Équité et division foncière à Bordeaux. Le cadastre et les contributions directes (1790-1848)1
p. 277-308
Texte intégral
« La propriété n’est autre chose que la liberté appliquée à ce qui nous appartient son principe constitutif est de se régir elle-même. Soumis à des devoirs et à des charges envers l’état, le propriétaire, lorsqu’il les a acquittés, ne doit compte à personne du reste de ses revenus ; nulle administration générale ou particulière, nulle autorité, n’a le droit de le partager avec lui. »
Pierre-Emmanuel Pierrugues, De l’administration financière des communes de France, avec quelques applications à la ville de Bordeaux, Bordeaux, André Racle, 1816, 98 p. ; p. 1.
1Cette introduction d’un ouvrage attribué à l’ingénieur Pierrugues2 lui permet de conspuer les dépenses somptuaires des administrations révolutionnaires et de l’Empire. Après la ruine du commerce bordelais durant le Blocus continental, il montre comment, au début de la Seconde Restauration, la question du cadastre et de la répartition de la contribution foncière, mais aussi de tous les impôts directs, prend de l’importance à Bordeaux. En effet, la ville se transforme tandis que les Contributions tentent d’en mesurer les évolutions.
2Un premier cadastre est réalisé à Bordeaux en 1790, il est repris de 1811 à 1832 et sa confection se prolonge jusqu’à la fin de la décennie 1840. Cette entreprise de grande ampleur recommence au Premier Empire et se poursuit jusqu’à la fin de la Monarchie de Juillet. Elle traverse les régimes politiques avec une relative continuité bien que de notables réformes soient mises en œuvre dans cet intervalle : on ne peut donc parler à Bordeaux de cadastre « napoléonien » ou « impérial ».
3Dans quelles conditions s’est formée cette entreprise ? Comment peut-on aujourd’hui étudier l’administration des Contributions, les matrices et les plans cadastraux ? Quelles conclusions peut-on en tirer quant à la géographie foncière et la morphologie urbaine et sociale de Bordeaux ?
I. La mise en cohérence des entreprises cadastrale, topographique et urbanistique
4L’entreprise cadastrale ne peut pas être comprise si l’on ne la situe pas au sein des multiples travaux publics des administrations de l’Empire et de la Restauration. Elle s’inscrit dans une politique nationale visant à mieux mesurer, contrôler et programmer l’évolution des territoires du pays ; elle est par conséquent au service des ingénieurs militaires, du fisc et des villes, qui ont des objectifs différents mais dont les travaux doivent se recouper. Obtenir des progrès dans la définition topographique de l’espace était une condition préalable à la précision des travaux publics de tout ordre. L’application de cette idée remonte au début de la Restauration3.
A. Le plan cadastral et la carte du royaume
5Dans une brochure diffusée à partir de 1818 dans les préfectures et les contributions du pays sous le titre de Nouvelle carte topographique de la France, cette intention ne fait aucun doute. Une assertion du célèbre mathématicien le marquis de La Place en témoigne :
« Lorsqu’on veut lever avec exactitude le plan d’un royaume, il n’y a qu’une méthode, qui malheureusement n’a pas été suivie dans l’opération du cadastre. Elle consiste à tracer deux grandes lignes perpendiculaires entre elles, et dirigées, l’une du nord au sud, l’autre de l’est à l’ouest. On couvre tout l’espace à mesurer d’un réseau de grands triangles que l’on rattache à ces lignes. En partageant ensuite chacun de ces triangles en triangles secondaires, on descend jusqu’à l’arpentage des communes. Ainsi les mesures partielles sont restreintes dans leurs écarts par les triangles qui les circonscrivent ; les négligences des arpenteurs sont reconnues et rectifiées. De là résulte un système d’opérations bon dans ses détails, et parfait dans son ensemble. »4
6La triangulation avait beau faire ses preuves, les erreurs d’arpentage n’étaient plus un secret pour quiconque un peu informé des mécanismes de ces opérations. À Bordeaux, le géomètre en chef du cadastre, Pillod, dénonça dans un rapport à son administration combien l’appât du gain et le manque de sérieux avaient dirigé les opérations cadastrales, entre 1808 et 1813. Dans cet intervalle, 254397 hectares contenant 478172 parcelles avaient été levés, tandis que de 1819 à 1841, 29000 hectares avaient été visités chaque année, contre 42000 auparavant, et ce avec le même personnel, qui plus est avec des traitements plus élevés5. Les anciens plans étaient donc faux ou falsifiés si les personnels de ce service avaient profité de la complexité et de la confidentialité de leur travail pour s’enrichir en spéculant sur la durée des travaux et l’imprécision des levés. En réalité, les personnels du fisc s’étaient heurtés aux méthodes de recensement et aux difficultés d’évaluer précisément le revenu des terres agricoles en rapport à celui des immeubles urbains.
7Le cas de la Gironde n’était certainement pas exceptionnel et ce genre de considérations a pu se répandre dans tous les départements où des opérations cadastrales étaient menées. Sur une proposition du secrétaire d’État à la Guerre, le roi prit une ordonnance le 11 juin 1817 afin qu’une commission composée de quatorze membres choisis parmi les départements de l’Intérieur (avec des représentants de l’institut royal, des Ponts et Chaussées et des Mines), de la Guerre (du Corps royal du génie et des ingénieurs géographes militaires), de la Marine (à son dépôt général) et des Finances (représentées par l’administration du Cadastre et la direction des Forêts) examinât le projet et posât les bases du mode d’exécution d’une nouvelle carte du pays6.
8Malgré l’estime dont jouissaient les cartes des Cassini, leur précision était douteuse, surtout aux frontières du royaume. Depuis près de 72 ans qu’elles avaient été levées, les changements survenus dans les propriétés les rendaient imparfaites. Les cuivres qui servaient encore à en produire des gravures étaient si abîmés par des rectifications successives qu’il était hors de question de les retoucher à nouveau. De plus, le ministre de la Guerre mettait un point d’honneur à créer de nouvelles cartes afin de rivaliser avec les ingénieurs européens et les dépasser pour afficher la supériorité scientifique de la France en ce domaine.
B. La mise en cohérence des plans
9La difficulté de mise en cohérence des documents graphiques venait de ce que, à grande comme à petite échelle, il fallait recoller plusieurs visions rationnelles et descriptives du sol. Prendre conscience du territoire, national ou local, était au centre des réflexions. « Dépeindre le tableau du sol » était l’objectif. Un plan cadastral était logiquement l’origine de cette entreprise, mais une carte topographique devait aussi donner les précisions nécessaires aux aménagements de tout ordre :
« L’analogie qui existe entre les renseignemens figurés qui constituent une carte topographique, et ceux d’un cadastre général, conduit naturellement à penser que cette dernière entreprise, bien concertée, est susceptible d’offrir d’excellents matériaux pour dépeindre le tableau du sol ; et réciproquement, qu’une carte à grands points doit renfermer en elle-même la plupart des élémens nécessaires pour parvenir à la formation des plans territoriaux. »7
10L’administration du Cadastre savait évaluer la nature des cultures, leur produit et la surface des parcelles, mais elle péchait à figurer le relief du sol, la géodésie, ce que savaient faire les ingénieurs de la Guerre. Ces deux administrations étaient donc tout désignées pour mettre en commun leurs travaux. Bien qu’il ne fallût pas douter des capacités des Contributions à évaluer le revenu des sols, le ministre de la Guerre accordait cependant de l’importance à une définition générale du territoire obtenue à partir des expériences sur la mesure du globe et la nécessité d’obtenir plusieurs parallèles pour faire exceller toute opération topographique de ce genre.
