Les tribulations du papier ou comment financer la Révolution

1Au cours de la décennie 1789-1799, l’État français doit faire face à une contrainte budgétaire en ciseau. D’un côté, en effet, la Constituante refuse en juin et juillet 1789 de répudier les dettes de l’Ancien Régime, dont le paiement des intérêts représentait pourtant entre 35 et 55 % du budget de la monarchie à la fin des années 1780¹. Outre ce service de la dette et les affaires courantes, les dépenses publiques se sont accrues considérablement à compter du printemps 1792 avec l’entrée en guerre contre les puissances coalisées. D’un autre côté, l’abolition d’une fiscalité honnie et son remplacement laborieux par une nouvelle, ainsi que la désorganisation administrative et les troubles intérieurs, ont conduit à une extrême faiblesse des rentrées fiscales au moins jusqu’en 1796². Avant que les prélèvements des armées françaises victorieuses sur les pays étrangers n’alimentent les caisses de l’État à la fin de la décennie, le pouvoir décide d’opter pour le mode de financement le moins coûteux, au moins en apparence : la création monétaire.

2Bien entendu, les choses ne se présentèrent d’abord pas de cette façon. À l’été 1789, Jacques Necker, redevenu pour une courte période contrôleur général des finances, échoue à transformer sa fameuse Caisse d’escompte en banque publique³, et les emprunts qu’il sollicite ne trouvent que peu de souscripteurs. Mais après les journées d’octobre, et au moment où les députés prennent conscience des difficultés financières abyssales de la monarchie, Talleyrand, évêque d’Autun, propose de mettre à disposition de la Nation la majeure partie des biens du clergé – les futurs biens nationaux –, qu’il estime alors à un peu plus de 2 milliards de livres⁴. Après bien des atermoiements, l’Assemblée décide par les décrets des 19 et 21 décembre 1789 d’émettre des effets « assignés » sur ces biens-fonds : 400 millions de livres en grosses coupures portant un intérêt de 5 %. Il ne s’agissait pas de pouvoir acheter avec ces premiers assignats des biens nationaux immédiatement, mais pour le Trésor de faire face à ses dépenses les plus urgentes auprès des détenteurs des titres de la dette flottante⁵. Décrétés fin 1789, ces assignats commencent à être réellement émis à compter d’août 1790. Entre-temps, cependant, les choses ont changé : le 17 avril, l’intérêt est réduit à 3 % et les assignats ont cours légal en qualité de monnaie dans tout le royaume. Mais c’est le 29 septembre 1790 que le basculement s’opère : la Constituante décrète la création de 1 200 millions d’assignats (les 400 premiers millions compris), sans intérêt et ayant cours forcé⁶. Le papier-monnaie de la Révolution est né.

3Des débats intenses et houleux, au sein de l’Assemblée comme en dehors, accompagnent cette création. Les partisans de l’assignat cherchent avant tout à repousser l’idée selon laquelle cet instrument pourrait être assimilé à du papier-monnaie, le souvenir de la banqueroute de 1720 faisant figure de repoussoir général. Loin des prétendues chimères du Mississippi, il s’agit, selon eux, d’un instrument soutenu par le bien le plus solide, la terre, confiée aux mains rassurantes de la « volonté générale », et non à celles d’un despote qui pourrait l’avilir. Dans l’autre camp, l’assignat rassemble contre lui les adversaires de l’aliénation des biens de l’Église, beaucoup de représentants des places de commerce (les Lyonnais en particulier), et les théoriciens issus du courant physiocrate, à l’image de Pierre Samuel Dupont de Nemours. De nombreux arguments sont avancés contre l’assignat, surtout lorsqu’il prend sa forme de monnaie forcée sans intérêt, mais c’est le plus souvent à une version fruste de la théorie quantitative de la monnaie que ses adversaires ont recours : à les en croire, lorsque l’on met la main dans un mécanisme d’émission de monnaie en papier, l’offre s’étend toujours, la valeur du signe baisse et l’inflation gagne. Dans une telle configuration, c’est la ruine des créditeurs et du commerce qui frappe à la porte, car toutes les dettes et transactions finissent par être remboursées en monnaie dépréciée, au bénéfice des débiteurs. Or, la plupart des adversaires de l’assignat pensent qu’il existe des lois naturelles antérieures aux formes constitutionnelles qui ne permettent pas à l’autorité politique d’attenter à la valeur des monnaies et au droit de propriété⁷. C’est selon eux précisément ce que font les représentants de la Nation en créant du papier-monnaie dont ils fixent le cours, ce qui ne peut manquer à terme de ruiner les légitimes détenteurs de dettes, publiques ou privées. Les mois passant, et le moment fédératif de cette apparente « année heureuse » (1790) s’étant dissipé, certains partisans des assignats finissent par reconnaître qu’il est possible que l’assignat perde de sa valeur. Ces républicains des années 1792-1793 vont même jusqu’à trouver bon qu’il ruine les rentiers et tous les débiteurs inutiles, puisqu’ils appellent de leurs vœux un grand jubilé des richesses qui mettraient les anciens oisifs au travail et à la vertu, au soulagement des pauvres, créditeurs de toujours⁸.

