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De l’estime au cadastre en Europe. Les systèmes cadastraux aux XIXe et XXe siècles

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Florence Bourillon
, 
Pierre Clergeot
, 
Nadine Vivier

Première partie. Les cadastres européens

La création du cadastre aux Pays-Bas dans la première moitié du XIXe siècle

Frank Keverling Buisman

Texte intégral

Introduction

  • 1 Les livres et les articles publiés sur l’histoire du cadastre et des sources cadastrales suffiraien (...)
  • 2 E. Muller, « De invoering van het Kadaster in Limburg » [ « L’introduction du cadastre dans le Limb (...)

1Même si la plupart des manuels d’histoire n’en font pas mention, le 1er octobre 1832 est une date importante pour une grande partie du Royaume des Pays-Bas1. C’est ce jour-là, en effet, que fut introduit le cadastre dans la quasi-totalité du territoire des Pays-Bas. Seule la province de Limbourg, qui connaissait des désordres politiques, dut attendre encore quelques années : 1837 pour la ville de Maastricht, et 1841 à 1844 pour le reste de la province2. Mais il avait fallu plus de vingt-cinq années de travaux pour en arriver à ce résultat.

  • 3 P.G.H.T. Konings, « De openbare registers ten hypotheekkantore » [ « Les registres publics au burea (...)

2Cette vaste opération visait avant tout à mettre en place un meilleur système de perception de l’impôt foncier. Pour pouvoir répartir équitablement les charges sur les propriétaires de terrains et d’habitations, les pouvoirs publics devaient en effet disposer d’un système efficace d’enregistrement de tous les propriétaires fonciers et de détermination du revenu annuel des biens immeubles dont ils étaient propriétaires. Il fallait donc dresser des cartes très précises de la totalité du territoire du Royaume. Par ailleurs, le cadastre remplissait aussi une importante fonction au niveau de l’enregistrement des propriétés, ce qui devait se révéler d’un intérêt capital pour les transactions juridiques (vente, achat, transmission successorale, etc., de propriétés bâties et non bâties). Parce qu’il présentait un caractère public, l’enregistrement des propriétés impliquait une grande sécurité juridique pour le citoyen. Seuls ont force de droit les actes juridiques publiés, et donc publics, concernant des biens immeubles, étant entendu que, dans le système en vigueur aux Pays-Bas, les données consignées n’avaient pas force probante. Sur la base des données dont ils ont connaissance, les pouvoirs publics considèrent les informations disponibles comme étant les informations exactes, même sans avoir la certitude absolue qu’elles le sont effectivement. Cette approche, qualifiée de système négatif, s’oppose au système allemand, par exemple, qui connaît un système positif, fondé sur le principe selon lequel le Grundbuch (le cadastre) contient les informations exactes3.

3Faire coexister au sein d’une seule et même institution l’inscription cadastrale dans des registres et sur des plans (au cadastre), d’une part, et les opérations juridiques en matière de biens immeubles (la tenue des registres hypothécaires), d’autre part, s’est avéré très utile. Aux Pays-Bas, le service chargé de ces deux tâches est communément appelé le « Cadastre ». Cet article se propose de décrire la période qui a précédé l’instauration du cadastre aux Pays-Bas et les sources qui ont été constituées à cette occasion.

I. L’enregistrement des biens immeubles sous l’Ancien Régime

  • 4 G.A.M. Van Synghel, op. cit., p. 9.
  • 5 F.F.J.M. Geraedts, « De registratie van de gerechtelijke eigendomsoverdrachten in het kwartier van (...)

4Les villes et les provinces qui constituaient la République des Provinces-Unies ont connu, du XVIe au XVIIIe siècle, des systèmes très divers pour l’enregistrement des rapports de propriété en matière de terrains, de maisons et de droits réels. Comme les provinces, les villes et les seigneuries jouissaient d’une grande autonomie, il y avait aussi une grande diversité dans les types de registres et les données qui y étaient consignées. Cette diversité s’explique évidemment par l’objectif que poursuivaient les autorités concernées. Les unes entendaient garantir la sécurité juridique, les autres définir une assiette d’imposition, d’autres encore dresser tout simplement l’inventaire des rapports de propriété à des fins de gestion. Dans bien des cas, c’est une combinaison de ces trois facteurs qui précédait l’enregistrement4. Je citerai, à titre l’exemple, les transferts de propriété, sous l’Ancien Régime, dans le « quartier » de Veluwe, qui faisait partie de la province de Gueldre, dans l’est du pays. Ces transferts de propriété étaient consignés dans des registres distincts tenus par les tribunaux, aussi bien pour renforcer la position juridique des intéressés et des tiers que pour rendre possible la perception du « cinquantième denier », un impôt qui devait être payé pour l’enregistrement de tous les actes juridiques passés en matière de biens immeubles5.

  • 6 P. Brood, Grondschattingen, omslagen en haardstedengeld. Een handleiding voor het gebruik van de ar (...)
  • 7 J.L. Van der Gouw, « De Ring van Putten. Onderzoekingen over een hoogheemraadschap in het deltagebi (...)
  • 8 C. Koetnan, Geschiedenis van de kartografie in Nederland. Zes eeuwen land- en zeekaarten en stadspl (...)

5Ce qui est remarquable, c’est que tous ces transferts de propriété étaient exclusivement consignés dans des registres, surtout dans les campagnes, et non pas sur des cartes ou des plans. On connaît une exception marquante à cette pratique au niveau provincial : ce sont les grondschattingskaarten (cartes de tribut foncier), qui ont été dressées au milieu du XVIIe siècle en Drenthe6. De même, dans les régions de polders des provinces de Hollande, de Zélande et d’Utrecht, les administrations des wateringues (organismes de droit public chargés de la gestion des eaux d’un territoire donné) firent dresser des cartes, souvent très détaillées, où chaque parcelle était représentée individuellement. Avec les registres des propriétaires, qui indiquaient aussi la superficie des parcelles, ces cartes de polders jouaient un rôle important pour la perception de l’impôt sur les digues. Un des exemples les plus anciens en est le système cadastral – qui comprenait un registre, une carte d’ensemble et des plans de parcelle des polders et des wateringues de l’administration des eaux, digues et polders de Putten (au sud de Rotterdam) –, mis en place en 1615 par l’arpenteur Daniel Schillincx sur ordre des administrateurs de la wateringue. Ce système a été utilisé pendant près de 250 ans pour la perception de l’impôt, jusqu’après la création du cadastre en 1832 ; il l’a été pour la dernière fois pour la perception de l’impôt dû pour la période 1862-18677. Il existe de nombreuses cartes à grande échelle des polders datant des XVIIe et XVIIIe siècles, dont beaucoup furent imprimées8. Ce sont des cartes fonctionnelles : elles comportent un maximum d’informations utiles pour la gestion administrative et technique des wateringues. Mais elles avaient souvent aussi une fonction représentative.

  • 9 Ibid., p. 110-134.

6Les premiers plans de villes détaillés dont nous disposions datent généralement des XVIe et XVIIe siècles9. Les autorités urbaines possédaient en outre souvent des recueils de rues, avec des cartes, indiquant pour chaque parcelle le propriétaire ou l’occupant du bien-fonds. De telles sources « précadastrales » ont été largement utilisées ces dernières années pour l’élaboration d’un cadastre historique des villes néerlandaises.

  • 10 F.W.J. Scholten, Militaire topografische kaarten en stadsplattegronden van Nederland, 1579-1795 [Ca (...)
  • 11 Voir notamment : W.J.M. Hoogendoom-Beks, et J.C.M. Hattinga-Verschure, Topografische kaarten en pla (...)

7Il faut signaler, enfin, les importants travaux de cartographie réalisés dans la seconde moitié du XVIIIe siècle à des fins militaires. Devant les changements politiques (surtout après la mort, en 1740, de l’empereur d’Autriche Charles VI) et la menace militaire qui en découlait, le besoin se fit sentir de plus en plus de disposer de cartes pour des opérations de grande envergure ; ce devait être des cartes à grande échelle permettant de représenter tous les détails topographiques. Par ailleurs, pour de grandes parties de la République – surtout dans les provinces de l’est et du sud, il n’existait que de mauvaises cartes ou pas de cartes du tout ; il fallait donc dresser pour la première fois des cartes de ces régions. Ce fut le grand mérite des arpenteurs Willem T. Hattinga et ses deux fils, David et Anthony, que d’avoir réalisé au cours de cette période (1744-1756) des atlas et des cartes de la Flandre zélandaise et du Brabant des États (Staats-Brabant), et par la suite aussi des îles de Zélande et de Hollande-Méridionale et de certaines parties de l’est des Pays-Bas. Plus tard (de 1773 à 1794), Van Hooff, Wollant et Hottinger achevèrent le travail en dressant des cartes de l’est et du nord du pays10. Extrêmement détaillées, ces cartes donnent des informations très intéressantes sur l’emplacement des châteaux et manoirs ainsi que de leurs dépendances, l’aménagement des jardins, les églises, les plans de village et les fermes isolées, le réseau des routes et des cours d’eau, les ponts et les terres incultes, comme l’a mis en lumière la publication récente de plusieurs de ces atlas11.

