dans lesquelles ils devaient préparer leurs propositions ainsi que le volume des autorisations de programme et des crédits qui leur étaient alloués.
- 9 Le calendrier de préparation du budget est aujourd’hui sensiblement différent de celui qui vient d (...)
40Ces lettres arrivaient en général dans les ministères dans le courant du mois de juin9.
B. La phase externe : les conférences budgétaires
41Les premières conférences budgétaires, qui débutaient au mois d’août, se tenaient dans le bureau du sous-directeur du Budget, chargé de la première sous-direction. Les problèmes qui n’avaient pu être réglés à ce niveau (questions réservées) étaient portés chez le directeur du Budget. S’il subsistait alors des points de désaccord, ceux-ci étaient examinés chez le ministre en présence, bien entendu, de son collègue. En cas de litige, c’est le chef du Gouvernement qui tranchait.
42L’administrateur civil qui avait en charge le budget examiné assistait à la première conférence ainsi qu’à celles qui se tenaient chez le directeur du Budget et chez le ministre. Bien entendu, le directeur du Budget assistait le ministre lorsque celui-ci tenait conférence dans son cabinet et lorsqu’il se rendait à Matignon. Le contrôleur financier était invité à assister à la première conférence budgétaire. Assistaient également à cette dernière les représentants d’autres sous-directions du Budget, lorsqu’on examinait des problèmes relevant de leur compétence. Pour être complet, signalons que le sous-directeur chargé de la première sous-direction ne se rendait ni chez le directeur du Budget, ni chez le ministre, lorsque ceux-ci examinaient les questions réservées.
- 10 On comprendra aisément que le style du conférencier puisse différer sensiblement de celui du fonct (...)
431. Des conférences budgétaires qui se tenaient chez le sous-directeur de la première sous-direction, j’ai gardé le souvenir suivant dont j’ai fait état au cours de deux conférences que j’ai faites à Lille, puis à Lyon10 :
44« À aucun moment, le mur qui sépare les ministères dépensiers de celui qui, pourrait-on croire, vivrait de l’air du temps, n’apparaît plus difficilement franchissable qu’au moment des conférences budgétaires annuelles, hauts lieux de rencontre du souhaitable et du possible.
45« Imaginez une pièce de quarante à cinquante mètres carrés, où tout rappelle la froideur de l’époque impériale, où le meneur de jeu, sous-directeur à la direction du Budget, officie, en compagnie d’un jeune énarque, face à une multitude prosternée sur ses dossiers, pour lui distribuer, en réponse à ses demandes de crédit, le « non » qui rassure, rarement le « oui » qui inquiète, souvent le « demi-consentement » qui exaspère.
46« J’ai bien dit le « oui » qui inquiète et le « non » qui rassure. En ces lieux où tout semble incliner au refus péremptoire, la réponse négative frappe en effet celui auquel elle s’adresse moins par la déception qu’elle provoque que par l’argument supplémentaire qu’elle lui apporte et qui ira grossir le cahier de doléances que les générations dépensières se transmettront avec l’espoir de le voir un jour déboucher sur la destruction de la Bastille des Finances. Quant au « oui », il apparaît souvent chargé d’arrières pensées du plus mauvais aloi et il suscite, dans l’esprit de celui qui devrait se considérer comme un heureux élu, le regret de n’avoir point demandé davantage.
47« Chaque suppléant a sa méthode. Celui-ci arrivera avec une moue désabusée : il enregistrera les réponses en se gardant bien d’exprimer la moindre émotion, car il y a longtemps qu’il ne se fait plus d’illusion sur celui qu’il considère désormais avec une lassitude méprisante. Celui-là aura préparé son face à face budgétaire avec la fébrilité d’un homme politique qui veut « crever » l’écran de la télévision. Son défaut sera d’avoir surestimé l’adversaire financier et de lui avoir prêté une imagination qu’il n’a point : voulant triompher à l’acte III, il succombera dès le prologue. Tel autre, enfin, le plus dangereux, viendra, flanqué d’une légère escorte, et, plutôt que de tirer l’épée et de faire la grosse voix, il bavardera, en ami, comme s’il était au coin du feu, et il parlera de ses problèmes avec suffisamment de passion pour convaincre et de détachement pour obtenir ».
48Le climat des conférences budgétaires variait sensiblement d’un ministère à l’autre :
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le budget de l’Agriculture était à ce point complexe qu’on en arrivait à discuter de crédits extrêmement modestes et à affronter des services profondément différents ;
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le budget de l’Intérieur était toujours discuté avec âpreté. Je me souviens avoir commencé un jour la discussion de ce budget à 9 h 30 et l’avoir terminée à minuit, pratiquement sans interruption ;
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la discussion du budget des Armées intervenait dans des conditions très particulières. L’importance de ce budget était fonction des programmes en cours. Mais il avait aussi cette particularité de faire l’objet de réunions préparatoires aux niveaux les plus élevés.
49Lorsque ce budget arrivait en discussion au niveau de la sous-direction, un plafond avait été fixé par le chef du Gouvernement, le Conseil des ministres ayant donné son accord. Il en résultait que le budget était, si je puis dire, discuté « à l’envers », l’objectif de la direction du Budget étant de détecter les dotations volontairement sous évaluées. Cette manière de procéder était d’autant moins aisée que les contrôleurs généraux aux armées, qui étaient nos interlocuteurs, étaient d’une exceptionnelle qualité. J’ajoute que si, d’aventure, les spécialistes qui les accompagnaient commettaient la moindre erreur, susceptible de donner naissance à un redressement de notre part, ils n’étaient plus autorisés à participer aux conférences budgétaires.
50Le budget de l’Équipement était défendu par quelques hauts fonctionnaires connaissant remarquablement les problèmes de leur ministère.
51Face aux directeurs relevant du ministère de la Culture, nous étions attentifs à ne pas accabler sous le poids des chiffres des personnalités à priori plutôt éloignées des contingences financières, ce en quoi nous commettions une erreur. J’ai gardé, par exemple, le souvenir d’un directeur des Bibliothèques qui, ayant demandé 100 et obtenu 40, avait quitté la salle de conférence avec ses collègues pour y revenir, seul cette fois, pour s’adresser au représentant de la direction du Budget et lui dire « Donnez-moi 60 et n’en parlons plus ». De même, je suis resté stupéfait en entendant le directeur des Archives, homme d’une grande culture, me dire, non sans une certaine délectation, que ses crédits « pour déduction pour vacances d’emploi » étaient sous évalués et qu’il n’en était pas de même pour les dotations dont il disposait au titre de « l’insuffisance de traitement moyen ». Ainsi avait-il tenu, avant de venir rue de Rivoli, à se faire expliquer, en vue de me séduire, ce que signifiaient des expressions sûrement barbares à ses yeux.
52Vint le jour où le ministre Malraux arrêta à son échelon toutes les dotations de son ministère, dans un esprit d’économie que nous ne pouvions qu’approuver. Ayant pris cette décision, le ministre demanda à un membre de son Cabinet d’assister à la conférence afin de veiller à ce qu’aucun des directeurs, eux aussi présents, ne demandât un supplément de crédit. Ceux-ci furent donc réduits au silence et il était visible qu’ils en souffraient. J’avoue avoir gardé de cette conférence, en dépit de ses résultats, un souvenir amer.
53La discussion du budget de l’Éducation nationale était loin d’être aisée, en raison d’abord de la personnalité de nos interlocuteurs. Le directeur de l’Enseignement primaire et celui de l’Enseignement secondaire avaient le sentiment que nous avions la prétention, en tant que parents d’élèves, de tout savoir sur les problèmes d’éducation, ce qui était faux, mais nous obligeait à poser nos questions avec d’infinies précautions. Il n’en est pas moins vrai que, détenant un jour un tableau des effectifs d’instituteurs, répartis par département, je fus bien obligé de marquer quelque étonnement devant le fait qu’il y avait insuffisance d’effectifs dans le Nord et pléthore au Sud, ce qui me conduisit à manifester de la défiance à l’encontre des augmentations d’effectifs qui m’étaient proposées. La réponse du directeur compétent ne se fit pas attendre : le tableau que j’avais en main était, selon lui, entièrement faux alors qu’il m’avait été remis par un de ses collaborateurs.
54Les échanges que nous avions avec le directeur de l’Enseignement supérieur étaient infiniment plus calmes. Homme de qualité exceptionnelle, il ne naviguait pas avec aisance dans l’océan des chiffres, mais il avait à ses côtés une collaboratrice qui avait réponse à toutes nos questions.
- 11 Ce résultat fut obtenu dans des conditions tout à fait inhabituelles. En effet, tant à l’échelon d (...)
55D’une manière générale, j’avais le sentiment, au cours de la discussion, d’être en présence de deux groupes : celui des agrégés, qui occupaient les postes de directeurs et celui des énarques, qui, chefs de bureau, n’avaient guère l’espoir d’accéder rapidement à des postes supérieurs. Il en résultait un déséquilibre, qui me surprenait d’autant plus que je comprenais que les énarques avaient, en de nombreux domaines, des idées qu’ils ne pouvaient exprimer librement. Heureusement pour eux, ils eurent un jour un ministre qui eut la bonne idée de demander la création d’un nombre important de postes de directeurs, de chefs de services et de sous-directeurs et qui finit par les obtenir11. Autre particularité : celui qui maîtrisait le mieux les problèmes de l’Éducation nationale sur le plan budgétaire était le directeur de l’Administration générale. Présent aux conférences budgétaires, il n’y prenait jamais la parole et nous avions compris qu’il était préférable de ne lui poser alors aucune question. Cette situation n’était pas mystérieuse ; elle s’expliquait par le fait que ce haut fonctionnaire n’appartenait pas au corps des agrégés.
56La discussion du budget du ministère des Finances se déroulait dans un climat « amicalement tendu ». Nos interlocuteurs que nous recevions les derniers et qui avaient fait en sorte d’être informés des accords que nous avions passés, spécialement sur le plan des indemnités, avec d’autres ministères, s’efforçaient d’obtenir des avantages à leurs yeux identiques. De notre côté, notre problème était de ne point accepter une mesure qui, connue des autres ministères, eût été immédiatement revendiquée par eux.
