En attendant le cadastre : désir d’égalité, horizon d’attente et contribution foncière, 1789‑1820
p. 79-97
Texte intégral
1Parmi les nouveaux affects que libère la Révolution française, le « désir de l’égalité » occupe indéniablement une place centrale. En 1840, Tocqueville emploie cette expression pour rendre compte de l’inquiétude sourde qui tourmente les Américains, en dépit de leur opulence1. Mais, précise-t-il, tandis qu’en Amérique l’« amour de l’égalité » prend aussi la forme d’une saine émulation, l’absence en France d’un amour équivalent pour la liberté l’aurait transformé en simple haine des différences2. Quelles furent alors les principales expressions du désir d’égalité au lendemain de la Révolution ? Quels dispositifs matériels et institutionnels contribuèrent à façonner le « régime émotionnel » au sein duquel s’affirma cette passion démocratique3 ? Le présent chapitre s’efforce d’aborder ces vastes questions à partir d’un objet précis : le cadastre général de la France.
2Instruments de la construction des États, les cadastres sont, depuis l’Antiquité, des outils majeurs de la fiscalité4. En France, où la contribution foncière représente une part essentielle des revenus publics, les revendications fiscales s’étaient exprimées, sous l’Ancien Régime, à l’intérieur d’une société d’ordres et de coutumes provinciales5. L’abolition des privilèges, au début de la Révolution, fait éclater ce cadre. Destiné à emporter l’adhésion des citoyens à l’impôt6, le projet de cadastre contribue à redéfinir un aimer et un haïr en commun à une échelle désormais nationale7. Après le 9 thermidor an II, cependant, le désir d’égalité devient une passion de plus en plus encombrante, que la République s’efforce de circonscrire et de domestiquer. En matière fiscale, la lenteur des opérations liées au cadastre signifie qu’il faudra maintenir encore de nombreuses années les inégalités issues du monde ancien8. Depuis 1791, en effet, l’impôt foncier a été réorganisé en reprenant une répartition héritée de l’Ancien Régime, celle de la taille, qui est connue pour son injustice, mais que l’on a transposée sur des découpages départementaux sans pouvoir la fonder sur des mesures précises du produit net.
3Il faut attendre l’an XI (1802) pour que le travail de mesure et de nomenclature commence effectivement sur le terrain, et que les premiers plans cadastraux et matrices de rôles parviennent au ministère des Finances. Une quarantaine d’années sera encore nécessaire avant que ce premier cadastre ne soit achevé sous la monarchie de Juillet. En attendant, c’est la promesse d’un cadastre futur qui permet de faire accepter les inégalités présentes, de contenir le désir d’égalité, et finalement de fonder un nouvel attachement à la terre. L’amour de l’égalité resurgit alors régulièrement, comme une passion dévorante, que la simple perspective d’une équité future ne saurait complètement assouvir.
4Un aspect majeur du cadastre, perçu ici non pas seulement comme un outil de confection de la nouvelle fiscalité ou des mutations de la propriété foncière, mais comme un instrument de gouvernement des affects, est donc le nouveau rapport au temps qu’il instaure. Tant que le cadastre n’est pas encore livré, le désir d’égalité définit aussi un horizon d’attente : il révèle autant d’inquiétude et d’impatience que d’espoir dans un avenir meilleur. La fiscalité, au lieu de se référer à la tradition, doit désormais se diriger vers un futur de progrès9. Instrument d’équité fiscale entre les départements, les arrondissements et les communes, le cadastre est aussi un instrument de construction des temporalités administratives, politiques et sociales, qui joua un rôle important dans l’installation d’une nouvelle façon d’articuler le passé, le présent et l’avenir.
I. Cadastrer pour républicaniser ?
5Dès la rédaction des cahiers de doléances, l’équité fiscale est au cœur de la dynamique révolutionnaire. Elle est proclamée le 26 août 1789 par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et instituée le 1er décembre 1790 par la loi concernant la contribution foncière10. Elle conduit, moins d’un an plus tard, à la création du Bureau du cadastre11. Le décret du 21 mars 1793 demande au Comité des finances un plan d’organisation et, « dans l’attente de ce cadastre », ordonne la rectification des matrices de rôles pour la contenance des fonds et leur produit net12. Dirigé par un ingénieur en chef des ponts et chaussées, Gaspard de Prony, le Bureau du cadastre doit réaliser une mesure géométrique du territoire et un calcul du produit net. Mais d’emblée, la question est posée du délai dans lequel le cadastre permettra de faire entrer la République dans une nouvelle ère fiscale. Professeur à l’École polytechnique en 1794, puis directeur des ponts et chaussées en 1798, Prony se concentre essentiellement, pendant la Révolution, sur la production de tables trigonométriques. Or, cet immense travail préliminaire, qu’il juge indispensable, repousse d’emblée la mise en œuvre des opérations sur le terrain13.
6Si le délai imposé par Prony témoigne d’une tension entre l’urgence ressentie de réformer la fiscalité et le temps nécessaire pour établir un cadastre scientifiquement mené, il reflète aussi un doute persistant sur l’utilité et la fonction d’un cadastre général, qui semble inhiber l’avancée des travaux. Depuis longtemps, on sait que l’agriculture n’est pas immobile14. Outre les fluctuations météorologiques inévitables qui, d’année en année, impactent le produit net, savoirs et techniques agricoles ne cessent de progresser15. Du fait de l’inconstance des saisons et du progrès des Lumières, tout cadastre court donc le risque d’être immédiatement obsolète. C’est l’argument qu’utilise Adam Smith, dans sa Richesse des nations, pour démontrer leur inutilité. Et c’est afin d’y répondre que François-Noël (bientôt Gracchus) Babeuf, feudiste dans le Vermondois, prolongeant les idées de James Harrington, imagine en 1789 un « cadastre perpétuel » destiné à « faire cesser l’inégalité de répartition ». Afin que le cadastre reste toujours actuel, il propose un « système de perpétuation » fondé sur l’usage du « graphomètre trigonométrique », le désassemblage de la carte cadastrale et la description régulièrement renouvelée des propriétés. Plus tard, la Conjuration des Égaux demandera l’abolition de la propriété privée des terres, mais sans référence aux techniques cadastrales, le cœur de la réflexion se reportant désormais sur l’organisation de la grande communauté nationale16.