11Les ingénieurs géographes du dépôt de la Guerre étaient les premiers capables d’accomplir ce progrès ; on en savait les avantages pour ce qui concernait les projets de travaux publics municipaux.
C. La définition des circonscriptions administratives
12L’ambitieuse entreprise cartographique et cadastrale relevait d’une autre nécessité : définir le plus précisément possible les nouvelles circonscriptions communales et départementales. En Gironde, dès l’Empire, le ministre des Finances s’était adressé au préfet Fauchet dans l’idée de former une carte des divisions administratives de l’ancienne Guyenne. Assignées par une loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800), celles-ci devaient être portées sur dix feuilles alors achevées8. Pierrugues fut tout naturellement chargé de ce travail ; il traça du mieux qu’il put, sur les cartes de Belleyme, l’équivalent de celles des Cassini en Gironde9, les bornes du département et celles des arrondissements communaux. Les limites étaient rigoureuses d’une commune à une autre mais elles l’étaient moins entre les communes quand il fallait reconnaître leurs jonctions départementales. Cette affaire traîna en longueur. La Gironde s’étendait sur 24 feuilles de la carte de Belleyme, il en manquait trois au vérificateur du cadastre pour achever son travail10.
13La mesure et la base géodésique de Bordeaux furent terminées en 1822. Malgré les progrès enregistrés après une circulaire du 1er avril 1818 et un règlement du Cadastre du 10 octobre 1821, un arrêté préfectoral du 29 avril 1824 permit aux ingénieurs géographes de l’Armée d’entrer dans les propriétés et d’exécuter les travaux qui avaient bien avancé, mais n’étaient pas achevés en 1828, lorsqu’ils reprirent. L’on cherchait encore en Gironde les cartes et levés de Belleyme. Le géomètre en chef du cadastre éprouvait des difficultés pour former l’assemblage des communes. Il avait besoin des cartes anciennes et des distances des chefs-lieux à la méridienne et à la perpendiculaire de Paris. Or, ces documents n’étaient pas connus des Contributions et toutes les opérations faites jusqu’alors étaient demeurées isolées au sein du dépôt de la Guerre11.
14L’ambition de mettre en cohérence les documents planimétriques avait échoué ; elle avait vraisemblablement servi les intérêts divergents des administrations plus qu’elle n’avait permis une reconnaissance rigoureuse et commune du territoire. Les travaux de levé du cadastre servaient donc aussi bien à l’aménagement urbain qu’à l’établissement des cartes topographiques. Ils étaient loin d’avoir seulement pour objectif de faire rendre les impôts directs. Cependant, cette question était prioritaire pour les agents du fisc.
D. Les spécificités de l’entreprise cadastrale
15Le levé des plans cadastraux, d’une part, préalable au dessin des plans par section d’après les bornes situées dans les propriétés, et d’autre part, leur expertise, le dessin, l’arpentage des surfaces, le calcul des revenus et la péréquation de l’impôt, étaient deux tâches distinctes qui avançaient plus ou moins vite et se contrariaient parfois12.
16Le levé du plan parcellaire, commencé en 1811, fut terminé en 1821. L’expertise commença en 1827 et s’acheva en 1831, car les crédits n’étaient pas suffisants.
17Après nombre d’incidents, il fallut continuer les travaux qui reprirent en 1824. La division en sections cadastrales, que l’on opérait aisément dans les communes rurales, était particulièrement difficile à Bordeaux. Pour obtenir des fractions régulières entre les circonscriptions administratives et contributives, on cherchait des correspondances entre les limites des justices de paix et celles des commissariats de police. En 1825, cette division n’était pas aboutie, malgré les rappels que l’administration des Finances avait adressés au géomètre Béro13. Les livraisons du plan prenaient du retard en 1828. En juillet, Béro devait encore fournir 3000 parcelles de la partie urbaine de la ville et autant dans la partie rurale. Il avait à peine pu livrer 1500 parcelles en cinq mois, ce qui laissait prévoir un délai de deux ans pour terminer le levé du plan14.
II. Un cadastre avant tout rural (1790-1831)
18Le principal obstacle à la cadastration du territoire bordelais fut la péréquation entre les terrains ruraux et urbains ; entre les revenus des sols et ceux des maisons. Bordeaux présentait en effet un paysage rural très vaste pour un centre urbain restreint. Cette particularité, qui engendrait confusion et proximité entre la ville et la campagne, ne cessa de provoquer des embarras aux agents du fisc. À la différence de Paris, aucune commune mesure n’avait été prise afin d’engager un cadastre spécifique à Bordeaux. Avant la définition d’un cadastre communal en 1821, à Bordeaux, on suivait encore les principes de la Révolution et ce n’est qu’après 1831 et le recouvrement d’une première expertise en 1832 qu’on se rendit compte de l’importance du revenu des maisons et non plus de celui des sols ou des terres donc, de la nécessité d’un cadastre bordelais urbain au sein du territoire communal, hormis ses parties rurales.
A. Les principes des changements de valeur des propriétés (1790-1807)
19La loi du 1er décembre 1790 avait institué la contribution foncière et le décret du 10 avril 1791 fixé à 240 millions le principal de l’impôt foncier à répartir entre tous les départements. La vente des biens nationaux avait profondément modifié la donne. Les changements survenus dans la nature de presque toutes les propriétés montraient des disparités importantes en 1791, puis entre les trois mairies de la ville.
20À Bordeaux, alors que les trois mairies de la ville furent réunies en une seule en 1805, les matrices du rôle existaient depuis 1791 pour les trois perceptions. Elles avaient beau avoir été faites en même temps et par les mêmes agents, les différences de valeur des propriétés estimées s’équilibraient seulement à peu près et les réclamations des contribuables se multipliaient en faveur d’une révision d’ensemble du calcul de l’impôt foncier. Les matrices de Bordeaux étaient incomplètes. La situation était pire dans de nombreuses communes rurales de Gironde. Sur 73 cantons, 22 n’avaient pas répondu aux demandes de recensement et ne possédaient aucune évaluation de leurs revenus fonciers :
« Depuis 1790, [soulevait un rapport de l’administration départementale en 1796], on s’est moins occupé de trouver le véritable revenu des terres, qu’à le présenter d’une manière proportionnée à l’impôt qu’on voulait supporter ; et la crainte que certaines communes ont eue d’être plus chargées, les a portées à dissimuler leurs véritables facultés. »15
21En 1806, les matrices cadastrales de Bordeaux étaient les mêmes qu’en 1791, les transformations des propriétés les rendaient particulièrement « vicieuses »16. Théoriquement, un bon cadastre était l’instrument parfait de répartition à tous les degrés car il pouvait servir de base à l’établissement d’un impôt proportionnel au revenu. Il fallait pour cela que les évaluations fussent comparables entre elles de commune à commune, c’est-à-dire qu’elles fussent faites à peu près au même moment d’un bout à l’autre du pays et, sinon par les mêmes hommes, du moins avec les mêmes méthodes. Faute de remplir cette condition, le cadastre ne servait que la distribution du contingent communal entre les contribuables au sein de la municipalité. À l’intérieur de la commune, la répartition individuelle était inexacte si les Contributions n’étaient pas soigneusement informées des changements de culture, de nature et de revenu des sols.