57Quel était le rôle des contrôleurs financiers dans cette première phase ? Tous assistaient aux conférences budgétaires et tous étaient invités à donner leur point de vue sur telle ou telle demande présentée par les ministères. Certains le faisaient avec talent et dans de telles conditions que la discussion progressait. D’autres se croyaient obligés de prendre une attitude de procureur, ce qui avait pour conséquence de créer un climat malsain au cours de la réunion. D’autres enfin défendaient avec âpreté les propositions des ministères, sans être toujours très convaincants.
58La vérité est que les attributions du contrôleur financier l’obligeaient en toutes circonstances à respecter un certain équilibre : trop pointilleux, il pouvait perturber le fonctionnement de l’administration qu’il contrôlait ; trop conciliant, il pouvait s’attirer les foudres de la direction du Budget.
59Il me faut enfin répondre à une question qui m’a été parfois posée : à partir du moment où chaque ministère s’est vu notifier un plafond de crédits et d’autorisations de programme par le chef du Gouvernement, est-il vraiment nécessaire de tenir des conférences budgétaires pendant aussi longtemps. Ne suffirait-il pas, par exemple, de refuser purement et simplement toute demande ne correspondant pas à la décision du chef du Gouvernement ?
60À cela, on répondra d’abord qu’aucun ministère ne respecte les décisions gouvernementales : le seul cas où il en a été autrement est celui du ministère de la Culture et cette exception n’a été constatée qu’une seule fois.
61Il faut savoir aussi que, bien souvent, les indications données par le chef du Gouvernement, précises quant aux chiffres, le sont parfois moins quant aux points d’application, la conférence budgétaire permet d’y voir plus clair.
62En outre, les ministères ont souvent de « bonnes raisons » de mettre en évidence telle mesure à priori écartée par la décision gouvernementale, la conférence budgétaire permet d’apprécier l’opportunité de cette mesure.
63Enfin, l’exemple du budget des Armées l’a fréquemment montré, le fait, pour un ministère, de respecter un plafond ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas sous-évalué des dépenses inéluctables, ce qui le conduit à réclamer en cours d’année des crédits supplémentaires.
642. C’est à l’échelon du ministre qu’étaient examinées les questions qui n’avaient pu être réglées au niveau de la direction du Budget. Le ministre serait-il convaincu par nos arguments ? Ne souhaiterait-il pas faire un geste en faveur d’un collègue auquel il n’entendait pas s’opposer de manière trop brutale ? Telles étaient les questions que nous nous posions et auxquelles les réponses qui seraient apportées auraient valeur de précédent lors des prochaines discussions budgétaires auxquelles le ministre participerait.
- 12 Extrait de conférences – déjà citées – faites à Lille et à Lyon.
65Plusieurs années après avoir quitté la direction du Budget, j’évoquais en ces termes comment le ministre était vu par les fonctionnaires des Finances de l’époque, et, notamment par ceux de la direction du Budget12.
66« L’Administration des Finances se fait volontiers une raison lorsqu’on lui envoie, des sommets élyséens, un jeune secrétaire d’État, qui vient faire chez elle son apprentissage ministériel. On le formera, disaient jadis les grands prêtres, avec une sympathie condescendante. Pour le ministre, il en est autrement : on le souhaite haut en relief, brillant, courageux au combat, capable d’assimiler avec aisance la stratégie rivolienne et d’y ajouter la pointe de son génie.
67« La vérité oblige à dire que le départ de tout nouveau ministre est souvent laborieux. A-t-il été nourri dans le sérail ? Il éprouve la peine de Hugo retournant dans son village « Ma maison me regarde et ne me connaît plus. » Vient-il de l’extérieur ? Il est partagé entre la fierté d’avoir à diriger une grande Maison, la méfiance qu’il éprouve à son encontre et la crainte d’être submergé par la technicité.
68« Il lui faut d’abord asseoir son autorité. Ce problème, qu’on retrouve dans tous les ministères, prend ici une dimension particulière. Pour le maîtriser, le ministre qui n’a pas reçu de formation préalable, peut décider, soit d’acquérir le minimum de connaissances techniques qui lui permettront de dialoguer avec ses collaborateurs, soit de s’opposer à eux sur le terrain qui lui est familier « Monsieur, disait un ministre à un directeur qui le pressait d’adopter son projet, les Français ne comprendraient pas que, dans ce fauteuil que j’occupe, je puisse accepter votre proposition. » Que répondre à un raisonnement aussi simple qu’impérieux ?
69« Le problème est plus périlleux pour le nouveau ministre lorsqu’il lui faut affronter ses collègues, car il sent alors peser sur lui le regard du ministère. Passe encore si l’affaire se règle dans le secret des grands conseils : le Cabinet se chargera de transformer les demi-échecs en demi-victoires ou en replis stratégiques, à l’intention des directeurs inquiets de l’issue du combat. Mais, si l’affrontement du ministre avec son collègue se déroule en présence des experts, comme c’est le cas dans une conférence budgétaire, la pièce change de caractère. Le ministre éprouve-t-il de la sympathie pour la demande dont il est saisi ou pour la personne qui la lui présente ? On lui fait alors entrevoir le spectre des déséquilibres, l’immensité du gouffre créé par le précédent, la gravité du renoncement à l’austérité.
70« Dans le silence respectueux qui suit l’annonce des cataclysmes, je n’ai jamais réussi à savoir si le ministre hésitait entre la couronne de lauriers et l’auréole du martyr ou si, tout simplement, il n’était pas pris d’une furieuse envie d’ouvrir le gouffre dont on le menaçait pour y précipiter ses collaborateurs.
71« C’est sur le style avec lequel il franchira la Seine pour se rendre à Matignon que le ministre sera secrètement jugé. Pour la rue de Rivoli, Matignon est le lieu où sa prééminence est la plus contestée, où son profil s’altère, où ses philtres semblent perdre une partie de leur vertu. Ce qui est demandé au ministre, c’est, non point de traiter d’égal à égal avec le chef du Gouvernement, mais, simplement, de préserver, vis-à-vis de Matignon, la personnalité de sa Maison. »
72Les conférences budgétaires tenues dans le cabinet du ministre comportaient infiniment plus d’imprévus que celles qui les avaient précédées au sein de la direction du Budget.
73C’est ainsi qu’un ministre de l’Intérieur qui demandait un nombre important de créations d’emplois dans la police se vit répondre par son collègue des Finances que, dans la ville, dont celui-ci était maire, l’effectif des services de police était largement suffisant et qu’il n’était donc pas question de réserver une suite favorable à sa demande. Sans doute, le ministre de l’Intérieur aurait-il pu faire remarquer que, si l’effectif des services de police était suffisant dans la cité de son collègue, c’est qu’il avait veillé à ce qu’il en fût ainsi. Mais l’argument, à vrai dire d’un maniement délicat, ne fut pas avancé et les emplois demandés ne furent pas créés.
74Le même ministre des Finances, qui devait examiner les questions réservées du budget de la Jeunesse et des Sports, accueillit avec chaleur le haut-commissaire responsable, qui avait, il est vrai, derrière lui un passé prestigieux d’explorateur et d’alpiniste et, au terme d’une discussion rapide, il lui donna la totalité de ce qu’il avait demandé, au grand étonnement de la direction du Budget, qui avait jugé ces demandes quelque peu excessives.
75Ce fut pour nous une source d’étonnement le jour où un ministre des Finances décida, contrairement aux usages, de se rendre chez l’un de ses collègues pour y discuter des questions réservées de son ministère. Certes, notre hôte ne mit pas à profit cette situation et nous lui en fûmes reconnaissants. Mais nous fûmes quelques uns à imaginer que, pendant l’entretien, c’était nous qui étions devenus les demandeurs.
76La conférence budgétaire est de nature à entraîner des tensions, d’autant plus vives à l’échelon des ministres que c’est alors que, le plus souvent, les décisions prises sont définitives.
77C’est ainsi que, concernant le budget de l’Éducation nationale, nous avions eu à examiner une demande portant ouverture d’une autorisation de programme de 5 millions de francs, correspondant à une dépense entièrement nouvelle, c’est-à-dire ne comportant aucun précédent. Après examen, la direction du Budget considéra que cette demande pouvait être acceptée, sous réserve de l’aval du ministre.
78D’abord quelque peu surpris par notre position, le ministre finit par s’y rallier et annonça à son collègue que sa demande était acceptée, c’est-à-dire que l’autorisation de programme de 5 000 000 F lui était accordée. Sur quoi, l’un des collaborateurs du ministre de l’Éducation nationale se mit à exprimer à haute voix sa déception, ce qui obligea notre ministre à dire à nouveau qu’il acceptait sa proposition. C’est alors que l’intéressé déclara qu’on ne lui avait pas accordé la totalité de ce qu’il avait demandé, puisqu’on lui donnait 5 000 000 F alors qu’il souhaitait disposer de 5 050 000 F. Sourires dans l’assemblée et sans commentaire, si ce n’est que le demandeur avait sans doute des idées préconçues sur le comportement des habitants de la rue de Rivoli et que le caractère quelque peu solennel de la réunion l’avait perturbé.
79Existe-t-il un vade-mecum du ministre dépensier lui permettant d’obtenir le maximum de crédits de son collègue des Finances ? Qu’on n’attende pas de moi que j’apporte la formule idéale en ce domaine ! Je constate simplement que le ministre qui arrivait rue de Rivoli accompagné d’une cohorte de hauts fonctionnaires courait un double risque : celui, d’abord, de ne pouvoir prendre la parole qu’après avoir réclamé un dossier à sa droite ou sa gauche, ou derrière lui, ce qui est toujours du plus mauvais effet ; celui, ensuite, d’entendre l’un de ses collaborateurs fustiger, par une phrase assassine, le fonctionnaire du Budget qui n’avait pas adhéré à sa proposition, ce qui avait pour effet de placer son ministre dans une position inconfortable. Mieux vaut venir rue de Rivoli avec peu de collaborateurs et maîtriser ses problèmes avec une assurance telle qu’on est seul à prendre la parole, sans donner à quiconque le droit d’intervenir. Des ministres l’ont fait et en ont tiré profit.
