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La politique extérieure de la principauté de Damas (468-549 H / 1076-1154)

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Mariam Yared-Riachi

Troisième partie. Tugtakïn, Fondateur de la Dynastie Burïde

Chapitre IX. Ṭuġtakīn et Ilġāzī dirigeants de la guerre sainte

Texte intégral

I. INTRIGUES À BAGDAD À LA MORT DU SULṬĀN MUḤAMMAD

1Les expéditions musulmanes habituelles contre les Francs, organisées par le sulṭān de Bagdad, avaient cessé. Le 24 ḏū al-ḥiǧǧa 511/18 avril 1118, le sulṭān Muḥammad Tapar b. Malik Šāh mourut. L'attribution de son héritage provoqua des conflits opposant l'héritier légitime qu'il avait désigné avant sa mort, son fils aîné Maḥmūd, à ses autres fils, Mas‘ūd, Sulaymān Šāh, Tuġril Ier, d'un côté, et à son frère Sangar d'un autre.

  • 1 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 588.

2La Syrie en général, et la ville de Damas en particulier, furent affectées par la cessation des expéditions musulmanes contre les Francs. De plus, Āq Sunqur al-Bursuqī, nouvel allié de Ṭuġtakīn, recevant le poste de šiḥna de Bagdad, se vit éloigné de la Syrie. Des conflits opposaient Ǧuyūš Bak, maître de Mossoul et atabeg de Mas‘ūd, et le sulṭān Maḥmūd de Bagdad. Āq Sunqur al-Bursuqī et le Mazyadite Dubays b. Ṣadaqa, maître d'al-Hilla, prirent tantôt le parti de l'un, tantôt celui de l'autre. Finalement, Āq Sunqur, tirant profit de la victoire du sulṭān Maḥmūd, reçut en apanage Mossoul, Ǧazīrat Ibn ‘Umar et Sinǧār1.

II. ALLIANCE DAMASCO-ALÉPINE CONTRE LES FRANCS

3Les expéditions musulmanes provoquaient chez les émirs de Syrie à la fois la crainte d'une emprise venue de l'est sur leurs principautés et un certain soulagement, parce que même si elles n'avaient jamais abouti à une victoire radicale, elles réduisaient la force des Francs. En l'absence de ces expéditions, les Francs, ayant eu des récoltes particulièrement mauvaises, se livrèrent à des incursions, aussi bien contre les dépendances de Damas que contre celles d'Alep.

4Après la mort de Ruḍwān, maître d'Alep, un certain rapprochement s'était manifesté entre Damas et Alep. À plusieurs reprises, on fit appel à Ṭuġtakīn, maître de Damas, pour secourir Alep contre le danger franc. En aucun cas, il n'était question d'une emprise damascaine sur Alep. La puissance et les effectifs dont disposait la ville étaient trop réduits pour que le maître de Damas puisse espérer s'emparer d'Alep. De même, Ilġāzī b. Artuq, devenu maître d'Alep, ne présentait pas un grand danger pour Damas. Certes, il pouvait compter sur des effectifs importants, mais il ne s'appuyait pas sur le pouvoir central de Bagdad comme Mawdūd ou Āq Sunqur al-Bursuqī. Une alliance entre les maîtres de Damas et d'Alep était, dès lors, nécessaire pour repousser leur ennemi commun.

Défaite de l'armée de Damas près de Tibériade

5Après la défaite de Bursuq b. Bursuq, commandant de la dernière expédition musulmane, les Francs essayèrent d'élargir leurs horizons.

  • 2 PRAWER, 1969, p. 296-298.
  • 3 AL-MAQRĪZĪ, 1973, t. 3, p. 509.
  • 4 IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 111 a.

6En 1115, Baudouin de Jérusalem repoussa les frontières méridionales de son royaume, et s'empara de Šawbak et de ‘Aqaba, dans le sud de la Transjordanie, contrôlant ainsi un accès au Golfe du même nom et à la Mer Rouge, ainsi qu'à la route terrestre des pèlerins venant d'Égypte vers l'Arabie2. Mais en dû al-ḥiǧǧa 511/mars-avril 1118, Baudouin trouva la mort lors d'une expédition contre l'Égypte3. Cependant, Ẓahīr al-Dīn Ṭuġtakīn avait rompu sa trêve et s'apprêtait à attaquer les Francs. Il campait déjà sur le Yarmūk, entre Dayr Ayyūb et Kafr al-Baṣal, lorsqu'il apprit la mort du roi de Jérusalem. À la même occasion, il reçut les émissaires du successeur de Baudouin, Baudouin de Bourg, maître d'Édesse, sollicitant une nouvelle trêve. Ṭuġtakīn, voulant tirer profit de la situation, demanda, comme prix de la trêve, à bénéficier de la totalité des récoltes de Ǧabal ‘Awf, d'al-Ḥannāna, d'al-Ṣalt et d'al-Ġawr4. Celles-ci se répartissaient d'ordinaire, à parts égales, entre Damas, les Francs et la population locale. Les Francs refusèrent et Ṭuġtakīn marcha alors sur Tibériade, attaqua la ville et pilla ses alentours. Entre-temps, il reçut un message d'al-Afḍal, le vizir fāṭimide, le blâmant d'avoir laissé Baudouin arriver jusqu'à al-Faramā en Égypte. Ṭuġtakīn se rendit alors à Ascalon pour mettre de l'ordre dans les rangs de l'armée égyptienne et la réorganiser. Celle-ci venait d'être envoyée d'Égypte, pour prévenir d'autres expéditions éventuelles contre l'Égypte, et devait se mettre sous les ordres de Ṭuġtakīn de Damas. Ibn al-Aṯīr rapporte que cette armée de 7 000 cavaliers ne mena aucune action réelle face aux Francs. En effet, Baudouin avait reçu des renforts venant de Tripoli et d'Antioche. L'armée damasco-égyptienne qui s'était avancée pour la rencontre renonça au combat et se retira vers Ascalon. Si l'armée égyptienne ne fut pas efficace, les relations entre l'Égypte fāṭimide et l'émir de Damas étaient cependant en train de se consolider, ce qui mettait en péril le royaume latin de Jérusalem.

7Ayant passé deux mois à Ascalon, Ṭuġtakīn rentra à Damas, où il apprit qu'un escadron de 130 cavaliers francs venait de s'emparer de l'importante forteresse d'al-Ḥabīs et pillait Aḏri‘āt/Déraa. Ṭuġtakīn envoya son fils Būrī pour en éloigner les Francs.

  • 5 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 543-544 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 102 b.