22Le cadastre pouvait ruiner les territoires les plus pauvres d’un département si l’impôt y était trop élevé. Le calcul de la proportion de la taxe sur les terres était au centre de la réflexion, comme en témoigne un propriétaire :
« S’il ne s’agissait que de donner aux propriétés une valeur d’estimation d’après la nature des produits actuels et des autres produits auxquels elles sont propres, selon les localités, l’opération serait simple, elle serait facile, elle serait juste, puisqu’elle ne frapperait pas sur l’activité et l’industrie des propriétaires : mais ce sont la qualité des produits bruts, les mercuriales et les déductions proportionnelles dans les frais de culture, qui sont les trois bases fondamentales de l’opération. Il en résulte forcément que cette opération frappe en plein sur l’industrie des propriétaires, et fait donner aux mauvaises propriétés une évaluation extrêmement forcée, soit par comparaison aux bonnes propriétés, soit par comparaison à leurs propres produits réels ou fictifs. »17
23Le cadastre français, commencé après 1790, recommencé en 1807, ne présentait aucune de ces qualités. La fixité des allivrements fut acquise pour les terres mais dès 1811, elle ne l’était pas pour les constructions bâties. La résolution du cadastre fut réduite aux communes après une loi de 1821 ; achevé vers 1845 et révisé irrégulièrement par la suite, il fut effectué selon des méthodes très dissemblables d’un lieu à l’autre18. Tous les agents classificateurs des propriétés avaient aussi eu tendance, disait-on, à surévaluer les propriétés afin d’emplir les caisses de l’État19.
B. La nécessité d’établir une évaluation proportionnelle au revenu. Le choix d’un territoire étalon après 1807
24Il était urgent d’établir une évaluation des revenus agricoles proportionnelle aux communes et, dans les villes, à tous les terrains qui en avaient été longtemps écartés. En 1807, conformément à la loi du 15 septembre, on décida de renouveler les matrices de la contribution foncière. Cette réforme ne pouvant pas porter ses fruits assez tôt pour l’année suivante, le revenu des trois arrondissements, déjà peu précis, fut cumulé pour servir de base au revenu total de cette année-là20. Dans les quartiers de l’Estey Majou, à La Moulinasse, vers Bègles (fig. 5), l’estimation avait été diminuée d’un quart par rapport à l’évaluation de 1791. Les répartiteurs de l’an XII, en 1804, vu la faiblesse du commerce et les nombreuses parcelles de bancs de sable comprises dans les plans, avaient jugé bon de réduire les revenus de ce territoire. Les redressements s’opérèrent grâce au classement des vignes en cinq classes, des prairies en quatre et d’un décompte séparé pour les chais et greniers21. Les trois arrondissements recensés en 1791 faisaient apparaître les déséquilibres récurrents de la ville. Les demandes de réimpositions sur les rôles de 1807 étaient les plus fortes au sud, un arrondissement surestimé depuis la Révolution. Elles étaient plus faibles dans les arrondissements jusque-là sous-estimés : dans le contrôle du nord, environ 12000 francs furent réimposés sur les rôles de 1807, au centre, 13000 francs, au sud, 20000 francs22.
25La division de la ville en trois bureaux de recettes déséquilibrait la perception des impôts directs. Le conseil municipal proposa la réunion des trois perceptions en une seule, c’était un moyen d’effacer les inégalités et de réduire les traitements des percepteurs. Un autre projet de 1815 proposa d’augmenter les perceptions au nombre de cinq ou six. Ce projet aboutit en 1823, où cinq perceptions furent mises en place.
26Il fallait choisir un territoire étalon pour parvenir à cartographier et évaluer le revenu des propriétés bordelaises.
27Dans le calcul de la péréquation de 1819, la section rurale de Bordeaux, un des six cantons des communes périphériques dans un arrondissement qui en comptait 51, pouvait servir de base aux augmentations de revenus. Bègles, Le Bouscat, Bruges, Caudéran et Talence appartenaient alors aux cinq justices de paix de la préfecture. Une seconde solution écarta en 1819 un canton de l’arrondissement de Bazas pour lequel l’expertise pouvait servir d’étalon. La part de l’allivrement du Bordeaux rural était d’environ 1/16. Prendre cet arrondissement pour type obligeait à augmenter l’impôt, dans la plupart des communes rurales du département, de 20 à 60 % au-dessus de leurs ressources estimées. Aux yeux du directeur des Contributions, mieux ne valait donc pas se référer à un canton qui « s’il n’environnait pas Bordeaux, et s’il n’était pas parsemé de maisons de campagne qui donnent aux propriétés bâties, ainsi qu’aux rurales, une valeur idéale et d’affection, loin de faire type, […] doit faire exception. »23
28Le choix d’un territoire jalon en fonction de l’estimation des propriétés urbaines, des arrondissements ruraux du département et des limites de la ville, était loin de présenter des bases équivalentes et régulières pour évaluer les revenus fonciers jusque dans les années 1820. Les valeurs d’affection des propriétés de la périphérie urbaine, tout comme celles, liées au déplacement du commerce, près des Quinconces et en aval du pont de Bordeaux, du sud au nord, ne se cantonnaient pas dans un secteur idéal et clairement défini qui pouvait servir de base à la péréquation des terrains entre la ville et les campagnes. Il fallait concevoir l’évolution des valeurs des terrains urbains en elle-même, indépendamment des fluctuations entre la ville nouvelle de la place Philippe-Premier (les Quinconces, fig. 1) et la ville ancienne (fig. 4), des variations entre les communes périphériques, des quartiers éloignés du centre et des bourgs ruraux de la Gironde. Ceci ne manqua pas d’augmenter les écarts de revenus et d’impôt entre les quartiers de la ville, ainsi qu’entre la capitale régionale et les communes du département.
III. Le revenu des maisons change plus vite que les expertises : nouvelle évaluation, nouvelles méthodes (1831-1841)
A. L’accentuation des inégalités fiscales
29L’expertise menée dans les années 1820 n’avait guère paru concluante. Un nouveau cadastre parcellaire de la partie urbaine de Bordeaux fut terminé le 20 juin 1831. L’expertise de la partie rurale commença le 12 septembre, la même année. En 1832, le tarif des propriétés rurales déposé à l’hôtel de ville ne reçut aucune réclamation. Une partie du travail était achevée et la réunion des justices de paix et des commissariats de police était en bonne voie.
1. L’ampleur et les difficultés de cette tâche
30La tâche était gigantesque, les commissions enregistraient les observations et les débats d’une centaine de cas à chaque réunion. Six employés des bureaux de la mairie accompagnaient les répartiteurs dans ces opérations ; leurs indemnités n’étaient pas à la mesure de leur travail. La faible rétribution des employés ralentissait l’exécution du projet.
31Les crédits n’étaient pas suffisants, les 15000 francs attribués à l’expertise par le conseil général étaient épuisés et les travaux s’arrêtèrent durant l’été 1828. Un crédit supplémentaire de 7500 francs fut voté afin de poursuivre la révision. La rétribution des experts estimateurs, bien que leurs indemnités fussent prises sur les fonds généraux du Cadastre et non sur ceux de la Ville, était la cause du retard et des ajournements de la révision cadastrale. Il fallait aussi nommer des propriétaires classificateurs24, choisis parmi les plus imposés de la ville, éventuellement des experts estimateurs, au nombre de trois, pour les trois contrôles, qui se partageaient les 15 000 maisons à estimer. En subdivisant ce travail à l’année, il y avait plus de 1200 maisons à évaluer chaque mois. Pour les 15000 francs inscrits provisoirement au budget de 1825, soit un franc par maison, chaque expert devait évaluer près de 400 maisons, c’est-à-dire 12 chaque jour. Le traitement des experts paraissait largement insuffisant. Néanmoins, leur travail était réduit par le grand nombre de maisons de faibles valeurs dont l’estimation était rapide. Ce traitement risquait en revanche d’être sous-évalué si des propriétaires réclamaient une contre-expertise, cas fréquent dans les quartiers où les propriétés avaient des revenus importants25.
