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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral I. Guerre et économie : la politique prohibitionniste des années 1792‑1793 II. La vigueur des réactions négociantes face aux prohibitions : négoce et loi III. La production de luxe française, fer de lance des exportations du Gouvernement révolutionnaire IV. La captation des biens des émigrés et condamnés à fin d’exportation, ou la valorisation du luxe national V. Conclusion : Commission des approvisionnements versus Commission temporaire des arts Annexe Notes de bas de page Auteur

    Les dynamiques économiques de la Révolution française

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    Table des matières

    Faire face à l’adversité : biens de luxe contre denrées de nécessité sous la Terreur ou les atouts du luxe en temps de crise

    Natacha Coquery

    p. 257-280

    Texte intégral I. Guerre et économie : la politique prohibitionniste des années 1792‑1793 II. La vigueur des réactions négociantes face aux prohibitions : négoce et loi III. La production de luxe française, fer de lance des exportations du Gouvernement révolutionnaire IV. La captation des biens des émigrés et condamnés à fin d’exportation, ou la valorisation du luxe national V. Conclusion : Commission des approvisionnements versus Commission temporaire des arts Annexe Document 1. La politique prohibitionniste des années 1791‑1794 (principales mesures, hors politique douanière) 1791 1792 1793 1794 Document 2. La reprise en main du commerce extérieur par le Comité de salut public et la politique d’encouragement aux exportations d’art et de luxe 1793 1794 Document 3. La récupération des biens des émigrés et condamnés pour servir de moyen de paiement aux importations 1794 1795 Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1En historienne de la consommation, nous nous intéressons au devenir du marché du luxe sous la Révolution à partir des lieux, des objets et des acteurs qui l’animent – politiques, entrepreneurs et consommateurs. L’objectif est de questionner les interdépendances et les tensions entre politique, économie et société en temps de crise, d’où l’intérêt d’observer le moment d’économie dirigée des années 1792-1795. Une des questions clés est de saisir comment la Révolution a raffermi un luxe qu’on aurait pu croire révolu ou entravé. Lors du colloque « Paris et ses peuples » organisé par Pascal Bastien et Simon Macdonald en mai 2017, nous avions observé le processus de partage entre biens de luxe et biens de nécessité enclenché dans les années 1793-1794, et les inflexions législatives dues aux réactions populaires et négociantes1. La pensée et la politique des révolutionnaires sont empreintes d’hésitations, voire de contradictions, dont se font l’écho les débats à la Convention sur la liberté du commerce et les prohibitions. Nous avions conclu sur l’importance des interactions entre politiques, consommateurs et marchands, et sur la malléabilité des frontières entre luxe et nécessité. Cette dernière s’explique en partie par les habitudes d’une société marquée par la culture de consommation2. Nous aimerions poursuivre la réflexion sur le tandem biens de luxe/produits de première nécessité à partir du point de vue des échanges commerciaux internationaux avec, pour matériau de base, les textes législatifs, les procès-verbaux du Comité de commerce et les autorisations d’exportations conservées aux Archives nationales3. Il s’agit de comprendre comment s’est nouée, dans les échanges internationaux, l’articulation entre luxe et nécessité ; autrement dit, comment ont joué les rapports entre politique prohibitionniste, libéralisme économique, contexte de guerre et de pénurie, législation anti-émigrés, pour transformer le luxe, considéré comme un superflu contre-révolutionnaire, en mesure de salut public. Nous avons laissé de côté plusieurs aspects du problème (la question monétaire, la politique extérieure et douanière, le négoce maritime) pour nous focaliser sur le rôle des biens de luxe dans la politique économique menée en 1793-1795. Nous envisageons quatre étapes pour appréhender le sujet : d’abord, rappeler l’arsenal prohibitif des années 1792-1793 et l’asphyxie qui en découle ; ensuite, observer les réactions du monde négociant, puis le rétablissement des échanges avec l’encouragement des exportations de luxe pour régler la facture ; enfin, l’aboutissement de cette politique avec la mainmise sur les biens des émigrés et condamnés.

    I. Guerre et économie : la politique prohibitionniste des années 1792‑1793

    2La situation est connue, aussi nous en tiendrons-nous au rappel du contexte et des principales mesures qui ont dicté la mise en œuvre de la politique prohibitionniste (voir doc. 1). Pour reprendre les propos de Jean-Charles Asselain, ce sont les nécessités de la guerre qui les commandent, et leur emprise sur les politiques économiques est bien plus directe que celle des principes de 17894.

    3Les lois prohibitives ont commencé dès août 1789 pour les céréales et les farines ; leur fréquence augmente au début de 1792, explose à partir de février 1793 avec la déclaration de guerre contre l’Angleterre et la mise en place de la coalition anti-française, avant de se systématiser en conséquence des difficultés du printemps suivant (lutte contre les Girondins, guerre de Vendée, défection de Dumouriez, invasion). François Hincker et Dominique Margairaz ont montré comment, dans le contexte de crise paroxystique de l’été 1793, dominé par la guerre (qui va absorber la moitié du budget de l’État jusqu’en 1795), et dans une société où la hantise de la disette reste vivace, les Enragés ont exigé la taxation et l’embargo pour faire cesser les exportations des denrées et matières premières jugées indispensables, et tout envoi de fonds à l’étranger5. Ce choix s’est fait en dépit du courant libéral privilégié par la classe politique, dont témoignent, au même moment, les lois sur la suppression des barrières ou la liberté de circulation à l’intérieur du royaume. Le décret sur les subsistances du 8 décembre 1792 est emblématique de cette politique commerciale contrastée, comme l’illustrent deux de ses articles : l’article 1er, qui interdit, sous peine de mort et de confiscation, « l’exportation hors du territoire de la République, de toute espèce de grains, farines et légumes secs », et l’article 4, qui garantit « la liberté la plus entière » pour « le commerce des grains, farines et légumes secs, par tout le territoire de la République », tandis que « les lois relatives à la libre circulation dans l’intérieur de la République continueront d’être exécutées ».

    4Comme en attestent les débats parlementaires des 1er mars et 9 octobre 1793, la politique prohibitive visait tout à la fois à faire face au risque de pénurie et aux besoins de l’armée, à « favoriser et encourager la main-d’œuvre nationale6 », et à nuire au commerce anglais. Georges Lefebvre l’a souligné, c’était une arme à double tranchant difficile à manier, étant donné les besoins exigés par la guerre et la nécessité de fournir du fret de retour aux navires neutres7. S’y glissait aussi le rejet idéologique du luxe. C’est ce qu’exprime à sa manière le député Charles Barbaroux dans un court passage de son rapport du 23 mars, De l’influence de la guerre maritime sur le commerce et l’organisation des travaux publics. Conscient du poids de l’industrie de luxe parisienne dans l’économie nationale et les échanges extérieurs, le Marseillais en déplore la disparition :

    « Paris avait un commerce de luxe considérable ; il a totalement disparu. On comptait dans son sein 15 000 ouvriers employés à des ouvrages d’orfèvrerie : cette source de travail est tarie. D’autres trouveront que c’est un bien, parce que, dans leur système, il faut bannir des républiques le luxe et les arts ; pour moi, je verrai toujours un grand mal dans une réforme qui laisserait en France cinq millions d’hommes sans pain. […] Loin donc de désirer que Paris perde à jamais ses manufactures brillantes, ses arts et son commerce de luxe, qui rendaient l’étranger tributaire de notre goût, je dis que nous devons encourager tous les genres d’industrie. Autrefois, c’était la cour qui entretenait l’abondance dans Paris ; il faut aujourd’hui que ce soit la mer, les canaux et le travail8. »

    5De cette gageure – soutenir une politique prohibitive en période de pénurie – résultent les décrets interprétatifs et les exemptions. Les ajustements, notables dès la fin de l’automne 1793, traduisent l’évolution de la politique économique, qui aboutit au rétablissement des échanges internationaux, voire à leur encouragement forcé. Or, toute l’impulsion ne vint pas d’en haut ; la pression négociante fut un puissant aiguillon du changement d’orientation.