8Būrī repoussa le détachement franc et le bloqua sur une montagne, ǧabal, proche, où il s'était réfugié. Dépourvu de l'expérience de son père, qui lui avait recommandé de relâcher le blocus, Būrī le maintint. Désespérés par la perspective de leur perte totale, les Francs se lancèrent alors dans un combat meurtrier contre les musulmans, en tuèrent ou en firent prisonniers un grand nombre. Būrī, avec le peu qui lui restait de son armée, regagna Damas5.

  • 6 PRAWER, 1969, p. 304 ; IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 555.
  • 7 LE TOURNEAU, 1952, p. 147.

9Ṭuġtakīn réalisa que l'étendue de territoire sous son autorité s'était rétrécie du côté sud : les Francs venaient de s'emparer d'Aḏri‘āt, contrôlaient les gués du Yarmūk et avaient mis la main sur les zones de pâturage au sud de Yarmūk, obligeant ainsi les bédouins de la région à leur payer un tribut6. La défaite cuisante qu'avait essuyée Ṭuġtakīn, du fait des Francs de Jérusalem, qui poursuivaient leurs dévastations dans le Ḥawrān, décida l'émir de Damas à rallumer le flambeau de la guerre sainte, en collaboration avec Ilġāzī de Mārdīn. Ibn al-Qalānisī rapporte que Ṭuġtakīn écrivit aux chefs locaux et aux hauts fonctionnaires, les invitant à coopérer à la défense contre les Francs7.

Expédition de Ṭuġtakīn et d'Ilġāzī contre les Francs

  • 8 MICHEL LE SYRIEN, 1963, t. 4, p. 217, rapporte qu'Ilġāzī avait rassemblé une telle multitude de Tu (...)
  • 9 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 319, rapporte que le nombre des Francs, y compris les Arméniens qui s'ét (...)
  • 10 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 553-555.

10Le nord de la Syrie souffrait aussi des incursions des Francs. Ils s'étaient emparé de Buzā‘a et étaient arrivés à proximité d'Alep. Les approvisionements de la ville n'auraient pas suffi pour un seul mois de défense. Cependant, Ilġāzī avait rassemblé une énorme armée au Diyār Bakr. Il retourna en Syrie en 513/1119 à la tête d'environ 20 000 combattants8. Le combat qu'il engagea contre les Francs campés à Tall ‘Aqibrīn, près d'al-Aṯārib, se termina par un véritable massacre : 3 000 cavaliers et 9 000 fantassins auraient été tués9. Leur chef, Roger, maître d'Antioche, périt aussi dans la bataille10. Comblés de butin, les Turcomans d'Ilġāzī abandonnèrent leur chef et regagnèrent leur territoire, réduisant ainsi considérablement l'effectif de son armée.

Rôle de Damas

  • 11 SIBṬ B. AL-ǦAWZĪ, 1951, t. 8, p. 79 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 321.

11Ibn al-Qalānisī précise que lorsque Ṭuġtakīn arriva avec son armée à Alep pour faire sa jonction comme prévu avec les troupes d'Ilġāzī, les Turcomans étaient déjà rassemblés. Ils s'étaient précipités à la rencontre des Francs sans organisation ni préparation. Le butin seul leur importait. En moins d'une heure, ils avaient anéanti les Francs. Antioche était, alors, vide de défenseurs et privée du renfort venant de Jérusalem, qui avait été retardé par des accrochages avec des Turcs près de Ǧabala ; elle représentait donc une conquête des plus faciles. Selon Ibn al-Qalānisī, si les musulmans ne profitèrent pas de la situation pour s'emparer d'Antioche, c'est parce que Ṭuġtakīn n'avait pas participé à l'engagement et que les Turcomans s'étaient seulement soucié de ramasser le butin. Quoi qu'il en soit, Ṭuġtakīn et son allié Ilġāzī n'osèrent pas attaquer ; ils se contentèrent de s'emparer d'al-Aṯārib et de Zardanā11. Le 4 ǧumādā I 513/13 août 1119, un second combat leur fut imposé par l'arrivée de Baudouin II de Bourg, à Dāniṯ, entre Antioche et Alep, mais aucun des deux camps ne l'emporta.

  • 12 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 193-194.

12Ilġāzī rentra à Alep puis à Mārdīn et Ṭuġtakīn regagna Damas le 29 ǧumādā I 513/7 septembre 1119. Le lendemain, 8 septembre, il fut affligé par la disparition de son épouse Ṣafwat al-Mulk, mère de Duqāq b. Tutus. Le chagrin de Ṭuġtakīn le laissait sans réaction, à Damas. Tandis qu'Ilġāzī se trouvait à Mārdīn, les Francs lancèrent leurs incursions contre les provinces d'Alep12.

Conclusion d'une trêve avec les Francs

13Baudouin II attaqua Ma‘arrat al-Nu‘mān et s'empara de la citadelle d'al-Zūr, dépendance des Munqiḏites de Šayzar à l'ouest d'al-Bāra, puis il parvint à Kafarṭāb, où il laissa une garnison, et se fit livrer, un peu plus au nord, Sarmīn et Ma‘arrat Miṣrīn. De son côté, Jocelin, auquel Baudouin II de Bourg venait de donner Édesse et Tall Bāsir, attaqua Manbiǧ et marcha sur al-Nuqra et sur toute la province est d'Alep. La nouvelle campagne que Ṭuġtakīn et Ilġāzī menèrent contre les Francs en ṣafar 514/mai 1120 obligea ces derniers à se replier de Dānīṯ jusqu'à Ma‘arrat Miṣrīn où ils furent bloqués pendant un jour et une nuit.

  • 13 IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 152 a-b.

14Aucun combat ne s'engagea ; Ṭuġtakīn, craignant une sortie surprise des Francs qui disposaient de meilleurs chevaux que les musulmans, suggéra alors de se retirer. Suggestion sage, puisque les bandes turcomanes d'Ilġāzī, interdites de pillage et mal payées, s'étaient dispersées13. Par conséquent, une trêve d'un an fut conclue, donnant aux Francs le droit de garder Ma‘arrat al-Nu‘mān, al-Bīra, al-Ǧabal (Ǧabal al-Summāq) et Kafarṭāb, au sud, les villages de Laylūn et de Tall Iġdī et les villages de ‘Azāz, au nord. Avant de regagner Mārdīn, Ilġāzī mit un peu d'ordre à Alep. Il libéra ses habitants des taxes non canoniques, al-mukūs, remises en vigueur au temps de Ruḍwān, en même temps que des prestations en vivre et les corvées.

III. ALEP PENDANT L'ABSENCE D'ILĠĀZĪ

  • 14 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 587 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 323 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 161 (...)