II. L’ancêtre du cadastre de Hollande

  • 12 J.G.M. Sanders, e.a., Noord-Brabant tijdens de Republiek der Verenigde Nederlanden, 1572- 1795. Een (...)

8Tous ces travaux de cartographie n’avaient cependant rien d’un cadastre systématique fondé sur des mesures d’arpentage et destiné à permettre une perception équitable de l’impôt foncier, même si certains registres dressés pour la perception de l’impôt sur les digues dans les régions de polders de l’ouest des Pays-Bas n’en étaient pas très éloignés. La première manifestation d’une telle approche systématique fut le fait du Conseil d’État, qui fit élaborer un nouveau système d’impôt foncier pour le Bailliage de Bois-le-Duc, lequel faisait partie du Brabant dit « des États » (Staats-Brabant) et appartenait à ce titre aux pays de la Généralité, des terres administrées directement par les états généraux à La Haye. C’est le Conseil d’État qui avait la charge d’administrer effectivement ces terres12. En 1786, les représentants du Bailliage de Bois-le-Duc déposent une requête devant le Conseil d’État pour s’opposer au système injuste et inéquitable du « verponding » (littéralement : estimation en livres) pour le prélèvement de l’impôt foncier dans les différents villages. L’année suivante, le Conseil d’État décide de faire étudier l’opportunité et la possibilité de mettre en place un système plus équitable de répartition des charges. Cette étude fut confiée à Caspar van Breugel, secrétaire de la ville de Bois-le-Duc et receveur du Bailliage, par l’intermédiaire de la Chambre de tenure et de péage de Bois-le-Duc, qui était chargée d’exercer un contrôle financier sur la manière dont les villages de la région étaient administrés. Après avoir étudié minutieusement les rôles, Caspar van Breugel rapporte que 13 rôles seulement sur les 96 du bailliage étaient conformes à la réalité, les 83 restants laissant tous à désirer, dans une plus ou moins large mesure. La décision est donc prise de procéder à l’arpentage des terres. Pour ce faire, Van Breugel engage 24 arpenteurs – nous sommes en 1791 –, qui se mettent immédiatement au travail dans les différents villages, armés d’instructions bien précises et moyennant un tarif convenu. L’arpentage devait se faire selon la méthode dite « de Bois-le-Duc », dans laquelle un arpent correspondait à 6 loopens (ancienne unité de surface équivalant à 700 m2) ou 300 roeden (ancienne unité de surface équivalant à 14 m2) ou 6000 pieds. Les parcelles devaient être numérotées et, pour chaque parcelle, l’arpenteur devait mentionner le nom du propriétaire, la superficie de la parcelle, le type de propriété et sa qualité. Les résultats des mesures étaient consignés dans des registres d’arpentage.

  • 13 L’auteur s’est inspiré, pour ces lignes, de A. Scheffer, « De landmeting in de Meijerij anno 1792-1 (...)

9Les maisons et les enclos échappaient à l’arpentage, bien qu’ils fussent soumis à l’impôt. Pour pouvoir en estimer la valeur, on engagea donc trois « estimateurs » par village. En dépit des écarts considérables constatés entre leurs estimations, ce qui ne permettait pas de disposer d’une assiette fiable pour la détermination de la valeur réelle des biens-fonds, on décida finalement d’adopter comme valeur la moyenne des trois estimations. Toute cette opération avait demandé beaucoup de travail et coûté beaucoup d’argent – près de 30000 florins de l’époque. Et pourtant elle resta sans lendemain, l’arrivée des Français dans la partie méridionale de la République, en 1794, et la Révolution batave qui s’ensuivit, en 1795, ayant empêché de mener les travaux à leur terme et d’introduire le système13.

  • 14 Centre d’informations historiques du Brabant [BHIC, successeur du dépôt des Archives nationales dan (...)

10Les registres d’arpentage de nombreux villages du Bailliage, qui avaient été dressés pour cette première tentative de remplacement du système du « verponding » par un véritable cadastre, ont été préservés, de même que toutes sortes d’autres documents portant sur les résultats des mesures d’arpentage14.

  • 15 E.J. Th. M.A. Smit, « De oude Kleefse enclaves en hun overgang naar Gelderland, 1795- 1817 » [ « Le (...)

11Des activités visant à la mise en place d’un cadastre régulier ont également été déployées dans d’autres régions faisant partie du territoire des Pays-Bas actuels. Un exemple particulier en est le cadastre de Clèves, instauré au XVIIIe siècle dans plusieurs petits territoires de la région frontière située entre l’Allemagne et les Pays-Bas actuels, dans la province de Gueldre, au sud-est de la ville d’Arnhem : les « enclaves de Clèves ». Ces territoires, qui faisaient partie du duché de Clèves avant d’être intégrés dans la province occidentale du Royaume de Prusse, échoient au Royaume des Pays-Bas à la suite du congrès de Vienne, en 1816. Il s’agissait de territoires couvrant une superficie de quelque 90 km2 au total et comprenant notamment la région de Liemers (avec les communes actuelles de Zevenaar et Duiven), la petite ville de Huissen, avec le bourg de Malburgen, et la seigneurie de Wehl, plus quelques autres enclaves de moindre importance15 (voir la planche dans le cahier couleur).

  • 16 P.G. Schulte, « Vont klevischen Grundsteuerregister zur Katasterkarte », Gregor Hövelman et Heinric (...)
  • 17 D.P.M. Graswinckel, De rechterlijke archieven der voormalige Kleefse enclaves in Gelderland, 1543-1 (...)

12Au début du XVIIIe siècle, le « Katastenvesen » avait été profondément modifié dans le cadre des plans mis en œuvre pour réglementer de manière plus équitable la perception de l’impôt foncier en Prusse. Il s’agissait de procéder à des mesures d’arpentage entièrement nouvelles de toutes les terres – les villes n’étaient pas prises en compte – et de dresser en même temps des cartes de la totalité du territoire du duché de Clèves. Après un premier essai réalisé entre 1721 et 1727 dans les seigneuries de Kleverham et Emmerich, le reste du duché fut mesuré et mis en cartes de 1731 à 173616. Le résultat de ces travaux pour les enclaves de Clèves a été consigné dans trois recueils de cartes qui ont été préservés : un pour la seigneurie de Liemers (avec 49 cartes en couleurs), un pour Huissen et Malburgen (avec 14 cartes) et un pour la seigneurie de Wehl (avec 16 cartes). Nous possédons aussi encore des registres d’hypothèques (Hypothequen Bücher), qui datent d’un peu plus tard (à partir du milieu du XVIIIe siècle). Renvoyant aux numéros des parcelles sur les cartes, ces registres fournissent de nombreuses informations à propos de chaque parcelle : nom du propriétaire, valeur du bien, dettes et hypothèques dont est grevé le bien, etc.17

III. Le cadastre de Hollande

13Après la Révolution batave de janvier-février 1795, la perception de l’impôt foncier s’est poursuivie selon les mêmes modalités qu’auparavant, puisque le nouveau système n’avait pas encore été instauré. Mais à la suite du coup d’État dit « des Unitaristes » (ils prônaient un État unitaire), en janvier 1798, une nouvelle constitution fut adoptée pour la République batave, qui faisait mention d’un nouveau système fiscal général. Les autorités provinciales et locales perdaient tout droit de décision sur la perception de l’impôt, qui devait devenir une compétence nationale. Le nouveau système prévoyait un impôt proportionnel aux revenus des citoyens. Mais, du fait des réorganisations administratives incessantes et des incertitudes politiques dans les années qui suivirent, il faudra attendre 1805 pour que soit entreprise une véritable démarche en ce sens. Le 12 juillet 1805, l’Assemblée législative – le parlement de la République – vote l’adoption d’un système fiscal entièrement nouveau, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1806. Certes, ce système s’inspirait encore des pratiques fiscales existantes, mais l’objectif était de simplifier la perception de l’impôt et d’en augmenter les recettes. La cheville ouvrière de cette vaste réforme était le ministre des Finances de l’époque, Isaac Jan Alexander Gogel (1765-1821). Pour chaque type d’impôt serait dorénavant promulguée une ordonnance, précisant l’assiette, le contenu et le volume de l’impôt, ainsi que les modalités de perception et les exonérations éventuelles. L’impôt sur les biens immeubles sera le dernier à faire l’objet de ce nouveau dispositif : le 29 janvier 1807 est promulguée l’ordonnance sur l’impôt foncier, une nouvelle fois appelé « verponding ».