7Mais les objections au cadastre ne sont pas seulement pratiques. Elles concernent la nature même de la République et le type d’égalité qui y est souhaitable. Pour Nicolas de Condorcet, en 1793, la demande de justice inscrite dans la dynamique révolutionnaire doit conduire à un impôt progressif, qui doit porter sur les personnes et non sur les choses17. C’est donc un impôt de quotité, non de répartition, un impôt personnel et non réel, qui est souhaitable. Dans cette perspective, la réalisation d’un cadastre n’est plus une priorité. À l’inverse, les opposants à l’impôt progressif y voient une fausse équité et mettent le cadastre au cœur de leurs revendications. Ancien notaire, auteur d’une Méthode des terriers avant de devenir député de Seine-et-Marne, Jean-Baptiste-Moïse Jollivet défend le cadastre dès août 1792, dans une étude importante sur la contribution foncière18. En 1793, alors qu’il a rejoint la Commission des poids et mesures, il combat l’iniquité de l’impôt progressif, qu’il accuse de décourager l’expression des talents19. Bientôt membre du Bureau du cadastre et membre associé de la section d’économie politique de l’Institut national, il continue, sous le Directoire, son combat en faveur d’un démarrage rapide des travaux.
8Plutôt qu’un instrument d’égalisation, le cadastre apparaît ici comme un outil d’assainissement des finances et de rétablissement du crédit public. Il est associé à la promesse d’ouvrir à nouveau un avenir obscurci par la dette publique et par la crise financière qui en découle. Depuis la fin du xviiie siècle, l’inquiétude liée à la dette est inséparable d’un rejet du modèle anglais de gouvernement représentatif et de la recherche d’une voie française distincte, qui maintiendrait l’autonomie du pouvoir politique à l’égard des prêteurs d’argent et limiterait le niveau des impôts indirects20. Sous la Révolution, l’idée de cadastre est inséparable de la recherche d’une doctrine financière pour la République. Dès son arrivée au ministère des Finances, Dominique-Vincent Ramel annonce l’adoption d’un « système de finances » fondé sur la publication annuelle des dépenses et recettes. Cette idée, défendue par divers publicistes, s’intègre à une vision de l’avenir dans laquelle la baisse des taux d’intérêt et la vente des biens nationaux permettront de rétablir l’équilibre budgétaire21. La place que doit y tenir le cadastre est régulièrement rappelée.
9La sincérité de Ramel est pourtant contestée par les royalistes, qui s’insurgent contre certains effets de sa politique monétaire déflationniste. Après la victoire des royalistes aux élections aux Conseils, au printemps 1797, André-Daniel Laffon-Ladébat, proche du Club de Clichy, lance une attaque contre la politique financière de Ramel et des Directeurs22. Selon lui, il convient de mettre la contribution foncière au cœur d’un nouveau « système de finances » mettant en rapport les dépenses et les revenus, présents et à venir. Le cadastre y sera un outil indispensable pour mieux connaître les recettes publiques. Il permettra une évaluation plus précise des dépenses de la République, qui doivent être suffisamment élevées pour assurer l’ordre, et suffisamment limitées pour permettre aux cultivateurs d’assurer l’entretien et la culture de leurs terres.
10Le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797), qui marginalise les royalistes devenus majoritaires lors des élections aux Conseils du printemps précédent, marque un tournant important. Dans un contexte de sortie des monnaies territoriales et de retour aux monnaies métalliques, il rend notamment possible la banqueroute des deux tiers. L’élimination des royalistes offre à Ramel une nouvelle marge d’action, qui lui permet de diminuer la contribution foncière et de créer de nouveaux impôts, comme celui sur les portes et fenêtres, et de vendre de nouveaux biens nationaux pour compléter les recettes publiques23.
11Dans ce contexte de renforcement du pouvoir exécutif face aux Conseils, Ramel tente d’autonomiser l’administration fiscale. Sont créées successivement les agences départementales des contributions directes le 22 brumaire an VI (12 novembre 1797), puis l’administration des contributions directes le 3 frimaire an VII (23 novembre 1798)24. Il s’agit d’améliorer la levée de l’impôt, mais aussi sa répartition, sans attendre le cadastre général, en formant des états de section, c’est-à-dire des tableaux des propriétés dans chaque section des communes, ainsi qu’une matrice cadastrale dressant la liste de chaque contribuable foncier. La procédure choisie dans les deux cas, la déclaration d’urgence25, est révélatrice du contexte de renforcement du pouvoir exécutif sur le législatif, mais aussi de la conscience du temps que prendrait encore la confection d’un cadastre général. Dès octobre 1798, Jean-Barthélemy Le Couteulx de Canteleu, militant de la réforme financière et membre du Cercle constitutionnel26, avait rappelé combien il importait de ne pas perdre de vue l’importance du cadastre, qui ne serait pas seulement un instrument d’équité, mais serait aussi un garant de la valeur vénale des terres, un gage du crédit public et un instrument de prévision fiscale27.
12En attendant le cadastre, la nouvelle administration départementale des contributions directes confectionne des états de section qui permettront une égalisation provisoire. Elle s’engage aussi dans divers recensements nouveaux : des biens des personnes nouvellement introduites sur la liste des émigrés, des forêts communales et nationales (incluses, à partir de l’an VII, dans la liste des terres soumises à la contribution foncière), ou encore des territoires récemment annexés à la République et de leur revenu net au niveau de chaque commune (voir figures 1 et 2). Pourtant, ces terriers et plans cadastraux locaux ne jouent pas la fonction de standardisation des mesures et d’alignement des attentes dévolues au cadastre général de tout le territoire national. Du fait de leur utilisation seulement locale, ils n’opèrent pas la concordance des temps disparates hérités de l’Ancien Régime, que l’on attend d’un cadastre général.
