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La réforme agraire dans la Ghouta de Damas

 | 
Anne-Marie Bianquis

Troisième partie. La réorganisation de l’Agriculture dans le cadre de la Réforme Agraire

Chapitre 1. Coopératives et syndicats dans l’oasis

Texte intégral

Situation du mouvement coopératif avant la réforme agraire

1C’est au début des années cinquante que se fondent en Syrie les premières coopératives agricoles. Le rapport de la mission de la B.I.R.D. en 1955 fournit un témoignage à la fois sur les lenteurs et les difficultés de ce premier mouvement, et sur l’intérêt qu’il a suscité chez les paysans concernés ; les conseils qu’il contenait constituent d’autre part une référence qui permet de mieux suivre l’évolution du mouvement par la suite.

2Le rapport regrettait le petit nombre des coopératives dans le pays et surtout le manque d’intérêt et même la méfiance que le rapporteur avait cru déceler au niveau des autorités. De nombreux villages avaient fait en vain appel à l’assistance du gouvernement pour la fondation d’une coopérative. Un seul fonctionnaire au Ministère de l’Agriculture était employé à plein temps pour les coopératives. La loi réglant l’existence des coopératives et les statuts proposés étaient trop complexes pour être accessibles aux paysans.

  • 1 La coopérative de Deir al-Attiyé à 80 km au nord de Damas avait été créée par les paysans pour rem (...)

3La mission recommandait l’extension des coopératives, estimant que ce serait le meilleur véhicule du crédit, et un moyen de stimuler le développement d’un esprit démocratique et un sens de l’autonomie chez les paysans, jusque là trop dépendants. Mais elle préconisait la simplification de la loi, la détermination précise des fonctions de la coopérative, soulignant que plus grand serait le nombre de ces fonctions, plus complexe serait la tâche de direction, et plus difficiles seraient le financement et la comptabilité. Tout en reconnaissant que la coopérative à buts multiples coordonnant l’achat des fournitures nécessaires, le crédit, la commercialisation de la production et d’autres services, était un type supérieur d’organisation, la mission conseillait d’organiser d’abord des coopératives à une seule fonction, se fondant sur certaines expériences qui venaient d’être faites dans le pays1 et avaient montré le grand intérêt et même l’enthousiasme des paysans.

4Il fallait de toute façon créer au Ministère de l’Agriculture un département chargé d’encourager et d’aider les coopératives, et créer des équipes de fonctionnaires convaincus ; il fallait aussi développer l’action de la Banque Agricole, et en particulier former des conseillers en matière de crédit qui seraient attachés aux coopératives ; enfin, il fallait effectuer un effort considérable d’éducation des paysans, en demandant éventuellement l’aide de la F.A.O.

5En 1956, paraissait effectivement une nouvelle loi sur les coopératives (traitant de tous les types de coopératives et pas seulement des coopératives agricoles). Elle fixait de manière générale les modalités de constitution, de fonctionnement et de contrôle des associations. C’est cette loi qui servira de base à l’organisation coopérative de la période des réformes.

6Au moment où paraît la première loi sur la réforme agraire en 1958, il existe en Syrie seulement 38 coopératives agricoles. C’est encore bien peu ; mais, fondées sur l’initiative de groupes de paysans, sur le type de société à actions, elles pouvaient fournir des modèles, aider les autorités dans une réflexion sur les besoins des paysans de chaque région, favoriser la prise en main progressive de leurs intérêts par les paysans eux-mêmes, susciter la curiosité des villages voisins. Les changements politiques qui interviennent à partir de 1958, vont accélérer, modifier et uniformiser le mouvement.