14Le verponding serait levé sur tous les biens immeubles, c’est-à-dire « tout ce qui a quelque superficie » : non seulement les terres et les eaux, mais aussi tous les bâtiments, à quelques exceptions près toutefois. C’est la valeur locative, réelle ou estimée, qui constituait l’assiette de l’impôt, le verponding correspondant à 1,5 % de la valeur locative pour les biens immeubles et à 0,75 % de cette valeur pour les bâtiments industriels (fabriques, ateliers et entrepôts). Les églises, temples et bâtiments publics étaient exonérés. On ne saurait sous-estimer l’importance de cet impôt : les recettes prévues s’élevaient à 11 millions de florins, soit près du quart du budget de l’État, qui se chiffrait entre 40 et 50 millions de florins.

  • 18 A. Scheffer, « Het Hollandse Kadaster » [ « Le cadastre de Hollande »], Nederlands Geodetisch Tijds (...)

15Et pourtant l’élaboration de cette ordonnance n’avait pas été sans peine. Le roi – en 1806, Napoléon avait installé son frère Louis sur le trône du nouveau Royaume de Hollande – avait des objections contre la composition et la rémunération de la commission qui devait surveiller la mise en œuvre du nouveau dispositif. Il donna finalement son accord, sous la pression d’Isaac Gogel, à la désignation à la présidence de la commission de Caspar van Breugel, celui-là même qui avait dirigé les travaux d’arpentage du Bailliage de Bois-le-Duc en 1792-1793. La commission comprenait aussi le lieutenant-colonel G.J. Le Fèvre de Montigny, un troisième membre devant être désigné ultérieurement ; J.C. de Meij van Streefkerk fut nommé secrétaire de la commission18.

16Une des dispositions principales de l’ordonnance de 1807 prévoyait un « relevé général de toutes les terres du Royaume », qui devait servir de base pour la détermination de la valeur de toutes les parcelles. Un règlement du 8 mai 1807 précisait, en ses articles 25 à 31, les modalités d’arpentage : toutes les terres devaient être mesurées à la même échelle et en utilisant la même unité de mesure, les rôles devaient être uniformes et mentionner, pour chaque parcelle, le nom du propriétaire et le numéro cadastral. Les instructions destinées aux arpenteurs spécifiaient ces dispositions : ils devaient notamment utiliser des chaînes d’arpentage de 5 roeden du Rhin (ancienne unité de longueur équivalant à 3,767 m), et les cartes devaient obligatoirement être dressées à l’échelle de 10 roeden du Rhin pour un demi-pouce du Rhin, ce qui correspond à une échelle au 1/2 880.

  • 19 Dans son article sur le cadastre de Hollande, A. Scheffer fait état de 44 arpenteurs, plus leurs él (...)
  • 20 A. Scheffer, op. cit. ; J.T. Hessels, « Het kadaster tijdens de Bataafse Republiek en het Koninkrij (...)

17Plusieurs dizaines d’arpenteurs se mirent rapidement à l’ouvrage : en quelques années, ils dressèrent le « cadastre des départements de Hollande »19. Leurs travaux débouchèrent sur la publication20 :

  • de registres d’arpentage (maatboeken), comportant un croquis de la parcelle mesurée (généralement pas à l’échelle) et faisant état de la nature de la parcelle (champ, prairie ou forêt), du nom du propriétaire et de la superficie ;

  • de tables descriptives (aanwijzende tafels), à ne pas confondre avec les « tables descriptives originales » (Oorspronkelijke Aanwijzende Tafels) du cadastre de 1832 ;

  • de cartes foncières (yerpondingskaarten).

  • 21 Ainsi, les Archives de la Gueldre, à Amhem, possèdent-elles par exemple encore plus de 200 cartes f (...)

18Dans certaines provinces, une partie de ces documents cadastraux peut encore être consultée à des fins de recherche21. Et ce, en dépit du fait que les résultats des travaux de cadastrage n’ont plus été utilisés par la suite, comme il apparaîtra plus loin, en raison du cours des événements. C’est que le Royaume de Hollande cessa tout simplement d’exister en 1810.

Figure 1
Page du registre d’arpentage de Landerijen de la Commune Keppel-binnen

Figure 1 Page du registre d’arpentage de Landerijen de la Commune Keppel-binnen

(Archives de Gueldre, Arnhem, série Maatboeken, inv.n10 17).

Les parcelles cadastrales ne sont pas arpentées selon une échelle uniforme et leur orientation varie.

Carte 2
Carte du cadastre de la Commune Keppel-binnen (1810)

Carte 2Carte du cadastre de la Commune Keppel-binnen (1810)

(Archives de Gueldre, Arnhem, série Verpondingskaarten, inv.n10 32).

Les parcelles numérotées (1-18) correspondent aux articles du Registre d’arpentage (voir carte 1).

IV. L’instauration du cadastre de la France

  • 22 Certains petits territoires avaient déjà été rattachés antérieurement à la France : des parties du (...)

19En 1810, le Royaume de Hollande était en effet annexé par la France. Cela se fit en deux étapes. Dès le 1er janvier, la partie méridionale du royaume (les actuelles provinces de Brabant et de Zélande, plus la partie de la Gueldre située au sud du Waal) devenait territoire français ; le 1er mars 1810, le reste du pays était lui aussi annexé22. La législation française fut donc progressivement déclarée applicable aux Pays-Bas, à commencer par le Code civil et le Code pénal, dès le 1er janvier 1811. La législation fiscale suivit rapidement, si bien que les lois et décrets relatifs à la mise en place d’un cadastre pour l’ensemble de l’Empire s’appliquaient désormais aussi à la Hollande. Le décret impérial du 11 octobre 1811 disposait que le cadastre de la France devait être introduit dans les départements hollandais le 1er janvier 1812.

20Le décret impérial de 1811 impliquait notamment l’application aux Pays-Bas du Recueil méthodique des lois, décrets, règlements, instructions et décisions sur le cadastre de la France, dont un décret impérial du 27 janvier 1808 avait fait le document de base du cadastrage de la France.

  • 23 Ce paragraphe s’inspire largement de l’ouvrage de Roger J.P. Kain et Elizabeth Baigent, The cadastr (...)

21Ce qui est remarquable, c’est que le « cadastre de la France » était encore de date récente en France même lorsqu’il fut introduit aux Pays-Bas. Certes, dès le début de la Révolution française, il y avait eu des projets de mise en place d’un cadastre fondé sur des cartes, des lois avaient été adoptées en vue de l’instauration d’un impôt uniforme sur les propriétés foncières et on avait commencé, à titre d’essai, à dresser des cartes d’ensemble (les « plans par masses de cultures »). Mais il faudra un décret de Napoléon lui-même pour que soit effectivement créé un véritable cadastre. C’est la loi du 15 septembre 1807 relative au budget de l’État qui sera finalement à l’origine du cadastre parcellaire français. Début 1808 fut mise en place l’organisation administrative nécessaire pour l’établissement du cadastre : la France fut divisée en douze régions avec, à leur tête, des inspecteurs généraux chargés de surveiller et de contrôler les opérations dans les départements de leur ressort. Le Recueil méthodique fut achevé en 1811. Trois ans plus tard, il avait déjà permis d’effectuer les relevés de quelque 9000 communes, ce qui représentait 12 millions d’hectares et environ 37 millions de parcelles. Pour chaque commune, le cadastre se composait de trois types de documents. Tout d’abord, des plans cadastraux, établis par section (correspondant à une partie de la commune) à une échelle allant du 1/500 au 1/5 000. Ensuite, un registre des parcelles classées par numéro, les « états de sections » (correspondant aux « tables descriptives originales » des Pays-Bas), qui mentionnait notamment le nom du propriétaire, sa profession et son domicile, la superficie de la parcelle et l’utilisation qui en était faite. Enfin, la « matrice cadastrale », un registre qui mentionnait les mêmes parcelles, mais classées cette fois par ordre alphabétique du nom de leur propriétaire (l’équivalent néerlandais s’appelle « kadastrale legger »). Même si les opérations d’établissement du cadastre se sont poursuivies sans relâche en France, en dépit des problèmes politiques (comme la chute de Napoléon), et que la plus grande partie du pays était déjà mise en cartes en 1838, le projet n’a jamais été mené à son terme. Cela tient au fait que les modifications très fréquentes des rapports de propriété et de l’utilisation des terres (par exemple pour la construction de routes et de voies ferrées, le défrichement de terres, l’urbanisation et les développements industriels) n’étaient indiquées que dans les matrices cadastrales, sans être reportées sur les plans cadastraux. Certes on envisageait de temps en temps de porter les modifications sur les plans, mais la chose ne s’est jamais faite. C’est ainsi que, paradoxalement, le cadastre a été mis en place et, finalement, introduit aux Pays-Bas (et en Belgique) suivant le modèle fiançais, alors qu’il ne l’a pas été en France même23.