Figure 1. Évaluation du revenu net des forêts communales et nationales de l’arrondissement de Barr, dans le Bas‑Rhin, en l’an VII28

État des forêts nationales situées dans l’arrondissement communal de Barr, leurs contenances, leur origine, leur revenu net et les contributions auxquelles elles ont été imposées, 6 germinal an VII (15 mars 1799).
Figure 2. Cadastre du département de l’Ourthe29

Ce cadastre du département de l’Ourthe date de l’an VII. Sur cet extrait, on voit à gauche le nom de chaque propriétaire des communes, puis la nature des propriétés. Ici, trois jardins potagers et trois prairies, appartenant à un horloger de Verviers nommé Limbor, sont décrits assez longuement. Sont aussi indiqués leur contenance, leur classification (les jardins sont de 1re classe, les prairies de 4e et 3e classes), ainsi que leur revenu net imposable (qui s’élève ici à 36,11 francs).
13Mais à partir de juin 1799, les néo-jacobins dominent les Conseils et apportent une nouvelle vision de l’équité fiscale. La terre demeure le fondement de la « foi publique », mais il est crucial de préserver une propriété domaniale suffisante jusqu’au remboursement complet de la dette publique, laquelle est moins urgente que la régénération morale. Les néo-jacobins se refusent à hypothéquer les forêts nationales pour combler le déficit : sans évoquer les projets de partage des terres d’un Harrington ou d’un Babeuf, il s’agit néanmoins d’attribuer les biens nationaux au revenu d’établissements publics comme les hospices ou les écoles. Le 30 messidor an VII (12 juin 1799), Victor Bach prononce un discours en faveur de l’impôt progressif30, et, bientôt, un nouvel emprunt forcé est lancé. C’est l’interruption de la dynamique néo-jacobine, du fait du coup d’État du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), qui redonne au cadastre son actualité.
II. L’urgence et la patience
14En l’an IX, les conseils généraux des départements évaluent leurs revenus fonciers, en valeur agrégée, à 850 millions de francs environ31. Au début de la Révolution, alors même que le territoire n’avait pas encore été augmenté, Lavoisier l’avait estimé à 1 200 millions environ. Dans le même temps, les conseils généraux font remonter de nombreuses plaintes sur la mauvaise répartition de la contribution foncière. Il paraît urgent de mieux évaluer le produit net dans tout le pays et dans chaque département : d’abord, pour mieux assurer l’adhésion des propriétaires à une fiscalité dont chacun pourra constater l’équitable répartition ; ensuite, pour mieux évaluer le revenu territorial national, et donc les revenus publics. Ce dernier point occupe une grande importance sous le Consulat, où divers publicistes français s’engagent dans une guerre de pamphlets et de statistiques destinés à prouver la supériorité de la richesse française, et à dénoncer la fragilité du crédit public anglais32. Dans ce contexte, le cadastre doit fournir la preuve de la richesse territoriale de la France : il sera, selon la formule du ministre des Finances, « la partie la plus utile et la plus exacte de la statistique de la France33 ». C’est dans le nouveau cadre administratif instauré par la Constitution de l’an VIII, qui s’organise désormais autour des préfets, que le projet de cadastre est alors mis en œuvre.
15Afin de répondre à l’urgence des revendications d’égalité, le ministère des Finances opte pour un cadastre par masse de culture plutôt que pour un cadastre parcellaire, dont la supériorité technique est pourtant reconnue. Déjà expérimenté sous l’Ancien Régime, dans l’intendance d’Alsace puis dans la généralité de Paris34, le cadastre par nature de culture ne s’intéresse qu’à l’évaluation du produit net territorial par commune, sans entrer dans le détail des propriétés privées (voir carte 1). Son objectif est la répartition fiscale territoriale plutôt qu’individuelle. Il s’agit aussi d’un document orienté vers l’équité fiscale plutôt que vers le règlement des conflits de propriété et d’usage.
16Dans un rapport à l’Empereur, le ministre des Finances, Gaudin, explique le choix du cadastre par masse de culture en raison de l’urgence dans laquelle se trouve le pays. La contribution foncière rentre fort mal et les plaintes se multiplient sur son iniquité : il faut « faire au moins quelque chose pour l’opinion35 ». Or, les expériences de l’intendance d’Alsace et de la généralité de Paris au xviiie siècle ont montré qu’un cadastre par nature de culture est plus rapide à réaliser qu’un cadastre parcellaire. À partir d’une mesure géométrique précise, il s’agit de regrouper les terres en fonction de leur utilisation, d’en calculer la surface, puis de classer et hiérarchiser chaque type de sol par classes en fonction du produit net. Au moyen d’un code de couleurs, qui distingue les labours, des bois, bruyères, vignes, prairies et jardins, la terre apparaît ici comme un facteur de production en même temps que comme un paysage. Chaque type d’utilisation du sol est à son tour classé en fonction de sa qualité.
Carte 1. Plan de la commune de Sainte‑Colombe36

Les plans par masse de culture ont été réalisés entre 1802 et 1806. Les copies envoyées au ministère des Finances ont été confiées au ministère de la Guerre dès la Restauration, et y étaient encore conservées lors de l’incendie du ministère des Finances en 1871. Les plans ne montrent pas les limites de propriété mais seulement des types d’utilisation du sol. Ici, le plan de la commune de Sainte-Colombe, dans le district de Roquefort, montre un paysage de bois et de bruyères.