15L'absence d'Ilġāzī replongea Alep dans la confusion. Les Francs n'attendirent pas l'expiration de la trêve conclue avec Ilġāzī pour reprendre leurs incursions contre la principauté. Jocelin, maître d'Édesse, fit un raid contre les garnisons arabes et turcomanes, campées à Ṣiffīn au bord de l'Euphrate, et leur infligea de grosses pertes en argent, en chevaux et en bêtes de somme. Puis il attaqua Buzā‘a au nord-ouest d'Alep et la détruisit14.

  • 15 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 567.
  • 16 ÉLISSÉEFF, 1967, t. 2, p. 321, rapporte qu'à cette époque, Ṭuġtakīn avait à faire face à des diffi (...)

16Lorsque la trêve expira, en ṣafar 515/avril-mai 1121, Ilġāzī était occupé par un combat contre les Géorgiens, auprès de Tuġril Ier, frère du sulṭān Maḥmūd15. De son côté, Ṭuġtakīn, maître de Damas et deuxième pilier des expéditions contre les Francs, était, lui-aussi, occupé par le règlement de quelques affaires au sud de sa principauté. En 514/1120-1121, il se fit livrer Tadmur/Palmyre. En ǧumādā I 515/juillet-août 1121, il dirigea une incursion contre un groupe de Francs, en tua et en prit en captivité un nombre considérable. Cette incursion dut être menée au sud de la principauté de Damas, mais aucune de nos sources ne précise le lieu de cette attaque16. Comme à l'accoutumée, Ṭuġtakīn envoya quelques-uns de ses prisonniers et une part du butin qu'il avait ramassé au sulṭān salǧūqide, Maḥmūd, et au calife ‘abbāsside de Bagdad.

  • 17 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 200-201.

17Les Francs, profitant de ce que la piste du nord de la Syrie était libre, lancèrent leurs incursions. Jocelin attaqua al-Aṯārib et la brûla en rabī‘ II 515/juin-juillet 1121 ; tandis que Baudouin II poussait ses attaques jusqu'à la ville d'Alep, il s'empara de plusieurs citadelles, d'al-Nuqra et d'al-Aḥaṣ. La trêve que Sulaymān, fils d'Ilġāzī, et son délégué à Alep, avait accordée aux Francs permit à ceux-ci de s'emparer des plus proches provinces de la principauté17.

IV. MORT D'ILĠĀZĪ B. ARTUQ (516/1122) ET DÉCLIN DES ARTUQIDES À ALEP

  • 18 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 593 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 330 ; IBN AL-ADĪM, 1954, t. 2, p. 205 (...)

18Ce fut seulement à la fin de 515/février-mars 1122 qu'Ilġāzī rentra à Alep pour étouffer la rebellion que son fils Šams al-Dawla Sulaymān fomentait contre lui. Il le remplaça par son neveu Badr al-Dawla Sulaymān b. ‘Abd al-Ǧabbār. Puis il s'occupa de recouvrer les dépendances que les Francs avaient conquises en son absence. Il partit alors en campagne, avec son neveu Balak, fils de son frère Bahrām, et Ṭuġtakīn, maître de Damas. Mais cette campagne n'aboutit pas. Avant même de pouvoir s'emparer de Zardanā qu'ils avaient attaquée, Ilġāzī, atteint de maladie, regagna Alep et Ṭuġtakīn rentra à Damas. Quant à Balak, de retour dans ses territoires où il possédait quelques places fortes près de Mélitène, il attaqua Édesse, mais recula devant la résistance de la ville. Toutefois, Balak ne tarda pas à faire la preuve de sa bravoure. Le gros de son armée s'était dispersée ; il ne lui restait que 400 cavaliers, lorsqu'en raǧab 516/septembre-octobre 1122, il battit les Francs près de Sarūǧ, à la suite de la contre-offensive qu'ils avaient organisée. Leur chef Jocelin et son cousin Galéran, ainsi que soixante cavaliers, furent emmenés en captivité et incarcérés dans la citadelle de Ḫartabirt18.

  • 19 IBN AL-‘IBRĪ, 1890, p. 351.

19Ilġāzī ne se remit pas de sa maladie ; il mourut au début du mois de ramaḍān 516/novembre 1122. Ses dépendances furent partagées, son fils Timurtāš se rendit maître de Mārdīn et son autre fils, Sulaymān, s'installa à Mayāfāriqīn que le sulṭān salǧūqide Maḥmūd avait donnée à Ilġāzī en apanage pour ses campagnes contre les Francs. Quant à Alep, elle resta sous la domination de Sulaymān b. ‘Abd al-Ǧabbār, neveu d'Ilġāzī19.

Sulaymān b. ‘Abd al-Ǧabbār à Alep

  • 20 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 209-210.
  • 21 SIBṬ IBN AL-GAWZĪ, 1951, t. 8, p. 111.

20Désormais, Alep ne pouvait plus espérer de renforts venant de l'Est comme au temps d'Ilġāzī, tout au moins jusqu'à l'avènement d'Āq Sunqur al-Bursuqī. Néanmoins, le pouvoir des Artuqides à Alep touchait à sa fin. Le gouvernement de Sulaymān b. ‘Abd al-Ǧabbār fut très faible. En ṣafar 517/avril 1123, Alep dut céder al-Aṯārib, contre une trêve que Sulaymān venait de conclure avec les Francs20. Alep ne fut pas une proie facile uniquement pour les Francs, mais aussi pour Balak b. Bahrām. Celui-ci venait de vaincre et d'emprisonner Baudouin II qui l'avait attaqué le 19 ṣafar 517/18 avril 112321. Balak marcha sur Alep, ravagea et brûla la récolte de ses provinces, et emmena les habitants en captivité, les réduisant à l'esclavage et à l'asservissement. Une hausse des prix inouïe frappant Alep, la ville se livra d'elle-même à Balak, au début de ǧumādā I 517/fin juin 1123.

Gouvernement de Balak

  • 22 IBN ŠAADĀD, 1953, t. 1, p. 110 ; IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 214-215.

21Balak avait commencé sa campagne contre les Francs d'Antioche lorsqu'il apprit la libération de ses prisonniers à la citadelle de Ḫartabirt, conséquence de la trahison de certains officiers de sa garnison. Le nouveau maître d'Alep quitta la Syrie pour Ḫartabirt ; il recouvra la citadelle, et procéda à l'exécution des Francs et des responsables de cette manœuvre. Il garda seulement les chefs francs suivants : Baudouin II de Bourg, Galéran et un neveu de Tancrède, Jocelin étant parti pour recruter des renforts. Alep eut à subir la vengeance de Jocelin qui revenait à la tête d'une armée de Jérusalem. Les moissons et les arbres, autour de la ville, furent ravagés et brûlés, et plus de 800 chevaux furent dérobés ; les caravanes apportant des provisions en provenance de Šayzar furent interceptées et dévalisées. L'acte le plus humiliant pour la population alépine fut la profanation des tombeaux dans les faubourgs de la ville. En guise de revanche, le cadī Abū al-Ḥasan b. al-Ḫaššāb procéda à la destruction de quatre églises chrétiennes qui s'y trouvaient et les transforma en mosquées22.

