Les dynamiques économiques de la Révolution française
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L’économie des transports et ses dynamiques à travers les enquêtes révolutionnaires
Texte intégral
- 1 Archives nationales (désormais AN), AF/III/314, dossier 1242, Rapport du ministre de l’Intérieur P (...)
1« Les moyens manquent, le roulage commercial est presque détruit, il faut y suppléer par des régies ruineuses. Un service est-il monté d’une manière régulière, après bien du temps et de la peine, les fourrages manquent ; on s’aperçoit ensuite de la pénurie du fer et du charbon pour les ferrages des chevaux, du bois pour l’entretien des voitures, du cuir et du chanvre pour celui des harnais. Les convois sont-ils en marche, la subsistance manque aux hommes et aux chevaux […]. Les routes sont dégradées et tous les moyens sont insuffisants pour leur rétablissement1 ». C’est dans ces termes que le ministre de l’Intérieur rend compte de la situation particulièrement difficile des transports au cours de la période révolutionnaire.
- 2 Anne Conchon, « Les transports intérieurs sous la Révolution : une politique de l’espace », Annale (...)
- 3 Henri Cavaillès, La route française, son histoire, sa fonction : étude de géographie humaine, Pari (...)
- 4 La thèse que prépare Amin Benyoucef (université Paris 1-Panthéon-Sorbonne) devrait pouvoir apporte (...)
- 5 Voir notamment Anne Bretagnolle, Thimotée Giraud, Nicolas Verdier, « Modéliser l’efficacité d’un r (...)
- 6 À la lecture des minutes des séances de travail du Comité des transports, postes et messageries, l (...)
2La séquence révolutionnaire est de fait communément associée à toute une série de contraintes pesant sur l’économie des transports2. La dynamique de construction d’infrastructures engagée au cours de la seconde moitié du XVIIIe se ralentit à partir de 1789. Les travaux qui se sont attachés à étudier les inflexions de la politique des transports pendant la Révolution et le Premier Empire, ont insisté sur les recompositions de l’organisation administrative et des modes de financement3. Il reste cependant à mesurer précisément la politique d’investissement de l’État en matière d’équipement du territoire en infrastructures de transport, tant du point de vue de ses fluctuations dans le temps que des logiques territoriales qui président aux choix d’allocation des financements4. Les entreprises et les services de transport sont encore moins étudiés par l’historiographie traitant de la période révolutionnaire, alors même que ces divers prestataires assurant des missions aussi essentielles que l’acheminement du courrier ou la circulation des subsistances, se retrouvent soumis à toute une série de contraintes pesant sur leur activité5. La relation que l’on pourrait établir entre les dynamiques chronologiques et géographiques des investissements et l’activité de transport est toutefois difficile à établir en raison de la disjonction des corpus d’archives. Cette dichotomie entre infrastructures et services est elle-même largement construite dans l’organigramme institutionnel des commissions ou comités en charge des questions de transport. La mise en place de deux structures, respectivement le Comité des ponts et chaussées – qui deviendra le Comité des travaux publics – et le Comité des transports, postes et messageries, entérine ce découplage entre la gestion des infrastructures et celle de certains services de transport6.
3Dans le cadre de cet article, il s’agit, à partir des dispositifs de collecte d’informations mis en place par les autorités révolutionnaires, de comprendre quelles sont les dynamiques tant conjoncturelles que spatiales qui pèsent sur ce secteur d’activité et les évolutions à l’œuvre dans l’organisation des transports. À défaut de pouvoir embrasser toutes les prestations de services, qui relèvent d’ailleurs de logiques très segmentées (transports militaires, postes aux lettres et messageries), cette étude se limitera aux seuls transports marchands.
4Après avoir indiqué comment l’économie des transports, à travers toute une série de dispositifs d’enquête, devient une question politique à l’époque révolutionnaire, il s’agira de montrer que l’attention portée aux prix de transport participe plus largement d’une volonté de comprendre la structuration de l’offre de transports et les contraintes qui pèsent sur celle‑ci.
I. Les enquêtes révolutionnaires sur les transports marchands
- 7 Isabelle Guégan, Inventaire des enquêtes administratives et statistiques 1789-1795, Paris, Éd. du (...)
- 8 Georges Bourgin, Fragments d’une enquête économique du ministre Roland auprès des ingénieurs des p (...)
- 9 RACSP, vol. 16, p. 576‑577. Le 22 fructidor an II (8 septembre 1794) est notamment décidé le recen (...)
- 10 Augustin Cochin et Charles Charpentier, Les actes du Gouvernement révolutionnaire, Paris, Librairi (...)
5Alors que les secteurs productifs ont fait l’objet d’une attention précoce de la part des autorités, l’économie des transports s’affirme véritablement comme un nouvel objet d’enquête au cours de la Révolution française, même si, comme l’estime Isabelle Guégan, les enquêtes sur les moyens de communication et les travaux publics ne représentent que 3,2 % de celles réalisées au cours de la période7. Cet investissement cognitif intervient à un moment où le secteur des transports se trouve confronté à toute une série de difficultés et de contraintes, telles que la diminution des crédits alloués au financement des infrastructures, le renchérissement des fourrages, la réquisition des bêtes susceptibles de composer les attelages, l’insécurité des routes… Plusieurs de ces enquêtes portent plus spécifiquement sur les infrastructures, leur état et les possibilités de financer leur entretien8 ; d’autres se préoccupent de la disponibilité de transporteurs susceptibles de pourvoir à l’approvisionnement des villes à moindre coût9. Dans un contexte frumentaire alors difficile, la Commission des subsistances et approvisionnements diligente le 26 brumaire an II (16 novembre 1793) une vaste consultation auprès des districts pour connaître les moyens de la batellerie, à savoir le nombre de bateaux en circulation par rivière, l’adresse de leur propriétaire, les ports de chargement et les produits habituellement transportés10. Des recensements de ce type prendront par la suite une tournure différente avec la mobilisation des mariniers dans le cadre de l’inscription maritime. La question des coûts et des prix de transport s’impose également comme un enjeu central dans ces enquêtes, dont il importe de saisir les motivations, les conditions d’élaboration, et les écarts possibles entre les attendus des autorités et les usages en vigueur chez les opérateurs de transport.
6Les enquêtes que les autorités révolutionnaires vont alors diligenter à propos des prix et des coûts de transport participent d’une logique résolument différente de celle qui avait présidé à celle impulsée en novembre 1783 par le Contrôle général des finances. Il s’agissait alors pour la monarchie de mesurer l’impact de la réglementation sur le roulage concernant la largeur de la bande de roulement des roues et le poids de chargement sur les prix du transport.
« 1. S’il est vrai que le prix des transports soit augmenté dans votre district depuis le 1er octobre dernier
2. À quoi cette augmentation a pu monter et si elle excède de beaucoup celle sur laquelle le gouvernement a dû naturellement compter en rendant ce règlement ?
3. S’il n’a pas lieu d’attendre que la concurrence rétablisse incessamment les prix au point où ils doivent se maintenir par la suite
- 11 Archives départementales du Nord, C/9115.
4. S’il est vrai que l’exécution de ce règlement a forcé quelques voituriers à quitter leur profession et que des marchandises soient restées en entrepôt, faute de voituriers pour les transporter dans les principales foires du royaume11. »
- 12 Archives départementales de l’Aisne, C/619, Correspondance de l’intendant à propos de l’augmentati (...)
7Il ne subsiste que des bribes de réponses à cette enquête dispersées dans divers dépôts d’archives départementales12.