17Afin d’accélérer encore la procédure, qui permettra de rendre la répartition plus juste, le ministre des Finances espère pouvoir transposer à la contribution foncière une technique de multiplicateur qui a déjà fait ses preuves dans d’autres domaines37. En attendant un cadastre complet du territoire, l’arrêté du 12 brumaire an XI (3 novembre 1802) estime que l’arpentage et l’évaluation du produit net de 1 900 communes choisies au hasard dans tout le pays, et réparties dans chaque département, suffiront à établir une première évaluation du produit net. Dans chaque sous-préfecture, cinq propriétaires seront choisis pour faire la somme du produit imposable pour chaque nature de culture dans les communes expertisées, puis le rapporteront à la surface afin d’obtenir le prix moyen. Tout en tenant compte des spécificités topographiques de chaque commune, les plans adopteront des conventions de dessin permettant de mettre en équivalence les différents types de terres. Dans un deuxième temps, les experts se tourneront vers les communes non expertisées, pour lesquelles ils disposent des matrices contenant des descriptions des propriétés ainsi que leurs surfaces.
18Mais la réalisation est difficile. Dès l’an X, le gouvernement avait demandé aux directeurs des contributions, dans chaque département, un relevé de ces matrices dans de grands tableaux38. Il s’agissait de classer chaque parcelle dans une catégorie, puis d’en rapporter la surface à son produit net moyen. Mais les matrices sont souvent incomplètes et l’imprécision des savoirs sur les surfaces des propriétés, ainsi que la confrontation à une diversité topographique et géographique qui paraît infinie, rend difficile de transporter les mêmes catégories d’un district à l’autre39. Dans le département de la Côte d’Or, par exemple, le directeur des contributions directes fait savoir au ministre des Finances « qu’il existe dans une grande partie des communes de la montagne, des terres que leur mauvaise qualité ne permet pas de placer, même dans la 3e classe, ces terres ne rapportant que quatre récoltes, sur vingt années » ; d’un autre côté, il existe des vignes d’une qualité supérieure, « qui ne seraient point assez évaluées si elles étaient simplement placées dans la première classe40 ». Face à l’échec du projet d’utiliser un multiplicateur, il faut admettre la nécessité d’un cadastre par masse de culture complet, couvrant l’ensemble du territoire, plutôt que fondé seulement sur un échantillon de communes choisies au hasard.
19Or, la durée d’un tel travail est considérable. Le manque d’arpenteurs et de géomètres compétents, ainsi que de financements pour les rémunérer, est un premier facteur de lenteur. Dans l’Orne, un entrepreneur privé a loué ses services au préfet, mais ses mesures sont fausses, et le département doit se résoudre à former lui-même des arpenteurs41. Dans le Bas-Rhin, le géomètre en chef et le directeur des contributions s’entendent pour ne pas faire les vérifications. Lorsque la supercherie est découverte, ils doivent rembourser (par des retenues sur salaires) le travail non accompli pendant des années42. Dans l’Aude, le préfet doit écrire aux départements voisins pour leur demander de lui envoyer des géomètres compétents. Or, ceux-ci refusent d’être payés au taux habituel valable dans les plaines, compte tenu de l’importance des terrains de montagne dans ce département. Afin de limiter les coûts, le directeur des contributions, anticipant la décision prochaine du ministère de demander l’arpentage de tout le territoire, renonce à tirer au sort les communes et limite les dépenses du cadastre en n’arpentant que des communes limitrophes43.
20Un autre facteur de lenteur tient à la façon dont le cadastre a été projeté dans le temps44. Au moment de l’arrêté du 12 brumaire an XI (3 novembre 1802), on ambitionne encore de dresser en même temps le cadastre et les matrices de rôles des communes. Une telle démarche est cohérente tant que l’on continue d’espérer que la technique du multiplicateur permettra d’obtenir rapidement un instrument d’équité fiscale. Mais un tel choix ralentit également la procédure. Fin 1805, après trois ans de travaux, on peut estimer qu’il faut 80 jours en moyenne pour obtenir les déclarations des propriétaires d’une commune et traiter les réclamations, puis 50 jours pour corriger les déclarations, faire les expertises et les contre-expertises, les états de section et les matrices de rôles, soit 130 jours au total. En outre, les communes, qui doivent supporter le coût de confection des matrices de rôles et des états de section, manquent de bonne volonté à engager les dépenses, ce qui peut doubler ou tripler le temps de l’expertise. Là où l’on pouvait en théorie espérer arpenter jusqu’à soixante communes par an dans un département, on ne parvient bien souvent à en expertiser qu’une douzaine45. En janvier 1805, ce sont en effet un peu moins de 2 000 communes qui ont été arpentées, sur un total de 48 00046. À ce rythme, on ne peut pas espérer avoir fini avant les années 1850. En outre, comme ce sont les communes qui devront financer les expertises, elles auront intérêt à faire traîner le travail en longueur.
21De nombreuses solutions sont alors envisagées au niveau local pour accélérer les travaux. Dans le département annexé de l’Ourthe, le directeur des contributions propose d’abandonner les matrices de rôles dans un premier temps, pour se concentrer sur le cadastre uniquement, et de réaliser les matrices dans un second temps seulement. Il calcule qu’en suivant cette méthode, il sera possible de terminer le cadastre en huit ans, soit en 1810. On aura alors le revenu net de toute la France, et on pourra le rapporter au montant total de l’impôt par répartition, ce qui donnera un taux commun qui serait compris entre un huitième et un cinquième du revenu net total. Grâce à ce taux, on aurait alors un indicateur utile pour mieux répartir la contribution foncière entre les départements puis entre les arrondissements et les communes. Surtout, cela inciterait à passer à la deuxième phase à partir de la neuvième année, où l’on confierait aux communes la confection des états de section et des matrices de rôles. Elles ne rechigneraient pas à les financer puisqu’il serait désormais de leur intérêt que, dans le cours de la neuvième année, toutes les matrices de rôles soient terminées47. C’est une nouvelle forme de gouvernance des communes qui est expérimentée ici. Alors que le Directoire procédait par circulaires pour en appeler au civisme et à l’amour des lois48, c’est ici une anthropologie de l’intérêt qui est utilisée afin d’anticiper rationnellement les comportements collectifs à court terme49.