III. LA DIRECTION DU BUDGET ET LA PRÉSENTATION DU PROJET DE LOI DE FINANCES
80Évoquer la présentation du projet de loi de finances, c’est rappeler les dispositions du décret 56-601 du 19 juin 1956 déterminant le mode de présentation du budget de l’État ainsi que les dispositions de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.
81La direction du Budget a été d’autant plus attentive à respecter scrupuleusement les dispositions de ces deux textes :
-
que celui de 1956 a été préparé et rédigé par M. Goetze, alors directeur du Budget et que celui de 1959 a été préparé et rédigé par M. Devaux, son successeur ;
-
que le rapport économique, le rapport financier, les documents concernant les services votés, le projet de loi de finances et ses annexes sont rédigés par les fonctionnaires de la direction du Budget.
A. le décret du 19 juin 1956 est un texte novateur sur deux points essentiels
821° Les objectifs économiques et financiers sont définis par un rapport économique et un rapport financier présentés avec le projet de budget.
83Le rapport de présentation du décret est très explicite sur ce point « Pour que le Gouvernement puisse clairement concevoir son action et le Parlement l’approuver en toute connaissance de cause, il est souhaitable que soient d’abord mises en lumière la situation d’ensemble de l’économie et les limites dans lesquelles elle permet de se mouvoir.... Pour répondre à cet objet, la loi de finances présentera désormais les objectifs économiques et financiers du Gouvernement, définis par un rapport économique et un rapport financier appuyés sur « Les comptes de la Nation » et annexés au projet de loi. L’article 3 du décret de 1956 s’étend longuement sur ce que doit contenir le rapport économique et son article 4 indique avec précision ce que doit comporter le rapport financier. On remarquera que l’article 5 du décret précise que le rapport économique et le rapport financier doivent résumer « les éléments essentiels de la situation économique et budgétaire dans les pays d’Europe, susceptibles d’être comparés à ceux de la France ».
842° Le projet de loi de finances comprend deux parties distinctes.
a. Définition des deux parties (article 50 du décret) :
-
dans sa première partie, le projet de loi de finances autorise la perception des ressources publiques... présente les prévisions de recettes... fixe les plafonds des grandes catégories de dépenses et arrête les données générales de l’équilibre financier ;
-
dans sa seconde partie, qui ne pourra être mise en discussion avant le vote de chacun des articles constituant la première partie, le projet de loi de finances arrête les dépenses par titres et par ministères...
b. Raisons d’être de ce dispositif
85Le rapport de présentation est très clair à ce sujet « L’examen préalable des lois de développement, tel qu’il a été pratiqué ces dernières années, conduit à engager les débats sur les mesures d’application alors que le Parlement n’a pas encore pu définir les lignes directrices de la politique qu’il entend voir suivre par le Gouvernement... Le décret organique vise à donner à la discussion de la loi de finances l’ampleur qu’elle mérite afin que chaque parlementaire, éclairé au préalable sur les données économiques et financières du budget, puisse en toute connaissance de cause statuer sur les propositions du Gouvernement... »
86Ce dispositif se comprend aisément. En effet, pour de nombreux parlementaires, le problème est de savoir si, dans tel ou tel secteur intéressant leurs électeurs, les dépenses prévues seront suffisantes. L’histoire est riche de ces ministères – dont, par exemple, celui de l’Agriculture – qui suscitaient, lors de la discussion de leur budget, d’innombrables interventions. Ceci est tellement vrai que, lors de la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi de finances à propos duquel étaient appliquées, pour la première fois, les dispositions du décret de 1956, le vote de la première partie de la loi de finances est intervenu après un débat qui avait duré moins d’une demi-heure. Seules, les dispositions de la deuxième partie intéressaient les parlementaires. Heureusement, il n’en est plus de même aujourd’hui.
B. L’ordonnance du 2 janvier 1959 ne remet pas en cause ces dispositions novatrices
871° En ce qui concerne l’existence du rapport économique et du rapport financier, les développements de l’ordonnance sont toutefois succincts :
88C’est ainsi que l’article 1er de l’ordonnance dispose, en son premier alinéa, que les lois de finances déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, compte tenu d’un équilibre économique et financier qu’elles déterminent.
89De même, l’article 32 se borne à indiquer que le projet de loi de finances de l’année est accompagné d’un rapport (et non de deux rapports) définissant l’équilibre économique et financier.
90Quiconque voudra en savoir davantage sur les motifs qui justifient l’existence d’un rapport économique et d’un rapport financier ainsi que sur leur contenu, devra se référer aux dispositions du décret de 1956, auquel il n’est pas fait référence et qu’il peut donc ignorer.
912° En ce qui concerne le fait que le projet de loi de finances doit désormais comprendre deux parties, l’ordonnance de 1959 et le décret de 1956 diffèrent sur des points mineurs.
92Le décret de 1956 dispose, en son article 50, que, dans sa première partie, le projet de loi de finances autorise la perception des taxes parafiscales. Cette disposition ne figure pas à l’article 31 de l’ordonnance de 1959 ; en revanche l’article 32 précise que le projet de loi de finances doit comporter une annexe faisant connaître la liste complète des taxes parafiscales.
93S’agissant de la seconde partie, le décret de 1956 dispose, en son article 50, que le projet de loi de finances arrête les dépenses par titres et par ministères, alors que l’ordonnance de 1959 précise que ce projet fixe le montant des crédits applicables aux services votés et arrête les dépenses applicables aux autorisations nouvelles par titre et par ministère (article 31).
943° La liste des annexes au projet de loi de finances diffère suivant que l’on se réfère aux dispositions de l’article 52 du décret de 1956 ou aux dispositions de l’article 32 de l’ordonnance de 1959. Ainsi :
95Selon le décret de 1956, des annexes font connaître, par ministère, le coût des services votés et décrivent les mesures qui justifient les modifications proposées par rapport au montant des services votés ;
96Le décret de 1956 précise que des annexes présentent le coût des services par grandes fonctions et les éléments qui permettent, selon leur objet, d’apprécier leur activité. Cette disposition ne figure pas dans l’ordonnance de 1959 ;
97L’ordonnance de 1959 (article 32) précise qu’une annexe fera connaître la liste des taxes parafiscales, ce qui n’est pas le cas du décret de 1956 ;
98L’ordonnance de 1959 (article 32) précise que des annexes générales destinées à l’information et au contrôle du Parlement, seront jointes au projet de loi de finances. Cette disposition, qui ne figure pas dans le décret de 1956, manque de précision.
994° Il n’est guère possible de passer en revue les dispositions concernant la présentation du projet de loi de finances sans évoquer le problème des services votés.
100L’article 53 du décret de 1956 définit avec précision ce que sont les services votés, en précisant qu’ils ont fait l’objet d’une approbation antérieure du Parlement. Assez curieusement, l’ordonnance de 1959 est muette sur ce point et l’explication (article 33) selon laquelle les services votés représentent le minimum de dotation que le Gouvernement juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics prête à contestation.
101L’article 54 du décret de 1956 porte sur le montant maximal des crédits applicables aux services votés. L’ordonnance 1959, en son article 33, est proche du décret, sauf sur les points suivants :
102Il n’est pas exact de dire, comme le fait l’ordonnance de 1959, que « les crédits applicables aux services votés sont au plus égaux, pour les opérations en capital, aux autorisations de programmes prévues par une loi de programme ». En effet, « Autorisation de programme » et « crédits de paiement » sont deux notions distinctes. Aussi bien, le décret de 1956 dispose-t-il que les crédits applicables aux services votés sont au plus égaux, pour les dépenses en capital, aux prévisions inscrites dans le plus récent échéancier.
103Le décret de 1956 définit ce que sont les crédits applicables aux services votés pour les dépenses sur ressources affectées et pour les comptes spéciaux du Trésor. L’ordonnance de 1959 est muette sur ces deux points.
IV. LA DIRECTION DU BUDGET ET LE PARLEMENT
A. Les textes applicables
1. Les dates à respecter
104Il va de soi que le respect de ces dates incombe au Gouvernement et, plus spécialement, au ministre des Finances. Mais on comprendra aisément que ce dernier est en droit de compter sur la vigilance de la direction du Budget.
105Ceci dit, l’examen des textes portant sur les dates à respecter montre que les dispositions du décret de 1956 et celles de l’ordonnance de 1959 sont sensiblement différentes, ces dernières étant particulièrement complexes.
a. Les dates qui s’imposent au Gouvernement
106L’article 55 du décret de 1956 dispose que le projet de loi de finances est déposé au plus tard le 1er novembre de l’année qui précède celle de son exécution.
107L’article 38 de l’ordonnance de 1959 dispose que le projet de loi de finances, y compris le rapport et les annexes explicatives, est déposé et distribué au plus tard le premier mardi d’octobre de l’année qui précède l’année d’exécution du Budget.
108L’hypothèse selon laquelle le projet de loi de finances n’aurait pas été déposé en temps utile pour être promulgué avant le début de l’exercice suivant n’est pas évoquée par le décret de 1956. En revanche, l’ordonnance de 1959, prenant appui sur l’alinéa 4 de l’article 47 de la Constitution indique en son article 44, que le Gouvernement dispose alors de deux procédures :
109Demander à l’Assemblée nationale, dix jours au moins avant la date de clôture de la première session, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances, le projet étant soumis au Sénat ;
110Déposer devant l’Assemblée nationale, quarante-huit heures avant la clôture de la première session, un projet de loi l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances et, sous certaines conditions, prendre des décrets portant répartition des dotations applicables aux seuls services votés.
b. Les dates qui s’imposent à l’Assemblée nationale
111L’article 5 du décret de 1956 dispose que la loi de finances est transmise, pour première lecture, au Conseil de la République, au plus tard le 10 décembre de l’année qui précède celle de son exécution. S’il n’en est pas ainsi, l’Assemblée nationale émet un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de ce texte et le transmet au Conseil de la République au plus tard le 15 décembre.