- 13 Archives Parlementaires (désormais AP), t. 78, p. 142‑143, Décret du 11 brumaire an II (1er novemb (...)
- 14 P. Caron, La Commission des subsistances de l’an II. Procès-verbaux et actes, Paris, Leroux, 1925. (...)
- 15 Cité par A. Rémond, Études sur la circulation marchande…, op. cit., p. 62.
8Au cours de la période révolutionnaire, une première enquête générale réalisée en pluviôse an III (janvier 1795), à l’issue de travaux préliminaires réalisés par la Commission des subsistances et des approvisionnements, fournit de précieuses informations sur les prix de transport par eau et par terre et les salaires des voituriers13. Parmi toute une série de questions relatives aux prix de produits divers, quatre concernent les prix de transport14. Les administrateurs doivent renseigner, pour 1790 et 1795 le prix d’un quintal transporté sur 100 lieues par terre, et par eau à la remontée par eau et à l’avalage. Sur les tableaux récapitulatifs, on ne dispose d’informations que pour 69 districts. L’échantillon permet de disposer de 158 données de prix de transport, pour le transport routier comme pour le transport fluvial, à la descente et à la remontée. Comme le rappelle André Rémond à propos de considérations critiques faites par Ernest Labrousse, certaines indications semblent minorées (aux districts de Saint-Brieuc et Louhans, il conviendrait d’ajouter ceux de La Rochefoucauld et de Baras) ou, au contraire, majorées (Charolles et Sévérac)15. Les tableaux conservés fournissent par ailleurs des informations sur les salaires journaliers des transporteurs, qu’il s’agisse des mariniers ou des rouliers. Dans le cas du roulage, le questionnaire distingue les voitures attelées de deux chevaux ou de quatre chevaux, reprenant en cela une distinction usuelle entre charrettes et chariots.
- 16 Pour l’intégralité du questionnaire, voir I. Guégan, Inventaire des enquêtes…, op. cit., p. 88‑95.
9Après la Terreur, le Comité de salut public thermidorien commande une vaste enquête le 15 fructidor an III (1er septembre 1795) pour dresser un bilan général de la situation économique16. Le questionnaire, portant sur 175 points, eux-mêmes organisés en rubriques, est élaboré par le Bureau central des renseignements dépendant du ministère de l’Intérieur. Quatre demandes, groupées dans la quatrième section « Commerce », concernent plus spécifiquement la circulation marchande et les prix de transport :
« 148. Le roulage a-t-il beaucoup d’activité dans le pays ?
149. Quel est le prix actuel du transport par terre d’un quintal de poids à 50 lieues de distance ?
150. Quel est le prix actuel du transport par eau du quintal, à la même distance mesurée sur le cours de la navigation ?
151. Quel est le prix d’un fort cheval de trait ? »
- 17 Circulaires des 2 brumaire an IV (24 octobre 1795) et 6 frimaire an IV (27 novembre 1795).
- 18 AN, F/10/242. Une autre réponse pour le département de la Mayenne est conservée sous la côte F/12/ (...)
10Cette série d’interrogations fait suite à celles numérotées 134 à 147 relatives aux infrastructures routières, fluviales et portuaires. Malgré les relances du gouvernement pour obtenir des administrations départementales l’envoi des renseignements demandés17, seules 18 circonscriptions semblent avoir soit accusé réception de l’envoi du questionnaire, soit adressé des réponses à la troisième division du ministère de l’Intérieur18. Quand des informations ont été transmises, elles sont diversement exploitables, certains départements, à l’instar de la Creuse, de la Lozère, de la Somme ou du Tarn, ayant pris le parti de composer des développements généraux sans répondre précisément aux différentes questions. Par ailleurs, les administrateurs du département ne répondent pas toujours aux questions intéressant les prix de transport. C’est le cas pour l’Aisne, la Charente, l’Eure, la Seine-Inférieure et la Somme. Ce silence s’explique sans doute par l’embarras des administrateurs à fournir des indications de prix qui varient selon les modes de transport et la nature du chargement. Comme l’indique Hécart pour le département du Nord, il n’y a « point de cours ; tout se fait de gré à gré ». L’échantillon pour lequel on dispose d’informations se limite donc à sept départements (Aveyron, Ain, Charente, Mayenne, Mont-Blanc, Nord et Haute-Saône). L’interprétation des données se heurte par ailleurs à un double problème : la nécessité de fournir des prix comparables dans le temps en tenant compte de la dépréciation de la monnaie (ainsi, pour le département de l’Ain, l’information est indiquée à la fois en assignats et en numéraire), et le découpage territorial qui a présidé à la collecte des données.
- 19 Marcel Blanchard, « L’enquête de 1811 sur le roulage », Revue de géographie alpine, vol. 8, n° 4, (...)
- 20 Marie-Noëlle Bourguet, Déchiffrer la France. La statistique départementale à l’époque napoléonienn (...)
11L’enquête de 1811, qui couronne cet investissement cognitif important déployé par l’État à propos de l’économie des transports, livre quelques éclairages rétrospectifs sur la période révolutionnaire19. Cette enquête intervient au lendemain d’une grave crise économique et dans le contexte du blocus continental qui a réorienté vers les routes intérieures un grand nombre d’expéditions maritimes. Lancée à l’initiative du ministre de l’Intérieur, le comte de Montalivet, et administrée par le Bureau des informations administratives et de la statistique, institutionnalisé en l’an IX, l’enquête de 1811 s’inscrit dans une double conjoncture, à savoir la réorganisation des pratiques administratives et un vaste mouvement d’inventaire du territoire français20. Au début du mois de juin 1811, un questionnaire est envoyé aux maires des chefs-lieux des 130 départements de l’Empire.
« 1. Quel est dans la commune de … le nombre des maisons de commission, l’époque de leur établissement et de leur raison de commerce ?
2. Quels sont les lieux avec lesquels elles ont leurs relations principales ?
3. Quels sont les objets sur lesquels s’exerce la commission et que les négociants font passer d’une ville à l’autre ?
4. Quels sont les prix de transport, le nombre de jours de routes pour les diverses places de correspondance ; si ce prix varie suivant les saisons et le nombre de jours pour le voyage augmentés ou diminués ?
5. De quels pays sont les voituriers qui fréquentent ordinairement cette place ?
6. Quel peut être le nombre de ceux qui s’y rendent annuellement ?
7. Quel est le nombre de bateaux et autres embarcations servant au transport des marchandises sur la rivière… ?
8. Quelle est la quantité des marchandises que ces bateaux peuvent recevoir, ce qu’ils coûtent suivant leurs dimensions, où ils se construisent, le nombre d’hommes nécessaires pour les conduire, le salaire des bateliers, les frais annuels de réparations, le terme ordinaire de leur durée ?
9. Quels sont les lieux de destination des bateaux, le prix des transports, la nature des denrées qu’ils portent ? »
- 21 AN, F/14/1269. Le maire d’Étrépagny (Eure) explique le retard avec lequel il adresse sa réponse pa (...)
- 22 Parmi les 78 départements pour lesquels on dispose de données, il manque malheureusement celui de (...)