22À partir de 1806-1807, les plans par masse de culture au 1/5000e sont abandonnés pour des plans parcellaires au 1/2500e. Dans un contexte où Napoléon entre dans une stratégie de blocus continental destinée à priver l’Angleterre de son marché européen, l’impératif du renforcement du crédit public par la mise à jour de la richesse territoriale, et la mise en cause de la sincérité du budget britannique, perd de son importance. Dès lors, la place du cadastre dans la définition d’un horizon d’attente collectif s’en trouve également modifiée : il ne s’agira plus d’en faire un instrument pour le règlement de la dette mais, en lien avec l’adoption du Code civil de 1804, d’affirmer que le régime entend plus que jamais sacraliser la propriété privée patriarcale. Pourtant, le désir d’égalité fiscale et l’impatience qu’il nourrit continuent à se faire entendre jusqu’à la fin des travaux d’arpentage sous la monarchie de Juillet.
23Avec la Restauration de 1814, le principe même du cadastre français semble remis en cause50. Pendant quelques années, des voix s’élèvent dans tout le pays pour dénoncer le coût des travaux, leur lenteur, et les injustices intrinsèques liées au projet. En février 1817, la Chambre des députés consacre deux journées entières à cette discussion. Le député du Loiret, tout en se refusant à remettre en cause le projet d’ensemble, demande qu’en attendant la fin des opérations – qui « peuvent encore durer fort longtemps » – l’on adopte dès à présent une nouvelle base de répartition de la contribution foncière51. D’autres, comme Louis de Bonald, réclament de revenir au cadastre par masse de culture qui permettrait de terminer plus vite les travaux d’arpentage et de régler enfin le problème de l’inégale répartition52. Georges Dupetit-Thouars, membre du conseil général d’Indre-et-Loire, est plus radical. Il réclame la fin pure et simple de ce qu’il perçoit comme un absurde héritage de la Révolution : l’interminable découpage des cartes de communes en parcelles et sous-parcelles constitue selon lui un travail infini, dont on ne peut espérer la fin avant 1850, mais auquel il est encore temps de renoncer53.
24Le changement de régime ouvre également un espace de discussion au niveau départemental. De nombreuses communes, qui se plaignent d’être surtaxées, saisissent le directeur des contributions afin d’obtenir une commission d’expertise. Loin d’être oublié, le principe d’équité fiscale contenu dans le cadastre est défendu haut et fort, à l’instar du maire de l’Isère : « Jusqu’à présent on avait fait espérer à la commune que le cadastre améliorerait bientôt sa position en faisant disparaître cette inégalité révoltante de l’existence de laquelle chacun convient ; mais cette opération se continuant avec lenteur, un ajournement du cadastre équivaudrait à un déni de justice54 ». En attendant, l’administration fiscale est réduite à des expédients dont l’objectif est d’apaiser la colère fiscale, à défaut de satisfaire le désir d’égalité. Or, les possibilités sont limitées. Dans l’Isère, le conseil général dénonce une surcharge de l’ensemble du département depuis le traité de limitation entre la France et la Savoie qui, en 1760, a diminué le territoire fiscal sans pour autant modifier le montant de l’impôt55. Mais un impôt de répartition (non de quotité), pour lequel toute diminution de la contribution d’un département doit être compensée par des augmentations équivalentes sur les départements plus avantagés, ne permet pas de répondre à un mécontentement sans en susciter d’autres. La méthode jadis utilisée dans la généralité de Montauban, pour l’assiette de la taille réelle, contourne cet obstacle en utilisant un tout nouveau revenu pour financer la baisse de contribution des territoires surchargés. Mais cette méthode, encore mobilisée en l’an XII avec les fonds prélevés sur le Piémont, n’est plus d’actualité dans un pays qui vient d’essuyer une défaite militaire56. C’est seulement à l’intérieur des départements qu’une égalisation fiscale peut être opérée. Le conseil général de l’Isère appelle alors les agents des contributions à lui fournir tous les renseignements utiles sur les disproportions entre le revenu et l’impôt dans le département.
25Une stratégie peut alors consister à remonter aux origines de l’injustice afin d’en atténuer les effets. En décembre 1815, la commune montagnarde de Venosc lance une réclamation pour surcharge. L’année suivante, des commissaires sont nommés et le directeur des contributions demande un tableau général des bases de répartition entre les communes du canton. S’appuyant sur les documents d’Ancien Régime et de la Révolution, ils dressent un tableau retraçant l’évolution des estimations foncières en 1793, 1799 (an VII) et 1816. Le document révèle une augmentation importante de la contribution à Venosc, en l’an VII, alors qu’elle diminue dans les autres communes. Il s’agit de reconstituer ce qu’aurait été la contribution de chacune si l’on était resté sur les bases de 1793, afin d’en inférer un nouveau montant pour Venosc (voir figure 3). N’en exagérons pas la rigueur arithmétique. Le directeur des contributions ne fait qu’improviser une rationalité comptable à partir de données incomplètes et d’unités de mesure différentes, pour aboutir à une estimation nécessairement imparfaite, mais dont l’objectif est de répondre au désir d’équité fiscale qui s’exprime et qu’il faut contenir. Finalement, la configuration mise en place sous l’Empire a résisté aux remises en cause de la Restauration.