112L’article 39 de l’ordonnance de 1959 dispose que l’Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de quarante jours après le dépôt du projet de loi de finances. S’il n’en est pas ainsi, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu’il a initialement présenté, modifié par les amendements votés par l’Assemblée nationale et acceptés par lui.
c. Les dates qui s’imposent à la deuxième assemblée
113Seule, l’ordonnance de 1959, en son article 39, dispose que le Sénat doit se prononcer en première lecture dans un délai de 15 jours après avoir été saisi. S’il n’en est pas ainsi, le Gouvernement saisit l’Assemblée du texte soumis au Sénat, modifié par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui.
d. Les dates qui s’imposent au Parlement
114L’article 62 du décret de 1956 dispose que, si le vote définitif de la loi de finances n’est pas intervenu à la date d’ouverture de l’année financière :
115L’Assemblée nationale émet un vote séparé sur l’ensemble des dispositions de la loi de finances qui ont fait l’objet de votes particuliers ;
116Le Gouvernement peut prendre des décrets portant répartition des crédits et des autorisations applicables aux seuls services votés ;
- 13 Cette disposition s’inspire, mot à mot, des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 47 de la Const (...)
117L’article 39 de l’ordonnance de 1959 dispose que, si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours après le dépôt du projet13, les dispositions de ce dernier peuvent être mises en vigueur par ordonnance.
118L’ensemble de ces dispositions, si complexes soient-elles, a été conçu essentiellement pour écarter définitivement le spectre des douzièmes provisoires, qui, pendant de nombreuses années, ont nui aux bonnes relations existant entre le Gouvernement et le Parlement et, plus spécialement, entre le ministère des Finances et les commissions des finances des deux assemblées.
119Nul ne traduit mieux les difficultés politiques et techniques présentées par la formule des douzièmes provisoires que la question posée par le chef du bureau du Budget à quiconque lui demandait de préparer un ou plusieurs douzièmes provisoires « Des douzièmes de quoi ? ».
120En effet, si les douzièmes sont calculés par référence au budget de l’année précédente, on court le risque de prendre en considération, soit des dépenses qui n’étaient pas reconductibles, soit des dépenses prévues pour une partie seulement de l’année précédente et qui doivent être, selon la formule consacrée, « reconduites en année pleine » l’année suivante.
121Si, en revanche, les douzièmes sont calculés par rapport au budget, non encore voté, de l’année en cours, on risque de prendre en considération des mesures entièrement nouvelles qui n’ont pas reçu l’aval du Parlement.
2. Les règles fondamentales à respecter
122L’article 58 du décret de 1956 dispose « qu’aucune proposition ou motion tendant à augmenter les dépenses prévues par le Gouvernement ou à créer des dépenses nouvelles ne pourra être présentée lors de la discussion de la loi de finances ».
123« Aucun article et aucun amendement ne peuvent être présentés sauf s’ils tendent à supprimer ou à réduire effectivement une dépense, à créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques. »
124Cette dernière disposition est reprise à l’alinéa 1er de l’article 42 de l’ordonnance de 1959.
125De son côté, l’article 40 de la Constitution prévoit que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
126Les auteurs du livre sur Le budget de l’État (éditions de Bercy, page 65) rappellent que « l’interprétation littérale de l’article 42 de l’ordonnance de 1959 avait pu conduire à considérer comme irrecevable un amendement proposant la diminution d’une recette compensée par la création ou l’accroissement d’une autre ressource publique ». Les auteurs indiquent que le Gouvernement et le Parlement ont décidé que, seul, l’article 40 de la Constitution où le mot « ressources » se trouve au pluriel serait appliqué. Je n’ai pas le souvenir que cette difficulté ait été soulevée lorsqu’étaient appliquées les dispositions du décret de 1956.
3. Les décrets de répartition
127L’article 59 du décret de 1956 dispose que, dès la promulgation de la loi de finances, le Gouvernement prend des décrets portant répartition par ministères, par parties et par chapitres des crédits votés et répartition des comptes spéciaux du Trésor par comptes particuliers. Ces décrets sont, dans les huit jours qui suivent leur publication, soumis à l’accord des commissions des finances des deux assemblées.
128L’article 60 et l’article 61 de ce décret apportent de multiples précisions en ce qui concerne ces décrets : utilisation des dotations inscrites dans les décrets de répartition – délais que doivent respecter les commissions des finances pour donner leur avis en première, en deuxième et en troisième lecture – dispositions à prendre en cas de désaccord entre les commissions et le Gouvernement.
129Le problème des décrets de répartition est traité à l’article 43 de l’ordonnance de 1959, qui reprend la rédaction de l’alinéa 1er de l’article 59 du décret de 1956, si ce n’est que la répartition par parties n’est pas mentionnée et qu’il est fait allusion à l’article 47 de la Constitution. En revanche, les dispositions des articles 60 et 61 du décret de 1956 ainsi que celles du 2e alinéa de l’article 59 de ce décret ne sont pas reprises dans l’ordonnance de 1959 – les commissions des finances des deux assemblées ne doivent plus donner leur accord concernant le contenu des décrets de répartition.
B. La direction du Budget et le vote du projet de la loi de finances
1. La direction du Budget et les commissions des finances des deux assemblées
130Dans l’ouvrage intitulé Le Budget de l’État édité par les Éditions de Bercy, il est fait allusion (page 67) à l’importance des informations reçues par les commissions des finances qui sont traitées par les fonctionnaires des assemblées. Ces auteurs précisent que ceux-ci « ont acquis une excellente connaissance du budget de l’État et n’hésitent pas à s’adresser notamment à la direction du Budget pour obtenir les informations qui leur manquent ».
131Il en était de même au cours de la période 1949-1963, à cette différence près que les fonctionnaires détachés auprès des commissions des finances appartenaient à notre ministère. Cette « parenté » ne les empêchait nullement de nous demander de leur communiquer une masse imposante de renseignements souhaités par les membres des commissions. En outre, ils nous téléphonaient pour nous dire, par exemple, que, si, sur tel ou tel point, nous persistions à maintenir notre point de vue, nous n’aurions pas gain de cause devant les commissions. Et ils n’hésitaient point à nous conseiller d’amender notre proposition dans tel ou tel sens.
132Il semble que certains députés aient mal ressenti le fait que les intéressés appartenaient au ministère des Finances. Aussi ceux-ci ont-ils été progressivement réintégrés dans les cadres des Finances. Personnellement, je déplore qu’on ait pu douter de leur loyauté vis-à-vis des présidents et des membres des commissions des finances.
2. La direction du Budget et les ministres
133Pendant l’examen de la première partie de la loi de finances, le ministre des Finances et le ministre du Budget étaient assistés de membres de leurs cabinets, du directeur du Budget et de certains de ses collaborateurs. Lorsqu’on en arrivait à la discussion de la deuxième partie de la loi de finances, y assistaient le ministre dont le budget était examiné et ses collaborateurs, le ministre du Budget et le directeur du Budget, accompagné cette fois de l’administrateur civil responsable du budget examiné.
134Les relations de la direction du Budget avec le ministre, qui étaient d’une grande simplicité lorsque les débats budgétaires se tenaient à l’Assemblée nationale, l’étaient beaucoup moins lorsque ces débats se tenaient au Sénat.
135Lorsque nous avions présenté, le premier jour, aux huissiers de l’Assemblée nationale, notre carte de commissaires du Gouvernement, nous pouvions, durant la session budgétaire, entrer dans l’hémicycle sans avoir à montrer « patte blanche ». Et nous prenions place derrière le banc du Gouvernement, ce qui permettait, avec le maximum de discrétion, de parler au ministre ou de lui communiquer une information particulière. L’attitude des ministres variait selon le tempérament de chacun ; celui-ci en savait assez pour répondre à un parlementaire sans avoir à se rapprocher du commissaire du Gouvernement ; celui-là ne cessait de quémander une note qu’il lisait sans vergogne face à l’Assemblée ; tel autre, à partir d’une précision donnée discrètement par le commissaire du Gouvernement, prenait la parole et répondait avec talent à celui qui l’avait interrogé.
136De ces échanges avec le ministre, je n’ai gardé qu’un mauvais souvenir. Un député ayant, en ce qui concerne les anciens combattants, donné des indications erronées, j’indiquai immédiatement au ministre que l’intervenant s’était trompé et j’appuyai ma brève démonstration de chiffres significatifs. Le ministre répondit alors sur le champ au député et, à ma stupéfaction, me déclara ensuite qu’il m’attendait dans son bureau en fin de matinée pour avoir confirmation des chiffres que je lui avais communiqués, non sans préciser que, si j’avais commis la moindre erreur, ma carrière serait compromise. À l’heure dite, je me rendis auprès du ministre et lui montrai le document officiel confirmant ce que j’avais dit. C’était la première fois que pareil discours m’était tenu ; ce fut aussi la seule.
137Au Sénat, le commissaire du Gouvernement avait le sentiment d’être surveillé : il lui fallait en effet à tout moment montrer aux huissiers sa carte d’identité. En outre, lorsqu’il arrivait à sa place, il constatait qu’il était éloigné du ministre et non derrière lui, ce qui l’obligeait à se déplacer fréquemment pour répondre à ses questions ou pour les devancer. Ces allées et venues m’étaient pénibles, non parce qu’elles étaient source de fatigue, mais parce qu’elles manquaient de discrétion. En revanche, les sièges qui nous étaient affectés étaient si agréables que, lorsque les débats se prolongeaient, certains commissaires du Gouvernement s’abandonnaient à une douce rêverie, souvent interrompue par un ministre soucieux de bien répondre à une question soulevée par un élu. Les fonctionnaires de la direction du Budget, habitués de ces lieux et fréquemment appelés à épauler l’action de leur ministre et, parfois, celles de leurs collègues d’autres ministères, n’avaient aucun mérite à ne pas succomber au charme du mobilier mis à leur disposition. Ils n’en préféraient pas moins, au calme sénatorial, l’atmosphère, parfois chargée d’électricité, de l’Assemblée nationale.