  • 24 A. Scheffer, op. cit, p. 25. ; C. Koeman, op. cit., p. 226 ; A. Soutendijk, De hypothécaire…, op. c (...)

22Revenons-en à la situation aux Pays-Bas. Dès 1811, on se mit à la tâche en suivant les prescriptions du Recueil méthodique, mais non sans avoir examiné au préalable si les résultats des travaux effectués pour l’établissement du cadastre de Hollande étaient utilisables. Il apparut rapidement que cela donnerait lieu à de grandes difficultés. On avait en effet utilisé une unité de longueur – le roede du Rhin mesurant 3,767 m – qui n’était pas compatible avec le système métrique français ; par ailleurs, les échelles et le format des cartes foncières (verpondingskaarteri) ne correspondaient pas du tout aux prescriptions françaises – qui imposaient des échelles de 1/1250, 1/2500 et 1/5000, pour un format uniforme des cartes de 65 x 100 cm, alors que le cadastre de Hollande utilisait des échelles de 1/1440 et 1/2 880 et des formats de cartes très divers, allant de petites cartes de 50 x 50 cm jusqu’à des cartes de 3 m de long. On décida donc finalement de renoncer au cadastre de Hollande et de reprendre tout à zéro24.

  • 25 P.S. Teeling, op. cit., p. 37, 81, 105 ; pour les arpenteurs français, voir p. 231-268 (Registre de (...)

23Pour effectuer ces nouvelles mesures – en utilisant le système métrique cette fois –, on fit largement appel aux arpenteurs et vérificateurs du cadastre de Hollande, mais aussi à des géomètres français. Les fonctions de responsabilité (celles d’ingénieur vérificateur) étaient généralement confiées à des Français (« géomètres du cadastre »). C’est M. Barberi, géomètre du cadastre français, qui fut nommé, début 1812, ingénieur en chef du cadastre à La Haye25.

  • 26 Le Recueil méthodique a été publié à Amsterdam, en 1812, chez Doorman & Co., en édition bilingue (l (...)
  • 27 Voir l’ouvrage de P.S. Teeling, op. cit., qui fait état à plusieurs reprises de « plans français », (...)

24Le Recueil méthodique avait, entre-temps, été traduit en néerlandais (sous le titre de Methodieke Verzameling) et se révélait donc très utile26. Dans plusieurs provinces, les travaux allèrent bon train en 1812 et 1813 : plusieurs centaines de plans cadastraux ont vraisemblablement été dressées au cours de cette période27. La chute de l’Empire (à l’automne 1813) mit provisoirement fin aux travaux et, pendant les premières années du Royaume des Pays-Bas, le projet resta en plan. Mais cette mise en cartes n’avait pas été tout à fait inutile : une partie des plans cadastraux devait, par la suite, servir de base pour de nouvelles mesures.

25Les travaux du cadastre reprirent dès 1817-1818, sur la base des indications du Recueil méthodique. On commençait par fixer les limites d’une commune cadastrale. C’est surtout dans les régions rurales où il y avait beaucoup de terres incultes que les limites communales étaient mal définies, si bien que le « procès-verbal de délimitation » mettait souvent pour la première fois les choses au clair. Les communes étaient ensuite divisées en sections, lesquelles correspondaient le plus souvent aux anciens lieux-dits, hameaux, etc. et dont le nom en était du reste évidemment emprunté ou dérivé. Enfin, on procédait au relevé de chaque parcelle individuelle, sur la base des données connues concernant le bornage et l’identité du propriétaire ou de l’usager ainsi que des propriétaires des parcelles limitrophes. Une fois ces opérations effectuées, on pouvait déterminer la valeur de la parcelle, et donc son revenu. Pour ce faire, il fallait classer les parcelles en fonction de leur utilisation (terres de culture, jardins, forêts ou landes à bruyère). De plus, chaque type de sol comprenait plusieurs catégories de valeur (il y avait cinq catégories pour les terres de culture, et trois pour les autres types de sols). Les résultats obtenus étaient confrontés aux informations dont on disposait sur la valeur et le revenu de la parcelle, par exemple sur la base des contrats de fermage ou de métayage.

Carte 3
Exemple de réutilisation d’un plan minute de 1812, « régularisé » en 1818

Carte 3Exemple de réutilisation d’un plan minute de 1812, « régularisé » en 1818

Détail de la carte de Lobith

(Archives de Gueldres, Arnhem, série pre-kadastrale kaarten, inv.n10 32 )

26Des dizaines et des dizaines d’arpenteurs s’étaient donc attelées à cette vaste tâche. Et pourtant les travaux n’avançaient pas assez vite. Or, il fallait impérativement accélérer le rythme de travail. Un projet de Code civil, mené à bien en 1825, prescrivait en effet l’utilisation de désignations cadastrales pour la désignation des terres, par exemple pour l’octroi d’hypothèques. Cette situation nouvelle eut deux conséquences majeures.

  • 28 A. Soutendijk, De hypothecaire…, op. cit., p. 144-145 ; P. Konings, art. cité, p. 23-25.

27En premier lieu, un décret royal du 6 décembre 1825 ordonnait la fusion, au 1er janvier 1826, de l’administration du Cadastre (ressortissant au ministère des Finances) et de l’administration générale de l’Enregistrement et des Loteries, dont relevait l’enregistrement des hypothèques28. Cette fusion était bénéfique pour les deux parties : pour l’Enregistrement, parce que le Cadastre pourrait désormais vérifier intégralement les transferts de propriété de biens immeubles, et pour le Cadastre, parce qu’il était ainsi au courant des prix de vente et de location dont il avait besoin pour procéder aux estimations cadastrales. L’opération a été doublement positive. Non seulement elle a permis un gain d’efficacité, puisque les activités d’arpentage du cadastre et la tenue des registres publics (achat et vente, hypothèques) se trouvaient désormais réunies, mais elle a aussi renforcé aux Pays-Bas la sécurité juridique en matière de propriété et de délimitation des biens immeubles.

  • 29 Décret royal n° 149 du 21 décembre 1825 ; voir aussi A. Soutendijk, De hypothécaire…, op. cit., p.  (...)
  • 30 A.D.M. Veldhorst, « Voor het Kadaster getekend : Gericke’. Van klerk in Kleef tot genobiliteerd gou (...)

28En second lieu, il fut décidé d’adapter le Recueil méthodique, qui avait été appliqué intégralement jusque-là, de manière à pouvoir travailler plus rapidement29. Pour ce faire, J.E.P.E. Gericke, conseiller d’État et administrateur de l’Enregistrement, du Cadastre et des Loteries, publia toute une série de circulaires, 111 au total. La première date du 10 décembre 1825, et la dernière, du 21 décembre 183130. Les « 111 circulaires de Gericke » – les fonctionnaires avaient dû les rassembler en un recueil pour éviter qu’elles ne s’égarent – couvrent une multitude de sujets. Nous nous limiterons à décrire ici les seules mesures visant à simplifier et, par conséquent, à accélérer l’arpentage et les estimations cadastrales.

  • 31 D. Wesselink, « Enkele bijzonderheden over de start van het kadaster in Gelderland » [ « Quelques p (...)