32Les directives ministérielles convoquaient le conseil municipal lorsque les plans cadastraux et leur arpentage étaient communiqués. Le conseil nommait alors des propriétaires classificateurs qui s’occupaient successivement de la classification des diverses natures de culture dans les propriétés non bâties, puis des propriétés bâties et du choix des étalons et des classes qui leur revenaient pour fixer proportionnellement un tarif d’évaluation26. Ce tarif était soumis à une communication d’un mois aux propriétaires avant d’être approuvé par le préfet. On procédait ensuite, et définitivement, au classement parcellaire des terrains, tant des propriétés non bâties que bâties. À Bordeaux, on ne pouvait s’occuper ni de la classification ni du choix des types de maisons – et donc des tarifs servant de base au calcul des impôts –, car le plan cadastral, bien que levé, n’était pas calculé et les communications d’arpentage n’étaient pas faites. Il fallait au moins une année avant d’engager l’estimation de 15000 propriétés pour les classer dans la contribution foncière. Les lois de 1791 et de l’an VII avaient prévu que les revenus des maisons des villes éprouvaient des variations qui obligeaient des révisions tous les dix ans. Ces dispositions avaient été négligées jusque dans les années 1820 car elles étaient longues et coûteuses. Entre-temps, la construction du pont sur la Garonne et la vogue des quartiers des Quinconces (fig. 1), du Jardin public (fig. 2), et des Chartrons (fig. 3), faisaient glisser les valeurs locatives du sud vers le nord. L’estimation des revenus collectifs était prise entre une exigence administrative et la crainte de découvrir de réelles disparités entre les quartiers. Le directeur des Contributions déclarait ainsi au préfet, en 1825 :
« Ce n’est plus précisément une affaire d’opinion ni de vote ; c’est une marche, une continuation, une reprise d’opération. C’est un développement, un achèvement d’une part d’un plan qui comme partie d’art est exécuté par des géomètres sous la surveillance de l’Administration, d’autre part d’une expertise qui comme combinaison et accord de tous les intérêts privés des propriétaires d’une même commune, est confié à son conseil municipal, à ses propriétaires les plus imposés, aux classificateurs nommés par eux avec ou sans adjonction d’experts estimateurs. […] Bordeaux aura donc un titre légal de la surcharge fiscale à produire, et lors même qu’un juste dégrèvement ne pourrait pas lui être accordé, elle jouirait au moins provisoirement d’un redressement de sous-répartition d’un grand acte de Justice Distributive qui sera son heureux ouvrage. »27
33Les agents de l’administration avaient beau faire connaître la régularité des formes à employer et la disparité des expertises pour accélérer l’estimation fiscale tout en allégeant l’impôt foncier, le résultat du travail des experts devait prouver que les parties de la ville devenues les plus productives étaient loin de contrebalancer celles qui avaient perdu, localement et commercialement, leur intérêt.
2. Les résultats de l’opération cadastrale de 1832
34L’opération de révision cadastrale enregistrée en 1832 avait déclassé le revenu imposable de la ville et détruit les équilibres entre les perceptions. Tandis qu’en 1824, les cinq perceptions recouvraient chacune environ 20 % des recettes de la contribution foncière, en 1832, la deuxième et la troisième avaient gagné près de deux points alors que la première en avait perdu près de trois et la cinquième près de cinq, dans une année où les revenus avaient diminué. Deux ans plus tard, les déséquilibres s’accentuaient. La fixité obtenue par la révision cadastrale engagée en 1822 et le recouvrement de l’expertise en 1832 en étaient les causes. Les patentes avaient aussi pris de l’importance. Le nord (1re perception) souffrait peu des pertes de la contribution foncière grâce à ces revenus commerciaux. En revanche, le sud de la ville (5e perception), montrait des déséquilibres importants28.
Tableau 1
Montant des rôles de la contribution foncière des cinq perceptions de Bordeaux en 1824,1832 et 1834

(En francs et pourcentage du total des contributions directes)
Indice 100 : 1824.
Source : Arch. dép. Gironde, 2 P 29. Les perceptions sont découpées du nord au sud.
35Les réclamations des propriétaires s’étaient multipliées contre des évaluations faites en cinq ans de prospérité économique, depuis 1825-1826, et imposées en 1831, dans une année de crise et de baisse générale des loyers. De nombreuses erreurs matérielles avaient eu lieu pendant dix ans pour faire concorder le plan cadastral, les tableaux indicatifs et les procès-verbaux d’évaluation avec les mutations de propriétés.
36La ville commençait à dépasser ses limites topographiques. En 1851, elle se contenait encore dans la ceinture des cours aménagés sous l’Ancien Régime mais les faubourgs s’étendaient de façon inquiétante (carte 1).
37Au nord, les lotissements avaient atteint la rue Lagrange, bordant les marais ; les immeubles et les manufactures, les chais et les entrepôts se multipliaient le long des quais des Chartrons, en direction de Bacalan. Les constructions nouvelles s’étendaient sur ces territoires jusque-là insalubres. Au nord-ouest, les faubourgs du Jardin public et de Saint-Seurin, à proximité des Quinconces, étaient en pleine croissance. Les marais de l’Archevêché, les pépinières et le cimetière de La Chartreuse (à l’ouest) bloquaient le développement urbain. Cependant, au sud et au sud-ouest, dans les faubourgs de Sainte-Eulalie, de Saint-Nicolas, de Sainte-Croix et de Paludate, vers Bègles, l’urbanisation avait débordé, tout comme au nord, les limites de la ville classique.
Carte 1
Bordeaux en 1851 Réédition du plan général d’alignement de Pierrugues et Béro

Source : Cliché Arch. mun. Bordeaux, XL-A 102.
3. La poursuite des expertises jusqu’en 1841
38Le répit fut de courte durée après la mise en recouvrement de l’expertise cadastrale de 1832 qui avait mis à jour les déplacements des valeurs locatives. En application de la loi de Finances du 14 juillet 1838, une nouvelle demande en révision pointa du doigt les mauvaises évaluations des années précédentes29. L’arrondissement bordelais, largement surestimé, comptait pour 55 % des valeurs locatives du département en 1835.
39Dans les villes, l’inégalité augmentait à mesure de l’importance des localités. Libourne pouvait ainsi compter sur une participation de moitié inférieure à celle de Bordeaux pour une population dix fois plus faible. Les communes rurales, environ cent fois moins peuplées que la capitale régionale, étaient trois fois moins taxées à la contribution personnelle mobilière, cinq fois moins à l’impôt sur les portes et fenêtres. Bordeaux, qui ne représentait pas 20 % de la population girondine, fournissait 40 % du contingent de la personnelle mobilière et 55 % du contingent des portes et fenêtres en 1841. Les disparités s’accentuaient entre les villes et les campagnes par comparaison à la France. La concentration des propriétés, celle des plus riches surtout, augmentait le revenu et les impôts dans les villes, et la croissance démographique ne diminuait pas la cote de chaque habitant.