Figure 3. « Tableau comparatif pour servir à éclairer la décision à porter sur l’objet de la réclamation de la commune de Venosc57 »

Conclusion
26À partir de la Révolution, l’idée de cadastre désigne à la fois la promesse d’un futur plus équitable et une façon de faire accepter les inégalités persistantes héritées de l’Ancien Régime. L’affirmation d’un nouveau régime d’historicité, qui éloigne le passé pour décréter un avenir meilleur et dévalorise le présent en l’installant dans un désir d’égalité inquiet, s’articule avec une redéfinition de l’économie politique dans laquelle la terre n’est plus perçue comme la source de toute richesse, mais – à la suite de Jean-Baptiste Say – comme l’un des trois facteurs de production de toute société moderne, à côté du capital et du travail. Cependant, il existe plusieurs façons concurrentes d’utiliser le cadastre pour mobiliser et contenir les passions démocratiques afin de façonner un horizon d’attente moral et politique. On peut ici tenter, sinon une périodisation, du moins une première typologie des façons de « cadastrer » l’amour de l’égalité.
27Une première approche conteste ou relativise l’importance des revenus fonciers dans la définition du régime. Selon cette vision, que l’on retrouve chez des républicains comme Condorcet, Alexandre-Théophile Vandermonde ou, plus tard, Jean-Baptiste Say, la terre ne doit plus être au centre de la notion de propriété. Même lorsqu’on considère que le cadastre est une technique utile, son urgence est relativisée, l’égalité pouvant être atteinte par d’autres techniques. Pour Say, par exemple, le cadastre est une « opération difficile et peu utile », dont l’utilité est incertaine et dont la fixité est inadaptée aux changements constants de l’utilisation du sol58, si bien que l’impôt progressif est « le seul équitable59 ».
28Une deuxième conception accorde en revanche une grande importance au cadastre comme instrument d’équité. Si elle rassemble différentes sensibilités du camp républicain, des héritiers de Gracchus Babeuf aux républicains conservateurs, elle semble surtout dominer le ministère des Finances. Selon Dominique-Vincent Ramel, puis Charles Gaudin (du moins jusqu’en 1806), le cadastre est un instrument statistique dont on doit annoncer l’obtention prochaine, d’abord pour répondre au désir d’égalité exprimé dans les départements, ensuite pour faciliter une réforme financière qui permettra de mieux contrôler la dette publique, bientôt caractérisée par Napoléon comme « un sacrifice au moment présent » du bien-être des générations futures60. La terre, dans ce cadre, est pensée comme un capital productif dont il s’agit de mesurer précisément la rente. Le présent est alors perçu comme un moment peu souhaitable de transition vers un avenir plus stable, où les revenus, désormais prévisibles grâce au cadastre, équilibreront les dépenses grâce à des budgets annuels (qui existent à partir de l’an X).
29Après 1806, cette deuxième conception semble céder la place à une troisième, dans laquelle le cadastre n’est plus seulement conçu comme un objet statistique, mais devient aussi un document juridique et un instrument de conservation sociale. Complément du Code civil de 1804, il doit désormais contribuer à créer de nouveaux attachements à la terre en installant la propriété privée exclusive et absolue au cœur d’un patriarcat modernisé. Alors que dans la conception précédente, le désir d’égalité était assimilable à une impatience à sortir du temps présent pour parvenir à un monde meilleur (lequel exigeait un cadastre par masse de culture rapidement réalisable), le désir d’égalité est désormais renvoyé, à travers le cadastre parcellaire, vers un avenir plus lointain, qui suppose une longue attente. Dans un monde qui se stabilise, et qu’il ne s’agit plus de quitter rapidement, le cadastre sert désormais à consolider les hiérarchies sociales.
Notes de bas de page
1 Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Gosselin, 1840, 4 vol., t. 3, p. 278.
2 A. de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution, Paris, Michel Lévy, 1856, Avant-propos (p. XII), où figure l’expression « l’amour de l’égalité ». Aux États-Unis, selon Tocqueville, le « désir de l’égalité » n’est pas nécessairement haine des différences, mais aussi désir d’une communauté encore inédite : voir Florent Guénard, « Désir d’égalité et envie. Les passions démocratiques dans De la démocratie en Amérique de Tocqueville », Philosophie, n° 94, n° 3, 2007, p. 34‑51.
3 Sur cette notion, voir William M. Reddy, The Navigation of Feeling: A Framework for the History of Emotions, Cambridge, Cambridge University Press, 2001. Pour une synthèse récente en français, sur l’histoire des émotions pendant la Révolution française, voir la contribution de Guillaume Mazeau dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (dir.), Histoire des émotions, Paris, Seuil, 2016, 3 vol., t. 2.
4 Roger J. P. Kain et Elizabeth Baigent, The Cadastral Map in the Service of the State: A History of Property Mapping, Chicago-Londres, University of Chicago Press, 1992. Voir aussi l’article classique de Marc Bloch et al., « Les plans parcellaires : Allemagne, Angleterre, Danemark, France », Annales, vol. 1, n° 1, 1929, p. 60‑70.
5 François Hincker, Les Français devant l’impôt sous l’Ancien Régime, Paris, Flammarion, 1971.
6 Nicolas Delalande, Les batailles de l’impôt. Consentement et résistances de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2014.
7 Frédéric Lordon, Imperium. Structures et affects des corps politiques, Paris, La Fabrique, 2015, p. 170.
8 Les effets économiques et sociaux de la réforme de la contribution foncière sont mal connus. Pour une première exploration, voir Michael Samland, « Déchiffrer “l’égalité devant l’impôt”. Pour une radiographie statistique de la réforme de la contribution foncière (1789-1834) », Histoire & Mesure, vol. 7, n° 3‑4, 1992, p. 313‑348.
9 Parmi des travaux de plus en plus nombreux, on peut renvoyer ici aux études fondatrices de Reinhart Koselleck, Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques (1979), Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, trad. Jochen Hoock et Marie-Claire Hoock, et de François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil, 2003, ainsi qu’à Jérôme Baschet, Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits, Paris, La Découverte, 2018.
10 La loi décrète « l’égalité proportionnelle sur toutes les propriétés foncières, à raison de leur revenu net » : voir Lois et actes du Gouvernement. Octobre 1790-Février 1791, t. 2, Paris, Imprimerie nationale, p. 174.