22De retour à Alep, en muharram 518/février-mars 1124, Balak témoigna d'une puissance et d'une force admirables. Il rétablit l'ordre à Alep, où la hausse des prix et la misère laissaient libre cours aux brigands et voleurs ; il expulsa d'Alep ceux des Ismā‘īliens qui s'y trouvaient encore.

23Aidé par Ṭuġtakīn de Damas et par l'armée d'Āq Sunqur al-Bursuqī, maître de Mossoul, Balak bloqua les Francs à ‘Azāz. Il est étrange qu'Āq Sunqur ait aidé le maître d'Alep, cité qui s'était refusée à lui en 513 h. Or, la réapparition d'Āq Sunqur al-Bursuqī en Syrie pourrait être expliquée par ses visées sur Alep, comme par son ancienne promesse d'aider Ṭuġtakīn contre les Francs et de participer au ǧihād. Toutefois, la campagne contre ‘Azāz échoua et les musulmans se dispersèrent.

24Peu de temps après cet épisode, Balak prit sa revanche et fut vainqueur des Francs près de Manbiǧ, qu'il venait d'attaquer, et dont le maître avait demandé l'assistance de Jocelin de Tall Bāsir. Mais Balak fut tué au siège de Manbiǧ. Son cousin, Timurtāš, qui l'aidait à Manbiǧ, lui succéda à Alep en rabī‘ I 518/avril-mai 1124.

Timurtāš, dernier prince artuqide à Alep

  • 23 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 223-230.

25La période de gouvernement de Timurtāš fut l'une des plus pénibles qu'Alep ait vécue. Baudouin II et les autres prisonniers francs que Balak avait transférés dans la citadelle d'Alep se firent libérer par ruse. Le chiite Dubays b. Ṣadaqa, maître de Hilla, étant entré en guerre contre le sulṭān Maḥmūd et le calife ‘abbāsside de Bagdad al-Mustaršid, et ayant été battu par ces derniers, avait trouvé refuge chez Sālim b. Mālik à Qal‘at Ǧa‘bar. Il avait projeté de se dédommager en prenant possession d'Alep : il collabora donc avec Baudouin II de Bourg et Jocelin. La coalition franco-musulmane attaqua Alep de tous les côtés, ravageant, brûlant, tuant et procédant à maintes exactions et profanations. Les Alépins vécurent des moments horribles ; la disette et la maladie envahirent la ville. Ibn al-‘Adīm rapporte qu'on mangeait les chiens et les morts. Timurtāš, étant à Mārdīn pour recruter des effectifs, et ayant appris la mort de son frère Sulaymān, demeura sourd aux sollicitations des Alépins et ajourna sa rentrée à Alep pour s'emparer de Mayāfāriqīn, héritage de Sulaymān. On fit alors appel à Āq Sunqur al-Bursuqī. Dès qu'Āq Sunqur se fut approché d'Alep, Dubays s'en éloigna avec les Francs, laissant les Alépins s'emparer de leur équipement. Āq Sunqur, quant à lui, poursuivit les fuyards jusqu'à ce qu'ils fussent bien loin d'Alep, puis rebroussa chemin sans vouloir engager le combat. Il savait Alep trop faible pour recevoir l'armée d'Āq Sunqur, au cas où elle serait vaincue par Dubays et les Francs. En ḏū al-ḥiǧǧa 518/janvier-février 1125, Alep se rendit à Āq Sunqur al-Bursuqī23.

V. AMBIGUÏTÉ POLITIQUE DE ṬUĠTAKĪN À L'ÉGARD D'ILĠĀZĪ

26Les événements témoignaient de la faiblesse de Damas. La participation de Ṭuġtakīn à la guerre sainte, en faveur de laquelle il avait lancé un appel en 513/1119-1120, fut minime, ce qui nous amène à croire que les incursions des Francs dans le sud de sa principauté n'avaient pas cessé. Mais cela n'expliquait qu'en partie l'inefficacité de Damas dans les campagnes d'Ilġāzī contre les Francs. Aucune de nos sources ne justifie le fait que Ṭuġtakīn n'avait pas participé à la première campagne d'Ilġāzī contre les Francs à la mi-rabī‘ I 513/fin juin-début juillet 1119. Pour Ibn al-Qalānisī, le retard de Ṭuġtakīn fut une des raisons qui empêcha la prise d'Antioche. On peut donc penser que Ṭuġtakīn voulait affaiblir l'existence des croisés en Syrie méridionale, sans toutefois laisser se développer le pouvoir d'un prince turc en Syrie du Nord. Il est vrai qu'Ilġāzī dirigeait les expéditions musulmanes sans être appuyé par la puissance salǧūqide centrale. Mais ses succès pouvaient arranger ses relations avec l'Empire salǧūqide et accroître sa force et, par conséquent, il pouvait présenter un danger pour Ṭuġtakīn.

27En 515/1121-1122, la neutralité de Ṭuġtakīn face aux incursions franques contre Alep s'explique, puisqu'il était effectivement occupé au sud contre les Francs. En 516/1122, la mort d'Ilġāzī mit fin aux relations de Ṭuġtakīn avec les Artuqides. Néanmoins, Ṭuġtakīn réapparut, au nord de la Syrie, aux côtés de son ancien allié, Āq Sunqur al-Bursuqī, mais ne tarda pas à regagner Damas après avoir essuyé une défaite à ‘Azāz en 519/1125.

  • 24 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 332.
  • 25 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 618 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 335.

28Cependant, Ṭuġtakīn avait des rapports difficiles avec le gouverneur de Homs, Ḫirḫān b. Qarāǧa. En effet, Homs dépendait toujours de la principauté de Damas mais Ḫirḫān, nous l'avons vu, essayait d'échapper au pouvoir qu'exerçait Damas sur lui. À la fin de ṣafar 517/fin avril 1123, Ẓahīr al-Dīn Ṭuġtakīn attaqua le faubourg de Homs, le pilla et le brûla. Mais l'arrivée d'un chef turcoman, Tuġān Arslān b. Ḥusām al-Dawla, au secours de Ḫirḫān, obligea Ṭuġtakīn à regagner Damas24. Cette même année mourut le gouverneur de Hama, Maḥmūd b. Qarāǧa, lors de son incursion contre Apamée. Ẓahīr al-Dīn expédia une armée et un gouverneur pour s'en emparer25.

