Bosra avant Bostra
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Texte intégral
Plan de localisation des structures de l’époque du Bronze et des sondages dans lesquels a été trouvé du matériel de la même époque.

1Sous la ville nabatéenne et romaine, qui couvre environ quatre-vingt-dix hectares, il faut ima-giner l’existence d’établissements de taille modeste qui n’ont occupé que des parties infimes de la ville que nous connaissons : campements néolithiques sous les thermes du Sud (n° 15) et sous la cathédrale de l’Est (n° 2), petit site du troisième millénaire avant l’ère chrétienne (époque du Bronze ancien) à l’est de l’arc nabatéen (n° 1), autre petit site de la fin du troisième/début du deuxième millénaire au nord-ouest de la ville romaine.
2C’est à la période du Bronze moyen que les choses changent. En effet, ce n’est qu’à partir du deuxième millénaire avant l’ère chrétienne que l’on peut parler de la « ville » de Bosra. Les textes égyptiens de cette période, textes d’exécration — listes de Thoutmès III —, lettres de Tell el-Amarna, mentionnent des noms de cités princières parmi lesquels on a reconnu depuis longtemps le nom de Bosra (Braemer 1984, p. 220-221). Les fouilles menées au début des années 1980 par H. Seeden et l’Université américaine de Beyrouth au nord-ouest de la ville, et celles qui ont exploré le rempart Sud-Ouest en 2001, ont confirmé pleinement qu’une cité existait là au deuxième millénaire de manière presque continue.
3Cette cité est aujourd’hui enfouie dans les petits « tells », collines artificielles, qui forment à l’ouest de la ville romaine un grand rectangle couvrant une vingtaine d’hectares. Il faut, pour l’imaginer, longer la ligne des remparts qui l’entouraient dès le deuxième quart du deuxième millénaire. Cette ligne de fortification a été conservée par la suite et les murailles ont été reconstruites sur le même tracé à la période nabatéenne, puis à la période byzantine.
4En partant de la place du tétrapyle (n° 24), on prend la rue nord-sud (n° 25) vers le sud, qui est en contrebas de la ligne des remparts, masquée par les maisons récentes. Au débouché de la rue, on tourne à droite et, sur 250 m, on observe au sommet de la dénivellation des fragments de murs rectilignes. Le plus haut, visible sur presque tout le tronçon, de 1,80 à 2 m d’épaisseur, préservé sur 2 m de hauteur, est construit en moellons équarris de taille assez régulière disposés sur un double parement ; il date de la dernière réfection byzantine du rempart. On peut voir au milieu de ce tronçon sud des murailles (sondage réalisé en 2001) la superposition de ce dernier état du mur au-dessus de deux autres.
5À la base se trouvait un mur d’environ 6 m d’épaisseur à l’extérieur duquel a été accumulé au sud un remblai de terre faisant alterner des couches de terre meuble avec des couches d’argile compacte. Ce remblai est limité au sud par un mur de terrasse ou un glacis. On peut estimer la hauteur maximale de remblaiement à environ 3 m, la surface était vraisemblablement en pente, mais on n’a pas retrouvé de trace d’un véritable glacis aménagé. Le mur du rempart proprement dit est construit en gros blocs irréguliers (80 x 60 cm en façade), non taillés, disposés dans un appareil polygonal grossier aux lacunes comblées par des petites pierres de calage. Sur la face interne du mur, on a pu observer, sur l’assise dégagée, que les blocs sont disposés en boutisses. Le mur de cette première phase a été détruit de manière irrégulière. Dans notre sondage sud, il est visible sur 2 assises (soit 1 m de hauteur), à l’ouest du sondage, et sur 6 assises (3 m de hauteur) à l’est. La brèche de la partie ouest du sondage a été comblée en un ou deux épisodes avec des blocs équarris de module moyen (50 x 40 cm) disposés en assises régulières. Ce comblement reconstitue approximativement la ligne extérieure du parement de l’ouvrage à l’ouest, mais est légèrement en retrait du parement d’origine à l’est. Au nord, le parement de ce mur est nettement en retrait par rapport au parement du mur d’origine. L’épaisseur totale de l’ouvrage est alors réduite à 3,50 m environ. Le blocage interne de ce mur reconstitué est en pierres mêlées d’une quantité importante de terre. Le sondage a permis d’établir la datation des différentes phases par la céramique. Il a également montré que le rempart d’origine a été certainement construit de toutes pièces sur un terrain presque plat, puisque les sols d’occupation retrouvés à l’intérieur du rempart ne sont qu’à 2 m au maximum au-dessus du niveau extérieur. C’est donc bien l’accumulation des occupations successives, et essentiellement celles des périodes nabatéenne, romaine et byzantine, qui ont constitué le « tell » que nous avons aujourd’hui sous nos yeux.
6Si l’on poursuit la visite vers l’ouest, le rempart tourne vers le nord, dans un arrondi soigneusement construit. Cette façade très visible montre à nouveau la superposition des trois phases de construction ; à la base, le rempart de l’âge du Bronze est très bien préservé sur près de 2,50 m de hauteur.
7Sur le côté ouest de la cité, on distingue le rempart byzantin à plusieurs reprises, au sud et au nord de la porte Ouest (« Bâb al-Hawâ’« ) d’époque romaine (n° 27). C’est cette ligne de fortification qui constitue la limite ouest de la grande retenue d’eau (n° 29). À cet emplacement, le dispositif de rempart est peut-être doublé d’un barrage, sur une épaisseur d’environ 40 m. Ce grand réservoir à ciel ouvert (90 x 200 m), appelé « naumachie » par Butler, utilise une dépression sans doute naturelle qui a été barrée à l’ouest. Son système d’alimentation n’a jamais été observé dans le détail ; il s’agissait très vraisemblablement d’une source doublée d’un canal qui apportait l’eau sur plusieurs kilomètres depuis un des barrages construits sur le wadi ar-Rakîk au nord-est de Bosra. Ce type de dispositif hydraulique existait dès le troisième millénaire avant l’ère chrétienne au Proche-Orient et en particulier en Syrie du Sud : les fouilles de Khirbet al-Umbashi et de Jawa dans le désert à l’est du Jabal al-‘Arab en ont révélé la sophistication et la haute antiquité. Il est donc tout à fait vraisemblable d’imaginer que la grande -citerne de Bosra a été construite, comme le rempart, au deuxième millénaire.
8Au nord du réservoir, la ligne de rempart forme une oblique et rejoint au nord-est le mur de limite du camp romain (n° 42). Dans cette partie du site, ce ne sont que les dernières phases de construction du rempart (romaine et byzantine) qui ont pu être observées. La présence d’un rempart du Bronze moyen n’est donc qu’hypothétique, hypothèse renforcée par l’existence, démontrée par la fouille de l’Université américaine de Beyrouth, de plusieurs niveaux d’occupation de cette période.
9La rue nord-sud (n° 25), qui nous ramène du nord vers le tétrapyle (n° 24), longe à nouveau la ligne vraisemblable de la fortification. Elle passe à côté de la grande source (n° 44), qui a certainement été en usage dès les premières occupations de Bosra. Il s’agit en effet de la seule source pérenne et abondante de ce secteur : une grande faille dans la coulée basaltique donne accès directement à la nappe phréatique. Cette source a été aménagée de manière monumentale (escalier d’accès, portique, etc.) à la période romaine ; les dispositifs antérieurs ne sont pas visibles. Des sources aménagées à l’extérieur de la ligne de rempart existent sur d’autres sites de la même période, par exemple à Tell Debbeh, au nord de Suweidâ’.
Carte des sites de l’époque du Bronze moyen dans la région