3. Échappée sur l’éloquence parlementaire
138Le Parlement pouvait apporter aux fonctionnaires de la direction du Budget des satisfactions tenant au style adopté par certains élus pour défendre leurs convictions. C’est ainsi qu’un soir, la discussion du budget du Commissariat général au Plan fut à l’origine d’un débat de qualité. Ce budget n’était pas richement doté, mais il portait sur un sujet qui passionnait à l’époque de nombreuses personnalités. Malgré cela, en raison de l’heure tardive, il y avait peu de députés dans l’hémicycle. Et voilà – je pèse mes termes – qu’un miracle se produisit. Le ministre René Mayer évoqua avec talent les problèmes que posaient l’élaboration d’un plan et ce qu’il fallait en attendre. Mendès France prit alors la parole et exposa longuement et brillamment son point de vue. Félix Gaillard se crut alors obligé d’intervenir et le fit avec l’intelligence que nombre de ses collègues lui reconnaissaient. Un quatrième parlementaire était là, et non des moindres. C’est pourquoi, considérant probablement qu’il lui était impossible de ne pas participer à des échanges aussi riches par le fond que brillants dans la forme, Edgar Faure prit la parole et fut fidèle à sa réputation.
139En d’autres lieux, j’aurais volontiers applaudi à de tels exploits. Sans mettre en doute la sincérité des intervenants, je sentais bien que chacun d’eux avait tenu à briller et à s’imposer aux autres, non pour séduire le public (il n’y avait guère de monde) mais « pour le plaisir ». Ce fut une rarissime soirée ; c’est pourquoi j’ai tenu à l’évoquer.
- 14 Jean-René Plaetsen – Le Figaro du 27 février 1995.
140Un journaliste14, traitant de l’éloquence parlementaire a cru devoir parler de « la disgrâce de la tribune ». Il signifiait par là que les orateurs « exercent leur art en d’autres lieux que l’Assemblée ou le Sénat ». Il est vrai que, sous la IVe République, il y avait encore quelques orateurs capables d’enflammer une assemblée grâce au choix des formules, à la manière de hausser le ton, à l’emploi d’une heureuse citation, à la virtuosité avec laquelle ils orchestraient leurs silences ou suscitaient l’émotion.
141Certes, les échanges auxquels j’ai fait allusion, ne s’adressaient pas, comme je l’ai souligné, à un large public, dont il fallait emporter la conviction. S’il est vrai que, comme l’aurait dit M. Fabius, cité par le journaliste du Figaro, que « l’effet cumulé du micro, de la télévision et de l’ENA a tordu le cou à l’éloquence parlementaire » reconnaissons que ce soir-là, il n’y avait ni micro (chacun a parlé à sa place), ni télévision ni énarque.
V. LA DIRECTION DU BUDGET ET LE MINISTÈRE DES FINANCES
A. La place du ministère des Finances dans l’ensemble des administrations
- 15 Extrait de conférences – déjà citées – faites à Lille et à Lyon. Au moment où elles ont été faites (...)
142Le ministère des Finances15 « se présente comme étant le gardien des grands équilibres économiques et financiers : production et consommation, prix et revenus, ressources et charges, créances et dettes, importations et exportations, francs et devises étrangères ».
143Ses services s’y appliquent, son organisation y tend, ses avis sont écoutés et souvent entendus, et c’est pourquoi il est si impérieux dans l’énoncé des règles, si exigeant quant à leur application, si fragile au moment des constats. Le problème n’est pas de se demander s’il pourrait en être autrement, il est de constater que cela est et que la rue de Rivoli doit y conformer son attitude.
144Elle y incline par un élan que la similitude d’origine de ses agents, loin de contrarier, décuple. À regarder la structure et la vie de nos administrations centrales, on s’aperçoit en effet que ce ministère est le seul, avec celui de l’Intérieur, à réserver aux purs administratifs une place de premier plan.
145Ailleurs, ceux qui estiment, en raison de leur formation, avoir leur mot à dire sur l’Administration, se heurtent à des hommes, à des modes de pensée et à des préjugés qui les conduisent à la résignation ou à la fuite. Ils en viennent à éprouver, vis-à-vis de leurs collègues des Finances, un complexe de frustration qui ne contribue guère à accroître la popularité de la rue de Rivoli.
146Le cadre de vie ne joue-t-il pas aussi un rôle dans notre comportement ? Vivre en permanence dans l’histoire ; n’avoir que quelques pas à franchir pour découvrir la plus belle perspective du monde et les œuvres les plus prestigieuses ; pouvoir contempler à tout moment les quatre-vingt-six hommes illustres qui ont fait la gloire de la France au service de l’Art, de la Littérature, de la Science et de l’Etat ; assister chaque jour aux épousailles d’un soleil déclinant et d’une pierre fastueuse qui livre, sans pudeur mais avec quelle noblesse, les secrets que lui ont livrés les siècles : n’y a-t-il pas là de quoi pardonner, à ceux qui jouissent de tels privilèges, de se sentir, sinon plus grands, du moins plus assurés dans leurs desseins ?
- 16 Cette disposition s’inspire, mot à mot, des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 47 de la Const (...)
147Ils y sont aidés par une organisation qui prétend limiter la part de l’incertain. Ce qui est demandé au jeune fonctionnaire arrivant au ministère, c’est de bien accomplir sa tâche, de savoir limiter quelque temps ses ambitions, de ne pas s’égarer prématurément dans des voies parallèles et de savoir pimenter son existence d’une once d’austérité16. Malheur à celui qui émettra la prétention de régler, par ses propres moyens, l’ordonnance de sa carrière : sauf exception notable, il s’apercevra rapidement que la force de ses poignets doit céder devant celle des institutions. À intervalles réguliers, on lui ouvrira la porte de sa cellule et on fera un bout de chemin avec lui. Si sa manière de faire est appréciée, on s’arrangera pour le lui faire comprendre, avec suffisamment de clarté pour qu’il se sente encouragé, mais pas assez pour qu’il en tire avantage et succombe au démon de la précipitation. Si, en revanche, il éprouve quelque difficulté à adopter le style de la Maison, on le traitera avec moins de rigueur que de prévenance et on s’inquiétera de ses goûts, de ses aptitudes, de ses désirs, ce qui est encore la meilleure manière de lui faire comprendre que ni ses goûts, ni ses aptitudes, ni ses désirs ne sont conciliables avec l’espoir qu’il pourrait caresser de faire, au ministère, la grande carrière verticale. La vérité oblige à dire que la multiplicité des débouchés du ministère autorise de tels comportements.
148La force qu’emmagasine le ministère et qui prend appui sur l’importance de ses attributions, sur l’homogénéité du recrutement et sur la qualité de son organisation, loin de s’étioler au contact des autres administrations, y trouve des motifs supplémentaires de s’épanouir.
149Lorsque les représentants des ministères se rendent rue de Rivoli, les règles de préséances sont bousculées : le sous-directeur se rend chez le chef de bureau, le directeur chez le sous-directeur et le ministre prend soin de dépêcher chez le directeur son représentant personnel. Cette manière de faire, qui apparaît à nos correspondants comme le plus sûr moyen d’obtenir ce à quoi ils tiennent, est ressentie, par les occupants du Louvre, comme un hommage rendu à leur Maison.
- 17 Un de mes collègues du PCM, ployant sous le poids des innombrables demandes présentées par le mini (...)
150Toutefois, en dépit des précautions qu’elles prennent pour approcher les financiers, les administrations répugnent à leur faire totalement confiance : elles les submergent sous le nombre des propositions et persistent à demander cent dans l’espoir d’obtenir cinquante17. Je n’ai jamais cessé de penser qu’un ministère qui renoncerait à une foule de prétentions souvent excessives, pour s’en tenir à quelques projets, fussent-ils coûteux, dès lors qu’ils auraient été sérieusement étudiés et intelligemment présentés, aurait toutes les chances d’obtenir satisfaction auprès du ministère. Je n’en veux pour preuve que le fait qu’une politique aussi fondamentale que celle des autoroutes a été d’abord mise au point dans le cabinet du directeur du Budget. Je songe également à ce ministre qui, renonçant délibérément à faire siennes les propositions de ses services, s’était présenté rue de Rivoli avec un seul projet, impressionnant par son montant, mais qu’il soutenait de sa volonté et des sacrifices dont il l’accompagnait : nous n’avons pas hésité un seul instant à convaincre le ministre des Finances de lui donner satisfaction.
151On m’objectera peut-être que le ministère des Finances, gardien des grands équilibres, est parfois obligé, sous l’empire des circonstances et en raison de la conjoncture, de revenir sur des accords antérieurement donnés. Tout n’est pas faux dans ce propos, mais le respect de la parole donnée reste un des principes fondamentaux de la Maison et il est sans doute excessif de refuser sa confiance aux hommes sous le prétexte que les mécanismes se dérèglent parfois. Au demeurant, une telle attitude se concilie malaisément avec la tendance, adoptée par de nombreuses administrations qui, dans leurs rapports avec leurs administrés, préfèrent rejeter sur la rue de Rivoli la responsabilité d’un refus plutôt que de l’assumer elles-mêmes, en contribuant ainsi à affirmer une prééminence qu’elles contestent en d’autres circonstances.
B. La place occupée par la direction du Budget au sein du ministère
1. Les conflits d’attribution
152Dominique Leca, dans le livre qu’il a consacré au ministère des Finances, déclare (p. 15) que « les conflits d’attribution, positifs ou négatifs, les vendettas soigneusement entretenues de service à service, les rivalités changeantes entre les personnes, ne manquent jamais dans les états-majors d’une bureaucratie qui compte des milliers d’âmes ».
153C’est de ces tensions que je veux parler maintenant, étant précisé qu’elles ne sont pas l’apanage de mon ministère et que je ne suis pas en mesure d’affirmer qu’elles prennent ici un relief plus accusé.
154Si je fais exclusion de l’Inspection générale des Finances – sur laquelle je reviendrai – de la commission centrale des marchés et des satellites au nom prestigieux dont je n’arrivais pas toujours, à l’époque, à démêler s’ils se promenaient ou non dans l’orbite du ministère (Banque de France – Crédit foncier – Crédit national – Caisse des dépôts et consignations), le ministère des Finances comprenait dix-neuf services et le corps de ballet qu’ils constituaient évoluait dans des conditions telles qu’il était impossible de les classer par référence à un seul point fixe.