    II. La vigueur des réactions négociantes face aux prohibitions : négoce et loi

    6Tant les procès-verbaux du Comité de commerce que les débats à l’Assemblée nationale rendent compte des réactions négociantes aux lois prohibitives. Les réclamations sont de plusieurs ordres : demandes d’exception ou d’exemption, de permission provisoire, de modification de la loi ; sollicitations devant le blocage ou la saisie de marchandises ; interrogations sur le statut d’un produit suite à la succession de lois dissemblables, voire contradictoires (15 août et 29 septembre 1793, 3 et 29 septembre 1793, etc.). La lecture en séance des rapports préparés par les membres du Comité et des projets de décret rectificatif suscités par les pétitions est passionnante à étudier car elle donne à voir, à travers l’exposé des motifs et les discussions qui s’ensuivent, les arguments ou les attitudes des différents acteurs : fabricants, ouvriers, négociants, capitaines de navires, agents des douanes, autorités départementales, habitants de tel canton ou ville, ministres des Contributions publiques, de l’Intérieur, de la Justice et, bien sûr, les membres du Comité. Les demandes les plus fréquentes concernent les vins fins et les étoffes de luxe (rubans, gazes, batistes, linons, soieries, etc., car seule la soie peut être exportée) ; s’y ajoutent les papiers peints, les vinaigres cosmétiques, des comestibles (beurre, fruits, légumes), les stocks de marchandises anglaises… Voici, parmi beaucoup d’autres, deux réactions concernant le vin – l’une provient de Champagne, l’autre de Bourgogne –, qui cherchent à excepter les vins fins de la prohibition instaurée le 1er mars 1793, et amplifiée le 15 août 1793 suite au décret du 26 juillet contre les accapareurs. Des négociants de Reims, soutenus par le département de la Marne, s’adressent au Comité dès le 12 mars, puis à nouveau le 24 août 1793 pour demander « que les vins fins soient exceptés de la loi du 15 août qui prohibe l’exportation de toutes sortes de vins9 ». Les négociants de Beaune déplorent, le 27 juillet 1793, les obstacles mis à « l’exportation de leurs vins expédiés pour la Flandre autrichienne ; ils prient la Convention d’autoriser le libre transport à l’étranger d’une marchandise dont la sortie, loin d’être funeste à la République, lui fournit des moyens d’échange avantageux au commerce10 ». L’argument de l’utilité est repris par François-Toussaint Villers, représentant d’une des plus importantes villes portuaires (Nantes), dans un rapport présenté au Comité le 22 août sur les demandes des marchands de vin, de papiers peints et de vinaigre cosmétique. Le député du département de la Loire-Inférieure met l’accent sur l’intérêt de l’échange, tant pour l’emploi que pour l’importation de subsistances, dont manque cruellement la République :

    « Le rapporteur [Villers] observe que les exportations tendant à faciliter les relations commerciales, à multiplier les ressources d’échanges qui peuvent tourner à l’avantage de la République, doivent principalement fixer l’attention du Comité. Les papiers à tenture peints ne doivent pas, à raison de la main-d’œuvre qu’ils reçoivent dans les fabriques de France, être considérés comme matières premières. Empêcher leur exportation, ce serait ôter à de nombreuses familles des moyens de subsistance et priver la République d’une branche de commerce bien intéressante avec les États-Unis de l’Amérique, pour la destination desquels plusieurs bâtiments sont en charge et dont le retour peut procurer à la France des objets dont elle ne peut se passer. Les exportations de vins fins peuvent également être utiles à la République, mais […] les vins dans le cas de l’exception ne pourraient être expédiés que par des vaisseaux qui auraient apporté dans nos ports des subsistances et autres objets de consommation […]. Vos Comités ont pensé que vous pouviez accueillir quelques-unes de ces réclamations sans nuire au but que vous vous êtes proposé par le décret du 26 juillet et du 15 août dernier11. »

    7Le décret rectificatif fut adopté par la Convention le 3 septembre ; il exclut de la prohibition d’exportation des vins, vinaigres et papiers « les vins en bouteilles, les vinaigres cosmétiques, [et] les papiers-marbrés, peints ou veloutés, servans à tentures ».

    8Au même moment, les pétitions de capitaines ou négociants américains sont explicites sur les termes de l’échange commercial qu’ils ont organisé sous pavillon neutre, à savoir des importations de produits de première nécessité contre des exportations de denrées de luxe. Rappelons rapidement la chronologie, liée à la loi du 15 août 1793. Le 22 août, admise à la Convention, une députation d’Américains demande l’annulation du décret :

    « Les capitaines de vaisseaux des États-Unis d’Amérique, qui ont bravé tout pour apporter dans les ports de la République, des blés, les farines, des riz, des sucres, des cafés et des tabacs, se plaignent, dans une pétition, du décret qui prohibe la sortie de France de presque toutes les denrées, décret qui est contraire aux traités et aux relations commerciales de la République avec les États-Unis, en ce qu’il prive les négociants américains du droit d’échanger les marchandises qu’ils apportent dans nos ports, contre les denrées que produit notre sol12. »

    9L’Assemblée renvoie l’affaire au Comité de commerce qui, le 24 août, attribue le rapport à Villers. Le député le présente au Comité deux jours plus tard, puis à la Convention le 31, assorti d’un projet de décret ; mis en discussion le 1er septembre, le texte est finalement adopté le 3 dans le sens préconisé par les doléances américaines :

    « Art. Ier. Les marchandises dont la sortie est défendue par le décret du 15 du mois dernier, et qui ont été chargées, ou destinées à l’être, sur bâtimens neutres, avant sa promulgation, comme il sera constaté par les déclarations reçues, suivront leur destination. […]

    III. Les décrets qui établissent des prohibitions à la sortie ne sont point applicables aux expéditions pour les colonies françaises d’Amérique, ni pour les îles de France et de La Réunion, à la charge d’en assurer la destination par acquit à caution.

    IV. Les capitaines des bâtimens neutres qui auront importé en France des subsistances et des matières premières, pourront prendre, en retour, indépendamment des objets dont la prohibition n’a pas été décrétée, des vins, vinaigres, liqueurs, eaux-de-vie, prunes, sucres-têtes terrés ou raffinés, le sel et le miel en barril, sans qu’il puisse être exporté une plus grande quantité de tonneaux que celle qui aura été importée ; ce qui sera réglé suivant l’usage ordinaire du commerce. Les capitaines de vaisseaux des États-Unis d’Amérique, qui ont bravé tout pour apporter dans les ports de la République, des blés, les farines, des riz, des sucres, des cafés et des tabacs, se plaignent, dans une pétition, du décret qui prohibe la sortie de France de presque toutes les denrées, décret qui est contraire aux traités et aux relations commerciales de la République avec les États-Unis, en ce qu’il prive les négociants américains du droit d’échanger les marchandises qu’ils apportent dans nos ports, contre les denrées que produit notre sol. Renvoyé au Comité de commerce13. »

    10Nous ne nous étendons pas sur les déboires de l’article 1er, rapporté le 11 septembre, revoté le 6 octobre, supprimé le 3 novembre, qui expliquent la reprise des plaintes américaines. Le 28 novembre, des mémoires de négociants de Baltimore et de Philadelphie (dont le bien connu James Swan14) sont présentés au Comité de commerce afin de les autoriser à exporter « des objets de luxe fabriqués en France, en échange de leurs blés15 » :

    « Ce citoyen [Maccary, négociant à Baltimore], qui a fait venir en France des denrées de première nécessité, demande que, pour lui tenir lieu de prix de ces denrées, son correspondant de Nantes soit autorisé à expédier pour Baltimore des objets de luxe dont l’exportation ne lui paraît défendue par aucune loi, et que l’opposition faite à la sortie de ces objets par la Régie des douanes soit levée16. […] Ces citoyens [Dallarne, Swann et Cie], qui espéraient emporter à Philadelphie des objets de luxe fabriqués en France, en échange de leurs blés, tels que souliers de femme, gilets brodés, soieries, gants, etc., n’ont pu parvenir à ce but, à cause de l’opposition qui a été faite à l’exportation de ces objets, en exécution des lois qui prohibent la sortie des soieries ; ils demandent que cette opposition soit levée et qu’il leur soit permis d’embarquer au Havre, pour Philadelphie et Boston, les objets de luxe énoncés dans leur pétition17. »

    11Les pétitions de marchands deviennent si nombreuses à la fin de l’été et à l’automne 1793 que le 2 décembre, Nicolas Haussmann, député de Seine-et-Oise (ex-marchand de toiles à Versailles), présente un rapport et un projet de décret visant à « permettre l’exportation par terre et par mer de plusieurs marchandises de luxe18 ». La situation politique très tendue va bouleverser la politique prohibitionniste des années 1790-1793 et servir les intérêts marchands.