12À la différence des consultations précédentes établies à l’échelle de circonscriptions (le département ou le district), le cadre territorial de cette enquête, calqué sur la hiérarchie urbaine, a vocation à rendre compte de la capacité différentielle des villes à polariser et à redistribuer les flux marchands. Comme pour les enquêtes précédentes, nous disposons de peu d’indications sur la façon dont ont été recueillies les informations. Cette consultation mobilisa des administrateurs locaux qui purent être amenés à solliciter des opérateurs de transport pour obtenir des informations ou des tarifs21. Rien dans les archives de cette enquête ne semble toutefois indiquer que les autorités municipales aient consulté les registres de la patente. Même si le ministère de l’Intérieur a dû parfois envoyer un courrier de relance pour obtenir que certains maires fournissent les renseignements demandés, les données ont été collectées assez rapidement, dans un délai de deux ans. À la différence de l’enquête de 1795, le taux de réponse à la consultation de 1811 est particulièrement élevé22, même si le degré de précision se révèle assez inégal. Dans certains départements, le ministère de l’Intérieur n’obtient que des réponses laconiques. Traduisent-elles un refus de mener l’enquête sur le terrain ou correspondent-elles effectivement à des situations locales qui ne sont pas concernées par le questionnaire ? Il est difficile d’y répondre de façon assurée.
13Ces différentes enquêtes, à l’exception notable de celle de septembre 1795, ont en commun de découpler l’activité de transport de la question des infrastructures. Une telle disjonction s’explique principalement par le fait que les unes et les autres relèvent de circuits administratifs distincts. Centrées sur les prestations de transport, leur prix et leurs coûts, ces enquêtes envisagent le roulage et la navigation fluviale comme deux modes de circulation distincts, sans que soient postulées une éventuelle concurrence ou une possible complémentarité entre eux pour des expéditions opérées sur de longues distances. L’objectif de ces enquêtes n’est pas davantage de comparer les prix de transport entre ces deux modes de circulation.
II. L’accroissement des prix de transport
- 23 Pour le sud-est de la France, Charles Carrière observe entre les années 1730 et les années 1790 un (...)
- 24 Dominique Margairaz, « Le maximum : une grande illusion libérale, ou de la vanité des politiques é (...)
- 25 Procès-verbaux de la Convention nationale, Paris, Imprimerie nationale, an 1er, t. 20, p. 282.
- 26 Thomas Le Roux, Le commerce intérieur de la France à la fin du xviiie siècle, Paris, Nathan, 1996, (...)
- 27 Procès-verbaux de la Convention nationale, Paris, Imprimerie nationale, an II, t. 32, p. 206‑211. (...)
- 28 Cette tarification à 4 sols du quintal correspond grosso modo au prix moyen du roulage que signale (...)
14C’est pourtant bien la question des prix de transport qui constitue un enjeu central de ces enquêtes révolutionnaires, à un moment où ils enregistrent une hausse notable. Au cours des décennies précédentes, ils étaient restés relativement stables, et ce malgré la hausse des prix des marchandises, de sorte que le coût relatif de l’acheminement aurait eu tendance à diminuer au cours du siècle23. Ce renchérissement des prix de transport, qui intervient dans un contexte d’inflation généralisée, contribue à une relative indétermination régionale des prix des produits, notamment ceux de première nécessité. C’est précisément pour contenir cette augmentation des prix de transport qui pèsent sur les prix de vente que les autorités révolutionnaires décident d’introduire un maximum des tarifs d’acheminement par route comme par voie d’eau24. Cette intervention politique dans la tarification des transports marchands explique aussi très largement la multiplication des enquêtes sur l’économie des transports à partir de l’an II. Une première disposition prise par la loi du 11 septembre 1793 prévoit un plafonnement du prix de transport pour les blés, les farines et les fourrages achetés ou réquisitionnés destinés à l’approvisionnement des armées et des villes en guerre (art. 15 et 16)25. Les modulations tarifaires qu’introduit cette loi, en fonction du mode de circulation (la voie d’eau étant généralement moins chère que le roulage), et du sens de navigation (le halage des bateaux remontant à contre-courant étant plus cher que l’avalage) et la hiérarchie des axes, ne sont que partiellement reprises dans les dispositifs d’enquête ; ainsi, la distinction entre grande route et chemin de traverse n’est nullement mentionnée. En fait, rares sont les agents nationaux qui prirent la peine de différencier le chemin de traverse de la grande route, ou de préciser le mode de transport. Au final, c’est une taxation uniforme pour l’ensemble du territoire – par lieue et par quintal – qui fut retenue, sans tenir compte des dénivellations régionales et temporelles inhérentes aux prix de transport26. Le tarif du maximum révisé par le décret adopté par la Convention le 6 ventôse an II (24 février 1794) prévoit ainsi une majoration de 50 % des prix de transport par rapport à ceux en vigueur en 179027. L’objectif est de diminuer les prix de transport décidés en 1793 de façon à réduire le prix des subsistances. Le tarif adopté en ventôse an II taxe toutefois les transports de céréales, du moins par terre, légèrement au-dessus de ceux des autres produits28. Ces dispositions tarifaires ne s’appliquent cependant pas aux bois et aux charbons, dont la tarification ne se fait pas au poids, et pour lesquels la loi du 27 septembre 1793 prévoit une majoration seulement de 1/20e (art. 9 et 12).
Tableau 1. Maximum pour les prix de transport (au quintal et par lieue de poste)
Mode de transport |
Loi du 11 septembre 1793 (grains) |
Décret du 6 ventôse an II |
|
Grains |
Autres denrées et marchandises |
||
Par grande route |
5 sols |
4 s 6 deniers |
4 s |
Par traverse |
6 s |
5 s |
4 s 6 d |
Par eau en remontant |
|
2 s |
|
Par eau en descendant |
|
9 d |
|
Par canal |
|
1 s 9 d |
- 29 P. Caron, Le maximum général. Instruction, recueil de textes et notes, Paris, Commission de recher (...)
- 30 Il en a été décidé de même pour les convois militaires et les transports publics. AN, F/14/9821, E (...)
15L’instruction sur le tableau général du maximum du 14 ventôse an II (4 mars 1794) précise cependant que « les traités ou accords entre commerçants et transporteurs continueront à être conclus d’un commun accord sans que les prix convenus entre eux puissent augmenter ou diminuer ceux des denrées et marchandises, l’intention de la loi du 6 ventôse n’étant pas de taxer le transporteur mais de fixer le prix que le commerçant ne pourra dépasser par la vente au consommateur29 ». Après la suppression du maximum, l’État, tout en continuant de se préoccuper de connaître les prix des transports marchands, se refuse à les fixer, préférant laisser les négociants, qu’ils agissent directement ou par l’intermédiaire d’un commissionnaire, négocier librement avec le transporteur de leur choix30.
- 31 Dans le même temps, les tarifs des messageries font l’objet d’une étroite surveillance, notamment (...)
- 32 A. Rémond, Études sur la circulation marchande…, op. cit., p. 90‑91.
16S’il est établi que la période révolutionnaire est marquée par une hausse des prix de transport, il reste toutefois difficile d’en mesurer l’ampleur et d’en préciser les dynamiques temporelles et spatiales31. André Rémond avait déjà cherché à comparer les prix de transport collectés par l’enquête de pluviôse an III avec celle de 1811, tout en soulignant les difficultés de l’entreprise. Elles tiennent tout à la fois au fait que les données disponibles pour les deux enquêtes ne concernent pas les mêmes lieux et qu’elles présentent d’importantes lacunes pour l’étude des prix des transports par eau. Par ailleurs, les prix sont indiqués dans le cas des enquêtes de fructidor an III et de 1811 pour des axes de circulation, tandis que dans le cas de l’enquête de pluviôse an III, ils sont fournis à l’échelle des districts. André Rémond avait cependant constaté que la hausse des prix du roulage semble avoir été la plus forte entre 1790 et l’an III : le prix moyen passe alors de 14,56 à 112,15 francs32.