VI. COLLABORATION ÉGYPTO-DAMASCAINE

29L'émir de Damas était impuissant à affronter seul le danger franc. Par son alliance avec Ilġāzī b. Artuq, Ṭuġtakīn espérait frapper un grand coup contre les Francs de Jérusalem. Or, toutes les expéditions d'Ilġāzī s'étaient limitées au nord de la Syrie. Ses effectifs, composés essentiellement de Turcomans intéressés par le butin, se désagrégeaient très vite, rendant impossible la continuation des opérations.

  • 26 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 589-590.

30D'un autre côté, la collaboration de Ṭuġtakīn avec les Fāṭimides d'Égypte n'aboutit à aucun résultat d'importance. L'escadre égyptienne qui était arrivée à Tyr en 1119, et les renforts d'Ascalon, s'étaient bien rangés sous les ordres de Ṭuġtakīn, mais cette unité se dissocia avant toute rencontre avec les Francs. En 515/1121-1122, des troubles éclatèrent en Égypte à la suite de l'assassinat de son vizir al-Afḍal b. Badr al-Ǧamālī. La lutte contre les Francs de la Syrie ne fut pas parmi les premiers soucis du nouveau vizir, al-Baṭā‘iḥī26.

  • 27 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 335, précise que le chambellan fut envoyé en ramadan 517/23 octobre-21 n (...)
  • 28 IBN MUYASSAR, 1981, p. 95.

31Néanmoins, on pouvait encore croire que la capture de Baudouin II, roi de Jérusalem, par Balak b. Bahrām en ṣafar 517/avril 1123, allait servir Damas. Or, les Francs témoignèrent d'une très bonne organisation : l'absence de leur chef n'était pas pour les désorienter. Toutefois, Ṭuġtakīn essaya de se servir de la captivité de Baudouin II et envoya son émissaire, le chambellan ‘Alī b. Ḥāmid, en Égypte pour solliciter une aide27. On envoya par terre, une armée, et par mer, une flotte, regroupant, selon al-Maqrīzī et Ibn Muyassar, 40 navires, pour attaquer les Francs de Jérusalem28.

  • 29 Voir IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 322, note 2 : Guillaume de Tyr rapporte qu'une flotte vénitienne ét (...)
  • 30 AL-MAQRĪZĪ, 1973, t. 3, p. 101.

32Le chef de l'armée de terre, Ḥusām al-Mulk, sortit d'Ascalon et fit plusieurs raids contre Jaffa. Mais il se fit poursuivre par les Francs jusqu'à Tubnā, dans le Ḥawrān, où il fut vaincu. De la même manière, la flotte égyptienne fut battue par une flotte vénitienne. Ibn al-Qalānisī fait allusion à l'arrivée d'une flotte des croisés en 514/1120-1121, sans toutefois préciser son identité ni son lieu d'ancrage29. À l'inverse, selon al-Maqrīzī30, la flotte égyptienne rentra en Égypte en ša‘bān 517/septembre-octobre 1123, sans avoir perdu aucun de ses hommes, avec des prisonniers francs et deux des navires de la flotte vénitienne.

  • 31 PRAWER, 1969, p. 306.

33Quoi qu'il en soit, cette campagne fut un échec, témoignant de l'incapacité de l'Égypte à défendre ses dépendances sur la côte palestinienne. Ce fut, pour les Francs, l'occasion rêvée de se rendre maîtres de Tyr, base principale de la flotte égyptienne. Les efforts continuels des Francs pour s'emparer de Tyr, depuis 1107 échouaient31. Recevant des renforts maritimes du côté égyptien et d'autres par terre de Damas, Tyr demeurait une conquête difficile jusqu'en 1124.

Échec de la tentative de Damas pour sauver Tyr

  • 32 AL-ḎAHABĪ, ms. 226, fol. 103-104 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 199 b.

34Tyr dépendait à la fois de Damas et de l'Égypte fāṭimide. L'émir Sayf al-Dawla Mas‘ūd y gouvernait depuis 1112 pour le compte de Ẓahīr al-Dīn Ṭuġtakīn, tout en continuant à faire la ḫuṭba et à frapper la monnaie au nom du calife fāṭimide al-Āmir bi-Aḥkām Allāh. En 516/1122, ayant reçu de Tyr des accusations mettant en cause Mas‘ūd, les Fāṭimides s'emparèrent de celui-ci, par ruse, et le remplacèrent par un de leurs délégués32.

35La défaite de la flotte égyptienne face à l'escadre vénitienne mettait en cause la capacité de Tyr à recevoir des renforts ou de l'approvisionnement par mer. Baudouin II, désormais roi de Jérusalem au sud et, en même temps, régent d'Antioche au nord, voulait mettre la main sur Tyr qui gênait les voies de communication entre le nord et le sud. L'occasion était très favorable.

36Effrayé par le rassemblement des troupes franques, le nouveau gouverneur de Tyr alerta ses supérieurs en Égypte. Ceux-ci sollicitèrent de nouveau l'intervention de Damas. Ṭuġtakīn délégua une armée à Tyr, mais la convoitise des Francs se précisa. On bloqua la ville en rabī‘ I 518/avril-mai 1124, par mer et par terre. La tentative de Ṭuġtakīn pour faire une diversion depuis Bāniyās échoua. Les appels au secours aux Fāṭimides d'Égypte restèrent sans réponse. Au bout d'un siège de trois mois environ, les vivres commencèrent à manquer : la perte de Tyr était certaine. Ṭuġtakīn engagea, alors, des pourparlers avec les Francs, leur promettant la livraison de la ville, moyennant la vie sauve pour les civils et les militaires qui s'y trouvaient. À la fin de ǧumādā I 518/juillet 1124, Tyr devint une dépendance franque.

  • 33 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 624.

37Certes, le siège de Tyr avait duré, mais la ville fut d'une prise facile. Les efforts des musulmans pour la dégager avaient été insignifiants. D'ailleurs, Tyr intéressait moins les Fāṭimides d'Égypte que Ṭuġtakīn de Damas. La défense par mer de Tyr, au cœur des dépendances franques, risquait de coûter très cher à la flotte égyptienne. De même, la construction des châteaux forts francs autour de Tyr, tel que celui de Tibnīn, qui surveillait la route entre Tyr et Bāniyās, décourageait une action de défense damascaine partant de Bāniyās. De plus, les récoltes de l'année, spécialement sèche, s'annonçaient très mauvaises, aussi bien en Iraq et en Djéziré qu'en Syrie. Tyr n'était pas en mesure de payer Damas en échange d'une participation à sa défense33.