    III. La production de luxe française, fer de lance des exportations du Gouvernement révolutionnaire

    12Le 10 octobre 1793, la Convention a proclamé le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix et, dès le 22, créé la Commission des subsistances (voir doc. 2). La centralisation politique et économique atteint alors son apogée : ministres, généraux, corps constitués, représentants en mission sont placés sous la surveillance du Comité de salut public qui gouverne par arrêtés. Au tournant de l’année 1793-1794, avec une accélération au printemps 1794 qui correspond à des tensions extrêmes à l’intérieur (menaces de famine) et à l’extérieur (revers militaires), le Comité de salut public multiplie les mesures pour régenter le commerce extérieur. Les arrêtés des 18 et 30 novembre 1793 institutionnalisent le monopole d’État en matière de ventes et d’achats à l’étranger, un monopole renforcé le 23 mars 1794 : toute demande d’exportation doit être présentée par la Commission des subsistances et approuvée par le Comité de salut public.

    13Le 24 janvier 1794, le Comité de salut public avait demandé au Comité de commerce de réfléchir aux moyens d’encourager les échanges. Sa réponse, lue dans la séance du 14 février, fait le point sur la situation du commerce ; elle est explicite sur l’urgence d’une relance volontariste de l’industrie pour promouvoir les exportations de luxe : « il faut que le commerce puisse exporter les objets de luxe et de superfluité pour les échanger contre les matières premières qui sont nécessaires à nos armées et à nos manufactures » :

    « Pour prévenir les maux dont nous étions menacés, on a rendu les lois contre l’exportation, contre les accaparements ; l’on a fixé un maximum au prix de tous les objets de première nécessité. L’intention du législateur était, en prenant ces mesures révolutionnaires, de mettre un frein à la malveillance de nos ennemis et à la cupidité mercantile ; de maintenir l’abondance, de conserver l’activité de nos manufactures et de ménager à la République des ressources abondantes qui pourraient être utilement employées pour continuer avec vigueur la guerre de la liberté contre la tyrannie. […] Des entraves multipliées empêchent […] l’exportation et l’échange de notre superflu contre les objets qui nous manquent ; […] Que ces branches fécondes de la prospérité […] deviennent pour les législateurs l’objet d’une vive sollicitude. […]. Réunissez les lumières à un centre commun d’où l’on puisse tout voir, tout réprimer et donner une impulsion uniforme. Que l’industrie soit portée à un tel degré d’activité qu’elle puisse pourvoir les armées, alimenter l’intérieur et occuper tous les bras inutiles à la guerre et à l’agriculture. Pour remplir ce but, il faut que le commerce puisse exporter les objets de luxe et de superfluité pour les échanger contre les matières premières qui sont nécessaires à nos armées et à nos manufactures ; que le manufacturier trouve les encouragements et les secours dont il a besoin ; […] mais que le commerçant honnête soit protégé contre la violence et les actes arbitraires […]. Chaque département devrait aussi être tenu de fournir des états aussi exacts que possible de ses productions, de ses approvisionnements, de ses manufactures, usines, mines et autres objets d’industrie […]. Ces renseignements précieux et qui nous manquent feraient naître quantité de travaux utiles aux mœurs, à l’industrie et à la prospérité publique. Nous pourrons alors nous passer des manufactures étrangères, échanger notre superflu contre les matières premières ou contre les denrées qui nous manquent ou dont la guerre aurait augmenté la consommation19. »

    14La conclusion est sans appel – « Liberté, protection et encouragement au commerce » – et le changement de perspective, spectaculaire. L’échange des produits de luxe contre des denrées de première nécessité devient une priorité, et la liberté d’exporter les biens de luxe est décrétée le 11 mars 1794, une liberté contrôlée par le système de la permission préalable et de l’acquit à caution :

    « La Convention nationale, voulant faire jouir les nations alliées ou neutres de tous les avantages de la réciprocité des échanges et du commerce, et ouvrir les véritables sources de la prospérité publique, aux peuples et aux gouvernemens qui n’ont pris et ne prendront aucune part à la coalition des tyrans contre la souveraineté du peuple français ; Décrète qu’il est permis à tous Français, à tous étrangers des nations alliées ou neutres d’exporter des productions, matières et marchandises surabondantes et superflues, les productions territoriales, dont la quantité excède évidemment les besoins, ainsi que celles des arts et du luxe, en se conformant aux dispositions réglementaires que la Commission des subsistances et approvisionnemens présentera à l’approbation du Comité de salut public20. »

    15Les débats à l’Assemblée et au Comité de commerce révèlent la profondeur du processus de réhabilitation en cours. S’ensuit une série de mesures dont l’objet est de développer la production manufacturière, avec pour corollaire la valorisation du luxe et de ses acteurs, en particulier « le commerçant honnête […] artisan utile de la fortune publique21 ». Même les galons d’or et d’argent de Commune-Affranchie (Lyon) retrouvent grâce aux yeux des autorités, au prix de quelques contorsions rhétoriques :

    « Il faut se former une idée juste du luxe. […] quand on le considère du côté politique, on s’aperçoit qu’il tient au progrès des arts, des manufactures et du commerce. Les arts, même les arts de luxe, conviennent mieux peut-être aux républiques qu’aux monarchies, parce que la misère du peuple, dans un état despotique, est souvent insuffisante pour réveiller son industrie ; […]. Ce n’est pas pour se créer de nouveaux besoins qu’une nation libre doit s’occuper des arts de luxe, c’est pour satisfaire à son profit les passions de celles qui l’entourent. […]

    Nous pensons donc qu’il faut comprendre au nombre des fabriques qu’on va rétablir dans cette commune celles de galons d’or et d’argent et que tout genre de commerce doit y être libre22. »

    16L’arrêté du 23 mars 1794 recense les objets exportables, sans autorisation particulière ou avec permissions de la Commission des subsistances visées par le Comité de salut public. On y retrouve toutes ces denrées que les négociants réclamaient à cor et à cri de pouvoir exporter : à la rubrique « Manufactures », les batistes, linons, gazes, rubans, dentelles, rubanneries de soie, « étoffes de coton communes », « soyeries de toutes espèces », « étoffes riches », mais aussi les porcelaines, les chapeaux ou les « instrumens de mathématiques et propres aux sciences » ; à celle des « Comestibles et produits de l’agriculture », les « vins de toutes espèces », les « denrées coloniales (sucre, café, cacao) », le miel, l’eau-de-vie, les « herbes à teintures », etc. ; les « Objets de luxe » les plus divers, bijouterie, diamants et bijoux précieux, corail œuvré, eaux spiritueuses, estampes, éventails, fleurs artificielles, horlogerie, « modes de toutes espèces », meubles, papiers peints, parasols, parfumerie, pommades et essences, instruments de musique, etc. ; enfin, les « Articles des Indes », mousselines fines, « tous les articles de la Chine », poivre, drogues et drogueries23, etc.

    17Les permissions d’exporter les produits de luxe et les arrêtés qui les autorisent témoignent à l’envi de la réactivité négociante face à l’ouverture commerciale amorcée en novembre 1793, malgré les démarches administratives, malgré les délais imputables aux éventuels blocages à la douane et aux refus, toujours possibles. Se succèdent en effet la demande d’autorisation, le rapport de la Commission des subsistances, parfois celui d’un ministre (Marine, Affaires étrangères) ou de l’administrateur du district concerné, l’autorisation du Conseil exécutif provisoire soumise à l’approbation du Comité de salut public (étape qui disparaît après la suppression dudit Conseil le 12 germinal an II), enfin, l’arrêté du Comité24. Un perruquier demande à exporter une boîte de trois perruques pour un négociant d’Amsterdam ; un négociant, des marchandises de mercerie et parfumerie pour Bâle ; un négociant parisien, quatre caisses d’éventails de sa fabrication pour Genève ; deux négociants de Dunkerque, des marchandises anglaises, « Sellerie de luxe tant pour homme que pour femme, couteaux, outils d’Orfevrie [sic], robinets, verroux, serrures, canifs, ciseaux, hameçons, pots de fer blanc peints et autres objets de Clincaillerie de luxe25 » ; deux marchands de modes parisiens, des « Robes de satin, fourures, rubans, modes, taffetas, fleurs artificielles, Plumes de fantaisies, joujoux, etc. […], une caisse contenant manchons, boucles d’oreilles en perles fausses, coliers [sic] et panaches26 ». Le cas échéant, les négociants explicitent le marché en cours et précisent ce qu’ils désirent exporter en échange des produits de première nécessité livrés à la République : du café (valeur de 20 656 livres) contre des planches en sapin pour un négociant de « Christiannia » (Oslo) ; 200 000 livres de « marchandises de luxe » contre la même valeur en « denrées ou matières de première nécessité » ; des citrons contre du sucre, etc. Certains révèlent les tracas subis, comme cette caisse « arrêtée à Bourgfeld27 », signalée dans un rapport de la Commission des subsistances, ou cette poudre prohibée parmi les autres marchandises de parfumerie autorisées (pommades, rouge et eaux de senteur), car « l’exportation si elle etoit permise favoriseroit les intentions perfides des malveillans qui pouroient dénaturer les farines pour les convertir en poudre28 ».