T. Fournet, d’après F. Braemer
10Le rempart de Bosra est datable dans sa forme d’origine du Bronze moyen II, et construit sans doute après le XVIIIe siècle avant l’ère chrétienne. Ce type de rempart monumental confirme l’importance du site de Bosra pour cette période. Bosra est alors le plus grand site fortifié de la région. Après quatre à cinq siècles (Bronze ancien IV) d’organisation de l’habitat principalement villageoise et nomade, le deuxième millénaire est en effet une période pendant laquelle de nouveaux territoires se forment. Ces territoires sont individualisés par des sites majeurs toujours fortifiés par de puissants remparts et des terrassements qui mettent des édifices (palais ? citadelles ?) en valeur par une position supérieure très symbolique, un peu à la manière de nos châteaux forts de l’Occident médiéval. Une source captée, ou une grande citerne hors les murs, leur est souvent associée. Ces sites ont une surface moyenne de 4 à 6 hectares ; ils sont répartis de manière assez égale en Syrie du Sud, à une trentaine de kilomètres les uns des autres. Ces sites majeurs, sans doute sièges de petites royautés, dominent un territoire agricole au sein duquel prospèrent des villages généralement ouverts et des fermes fortifiées. Ce territoire est le plus souvent alimenté en eau par un système de canaux de dérivation qui permettent le stockage et, dans certains cas, l’irrigation. Parmi ces sites majeurs, Bosra apparaît donc au premier rang à l’échelle régionale par sa surface. On ne trouve de sites plus importants que dans le nord de la vallée du Jourdain, à Hazor ou à Tell el-Qadi (Dan), donc à plus d’une centaine de kilomètres au nord-ouest.

Bibliographie
Braemer 1984, p. 219-250
Seeden 1986, p. 11-82
Braemer 1988, p. 99-137
Betts et alii 1996, p. 27-39
Braemer 2002, p. 65-74
Auteur
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Bosra. Aux portes de l’Arabie
Jacqueline Dentzer-Feydy, Michèle Vallerin, Thibaud Fournet et al. (dir.) منار حمـّـــــاض (trad.)
2007
Glossaire technique trilingue de la pierre
L’exploitation en carrière
Jeanine Abdul Massih et Jean-Claude Bessac
2009