- 33 AN, F/12/1547. Cet élément d’explication est mentionné pour le district de Libreville alias Charle (...)
- 34 AN, F/10/242, Département du Mont-Blanc : « N° 7 des réponses aux questions du jour des arts et ma (...)
- 35 AN, F/12/1547, District de Mer : « l’augmentation extraordinaire des fourrages et des subsistances (...)
17Mesurer la hausse des prix des transports implique en amont de comprendre la nature des informations collectées, et la connaissance que les acteurs pouvaient avoir de leur formation et de leur variation. On a signalé précédemment l’embarras de plusieurs administrateurs départementaux à renseigner les items relatifs aux prix de transport dans le cadre de l’enquête de fructidor an III. De même, pour l’enquête de pluviôse an III, les informations font défaut pour plusieurs districts. Certains administrateurs se hasardent cependant à avancer quelques arguments pour expliquer les modulations tarifaires : sont notamment pointées la rareté relative des moyens de transport du fait des réquisitions militaires sur les voitures et les chevaux33 et la dégradation des infrastructures de transport34. De même, le renchérissement des fourrages, en augmentant les charges supportées par les transporteurs, a eu pour effet de dégrader les résultats d’exploitation35.
- 36 AN, F/14/1269‑1270.
18Outre le caractère lacunaire des données, l’étude des prix de transport se heurte à plusieurs difficultés. De même qu’il est usuel dans les questionnaires actuels d’exprimer le prix de transport sur la base de la tonne au kilomètre, les informations collectées dans le cadre des enquêtes de la période révolutionnaire sont établies sur la base du poids des chargements. Dans les deux enquêtes diligentées en l’an II, les prix de transport sont ainsi indiqués sur la base du quintal, et ne concernent donc que des marchandises tarifées au poids. L’unité de distance parcourue diffère cependant entre fructidor (cinquante lieues) et pluviôse (cent lieues). Cette différence d’unités semble suggérer qu’il s’agit de deux initiatives engagées indépendamment et sans logique de continuité. Quant à l’enquête de 1811, aucune indication n’est donnée dans le questionnaire concernant les unités à adopter pour renseigner les prix de transport, ce qui complique a priori le traitement des données collectées par le ministère de l’Intérieur. De fait, les réponses fournies par les maires se fondent sur des unités de poids diverses (50 kg, 100 kg ou quintal métrique, cent…). L’unité de distance n’est pas davantage précisée dans le questionnaire. Dans les listes des tarifs proposées par les entreprises de commission à leurs clients qui sont parfois jointes aux réponses, l’usage est de calculer le prix non pas à la distance mais en fonction du nombre de jours de route nécessaires pour relier deux villes36. Un tel mode de tarification des prestations de transport est compréhensible au regard des incertitudes qui pèsent alors sur la circulation marchande. Ce qui importe en effet, c’est moins l’itinéraire emprunté que le respect des délais de livraison. En cas de retard, le marchand destinataire est en droit de diminuer le montant indiqué sur la lettre de voiture.
- 37 À Saint-Malo par exemple, le prix de la commission s’élève à la moitié du prix du premier quintal (...)
- 38 AN, F/12/1547, Nantua : « Les mariniers du district ont de Dortant à Lyon et pour le retour 60L ».
- 39 A. Rémond, Études sur la circulation marchande…, op. cit., p. 74.
19L’incertitude relative à la nature des prix communiqués à l’administration, davantage que la diversité des unités de mesure utilisées, compromet sérieusement l’exploitation statistique de celles-ci. S’agit-il des prix facturés aux marchands expéditeurs par les chargeurs, qui intègrent le montant de la commission, ou de ceux payés aux voituriers ? On sait qu’en 1811 de nombreuses indications de prix ont été communiquées par les commissionnaires. Plusieurs maires ont d’ailleurs envoyé les listes de prix que ces derniers destinent aux marchands. Ce ne sont en effet pas les transporteurs qui déterminent les prix ; tout au plus sont-ils « preneurs de prix », en acceptant ou en refusant le prix annoncé pour un voyage (ou une série de voyages dans le cadre de contrats réguliers). Pour autant qu’on puisse la calculer, la marge réalisée par les commissionnaires par rapport aux avances consenties au transporteur sur le prix du transport à payer par le destinataire peut être relativement importante37. Une ambiguïté supplémentaire tient au fait que l’on ne sait pas toujours si l’indication de prix porte sur un trajet dans un seul sens de circulation ou sur un trajet aller-retour38. Dans les quelques réponses où le sens de navigation est précisé, assez logiquement, le prix à la remontée est plus cher qu’à l’avalage. Le déséquilibre permanent entre l’offre et la demande sur un grand nombre d’itinéraires et les disparités structurelles des flux aller et retour pèsent sur les prix de transport. André Rémond avait suggéré une possible réduction de l’écart à partir de l’enquête de 181139. Enfin, les informations fournies prennent rarement en considération la nature des marchandises transportées, ni leur valeur (les prix de transport ne sont ainsi pas rapportés aux prix de ces marchandises). On sait cependant que les conditions d’acheminement obéissent à des logiques différenciées en fonction de la nature des produits transportés, et selon qu’il s’agit de marchandises du cru ou d’articles expédiés sur de longues distances. Il s’avère également très difficile d’établir des prix de transport moyens dans la mesure où les coûts varient en fonction des itinéraires empruntés et peuvent intégrer des frais supplémentaires si les marchands ont recours à des commissionnaires pour assurer leurs expéditions. Enfin, ces données de prix indiquées pour des segments balisés et selon de strictes logiques modales ne sauraient rendre compte de la complexité des circulations réelles qui, dans le cas des expéditions lointaines, peuvent articuler plusieurs parcours et combiner différents modes de transport.
- 40 Pour quelques districts, les tableaux n’indiquent les prix de transport par terre que pour 1790 (É (...)
20Quelle attention les enquêtes prêtent-elles à l’évolution conjoncturelle des prix de transport ? Seule l’enquête de pluviôse an III cherche explicitement à mesurer l’augmentation de ces prix depuis 1790. Les majorations telles qu’elles sont constatées présentent toutefois de forts contrastes selon les circonscriptions renseignées40.
- 41 Les prix de janvier 1795 ont été calculés à partir des Tableaux de dépréciation du papier monnaie, (...)
Carte 1. Taux d’accroissement des prix de transport dans les districts, 1790‑1795, (N = 141 districts)41

- 42 AN, F/10/242, Réponse, 23 germinal an IV (12 avril 1796).
21Les données rassemblées dans le cadre de l’enquête de pluviôse an III restent cependant délicates à interpréter en raison de leur caractère lacunaire et difficiles à vérifier à partir d’autres séries d’informations. Pour le questionnaire de fructidor an III, la seule comparaison avec les prix de 1790 concerne le département de l’Aveyron pour le trajet entre Saint-Génies et Montpellier (30 lieues) : de 3 livres 10 sols par quintal au début de la Révolution, le prix de transport passe à 8 livres en l’an III (soit, en tenant compte de la dépréciation, une augmentation de 87,7 %)42. La soumission que fait Rischmann pour prendre une entreprise générale du roulage livre de précieuses indications sur l’augmentation des prix entre 1789 et 1792, mais sur quelques axes structurants de circulation :
« Le prix des voitures de Paris à Bordeaux semble avoir toujours été balancé depuis 1789 de 9L à 14L quelquefois il s’est élevé jusqu’à 18L, ce n’a été que pour peu de tems, quoique la distance de ces deux villes soit de 155 lieues
Au lieu que de Paris à Strasbourg, où il n’y a que 119 lieues, le prix des voitures qui n’étoit que de 7L à 8L du cent en 1789, s’est élevé très rapidement dès 1792 jusqu’à 40L du cent
Il n’y a de Paris à Metz que 76 lieues ; en 1792, le prix du cent étoit encore à 5 et il s’est élevé en très peu de tems jusqu’à 28L du cent
22Les taux d’accroissement calculés à partir des données fournies par Rischmann, pour des itinéraires interrégionaux, concordent avec les résultats de l’enquête de pluviôse an III établis à l’échelle des districts.