    18Dans le contexte de crise exacerbée du printemps 1794, les incitations à produire et à commercer, insuffisantes, aboutissent à une politique de réquisitions. Ce n’est pas une pratique nouvelle, loin de là, mais elle concernait jusqu’alors les denrées de première nécessité. Or l’arrêté du 13 mars 1794 relatif aux réquisitions vise les biens de luxe, utilisés directement comme moyen de paiement pour régler les importations.

    « [Le Comité de salut public,] considérant que pour encourager l’agriculture, donner de l’activité aux manufactures, et effectuer sans détriment pour la République le payement des denrées de première nécessité importées de l’Étranger, il convient de presser l’exportation de celles surabondantes et de marchandises de luxe ; et de forcer par une réquisition le commerce à mettre tous ses ressorts en mouvement pour l’utilité générale, arrête ce qui suit :

    Art. 1 : Le commerce de Bordeaux, habitué à faire des exportations, est requis en masse de fournir vingt millions de traites sur l’Étranger […], et il est autorisé à vendre à l’Étranger et à exporter pour pareille somme de marchandises […].

    Art. 7 : Toutes marchandises fabriquées dans la République et qui ne seront pas de première nécessité pour les armées et les citoyens, jouiront d’une libre exportation chez l’Étranger, à la charge par les expéditeurs, de prendre un acquis à caution, qui sera déposé dans les bureaux des douanes nationales aux frontières, fera mention de leur domicile, département, district et de leurs soumissions à fournir dans huit mois, à compter du jour de leurs expéditions, les deux tiers du montant de la vente des articles exportés ; en papier sur l’étranger, ou d’importer dans la République cette valeur en articles de première nécessité29. »

    19L’arrêté du 1er mai 1794 sur la régulation des exportations sollicite tous les commerçants, autorisés à exporter des marchandises de luxe en échange d’importations de même valeur en produits de première nécessité :

    « Art. 1 : Tous les commerçants sont autorisés à mettre leur expérience, leur industrie, en activité pour concourir à procurer toutes les denrées et matières dont la République peut avoir besoin et en exporter le superflu des denrées et marchandises de luxe et de manufacture […].

    Art. 3 : Dans tous les cas les Commerçants seront tenus d’importer en denrées ou matières de première nécessité la même valeur de leur exportation ou de la verser dans la trésorerie nationale en traites sur l’étranger qui seront remboursées au même cours ou change qu’elles auront été tirées ou reçües, et dans tous les cas ils fourniront les garanties nécessaires pour assurer l’importation ou le versement30. »

    20Mais ni l’encouragement (actif) pour l’industrie nationale, ni la libéralisation (relative) des échanges, ni même les réquisitions ne vont suffire pour faire face à l’urgence et aux énormes besoins en devises, en matières premières et produits de nécessité suscités par une économie de guerre31. Les réquisitions des biens des émigrés et condamnés vont être une manière inédite de « presser l’exportation » des marchandises de luxe.

    IV. La captation des biens des émigrés et condamnés à fin d’exportation, ou la valorisation du luxe national

    21La mise à disposition des meubles et effets précieux des émigrés au bon vouloir de la Commission des subsistances et approvisionnements est concomitante des mesures prises pour favoriser l’exportation des produits de luxe au printemps 1794. Nous ne pouvons ici rappeler la législation à l’égard des émigrés, qui commença dès novembre 1790 et connut elle aussi des durcissements au gré des événements (voir doc. 3). Sa connaissance est toutefois indispensable pour comprendre pourquoi, en 1794, la République regorgeait d’objets précieux séquestrés, à ne plus savoir qu’en faire. Cette richesse mobilière extraordinaire, que nous étudions grâce aux inventaires et états de réquisition de la sous-série O/2, posait d’insolubles problèmes de surveillance et de rangement à ceux qui en avaient la charge, dont témoigne l’abondante correspondance conservée. Et ce, malgré les décrets des 2 septembre et 24 octobre 1792 et du 10 juin 1793 qui autorisaient les ventes « sans délai ». Avec la loi du 10 juin 1793, la volonté d’« accélérer les ventes » (art. 11) est nette ; elle s’explique par les frais de garde, les vols, la malversation, l’incompétence et la détérioration des biens. Seule la vente est alors envisagée – les conditions en sont connues grâce au décret du 24 avril 1793 pris à la suite des dilapidations des huissiers-priseurs –, à l’exception des ouvrages d’orfèvrerie, cuivres et bronzes non précieux, qui seront « portés à la monnaie pour y être convertis en espèces » (art. 19), et à l’exception notable « des monumens d’art ainsi que des meubles meublans qu’il est nécessaire de conserver pour le palais national et autres établissemens publics » (art. 32). Il faut entendre par là « l’usage de la Convention nationale, de ses comités, et du lieu des séances du conseil exécutif provisoire » (art. 34), ce dont lesdites administrations ne se privèrent pas. Il est aussi précisé que « tous les effets mobiliers provenant des biens nationaux, de la liste civile ou des émigrés, vendus postérieurement à la promulgation de la présente loi, pourront être exportés à l’étranger, en exemption de tous droits de sortie » (art. 41). Notons enfin que le décret du 3 août 1793 met à la disposition du ministre de l’Intérieur « les matelas, paillasses, sommiers, lits et traversins qui se trouvent au garde-meuble & dans les maisons nationales, et des émigrés ».

    22La première mention de l’utilisation de biens d’émigrés pour payer l’importation de denrées de première nécessité apparaît dans le décret du 1er mars 1794 relatif aux diamants, perles et pierres précieuses :

    « Art. 9 : Les diamans, perles et pierres précieuses, qui seront déposés à la trésorerie nationale, ne pourront en sortir qu’en vertu d’un décret du corps législatif, ou d’un arrêté du Comité de salut public, et seulement pour l’échange ou la solde des denrées ou marchandises de première nécessité, tirées de l’étranger.

    Art. 12 : Il sera dressé un procès-verbal particulier de l’estimation des diamans, perles et effets précieux provenant des Émigrés, en y indiquant le nom du ci-devant propriétaire de chaque objet ; le montant de leur estimation sera déposé en assignats dans la serre du produit des biens des Émigrés. Les Commissaires de la trésorerie nationale en enverront un double à la régie de l’enregistrement, afin qu’elle puisse en porter le montant à l’actif du compte de l’Émigré auquel ils ont appartenu.

    Art. 16 : Ces objets ne pourront sortir de la Caisse à trois clefs, que sur le pied de leur estimation et d’après un arrêté du Comité de salut public et seulement pour servir à l’échange et aux soldes des denrées et marchandises de première nécessité32. »

    23La mesure fondamentale en la matière est l’arrêté du 23 mars 1794 sur la mise à disposition des biens des émigrés et condamnés, qui autorise la Commission des subsistances à disposer « de tous les meubles et effets précieux qu’elle jugera de nature à être exportés avec avantage33 ».

    24Une lettre de la Commission des revenus nationaux du 25 janvier 1795 rappelle sans équivoque l’objectif de l’arrêté, qui consistait à « mettre en réserve les objets précieux qui peuvent être employés dans nos échanges commerciaux avec l’Étranger, et être exportés avec avantage ». Elle classe les biens des émigrés en trois catégories : le luxe pour l’exportation, l’art pour les musées, le commun pour le marché intérieur. Les marchandises convoitées sont énumérées (« glaces de grande et moyenne dimensions ; meubles riches ; ébénisteries en bois rare ; chandeliers ; bras ; girandoles ; flambeaux ; lustres ; pendules ; bronzes ; marbres ; porcelaines ; soiries et autres ornemens »), « le tout dans le genre le plus frais, le plus agréable, le mieux conservé, qui ait un certain prix, et qui soit d’un transport facile34 », à l’exception des « objets rares, précieux, qui intéressent les Sciences, les Arts, qui peuvent servir aux progrès de l’Instruction publique ». Le reste, soit « les objets communs, d’un prix médiocre, d’un goût antique ou peu propres à être vendus avec avantage chez l’Étranger », doit être retiré des réserves pour être écoulé.