29La priorité allait désormais à la mesure des parcelles au sein des sections cadastrales plutôt qu’à leur bornage, ce qui conduisit à des situations assez particulières du point de vue administratif. C’est ainsi qu’un nombre assez important de communes furent divisées en sections et que l’on y procéda à la mesure des parcelles avant même qu’aient été fixées les limites de la commune par rapport aux communes limitrophes. La présence d’un arpenteur n’était plus obligatoire pour la délimitation des communes ; les municipalités n’avaient qu’à s’en charger elles-mêmes. L’arpenteur n’intervenait qu’en cas de litige. Il arrivait aussi que, pour accélérer les travaux de cadastre, des communes administratives dont les limites avaient déjà été fixées soient divisées par la suite en deux ou plusieurs communes cadastrales31. Malgré toutes ces mesures, il allait quand même encore falloir attendre six ans pour que les travaux du cadastre soient entièrement achevés, au lieu des trois années prévues initialement, en 1825. Les travaux de mesure et d’estimation étant finalement achevés, en 1831, l’instauration du cadastre était imminente. Il y avait alors plus de 17000 plans, couvrant près de 1350 communes cadastrales, qui allaient constituer, avec les « tables descriptives originales » correspondantes, la base de l’enregistrement cadastral aux Pays-Bas.

  • 32 Voir notamment, dans les archives de la Gueldre, les « Archives du Commissaire du Roi », cote 0040, (...)
  • 33 Verslag der Commissie van Landbouw in Gelderland betrekkelijk de kadastrale werkzaamheden, aan de S (...)

30L’opération ne se déroula pourtant pas sans heurts : c’est surtout l’estimation de la valeur des terres et des maisons qui, dans bien des cas, suscitait l’opposition des contribuables. Des réunions furent donc organisées, au niveau du canton, à l’intention des propriétaires fonciers, pour discuter avec eux des objections qu’ils avaient formulées par écrit contre la classification de leurs propriétés ; souvent, des concessions, partielles ou non, leur étaient faites32. Parfois aussi, on constatait des différences inexplicables. C’est ainsi que la Commission de l’agriculture de Gueldre publia en 1833 un rapport, destiné au gouverneur de la province, dans lequel elle exposait les causes probables des différences de classification et d’estimation de terres comparables dans des communes voisines. Pour la Commission, ces différences étaient imputables à la hâte avec laquelle les travaux avaient dû être effectués. Il avait notamment fallu faire appel à des fonctionnaires inexpérimentés, qui ne connaissaient rien à la qualité des terres. Par ailleurs, dans chaque commune, le travail avait été fait par des fonctionnaires différents, si bien que des terres de même qualité situées dans deux communes limitrophes pouvaient s’être vues imputer un revenu tout différent. La commission constatait que la seule province de Gueldre avait perçu de ce fait près de 300000 florins de trop au titre de l’impôt foncier33.

V. L’instauration du cadastre en 1832

  • 34 Décrets royaux du 8 août 1838 (Journal officiel, n° 27) et du 8 mars 1839 (Journal officiel, n° 87) (...)

31Le cadastre fut instauré aux Pays-Bas par la loi du 2 janvier 1832 relative à l’impôt foncier (Journal officiel, n° 1), aux termes de laquelle le cadastre et la norme fiscale fondée sur ce dispositif seraient introduits le 1er octobre de cette année-là. Avant même l’entrée en vigueur officielle du cadastre, la loi du 16 juin 1832 relative à l’enregistrement (Journal officiel, n° 29) faisait déjà obligation à tous les fonctionnaires publics d’utiliser dorénavant les désignations cadastrales pour désigner les biens immeubles (en application du principe de spécialité). C’est ainsi que le cadastre entra en vigueur dans le Royaume des Pays-Bas (à l’exception de la province de Limbourg) le 1er octobre 1832. Par province, les plans et registres cadastraux étaient rassemblés dans un dépôt situé dans le chef-lieu de province ; des dépôts particuliers avaient aussi été créés à l’intention du public dans des villes plus petites. Mais les choses n’allaient pas tarder à changer. En effet, dans la perspective de l’entrée en vigueur du Code civil néerlandais, le 1er octobre 1838 – il devait remplacer le Code civil français qui avait été introduit aux Pays-Bas en 1811 –, il fut décidé de concentrer dans les mêmes locaux l’administration du cadastre et celle des registres publics. La fusion des deux administrations fut effective le 1er avril 1839.34

32Plusieurs articles du Code civil néerlandais (les articles 1219, 1231 et 1233) comportaient des prescriptions concernant les désignations cadastrales. Ainsi, les actes hypothécaires devaient désormais recourir obligatoirement à la désignation cadastrale pour définir le bien immobilier grevé. En 1842, les notaires se virent imposer l’obligation d’utiliser eux aussi la désignation cadastrale dans leurs actes. Depuis, la parcelle cadastrale est restée la référence de base pour l’administration et l’enregistrement des biens immeubles et des droits sur ces biens aux Pays-Bas.

  • 35 R.J.P Kain et E. Baigent, op. cit., p. 44 ; J. Verhelst, « De documenter ! uit de ontstaansperiode (...)

33En Belgique, le cadastre a été instauré en 1835. Jusqu’en 1830, les choses se sont passées exactement comme aux Pays-Bas, à la différence que la législation française y était déjà applicable dès l’annexion des Pays-Bas méridionaux, en 1794, et que l’arpentage et la mise en cartes selon les prescriptions françaises y avaient donc aussi commencé plus tôt. La Révolution belge de 1830, qui déboucha sur la constitution d’un État indépendant, avait certes conduit à la mise en place d’une structure autonome, mais le résultat ne devait, en définitive, guère différer de la situation aux Pays-Bas35.

VI. Les documents cadastraux

34Nous avons déjà évoqué brièvement plus haut les documents cadastraux qui constituaient le cadastre en 1832 : les cartes cadastrales, appelées plans d’ensemble et plans minutes de conservation, les tables descriptives originales et les matrices cadastrales. Si les cartes et les registres cadastraux ont subi quelques modifications au cours des années, la structure générale du cadastre n’a pas changé depuis son instauration. En voici les grandes lignes.

35– Le plan d’ensemble est une carte du territoire d’une commune (civile ou cadastrale), qui permet d’appréhender rapidement la division de la commune en sections. Généralement, les communes cadastrales coïncident avec les communes civiles, mais certaines communes civiles comprennent deux ou plusieurs communes cadastrales. Ainsi, la commune civile d’Ede (province de Gueldre) regroupe-t-elle cinq communes cadastrales (Bennekom, Ede, Lunteren, Otterlo et Veenendaal). Les plans d’ensemble sont généralement plus anciens de quelques années que les plans minutes de conservation.

36– Les plans minutes de conservation sont le résultat des mesures d’arpentage et de la mise en cartes de l’ensemble du territoire des Pays-Bas effectuées de 1812 à 1831. Quelque 17000 plans minutes ont été dressés à l’époque. Ils ont un format uniforme de 65 x 100 cm. Comme la plupart des communes étaient trop étendues pour pouvoir être représentées à une échelle lisible sur une seule carte, leur territoire a généralement été divisé en plusieurs sections, désignées par les capitales A, B, C, etc. Les sections sont, à leur tour, régulièrement divisées en plusieurs feuilles. Chaque plan minute est donc désigné comme suit : commune de A, section B et, par exemple, 3e feuille. Pour la définition des sections, on s’est souvent inspiré non seulement du nom, mais aussi des limites des anciennes unités (lieux-dits, polders, marches, hameaux, etc.). Dans chaque section, la numérotation des parcelles commence au n° 1. Les plans minutes n’ont pas tous été dressés à la même échelle. Pour les parties à forte densité bâtie (villes et agglomérations), on a adopté l’échelle de 1/1250 ; les zones rurales à habitat dispersé sont représentées à l’échelle de 1/2500 ; les territoires composés de parcelles dont la superficie est en moyenne supérieure à deux hectares (landes à bruyère, forêts et autres terres incultes) sont représentés à l’échelle de 1/5000. Pour rendre les cartes plus expressives, on a recouru à la couleur pour représenter certains types de parcelles : les maisons sont représentées en rouge carmin, les routes en brun (terre de Sienne brûlée), les eaux en bleu outremer et les églises et temples en bleu de cobalt. Les limites de section et de commune étaient souvent soulignées par des filets de différentes couleurs. C’est ainsi que les plans minutes des petites villes surtout, où l’ensemble du territoire intra muros est représenté sur une seule feuille, sont parfois très décoratifs.