40Appuyées sur des baux authentiques ventilés en éliminant les surévaluations industrielles ou accidentelles, les estimations étaient supérieures ou égales à celles de Lyon et de Marseille. Bordeaux se retrouva deuxième ville de France par sa valeur fiscale tandis qu’elle n’était que quatrième par son poids démographique. Bordeaux attendait un dégrèvement d’au moins un cinquième. La méthode d’évaluation des revenus par un échantillon de baux réels ne satisfaisait pas le directeur des Contributions qui se préoccupait davantage du résultat d’ensemble que de la clarté scientifique de l’expertise :
« Les points comparatifs me paraissent préférables aux résultats positifs, et quand 2000 baux au lieu de 200 constateraient pour Bordeaux des évaluations locatives supérieures ou égales à celles de Lyon ou Marseille, je regarderais la vérité, la réalité de ces baux comme inadmissibles en Justice répartitionnelle ; ainsi, tout en reconnaissant que la matrice cadastrale de Bordeaux présente 9 millions de revenus brut, et que la ventilation de deux à trois cents baux prouve une valeur locative de 10 millions, je n’adhère à ce travail que sous condition que Paris aura au moins 80 millions de valeurs locatives, et Lyon et Marseille environ 15 millions. »30
Tableau 2
Cotes de la contribution personnelle mobilière et de l’impôt des portes et fenêtres à Bordeaux et en Gironde, 1841

(Contingents en francs, cotes en francs par habitant)
Source : Arch. mun. Bordeaux, 5 G 1.
41Le déplacement du centre de l’industrie et les vicissitudes du commerce avaient modifié les revenus des propriétés tandis que le chiffre imposable était resté le même. Malgré la longueur du travail à reprendre, le conseil municipal réagit à cette injustice et dénonça :
« Un déluge de demandes en réductions s’accroît d’année en année sans que personne puisse dire jusqu’où cette lèpre atteindra, si le corps municipal ne s’occupe pas à extirper promptement et sérieusement le mal dans sa racine. »31
42Ce « mal » endémique, cette « lèpre », était celui des critères de l’estimation des propriétés bâties qui n’étaient pas clairement définis : les modes de calcul du revenu des maisons furent alors remis en cause. L’enregistrement des constructions nouvelles devenait impossible lorsqu’il s’agissait de contre-expertise. Les propriétaires qui obtenaient des réductions partielles de leur contribution déséquilibraient les estimations d’ensemble. Cette injustice augmentait à mesure que, contestée par un petit nombre d’entre eux, elle encourageait les autres à réclamer des révisions pour achever de perturber l’assiette et de détruire la proportionnalité. Aussi, les frais de contre-expertise augmentaient-ils : nuis en 1830 et 1831, ils étaient de 220 francs en 1832, de 3400 francs en 1837 et estimés à 8000 francs pour 1838. Les lenteurs de réaction de l’administration se firent sentir jusqu’en 1843. Le vœu de renouvellement émis par le conseil municipal le 6 novembre 1840 porta ses fruits le 1er février 1843, après avoir été reporté deux fois, en janvier puis en juillet 1842. Le nombre de maisons recensées dans cet intervalle était de 14000 pour 18062 constructions32. Au 6 août 1841, 5400 maisons avaient été visitées ; au 17 septembre, 7448 ; au 5 novembre, 9067. L’on pouvait compter sur le recensement d’environ 500 maisons chaque mois, davantage en été qu’à la fin de l’année, lorsqu’il fallait faire les comptes partiels et évaluer les mutations annuelles, seules 300 ou 350 maisons étaient alors expertisées33. La procédure de révision était fixée par la loi du 31 juillet 1821. Trois contrôleurs et un seul expert, l’architecte Roché, furent à l’œuvre.
43La qualité des évaluations se heurtait toujours à celle du revenu des propriétés agricoles et des maisons types malgré des instructions de plus en plus précises qui ne pouvaient décidément pas atteindre l’égalité tant recherchée depuis le Premier Empire.
B. De nouvelles règles d’évaluation (1843-1848)
44Comme aucune maison ne ressemblait exactement à une autre, elle ne pouvait offrir une évaluation rigoureusement égale. Mais, par un examen attentif des avantages et des désavantages des constructions et par la comparaison entre les maisons d’un même quartier, on pouvait s’approcher de la proportionnalité des opérations.
1. Les critères d’une liste type
45Il fallait choisir plusieurs maisons types par rue et aussi par bail, et éviter, autant que possible, les baux frauduleux, sans dates vérifiables. Les baux authentiques n’étaient pas la majorité. De nombreux baux étaient sous-estimés ou surestimés. Le premier cas était fréquent lorsque, en échange de travaux dans les locaux, le propriétaire diminuait son loyer. Le second était fréquent lorsque les logements se louaient en famille ou à des amis. Les Contributions considéraient alors que pour l’entretien et la réparation des logements, il fallait déduire le quart du revenu brut pour estimer le revenu net, ni plus, ni moins. Cette opération paraissait normale pour l’entretien mais pas pour les embellissements ou les transformations de construction qui augmentaient notablement les valeurs locatives.
46Le produit de la plus-value apporté par des embellissements ne devait pas être estimé, il s’agissait seulement d’établir le revenu imposable, c’est-à-dire celui que pouvait procurer une année moyenne, calculé si possible d’après une évaluation décennale.
47L’ancienneté des maisons entrait en compte, ainsi que leur vétusté. Les différences de loyer et de charges d’entretien étaient importantes selon qu’elles étaient construites en pierres de taille, en moellons ou en bois. Les nuances entre quartiers devaient aussi être appréciées. Deux maisons absolument semblables présentaient souvent un prix locatif différent dans des quartiers plus ou moins cotés, alors qu’elles exigeaient le même entretien, les mêmes réparations et donc les mêmes dépenses annuelles. La division d’une maison en petites locations ne garantissait pas non plus un revenu supérieur à celui d’une location unique et entière d’un bien, quelles que fussent ses qualités, car elle augmentait les dépenses d’entretien ainsi que les risques de vacances ou de non-valeurs lorsque les immeubles étaient occupés par de nombreux locataires peu solvables.
48Le règlement de péréquation de la contribution foncière prévoyait, pour Bordeaux, l’estimation d’au moins un trentième et au plus un vingt-cinquième des maisons de la ville, 600 minimum34, de toutes classes, avec le cinquième au moins de toutes les sortes d’usines et de manufactures. Les bases de l’opération étaient les baux à ferme et à loyer supérieurs à 100 francs, enregistrés depuis 1835, les baux fictifs, les mercuriales pour les terrains agricoles, les données du cadastre reconnues exactes, éventuellement les actes de vente35. La liste type des maisons servant de jalon, arrêtée le 26 avril 1844, comprenait quelques 972 maisons et usines qui furent révisées au 11 avril 1845, après réclamations d’une cinquantaine de propriétaires36. L’évaluation de cette liste commencée le 24 avril 1843 et terminée le 10 avril 1844 comprenait 89837 maisons évaluées. Elles représentaient un vingtième environ de la masse bâtie, 303 maisons dans le contrôle du nord, 301 au centre, 294 au sud. Après communication d’un mois de la liste type, 447 propriétaires s’étaient déplacés et 53 avaient déposé leurs observations, soit presque 6 % de l’ensemble : seules quelques demandes furent accueillies à la baisse38.
49Dans la partie rurale de Bordeaux, treize domaines avaient été estimés, ils représentaient 545 hectares à eux seuls, un quart du territoire rural de la commune. La ventilation de la nature des cultures était basée sur des baux notariés et sur les déclarations des propriétaires ou des fermiers. La proportion moyenne ainsi obtenue était de 67 centimes par franc de revenu vrai, c’est-à-dire que les évaluations cadastrales du non bâti représentaient les deux tiers du revenu réel et que celles des propriétés bâties devaient être atténuées d’un tiers pour établir la proportionnalité. Une commission de propriétaires était chargée de les évaluer sur cette base39.