    25À partir du 23 mars 1794, la digue est donc levée : les arrêtés organisant l’exportation des biens des émigrés se succèdent durant près d’un an (voir doc. 3), avant que ne soit suspendue la vente du mobilier des émigrés et condamnés (mars 1795) puis engagée la procédure de restitution des biens (3 mai 1795).

    V. Conclusion : Commission des approvisionnements versus Commission temporaire des arts

    26Dès le 28 février 1794, la Convention avait décrété que le Comité de salut public devait prendre « toutes les mesures convenables pour empêcher l’exportation des objets qui peuvent intéresser les arts et enrichir le Muséum national35 ». Dix jours plus tard, le Comité ordonna au Conseil exécutif provisoire de prendre les mesures idoines. Celui-ci rendit un rapport tempéré par la crainte d’« anéantir une des principales branches de notre commerce36 », et soumit un projet d’arrêté au Comité de salut public qui distinguait entre ouvrages d’art rares et de prix, et les autres, à charge pour les directeurs des institutions concernées d’en faire le tri :

    « Lecture faite de l’arrêté du Comité de salut public du 20 ventôse portant qu’il sera donné des ordres pour empecher toute exportation de livres, tableaux, et autres ouvrages qui tiennent au perfectionnement des arts, au complement du muséum et de la Bibliothèque nationale.

    Le Conseil arrête que toutes les demandes qui lui seront presentées à l’effet d’autoriser l’envoi à l’Étranger des livres, manuscrits, tableaux, cartes, gravures, medailles et généralement tous ouvrages qui tiennent aux arts, seront renvoyés tant au Directeur de la Bibliothèque nationale qu’au conservatoire du museum qui jugeront du mérite des objets dont l’exportation sera demandée et feront leur rapport au Conseil de ceux dont la sortie peut être permise et de ceux qu’il est interressant de conserver.37 »

    27Malgré les garde-fous envisagés38, les ventes s’envolèrent, accélérées par la volonté politique, voire démagogique, de se débarrasser des biens d’une aristocratie honnie, onéreux à conserver (du fait des salaires des employés et de l’entretien des locaux). Mais l’exportation des objets confisqués était surtout un moyen de faire face aux besoins en denrées et matières de première nécessité sans échange monétaire, qui convenait à la fois aux politiques et aux négociants. La frénésie exportatrice des biens meubles d’émigrés et de condamnés, qui dura jusqu’au printemps 1795 (date à laquelle sont supprimées les réquisitions pour les échanges avec l’étranger), se doublait de l’activité tout aussi fébrile des salles de ventes, concurrente et plus durable car favorisée par les pouvoirs publics dans le but de liquider les énormes dépôts accumulés et faire face au lancinant problème des approvisionnements. Le processus mit à vif la tension qui courait depuis les débuts de la Révolution entre destruction et préservation – tension dont rendent compte les archives des Comités d’instruction publique, de la Commission des monuments et de la Commission temporaire des arts39. Le Rapport relatif aux pertes qui résultent pour la République des achats que font les étrangers d’objets précieux, envoyé en 1794 par la Commission temporaire des arts au Comité d’instruction publique, exprime une prise de conscience aiguë de la dilapidation des trésors de la nation. Pour sauver les collections « qui ont appartenu aux émigrés ou aux conspirateurs », devenues la proie des « coupables agens des étrangers et […] spéculateurs avides », les auteurs en appellent au Comité de salut public, « qui sauvera encore une fois la Patrie en sauvant les arts, les vrais appuis de notre liberté », grâce à la création d’un fonds destiné à l’acquisition des objets d’art et de science :

    « Lorsque ces collections si précieuses pour l’enseignement et les progrès des arts, sont devenues l’ornement des communes au sein des quelles on les admire ; lorsqu’elles offrent depuis longtemps au public une source habituelle d’instruction et de lumieres, ne seroit-ce pas lui faire un tort réel que de l’en priver ? […] Et comment seroit il permis à qui que ce soit de dénaturer ou de distraire ce que l’instruction publique réclame, ce dont le peuple a besoin. Les collections ou les morceaux qui réunissent ces qualités doivent donc être acquis par la nation40. »

    28Ce fonds ne vit jamais le jour. Le 7 juin 1795, un arrêté du Comité d’agriculture et des arts prévoit la vente des marchandises des manufactures des Gobelins et de la Savonnerie ; le 31 juillet, un décret ordonne le versement à la Monnaie de tous les effets en or, vermeil, argent, galons ou tissus fins qui restent encore déposés à la Trésorerie nationale ou dans les magasins nationaux, tandis que les argenteries ou vaisselles d’argent, les diamants et bijoux de toute nature seront vendus ou mis en loterie. Les dépenses de guerre ont ainsi persisté en l’an III, et au-delà, à passer avant celles des arts.

    Annexe

    Document 1. La politique prohibitionniste des années 1791‑1794 (principales mesures, hors politique douanière)

    1791

     — 8 juillet : défense d’exporter armes, munitions de guerre, matières d’or et d’argent en lingot, espèces monnoyées qui ont cours en France.

     — 31 décembre : orges, avoines, grenailles, légumes & fourrages.

    1792

     — 4 janvier : céréales, légumes, fourrages, bestiaux (ports et zones frontalières).

     — 24 février : matières premières servant aux fabriques nationales.

     — 14 mai : munitions de bouche ou de guerre.

     — 16 mai : bestiaux (frontières nord et est).

     — 8 puis 12 juin : bestiaux et munitions de bouche.

     — 8 juillet : armes, munitions de guerre, matières d’or et d’argent en lingot, espèces monnayées ayant cours en France.

     — 5 septembre : matières d’or et d’argent, soit en lingots ou ouvrages, soit en monnaie.

     — 12 septembre : bestiaux et autres munitions de bouche ou de guerre (côtes maritimes).

     — 15 septembre : matières d’or ou d’argent, monnoyées ou non, vaisselles d’or et d’argent, vases servant au culte.

     — 8 décembre : grains, farines, légumes secs.

    1793

     — 1er mars : défense d’importer des produits manufacturés des pays contre lesquels la République est en guerre, étoffes de velours, coton, laine, boutons, etc. ; défense d’exporter les produits de première nécessité, bestiaux, fourrages, comestibles, beurre, cuirs, lièges, regrets (boues de cendre des orfèvres).

     — 3 avril : défense d’exporter des chiffons.

     — 11 avril : numéraire, matières or et argent, orfèvrerie.

     — 19 mai : métaux et matières premières textiles.

     — 15 août : produits de première nécessité (lié au décret du 26 juillet contre les accapareurs).

     — 29 septembre : produits de première nécessité (décret du maximum général).

     — 9 octobre : défense d’importer toute marchandise fabriquée ou manufacturée en Angleterre, Écosse, Irlande, et dans tous les pays soumis au gouvernement britannique.

    1794

     — 28 février : défense d’exporter les objets d’art (dévolus au Muséum).

    Document 2. La reprise en main du commerce extérieur par le Comité de salut public et la politique d’encouragement aux exportations d’art et de luxe

    1793

     — 18 novembre (28 brumaire an II) : arrêté du Comité de salut public relatif à l’autorisation préalable pour tout achat ou expédition en pays étranger.

     — 30 novembre (10 frimaire) : arrêté du Comité de salut public relatif à l’autorisation préalable du Conseil exécutif provisoire, approuvée par le Comité de salut public, pour toute sortie de marchandise de la République.

     — 26 décembre (6 nivôse) : arrêté du Comité de salut public relatif à la mise en réquisition de l’industrie et des ressources de tous les banquiers, capitalistes et agents de change.

    1794

     — 24 janvier (5 pluviôse) : lettre du Comité de salut public au Comité de commerce pour qu’il soit fait un travail sur l’établissement des manufactures, le commerce, l’industrie, les mines, minières, fabriques, usines, et sur tout ce qui a rapport au commerce.

     — 3 mars (13 ventôse) : arrêté du Comité de salut public dispensant les citoyens qui font des exportations d’en fournir la valeur en papier sur l’étranger quand ils justifient avoir importé des denrées, ou matières premières.

     — 11 mars (21 ventôse) : décret relatif à l’autorisation d’exporter des productions des arts et du luxe.