La Réforme Agraire et la fondation des coopératives

7A partir de 1958, le mouvement coopératif en Syrie prend un nouveau départ. En effet, selon les propositions contenues dans le rapport de la B.I.R.D., la distribution des terres aux paysans est liée au regroupement de ces nouveaux propriétaires dans des coopératives. D’autre part, les créations de coopératives parmi les paysans qui ne sont pas affectés par la réforme agraire se poursuivent ; ces coopératives sont dites désormais « privées », par opposition à celles qui sont liées aux distributions de terres, qui sont appelées « de la Réforme Agraire ». Dans les premières années le mouvement est marqué par de nombreuses hésitations : celles-ci reflètent les hésitations manifestées dans la conduite même de la réforme, mais tiennent aussi à un manque de préparation, de réflexion sur la forme à donner à ce mouvement, et au manque de soutien tant de la part du personnel des ministères de tutelle que de la part de la Banque Agricole qui était un des rouages essentiels.

8La loi de 1958 plaçait les coopératives agricoles, comme les autres types de coopératives, sous la tutelle du Ministère des Affaires Sociales et du Travail. En 1961, fut effectuée une répartition par ministère spécialisé ; les coopératives agricoles ressortirent alors de deux ministères différents, celui de l’Agriculture pour les coopératives privées, et celui de la Réforme Agraire pour les coopératives de la réforme. La rupture de l’Union avec l’Egypte porta un coup d’arrêt au mouvement. Quelques coopératives seulement avaient pu être fondées dans cette première étape : passés trop vite d’un état de pauvreté et de soumission totale à la propriété indépendante, les premiers bénéficiaires furent des coopérateurs plus passifs que responsables. Le personnel en place dans les deux ministères de tutelle n’avait pas eu le temps d’être formé et était lui-même peu disposé à comprendre la mentalité paysanne. Par ailleurs, les mauvaises conditions atmosphériques de ces années 58-61 ne facilitèrent pas ces premières expériences.

9La loi de 1963 rendit obligatoire pour les bénéficiaires de la réforme l’entrée dans une coopérative. Ce n’est qu’à partir de 1967, lorsque furent accélérées les distributions de terres que les fondations de coopératives purent reprendre. Les coopératives privées durent abandonner leurs anciens statuts pour se conformer à un modèle proche de celui des coopératives de la Réforme Agraire.

10C’est désormais ce type de coopérative qui est le point d’ancrage du secteur socialiste en cours de création. Il était prévu que les coopératives privées s’y rattacheraient peu à peu, plus ou moins spontanément, et qu’à plus long terme, des fermes collectives regrouperaient dans de grandes exploitations les terres des coopérateurs. Le travail et la production y seraient assurés en commun et l’étape initiale de la réforme, la distribution de mini-propriétés aux paysans, étape nécessaire sur le plan politique mais où la rentabilité économique ne pouvait être atteinte, serait ainsi dépassée. En fait, les seules formes collectives d’exploitation qui virent le jour furent quelques coopératives de production. Mais, pour le reste, la mise en place des coopératives de la Réforme Agraire eut pour effet d’encourager l’investissement individuel dans le cadre d’une petite exploitation à la mesure des petites propriétés distribuées par la réforme.

11L’unification et l’extension du mouvement coopératif progressèrent par étapes. Dès 1967, les deux ministères de l’Agriculture et de la Réforme Agraire fusionnèrent et les deux types de coopératives furent désormais administrés par une même direction. Les années 68 et 69 sont les plus fertiles en fondations de coopératives de la Réforme Agraire tandis qu’encouragé par le gouvernement et les offres de crédit beaucoup plus importantes faites par la Banque Agricole, le mouvement de création de coopératives privées reprend. En 1970, il existait 1017 coopératives, 449 appartenant à la Réforme Agraire et 568 au secteur privé. Ce n’est qu’en 1972 que disparut la distinction entre les deux types. Les fondations se poursuivirent jusqu’en 1973 où le total des coopératives pour l’ensemble du pays était de 1725.