4Les craintes des adversaires du papier-monnaie et les espoirs des républicains « exagérés » ne tardent pas à se manifester, sans toutefois que la situation soit préoccupante au cours des deux premières années de son existence. Les décrets de création des assignats se multiplient : après les 1 200 millions de la fin 1790, ce sont 1 800 millions en juin 1791, 2 700 en juillet 1792 et 3 900 en février 1793 ; les émissions proprement dites sont décalées : il y a environ pour 1 milliard de livres d’assignats en circulation en juin 1791 et 3 milliards début 1793. Or, malgré ces montants impressionnants, la perte de la valeur de l’assignat par rapport au numéraire d’or et d’argent est d’abord contenue : fin septembre 1791, il vaut encore 80 % de sa valeur faciale ; autrement dit, on pouvait obtenir environ 800 livres en numéraire pour 1 000 livres en papier. L’inflation reste faible, les premières ventes de biens nationaux sont des succès et environ 20 % des assignats émis ont été brûlés par les autorités (une fois les biens acquis)⁹.

5À cette époque de la Révolution, le problème majeur réside plutôt dans la carence d’espèces. Depuis le milieu de l’année 1789, le numéraire se fait rare, sinon inexistant. C’est la petite monnaie qui manque le plus, celle des paiements journaliers, pour les courses et les salaires. Le problème est d’autant plus aigu qu’il faut attendre mai 1791 pour voir le gouvernement émettre, d’abord timidement, les premiers assignats en petites coupures de 5 livres et même de 10 sols¹⁰. Entre-temps apparaissent les « billets de confiance », qui peuvent s’apparenter à une forme de monnaie privée : des institutions à caractère bancaire (prenant généralement le nom de « caisses patriotiques ») échangent, moyennant un intérêt, des assignats de 50 ou 100 livres contre de petites coupures, sans cours légal ni forcé, qui circulent dans un espace géographique limité pour effectuer des transactions. Le principe de cette liberté bancaire réside dans la confiance à la fois dans l’institut d’émission et dans les particuliers qui les utilisent¹¹. Même s’ils facilitent les échanges quotidiens et s’ils relèvent de la liberté du commerce, la multiplication de ces billets et la solvabilité des institutions émettrices inquiètent les autorités. Lorsque les petits assignats arrivent en abondance sur le marché à l’été 1792, la Législative, par la voix du futur conventionnel Pierre-Joseph Cambon – à la tête de la Trésorerie depuis 1791 et jusqu’au début de l’année 1795 –, cherche à contrôler, vérifier, puis interdire les billets de confiance, qui continueront cependant à circuler jusqu’en 1793¹².