23L’étude des évolutions conjoncturelles des prix de transport ne constitue pas en soi un objectif explicite de l’enquête de 1811, même si, dans certaines réponses, les maires prennent le soin d’indiquer une tendance à la baisse ou inversement à la hausse par rapport aux années précédentes. Dans tous les cas, les informations consignées présentent une faible profondeur chronologique. En fait, ce qui intéresse fondamentalement le ministère de l’Intérieur, ce sont les variations saisonnières des prix du roulage entre l’été, où ils sont a priori plus faibles (ils ont toutefois tendance à s’accroître pendant les travaux des champs), et l’hiver, où ils augmentent, surtout en raison de conditions de circulation plus difficiles qui obligent les voituriers à réduire les chargements, à renforcer les attelages et à effectuer des distances journalières moins longues. Il reste toutefois difficile de comprendre pourquoi les autorités ne se préoccupent de tels écarts que pour le roulage, alors même que le transport par eau est soumis de la même façon à des fluctuations saisonnières, notamment en cas d’étiages ou de crues.
III. La structure de l’offre de transport
24Bien que les intentions politiques qui sous-tendent la réalisation de ces différentes enquêtes ne soient pas explicitées, l’attention portée aux prix amène les concepteurs de ces consultations à s’intéresser aux modalités de fixation de ces tarifs et à l’offre de transport de marchandises. Loin d’être un objet d’enquête en soi, la question des prix du transport participe en fait d’une connaissance plus large de l’organisation du secteur d’activité et des contraintes tant structurelles que conjoncturelles qui pèsent sur celui‑ci.
- 44 Voir A. Conchon, « Privilèges et concurrence dans le transport de marchandises en France au xviiie(...)
- 45 AN, AF/IV/1062, Mémoire sur les abus et les dangers auxquels le roulage, dans son régime actuel, e (...)
25C’est la crainte d’un renchérissement des prix de transport qui avaient déjà incité l’État d’Ancien Régime à laisser le secteur des transports marchands fonctionner sur un régime concurrentiel. Depuis la fin du xviie siècle, les autorités politiques comme les entreprises de roulage s’étaient opposées aux diverses tentatives de création d’un privilège exclusif, arguant qu’une telle atteinte à la libre négociation des prix irait non seulement à l’encontre des intérêts du commerce, mais qu’elle ne manquerait pas d’entraîner une augmentation des prix du transport. Quand, entre 1777 et 1784, les messageries prétendirent exercer le courtage pour les expéditions d’un poids supérieur à 50 livres pesant, les chambres de commerce et les commissionnaires chargeurs adressèrent au Bureau du commerce des pétitions pour dénoncer le risque d’une augmentation des prix de transport qui ne manquerait pas de se répercuter sur les prix de vente (de l’ordre de 6 à 8 % sur la grosse draperie, les cuirs, les toiles et les blés)44. Pour les premières années de la Révolution, les procès-verbaux du Comité d’agriculture et de commerce consignent encore des sollicitations pour des monopoles qui, au nom du principe de concurrence qui régit le roulage, sont rejetées. Il en est ainsi pour l’offre faite par Rischmann en l’an IV. Avant lui, un certain M. Boyer a déjà été débouté pour une demande semblable. La question de la fixation des prix resurgit en 1805-1806 avec deux mémoires rédigés par Jean Blanc de Volx45. Ce projet entend, par un contrôle accru sur tous les acteurs de la chaîne de transport, corriger toute une série d’abus liés au défaut de responsabilité juridique et à l’impossibilité d’engager des recours en cas de retard, d’avarie ou de perte des chargements. Blanc de Volx propose la création d’une agence pour le transport et la garantie des marchandises par voie de terre, placée sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et de la Police générale. Une succursale serait établie dans tous les chefs-lieux de département et villes commerçantes. Les courtiers de roulage et les voituriers feraient l’objet d’un enregistrement ; les lettres de voiture délivrées aux transporteurs seraient répertoriées de façon à contrôler les transmutations, c’est-à-dire les transferts de cargaisons d’un voiturier à un autre. Surtout, ce projet prévoit l’affichage « au moins deux fois par semaine, et peut-être même tous les jours à la bourse de chaque commune un tableau indicatif du cours positif des transports avec ses variations en hausse et en baisse pour toutes les grandes routes de l’Empire ». Ce projet se heurte à l’opposition unanime des chambres de commerce, qui invoquent le risque d’augmentation des prix et l’atteinte au secret des affaires commerciales. Les mémoires rédigés à l’occasion de cette vaste consultation manifestent surtout l’attachement farouche des marchands à la liberté dans l’organisation des transports, au motif qu’elle profite toujours à l’expéditeur.
26La collecte d’informations sur les prix de transport intègre, dans le cas des enquêtes de pluviôse an III et de 1811, une attention aux coûts qui participent à la formation des tarifs du fret. Le renchérissement des fourrages et des frais d’auberge a déjà été signalé. Le questionnaire de pluviôse an III prévoit aussi que les administrateurs de district indiquent le salaire journalier d’un compagnon marinier, celui d’un compagnon d’une voiture à deux chevaux avec un conducteur et celui d’un compagnon d’une voiture à quatre bœufs avec un conducteur entre 1790 et le 1er floréal 1795. Ces rubriques ont été diversement renseignées pour 172 districts. Du reste, certaines réponses rendent compte de l’inadéquation du questionnaire par rapport aux usages en vigueur dans le secteur des transports. Pour le district de Soissons (Aisne), il est notamment précisé que les mariniers « ne se payent point à la journée » mais sont rémunérés forfaitairement pour un trajet. De même, une ambiguïté soulevée par certaines réponses – Sarlat (Dordogne), Ervy et Arcis-sur-Aube (Aube) – réside dans le fait de savoir s’il fallait considérer le salaire stricto censu ou intégrer dans celui-ci la nourriture des transporteurs. Ce sont là des préoccupations que l’on retrouve dans le cadre de l’enquête de 1811, de laquelle le ministère de l’Intérieur attend des informations sur les coûts pesant sur les transports fluviaux (rémunération des équipages, prix d’achat des bateaux et frais d’entretien).
- 46 Les maires doivent indiquer le nombre de voituriers ou de charrettes qui se rendent annuellement d (...)
- 47 AN, AF/III/145B, Observations sur la différence des prix de voitures, 21 floréal an IV (10 mai 179 (...)
- 48 AN, F/12/1547.
