1Datation : borne mentionnant la III^a Cyrenaica trouvée dans la zone (IGLS XIII, 9449) ; nombreux blocs sculptés épars d’époque romaine impériale et byzantine. Installation de la VIa Ferrata à Bostra en 106. Installation de la III^a Cyrenaica à Bostra en 123 (cf. Sartre 2001, p. 618, n. 35), ou en 127, ou 129.

Forme et superficie du camp de Bostra

2L’existence même du camp légionnaire a été parfois mise en doute, mais sa localisation au nord-est de la Bosra moderne a été établie dans les années 1970 grâce aux travaux de S. Mukdad. Plusieurs photographies aériennes prises à diverses dates ne permettent pas le doute : elles montrent un rectangle ramassé dont le mur nord, une partie (environ les deux tiers) du mur est et environ la moitié du mur ouest sont bien marqués par des pierriers quelque peu sinueux. Au sud, la rue rectiligne qui semble reproduire la limite du camp est récente, mais elle régularise une limite plus sinueuse figurant sur des clichés plus anciens, qui, elle, pourrait signaler à quelques (dizaines de ?) mètres près le mur sud du camp. L’angle nord-ouest conserve l’arrondi originel.

Plan du camp de la légion III^a Cyrenaica

3L’estimation des dimensions du camp est rendue difficile en raison des habitudes locales d’aménagement des champs cultivés. Les limites de parcelle, dont la plupart sont déjà visibles sur les clichés aériens anciens, sont constituées de murs au tracé incertain, en blocs de basalte, hauts parfois de 2 à 3 m, dont la base a été chemisée par des pierriers aménagés petit à petit lors de l’épierrement des parcelles, et larges de 3 à 5 m. Même si certains murs modernes semblent reproduire assez fidèlement le tracé des murs antiques, ceux-ci sont toujours masqués par l’accumulation des pierres. C’est en particulier le cas de l’enceinte : si le mur ouest peut être localisé avec assez d’exactitude grâce à la découverte, à la suite de travaux de terrassement, d’un tronçon de fondation d’une dizaine de mètres de long, les murs nord et est ne le sont qu’avec une certaine marge d’incertitude due à l’ampleur des pierriers à la base du mur actuel. Les dimensions approximatives du camp peuvent donc être estimées à 440 m d’est en ouest et 350 m du nord au sud.

4Sa superficie serait donc d’environ 15,40 ha, alors que la superficie des autres camps légionnaires peut atteindre 25 à 27 ha, pour une moyenne de 20 ha. Bostra est donc un des camps légionnaires les plus petits du monde romain, mais il est proche de Carnuntum/Bad Deutsch-Altenburg (Pannonie ; 14,50 ha ca) et Noviomagus-Nimègue (Germanie inférieure ; 15 ha ca).

5Cette caractéristique s’explique sans doute par la situation particulière du camp, situé immédiatement au nord de la ville ancienne, même si en raison de l’urbanisme moderne, les rapports de l’une et de l’autre ne peuvent être précisés. Il est possible également que la double fonction du légat de la légion ait entraîné un aménagement intérieur incomplet par rapport à la norme ; la fonction de gouverneur de la province impliquait certainement qu’il logeât dans une maison (un palais ?) situé dans la ville et non dans le camp ; il en allait peut-être de même pour certains officiers supérieurs.

Les vestiges visibles

6Comme cela a été indiqué plus haut, les habitudes d’aménagement des champs, en particulier par la constitution des pierriers, ne facilitent ni la visite ni l’appréhension générale du camp. Deux monuments sont accessibles : au sud-ouest, les vestiges des thermes du camp, au nord, la porte du camp, dégagée d’abord par S. Mukdad dans les années 1970, puis par l’équipe archéologique française entre 1997 et 2001.

7Les thermes du camp (n° 43) – Au nord d’une parcelle allongée, facilement accessible depuis la rue moderne au sud du camp, se dressent les vestiges, conservés en hauteur, d’une salle chauffée, identifiable par les restes des conduits de chaleur en terre cuite dans les murs. Suite à la destruction partielle des murs latéraux, l’édifice se présente comme une voûte abaissée, soutenue par quatre piliers. Étant donné la situation de cette salle au sud-ouest du complexe thermal, on peut supposer qu’il s’agit d’un solarium, dont un ou deux murs auraient comporté de grandes vitres orientées vers le couchant. À côté de cette salle, un haut pierrier à cheval sur quatre parcelles recouvre les autres salles des thermes, dont l’élévation semble en partie conservée sous les coupoles et les voûtes écroulées. Du sommet de ce pierrier, on a une vue d’ensemble de la zone du camp assez suggestive. Au nord, on peut distinguer des traces de bassin, enduits de béton romain contenant de petits morceaux de pierre et de terre cuite (opus signinum).