6Car les faussaires ne tardent pas à contrefaire les billets de confiance, et également les assignats eux-mêmes. Ce faux-monnayage est, depuis le 4 novembre 1790, puni de mort, ce qui n’empêche pas qu’il se développe pour des motifs crapuleux, ou doublés de visées contre-révolutionnaires (œuvre des émigrés). Les premiers assignats, fabriqués à l’Imprimerie royale puis dans un tout petit nombre de manufactures (comme à Buges près de Montargis), portent le sceau du monarque¹³ et des signatures qui doivent empêcher leur falsification. Cette dernière n’est cependant pas très difficile et, à compter de l’été 1792, la Trésorerie tente de les perfectionner pour éviter les contrefaçons, avec un succès relatif¹⁴. Le faux-monnayage favorise naturellement la dépréciation des assignats, qui s’accélère à partir de la fin de l’année 1791, et surtout à partir de l’entrée en guerre au printemps 1792 : l’inflation atteint et dépasse même les 10 % par mois en avril et mai, avant de redescendre brusquement. La valeur des assignats en numéraire, qui touche un point bas autour de 50 % au début de l’été 1792, se reprend, pour atteindre environ 70 % à la fin de l’année¹⁵. La chute de l’assignat recommence au début de l’année 1793, avec une forte hausse des prix du grain, de 25 à 40 % selon les départements.

7La Convention décide alors d’une série de mesures devant permettre sinon la baisse, tout au moins la stabilité des prix et le soutien du papier-monnaie. Sous l’impulsion du mouvement sans-culotte, elle décrète les 8 et 11 avril 1793 la prohibition de la vente d’espèces métalliques (qui se faisait alors autour du Palais-Royal) et l’interdiction de l’affichage de prix différents pour une même marchandise en assignats et en numéraire : c’était décréter, contre le marché, la valeur au pair entre l’assignat et la monnaie d’or et d’argent. Le 4 mai 1793, le maximum des grains impose une baisse autoritaire mais limitée du prix des céréales, par département ; le 26 juillet, une loi sévère est promulguée contre les accapareurs de grains et le 29 septembre, la loi du Maximum général empêche les hausses de prix sur 39 articles différents et sur les salaires¹⁶. Même si ces mesures sont très diversement appliquées sur le territoire, si un important marché noir se développe et si le grain se cache et ne sort que sous la pression des armées révolutionnaires dans les campagnes¹⁷, les prix se stabilisent à la baisse et la valeur de l’assignat augmente à la fin de l’année 1793. Cette remontée est cependant trompeuse : la commande publique accapare la plupart des ressources pour la guerre, les pénuries sont légion et la majeure partie des assignats est thésaurisée, faute de marchandises à consommer¹⁸. D’ailleurs, la baisse reprend au printemps 1794 (avant Thermidor), et bien avant l’annulation du maximum général (24 décembre), les prix s’envolent et l’assignat dégringole.

8Dès août-septembre 1794 en effet, les mesures dirigistes ne sont plus que très partiellement appliquées et tandis que l’émission de papier-monnaie ne cesse de croître pour financer la guerre intérieure et extérieure, l’hyperinflation commence. Cette dernière se caractérise théoriquement par une hausse des prix égale ou supérieure à 50 % par mois sur une période de plusieurs trimestres, et c’est bel et bien ce qui se produit à partir de la fin de l’année 1794 et pendant la majeure partie de l’année 1795. Les explications que l’on peut donner à cet épisode tragique, qui voit certains départements en proie à des disettes terribles, sont multiples. L’instabilité politique est grande, le sort des armées encore incertain. Le grain manque partout, la faute à une mauvaise récolte à l’été 1794 due à des intempéries et vraisemblablement à une attitude plutôt hostile d’une partie de la paysannerie, le tout doublé d’un hiver 1795 extrêmement rigoureux. L’industrie, quant à elle, est soit accaparée par la commande publique, soit languissante. L’offre est donc déprimée, tandis que la grande bourgeoisie veut jouir après la Terreur, que les liquidités surabondent et que la demande privée s’accroît¹⁹.