27La disponibilité relative des moyens de circulation et des transporteurs constitue un autre facteur essentiel pour expliquer la variation des prix de transport. Alors que les autorités révolutionnaires ont précocement cherché à recenser les bateaux disponibles pour la circulation fluviale, ce n’est, semble-t-il, qu’avec l’enquête de 1811 que le gouvernement tente d’évaluer le nombre de rouliers fréquentant les principales places marchandes au cours d’une année46. La géographie de ces indications ne recoupe que très partiellement celle des mentions de prix de transport contenues dans l’enquête de pluviôse an III, ce qui invalide un élément d’explication possible des différenciations spatiales de ceux-ci. Les voituriers pour qui le transport constitue l’activité principale forment une minorité au regard d’une large fraction de paysans travaillant de façon intermittente en dehors des travaux des champs. Selon Rischmann, « les deux tiers au moins des transports par rouliers se font avec des chevaux ou voitures, qui appartenant à des cultivateurs, propriétaires ou fermiers, qui ne sont en route que lorsque la culture des terres leur en laisse le loisir47 ». La faible amplitude des trajets que ces transporteurs sont susceptibles d’opérer à portée de leur domicile et à destination des marchés voisins induit une fragmentation géographique des flux et de nombreuses ruptures de charge. Comme l’indiquent les administrateurs du district de Louhans (Saône-et-Loire) dans leur réponse à l’enquête de pluviôse an III, « il n’y a pas de voituriers qui entreprennent de longs voyages. Les transports se font des communes voisines à une distance de 5 à 6 lieues48 ». La transmutation de la cargaison se fait par l’entremise de commissionnaires ou d’aubergistes, à un autre voiturier qui poursuit la route jusqu’à un autre point, et ainsi de suite jusqu’à la destination finale. Les réquisitions révolutionnaires, en pesant sur la disponibilité des charrettes et des bêtes composant les attelages, ont-elles contribué à resserrer l’amplitude des circulations et à renchérir les prix de transport pour des expéditions sur de longues distances ? C’est là une question essentielle, à laquelle il est pourtant impossible de répondre à partir des informations recueillies dans le cadre des enquêtes.
- 49 AN, F/10/242. « Le roulage a assez d’activité de Lyon à Genève passant par Nantua, du Lyon à St-Cl (...)
- 50 Ibid. Le rôle des voituriers normands est ainsi signalé pour le département de la Mayenne.
- 51 « Quelques rouliers de la ville reçoivent des dépôts de marchandises qu’ils transportent eux-mêmes (...)
28Au-delà de la seule question des prix des expéditions, les autorités révolutionnaires cherchent aussi plus largement à se renseigner sur l’organisation du secteur des transports et les acteurs qui participent à sa structuration. À la question n° 148 de l’enquête de fructidor an III (« Le roulage a-t-il beaucoup d’activité dans le pays ? »), les quelques réponses transmises à l’administration centrale peinent à rendre compte d’une situation générale : sont tantôt mentionnés les axes de circulation les plus actifs du département49 ou l’origine géographique des principaux voituriers50. Avec l’enquête de 1811, le ministère de l’Intérieur cherche non seulement à évaluer le nombre de transporteurs, comme cela a déjà été évoqué, mais va également manifester un intérêt tout à fait nouveau pour le commerce de commission qui assure les expéditions pour compte d’autrui. Cette attention à des acteurs essentiels à la coordination des transports peut s’expliquer par une volonté plus générale d’appréhender leur rôle dans la formation des prix d’expédition et de la fixation des temps d’acheminement. Il est ainsi demandé aux maires d’indiquer le nombre et l’ancienneté des maisons de commission et de roulage en activité dans leur ville. Certaines réponses rendent compte de la perplexité des maires : quand ils ne consignent pas le nom des rouliers51, ils mentionnent les marchands locaux conjuguant une activité de négoce et d’expédition, et réalisant tout à la fois du transport en compte propre et du transport pour compte d’autrui. Certains maires, qui cherchent à faire une interprétation stricte du questionnaire, s’attachent à distinguer les « commissionnaires de roulage » ou les « commissionnaires-chargeurs » de profession. Ces intermédiaires spécialisés, qui jouissent d’un statut juridique reconnu depuis l’Ancien Régime et précisé quelques années avant l’enquête de 1811, assurent des fonctions logistiques essentielles à l’organisation des transports, en supervisant le chargement et l’expédition pour compte d’autrui, en réalisant des opérations de groupage (de plusieurs envois pour une même ville) et en traitant avec les voituriers auxquels ils remettent la lettre de voiture accompagnant le chargement à transporter, et en établissant les itinéraires d’acheminement. Les comptages établis sur la base des qualifications fonctionnelles consignées dans les réponses permettent, malgré leur degré d’approximation, de rendre compte des recompositions qui ont lieu au cours de la période révolutionnaire.
29Alors que la décennie révolutionnaire est traditionnellement présentée comme une période difficile pour le secteur des transports, le décompte des maisons de commission organisant les expéditions et la chaîne des circulations, rend compte d’un réel dynamisme de cette activité essentielle à l’animation des échanges.
- 52 Cette chronologie a été reconstituée à partir des indications consignées dans les réponses à l’enq (...)
Graphique 1. Nombre et dates de création des maisons de commission et d’expédition en activité en 181252

- 53 La réponse au questionnaire mentionne 31 établissements fonctionnant en 1811, dont 5 en activité a (...)
30Il ressort des indications plus ou moins précises transmises par les maires quant à l’ancienneté de ces maisons de commission et d’expédition que plusieurs d’entre elles présentent une longévité exceptionnelle. La durée de ces établissements tient au fait qu’il s’agit souvent d’une activité qui se transmet de père en fils et qui repose sur de puissantes solidarités familiales. Outre le fait que certaines exercent depuis l’Ancien Régime, il faut noter le grand nombre de créations au cours de la période révolutionnaire. Le pic de 1791 reste toutefois difficile à expliquer sans des investigations complémentaires dans les archives locales. Les créations se maintiennent à un niveau soutenu pour les années suivantes, notamment entre 1793 et 1795, à une période où, pourtant, l’économie des transports marchands est lourdement affectée par les réquisitions et la dégradation des conditions de circulation. Il semble au demeurant peu probable d’imputer ces nouvelles entreprises aux besoins en matière de transports militaires, tant sont distincts les deux circuits que sont le roulage, d’une part, et le ravitaillement des armées, de l’autre. Et quand le spectre d’action de ces commissionnaires est précisé, on constate par ailleurs qu’ils opèrent sur des distances variables, ne desservant parfois que certaines directions. Ce décompte ne saurait par ailleurs rendre compte des recompositions qui s’opèrent alors entre les places marchandes. En 1811, les trois maisons de commission qui existaient à Bergerac (Dordogne) ont disparu, tandis que leur nombre est multiplié par quatre à Marseille (Bouches-du-Rhône) depuis 178953. Les 23 créations postérieures à 1793 interviennent dans un contexte où la guerre maritime marque un ralentissement brutal de l’activité portuaire et tend à faire préférer au cabotage le transport par voie de terre.
Conclusion
31Malgré les lacunes et les biais qu’elles présentent, les enquêtes diligentées par les autorités révolutionnaires sur l’économie des transports livrent plusieurs éclairages intéressants. Elles rendent compte d’abord d’une volonté politique de rassembler des informations nécessaires à une intervention de l’État en matière de régulation des prix de transport, dans un contexte de forte augmentation des coûts du fret et d’inflation particulièrement sensible pour les produits de subsistance. Quant à l’enquête de 1811, elle permet de resituer les dynamiques du secteur des transports au cours de la séquence révolutionnaire dans un horizon temporel plus large. Toutes ces enquêtes contribuent à faire émerger l’économie des transports comme un objet d’investigation à part entière, dans le cadre de consultations générales ou de sollicitations spécifiques. Même si ces enquêtes ne disent rien de l’intensité variable des trafics entre les places marchandes et de la complexité des chaînes de transport, elles compilent de précieuses informations sur les contraintes structurelles et les dynamiques tant spatiales que temporelles qu’agrègent les prix de transport et qui déterminent leur formation.