12A travers les déclarations de principe et les expériences pratiques, un modèle de coopérative s’est peu à peu imposé, ambitieux dans les textes, modeste peut-être mais utile dans la réalité concrète. La coopérative syrienne est une coopérative de services, qui regroupe d’anciens ou nouveaux petits propriétaires ; elle est administrée par un conseil élu par l’ensemble des membres ; à ce conseil est adjoint un mušrif ou surveillant, fonctionnaire du Ministère de l’Agriculture, qui a en général la charge de plusieurs coopératives. De plus, la coopérative doit appointer, en partie au moins, un comptable qui vérifie ses comptes. Un mince capital de départ est constitué par les parts versées par les coopérateurs — une « action » de 10 L.S. par hectare. Les autres ressources financières viennent des services rendus par la coopérative ; ces services peuvent couvrir tous les aspects de la vie agricole, fourniture de produits, engrais ou semences, obtention de crédit, culture, irrigation, amélioration des sols, récolte, commercialisation. Lorsque la coopérative s’est vu attribuer du matériel tel que tracteurs ou moto-pompes, elle le loue à ses membres ou aux paysans voisins. Mais son rôle essentiel est d’être une coopérative de crédit ; elle rassemble les demandes des membres, exprimées sous la forme d’un plan de production, visé par le Ministère et transmis à la Banque Agricole. Celle-ci accorde les crédits annuels selon les superficies et les cultures indiquées dans le plan, en fonction de normes fixes. Elle accorde également des crédits à moyen et long terme pour les plantations d’arbres, l’achat de matériel agricole ou de vaches laitières. Elle consent tous ces prêts à un intérêt de 4 % au lieu du taux habituel de 5 % ; la coopérative garde ce 1 % de réduction comme prix du service rendu. Dans certains cas, surtout dans les régions de grande culture céréalière ou cotonnière, la coopérative se charge de commercialiser les récoltes, c’est-à-dire de transporter et de faire enregistrer les quantités produites à l’usine ou au dépôt. Dans les deux cas la coopérative a donc un rôle d’intermédiaire entre le paysan et les organismes d’Etat, banque ou offices du blé, du coton ou du sucre. Dans le domaine du crédit, ce rôle est essentiel car le paysan peut ainsi se libérer de la dépendance envers le commerçant et se permettre des investissements qui étaient jusque-là hors de sa portée. Le fait que la banque ne consente pas d’avances sur la récolte a cependant empêché le paysan de rompre tout à fait sa dépendance envers le commerçant en gros qui, seul, lui rend ce genre de service. Dans le domaine de la commercialisation, l’intervention de la coopérative a surtout un aspect pratique, puisque le marché des grands produits agricoles est entre les mains de l’Etat. Les coopératives n’interviennent pas sur le marché libre, celui des fruits et des légumes, ou celui du lait par exemple.

13Le développement de l’esprit d’initiative, ou tout simplement de l’esprit coopératif, fut difficile à susciter chez les coopérateurs. Les responsables se heurtèrent à l’individualisme de petits propriétaires cherchant à tirer le maximum de profit de l’institution ; les prêts consentis par la banque servaient souvent à tout autre chose qu’aux besoins de l’agriculture, les remboursements étaient difficiles à obtenir, ce qui a contraint à exercer une surveillance renforcée. Trop limités dans leurs ressources en surface et en revenus, trop peu au fait des mécanismes du marché, les paysans sont passés de la tutelle du grand propriétaire et du commerçant à celle du fonctionnaire représentant l’Etat ; ils n’avaient ni les moyens ni la volonté de se débarrasser de l’intermédiaire commerçant ou entrepreneur de récoltes. Il furent rebutés par l’aspect bureaucratique et comptable du fonctionnement de la coopérative. L’uniformisation qui fut imposée du modèle de coopérative, ralentit les quelques initiatives qui avaient marqué les débuts du mouvement. D’autre part, la petite taille des exploitations empêchait de rentabiliser des investissements destinés à moderniser l’agriculture. Or les paysans n’étaient pas prêts à s’intégrer dans une forme plus large et plus socialiste d’exploitation. Un immense effort d’éducation restait donc à faire. Ce devait être en particulier le rôle des deux grandes organisations paysannes qui se développèrent au cours des années soixante.

Les organisations paysannes : union de coopératives et union syndicale

14Il fallait, en effet, donner confiance au paysan, lui apprendre à tirer parti à la fois de sa nouvelle situation juridique, telle qu’elle avait été définie dans la loi des Relations Agricoles de 1958, et des nouvelles possibilités économiques qui lui étaient offertes ; il fallait enfin en faire un membre conscient de la classe paysanne et un soutien du parti. Cet effort d’éducation fut le fait de la Fédération Nationale des Coopératives, organisation à but économique et technique d’une part, et de l’Union Générale des Paysans, organisation syndicale de classe à but socio-politique d’autre part.