9L’inflation n’est cependant pas un problème pour tout le monde. Dans les campagnes françaises, on assiste ainsi à deux mouvements massifs de remboursement de dettes sous la Révolution : le premier en 1791-1792 et le second en 1795. Pour en finir avec les versements annuels de rentes à leurs créanciers, les débiteurs remboursent facilement le capital emprunté en assignats dépréciés. Cette fièvre – comparable à celle de 1719-1720 – permet aux ruraux, à la petite paysannerie, d’éteindre des paiements qu’ils jugent probablement peu légitimes, reliquats de créances qui traînaient parfois depuis des générations, et qu’ils assimilent aux droits féodaux et aux dîmes. Ce jubilé des dettes entraîne une redistribution des richesses, au détriment, sur le moment, de la bourgeoisie rurale et urbaine²⁰, ce qui n’est pas sans entraîner des tensions, voire des remords de la part de certains créanciers²¹. Au début de l’année 1796 en effet, l’assignat ne vaut plus que 1 % de sa valeur faciale en numéraire. Son discrédit est complet, et il devient de plus en plus difficile, voire impossible (dans la France de l’Ouest en particulier), d’acheter quoi que ce soit avec du papier-monnaie²². Le Directoire propose alors le remplacement des assignats par les « mandats territoriaux » (d’abord des « promesses de mandats »), qui sont créés le 18 mars 1796. Ces nouveaux effets doivent servir à acheter directement des biens nationaux²³, et sont acquis contre des assignats au taux de 30 pour 1. L’échec est terrible : les mandats deviennent en fait un papier-monnaie avec cours forcé et, dès avril, ils ont perdu 80 % de leur valeur faciale contre le numéraire, puis 95 % en juillet 1796. À compter de cette date, ils sont acceptés par le gouvernement en paiement des impôts… à leur valeur de marché et non à leur valeur d’émission ! Finalement, la loi du 4 février 1797 démonétise les mandats et les assignats au 21 mars suivant. Ainsi la France est-elle revenue de fait fin 1795, puis de droit début 1797, à la monnaie métallique, ce qui ne veut pas dire qu’elle est abondante²⁴ et que les questions de solde de créances, de loyers, de baux, etc. sont réglées, loin de là. Pour tenter de rallier les créanciers, le Directoire entreprend fin 1795 d’interdire les remboursements de capitaux, puis, par la loi du 23 juin 1797, décrète l’établissement par département de « tableaux de dépréciation » des assignats. Ceux-ci devaient permettre d’évaluer en numéraire les contrats passés au temps du papier-monnaie, pour tenter de mettre d’accord les différentes parties, mais ne s’appliquaient pas rétroactivement aux remboursements et aux paiements déjà effectués²⁵. Quant au gouvernement, tandis que les recettes fiscales commencent enfin à croître et que l’activité économique reprend, il tire de plus en plus de revenus des pays conquis (plusieurs dizaines de millions de florins sur la République batave et sur les anciens états italiens)²⁶. Le papier-monnaie, qui avait soutenu la guerre et les différents régimes jusque-là, a terminé sa fonction historique.