     — 13 mars (23 ventôse) : arrêté du Comité de salut public relatif aux réquisitions concernant de grandes places de commerce (Bordeaux, Nantes, Marseille, Sète, Montpellier) et les denrées coloniales, marchandises anglaises, de l’Inde, et à la libre exportation des marchandises, excepté celles de première nécessité.

     — 23 mars (3 germinal) : arrêté du Comité de salut public donnant la liste des objets exportables, avec ou sans permission.

     — 21 avril (2 floréal) : arrêté du Comité de salut public relatif à l’exemption du maximum pour les tissus de luxe.

     — 1er mai (12 floréal) : arrêté du Comité de salut public relatif à l’implication des marchands et à la régulation des exportations.

     — 14 septembre (28 fructidor) : décret chargeant les comités de présenter un rapport sur les moyens à prendre pour vivifier l’agriculture, l’industrie, les arts, les sciences et le commerce.

     — 17 octobre (26 vendémiaire) : décret qui déclare que tout citoyen dont l’industrie tend à vivifier le commerce, mérite bien de la patrie (et est protégé des réquisitions).

     — 15 novembre (25 brumaire) : arrêté de la Commission de commerce et approvisionnements relatif à la liberté d’exportation des produits de luxe parisiens.

    Document 3. La récupération des biens des émigrés et condamnés pour servir de moyen de paiement aux importations

    1794

     — 1er mars (11 ventôse an II) : décret relatif aux diamants, pierreries et bijoux déposés à l’administration des domaines nationaux.

     — 23 mars (3 germinal) : arrêté du Comité de salut public autorisant la Commission des subsistances et approvisionnements à disposer des meubles et effets précieux des émigrés et condamnés, à fin d’échange contre des matières de première nécessité.

     — 8 avril (19 germinal) : arrêté de la Commission des subsistances et approvisionnements désirant faire servir des objets de luxe à augmenter la masse des matières premières.

     — 12 avril (23 germinal) : arrêté du Comité de salut public relatif à la vente des meubles trouvés chez les émigrés : « le dais, les lits et autres meubles précieux qui se trouvent dans les maisons de la cy devant liste civile seront conservés pour faire des échanges avec l’étranger ».

     — 12 mai (23 floréal) : arrêté du Comité de salut public relatif au dépôt des meubles et effets précieux des émigrés et condamnés à fin d’échange pour l’importation de biens de première nécessité ; « [pour] faire réunir dans un même emplacement les meubles, effets précieux et objets provenant des maisons des émigrés et des condamnés, qui sont ou peuvent être destinés à être échangés ou vendus chez l’étranger pour procurer l’importation de denrées et matières de première nécessité ».

     — 17 mai (28 floréal) : arrêté du Comité de salut public autorisant à faire lever les scellés apposés sur les caves et caveaux des émigrés, condamnés, détenus, à fin de recensement.

     — 3 juillet (15 messidor) : arrêté du Comité de salut public sur l’examen des vins des émigrés, en bouteilles et en barriques, à fin d’exportation ou de vente en France ; nomination de quatre commissaires pour « l’examen de tous les vins en bouteilles et en barriques qui se trouvent dans les caves des émigrés et condamnés, dont la qualité et l’espèce seront reconnûes propres à l’exportation ».

     — 12 août (25 thermidor) : arrêté du Comité de salut public relatif au dépôt des meubles et effets précieux appartenant à la nation, destinés à l’exportation.

     — 20 septembre (4e sans-culottide) : arrêté de la Commission du commerce et approvisionnements relatif au choix des objets propres à l’exportation, à extraire du mobilier national ; un adjoint est nommé pour aider au « choix, entretien, emballage et expédition des objets à extraire du mobilier national pour l’exportation […] et […] procéder à l’examen et au choix des objets propres à l’exportation, veiller à leur réunion dans le dépot à ce destiné, les soigner, réparer, emballer, et expédier à leur destination ».

     — 24 octobre (3 brumaire an III) : arrêté de la Commission du commerce et approvisionnements relatif à l’examen des vins qui se trouvent dans les caves des émigrés et condamnés à fin d’exportation ; quatre experts doivent « procéder sans aucun retard, à faire l’examen de tous les vins en bouteilles et en barriques qui se trouvent dans les caves des émigrés et condamnés dont la qualité et l’espèce seront reconnues propres à l’exportation et d’en faire la réunion dans les dépots […] ; faire emballer les bouteilles, réparer les barriques, et mettre le tout en état d’exportation : après en avoir constaté la qualité, la quantité et fait l’estimation avant le déplacement et l’enlèvement ».

    1795

     — 24 février (6 ventôse an III) : décret de la Convention nationale pour accélérer la vente du mobilier appartenant à la République, ou acquis par droit de confiscation, déshérence, etc. ; art. 1er : « Le mobilier appartenant à la République, ou acquis par droit de confiscation, déshérence ou autrement, sera distingué en deux classes : La première sera composée des effets précieux, destinés pour le Muséum ; La seconde contiendra tout le surplus du mobilier, de quelque nature qu’il soit. »

    Notes de bas de page

    1  Natacha Coquery, « Produits de luxe ou de première nécessité ? Les hésitations de la législation dirigiste sous la Terreur », dans Pascal Bastien et Simon Macdonald (dir.), Paris et ses peuples au xviiie siècle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 229‑239.

    2  Voir entre autres Maxine Berg et Helen Clifford (dir.), Consumers and Luxury: Consumer Culture in Europe 1650-1850, Manchester, Manchester University Press, 1999 ; Maxine Berg, Luxury and Pleasure in Eighteenth-Century Britain, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; Natacha Coquery, Tenir boutique à Paris au xviiie siècle. Luxe et demi-luxe, Paris, Éd. du CTHS, 2011 ; Frank Trentmann (dir.), The Oxford Handbook of the History of Consumption, Oxford-New York, Oxford University Press, 2012 ; Daniel Roche, La culture des apparences. Une histoire du vêtement, xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989 ; idem, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1997.

    3  Ont été consultés les Archives parlementaires, la collection Baudouin (https://collection-baudouin.univ-paris1.fr), ainsi que les quatre volumes des procès-verbaux du Comité de commerce (et de ses dénominations successives) de septembre 1789 à octobre 1795 : Fernand Gerbaux et Charles Schmidt, Procès-verbaux des comités d’agriculture et de commerce de la Constituante, de la Législative et de la Convention, Paris, Imprimerie nationale, 1906-1910. Il faut y ajouter les autorisations d’exportation conservées aux Archives nationales, dans les dossiers cotés AF/II/5, 6, 8, 27, 75, 76 et 77.

    4  Jean-Charles Asselain, « Introduction », Revue économique, numéro spécial « Révolution de 1789. Guerres et croissance économique », vol. 40, n° 6, novembre 1989, p. 932.

    5  François Hincker, « Économie dirigée », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 2005 (1re éd. 1989), p. 399‑401 ; idem, « La Révolution française et l’économie », Recherches & travaux. Bulletin de l’Institut d’histoire économique et sociale de l’Université Paris 1, n° 19, décembre 1990, p. 43‑59 ; Dominique Margairaz, « Le maximum : une grande illusion libérale ou de la vanité des politiques économiques », dans État, finances et économie pendant la Révolution française, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, p. 399‑428 ; idem, « Les institutions de la République jacobine ou la révolution utopique », dans Révolution et République : l’exception française, Paris, Éd. Kimé, 1993, p. 237‑251.

    6  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 2, p. 365 (séance du Comité d’agriculture du 25 juin 1792).

    7  Georges Lefebvre, « Le commerce extérieur en l’an II », dans Études sur la Révolution française, Paris, PUF, 1963 (1re éd. 1954), p. 242.

    8  Charles Barbaroux, « De l’influence de la guerre maritime sur le commerce et l’organisation des travaux publics », Annexe à la séance de la Convention nationale du samedi 23 mars 1793. Barbaroux, député des Bouches-du-Rhône, y défend la construction de canaux pour vivifier la circulation des marchandises et le marché du travail.

    9  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 183.

    10  Ibid., p. 138.

    11  Ibid., p. 180‑181.

    12  Compte rendu du Mercure universel, 22 août 1793.

    13  Décret du 3 septembre 1793 « relatif aux marchandises dont la sortie est défendue par le décret du 15 août, et qui ont été chargées ou destinées à l’être sur bâtimens neutres ».