15La première de ces organisations représente une tentative pour structurer le mouvement coopératif et l’aider à se développer. Les unions départementales des coopératives, réunies au sommet en une Fédération Nationale, ont joué un triple rôle : rôle de soutien d’abord, auprès de coopératives en difficulté, auxquelles elles offraient assistance technique et financière ; ou auprès de toute coopérative, qui pouvait obtenir des prêts supplémentaires sans intérêts. Rôle de regroupement ensuite, pour pallier les inconvénients du morcellement de la propriété ; certaines unions ont créé des stations de matériel lourd dont elles assuraient l’entretien et qu’elles mettaient à la disposition des coopératives ; d’autres ont essayé de centraliser et de commercialiser des récoltes comme les pommes de terre, les raisins, les lentilles ou le riz, ou conclurent des contrats avec des usines de mise en conserve de légumes. Rôle de formation technique enfin, pour les cadres des coopératives, à l’intention desquels furent organisés des stages de formation comptable.

16La Fédération connaît un essor très net vers 1968-69, mais dès le début des années soixante-dix, elle souffre d’un manque de soutien de la part du gouvernement et, en conséquence, d’un manque de moyens. C’est à la même époque d’ailleurs qu’un Institut Coopératif, organisé en coopération avec la F.A.O., s’ouvrit à Damas pour ne fonctionner que deux ans, de 1970 à 1972. Destiné à former le personnel des coopératives et à aider le gouvernement syrien dans son programme de développement rural, cet institut était bien dans la ligne des recommandations faites par la mission de la B.I.R.D. avant le début de la réforme agraire. Mais, alors que se formait peu à peu le personnel compétent au niveau du village comme de l’administration, le gouvernement retira son soutien à la Fédération des Coopératives ainsi qu’au projet de la F.A.O. pour pousser à l’unification de la classe paysanne tout entière sous l’égide de l’Union Générale des Paysans.

17L’Union avait été fondée en 1964 pour regrouper les nouveaux syndicats paysans créés après la Révolution du 8 mars 1963. Il fallait en effet structurer la classe paysanne, en faire une force organisée capable de jouer un rôle actif dans la nouvelle société et dans le processus de transformation socialiste. Le syndicat devait donc regrouper tous les types de paysans, propriétaires, locataires, ouvriers agricoles ; il devait être le moyen d’intégrer le paysan dans l’Etat.

18Le rôle de l’organisation fut donc très divers.

  • Nous avons vu plus haut l’intervention de ses représentants aux diverses étapes de l’application des nouvelles lois agraires : à partir de 1967 ils participèrent à toutes les commissions locales chargées des enquêtes sur les futurs bénéficiaires, et aux opérations de contrôle des distributions de terres.
  • D’autre part le syndicat local assure la défense des droits du paysan dans le cadre des nouvelles relations agricoles, réglant les conflits entre propriétaires et métayers ou ouvriers. Cette loi fixait les conditions d’embauche de travail, de licenciement, les droits aux congés, aux indemnités pour tout ouvrier permanent. Elle fixait les obligations respectives des deux contractants d’un bail rural et les parts qui devaient revenir à chacun d’eux sur les récoltes dans chaque type de culture. Enfin elle fixait les conditions de réglement des litiges dans le cadre du syndicat.

19Le métayer, le locataire, l’ouvrier sont donc désormais protégés, soutenus face au propriétaire. Les dispositions de la loi et le soutien du syndicat rendent la rupture d’un contrat de la part d’un propriétaire ou le renvoi d’un ouvrier très difficiles. Seul l’ouvrier temporaire embauché sans contrat ne jouit pas de cette protection. La situation est donc radicalement renversée par rapport à la période précédant la réforme. L’insécurité n’est plus le lot du paysan, même si les termes du bail ne sont pas toujours respectés de part et d’autre.