37– Les tables descriptives originales sont des registres contenant des données précises concernant chaque parcelle. Par commune cadastrale, elles mentionnent, par parcelle et dans l’ordre des sections et des numéros de parcelle, le nom, le domicile et la profession du propriétaire ou ayant droit, le type d’utilisation, la superficie, la classification et le revenu imposable. Elles représentent en principe la situation telle qu’elle était au 1er octobre 1832 ; aucune modification ne peut y être apportée. Des modifications apportées ultérieurement ont dû être mentionnées séparément dans des tables descriptives supplétives.

38– La matrice cadastrale, aussi appelée matrice parcellaire, donne, par propriétaire, un aperçu de toutes ses propriétés sur le territoire d’une même commune cadastrale. En fait, c’est le plus important des registres cadastraux. Il contient, pour la majeure partie, les mêmes données que les tables descriptives originales, mais présentées autrement. Toutes les parcelles sur lesquelles des droits sont exercés par un même propriétaire au sein de la même commune cadastrale y sont rassemblées sous une rubrique, appelée article de la matrice (en France : cote foncière). Les premières matrices ont été ordonnées selon l’ordre alphabétique du nom de famille des ayants droit. À la différence des plans minutes de conservation et des tables descriptives originales, les matrices cadastrales peuvent être modifiées lorsqu’une parcelle change de propriétaire, est scindée en plusieurs parcelles ou est fusionnée avec une ou plusieurs autres parcelles. Rares sont les matrices cadastrales de 1832 qui sont encore en usage. C’est surtout le cas pour des organismes déjà dotés de la personnalité juridique depuis longtemps, comme les églises, les hôpitaux, etc.

Carte 4
Plan d’ensemble de Doesburg, par l’arpenteur L.D. van Heijst en 1817

Carte 4Plan d’ensemble de Doesburg, par l’arpenteur L.D. van Heijst en 1817

(Archives de Gueldre, Arnhem, série minuutplans).

Figure 5
Plan minute, section C de Doesburg, dénommée Doesborgh, avec les bâtiments publics (mairie, écoles, casernes, églises)

Figure 5Plan minute, section C de Doesburg, dénommée Doesborgh, avec les bâtiments publics (mairie, écoles, casernes, églises)

(Archives de Gueldre, Arnhem).

  • 36 G.A.M. Van Synghel, op. cit., p. 21-73 (pour les matrices cadastrales et les sources similaires, de (...)

39Ces documents cadastraux, qui décrivent la situation telle qu’elle se présentait lors de la création du cadastre, ont servi de base à l’établissement, depuis respectivement 1832 et 1838, d’une multitude de registres, de recueils de cartes et de systèmes cartographiques pour la tenue à jour des changements de propriété (achat, vente, héritage) et l’inscription d’hypothèques sur la propriété des biens immeubles. Toutes ces modifications administratives visaient à actualiser le mieux possible les informations relatives à la propriété ou à l’inscription d’hypothèques sur les biens immeubles, aussi bien pour garantir la sécurité juridique en matière immobilière que pour la perception de l’impôt foncier. Mais cela entraînerait beaucoup trop loin, dans le cadre de cet article, que de décrire les différents systèmes élaborés pour la tenue à jour des modifications, ainsi que la manière de les explorer. Il existe du reste aujourd’hui des guides très bien faits sur la question36.

VII. Des Atlas cadastraux au projet « de Woonomgeving »

40Je voudrais, pour terminer, attirer l’attention du lecteur sur un projet tout à fait particulier, en cours de réalisation aux Pays-Bas, d’exploitation des sources cadastrales de 1832. J’ai expliqué dans le paragraphe précédent que les plans minutes et les tables descriptives originales constituent des sources uniques pour la connaissance des rapports de propriété à l’époque, et qu’ils nous permettent de nous faire une idée de l’aménagement du pays et de l’utilisation des terres à la veille de la Révolution industrielle. La situation en 1832, telle qu’elle est décrite dans ces sources, doit être considérée comme une photo instantanée de la société agro-artisanale de l’époque, qui se trouvait à l’aube de grands changements. Ces sources se révèlent donc particulièrement utiles pour toutes sortes d’études et de travaux de recherche dans les domaines les plus divers : histoire des structures agraires, histoire de l’habitat, histoire locale et régionale, développement des villes et des villages, tant du Moyen Âge jusqu’au XIXe siècle que du XIXe siècle jusqu’à nos jours, histoire sylvicole, généalogie, aménagement du territoire ou histoire socio-économique. Les cartes cadastrales peuvent aussi constituer un matériel didactique très précieux, en particulier pour l’enseignement de l’histoire du milieu naturel.

Figure 6
Table descriptive de la section C de Doesburg, publiée dans la serie « Kadastrale Atlassen » de Stichting Werkgroep Kadastrale Atlas Gelderland, 1832

Figure 6Table descriptive de la section C de Doesburg, publiée dans la serie « Kadastrale Atlassen » de Stichting Werkgroep Kadastrale Atlas Gelderland, 1832
  • 37 J.F. Van Oosten Slingeland, en collaboration avec le Cercle d’études historiques de Rheden et Rozen (...)

41Dès 1929, l’historien français Marc Bloch soulignait, dans les Annales, l’importance des informations cadastrales en tant que source historique. Aux Pays-Bas, il faudra attendre l’œuvre de ce pionnier que fut J.F. van Oosten Slingeland, dans les années soixante, pour que ce type de sources historiques reçoive l’attention qu’il mérite. Cet historien spécialiste de la sylviculture prit l’initiative, en 1964, dans son propre environnement (la commune de Rheden, située à l’est d’Amhem), de publier deux Atlas cadastraux comprenant les plans minutes de quelques communes ainsi que de nombreuses informations provenant des tables descriptives originales correspondantes37.

  • 38 Des aperçus (pas très récents) ont été publiés par L. Ruitinga, « De uitgave van kadastrale atlasse (...)
  • 39 Sont disponibles sur cédérom l’atlas de Haaren (province de Brabant-Septentrional) et l’atlas de Bo (...)

42La documentation cadastrale était encore difficile à consulter pour les chercheurs, parce qu’elle était disséminée entre les différents dépôts du Cadastre et que l’accès n’en était pas toujours facile. Ce n’est que lorsque tous ces documents furent transférés aux archives publiques, dans les années quatre-vingt, qu’ils suscitèrent un intérêt accru, grâce notamment à une meilleure accessibilité. Depuis lors, archivistes et historiens ont commencé à publier de plus en plus de ces atlas cadastraux. Suivant l’exemple des travaux entrepris par van Oosten Slingeland en Gueldre, où un organisme fut mis en place en 1983 spécialement pour la publication d’atlas cadastraux, presque toutes les provinces déploient aujourd’hui des activités en vue de la réalisation de publications similaires. À ce jour, il existe des atlas cadastraux, en format compact, pour une centaine de communes38, et ils sont évidemment aussi publiés sur cédérom ou un autre support électronique39.

43Le ministère de l’Enseignement, de la Culture et des Sciences a débloqué il y a quelques années des crédits à hauteur de 3,6 millions d’euros pour la réalisation d’un projet visant à mettre à la disposition du public, sur l’internet, les 17 000 plans minutes du cadastre et les informations contenues dans les tables descriptives originales. Cette mesure entend répondre à l’intérêt croissant que les Néerlandais manifestent pour leur passé et leurs origines. Le projet est le fruit d’une coopération étroite entre le service des Archives nationales et la direction centrale du Cadastre. La numérisation des plans minutes est achevée : ils peuvent désormais être consultés en ligne sur l’internet. Et les travaux de mise à disposition des données des tables descriptives originales vont bon train. Tout Néerlandais peut aujourd’hui se connecter sur le site www.watwaswaar.nl pour repérer, sur une carte moderne, l’endroit exact où il habite tel qu’il se présentait en 1832. D’ici quelque temps, il pourra aussi connaître le nom du propriétaire du terrain à l’époque et l’utilisation qui en était faite. Les cartes peuvent aussi être commandées en ligne. À côté de ce programme de base, des applications spéciales sont développées, à titre expérimental, pour certaines villes : photos des maisons de la ville ou photos aériennes des différentes sections. Pour les villes de Nimègue et de Delft, par exemple, on trouve également sur le site, l’histoire chronologique de l’occupation de toutes les maisons de la ville. Les informations historiques du cadastre de 1832 sont ainsi à la disposition du grand public, et les vieilles cartes cadastrales entament une nouvelle vie. Jamais les arpenteurs qui ont mis les Pays-Bas en cartes dans le premier quart du XIXe siècle n’auraient pu imaginer que leurs travaux connaîtraient un tel destin !