155Par souci de simplification, je bifferai d’abord d’un trait de plume, pour n’en plus parler, le service du Contentieux et l’Agence judiciaire du Trésor, la direction de la Dette publique et celle des Assurances, la direction de l’Imprimerie nationale et celle des Monnaies et Médailles, le service des Alcools et celui des Laboratoires, le secrétariat général de la Loterie nationale ainsi que le service d’Exploitation industrielle des Tabacs et des Allumettes. Bien que tous concouraient à la renommée du ministère, ils n’en constituaient à aucun moment des éléments perturbateurs, et c’est pourquoi je ne les ai pas retenus. Ce n’est pas sans souffrance que j’agissais ainsi pour certains d’entre eux et notamment pour les Monnaies et Médailles et pour l’Imprimerie nationale. Ces deux services apportaient – et apportent encore – au ministère des Finances une bonne conscience sur le plan artistique et culturel, et ce n’est pas par hasard que l’on découvre, dans les promenades au sein du ministère, les échantillons les plus marquants de leur production. Disons-le franchement, il y a, dans l’arrière-conscience de chaque financier, la crainte d’être considéré comme un mécréant de la culture. Cela se traduit, selon le tempérament de chacun, tantôt par une réflexion profonde sur le devenir de l’homme, tantôt par l’appropriation inattendue d’un thème qu’on s’attendrait à voir exploité par des voies plus autorisées, tantôt par l’afflux de citations, hélas aussi, mais par bonheur plus rarement, par la signature apposée au bas d’un ouvrage lourdement chargé d’humanisme. Plutôt que d’en sourire, il faut s’en féliciter, puisqu’il est l’hommage indirect de la finance à la culture.
156Me voici maintenant bien embarrassé avec les dix services qui, si je puis dire, me « restent sur les bras » et dont je m’empresse d’extraire la direction du Personnel, pour ce qu’elle représente de neutralité et de disponibilité pour l’arbitrage.
157Il y avait d’abord, vieille de plus de vingt ans, l’opposition entre la rue de Rivoli et le quai Branly, où étaient implantés l’Institut national de la statistique, la direction du Commerce intérieur et des Prix et la direction des Relations économiques extérieures.
158En vérité, ce n’est point tant d’opposition qu’il s’agissait : si l’on feignait d’ignorer, rue de Rivoli, ce qui se passait de l’autre côté de la Seine, c’est qu’on craignait, à tout instant, de voir resurgir le spectre de ce ministère de l’Économie, apparu à l’époque de la Libération, et qu’on n’hésitait pas à présenter, ici et là, comme la juste sanction de la désinvolture avec laquelle, sur la rive droite, on tiendrait, disait-on, le fait économique. Le temps, à l’époque dont je parle, avait arrangé les choses, mais je n’étais pas sûr que la rive gauche avait totalement perdu le complexe du cousin apparenté à une grande famille qui ne l’associait pas aux événements de la vie quotidienne.
159Entre la direction du Budget et la direction du Trésor, les relations étaient loin d’être simples. Les administrateurs civils de l’ENA considéraient, lorsqu’ils avaient la possibilité de choisir leur sortie, que ces deux directions étaient de loin les plus importantes du ministère et chacune d’elle notait chaque année avec attention où souhaitaient se diriger les meilleurs d’entre eux. Mais c’est sans doute au niveau des prévisions annuelles portant sur l’importance des programmes à retenir concernant les entreprises publiques que les affrontements étaient les plus vifs. Ces différends étaient tels que, lorsque je fus chargé au cabinet du ministre de les régler, la direction du Trésor fut convaincue qu’étant un ancien de la direction du Budget, je prendrais des décisions qui lui seraient systématiquement défavorables.
160En 1966, dans un ouvrage déjà cité, Dominique Leca opposait « la déformation protestataire de la direction du Budget, animée de l’esprit du tiers état devant le roi, luttant sur mille fronts à la fois à l’empirisme aristocratique de la direction du Trésor, plus ouverte dans ses démarches, plus arbitraire dans ses réactions, trop consciente d’être au jour le jour au centre de tout pour ne pas se révéler finalement la plus vulnérable aux contingences de l’actualité ».
161L’opposition qui frappait les directions ayant des services extérieurs et celles qui n’en ont point était souvent très accusée. À en croire la direction du Budget et celle du Trésor, le fait de régner sur des peuples épars dans l’hexagone occupe l’esprit sans l’élever, donne du relief à ce qui n’en a point et, ne peut qu’encombrer la voie royale sur laquelle il faut conduire le char de l’État. Les directions visées par ces anathèmes (Comptabilité publique – Impôts – Douanes – Commerce intérieur et Prix) en ressentaient de l’amertume. Elles comprenaient mal qu’on pût à ce point faire abstraction d’une réalité aux écoutes de laquelle elles étaient toujours disposées à placer les oreilles du ministre. Elles montaient en épingle le moindre événement local pour contrebalancer la politique des deux grands. Aux idées générales, qu’elles ne méprisaient point, elles étaient toujours soucieuses d’apporter le correctif du praticien.
162Elles ne s’abandonnaient pas pour autant entre elles, aux joies fraternelles de la vie bucolique. La direction générale des Douanes n’omettait jamais de rappeler qu’elle s’appelait en réalité « direction générale des Douanes et des Droits indirects » et cette modeste addition prenait, aux yeux de la direction générale des Impôts, l’allure d’une provocation.
163Quant à la direction de la Comptabilité publique et à celle des Impôts, elles auraient certainement coulé des jours heureux si celle-ci n’avait pas eu la détestable manie de vouloir modifier à son profit les limites de l’assiette et du recouvrement de l’impôt dont chacune d’elles est respectivement chargée. Ajoutez à cela que la silhouette du percepteur, cible aimable des chansonniers, maître Jacques de la vie locale, toujours prêt à venir en aide aux autorités, aux contribuables et aux déshérités, peuple de cauchemars les nuits des fiscaux qui, disent-ils, souffrent de l’excessive technicité de leur tâche.
164Un fait nouveau vient de mettre en évidence les difficultés qu’éprouvent ces deux directions à faire en sorte que leurs relations au plan local soient aussi harmonieuses que possible. Pendant longtemps, le trésorier-payeur général a été considéré, au sein des services financiers, comme étant le primus inter pares. En 1964, les textes intervenus en ce qui concerne l’action économique régionale et la volonté du ministre des Finances et des Affaires économiques eurent pour conséquence de hisser le trésorier-payeur général, qu’il fût régional ou départemental, à un niveau supérieur et de faire de lui l’interlocuteur privilégié du préfet.
165Or, par circulaire du 30 décembre 1994, le ministre de l’Économie et le ministre du Budget ont pris la décision de créer des comités départementaux des services financiers, chargés de développer les synergies entre les services, de discuter de sujets d’intérêt commun et de mettre au point une expression collective. L’évolution des faits, telle que je l’ai rappelée, aurait dû conduire à placer ces comités sous la présidence des trésoriers-payeurs généraux. Tel ne fut pas le cas, cette présidence ayant été confiée, entre autres, à 38 trésoriers-payeurs généraux et à 36 chefs des services fiscaux.
166Si je vois, en cette affaire, un exemple des conflits d’attribution, c’est parce que j’ai constaté qu’à l’époque les deux cabinets ministériels comptaient en leur sein, à un poste élevé, deux hauts fonctionnaires de la direction générale des Impôts, dont j’ai tout lieu de penser qu’ils ont été à l’origine d’une telle répartition, dès lors que le principe des comités départementaux des services financiers était retenu.
- 18 La circulaire ministérielle du 30 décembre 1994 précise que le rôle des comités départementaux ser (...)
167Il est significatif de lire, le 24 janvier 1995, sous la plume du directeur de la Comptabilité publique, que « s’agissant du rôle d’interlocuteur du préfet mentionné dans la note ministérielle18 les relations que les trésoriers-payeurs généraux entretiennent déjà avec le préfet et leur compétence économique et financière à caractère général devraient les conduire tout naturellement à l’assurer ». Affirmation qui se veut conciliatrice ou invitation adressée aux trésoriers-payeurs généraux à affirmer en toutes circonstances, une présence indiscutable ? Chaque intéressé réagira selon son tempérament.
168Les relations entre les hommes amplifient ou atténuent, selon les époques, les divergences entre services. L’École nationale d’administration semble avoir contribué à aplanir les difficultés : on ne s’égorge pas entre gens du même monde. Mais si la navigation est plus sereine, elle ne met pas pour autant l’embarcation à l’abri des périls. C’est le moment de parler de l’Inspection générale des finances. Les membres de l’inspection déclarent volontiers que la qualité du corps tient à la formation initiale que reçoivent les jeunes inspecteurs au cours des vérifications auxquelles ils sont astreints en début de carrière. Vérifier un poste comptable, c’est prendre une bonne connaissance d’un service de base, c’est substituer sa responsabilité à celle du contrôlé, c’est s’exposer à une contre-attaque en règle de ce dernier en vertu du droit de réponse qui lui est accordé, c’est prendre le risque de ne point détecter une anomalie qui, découverte ultérieurement, serait susceptible de mettre en doute la qualité de la vérification.
169L’Inspection des finances insiste également sur ce qu’elle appelle le caractère arbitraire de la gestion du corps. Pour comprendre ce que signifie cette formule, il faut savoir que ce corps peut être comparé à un iceberg : ce qui sort de l’eau n’est qu’une infime partie de l’ensemble, mais contrairement à ce que nous savons de l’iceberg : ce qui compte n’est point ce qui est au-dessous, mais ce qui est au-dessus de la ligne de flottaison. Or, le fait, pour un inspecteur des finances, d’émerger ou d’immerger, c’est-à-dire de faire une belle carrière ou d’en faire une moins heureuse, tient aux qualités de l’intéressé et non à son ancienneté. Être « hors de l’eau », c’est obtenir du ministre un poste de chargé de mission, prélude à des lendemains qui chantent. Être « sous l’eau », c’est poursuivre des vérifications ou obtenir un détachement qui peut être de qualité, mais qui vaut renoncement à la grande carrière.