11 Paul-Marie Grinevald, « Prony et la création du cadastre, 1792-1797 », dans Florence Bourillon, Pierre Clergeot et Nadine Vivier (dir.), De l’estime au cadastre en Europe. Les systèmes cadastraux aux xixe et xxe siècles, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2008, p. 151‑165, consultable en ligne http://books.openedition.org/igpde/1079
12 « Décret relatif aux contributions foncière et mobilière pour 1793 ; à l’organisation du cadastre général ; à la suppression des patentes ; et à la conservation des droits d’enregistrement, d’hypothèques, de douanes et autres impôts indirects » (21-22 mars 1793), dans Recueil général des lois, décrets, ordonnances, depuis le mois de juin 1789 jusqu’au mois d’août 1830, Paris, Administration du Journal des notaires et des avocats, 1839, p. 145‑146.
13 Sur la complexité de ces opérations et les difficultés à recruter un personnel compétent, voir Patrice Bret, « Le Dépôt général de la Guerre et la formation scientifique des ingénieurs-géographes militaires en France (1789-1830) », Annals of Science, vol. 48, n° 2, 1991, p. 113‑147 ; idem, « Du concours de l’an II à la suppression de l’École des Géographes : la quête identitaire des ingénieurs géographes du Cadastre de Prony, 1794-1802 », dans Ana Cardoso de Matos, Maria Paula Diogo, Irina Gouzévitch et André Grelon (dir.), Les enjeux identitaires des ingénieurs : entre la formation et l’action, Lisbonne, Colibri, 2009, p. 121‑154 ; Jean-Louis Peaucelle, « Un “éléphant blanc” en pleine Révolution française : les grandes tables de logarithmes de Prony comme substitut au cadastre ! », Annales des Mines – Gérer et comprendre, n° 107, 2012, p. 74‑86.
14 André J. Bourde, Agronomie et agronomes en France au xviiie siècle, Paris, Sevpen, 1967 ; Peter M. Jones, Agricultural Enlightenment: Knowledge, Technology, and Nature, 1750-1840, Oxford, Oxford University Press, 2016.
15 Henri Grégoire, Essai historique sur l’état de l’agriculture en Europe, au xvie siècle, Paris, Imprimerie de Mme Huzard, 1803.
16 François-Noël Babeuf, Cadastre perpétuel, Paris, Garnery & Volland, 1789. Voir Stéphanie Roza, Comment l’utopie est devenue un programme politique. Du roman à la Révolution, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 275‑302.
17 Nicolas de Condorcet, « Sur l’impôt progressif », dans Journal d’instruction sociale, n° 1, 1er juin 1793, p. 11‑24.
18 Jean-Baptiste-Moïse Jollivet, Rapport et projet de décret sur une nouvelle et complète organisation de la contribution foncière, pour avoir lieu à commencer de l’année 1794, présentés à l’Assemblée nationale au nom du comité de l’ordinaire des finances, Paris, Imprimerie nationale, 1792.
19 J.-B.-M. Jollivet, De l’impôt progressif et du morcellement des patrimoines, Paris, Dupont, 1793.
20 Michael Sonenscher, Before the Deluge: Public Debt, Inequality, and the Intellectual Origins of the French Revolution, Princeton, Princeton University Press, 2007.
21 Camille Saint-Aubin, Donnons notre bilan, Paris, Pougin, 1795.
22 André-Daniel Laffon-Ladébat, Rapport fait par Laffon-Ladébat, au nom d’une commission composée des représentants du peuple Musset, Poisson, Picault, Bar et Laffon-Ladébat, sur la résolution du Conseil des Cinq-Cents, du 1er floréal, relative à la contribution foncière. Séance du 2 prairial an V. – Mémoire sur le cadastre, Paris, Conseil des Anciens, 2 prairial an V (21 mai 1797). Laffon-Ladébat est peu après envoyé en Guyane, suite au coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797) qui élimine les royalistes sortis victorieux des élections.
23 Dominique-Vincent Ramel, Compte rendu au Directoire exécutif par le ministre des Finances sur l’administration de son département pendant l’an VI, Paris, Imprimerie de la République, Fructidor an VII, p. 38 et s.
24 Loi portant création d’une Agence des contributions directes, 22 brumaire an VI (12 novembre 1797) ; Loi relative à la répartition, à l’assiette et au recouvrement de la contribution foncière, 3 frimaire an VII (23 novembre 1798).
25 Selon la Constitution de l’an III, une proposition de loi, dès lors qu’elle était déclarée urgente par le Conseil des Cinq-Cents, échappait à l’article 77 qui imposait trois lectures lors de la délibération ; au lieu de cela, la proposition passait directement au Conseil des Anciens qui l’approuvait ou la rejetait sans délibérer sur le fond. La notion d’urgence était déjà mentionnée dans la Constitution de 1791.
26 Le Cercle constitutionnel est créé au début de l’été 1797, en réaction au Club de Clichy.
27 Jean-Barthélemy Le Couteulx de Canteleu, Essai sur les contributions proposées en France, pour l’an sept, sur celles qui existent actuellement en Angleterre, et sur le crédit public, 10 vendémiaire an VII (1er octobre 1798).
28 Archives départementales du Bas-Rhin (désormais AD Bas-Rhin), P/104.
29 Archives d’État de Liège (Belgique), Fonds français, préfecture de l’Ourthe, 725.
30 Premier discours du citoyen Bach, à la réunion séant au Manège, sur les moyens de consolider la République, Paris, Imprimerie Benoist, 30 messidor an VII (18 juillet 1799).