Les Francs attaquent Damas

  • 34 SEVIM, 1966, p. 213-214.
  • 35 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 628-633 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 341 ; SIBṬ IBN AL-GAWZĪ, 1951, t. (...)
  • 36 IBN AL-‘IBRĪ, 1890, p. 352

38La prise de Tyr n'affecta pas l'opinion à Damas mais ses conséquences ne tardèrent pas à se faire sentir dans la ville. En effet, après la chute de Tyr, Baudouin II se mit à la recherche d'autres actions de conquêtes à mener. Alep, qui menaçait en permanence Antioche dont il fut le régent, lui paraissait une proie facile, en l'absence de son maître Timurtāš. Nous avons rapporté plus haut la défaite des Francs face à Alep et la prise du pouvoir sur la principauté par Āq Sunqur al-Bursuqī, maître de Mossoul. La conjonction de Mossoul et d'Alep permit à ce dernier d'acquérir une puissance relative. Cette puissance apportait un certain soulagement aux émirs de la Syrie du Nord, tels que les Munqiḏites de Šayzar, menacés en permanence par une attaque franque. Elle aurait pu effrayer Ṭuġtakīn, maître de Damas, qui craignait une mainmise de Mossoul sur ses dépendances. Mais l'évolution des événements et la capacité d'action accrue des croisés firent que cette puissance représenta un espoir même pour Damas. Espoir qui se dissipa très vite avec l'assassinat d'Āq Sunqur al-Bursuqī en ḏū al-qa‘da 520/novembre-décembre 1 12634. Ayant été battu, en 519/1125, par les Francs à ‘Azāz, Āq Sunqur partit à Mossoul pour y lever des troupes et mener une nouvelle campagne contre les Francs ; il y fut tué par les Ismā‘īliens35. Ibn al-‘Ibrī36 raconte à ce sujet une anecdote un peu étonnante : le maître d'Antioche avait envoyé des messagers pour avertir le fils d'Āq Sunqur Mas‘ūd de l'assassinat de son père. Il s'avéra que les Francs en étaient déjà informés, ce qui prouve l'excellence de leurs services d'information.

39La défaite des Francs lors de leur expédition sur Alep en 518/printemps 1124 n'avait pas considérablement réduit leur capacité d'action. De retour à Jérusalem, Baudouin II commença à faire des préparatifs pour attaquer Damas. Les incursions des troupes franques frappèrent d'abord le Ḥawrān. Ẓahīr al-Dīn mobilisa toutes ses forces, et écrivit aux émirs des Turcomans et aux gouverneurs des provinces éloignées, sollicitant leur assistance. Lorsqu'il dressa son camp à Marǧ al-Ṣuffar, le 27 ḏū al-ḥiǧǧa 519/24 janvier 1126, son armée s'était sérieusement renforcée. 2 000 cavaliers turcomans étaient venus grossir l'armée de Ṭuġtakīn, sans oublier les aḥdāṭ de Damas, les hommes de la Ġūṭa, du Marǧ et des provinces limitrophes, ainsi que des Ismā‘īliens venus de Homs et d'ailleurs.

  • 37 Suḥūrā : à une quinzaine de kilomètres au sud de Damas ; DUSSAUD, 1027, p. 317-318.

40Les Francs, remontant depuis Baysān et Tibériade vers Marǧ al-Ṣuffar, campèrent en face de l'armée musulmane, dont l'importance des effectifs les impressionna ; ils s'éparpillèrent à la première attaque lancée par un détachement de Turcomans. Les troupes de Ṭuġtakīn poursuivirent les fuyards et firent un abondant butin, équipement et bêtes de somme. Ils s'emparèrent aussi de la tente-église dans le camp des Francs. Puis Ṭuġtakīn tomba de cheval ; ses compagnons, le croyant mort, reculèrent et les cavaliers francs les pourchassèrent jusqu'au col de Suḥūrā37. La tombée de la nuit arrêta la poursuite. De retour dans leur camp, les Francs constatèrent de grosses pertes et retournèrent dans leur territoire.

  • 38 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 640 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 215 a.

41Aucun des deux partis n'avait remporté la victoire. À part le butin considérable que les musulmans avait ramassé, cette bataille témoigna de leur inefficacité. En effet, l'armée de Ṭuġtakīn était faible ; les Turcomans, eux, étaient motivés, a priori, par le butin ; leur dispersion fut très facile. Quant aux civils et jeunes gens de Damas, cette rencontre démontra leur inaptitude au combat. Il faut d'ailleurs remarquer que, depuis le début de la période qui fait l'objet de notre étude, ce fut l'une des rares fois où les gens de Damas, jeunes gens et volontaires, participèrent à un combat. Quoi qu'il en soit, Damas échappa à la mainmise franque, tandis que Rafaniyya, sa dépendance du nord, tomba, cette même année, aux mains des croisés38.

VII. TROUBLES À DAMAS : LES ISMĀ‘ĪLIENS

42On a déjà rapporté les actions des Ismā‘īliens qu'on appelait aussi Bāṭiniens, au Ḫurasān, où ils avaient été persécutés par le vizir Niẓām al-Mulk au temps du sulṭān salǧūqide Malik Šāh. Plusieurs de leurs citadelles leur furent enlevées. Par la suite, les Ismā‘īliens trouvèrent refuge à Alep ; la population, à majorité chiite, les accepta facilement. Même le Salǧūqide Ruḍwān b. Tutus, maître de la ville, les protégeait et les utilisait pour exécuter des assassinats de personnages importants. Au temps de son fils, Alp Arslān, la puissance des Ismā‘īliens fut réduite à Alep. Les membres de la secte qu'avaient épargnés les exécutions pratiquées à Alep vivaient dans le plus grand secret, mais sans perdre l'audace ni le courage de faire de la propagande pour leur secte, n'hésitant pas à tuer tous ceux qui les désapprouvaient.

  • 39 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 342, ne donne aucun détail sur l'action des Ismā‘īliens à Alep au temps (...)
  • 40 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 343 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 215 a-b ; AL-ḎAHABĪ, ms. 226, fol. 107

43Au temps du gouvernement d'Ilġāzī à Alep, la conduite de Bahrām, propagandiste de la secte, devenait si insupportable qu'Ilġāzī, en accord avec Ṭuġtakīn, l'expédia à Damas39. Là, Bahrām n'avait pas à se dissimuler. Il faisait librement de la propagande et réunit un grand nombre de gens autour de lui. La puissance des Ismā‘īliens se développa et devint de plus en plus menaçante, puisqu'ils arrivèrent à s'entendre avec le vizir de Ẓahīr al-Dīn Ṭuġtakīn, Abū ‘Alī Ṭāhir al-Mazdaqānī b. Sa‘d al-Mazdaqānī. Sans être adhérent de la secte des Ismā‘īliens, celui-ci leur apporta un si grand appui qu'ils arrivèrent à obtenir que Ṭuġtakīn leur cédât l'importante citadelle de Bāniyās en ḏū al-qa‘da 520/novembre-décembre 112640.

