1Jusqu’à présent, aucune trace de construction n’a été retrouvée à Bosra datant de la période de l’expédition punitive des Maccabées en 164/163 av. J.‑C. (I Maccabées, V, 26 et 28). Nous ignorons l’ampleur de la ville et ses limites, mais elle devait englober la source pérenne (n° 44) et au moins une partie de l’agglomération de l’âge du Bronze dont le rempart a continué à servir et a été réparé par la suite. Les seuls témoins de cette période sont quelques rares tessons. En revanche, l’image de la ville à l’époque nabatéenne n’a cessé de se préciser et de s’amplifier au cours des dernières années. Cette phase représente une étape décisive dans son développement urbain.

Demi-colonne nabatéenne dans le quartier Est.

2L’occupation nabatéenne ne s’est pas limitée à la partie orientale du site, comme on l’a supposé sur le témoignage des éléments d’architecture nabatéenne caractéristiques reconnus, dans ce secteur, depuis les publications de Brünnow et Domaszewski ainsi que de Butler. Les éléments les plus reconnaissables sont en effet les chapiteaux dits « à cornes », bien connus à Pétra et à Hegra-Madâ’in Sâlih, qui sont des chapiteaux corinthiens laissés volontairement à l’état d’ébauche. Ils sont apparus dans le domaine alexandrin à l’époque hellénistique. À ces chapiteaux sont souvent associés des entablements composites à frise dorique, comme on en voit de nombreux exemples à Pétra. En dehors des blocs monumentaux, qui attestent le caractère officiel des constructions dans le quartier de l’Est de Bosra, de nombreux blocs d’architecture nabatéenne isolés ou en remploi ont été trouvés sur une grande moitié est du site. De tailles et de factures diverses, ils révèlent l’occupation architecturale du site à la période nabatéenne et l’existence probable de sanctuaires secondaires et de demeures d’une certaine envergure. La présence nabatéenne sur la quasi-totalité de l’espace occupé par la ville au moment de sa plus grande extension, nous est également confirmée par la découverte de nombreux tessons de céramique nabatéenne peinte, tout aussi caractéristique. Des échantillons ont été trouvés depuis l’extérieur du rempart ouest, près de la porte Ouest (« Bâb al-Hawâ’« ) (n° 27) et du rempart Nord-ouest (n° 28) jusqu’à l’arc nabatéen (n° 1) et à la zone des deux églises monumentales à plan centré du quartier de l’Est (n° 2 et 4). Il faut ajouter le centre de la ville où tous les sondages ayant accédé à des niveaux profonds ont livré ce même type de céramique peinte. Des dégagements effectués à l’est de la palestre est des thermes du Sud (n° 15) ont révélé, comme les sondages sous les thermes, un ancien quartier d’habitation nabatéen (n° 14) pouvant remonter à la fin du I^er s. avant J.‑C. Des réparations effectuées sur le tronçon sud du rempart de l’âge du Bronze (n° 28) vers le tournant de l’ère attestent l’existence d’un vaste centre urbain fortifié et organisé. En effet, tout en créant, à l’est de la ville, un nouveau quartier autour d’un grand ensemble monumental, les responsables de ce développement urbain ont confirmé l’axe est-ouest, sans doute ancien, correspondant à une voie de pénétration qui va de la côte méditerranéenne à la steppe. Vers l’est, elle conduit au wadi Sirhân, qui est une des voies d’accès majeures à la péninsule Arabique. Cette rue aboutit à la façade ouest de l’arc nabatéen qui conclut cette perspective et constitue la charnière avec le nouveau quartier de l’Est, orienté sur un axe différent, celui de la façade est du dispositif à pilastres nabatéens rattaché à l’arc (n° 1).

Plan de localisation des structures de l’époque nabatéenne et des sondages dans lesquels a également été trouvé du matériel de la même époque.

3L’axe de ce quartier de l’Est, précisément orienté comme la grande cour à portiques et pilastres stuqués découverte sous la grande église, est à plan centré (n° 2). Cet ensemble, daté de la deuxième moitié du I^er siècle ap. J.‑C., appartient à un ensemble monumental de grande ampleur, palais ou plutôt sanctuaire que l’on serait tenté d’attribuer à Dusarès. Ce dieu occupe, avec Allât, une place de premier plan parmi les divinités vénérées dans le domaine nabatéen, et semble plus particulièrement lié à la dynastie. Un ensemble de portiques doriques reliait ces constructions à l’ensemble pivot de la porte nabatéenne et peut-être à une construction occupant le secteur du palais dit « de Trajan » (n° 3).

Niche de l’arc nabatéen.

4Il faut souligner que ces monuments portent, avec leur décor, la marque de l’autorité nabatéenne, sa volonté de donner une ampleur et un éclat particuliers à cette ville, et de signer, en quelque sorte, un grand programme d’urbanisme. Il ne s’agit cependant pas d’une fondation ex nihilo, comparable à celle des grandes villes hellénistiques du Nord de la Syrie. Si le nouveau quartier de l’Est semble organisé sur un axe unifié qui a continué à marquer les constructions dans les phases ultérieures, il n’en va pas de même pour le reste de la ville, où aucun ordre géométrique global et unifié ne s’impose derrière un plan comportant quelques axes plus ou moins perpendiculaires. Dans l’état actuel de l’exploration du site, ce plan semble refléter plutôt des efforts successifs en vue d’une régularisation qui reste partielle et ne porte que sur des zones limitées. Les recherches récentes soulignent l’importance de cette phase nabatéenne dans l’histoire urbaine de Bosra, qui s’est accrue d’un quartier neuf à l’est, mais a sans doute été aussi restructurée dans son ensemble. L’étendue de la ville est d’environ 90 hectares. C’est avec Suweidâ’, dont l’étendue et l’importance n’ont été redécouvertes que récemment, le grand centre urbain du Sud de la Syrie. Pour répondre aux besoins en eau de sa population, on a sans doute aménagé, d’une manière monumentale dans cette phase, les grands réservoirs (birket), et surtout la birket est, qui conserve des lettres nabatéennes gravées dans certains de ses blocs. Le grand canal (31) branché en amont sur le réseau des wadis et inscrit d’une façon souple dans le relief naturel est un projet de grande ampleur comparable au canal contournant le Khubta pour alimenter Pétra. Il faut noter que dans son évocation des Nabatéens, Diodore de Sicile (livre XIX, 94-100) leur reconnaît déjà, à la fin du IV^e s. av. J.‑C., une compétence particulière dans la découverte et la conservation de l’eau.