Les thermes du camp romain.

8La porte Nord – Située approximativement au milieu du côté nord, elle est facilement accessible grâce à une piste récemment aménagée, qui contourne les pierriers constitués en avant des vestiges. La porte elle-même est large de 2,70 m ; elle est munie de deux piédroits en appareil de pierre de taille soigné mais comportant des remplois. Le passage est encadré par deux tours rectangulaires, saillantes de 5 m par rapport aux piédroits (le départ de l’enceinte n’a pu être repéré et l’on ignore son rapport exact avec ces deux tours), qui délimitent un passage antérieur large de 5 m. Les murs est et nord de la tour ouest ont été dégagés sur toute leur largeur ; ils sont composés de deux parements de blocs taillés, dont la face externe est assez bien dressée et d’un bourrage interne de blocs de diverses tailles (dont un fragment d’angle de corniche moulurée) mêlés à de petites pierres, cailloux, tesselles de mosaïque. Le passage antérieur a ensuite été bouché par un mur de facture semblable quoique moins soignée, large de 1,50 m, délimitant une pièce devant la porte et qui représente l’ultime état de l’occupation. Deux sondages restreints ont montré que, à la base des murs latéraux, avaient été aménagées les fondations d’un arc appuyé sur ces murs, pratique caractéristique de l’époque omeyyade.

La porte nord du camp romain.

9L’examen des rares tessons découverts dans les sondages a montré qu’aucune trace d’occupation antérieure au V^e siècle n’est sûrement attestée, malgré la présence de tessons attribuables aux II^e et III^e siècles et, dans les couches de remblai supérieures, de trois monnaies du milieu du II^e siècle à la fin du IV^e siècle.

La porte nord du camp romain, plan des vestiges

10Du sommet des pierriers qui entourent les vestiges de la porte, on aura une vue d’ensemble du camp et, en arrière-plan, une vue inhabituelle de la ville moderne de Bosra, avec le minaret de la mosquée d’Omar et, au loin, le sommet du théâtre et de la citadelle (n° 10).

11L’intérieur du camp – Si on en a le loisir, on pourra tenter de visiter quelques parcelles parmi les plus accessibles. La zone du camp se caractérise par l’abondance de blocs architecturaux décorés (chapiteaux, bases de colonne) présents dans les pierriers. Les blocs décorés sont inégalement répartis sur l’ensemble de la superficie ; trois zones principales de concentration de ces éléments peuvent être distinguées : à la porte nord, dans le pierrier des thermes et les parcelles situées immédiatement à l’est, dans deux parcelles contiguës situées approximativement au centre du camp et au sud d’un chemin moderne de direction est-ouest, qui mémorise sans doute une voie antique. Dans la zone des thermes et dans la zone centrale, les blocs décorés sont presque exclusivement des chapiteaux et des bases de colonne. Les premiers, moins nombreux, sont difficilement datables. Sur les dix-neuf bases découvertes (respectivement 9 et 10 éléments), treize peuvent être probablement datées de l’époque d’Hadrien et les six autres appartiennent à un type dont la production commence en Syrie du Sud également à la même époque, même si elle semble s’être prolongée durant le III^e siècle. La présence d’éléments architecturaux comme ces bases n’est pas a priori étonnante dans des thermes monumentaux ; dans la seconde zone, leur accumulation incite à penser qu’elles marquent au moins approximativement l’emplacement du bâtiment principal (principia) du camp légionnaire. Leur datation à l’époque d’Hadrien, soit peu de temps après l’arrivée de la légion à Bostra, indique qu’elles proviennent de bâtiments qui font partie de la première époque de la monumentalisation du camp. Les chapiteaux plus tardifs découverts dans les thermes pourraient alors indiquer une phase de réfection. Plusieurs de ces bases sont assez facilement visibles dans un pierrier au nord-est de la zone des thermes.