  • L’Union assure ensuite une mission d’éducation des paysans sur le plan politique, social et culturel ; elle organisa des sessions de formation d’un mois dans les « Instituts de culture paysanne » créés dans chaque mouhafazat à partir de 1969. Ces stages s’adressaient souvent aux cadres des coopératives, comme ceux que proposait, à Damas, l’Institut de Mars pour la culture paysanne.
  • Enfin l’Union, par sa participation à toutes les commissions nationales ayant trait aux relations agricoles, à la fixation des salaires, à la fixation des prix des produits agricoles, symbolisa l’intégration des paysans dans le nouvel Etat.

20Il existait des différences importantes aussi bien dans le recrutement que dans l’esprit des deux organisations. Alors que les coopératives recrutaient des moyens et petits propriétaires, les syndicats avaient une clientèle composée surtout de paysans sans terres, ouvriers ou métayers, qui éprouvaient davantage le besoin d’une protection. Le syndicat, beaucoup plus que la coopérative, représentait le lien avec le parti et devait donc être, dans la perspective d’une idéologie socialiste affirmée, le point de contact privilégié.

21A partir de 1970, le nombre des syndicats s’accrût beaucoup plus rapidement que celui des coopératives : de près de 1.200 en 1968, ce nombre passe à presque 3.000 en 1973 pour 215.000 adhérents. C’est à cette date que fut décidée la fusion des deux formes de regroupement des paysans en une unique « association paysanne ».

La restructuration du mouvement coopératif

22La loi n° 21 sur l’organisation paysanne parut en avril 1974 : la Fédération des Coopératives était absorbée par l’Union des Paysans qui ajoutait désormais à ses diverses activités la mission d’organisation technique et économique qui était celle de la Fédération et des unions de coopératives. L’introduction à la loi fait état de la réalisation des lois objectives de la société socialiste, de la nécessité d’élargir les bases de l’organisation paysanne, de clarifier sa mission et ses buts : l’association paysanne doit être le point de fusion entre les masses paysannes et le parti ; elle doit aussi participer à la réalisation de la révolution agricole et contribuer à l’exécution des plans de l’Etat dans l’agriculture.

23Il y eut donc désormais une coopérative par village ; le seul classement retenu fut celui des buts de l’association ; les plus nombreuses sont les coopératives "à buts multiples" ; qui correspondent à la coopérative de services décrite plus haut ; les autres sont des coopératives spécialisées, c’est-à-dire des coopératives d’élevage. L’adhésion est toujours libre, sauf dans le cas de bénéficiaires de la réforme. Les coopérateurs souscrivent des actions — 10 L.S. par hectare et 20 L.S. au dessus de 8 hectares en terre irriguée ; 10 L.S. pour 3 hectares et 20 L.S. au-dessus de 30 hectares en terre non irriguée — ; ces limites de 8 et 30 hectares représentent le plafond des attributions de terres faites par la réforme. Pour les coopératives spécialisées, l’action vaut 20 L.S., la souscription obligatoire est d’une action pour une vache importée ou deux vaches locales, ou encore dix moutons ou vingt chèvres de montagne. La participation minima est d’une action et permet à un paysan sans terre d’obtenir du fourrage pour ses bêtes. La culture reste l’affaire du seul paysan ainsi que la vente des produits non soumis au marché d’Etat. Un paysan peut être inscrit à une coopérative de chaque type, et même à deux coopératives du même type s’il possède des terres dans deux villages différents.

24Pour répondre aux autres objectifs définis dans l’introduction de la nouvelle loi, l’appareil politique de l’ancienne Union syndicale prit le pas sur l’appareil technique des Unions de coopératives. L’Union des Paysans est désormais une des organisations du parti ; la fusion a entraîné des réductions de personnel qui ont touché surtout le personnel technique du Ministère de l’Agriculture ; par contre, l’effectif du personnel bureaucratique a beaucoup augmenté pour faire face à l’accroissement du nombre des associations et à la multiplicité des tâches.