2. La participation des propriétaires
50Littéralement, les instructions ministérielles convoquaient les conseils municipaux lorsque les plans cadastraux et leur arpentage étaient communiqués. Le conseil municipal nommait alors des propriétaires classificateurs qui s’occupaient successivement de la classification des diverses natures de culture dans les propriétés non bâties, puis des propriétés bâties et du choix des étalons et des classes qui leur revenaient pour fixer proportionnellement un tarif d’évaluation. Les propriétaires devant participer à la commission de répartition étaient pour la plupart des négociants.
51Dans la liste des vingt plus imposés de 1840 figurent de grandes familles du négoce bordelais ainsi que des propriétaires ou des rentiers40. Ces contribuables étaient alors recensés en vue de former les listes électorales, en cumulant le montant de toutes leurs contributions, dans la commune. Cette liste de 1840, si elle ne permet pas de distinguer la part de chaque contribution dans le cens total, permet néanmoins d’apprécier les impôts relatifs aux propriétés détenues uniquement en ville. Même avant le XVIIIe siècle, les habitants de Bordeaux possédaient déjà de nombreuses propriétés en périphérie de la zone urbaine, voire au-delà. Ces « auréoles de propriété foncière bourgeoise et citadine entourent chaque agglomération importante. »41 Ce phénomène ne s’atténua pas au XIXe siècle, de nombreuses propriétés rurales continuèrent, par héritage ou alliance, d’appartenir à des habitants des villes.
52De nombreux négociants arrivés à Bordeaux pour y faire fortune avaient fondé leur maison de commerce avec peu de moyens et en utilisant leurs héritages, ils investissaient ensuite en achetant des maisons en ville et plus rarement des propriétés viticoles42. Si l’impôt frappait surtout la propriété foncière, la part de cet impôt peut donc difficilement s’extraire des grosses fortunes familiales et négociantes bordelaises.
53Les richesses de ces plus imposés se concentraient dans la première perception du nord, quelques-uns seulement de ces négociants étaient domiciliés rue Sainte-Catherine, fossés de l’Hôtel de Ville, des Tanneurs ou encore rue Carpenteyre, dans les anciens quartiers du négoce. Les listes préalables à la formation de celle des vingt plus imposables montrent, pour trente propriétaires, négociants et rentiers, les déséquilibres entre le nord et le sud de la ville43 (carte 2).
54Le conseil municipal convoqua à plusieurs reprises les propriétaires classificateurs pour approuver la liste des maisons types. Le concours des plus forts imposables n’était pas obligatoire mais il avait été prescrit par le ministre des Finances, relayé par le préfet44. D’après le règlement général de 1825, la révision cadastrale avait été faite sans présentation préalable des listes types. Il n’était pas obligatoire de procéder à l’examen du tableau de ces maisons qui devait pourtant s’appliquer dans les villes de plus de 100000 francs de revenu. La liste type fut approuvée dans la séance du 18 juillet 1844. Chacun des contrôleurs procéda ensuite à la comparaison des valeurs locatives, rue par rue, maison par maison.
55Cette opération servit à l’évaluation et resta dans les papiers des classificateurs des Contributions. Elle languit jusqu’en 1847, les résultats de l’expertise ne furent définitifs qu’en 1849.
Carte 2
Répartition des fortunes imposables et des patentes en 1840 et 1848

Source : Arch. mun. Bordeaux, 10 et 19 G 1.
C. La division foncière de la ville en 1848
56Un état du nombre et du revenu des maisons bordelaises gradué par tranches de 500 francs et complété du nombre d’établissements industriels pour les 25 sections cadastrales enregistrées donne un aperçu précis de la géographie foncière des propriétés bâties et des types de revenus locatifs de la ville, vers 1848, à la fin de cette opération de révision cadastrale. Cet état nous est précieux pour observer la géographie des revenus bordelais à la veille de la seconde moitié du siècle.
1. Des catégories de revenus
57Les revenus des maisons varient, à cette époque, de quelques dizaines à plus de 8 000 francs annuels. Six tranches de revenus sont caractéristiques. Au-dessous de 500 francs, on ne dispose malheureusement pas de tranche intermédiaire, c’est pourtant la catégorie la plus intéressante car c’est celle où les différences sont les plus importantes entre un loyer ou un revenu de 20 francs pour une échoppe et un de 500 francs pour un appartement dans un immeuble de qualité ou pour une maison cossue45. L’on peut donner un aperçu du revenu des maisons et de la concentration des valeurs locatives. À Bordeaux, les revenus les plus faibles, inférieurs à 500 francs, comprennent près de 60 % du total des propriétés bâties, avec ceux de 500 à 1000 francs, ils représentent et caractérisent la ville (17 % environ pour ces derniers, plus de 75 % dans l’ensemble). On note une forte proportion de maisons de plus de 7500 francs de revenus.
2. La répartition des revenus fonciers
58Il faut établir une échelle de valeur pour comparer le nombre de maisons aux tranches inférieures et supérieures. Le rapport entre les trois premières et les trois dernières catégories est approximativement de 1 à 10. Nous retenons ce rapport pour observer la répartition des revenus des maisons sur le territoire urbain bordelais d’après le découpage cadastral qui a servi à élaborer la carte 3.
59Les revenus les plus faibles se concentrent dans les faubourgs en pleine expansion, près du Jardin public, du palais Gallien, de Saint-Seurin, de Saint-Michel, du cours d’Aquitaine, et de la section dite « des Incurables », à proximité du cours d’Aquitaine. Passé un revenu de 500 francs, les maisons se regroupent en quatre pôles : dans les sections de Saint-Seurin, de Saint-Michel et du cours d’Aquitaine ; aux Chartrons et autour de Saint-André. Au-delà de 1000 francs de revenu, et jusqu’à 4000 francs, le nombre de propriétés diminue considérablement, sauf aux Chartrons. Parmi les tranches inférieures de revenu, jusqu’à 2500 francs, une concentration nettement plus faible s’observe à Saint-Michel et Saint-Seurin. De 1000 à 2500 francs, et de 2500 à 4000 francs et plus, les propriétés sont comprises dans les sections du centre. Dans la ville romaine et médiévale, autour de Saint-Rémi, Saint-Projet, Saint-Éloi et la porte du Palais, les revenus se concentrent jusqu’à 4 000 francs, mais ils ont tendance à diminuer dans le quartier de la Rousselle et de la rue Sainte-Colombe. Aux Chartrons, aux Quinconces, autour de Notre-Dame et de Saint-Louis, peu de maisons ont de tels revenus. A 4 000 francs de loyer ou plus, la ville ancienne n’est guère concernée ; les maisons appartenant à cette tranche se situent vers la Douane et les Grands Hommes. Soixante-dix maisons enfin, d’un revenu exceptionnellement supérieur à 8000 francs, sont dispersées aux Quinconces, à Saint-Rémi, et Notre-Dame, ce qui amène une donnée importante : les valeurs locatives les plus fortes sont diffuses. Les plus faibles se répartissent assez équitablement dans les faubourgs nord-ouest et sud-ouest : au-delà de 500 francs, la vaste couronne de faubourgs qui s’étend de La Chartreuse à Paludate comprend peu de maisons à fort revenu, et au-delà de 2500 francs, aucune propriété. Les plus fortes valeurs locatives se situent dans les secteurs d’urbanisation nouvelle, là où les travaux du XVIIIe siècle et ceux des Quinconces les maintiennent, ainsi que dans le vieux Bordeaux.