31 Archives nationales (désormais AN), AF/IV/1076.
32 Audrey Cunningham, British Credit in the Last Napoleonic War, Cambridge, Cambridge University Press, 1910. Ce livre ancien adopte une approche transnationale des statistiques qui complète l’ouvrage essentiel mais franco-centré de Marie-Noëlle Bourguet, Déchiffrer la France. La statistique départementale à l’époque napoléonienne, Paris, Éd. des archives contemporaines, 1998 ; sur ce débat, voir aussi les analyses d’Isaac Nakhimovsky, The Closed Commercial State: Perpetual Peace and Commercial Society from Rousseau to Fichte, Princeton, Princeton University Press, 2011, chap. 2.
33 AN, AF/IV/1076, « Rapport à l’Empereur ». Ce rapport, non daté et non signé, a très probablement été écrit par Gaudin, après 1804 et avant le passage au cadastre parcellaire en 1806.
34 Mireille Touzery, Atlas de la généralité de Paris au xviiie siècle, un paysage retrouvé, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1995 ; Louis Tschaen, « Le cadastre de la province d’Alsace (1760-1764). Initiative d’un intendant novateur », dans Mireille Touzery (dir.), De l’estime au cadastre en Europe. L’époque moderne, Paris, IGPDE/Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2007, p. 117-146, consultable en ligne https://books.openedition.org/igpde/9578.
35 AN, AF/IV/1076, « Rapport à l’Empereur », op. cit.
36 Archives départementales de l’Aude (désormais AD Aude), 3P/162.
37 Serge Aberdam, Démographes et démocrates. L’œuvre du Comité de division de la Convention nationale. Étude d’histoire révolutionnaire, Paris, Société des études robespierristes, 2004.
38 Circulaire du ministère des Finances, Division des contributions directes, 14 frimaire an X (5 décembre 1801).
39 Voir par exemple Archives départementales de la Côte d’Or (désormais AD Côte d’Or), 3P1/b1, Lettre du 14 pluviôse an X (18 février 1802).
40 AD Côte d’Or, 3P1/b1, Lettre du 27 prairial an X (4 juin 1802).
41 René Jouanne, Les origines du cadastre ornais, Alençon, Imprimerie alençonnaise, 1933.
42 AD Bas-Rhin, P/189.
43 AD Aude, 3/P/56 ; voir aussi AD Bas-Rhin, P/197, où l’on trouve une solution semblable.
44 Nous nous inspirons ici de l’élégante réflexion, menée à partir du cas des travaux publics, de Frédéric Graber, « Du faiseur de projet au projet régulier dans les Travaux publics (xviiie-xixe siècle) : pour une histoire des projets », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 58, 2011/3, p. 7‑33.
45 Archives d’État de Liège, Fonds français, Préfecture de l’Ourthe, 717 : « Observations sur l’instruction relative à la confection des matrices de rôles des communes expertisées ; approuvée par le ministre des Finances le 29 octobre 1805 » (23 brumaire an XIV/14 novembre 1805).
46 Administration des finances de l’Empire français. An XII, Paris, Imprimerie nationale, pluviôse an XIII (janvier 1805), p. 72.
47 « Observations sur l’instruction relative à la confection des matrices de rôles des communes expertisées… », déjà cité.
48 James Livesey, Making Democracy in the French Revolution, Cambridge, Harvard University Press, 2001.
49 Albert O. Hirschman, Les passions et les intérêts, Paris, PUF, 2001.
50 Nadine Vivier, « Les débats sur la finalité du cadastre, 1814-1870 », dans F. Bourillon, P. Clergeot et N. Vivier (dir.), De l’estime au cadastre en Europe, op. cit., p. 193‑195.
51 Jules Mavidal et Émile Laurent (dir.), Archives parlementaires de 1787 à 1860, 2e série, t. 14, p. 1 (18 février 1817).
52 Ibid., p. 13-15 (19 février 1817).
53 Georges Laurent A. Dupetit-Thouars, La vérité sur le cadastre français et proposition d’un moyen de le remplacer, Paris, Le Normant, 1817.
54 Archives départementales de l’Isère (désormais AD Isère), 3P 1/4. Lettre de réclame contre surtaxe de contribution foncière de la commune d’Avignonet, 12 avril 1817.
55 AD Isère, 3P 1/4.
56 Moreau de Beaumont, Mémoire concernant les impositions et droits, 4 vols., Paris, Imprimerie nationale, t. 2, 1769, p. 139 et s. Le propos est repris par Adam Smith dans La Richesse des nations (livre 5, chapitre 2 sur la source du revenu public).
57 AD Isère, 3/P1/4.
58 Say critique d’abord le cadastre dans son Traité d’économie politique, Paris, Crapelet, 1803, 2 vol., t. 2, p. 503 ; puis dans son Cours complet d’économie politique pratique, Paris, Rapilly, 1829, 7 vol., t. 6, p. 426.
59 Jean-Baptiste Say, Traité d’économie politique, Paris, Economica, 2006 (édition variorum des six éditions), 2 vol., t. 2, p. 1001 : la remarque n’est introduite que dans la deuxième édition de 1814.
60 Michel Lutfalla (dir.), Une histoire de la dette publique en France, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 68 (la citation date de 1810).
Auteur
Maître de conférences en histoire des sciences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, rattaché à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine (IHMC – UMR 8066), Julien Vincent est membre du comité de rédaction de la revue en ligne La Révolution française – Cahiers de l’Institut d’histoire de la Révolution française (IHRF). Il a récemment publié : en codirection avec Laurent Brassart et Grégory Quenet, « Révolution et environnement », numéro spécial des Annales historiques de la Révolution française, n° 399, janvier-mars 2020 ; en codirection avec Vincent Bourdeau et Jean-Luc Chappey, Les encyclopédismes à l’ère des révolutions (1789-1850), Besançon, PUFC, 2020 ; en direction, « Les écologies du xixe siècle », numéro spécial de Romantismes, n° 189, octobre 2020 ; en codirection avec François Jarrige, La modernité dure longtemps. Penser les discordances des temps avec Christophe Charle, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020.
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