  • 41 SIBṬ B. AL-GAWZĪ, 1951, t. 8, p. 118-119.
  • 42 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 632

44Dans son Mir'āt al-Zamān, le chroniqueur Sibṭ b. al-Ǧawzī reproche durement à Ṭuġtakīn son action ; pour lui, le don de Bāniyās aux Ismā‘īliens fut un acte si mauvais qu'il effaçait à ses yeux toute la reconnaissance qu'on devait à ce prince pour ses qualités personnelles et sa bienveillance41. La réprobation des hommes de religion sunnite à Damas était évidente, mais nul n'osait se manifester42.

VIII. FIN DU RÈGNE DE ṬUĠTAKĪN (522/1128)

45La fin du règne de Ṭuġtakīn atabeg, maître de Damas, fut marquée par la lutte contre deux dangers, à l'ouest et au sud, les Francs, et au nord et à l'est, le risque d'une emprise des émirs de la Djéziré, de Mossoul, ou même de la puissance centrale de l'Empire salǧūqide sur Damas.

  • 43 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 344-345 ; IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 643 ; SIBṬ B. AL-ǦAWZĪ, t. 8, 195 (...)

46En 521/1127, Damas fut sérieusement menacée par la forte volonté d'expansion du maître de Mossoul. En effet, ‘Izz al-Dīn Mas‘ūd, fils et successeur d'Āq Sunqur al-Bursuqī, manifestait ouvertement sa puissance. Il nourrissait le projet de se rendre maître absolu de toute la Syrie. Il lui fallait, donc, se débarrasser de Ṭuġtakīn et prendre la tête de la guerre sainte contre les Francs. Ṭuġtakīn se prépara évidemment à affronter ce nouvel adversaire mais il n'eut même pas à le faire puisque le sort décida à sa place. En effet, ‘Izz al-Dīn Mas‘ūd avait attaqué al-Raḥba, avant de se lancer dans une campagne de Syrie, lorsque la maladie le foudroya pendant qu'il assiégeait la ville. Le maître d'al-Raḥba avait d'ailleurs capitulé lorsque la nouvelle de la mort de ‘Izz al-Dīn Mas‘ūd lui parvint. L'armée de Mas‘ūd se dispersa ; une partie rallia Ṭuġtakīn et se joignit à ses troupes43.

47Ainsi, l'extension d'un État syro-mésopotamien intégrant Damas ne put avoir lieu que grâce à Nūr al-Dīn Maḥmūd b. Zankī, fils de Imād al-Dīn, en 1154.

  • 44 LE TOURNEAU, 1952, p. 157-176.

48La mort de l'atabeg Ṭuġtakīn d'une grave maladie, le 8 ṣafar 522/12 février 1128, eut un grand retentissement à Damas. Le deuil envahit toute la ville. Pour la première fois depuis le début du règne des Turcs à Damas, la disparition d'un émir provoqua une tristesse et une désolation extrêmes. Le récit du chroniqueur Ibn al-Qalānisī décrivant le chagrin de la population de Damas à la mort de Ṭuġtakīn est émouvant : « Les yeux versèrent des larmes, les cœurs furent meurtris, les bras tombèrent, les entrailles furent déchirées [...]. » Ṭuġtakīn fut l'un des émirs les plus appréciés par la population damascaine. En effet, aucun récit, de disette ou de famine, n'a été rapporté par nos chroniqueurs depuis le début du règne de Ṭuġtakīn, à part quelques hausses des prix, conséquences d'une mauvaise récolte ou de multiples ravages des Francs dans les régions agricoles du Ḥawrān et de la Biqā‘. Ibn al-Qalānisī écrit que sous le gouvernement de l'atabeg Ẓahīr al-Dīn, les affaires de Damas et des provinces qui en dépendaient furent florissantes, grâce à son habile politique. Il améliora les conditions de ses troupes en les laissant bénéficier du produit de la production des terres en jachère et sans propriétaires, qu'il avait fait cultiver44.

***

49Pendant un quart de siècle environ, sous le règne de Ṭuġtakīn, Damas connut un certain ordre et un redressement économique. Mais la situation de Ṭuġtakīn n'avait pas été très facile ; il avait dû défendre en permanence les deux sources principales de ravitaillement de Damas, le Ḥawrān et la Biqā‘, convoités par les Francs. La politique, souvent de bon voisinage, qu'il avait adoptée avec ceux-ci, ne plaisait pas toujours à la cour de Bagdad. Malgré la délicatesse de sa situation, Ṭuġtakīn réussit à obtenir l'investiture officielle comme prince de Damas. Il semble s'être cantonné dans ce rôle de prince de Damas et n'avoir jamais cédé à l'ambition de rassembler toute la Syrie musulmane sous son pouvoir. Il veilla soigneusement à ce qu'aucun autre chef de guerre turc ne réussisse dans un projet de ce type, au détriment de Damas, et pour cela, il conduisit une diplomatie équilibrée entre le sulṭāna salǧūqide à l'Est et les Francs, à l'ouest.

50Ainsi, la politique de Ṭuġtakīn conditionnait les limites géographiques de la principauté de Damas. Les dépendances de cette dernière ne devaient pas être à plus de deux jours de cheval de la ville de Damas. Délai raisonnable pour secourir ces dépendances, puisque le maître de Damas ne disposait pas d'une armée assez nombreuse pour pouvoir laisser dans chaque dépendance une garnison suffisante et permanente. Il comptait donc souvent sur la garnison locale, quitte à envoyer d'urgence des secours en cas de nécessité. De plus, le souci de préserver une autonomie économique et une autosuffisance alimentaire contribuait au tracé des limites de la principauté. Son territoire devait comprendre des régions agricoles riches. Du côté sud, au-delà de la région du Ḥawrān et de sa plaine fertile où abonde la culture des céréales, la principauté s'étendait jusqu'à la ville de Buṣrā. Celle-ci, dotée d'une situation géographique stratégique, fut une importante cité caravanière, très active. Elle recevait les convois d'Arabie et tenait lieu de relais important entre Damas et ‘Ammān. À l'est de Buṣrā, Ṣarḫad faisait aussi partie de la principauté de Damas. C'était la place la plus avancée sur la route partant vers l'Iraq par le désert, reliant Damas à Bagdad. Outre leurs situations stratégiques, ces deux villes, pourvues d'importantes citadelles, assuraient la surveillance des cultures de la région et participaient à la défense de la lisière méridionale de la province de Damas. Du côté sud-ouest, les dépendances de la principauté comprenaient tout le territoire du Ǧawlān et débouchaient par là sur la région de Tibériade, zone d'affrontement entre Damascains et Francs dès la création du royaume latin de Jérusalem en 1099. En remontant vers le nord du côté ouest, Bānīyās constituait une place stratégique dotée d'une importante enceinte et dominée par le château fort de Qal‘at al-Subayba. Elle contrôlait le passage des routes reliant Damas à Tyr et à la Galilée. Elle sortit de la principauté en 1126, deux ans avant la mort de Ṭuġtakīn, par suite d'un don aux Ismā‘īliens, pour y rentrer en 1132 sous ses successeurs. À l'ouest de Damas, les places limitrophes sous obédience fāṭimide ou franque recevant aide et approvisionnement par mer interdisaient à la principauté tout accès à la mer. Ainsi ses limites ouest se situaient en deçà de la bande côtière et, par exemple, en deçà des forteresses de Tibnīn, investie par les Francs, et Šaqīf-Tayrūn, occupée par un gouvernement local. En remontant vers le nord-ouest, on rencontrait la ville de Rafaniyya qui formait un poste frontalier avancé contre les Francs. Cette ville, contrôlant l'accès à toute la région de Tripoli, fut l'objet de disputes permanentes avec les Francs de cette contrée, qui réussirent à l'enlever à la principauté en 1126.