170L’Inspection compare parfois cette situation à celle des administrateurs civils et la juge moins confortable, puisque, dit-elle, ceux-ci poursuivent sans encombre leur carrière au ministère. Ce raisonnement laisse de marbre les administrateurs civils. Ils constatent qu’il leur faut affronter la partie visible de l’iceberg et ne se sentent nullement portés à éprouver de la commisération pour la partie immergée. Ils rêvent de mers moins froides, où ils pourraient circuler à des vitesses convenables, aborder sur des îles accueillantes et régler librement le rythme et la durée de leurs croisières.
2. Les problèmes propres à la direction du Budget
171Tel est le monde dans lequel évoluait la direction du Budget. Faute d’en avoir pris connaissance, on comprendrait mal les problèmes qui se posaient à la direction du Budget et qu’il nous faut maintenant examiner.
a. Vis-à-vis des ministères dépensiers, la direction du Budget imposait-elle systématiquement son point de vue ? Ne privilégiait-elle pas certains secteurs d’activité ou certains interlocuteurs ?
172En ce qui concerne le fait de savoir si nous nous comportions en technocrates, je préciserai que la direction du Budget a été, plus souvent qu’on ne le pense et parfois contre son gré, invitée à prendre des positions dont la responsabilité ne lui incombait pas.
173Arrivant un jour au terme de la discussion d’un budget important et craignant de succomber à la fatigue au terme d’une semaine particulièrement chargée, je fus amené à fixer, à l’intention de mes interlocuteurs, un plafond de crédit de fonctionnement d’un montant « honorable » en leur laissant le soin de le répartir entre eux. La séance fut, à leur demande, immédiatement suspendue et le haut fonctionnaire responsable m’indiqua en aparté qu’il serait incapable de procéder à cette répartition et que celle-ci serait mieux acceptée si c’était moi qui en prenait l’initiative. Je ne pus que m’incliner et, dans l’heure qui suivit, l’affaire fut menée à son terme.
174Une autre fois, j’assistais à une réunion de scientifiques et de techniciens de qualité exceptionnelle. Ma seule mission était de leur rappeler quel était le montant des enveloppes d’autorisations de programme et de crédits de paiement mises à leur disposition et de veiller à ce qu’elles ne soient pas dépassées. Comme les intéressés éprouvaient quelque peine à se répartir les dotations qui leur étaient attribuées, ils décidèrent d’interrompre momentanément leurs travaux. C’est alors que certains d’entre eux, que je connaissais bien, vinrent me demander de procéder à cette répartition, ce que je ne pus accepter.
175Autre exemple : le ministre des Finances venait d’être nommé le 6 novembre 1957. Il avait bien fallu, avant son arrivée, déposer le projet de loi de finances de l’année suivante. Aucune autorité ministérielle n’avait été en mesure de donner son aval au budget d’équipement de tous les ministères. Si bien que le projet le concernant fut déposé tel qu’il avait été préparé par le directeur du Budget et deux de ses collaborateurs. Peut-on dire, au cas particulier, que la direction du Budget a imposé son point de vue ?
176Sur le fait de savoir si la direction du Budget a privilégié certains secteurs d’activité ou certains interlocuteurs, la réponse est affirmative, étant précisé que cette « préférence » n’a jamais concerné un ministère tout entier, qu’elle a porté sur certains projets et qu’elle a été accordée à certains fonctionnaires réputés pour leur sérieux et pour leur dynamisme.
b. Dans leurs relations avec leurs collègues du ministère, les fonctionnaires de la direction du Budget et notamment ceux de la première sous-direction se considéraient-ils comme étant de rang supérieur ?
177Jamais, je n’aurais imaginé de répondre à une telle question si elle ne m’avait point été posée un jour par un inspecteur des Finances que j’avais eu comme maître de conférences à l’ENA. Je m’efforcerai donc de donner mon point de vue.
- 19 Ne pas perdre de vue que ces propos s’appliquent aux années cinquante
178Imaginons un administrateur civil, affecté dans un bureau, tenu de rédiger lettres ou circulaires, soumises aux visas successifs de la hiérarchie19 et n’ayant d’autre espoir que de franchir un jour les étapes lui permettant d’apposer à son tour un visa sur les documents qui lui seront présentés. Comparons sa situation à celle d’un administrateur civil de la direction du Budget, épaulant son sous-directeur lors des conférences budgétaires, suivant le cheminement des budgets dont il est responsable chez le directeur du Budget et chez le ministre, assistant enfin, à côté du ministre, aux séances du Parlement ayant à leur ordre du jour les budgets en question. Comment ne pas comprendre que les horizons de celui-ci soient infiniment plus ouverts que les horizons de celui-là ?
c. Quelles étaient les relations de la direction du Budget avec les cabinets ministériels ?
179Il faut d’abord prendre en considération le fait que, du 12 janvier 1949 au 8 janvier 1959, mis à part le cas de Maurice Petsche et d’Edgard Faure, qui furent respectivement ministre des Finances et des Affaires économiques et secrétaire d’État, puis ministre du Budget pendant 2 ans 7 mois, les ministres des Finances et du Budget qui se sont succédé n’ont guère eu le temps (à l’exception d’Antoine Pinay) de marquer de leur empreinte leur passage rue de Rivoli.
180Il en a été de même de leurs cabinets, d’autant plus qu’à l’époque, il n’était pas d’usage que ceux-ci interviennent continûment dans les affaires relevant habituellement des seules directions.
181« Tout cabinet », soulignait Dominique Leca dans son livre déjà cité portant sur le ministre des Finances « se voit aux Finances, dans une certaine mesure, le théâtre d’un double jeu. Il contient d’abord des fonctionnaires manifestement choisis comme traits d’union des grandes directions auprès du ministre, obéissant sans nul doute à ce dernier, mais gardant quelque allégeance naturelle vis-à-vis de leurs services d’origine, sans aller jusqu’à jouer le rôle d’une cinquième colonne des bureaux auprès du citoyen chargé de contrôler ces derniers. Le cabinet contient d’autre part des hommes, par origine dévoués à la personne du ministre, qui se font, le cas échéant, les ambassadeurs de celui-ci auprès des directions, tout en cherchant à gagner du crédit auprès d’elles ».
182Dans ces conditions, on comprend que les directeurs et, plus spécialement, le directeur du Budget aient pu, en général, faire prévaloir leur point de vue auprès des membres des cabinets, avec lesquels ils veillaient à entretenir d’excellentes relations.
183Pour ma part, je me suis toujours efforcé d’être attentif aux réactions de ceux que Dominique Leca présente comme étant « par origine dévoués à la personne du ministre ». Aucun raisonnement, si intelligent soit-il, ne pèse lourd face à un homme qui peut, à tout moment, murmurer à l’oreille de son ministre : « Tu ne vas tout de même pas accepter ce qu’il dit, pense à tes électeurs ».
184La Ve République a eu pour effet d’affermir la durée gouvernementale, de renforcer le pouvoir des cabinets et par suite, d’affaiblir le rôle des directeurs. C’est alors qu’est apparue la nécessité, pour le directeur du Budget, d’avoir, au sein du cabinet le plus important, un interlocuteur qui connaisse ses problèmes et ses préoccupations.
d. Quels ont été les rapports entre la direction du Budget et le Service des études économiques et financières ?
185Initialement, le Service des études économiques et financières se demandait avec inquiétude si la direction du Budget se déciderait un jour à utiliser pleinement le fruit de ses travaux. Quant aux fonctionnaires de la direction du Budget, ils invoquaient les nécessités de l’action, la servitude du quotidien et hésitaient à s’engager dans des voies qu’ils savaient intelligentes, mais dont ils ne maîtriseraient pas tous les accès. Pire encore, il est arrivé que la direction du Budget tarde à envoyer au Service des études économiques et financières les renseignements dont celui-ci avait un besoin urgent.
186Malgré les immenses efforts accomplis par M. Goetze et qui ont contribué à rapprocher les uns et les autres de manière efficace, subsistait un problème psychologique dont la gravité n’échappait ni à M. Serisé, qui dirigeait le SEEF ni à moi-même alors sous-directeur de la première sous-direction.
187Il était en effet évident que les fonctionnaires du SEEF avaient une piètre idée des connaissances économiques de leurs collègues de la direction du Budget, ceux-ci étant d’avis que leurs collègues du SEEF manquaient totalement de réalisme.
188C’est compte tenu de ce contexte que nous prîmes la décision de rapprocher les intéressés secteur par secteur. Les entretiens durèrent plusieurs jours et leurs résultats dépassèrent nos espérances. Les fonctionnaires du SEEF constatèrent avec surprise que leurs collègues de la direction du Budget maîtrisaient avec talent les problèmes qu’ils avaient en charge et ceux de la direction du Budget comprirent que ceux du SEEF étaient loin d’être des « rêveurs ». Se connaissant mieux et s’appréciant davantage, ils décidèrent d’œuvrer désormais en commun.
189Ainsi, la « révolution » entreprise par M. Goetze prenait définitivement racine dans l’ensemble de la direction du Budget.
VI. QUELQUES RÉFLEXIONS EN GUISE DE CONCLUSION
A. Les reproches adressés à la direction du Budget étaient sensiblement identiques à ceux qu’on adressait au ministère des Finances
190Loin de moi l’idée de présenter la direction du Budget comme étant la plus représentative du ministère des Finances. Il n’en reste pas moins que les reproches adressés au ministère étaient ceux-là même qu’on inscrivait au débit de la direction du Budget et qui étaient essentiellement les suivants :
-
le ministère des Finances a trop souvent tendance à subordonner l’économique au financier ;
-
il utilise le contrôle a priori au point d’en faire l’outil paralysant de l’Administration française ;
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en toutes circonstances, il témoigne d’un esprit centralisateur.