Notes

1 Les livres et les articles publiés sur l’histoire du cadastre et des sources cadastrales suffiraient à remplir une bibliothèque. Je me contenterai donc d’en citer quelques-uns : A. Soutendijk, De hypothecaire en kadastrale boekhouding en die der schepen en vaartuigen in Nederland [La tenue des registres hypothécaires et des écritures cadastrales et l’immatriculation des navires et bateaux aux Pays-Bas], adapté par J. Mulder, 2 volumes, Tiel, 1916 ; M. De Vos, Het kadaster en de boekhouding op de hypotheken ; de tegenwoordige inrichting voorafgegaan door die in vroegere tijdvakken [Le cadastre et la tenue des registres hypothécaires : l’organisation actuelle, précédée d’une description de la situation dans des temps plus reculés], Groningue, 1902 ; F. Keverling Buisman et E. Muller, Kadastergids. Gids voor de raadpleging van hypothécaire en kadastrale archieven uit de 19e eeuw en de eerste helft van de 20e eeuw [Guide du cadastre : un guide pour la consultation des archives hypothécaires et cadastrales du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle], La Haye, 1979 ; G. A. M. Van Synghel, e.a., Broncommentaren 3. Bronnen betreffende de registratie van onroerend goed in de negentiende en twintigste eeuw [Commentaires sur les sources relatives à l’enregistrement des biens immeubles aux XIXe et XXe siècles], La Haye, 1997.

2 E. Muller, « De invoering van het Kadaster in Limburg » [ « L’introduction du cadastre dans le Limbourg »], Geodesia, Mensuel de la Société néerlandaise des arpenteurs, 21e année, 1979, p. 253- 257. L’introduction s’est faite progressivement, par groupes de communes.

3 P.G.H.T. Konings, « De openbare registers ten hypotheekkantore » [ « Les registres publics au bureau des hypothèques »], Ars Notariatus, XLV, Deventer, 1990, p. 137-158 et 179-185.

4 G.A.M. Van Synghel, op. cit., p. 9.

5 F.F.J.M. Geraedts, « De registratie van de gerechtelijke eigendomsoverdrachten in het kwartier van Veluwe, 1538-1733 » [ « L’enregistrement des transferts de propriété devant les tribunaux dans le quartier de Veluwe de 1538 à 1733 »], Bijdragen en Mededelingen Gelre [Revue d’histoire de la province de Gueldre], 85e année, 1994, p. 40-60.

6 P. Brood, Grondschattingen, omslagen en haardstedengeld. Een handleiding voor het gebruik van de archivalia [Tribut foncier, quote-part et impôt sur les cheminées : un manuel d’utilisation des pièces d’archives], Assen, 1980, p. 32-33.

7 J.L. Van der Gouw, « De Ring van Putten. Onderzoekingen over een hoogheemraadschap in het deltagebied » [ « Le Cercle de Putten : recherches sur une wateringue de la région du delta »], Zuid-Hollandse Studiën XIII [Études sur la Hollande-Méridionale], volume XIII, La Haye, 1967, p. 126. Les travaux de Daniel Schillincx furent achevés en 1617.

8 C. Koetnan, Geschiedenis van de kartografie in Nederland. Zes eeuwen land- en zeekaarten en stadsplatte-gronden [Histoire de la cartographie aux Pays-Bas : six siècles de cartes terrestres et marines et de plans de villes], Alphen-aan-den-Rijn, 1983, p. 135-148.

9 Ibid., p. 110-134.

10 F.W.J. Scholten, Militaire topografische kaarten en stadsplattegronden van Nederland, 1579-1795 [Cartes topographiques militaires et plans de villes des Pays-Bas de 1579 à 1795], Alphen-aan-den-Rijn, 1989, p. 69-73 et 90-133.

11 Voir notamment : W.J.M. Hoogendoom-Beks, et J.C.M. Hattinga-Verschure, Topografische kaarten en plattegronden van de Hattinga’s, 1724-1755 [Cartes et plans topographiques des Hattinga de 1724 à 1755], Utrecht, 1977 ; H.J. Versfelt, De Hottinger-atlas van Noord- en Oost-Nederland, 1773-1794 [L’atlas de Hottinger du nord et de l’est des Pays-Bas, 1773-1794], Groningue, 2003.

12 J.G.M. Sanders, e.a., Noord-Brabant tijdens de Republiek der Verenigde Nederlanden, 1572- 1795. Een institutionele handleiding [Le Brabant-Septentrional sous la République des Provinces-Unies, de 1572 à 1795 : un manuel des institutions], Bois-le-Duc, Hilversum, 1996, p. 24.

13 L’auteur s’est inspiré, pour ces lignes, de A. Scheffer, « De landmeting in de Meijerij anno 1792-1793 » [ « L’arpentage dans le Bailliage en 1792-1793 »], Nederlands Geodetisch Tijdschrift [Revue néerlandaise de géodésie], 6e année, 1976, p. 59-64. Voir aussi A. Soutendijk, De hypothécaire…, op. cit., volume II, p. 109.

14 Centre d’informations historiques du Brabant [BHIC, successeur du dépôt des Archives nationales dans la province de Brabant-Septentrional], Bois-le-Duc, Archief van de Leen- en Tolkamer [Archives de la Chambre de tenure et de péage], cartons nos 168 à 261 (registres d’arpentage), 306 à 309 (rôles des maisons) et 371 à 385 (divers documents concernant les mesures d’arpentage, pour la plupart dressés par Caspar van Breugel ou annotés de sa main).

15 E.J. Th. M.A. Smit, « De oude Kleefse enclaves en hun overgang naar Gelderland, 1795- 1817 » [ « Les anciennes enclaves de Clèves et leur passage à la Gueldre, 1795-1817 »], Gelderse Historische Reeks [Série d’histoire de la Gueldre], volume VII, Zutphen, 1975.

16 P.G. Schulte, « Vont klevischen Grundsteuerregister zur Katasterkarte », Gregor Hövelman et Heinrich Steinbring (rééd.), Studien zur Geschichte der Kartografie und des Vermessungs- und Katasterwesens am Niederrhein (Schriftenreihe des Kreises Kleve 4, Clèves, 1984), p. 185-201, en particulier p. 187-189.

17 D.P.M. Graswinckel, De rechterlijke archieven der voormalige Kleefse enclaves in Gelderland, 1543-1816 [Les archives judiciaires des anciennes enclaves de Clèves en Gueldre, 1543-1816], La Haye, 1927. Les recueils de cartes correspondent aux cartons portant respectivement les nos 2764, 2988 et 3367. Il est très vraisemblable qu’il ait aussi existé des registres d’hypothèques (Hypothequen Bücher) plus anciens (dès la phase des mesures d’arpentage et de la mise en cartes), mais ils ne sont pas conservés (pour ce qui a été préservé, voir les cartons nos 2739 à 2760, 2985 à 2987 et 3363 à 3366).

18 A. Scheffer, « Het Hollandse Kadaster » [ « Le cadastre de Hollande »], Nederlands Geodetisch Tijdschrift [Revue néerlandaise de géodésie], 7e année, 1977, p. 17-26.

19 Dans son article sur le cadastre de Hollande, A. Scheffer fait état de 44 arpenteurs, plus leurs élèves, ce qui conduit à un total de quelque cent personnes. Il cite les noms de cinq arpenteurs qui ont exercé leurs activités dans le Brabant. L’ouvrage de P.S. Teeling, Landmeters van de Kadastrering van Nederland [Les arpenteurs du cadastrage des Pays-Bas], publié en 1984, permet d’identifier encore d’autres arpenteurs ayant participé à l’établissement du « cadastre de Hollande ».

20 A. Scheffer, op. cit. ; J.T. Hessels, « Het kadaster tijdens de Bataafse Republiek en het Koninkrijk der Nederlanden » [ « Le cadastre sous la République batave et le Royaume des Pays-Bas »], Tijdschriftvoor Kadaster en Landmeetkunde, 7e année, 1891, p. 3-9 ; et aussi A. Soutendijk, De hypothecaire…, op. cit., p. 110-111.

21 Ainsi, les Archives de la Gueldre, à Amhem, possèdent-elles par exemple encore plus de 200 cartes foncières et plus de 30 registres d’arpentage, plus un certain nombre de tables descriptives (blocs d’archives 0096 et 0873). À Utrecht (Archives d’Utrecht), à Haarlem (Archives de la Hollande-Septentrionale, 78 cartes) et à Bois-le-Duc (Centre d’informations historiques du Brabant, archives de la famille d’arpenteurs Adan et registres d’arpentages), on trouve aussi encore des documents du cadastre de Hollande. Voir aussi l’article sur le cadastre de Hollande de A. Scheffer.

