La céramique et les lampes
p. 53-54
Texte intégral
1Le répertoire de cette période recouvre une grande variété, tant sur le plan des provenances que de la multiplicité des formes. La catégorie de céramiques la plus anciennement étudiée est celle qui est dénommée « sigillée ». Cette appellation ancienne rend compte du rapprochement effectué par les premiers chercheurs européens entre la couleur, l’aspect brillant et les motifs qui ornent cette production avec la cire rouge à cacheter. « Sigillata » est devenu un nom générique désignant une céramique rouge ou orangée recouverte d’une fine couche argileuse que la cuisson à haute température en atmosphère oxydante rend dure et brillante. Cet engobe (« vernis » n’est plus usité) argileux, qui peut être soit épais et brillant car grésé, soit fin et mat, est la marque de cette production. Par habitude et commodité de langage, on appelle ainsi des céramiques de dates très variées (entre le IIe s. av. J.‑C. et le VIIIe s. ap. J.‑C.). Pour la région orientale de l’Empire romain, on ne dispose pas encore d’études aussi précises que pour la Gaule ou l’Italie. Aucun atelier n’est clairement localisé et les différentes productions identifiées semblent être concentrées sur la côte turco-levantine.
Amphore conique recueillie en mer Méditerranée, fouille syro-japonaise.

Période fin hellénistique/romaine
Musée archéologique de Bosra
2Mais l’essor de la région à cette période s’accompagne d’un développement important des productions locales à base d’argile basaltique donnant après cuisson une céramique rouge très caractéristique. Certaines formes ouvertes de céramique de service, les bols ou les coupes, reçoivent un décor très reconnaissable : un objet dur est appliqué sur l’intérieur du vase presque sec alors remis sur le tour ou sur une tournette, l’action de la main et la rotation du tour produisent une spirale régulière où la surface de la pâte est lissée, les fines plaquettes argileuses sont orientées selon le sens de la contrainte mécanique exercée par l’outil. À la cuisson, cette partie prendra une couleur plus foncée et un aspect brillant.
3L’ensemble des ustensiles de cuisson, de service, de stockage ou de transport existe en céramique à cette période : en particulier pour la préparation culinaire, jatte, mortier ; pour la cuisson d’aliments bouillis, pot à cuire, marmite et son couvercle ; pour la friture, plat à cuire et casserole ; pour le chauffage de l’eau, bouilloire ; pour le service de table, bol, bol caréné, assiette, plat ; pour le service des liquides, cruche, pichet, gargoulette, amphorette ; pour leur transvasement, entonnoir ; pour l’éclairage, lampe moulée ou tournée, lanterne ; pour le transport des denrées, amphore ; pour leur stockage, pithos ou dolium ; pour la toilette et les soins corporels, vase à onguent, à parfums ; pour l’assainissement ou l’hommage aux divinités, brûle-parfum ; pour la distribution d’eau potable, tuyaux ; pour le chauffage, brasero ; pour la cuisson du pain, tannour. Toutes ces utilisations font largement appel à des productions en terre cuite.
Pot à cuire en argile, à fond conique, forme sphérique, à pâte claire orangée dotée de deux anses attachées sur la lèvre et l’épaule.

Époque romano-byzantine
Musée archéologique de Bosra
4Le rôle des amphores revêt un caractère particulier. En effet, ces dernières pouvaient transporter du vin ou des huiles, mais également des salaisons de poisson et des sauces dont les populations romanisées étaient friandes. Mais elles sont également le marqueur de relations commerciales à longue distance. Leur étude implique donc de s’intéresser aussi aux flux commerciaux qu’elles reflètent, aux intérêts économiques qui sous-tendent les relations d’échange dans l’Empire.
5Le répertoire des formes de lampes ne change guère dans les premiers temps de la période et l’on retrouve les catégories citées précédemment. La nouveauté initiée par les lampes romaines sera liée à la variété du décor des disques de lampe. De nombreuses représentations de combats, d’épisodes mythologiques, voire de scènes érotiques, prennent place sur les quelques centimètres carrés de ces objets du quotidien, leur conférant une sorte de rôle narratif. Les motifs géométriques ou végétaux sont également très présents. La plupart du temps en relief, car obtenus par moulage dans une empreinte qui porte le dessin en creux, les lampes des IIIe-IVe siècles sont plus simplement ornées de motifs en négatif formés par des incisions ou des estampages. Les combustibles utilisés sont certainement des types et des qualités d’huile particulières (olives, sésame, lin…) et l’on utilise des mèches végétales, un simple bâtonnet de branchage ou peut-être un simple fragment de tissu usagé.
6La vie domestique, apparaissant au travers de nos fouilles, nous montre de nombreux exemples de réutilisation de vases endommagés, de réparations qui attestent du prix que l’on attachait à ces objets (fonctionnalité ou sentimentalité) et des astuces permettant de les réemployer quand leur intégrité première était altérée mais qu’ils étaient encore propres à l’usage. Ainsi, de nombreuses lampes fonctionnent sans anses, voire avec le bec tellement ébréché qu’il semble absent. Des cruches se changent en jattes, des bols à lèvre saillante sont transformés en bols sans lèvre. De nombreux conteneurs peuvent être recyclés et continuer à transporter des liquides ou des produits fluides, en particulier les amphores.
7Des objets du quotidien peuvent être élaborés à partir de parties de vases brisés. Ainsi les jetons de jeu, si nombreux dans tous les niveaux archéologiques, ou encore les bouchons servant à l’occlusion d’autres récipients peuvent être retaillés dans des tessons. Les tranches sont parfois usées par frottement pour les rendre aussi lisses et donc aussi bien finies qu’un objet manufacturé spécifiquement. De même, certaines activités artisanales domestiques peuvent faire appel à d’anciens tessons : percés, ils seront transformés en poids pour le tissage.
Auteur
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