51Partant du nord-ouest vers le nord-est, la principauté de Damas comprenait la région de la Biqā‘, source principale d'approvisionnement en céréales. Ba‘labakk, importante ville-carrefour de nombreuses routes qui traversaient la plaine de la Biqā‘, y commandait la voie de communication entre Damas et Homs. Au-delà de la riche région agricole de Homs, la principauté s'étendait jusqu'au domaine de Hama et de Salamiyya, qu'elle avait enlevé à Ruḍwān, maître d'Alep, en 497/1104.

52Du côté nord-est, Palmyre dépendait aussi de la principauté, et du côté est, cette dernière s'ouvrait sur le désert.

53C'est donc sur cette vaste étendue que Ṭuġtakīn avait dû affirmer son autorité, faire régner son administration et étendre sa protection. Mais à la fin de son règne, une nouvelle menace, représentée par les Ismā‘īliens, pesait sur Damas. La politique passive de Ṭuġtakīn face à cette menace eut des conséquences dangereuses sous ses successeurs.

54À la mort de Ṭuġtakīn, il apparaît clairement qu'il était de plus en plus difficile à ses successeurs de maintenir la même ligne politique équilibrée. La croissance de la puissance des Francs suscitait en effet des réactions de rejet de plus en plus fortes dans le monde islamique, et renforçait le courant unitaire musulman, tout en faisant peser sur Damas une menace directe que ses propres forces ne lui permettraient pas toujours de conjurer seule.

Notes

1 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 588.

2 PRAWER, 1969, p. 296-298.

3 AL-MAQRĪZĪ, 1973, t. 3, p. 509.

4 IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 111 a.

5 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 543-544 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 102 b.

6 PRAWER, 1969, p. 304 ; IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 555.

7 LE TOURNEAU, 1952, p. 147.

8 MICHEL LE SYRIEN, 1963, t. 4, p. 217, rapporte qu'Ilġāzī avait rassemblé une telle multitude de Turcs qu'on ne put les compter. Pour IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 187, Ilġāzī rentra en Syrie à la tête de plus de 40 000 combattants.

9 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 319, rapporte que le nombre des Francs, y compris les Arméniens qui s'étaient engagés dans leurs rangs, dépassait 20 000 hommes.

10 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 553-555.

11 SIBṬ B. AL-ǦAWZĪ, 1951, t. 8, p. 79 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 321.

12 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 193-194.

13 IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 152 a-b.

14 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 587 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 323 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 161 a.

15 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 567.

16 ÉLISSÉEFF, 1967, t. 2, p. 321, rapporte qu'à cette époque, Ṭuġtakīn avait à faire face à des difficultés sur le Ǧawlān.

17 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 200-201.

18 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 593 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 330 ; IBN AL-ADĪM, 1954, t. 2, p. 205-206.

19 IBN AL-‘IBRĪ, 1890, p. 351.

20 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 209-210.

21 SIBṬ IBN AL-GAWZĪ, 1951, t. 8, p. 111.

22 IBN ŠAADĀD, 1953, t. 1, p. 110 ; IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 214-215.

23 IBN AL-‘ADĪM, 1954, t. 2, p. 223-230.

24 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 332.

25 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 618 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 335.

26 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 589-590.

27 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 335, précise que le chambellan fut envoyé en ramadan 517/23 octobre-21 novembre 1123 ; or, cela est impossible parce qu'Ibn Muyassar rapporte que les renforts égyptiens envoyés à Tyr à la demande de Ṭuġtakīn furent vaincus à Tubnā le 2 rabī‘ II 517/30 mai 1123 ; de même, al-Maqrīzī rapporte que la flotte égyptienne rentra en Égypte en ša‘bān 517.

28 IBN MUYASSAR, 1981, p. 95.

29 Voir IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 322, note 2 : Guillaume de Tyr rapporte qu'une flotte vénitienne était parvenue dans le port de Jaffa en 517/1123.

30 AL-MAQRĪZĪ, 1973, t. 3, p. 101.

31 PRAWER, 1969, p. 306.

32 AL-ḎAHABĪ, ms. 226, fol. 103-104 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 199 b.

33 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 624.

34 SEVIM, 1966, p. 213-214.

35 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 628-633 ; IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 341 ; SIBṬ IBN AL-GAWZĪ, 1951, t. 8, p. 116, date l'assassinat d'Āq Sunqur en 519, au lieu de 520.

36 IBN AL-‘IBRĪ, 1890, p. 352

37 Suḥūrā : à une quinzaine de kilomètres au sud de Damas ; DUSSAUD, 1027, p. 317-318.

38 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 640 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 215 a.

39 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 342, ne donne aucun détail sur l'action des Ismā‘īliens à Alep au temps d'Ilġāzī.

40 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 343 ; IBN AL-FURĀT, ms. 814, fol. 215 a-b ; AL-ḎAHABĪ, ms. 226, fol. 107.

41 SIBṬ B. AL-GAWZĪ, 1951, t. 8, p. 118-119.

42 IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 632

43 IBN AL-QALĀNISĪ, 1983, p. 344-345 ; IBN AL-AṮĪR, 1965, t. 10, p. 643 ; SIBṬ B. AL-ǦAWZĪ, t. 8, 1951, p. 126 ; ÉLISSÉEFF, 1967, t. 2, p. 330.

44 LE TOURNEAU, 1952, p. 157-176.

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