22 Certains petits territoires avaient déjà été rattachés antérieurement à la France : des parties du Limbourg méridional (en 1794), la Flandre des États (en 1795) et Flessingue (en 1808).

23 Ce paragraphe s’inspire largement de l’ouvrage de Roger J.P. Kain et Elizabeth Baigent, The cadastral map in the service of the State. A history of property mapping, Chicago, Londres, 1992, qui donne un aperçu magistral du mode d’établissement des cartes au service des pouvoirs publics dans différents pays d’Europe occidentale (et dans leurs colonies). Les plans cadastraux figurent toujours parmi les cartes étudiées. Pour la situation en France, voir le chapitre VI, p. 205-235, et en particulier p. 225-235.

24 A. Scheffer, op. cit, p. 25. ; C. Koeman, op. cit., p. 226 ; A. Soutendijk, De hypothécaire…, op. cit., p. 112 ; P.S. Teeling, op. cit., p. 80-82 (concernant la Hollande-Septentrionale).

25 P.S. Teeling, op. cit., p. 37, 81, 105 ; pour les arpenteurs français, voir p. 231-268 (Registre des noms des arpenteurs).

26 Le Recueil méthodique a été publié à Amsterdam, en 1812, chez Doorman & Co., en édition bilingue (le texte français sur la page de gauche et le texte néerlandais sur la page de droite). Voir A. Soutendijk, De hypothecaire…, op. cit., p. 59 et 112.

27 Voir l’ouvrage de P.S. Teeling, op. cit., qui fait état à plusieurs reprises de « plans français », portant sur quelque 200 communes cadastrales.

28 A. Soutendijk, De hypothecaire…, op. cit., p. 144-145 ; P. Konings, art. cité, p. 23-25.

29 Décret royal n° 149 du 21 décembre 1825 ; voir aussi A. Soutendijk, De hypothécaire…, op. cit., p. 146-150.

30 A.D.M. Veldhorst, « Voor het Kadaster getekend : Gericke’. Van klerk in Kleef tot genobiliteerd gouverneur van Nederlands-Limburg » [ « Pour le cadastre, signé : Gericke. Un clerc de Clèves anobli devenu gouverneur du Limbourg néerlandais »], Publications de la société historique et archéologique dans le Limbourg, 131e année, 1995, p. 159-198, en particulier p. 167-169.

31 D. Wesselink, « Enkele bijzonderheden over de start van het kadaster in Gelderland » [ « Quelques particularités à propos du lancement du cadastre en Gueldre »], Geo-info, octobre 2004.

32 Voir notamment, dans les archives de la Gueldre, les « Archives du Commissaire du Roi », cote 0040, carton n° 1535 (Index), sous Cadastre, en date du 28 septembre 1832.

33 Verslag der Commissie van Landbouw in Gelderland betrekkelijk de kadastrale werkzaamheden, aan de Staatsraad, Gouverneur van die provincie [Rapport de la Commission de l’Agriculture de la Gueldre relatif aux activités cadastrales, adressé au conseiller d’État gouverneur de la province], 44 p., 1833, chez Is. An. Nijhoff, à Amhem.

34 Décrets royaux du 8 août 1838 (Journal officiel, n° 27) et du 8 mars 1839 (Journal officiel, n° 87). Le premier de ces décrets est reproduit M. De Vos, Het kadaster, op. cit., p. 150-154.

35 R.J.P Kain et E. Baigent, op. cit., p. 44 ; J. Verhelst, « De documenter ! uit de ontstaansperiode van het moderne kadaster en van de grondbelasting » [ « Les documents de la période d’apparition du cadastre moderne et de l’impôt foncier »], Miscellanea Archivistica, XXXI, Bruxelles, 1982 ; H. Coppens, « Oud en Nieuw kadaster » [ « L’ancien et le nouveau cadastre »], Spiegel Historiael, 3e année, 1968, p. 597-601.

36 G.A.M. Van Synghel, op. cit., p. 21-73 (pour les matrices cadastrales et les sources similaires, de 1812 à 1990) et p. 79-107 (pour les cartes cadastrales, de 1812 à 1990). Pour un aperçu beaucoup plus succinct, voir F. Keverling Buisman et E. Muller, op. cit., p. 11-15.

37 J.F. Van Oosten Slingeland, en collaboration avec le Cercle d’études historiques de Rheden et Rozendaal, Kadastrale Atlas van Rozendaal [Atlas cadastral de Rozendaal], De Steeg, 1964 ; id., Atlas van Velp en Rheden [Atlas de Velp et de Rheden], De Steeg, 1970. Ces atlas ont été réédités par la suite par l’Association de l’Atlas cadastral de la Gueldre, en 1989 (atlas de Rozendaal), 1996 (atlas de Velp) et 2001 (atlas de Rheden).

38 Des aperçus (pas très récents) ont été publiés par L. Ruitinga, « De uitgave van kadastrale atlassen van Nederland » [ « La publication d’atlas cadastraux des Pays-Bas »], Caert-Thresoor, tijdschrift voor de geschiedenis van de kartografie in Nederland [Trésor cartographique, revue d’histoire de la cartographie aux Pays-Bas], 10e année, 1991, p. 47-51, et « Renswoude 1832 : recent voorbeeld uit de reeks kadastrale atlassen van Nederland » [ « Renswoude 1832 : un exemple récent de la série des atlas cadastraux des Pays-Bas »], Caert-Thresoor, 16e année, 1997, p. 19-22. Sauf dans les provinces de Groningue et de Limbourg, il existe dans toutes les provinces du pays un organisme qui s’occupe spécialement de la publication d’atlas cadastraux. La plupart des publications récentes sont disponibles sur l’internet.

39 Sont disponibles sur cédérom l’atlas de Haaren (province de Brabant-Septentrional) et l’atlas de Borsele (province de Zélande). L’atlas cadastral de la commune de Norg a été publié sur l’internet par l’Association pour l’atlas cadastral de Drenthe 1832.

Table des illustrations

Titre Figure 1 Page du registre d’arpentage de Landerijen de la Commune Keppel-binnen
Crédits (Archives de Gueldre, Arnhem, série Maatboeken, inv.n10 17).
URL http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/10898/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 78k
Titre Carte 2Carte du cadastre de la Commune Keppel-binnen (1810)
Crédits (Archives de Gueldre, Arnhem, série Verpondingskaarten, inv.n10 32).
URL http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/10898/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 73k
Titre Carte 3Exemple de réutilisation d’un plan minute de 1812, « régularisé » en 1818
Légende Détail de la carte de Lobith
Crédits (Archives de Gueldres, Arnhem, série pre-kadastrale kaarten, inv.n10 32 )
URL http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/10898/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 132k
Titre Carte 4Plan d’ensemble de Doesburg, par l’arpenteur L.D. van Heijst en 1817
Crédits (Archives de Gueldre, Arnhem, série minuutplans).
URL http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/10898/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 78k
Titre Figure 5Plan minute, section C de Doesburg, dénommée Doesborgh, avec les bâtiments publics (mairie, écoles, casernes, églises)
Crédits (Archives de Gueldre, Arnhem).
URL http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/10898/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 112k
Titre Figure 6Table descriptive de la section C de Doesburg, publiée dans la serie « Kadastrale Atlassen » de Stichting Werkgroep Kadastrale Atlas Gelderland, 1832
URL http://books.openedition.org/igpde/docannexe/image/10898/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 88k

Auteur

A été directeur des Archives de Gueldres à Amhem (Pays-Bas) jusqu’en juin 2006 et professeur adjoint d’histoire de droit néerlandais à l’Université d’Amsterdam jusqu’à l’été 2007. Il a entre autre publié : Kadastergids, Gids voor de raadpleging van hypothécaire en Kadastrale archieven uit de 19e en de eerste helft van de 20e eeuw, Den Haag, 1979 [Guide des cadastres. Guide des recherches des archives hypothécaires et cadastrales du dix-neuvième siècle et de la première moitié du vingtième siècle aux Pays-Bas]. La traduction de l’article paru dans cet ouvrage a été publiée en 2006 in Pro Memorie. Bijdragen tot de rechtsgeschiedenis der Nederlanden, 8 [Pro Memorie. Contributions to the history of law in the Low Countries].

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