191Il m’est parfois arrivé d’entendre dire que la France était dirigée par des comptables, ce qui est une manière, au demeurant singulière, de mettre en accusation la rue de Rivoli, qui se refuserait à voir dans le Budget le reflet et surtout le moteur d’une économie en mal d’expansion. Les remèdes, disait-on, ne manquaient pas : déficit systématique du budget, obtenu grâce à une augmentation sensible des dépenses d’équipement ou (et) à un allégement massif de la fiscalité, subordination du Budget au plan, mise en place d’un véritable ministère de l’Économie détaché de celui des Finances et le tenant en respect. Je reconnais volontiers qu’il, n’est pas inutile de rappeler de temps à autre au ministère qu’il est à la fois Économie et Finances. De longues traditions pouvaient, en effet, à l’époque faire craindre que la rue de Rivoli éprouvât parfois quelques difficultés à honorer ce double pavillon. Je me déclare rassuré par le spectacle que m’a offert la direction du Budget se rapprochant davantage d’un Service des études économiques et financières et d’un Institut national de statistique plus sensibilisés qu’elle aux approches économiques. Je note avec satisfaction que les relations entre les Finances et le Commissariat général au plan étaient chaque jour mieux organisées et plus franches. Rien ne pourra faire toutefois qu’il y ait, de temps à autre, pour le Gouvernement, l’impérieuse nécessité de voler au secours d’une conjoncture défaillante en y appliquant des remèdes dont il serait présomptueux d’indiquer à l’avance s’ils doivent être à dominante financière ou à dominante économique.
- 20 Signalons que l’institution du contrôle financier local a été l’occasion d’un rapprochement fécond (...)
192S’agissant du contrôle a priori, je note que les périodes révolutionnaires entretiennent invariablement dans notre pays un climat favorable à sa suppression. Il est vrai que ce contrôle est parfois paralysant, mais alors, pourquoi les ministères, invités un jour à se prononcer sur sa disparition, en ont-ils demandé instamment le maintien, si ce n’est qu’il était pour eux une bonne conscience ou, si l’on préfère, un paravent utile ? Comme beaucoup, je suis séduit par l’idée selon laquelle l’Administration française ferait un pas en avant si elle était libérée, en amont, de la tutelle des Finances. Je voudrais néanmoins être assuré que toutes les conséquences du contrôle a posteriori, à commencer par la mise en responsabilité directe des partenaires seraient techniquement et financièrement mesurables et psychologiquement acceptées. C’est pourquoi la déconcentration du contrôle financier, décidée en 1970, me paraît une voie médiane qu’il a été sage d’explorer. J’avais indiqué à l’époque qu’elle exigerait du contrôleur local qu’il sache se tenir à égale distance de la facilité, qui avilit la fonction et de l’obstruction systématique, qui la rend intolérable20.
193Le contrôle financier local exige de l’Administration contrôlée qu’elle accepte de se plier aux règles du nouveau jeu et qu’elle envisage de se déconcentrer elle-même.
194Il faut être singulièrement ignorant de la mentalité des administrations centrales pour affirmer que la rue de Rivoli pêche seule par excès de centralisation.
- 21 La gestion déconcentrée des Finances de l’État – Institut français des sciences administratives.
195S’agissant, à partir de l’année 1964, de la répartition des enveloppes régionales déconcentrées, il faut reconnaître que21 :
-
tantôt les critères retenus pour l’utilisation de ces enveloppes étaient définis avec une précision contraignante, comme c’était le cas pour les dotations de l’agriculture ;
-
tantôt les vœux ministériels accompagnant la décision portant fixation de l’enveloppe régionale étaient à ce point pressants que les autorités régionales se voyaient tenues de retenir telle opération plutôt que telle autre : ainsi en était-il en matière d’équipement sanitaire et social ;
-
tantôt, le ministère compétent n’hésitait pas à modifier l’ordre des opérations retenues localement comme cela se pratiquait pour le programme triennal des constructions scolaires du second degré ;
-
tantôt le ministère décidait unilatéralement de fixer les ordres de priorité, opération par opération, ce qui était le cas de l’équipement culturel. L’institution du contrôle financier local était loin d’avoir mis un terme à de tels errements. Ainsi :
-
fréquemment, les délégations d’autorisation d’engagement transmises par les services centraux aux ordonnateurs secondaires étaient accompagnés du motif précis d’utilisation ;
-
il arrivait aussi que des dossiers soumis au contrôle financier local et qui n’auraient jamais dû quitter la région transitaient préalablement par Paris ;
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des autorisations de programme ouvertes globalement et concernant la région et le département étaient transmises localement, accompagnées de directives en prescrivant l’affectation alors qu’en règle stricte, celle-ci était du ressort de la région ou du département ;
-
certaines dépenses déconcentrées étaient soumises à un contrôle si étroit des administrations centrales qu’elles étaient déléguées localement au niveau du paragraphe.
196Le résultat en était que le contrôleur financier local avait devant lui non pas un fonctionnaire ni un service mais bien un ministère tout entier.
B. Faut-il conclure, de ces reproches, qu’il faille envisager le rattachement à Matignon de la direction du Budget ?
197En définitive, il existe entre le ministère des Finances et la direction du Budget, de nombreux points communs, plus spécialement lorsqu’on examine les relations de l’un et de l’autre avec l’ensemble des administrations. Aussi bien, lorsque les parlementaires en viennent à critiquer l’action du ministère des Finances, il est rare qu’ils ne visent pas aussi, à travers lui, la direction du Budget.
198Peut-être est-ce à cause de cela que, depuis des décennies, de bons esprits suggèrent de placer la direction du Budget sous la responsabilité directe du chef du Gouvernement.
199Cette suggestion pose de nombreux problèmes :
200Si le transfert de responsabilité concerne exclusivement la direction du Budget, sous quelle forme s’établiront alors ses relations avec la direction de la Prévision et l’Institut national de la statistique ?
201Si ces deux dernières directions sont, elles aussi, et par nécessité, rattachées à Matignon, ne faudrait-il pas alors nommer un ministre délégué à leur tête ? Dans la négative, comment imaginer que le Premier ministre puisse les prendre continûment en charge ? Dans le cas contraire, comment s’organiseront les relations du ministre délégué et du ministre des Finances, lui-même privé de trois directions importantes ?
202Puisque l’on se méfie de l’autoritarisme de la direction du Budget, n’est-il pas à craindre que, placée à l’ombre de Matignon, elle n’amplifie les défauts qu’on lui prête ?
203Enfin, puisqu’on en est au stade des hypothèses et que celle consistant à séparer ministère de l’Économie et ministère du Budget revient, même timidement, à la surface, il ne faut pas perdre de vue que la direction du Budget est désormais sensibilisée, depuis 1956, aux problèmes économiques, qu’elle n’a cessé, depuis lors, de progresser en ce domaine et qu’à la séparer des services à vocation exclusivement économique, on déséquilibrerait un ensemble dont je persiste à croire qu’il a fait ses preuves.
Notes
2 Dominique Leca « Du ministère des Finances », page 22.
3 Le Budget de l’État, Éditions de Bercy, page 54.
4 Pendant 15 ans, il y eut une seule exception à cette « règle non écrite ».
5 L’expression est de M. Goetze.
6 Le Budget de l’État, Éditions de Bercy, page 55.
7 Le bureau des études comptait en outre en son sein un administrateur civil, chef de bureau et, fait révolutionnaire à l’époque, un polytechnicien, qui a eu notamment pour mission de préparer une circulaire importante sur le recensement des investissements.
8 Les charges de la Dette publique, les crédits globaux concernant notamment les majorations de rémunération des agents de l’État décidées pour l’année suivante, ainsi que diverses dotations, figuraient au budget des charges communes, créé par M. Goetze.
9 Le calendrier de préparation du budget est aujourd’hui sensiblement différent de celui qui vient d’être rappelé (Le budget de l’État, Éditions de Bercy p. 36). En effet :
– le Premier ministre envoie aux ministres une lettre dite « de cadrage » en mai et une « lettre plafond » en juillet ;
– il existe des conférences budgétaires dites « de première phase » en mai-juin et des conférences budgétaires dites de « deuxième phase » de mi-juillet à mi-septembre.
10 On comprendra aisément que le style du conférencier puisse différer sensiblement de celui du fonctionnaire, qui n’a d’autre ambition que de rendre compte de ce qu’il a fait, vu ou constaté.
11 Ce résultat fut obtenu dans des conditions tout à fait inhabituelles. En effet, tant à l’échelon du sous-directeur qu’à celui du directeur du Budget, puis du ministre des Finances en personne, le cabinet d’abord puis le ministre de l’Éducation nationale se refusèrent à donner les raisons qui étaient à l’origine d’une demande de cette ampleur. Ce n’est qu’après avoir reçu l’intéressé que le chef du Gouvernement donna son accord sur la totalité de cette demande.
12 Extrait de conférences – déjà citées – faites à Lille et à Lyon.
13 Cette disposition s’inspire, mot à mot, des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 47 de la Constitution.
14 Jean-René Plaetsen – Le Figaro du 27 février 1995.
15 Extrait de conférences – déjà citées – faites à Lille et à Lyon. Au moment où elles ont été faites, il n’était pas encore question de transférer le ministère des Finances à Bercy : il n’y a donc aucune polémique dans le fait de « glorifier » la rue de Rivoli.
16 Cette disposition s’inspire, mot à mot, des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 47 de la Constitution.
17 Un de mes collègues du PCM, ployant sous le poids des innombrables demandes présentées par le ministère de l’Éducation nationale aux plans statutaires et indemnitaires, décida de les examiner dans leur totalité. Pendant plusieurs semaines, il discuta avec ses interlocuteurs, acceptant telles mesures, refusant telles autres et leur faisant admettre tels et tels aménagements. Vint le jour où l’ensemble du contentieux fut réglé, à la grande satisfaction de mon collègue. Mais sa joie fut de courte durée : quelques semaines plus tard, il vit arriver sur sa table d’autres demandes, non moins nombreuses, émanant du même ministère et qu’il décida, cette fois, d’examiner avec lenteur.
18 La circulaire ministérielle du 30 décembre 1994 précise que le rôle des comités départementaux sera notamment de mettre au point une expression collective quand celle-ci apparaîtra souhaitable ou nécessaire, ou quand celle-ci sera sollicitée par le préfet. L’expression « interlocuteur du préfet » ne figure pas dans cette circulaire.
19 Ne pas perdre de vue que ces propos s’appliquent aux années cinquante
20 Signalons que l’institution du contrôle financier local a été l’occasion d’un rapprochement fécond entre la direction du Budget et la direction de la Comptabilité publique.
21 La gestion déconcentrée des Finances de l’État – Institut français des sciences administratives.
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