Notes
1 Archives nationales (désormais AN), AF/III/314, dossier 1242, Rapport du ministre de l’Intérieur Pierre Bénézech, 16 brumaire an IV (7 novembre 1795).
2 Anne Conchon, « Les transports intérieurs sous la Révolution : une politique de l’espace », Annales historiques de la Révolution française, n° 352, 2008/2, p. 5‑28.
3 Henri Cavaillès, La route française, son histoire, sa fonction : étude de géographie humaine, Paris, Armand Collin, 1946 ; Jean-Marcel Goger, « La politique routière en France de 1716 à 1815 », thèse de doctorat sous la direction de Jean-Claude Perrot, Éditions de l’EHESS, 1988 ; Jean Petot, Histoire de l’administration des Ponts et Chaussées : 1599‑1815, Paris, Librairie Marcel Rivière & Cie, 1958 ; Éric Szulman, « Administrer la Navigation intérieure sous la Révolution », AHRF, 2017/3, n° 389, p. 57‑76 ; Bernard Lepetit, Chemins de terre et voies d’eau : réseaux de transport et organisation de l’espace en France, 1740-1840, Paris, Éditions de l’EHESS, 1984.
4 La thèse que prépare Amin Benyoucef (université Paris 1-Panthéon-Sorbonne) devrait pouvoir apporter un certain nombre de réponses.
5 Voir notamment Anne Bretagnolle, Thimotée Giraud, Nicolas Verdier, « Modéliser l’efficacité d’un réseau : Le cas de la poste aux chevaux dans la France préindustrielle (1632-1833) », L’espace géographique, vol. 39, n° 2, 2010, p. 117‑131.
6 À la lecture des minutes des séances de travail du Comité des transports, postes et messageries, le roulage constitue un enjeu très secondaire au regard de la distribution du courrier. Cf. Anne Conchon, « Les comités révolutionnaires et la politique des transports : logiques fonctionnelles et gestion administrative », Gouverner par la loi. Les comités et commissions des Assemblées révolutionnaires : du législatif à l’exécutif, actes de la journée d’études (Archives nationales 13 juin 2019), revue électronique La Révolution française, 17 | 2020, consultable sur https://journals.openedition.org/lrf/3360.
7 Isabelle Guégan, Inventaire des enquêtes administratives et statistiques 1789-1795, Paris, Éd. du CTHS, 1991, p. 17.
8 Georges Bourgin, Fragments d’une enquête économique du ministre Roland auprès des ingénieurs des ponts et chaussées, 1792-1793, Besançon, Imprimerie Jacques et Demontrond, 1942. Seule la troisième question concerne les infrastructures routières et navigables. Voir Pierre Caron, « Une enquête sur l’état des routes, rivières et canaux au début de l’an II », Bulletin d’histoire économique de la Révolution, 1917-1919, Paris, p. 1‑362 ; Recueil des actes du Comité de salut public avec la correspondance des représentants en mission et le registre du Conseil exécutif provisoire (désormais RACSP), Paris, Imprimerie nationale, 1889-1971, vol. 14, p. 572 : « L’un des agents fera des tournées chaque mois et dressera des procès-verbaux de visite, sur les rapports des inspecteurs, de l’état de la navigation, des mouvements, des moyens de transport ». L’enquête lancée en l’an XI auprès des ingénieurs à propos du classement des routes (AN F/14/11072‑11073) présente l’intérêt de livrer, au-delà de renseignements relatifs aux infrastructures, quelques indications sur les principales marchandises qui y circulent.
9 RACSP, vol. 16, p. 576‑577. Le 22 fructidor an II (8 septembre 1794) est notamment décidé le recensement des mariniers et des maîtres de bateaux. Voir I. Guégan, Inventaire des enquêtes…, op. cit., p. 152‑153 (enquête du 15 messidor an II).
10 Augustin Cochin et Charles Charpentier, Les actes du Gouvernement révolutionnaire, Paris, Librairie Alphonse Picard et Fils, 1920-1935, t. 1, p. 489 ; AN, F/11/268.
11 Archives départementales du Nord, C/9115.
12 Archives départementales de l’Aisne, C/619, Correspondance de l’intendant à propos de l’augmentation des prix des transports par les voituriers.
13 Archives Parlementaires (désormais AP), t. 78, p. 142‑143, Décret du 11 brumaire an II (1er novembre 1793) ; Ernest Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au xviiie siècle, Paris, Éd. des archives contemporaines, 1984, p. 126, note 27 ; André Rémond, Études sur la circulation marchande en France au xviiie-xixe siècle, t. 1, Prix des transports marchands de la Révolution à l’Empire, Paris, M. Rivière et Cie, 1956.
14 P. Caron, La Commission des subsistances de l’an II. Procès-verbaux et actes, Paris, Leroux, 1925. Elle a notamment été saisie à plusieurs reprises pour prendre en charge les frais de transport pour des approvisionnements en blé des magasins généraux. Par ailleurs « pour mettre fin aux justes réclamations des départements sur les frais de transport des grains fournis par voie de réquisition ou provenant de l’étranger, la Commission a proposé au Comité de salut public de charger les consommateurs des frais de transport dans l’étendue d’un même district, et même d’un district à un autre, quand ils se touchent immédiatement, et lorsqu’ils ne se touchent pas immédiatement, jusqu’à la distance de dix lieues du chef-lieu du district auquel les grains sont fournis, et de charger le Trésor public du surplus des frais de transport » (p. 773). AN, F/12/1547/B, Enquête sur les prix (an III). Cette enquête a été éditée par Pierre Caron, « Une enquête sur les prix après la suppression du maximum », Bulletin trimestriel de la Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution, 1910, p. 1‑134 et 303‑412. On ne trouve aucune trace de cette enquête dans les archives du Comité des transports, postes et messageries.
15 Cité par A. Rémond, Études sur la circulation marchande…, op. cit., p. 62.
16 Pour l’intégralité du questionnaire, voir I. Guégan, Inventaire des enquêtes…, op. cit., p. 88‑95.
17 Circulaires des 2 brumaire an IV (24 octobre 1795) et 6 frimaire an IV (27 novembre 1795).
18 AN, F/10/242. Une autre réponse pour le département de la Mayenne est conservée sous la côte F/12/1566.
19 Marcel Blanchard, « L’enquête de 1811 sur le roulage », Revue de géographie alpine, vol. 8, n° 4, 1920, p. 585‑626.
20 Marie-Noëlle Bourguet, Déchiffrer la France. La statistique départementale à l’époque napoléonienne, Paris, Éd. des archives contemporaines, 1988.
21 AN, F/14/1269. Le maire d’Étrépagny (Eure) explique le retard avec lequel il adresse sa réponse par le fait que l’aubergiste auprès duquel il a pris ses renseignements a été absent pendant trois mois.
22 Parmi les 78 départements pour lesquels on dispose de données, il manque malheureusement celui de la Seine.
23 Pour le sud-est de la France, Charles Carrière observe entre les années 1730 et les années 1790 une grande stabilité des prix de transport entre Marseille et le Languedoc et entre Marseille et Lyon, « Les transports intérieurs », dans idem, Négociants marseillais au xviiie siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, Institut historique de Provence, 1973, t. 2, p. 691‑692. La tendance est au demeurant la même dans le Lyonnais, Jacqueline Roubert, « Essai sur les transporteurs de marchandises en relation avec le commerce lyonnais au xviiie siècle », Actes du 92e congrès des sociétés savantes. Section d’histoire moderne et contemporaine, t. 2, Le commerce et l’industrie, Paris, Bibliothèque nationale, 1970, p. 99‑177 ou en Lorraine, Julien Villain, « Appareil commercial et diffusion des biens de consommation au xviiie siècle. Aires et structures du commerce des commodités en Lorraine centrale et méridionale, années 1690-1791 », thèse sous la direction de Dominique Margairaz, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2014, p. 187 et s.