    14  Howard C. Rice, « James Swan: Agent of the French Republic 1794-1796 », The New England Quarterly, vol. 10, n° 3, septembre 1937, p. 464‑486 ; Louis Monneron et Howard C. Rice, « Documents sur le commerce avec les neutres en l’an II et III (1794-1795) », Annales historiques de la Révolution française, n° 99, mai-juin 1940, p. 166‑183.

    15  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 244.

    16  Ibid., p. 243 (séance du Comité de commerce du 28 novembre 1793).

    17  Mémoire des citoyens Dallarde, Swan et Cie expositif de l’importation par eux faite dans les ports de la République, de plus de quatre-vingts navires chargés de blé, farine et salaisons, dont huit viennent, malgré les difficultés de la navigation, d’entrer dans le port du Havre, cité dans la séance du Comité de commerce du 28 novembre 1793 (F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 243‑244).

    18  Ibid., p. 252.

    19  Ibid., p. 307‑308.

    20  Décret sur l’exportation des productions des arts et du luxe, 21 ventôse an II (11 mars 1794).

    21  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 308 (séance du 14 février 1794).

    22  Ibid., t. 4, p. X : Observations de Villers « sur la réhabilitation du commerce à Commune-Affranchie » (séance du Comité de commerce de Lyon du 30 juin 1794).

    23  Archives nationales (désormais AN), AF/II/75/556/5, Arrêté du 3 germinal an II (23 mars 1794).

    24  Pour des exemples de ces différents types de documents administratifs, voir : AN, AF/II/5/28/55, Arrêté du Conseil exécutif provisoire d’autorisation d’exporter, 26 novembre 1793 ; AF/II/5/30/15, Autorisation d’une demande d’exportation par le Conseil exécutif provisoire, 23 frimaire an II (13 décembre 1793) ; AF/II/75/554/44‑45, Approbations par le Comité de salut public d’autorisations de demandes d’exportation, 12 nivôse an II (1er janvier 1794) ; AF/II/76/560/25, Arrêté d’autorisation du Comité de salut public, 14 thermidor an II (1er août 1794) ; AF/II/76/561/27, Arrêté d’autorisation de la Commission des subsistances, 26 août 1794 ; AF/II/77/566/50, Arrêté de permission du Comité de salut public, 23 nivôse an III (12 janvier 1795) ; AF/II/8/51/16, Rapport de la Commission des subsistances, 19 nivôse an II (8 janvier 1794) ; AF/II/6/31/11, Arrêté d’autorisation du Conseil exécutif, 16 nivôse an II (5 janvier 1794).

    25  AN, AF/II/77/566/50, Arrêté de permission du Comité de salut public, 23 nivôse an III (12 janvier 1795).

    26  AN, AF/II/8/51/16, Rapport de la Commission des subsistances, 19 nivôse an II (8 janvier 1794).

    27  Bourgfelden, en Alsace, officiellement indépendant le 10 juin 1793.

    28  AN, AF/II/6/31/11, Arrêté d’autorisation du Conseil exécutif, 16 nivôse an II (5 janvier 1794).

    29  Arrêté du Comité de salut public relatif aux réquisitions des denrées de luxe, 23 ventôse an II (13 mars 1794).

    30  Arrêté du Comité de salut public sur la régulation des exportations, 12 floréal an II (1er mai 1794).

    31  Voir les articles de Guy Antonetti et de Jean Clinquart dans État, finances et économie pendant la Révolution française, op. cit., p. 261‑272, p. 533‑551 ; G. Lefebvre, « Le commerce extérieur en l’an II », art. cité.

    32  AN, O/2/488/10/76, Décret de la Convention nationale relatif aux dépôts de diamans, pierres précieuses, perles et autres bijoux, sur le rapport du Comité des finances, 11 ventôse an II (1er mars 1794).

    33  AN, D/XLII/1/9, Extrait des registres du Comité de salut public, 3 germinal an II (23 mars 1794).

    34  AN, O/2/478/1/7, La Commission des revenus nationaux, aux administrateurs du district de département de […] (imprimé). Deux jours plus tôt, le 23 nivôse an III (12 janvier 1795), un arrêté du Comité de salut public avait rapporté les arrêtés sur les réquisitions des 23 ventôse et 3 germinal an II (13 et 23 mars 1794).

    35  AN, AF/II/67/495/10, Extrait du procès-verbal de la Convention nationale, 10 ventôse an II (28 février 1794).

    36  AN, AF/II/67/495/12, Rapport du Conseil exécutif provisoire au Comité de salut public, 20 ventôse an II (10 mars 1794).

    37  AN, AF/II/67/495/11, Projet d’arrêté du Conseil exécutif provisoire sur l’exportation des objets précieux, 24 ventôse an II (14 mars 1794).

    38  Dans l’arrêté pris par le Comité de salut public pour empêcher l’exportation des objets pouvant intéresser les arts et enrichir le Muséum national ou la Bibliothèque nationale, le 20 ventôse an II (10 mars 1794), les livres, manuscrits, tableaux, cartes, gravures, médailles « et généralement tous ouvrages qui tiennent aux arts » sont à renvoyer au directeur de l’une ou l’autre institution pour rapport ; le 23 germinal (12 avril 1794), un autre arrêté précise que la vente des meubles précieux ne pourra être lancée qu’après l’examen préalable des commissaires nommés par le Comité des domaines ; dans un autre, qu’elle ne pourra être effectuée sans l’avis préalable de la Commission des arts, etc.

    39  Conservées dans la série F/17 des AN. Sur ce sujet, voir entre autres Françoise Choay, L’Allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992 et Dominique Poulot, Musée, nation, patrimoine (1789-1815), Paris, Gallimard, 1997.

    40  AN, F17/1237/119, non daté.

    Auteur

    • Natacha Coquery

      Professeure d’histoire moderne à l’université Lyon 2, membre honoraire de l’Institut universitaire de France (IUF) et spécialiste de l’histoire de la consommation, les recherches actuelles de Natacha Coquery portent sur le marché du luxe sous la Révolution française. Parmi ses travaux : Tenir boutique à Paris au xviiie siècle. Luxe et demi-luxe, Paris, Éd. du CTHS, 2011 ; avec Alain Bonnet (dir.), Le commerce du luxe. Production, exposition et circulation des objets précieux du Moyen Âge à nos jours, Paris, Mare & Martin, 2015 ; avec Jörg Ebeling, Anne Perrin Khelissa et Philippe Sénéchal (dir.), Les progrès de l’industrie perfectionnée. Luxe, arts décoratifs et innovation de la Révolution française au Premier Empire, Toulouse, PUM, 2017 ; « Luxury Goods Beyond Boundaries : The Parisian Market During the Terror », dans Johanna Ilmakunnas et Jon Stobart (dir.), A Taste for Luxury in Early Modern Europe : Display, Acquisition and Boundaries, Londres, Bloomsbury, 2017, p. 283‑302 ; « Produits de luxe ou de première nécessité ? Les hésitations de la législation dirigiste sous la Terreur », dans Pascal Bastien et Simon Macdonald (dir.), Paris et ses peuples au xviiie siècle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 229‑239 ; « L’essor d’une culture de consommation à l’époque des Lumières et ses répercussions sur le commerce de détail », dans Jean-Claude Daumas (dir.), Les révolutions du commerce. France, xviiie-xxie siècle, Besançon, PUFC, 2020, p. 31‑51.

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    1  Natacha Coquery, « Produits de luxe ou de première nécessité ? Les hésitations de la législation dirigiste sous la Terreur », dans Pascal Bastien et Simon Macdonald (dir.), Paris et ses peuples au xviiie siècle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 229‑239.

    2  Voir entre autres Maxine Berg et Helen Clifford (dir.), Consumers and Luxury: Consumer Culture in Europe 1650-1850, Manchester, Manchester University Press, 1999 ; Maxine Berg, Luxury and Pleasure in Eighteenth-Century Britain, Oxford, Oxford University Press, 2005 ; Natacha Coquery, Tenir boutique à Paris au xviiie siècle. Luxe et demi-luxe, Paris, Éd. du CTHS, 2011 ; Frank Trentmann (dir.), The Oxford Handbook of the History of Consumption, Oxford-New York, Oxford University Press, 2012 ; Daniel Roche, La culture des apparences. Une histoire du vêtement, xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1989 ; idem, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1997.