60La confection du cadastre a souffert des difficultés d’évaluation des revenus des sols de 1790 à 1848, en particulier dans les décennies 1820 et 1830. Les variations de revenus, particulièrement importantes alors, entraient en conflit avec la définition de plusieurs plans territoriaux : fiscal, topographique et prospectif. Les valeurs foncières des quartiers évoluaient ou se déplaçaient plus vite que les révisions cadastrales et les projets municipaux. Une spécialisation et une nouvelle répartition de ces valeurs dans le territoire urbain s’opéraient. Des principes d’un cadastre rural, par masses de cultures, l’on passa ainsi à un cadastre urbain, parcellaire, dont l’essentiel des revenus était rendu, en ville, par les propriétés bâties.
Carte 3
Nombre et revenu des maisons bordelaises vers 1848

Source : Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1.
61Un état d’équité se maintenait cependant, fondé sur la volonté de ne pas considérer le déplacement des valeurs locatives que l’on craignait de découvrir ou de mettre à jour. Il y a là un paradoxe quant aux choix collectifs bordelais, car l’on balance entre une description analytique et statistique du sol imprécise et une nécessité sociale qui est que la ville se transforme naturellement plus vite que les Contributions n’ont tendance à le mesurer. Le Cadastre devait, selon une expression significative, « dépeindre le tableau du sol », mais ce tableau était toujours en mouvement.
Annexe
Annexes : regards sur le plan cadastral Bordelais vers 183046
Fig. 1 : La ville nouvelle et régulière est bâtie sur les terrains de l’ancienne forteresse du château Trompette : un programme luxueux et ambitieux prévu dès l’Ancien Régime mais engagé sous la Restauration et qui déplace progressivement les valeurs locatives au nord. Les parcelles se bâtissent plus vite à proximité de la vieille ville et des fossés du Chapeau-Rouge, près du Grand Théâtre. Au nord (en haut), les lots sont moins courus.
Fig. 2 : Réalisation prestigieuse de l’intendance du marquis de Toumy, il devient un champ de manœuvres progressivement abandonné sous l’Empire puis un jardin à l’anglaise dans la seconde moitié du XIXe siècle. C’est aussi un haut lieu de spéculation immobilière, avec le lotissement Michel et plus tard, au Second Empire, l’ouverture de la rue d’Aviau qui réduit le jardin.
Fig. 3 : Quartier des négociants étrangers surtout, c’est un des poumons économique de la ville : là encore au nord de Bordeaux, où la pression foncière est des plus forte. Au long des quais le parcellaire s’organise en bandes étroites et profondes qui accueillent les chais et les entrepôts des négociants qui habitent aux étages de leur comptoir. À l’intérieur des terres, le parcellaire est réduit, surtout près de l’église Saint-Louis, entourée encore de maisons, et du marché bientôt remplacé par une halle métallique.
Fig. 4 : Romaine et médiévale, les restes d’enceintes et les rues tortueuses et malsaines, avec de nombreux défauts d’alignement, caractérisent le centre ancien. Les valeurs foncières y dépérissent peu à peu, même si elles sont encore élevées dans la seconde moitié du XIXe siècle, grâce aux travaux de voirie et de percement engagés notamment dans le quartier de la cathédrale et de la mairie.
Fig. 5 : Les quais des rives sud de la Garonne sont peu à peu délaissés au milieu du XIXe siècle. En limite de la commune de Bègles, de l’Estey Majou et du pont de Brierme, le quartier de Paludate trouve un dynamisme nouveau avec l’implantation de la gare de la compagnie du Midi. On remarque les nombreuses parcelles de bancs de sable en bordure de la rivière.
Fig. publiée dans le cahier photographique (planche 5) : Quartier Saint-André. Cette planche représentant le quartier de la cathédrale et de l’évêché montre aussi la place Dauphine, sa porte et le cours d’Albret.
Figure 1
Les Quinconces

Extrait de la section A, dite du château Trompette
Figure 2
Le Jardin public

Extrait de la section E, dite de Figuereau
Figure 3
Les Chartrons

Extrait de la section D, dite de Saint-Louis
Figure 4
La Cité

Extrait de la section A, dite de l’Hôtel de Ville
Figure 5
Paludate

Extrait de la section D, dite de Sainte-Croix
Notes de bas de page
1 J’adresse mes plus vifs remerciements à Mme Florence Bourillon qui m’a sollicité pour cette contribution extraite et augmentée de ma thèse de doctorat en urbanisme : La voirie bordelaise au XIXe siècle. L’administration et les pratiques municipales d’aménagement urbain (1807-1886), sous la direction de Jean-Pierre Frey, Institut d’urbanisme de Paris, Université de Paris XII, 2004, 2 vols., 1111p. (voir particulièrement p. 69, 222, 245-27, 436-467), éditée sous le titre, La voirie bordelaise au XIXe siècle, Paris, PUPS, 2007.
2 Cet ingénieur fut chargé de vérifier les plans cadastraux et d’établir le plan général d’alignement de Bordeaux, en application des lois des 15 et 16 septembre 1807. Voir Sylvain Schoonbaert, « L’aventure du cadastre et du plan général d’alignement de Bordeaux (1807-1832) », Revue archéologique de Bordeaux, Société archéologique de Bordeaux, 2003, t. XCIV, p. 247-267.
3 L’arpentage et la topographie ont le vent en poupe à cette époque. Les manuels de vulgarisation en témoignent, comme celui de François Thiollet, L’art de lever les plans, Arpentage, nivellement et lavis des plans enseigné en 20 leçons sans le concours des mathématiques. Ouvrage mis à la portée de toutes les classes de la société, et indispensable aux Instituteurs, Arpenteurs, Géomètres, Propriétaires ruraux, etc., Paris, L. Maison, Libraire Éditeur, 1848, 392 p., 1re éd. 1825.
4 Nouvelle carte topographique de la France, appropriée à tous les services publics et combinée avec les opérations du cadastre général, Paris, Imprimerie royale, 1818, 16 p. ; p. 4.
5 Arch. dép. Gironde, 3 P 8, Pillod, au directeur des Contributions, 21 avril 1842.
6 Nouvelle carte topographique de la France…, op. cit., p. 13.
7 Ibid., p. 8.
8 Arch. dép. Gironde, 3 P 2, ministre des Finances à Fauchet, préfet, 28 mai 1807.
9 Arch. dép. Gironde, 3 P 2, Belleyme, ingénieur géographe, au préfet, 12 frimaire an XII. L’établissement de la carte de la Gironde avait été retardé de 1791 à l’an II. Belleyme détenait dans ses bureaux parisiens les cuivres et les dessins de la carte de Guyenne. Ils furent répertoriés lors d’un inventaire des objets d’art et de sciences, sous la houlette de Buache et Monge. Belleyme avait en sa possession, en l’an XII, 30 planches dont 21 terminées le 14 septembre de l’an II, six gravures commencées et trois polies prêtes à être gravées. Ces documents furent transmis à Pierrugues afin qu’il y portât les nouveaux découpages administratifs, Arch. dép. Gironde, 3 P 2, préfet à Pierrugues, 2 juin 1807.