24 Dominique Margairaz, « Le maximum : une grande illusion libérale, ou de la vanité des politiques économiques », dans État, finances et économie pendant la Révolution française, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1991, p. 399‑428.
25 Procès-verbaux de la Convention nationale, Paris, Imprimerie nationale, an 1er, t. 20, p. 282.
26 Thomas Le Roux, Le commerce intérieur de la France à la fin du xviiie siècle, Paris, Nathan, 1996, p. 243‑252.
27 Procès-verbaux de la Convention nationale, Paris, Imprimerie nationale, an II, t. 32, p. 206‑211. Voir AP, t. 85, p. 353‑356 et p. 419 et s.
28 Cette tarification à 4 sols du quintal correspond grosso modo au prix moyen du roulage que signale Rischmann pour le début du Directoire : AN, AF/III/145B, Observations sur la différence des prix de voitures, 21 floréal an IV (10 mai 1796).
29 P. Caron, Le maximum général. Instruction, recueil de textes et notes, Paris, Commission de recherche et de publication des documents relatifs à la vie économique de la Révolution, 1930.
30 Il en a été décidé de même pour les convois militaires et les transports publics. AN, F/14/9821, Extrait du registre des arrêtés du Comité de salut public, 16 ventôse III (6 mars 1795) : « Les préposés aux services des armées ou autres services publics traiteront de gré à gré avec les propriétaires, cultivateurs et voituriers, des frais qui devront leur être alloués pour le transport des denrées et marchandises nécessaires à l’exécution de ces services » (art. 2).
31 Dans le même temps, les tarifs des messageries font l’objet d’une étroite surveillance, notamment de la part du Comité des transports, postes et messageries, et d’un strict encadrement réglementaire marqué entre autres par la loi du 6 nivôse an VI (26 décembre 1797).
32 A. Rémond, Études sur la circulation marchande…, op. cit., p. 90‑91.
33 AN, F/12/1547. Cet élément d’explication est mentionné pour le district de Libreville alias Charleville (Ardennes), de Bar-sur-Seine (Aube) et d’Auxerre (Yonne).
34 AN, F/10/242, Département du Mont-Blanc : « N° 7 des réponses aux questions du jour des arts et manufactures » envoyé par C. Quisard laboureur et correspondant de la Commission d’agriculture et des arts à M. Dubois chef de la 4e division des bureaux du ministre de l’Intérieur.
35 AN, F/12/1547, District de Mer : « l’augmentation extraordinaire des fourrages et des subsistances fait que les prix des voitures sont portés aussi haut ». Un semblable argument se retrouve pour les districts d’Hennebont et d’Ormont-Saint‑Dié.
36 AN, F/14/1269‑1270.
37 À Saint-Malo par exemple, le prix de la commission s’élève à la moitié du prix du premier quintal métrique. Lorsque c’étaient des maisons de commerce qui se chargeaient de l’expédition pour compte d’autrui, il ne semble pas qu’elles facturaient cette prestation. Julien Villain n’en a trouvé aucune trace dans les comptes courants ou dans les correspondances des marchands lorrains, par exemple. Il s’agissait d’un service qui participait plus largement d’un échange de bons procédés entre marchands.
38 AN, F/12/1547, Nantua : « Les mariniers du district ont de Dortant à Lyon et pour le retour 60L ».
39 A. Rémond, Études sur la circulation marchande…, op. cit., p. 74.
40 Pour quelques districts, les tableaux n’indiquent les prix de transport par terre que pour 1790 (Étampes et Dieuze) et pour l’an III (Besançon et Paimbœuf), ce qui rend impossible le calcul du taux d’accroissement.
41 Les prix de janvier 1795 ont été calculés à partir des Tableaux de dépréciation du papier monnaie, éd. par P. Caron, Paris, impr. Nat., 1909.
42 AN, F/10/242, Réponse, 23 germinal an IV (12 avril 1796).
43 AN, AF/III/145B, Observations sur la différence des prix de voitures, 21 floréal an IV (10 mai 1796).
44 Voir A. Conchon, « Privilèges et concurrence dans le transport de marchandises en France au xviiie siècle », dans Guillaume Garner (dir.), Die Ökonomie des Privilegs, Westeuropa 16.-19.Jh./L’économie du privilège, Europe occidentale, xvie-xixe siècle, Francfort, V. Klostermann, 2016, p. 397‑416.
45 AN, AF/IV/1062, Mémoire sur les abus et les dangers auxquels le roulage, dans son régime actuel, expose le commerce. Projet présenté à Son Altesse Impériale Monseigneur le prince Joseph, avec prière de l’adresser à son excellence le ministre de l’Intérieur et de l’inviter à le faire examiner et à se faire faire un rapport sur les avantages qu’il présente et sur la facilité de son exécution : projet d’une agence pour le transport et garantie des marchandises par voie de terre (1805).
46 Les maires doivent indiquer le nombre de voituriers ou de charrettes qui se rendent annuellement dans les différents chefs-lieux de département. Pour cet item du questionnaire, le taux de réponse est relativement faible, car plusieurs maires répondent qu’il leur est impossible de fournir une telle information, principalement en raison des fortes variations du trafic selon les périodes de l’année. Les réponses présentent par ailleurs plusieurs ambiguïtés. Il est difficile de déterminer, quand ce n’est pas précisé, si les voituriers ne font que passer ou s’ils réalisent des opérations de chargement ou de déchargement. Seuls les transporteurs habituels ou tous les passages sont-ils comptabilisés ? L’agrégation des données présente une difficulté supplémentaire, qui tient au fait que le décompte est parfois fourni par jour et par mois ; il est alors difficile de trouver le multiplicateur adéquat sans risquer de surestimer le trafic quand on sait que le transport est une activité très largement soumise aux rythmes saisonniers.
47 AN, AF/III/145B, Observations sur la différence des prix de voitures, 21 floréal an IV (10 mai 1796).
48 AN, F/12/1547.
49 AN, F/10/242. « Le roulage a assez d’activité de Lyon à Genève passant par Nantua, du Lyon à St-Claude etc. » (Ain) ou « de Limoges à Angoulême » (Charente).
50 Ibid. Le rôle des voituriers normands est ainsi signalé pour le département de la Mayenne.
51 « Quelques rouliers de la ville reçoivent des dépôts de marchandises qu’ils transportent eux-mêmes ; mais on ne peut les considérer comme maison de commission » (Agen, Lot-et-Garonne).
52 Cette chronologie a été reconstituée à partir des indications consignées dans les réponses à l’enquête de 1811. Pour un tiers des maisons mentionnées (221 sur les 765 recensées), ce type d’information soit fait défaut, soit est très imprécis (« récemment », « depuis peu d’années » « depuis de longues années »…)
53 La réponse au questionnaire mentionne 31 établissements fonctionnant en 1811, dont 5 en activité avant la Révolution.
Table des illustrations
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Titre | Carte 1. Taux d’accroissement des prix de transport dans les districts, 1790‑1795, (N = 141 districts)41 |
URL | http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/12855/img-1.jpg |
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URL | http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/12855/img-2.jpg |
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Titre | Graphique 1. Nombre et dates de création des maisons de commission et d’expédition en activité en 181252 |
URL | http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/12855/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 371k |
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