    3  Ont été consultés les Archives parlementaires, la collection Baudouin (https://collection-baudouin.univ-paris1.fr), ainsi que les quatre volumes des procès-verbaux du Comité de commerce (et de ses dénominations successives) de septembre 1789 à octobre 1795 : Fernand Gerbaux et Charles Schmidt, Procès-verbaux des comités d’agriculture et de commerce de la Constituante, de la Législative et de la Convention, Paris, Imprimerie nationale, 1906-1910. Il faut y ajouter les autorisations d’exportation conservées aux Archives nationales, dans les dossiers cotés AF/II/5, 6, 8, 27, 75, 76 et 77.

    4  Jean-Charles Asselain, « Introduction », Revue économique, numéro spécial « Révolution de 1789. Guerres et croissance économique », vol. 40, n° 6, novembre 1989, p. 932.

    5  François Hincker, « Économie dirigée », dans Albert Soboul (dir.), Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, 2005 (1re éd. 1989), p. 399‑401 ; idem, « La Révolution française et l’économie », Recherches & travaux. Bulletin de l’Institut d’histoire économique et sociale de l’Université Paris 1, n° 19, décembre 1990, p. 43‑59 ; Dominique Margairaz, « Le maximum : une grande illusion libérale ou de la vanité des politiques économiques », dans État, finances et économie pendant la Révolution française, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, p. 399‑428 ; idem, « Les institutions de la République jacobine ou la révolution utopique », dans Révolution et République : l’exception française, Paris, Éd. Kimé, 1993, p. 237‑251.

    6  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 2, p. 365 (séance du Comité d’agriculture du 25 juin 1792).

    7  Georges Lefebvre, « Le commerce extérieur en l’an II », dans Études sur la Révolution française, Paris, PUF, 1963 (1re éd. 1954), p. 242.

    8  Charles Barbaroux, « De l’influence de la guerre maritime sur le commerce et l’organisation des travaux publics », Annexe à la séance de la Convention nationale du samedi 23 mars 1793. Barbaroux, député des Bouches-du-Rhône, y défend la construction de canaux pour vivifier la circulation des marchandises et le marché du travail.

    9  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 183.

    10  Ibid., p. 138.

    11  Ibid., p. 180‑181.

    12  Compte rendu du Mercure universel, 22 août 1793.

    13  Décret du 3 septembre 1793 « relatif aux marchandises dont la sortie est défendue par le décret du 15 août, et qui ont été chargées ou destinées à l’être sur bâtimens neutres ».

    14  Howard C. Rice, « James Swan: Agent of the French Republic 1794-1796 », The New England Quarterly, vol. 10, n° 3, septembre 1937, p. 464‑486 ; Louis Monneron et Howard C. Rice, « Documents sur le commerce avec les neutres en l’an II et III (1794-1795) », Annales historiques de la Révolution française, n° 99, mai-juin 1940, p. 166‑183.

    15  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 244.

    16  Ibid., p. 243 (séance du Comité de commerce du 28 novembre 1793).

    17  Mémoire des citoyens Dallarde, Swan et Cie expositif de l’importation par eux faite dans les ports de la République, de plus de quatre-vingts navires chargés de blé, farine et salaisons, dont huit viennent, malgré les difficultés de la navigation, d’entrer dans le port du Havre, cité dans la séance du Comité de commerce du 28 novembre 1793 (F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 243‑244).

    18  Ibid., p. 252.

    19  Ibid., p. 307‑308.

    20  Décret sur l’exportation des productions des arts et du luxe, 21 ventôse an II (11 mars 1794).

    21  F. Gerbaux et C. Schmidt, Procès-verbaux des comités…, op. cit., t. 4, p. 308 (séance du 14 février 1794).

    22  Ibid., t. 4, p. X : Observations de Villers « sur la réhabilitation du commerce à Commune-Affranchie » (séance du Comité de commerce de Lyon du 30 juin 1794).

    23  Archives nationales (désormais AN), AF/II/75/556/5, Arrêté du 3 germinal an II (23 mars 1794).

    24  Pour des exemples de ces différents types de documents administratifs, voir : AN, AF/II/5/28/55, Arrêté du Conseil exécutif provisoire d’autorisation d’exporter, 26 novembre 1793 ; AF/II/5/30/15, Autorisation d’une demande d’exportation par le Conseil exécutif provisoire, 23 frimaire an II (13 décembre 1793) ; AF/II/75/554/44‑45, Approbations par le Comité de salut public d’autorisations de demandes d’exportation, 12 nivôse an II (1er janvier 1794) ; AF/II/76/560/25, Arrêté d’autorisation du Comité de salut public, 14 thermidor an II (1er août 1794) ; AF/II/76/561/27, Arrêté d’autorisation de la Commission des subsistances, 26 août 1794 ; AF/II/77/566/50, Arrêté de permission du Comité de salut public, 23 nivôse an III (12 janvier 1795) ; AF/II/8/51/16, Rapport de la Commission des subsistances, 19 nivôse an II (8 janvier 1794) ; AF/II/6/31/11, Arrêté d’autorisation du Conseil exécutif, 16 nivôse an II (5 janvier 1794).

    25  AN, AF/II/77/566/50, Arrêté de permission du Comité de salut public, 23 nivôse an III (12 janvier 1795).

    26  AN, AF/II/8/51/16, Rapport de la Commission des subsistances, 19 nivôse an II (8 janvier 1794).

    27  Bourgfelden, en Alsace, officiellement indépendant le 10 juin 1793.

    28  AN, AF/II/6/31/11, Arrêté d’autorisation du Conseil exécutif, 16 nivôse an II (5 janvier 1794).

    29  Arrêté du Comité de salut public relatif aux réquisitions des denrées de luxe, 23 ventôse an II (13 mars 1794).

    30  Arrêté du Comité de salut public sur la régulation des exportations, 12 floréal an II (1er mai 1794).

    31  Voir les articles de Guy Antonetti et de Jean Clinquart dans État, finances et économie pendant la Révolution française, op. cit., p. 261‑272, p. 533‑551 ; G. Lefebvre, « Le commerce extérieur en l’an II », art. cité.

    32  AN, O/2/488/10/76, Décret de la Convention nationale relatif aux dépôts de diamans, pierres précieuses, perles et autres bijoux, sur le rapport du Comité des finances, 11 ventôse an II (1er mars 1794).

    33  AN, D/XLII/1/9, Extrait des registres du Comité de salut public, 3 germinal an II (23 mars 1794).

    34  AN, O/2/478/1/7, La Commission des revenus nationaux, aux administrateurs du district de département de […] (imprimé). Deux jours plus tôt, le 23 nivôse an III (12 janvier 1795), un arrêté du Comité de salut public avait rapporté les arrêtés sur les réquisitions des 23 ventôse et 3 germinal an II (13 et 23 mars 1794).

    35  AN, AF/II/67/495/10, Extrait du procès-verbal de la Convention nationale, 10 ventôse an II (28 février 1794).

    36  AN, AF/II/67/495/12, Rapport du Conseil exécutif provisoire au Comité de salut public, 20 ventôse an II (10 mars 1794).

    37  AN, AF/II/67/495/11, Projet d’arrêté du Conseil exécutif provisoire sur l’exportation des objets précieux, 24 ventôse an II (14 mars 1794).

    38  Dans l’arrêté pris par le Comité de salut public pour empêcher l’exportation des objets pouvant intéresser les arts et enrichir le Muséum national ou la Bibliothèque nationale, le 20 ventôse an II (10 mars 1794), les livres, manuscrits, tableaux, cartes, gravures, médailles « et généralement tous ouvrages qui tiennent aux arts » sont à renvoyer au directeur de l’une ou l’autre institution pour rapport ; le 23 germinal (12 avril 1794), un autre arrêté précise que la vente des meubles précieux ne pourra être lancée qu’après l’examen préalable des commissaires nommés par le Comité des domaines ; dans un autre, qu’elle ne pourra être effectuée sans l’avis préalable de la Commission des arts, etc.

    39  Conservées dans la série F/17 des AN. Sur ce sujet, voir entre autres Françoise Choay, L’Allégorie du patrimoine, Paris, Seuil, 1992 et Dominique Poulot, Musée, nation, patrimoine (1789-1815), Paris, Gallimard, 1997.

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    Ce livre est cité par

    • Sussman, Sarah. (2022) Recent Books and Dissertations on French History. French Historical Studies, 45. DOI: 10.1215/00161071-9933035

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    Aberdam, Serge, et al., éditeurs. Les dynamiques économiques de la Révolution française. Institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2021, https://doi.org/10.4000/books.igpde.12740.
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