10 Arch. dép. Gironde, 3 P 2, Pierrugues au directeur des Contributions, 16 décembre 1807.
11 Arch. dép. Gironde, 3 P 2, Pillod au préfet, 15 septembre et 9 décembre 1828.
12 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, Instructions du ministère des Finances. Contributions directes. Tournée de 1822, Paris, Imprimerie royale, 1er mai 1822, 6 p. (par J. de Villèle, ministre secrétaire d’État des Finances).
13 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, Destor au baron d’Haussez, préfet, juin 1825.
14 Arch. mun. Bordeaux, 12 G 1, Destor à Devaulx, adjoint au maire, 1er décembre 1828.
15 Arch. dép. Gironde, 2 P 1, Rapport à l’administration départementale de la Gironde sur la répartition de la contribution foncière de l’an V, Bordeaux, Cavazza, 1796, p. 8-9.
16 Fernand Monjou, La nouvelle évaluation foncière et la réforme de l’impôt foncier non bâti, par F. Monjou, Bordeaux, Impr. Y. Cadoret, 1911, 186 p.
17 Jean-Louis Fonvielhe, Essais sur le cadastre impérial de la France, et spécialement sur les expertises du département de la Gironde, dédiés à S.M. Napoléon le Grand, par J.L. Fonvielhe, Bordeaux, André Racle, 1808, 39 p. ; p. 6.
18 Arch. nat., introduction au répertoire de la série F31.
19 Fernand Monjou, La nouvelle évaluation foncière…, op. cit., p. 8-9.
20 Arch. mun. Bordeaux, 3 G 1, procès-verbal de la commission de répartition instituée à Bordeaux par l’arrêté du préfet du 30 janvier 1806, séances des 8 et 14 février 1806.
21 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, articles 2 et 4 du procès-verbal de la commission de répartition instituée à Bordeaux par l’arrêté du préfet du 30 janvier 1806, séances des 8 et 14 février 1806.
22 Arch. dép. Gironde, 2 P 4, directeur des Contributions directes au ministre des Finances, 1er mars 1808.
23 Arch. dép. Gironde, 2 P 9, Destor, directeur des Contributions directes aux commissaires répartiteurs, 31 août 1818.
24 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, Destor au préfet, juin 1825. Au nombre de quinze, cinq pour chacun des trois arrondissements, alors que conformément à l’article 4 de l’ordonnance royale du 6 octobre 1821, il n’aurait dû y en avoir que neuf.
25 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, un formulaire d’expertise parcellaire de la propriété du médecin Capelle le montre par exemple, le 26 août 1830. Le revenu brut de l’immeuble du 9 rue Dieu était fixé par les estimateurs à 2200 francs. Au dos du formulaire, les propriétaires portaient les motifs de leurs réclamations et les objets de comparaison à l’appui de leurs demandes. Ainsi, pour des vacances partielles, pour les « chicanes » de certains locataires, Capelle affirmait que cet immeuble n’avait jamais rendu un tel revenu. Il demanda une baisse à 1200 voire 1000 francs, ce qui, déduction faite du quart du revenu brut, portait l’assiette de l’impôt à 750 francs et non plus 1650 francs.
26 Arch. dép. Gironde, 2 P 1, Extrait des registres des délibérations des consuls de la République, la loi du 19 fructidor an X ordonnait la formation des listes des plus imposables sur la contribution foncière, la personnelle mobilière et somptuaire ainsi que les patentes.
27 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, Destor au préfet, juin 1825.
28 Arch. dép. Gironde, 2 P 29, rapport du receveur général Carayon-Latour au ministre des Finances, 9 juillet 1834.
29 Arch. mun. Bordeaux, 12 D, délibérations du conseil municipal des 25 octobre 1838 et9 août 1841.
30 Arch. dép. Gironde, 2 P 13, directeur des Contributions directes au comte de Preissac, préfet, 4 octobre 1836.
31 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, demande en révision cadastrale de la contribution foncière de Bordeaux, 25 octobre 1838.
32 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, Doré, directeur des Contributions directes, au conseil municipal, les 8 mai 1841 et 27 avril 1842.
33 Arch. mun. Bordeaux, 5 G 1, directeur des Contributions directes au maire Johnston, 6 août, 17 septembre 1841 et 10 janvier 1842.
34 Soit au minimum 15 000 et au maximum 18 000 maisons.
35 Arch. dép. Gironde, 2 P 10, Péréquation de la contribution foncière. Règlement arreté le 9 mai 1845, Bordeaux, Ragot, 1845, articles 3 et 9. Les actes de vente ne permettaient guère d’estimer un revenu précis.
36 Arch. mun. Bordeaux, 12 D 25, séance du 7 janvier 1845.
37 Et non 972, ce nombre comprenait vraisemblablement les usines et fabriques.
38 Selon l’article 30 du règlement général du 15 mars 1827, les propriétaires des maisons types pouvaient réclamer dans les six mois suivant le dépôt des listes en mairie une contre-expertise qui était prise en compte avant le recouvrement des rôles.
39 Arch. mun. Bordeaux, 4 G 1, Doré, directeur des Contributions directes, au maire Duffour-Dubergier, 11 avril 1845.
40 Arch. mun. Bordeaux, 19 G 1, état des vingt plus imposés en 1840 dans la commune de Bordeaux.
41 Jean-Pierre Poussou, Bordeaux et le sud-ouest au XVIIIe siècle. Croissance économique et attraction urbaine, Paris, EHESS, 1983, 652 p. ; p. 293. Voir aussi Josette Pontet, « Regards sur la banlieue bordelaise au XIXe siècle », Histoire Économie Société, n° 4, 1996, p. 405-415.
42 Jean Cavignac, « Les vingt-cinq familles. Les négociants bordelais sous Louis-Philippe », Les Cahiers de l’IAES, Le Courrier d’Aquitaine, Bordeaux, 1985, n° 6, 314 p. ; p. 214-217.
43 Arch. mun. Bordeaux, 19 G 1, total des contributions de toute nature d’après les listes du 19 mars 1840.
44 Arch. mun. Bordeaux, 12 D 25, séance du 7 janvier 1845.
45 Le loyer moyen d’un ménage ouvrier est d’environ 180 francs vers 1848. Entre 1847 et 1850, ce sont aussi les loyers compris de 100 à 200 francs qui sont le plus payés par les indigents parisiens. Voir Jeanne Gaillard, Paris, la Ville 1852-1870, Paris, L’Harmattan, 1997, 528 p. ; p. 506 et graph. 9.
46 Clichés Bernard Rakotomanga, Arch. mun. Bordeaux, tiroirs 32 et 33 PP. Ces extraits nous ont été aimablement prêtés par Ézéchiel Jean (laboratoire Ausonius, Université Michel de Montaigne de Bordeaux III, UMR 5607).
Auteur
Est architecte, docteur de l’Institut d’urbanisme de Paris, enseignant chercheur à l’École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux et chargé de documentation historique à la Mairie de Bordeaux. Il a publié sa thèse aux Presses de l’Université Paris-Sorbonne sous le titre La voirie bordelaise au XIXe siècle (Collection Roland Mousnier, 2007) et, depuis 2001, plusieurs articles sur l’histoire de l’urbanisme bordelais dans les revues Villes en parallèles, Histoire urbaine, Les Cahiers de l’IPRAUS, la Revue archéologique de Bordeaux, la Revue historique de Bordeaux. Il prépare avec Philippe Chassaigne l’édition des actes d’un colloque organisé à l’Université François Rabelais de Tours en 2006 : Utopie et pragmatisme en histoire de l’urbanisme XIXe-XXe siècle, à paraître aux Presses universitaires de Rennes.
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