10Les contributions que l’on va lire dans cette partie approfondissent nos connaissances sur plusieurs éléments décisifs de cette histoire pendant la période révolutionnaire. « De l’assignat à la carte de pain », de Serge Aberdam et Laure Després, envisage plus particulièrement la question du rationnement économique sous la Convention et au-delà. Les auteurs partent de la thèse de l’économiste russe du début du xx^e siècle Semion Anissimovitch Fal’kner, celle d’une « économie d’émission » pendant la Révolution française²⁷. Fal’kner construit un raisonnement qui ne manque pas d’intérêt et qui a malheureusement été peu envisagé par l’historiographie, même si ses travaux ont influencé le livre séminal de Seymour Harris publié en 1930²⁸. Pour Fal’kner, la loi du Maximum, conséquence nécessaire de l’inflation et de mouvements de prix relatifs défavorables aux denrées de base, devait inéluctablement conduire à un système de rationnement pour faire tenir l’ensemble du système. Le maximum n’empêche pas en effet de nombreux acteurs économiques d’acheter au prix taxé des denrées au-delà de leur consommation personnelle, puis de les revendre au marché noir ou là où la loi s’applique mal. Il doit en résulter un problème majeur de police, que le rationnement peut contribuer à contenir. Ce dernier, qui concerne plus particulièrement le pain, la viande, les bougies, etc., est l’œuvre des municipalités et des sections à compter de 1793 : schématiquement, il s’agit de cartes avec talons détachables (que l’on remet au boulanger par exemple) distribuées aux familles en fonction de leurs besoins journaliers. Elles ne peuvent acheter au-delà, ce qui implique un contrôle local organisé autour d’une sociabilité de quartier, dans une optique que l’on peut analyser sous la notion d’« économie morale²⁹ ». Mais au-delà de ce système global partiellement administré étudié par Fal’kner, ce que montrent Serge Aberdam et Laure Després, c’est que le rationnement, et en particulier celui des cartes de pain, se poursuit au-delà de Thermidor, et après l’abrogation du maximum en décembre 1794. Pour faire face à la grande crise de subsistances de 1794-1795, le rationnement s’avère être un des outils utilisés par les autorités locales, jusqu’à ce que l’année 1796 marque le retour à la charité et à la bienfaisance. Les auteurs concluent sur la difficulté pour les chercheurs de matérialiser ces cartes de rationnement, leur trace ayant quasiment disparu des fonds d’archives publics et privés.

11La seconde étude de cette partie, celle de Boris Deschanel intitulée « Assignats et stratégies marchandes : l’exemple de la famille Perier et de ses relations d’affaires », nous plonge dans les arcanes des milieux d’affaires du Dauphiné aux prises avec le papier-monnaie. À travers l’histoire des Perier, une famille de riches négociants grenoblois à la tête d’un vaste réseau d’entreprises textiles et d’activités bancaires, Boris Deschanel illustre les pratiques quotidiennes des marchands : refus de vente de laine payée en assignats malgré les poursuites et les menaces, baisse du prix des toiles du fait de l’activité languissante, investissement en « valeurs refuges » telles que les métaux précieux, les valeurs étrangères, et surtout les terres. L’article montre comment les Perier parviennent encore à faire de bonnes affaires avec les assignats : ils empruntent à un taux d’intérêt de 5 %, remboursent leurs créances en papier-monnaie déprécié et achètent entre-temps de grandes quantités de marchandises, revendues aux particuliers ou à l’État, notamment pour l’effort de guerre. Autant d’éléments qui montrent combien les situations individuelles sont contrastées, tous les acteurs marchands n’étant pas négativement affectés par la baisse de la valeur des assignats et par l’inflation.

12La troisième et dernière étude de cette partie s’intéresse de près à l’une de ces fameuses « caisses patriotiques » qui émettent des billets de confiance. La contribution de Guillaume Foutrier intitulée « Une Révolution d’argent : la caisse patriotique et la construction d’un ordre monétaire à Rouen » dévoile comment des centaines de marchands de la riche et prospère cité industrielle normande ont créé, en juin 1791, une institution d’escompte et d’émission. Ses billets de confiance, d’une valeur de 20 sols à 6 livres, étaient selon leurs promoteurs bien plus efficaces, par leur caractère local, que les petits assignats. En analysant la liquidation de cette caisse à la fin de l’année 1792 et les faillites de marchands avec la fermeture des marchés coloniaux, Guillaume Foutrier discute des thèses d’Eugene White autour du free banking³⁰. Il explique que la caisse de Rouen, plutôt bien gérée et assez efficace, ne démontre pas les bienfaits de la « liberté bancaire » et de la concurrence, mais plutôt la volonté pour les négociants normands de disposer d’un monopole d’escompte et d’émission. Surtout, l’auteur s’intéresse à la création en 1797-1798 de la « Banque de Rouen », qui deviendra à partir de 1803 un « comptoir d’escompte » de la Banque de France : Guillaume Foutrier explique, à rebours de l’historiographie, combien la caisse de 1791 a permis de jeter les bases de cette institution et montre que le rôle des caisses patriotiques et des billets de confiance a été tout sauf éphémère dans l’histoire de la constitution du réseau bancaire français au xix^e siècle.