25Enfin, la coopérative devait être le moyen de réaliser les plans de l’Etat dans la production. C’est dans le 3e plan quinquennal de 1970 qu’est apparu un véritable plan de production agricole fixant, pour les denrées de base, les superficies consacrées à chacune, les quantités de semences, d’engrais et d’insecticides nécessaires, et donc le volume des prêts à consentir. En orientant les plans de production des coopératives et en contrôlant leur exécution, l’Etat pouvait espérer atteindre à la réalisation de ses objectifs. En 1975, une loi organisa la planification de la production agricole à tous les niveaux, depuis le Conseil Supérieur du Plan au niveau du pays jusqu’au niveau de la commission de district ; des délégués de l’Union des Paysans participent à toutes les commissions, puisque c’est l’association coopérative, présente dans chaque village, qui est l’instrument de réalisation du Plan, selon l’optique de la politique volontariste et dirigiste dans laquelle s’est engagé le pays.

26Le paysan du secteur privé, s’il n’est pas soumis aux impératifs de la planification, est sollicité par les offres de crédit ; mais il doit accomplir lui-même les démarches auprès de la direction locale du Ministère de l’Agriculture.

La création des coopératives dans l’oasis de Damas

l. Les coopératives privées

27Une seule coopérative avait été fondée dans l’oasis avant le début de la réforme agraire, celle de Saqba, village de petits propriétaires de la Ghouta orientale ; un petit groupe de paysans, enrichis par la culture du chanvre, avait créé la coopérative dès 1954 (voir l’enquête sur ce village p. 130). Quatre autres coopératives privées sont fondées en 1958 et 1959, l’une dans la Ghouta, à Kafar Soussé, village de maraîchers tout proche de Damas, et les trois autres dans le Marj. De celles-ci l’une, celle de Deir Salman, sombra rapidement dans l’endettement ; une autre, celle de Jdeidet al-Khas, végéta jusqu’à ce que le gouvernement baathiste en 1963 fasse endosser ses dettes par une société nationalisée de filature et de tissage de coton, et lui permette ainsi de s’équiper en moto-pompes et d’étendre la culture du coton ; les paysans de ce village, — un des premiers à avoir connu la réforme agraire dans l’oasis —, étaient encore très démunis techniquement et financièrement et donc dans la dépendance complète des commerçants qui leur avançaient les fonds nécessaires à la culture du coton. La dernière de ces coopératives privées de la période de l’Union, celle du village de Marj al-Sultan, représente un cas particulier : il s’agit en effet d’une communauté de Tcherkesses, venus s’installer dans les années 1860-70 sur ces terres ingrates du Marj ; ils y ont pratiqué d’abord l’élevage des buffles, des chevaux et des moutons, puis ont mis peu à peu les terres en culture : céréales d’abord, puis chanvre, betterave, légumes et même quelques plantations d’arbres fruitiers qui souffrirent beaucoup de la sécheresse survenue à partir de 1954 ; l’organisation d’une coopérative permit essentiellement d’obtenir des prêts pour le creusement de puits et l’installation de moto-pompes. En 1970, les plantations d’arbres fruitiers avaient repris ; la coopérative possédait un tracteur et faisait des bénéfices en le louant dans le région ; elle envisageait une station coopérative d’élevage et remboursait fidèlement les emprunts faits à la Banque Agricole. Le sentiment qu’avaient les habitants de mener eux-mêmes leur coopérative allait de pair avec la conscience très vive de leur particularisme socio-culturel.

28Les années 1961 à 1964 marquent une période d’incertitude pour le mouvement coopératif. Deux tentatives seulement sont à noter dans l’oasis pendant ces années :

  • La coopérative du village de Daraya fondée, sous forme d’une société à actions, par un groupe de moyens propriétaires pour l’exportation du raisin ; dissoute après la révolution de mars 1963, elle dut se recréer selon les nouveaux statuts et perdit son dynamisme, pour disparaître même vers 1970.
  • La tentative faite par les paysans du village de Douma se solda par un échec ; la coopérative ne réussit pas à libérer ses paysans, qui s’étaient spécialisés dans la culture des tomates sur des terres louées dans le Marj, de leur dépendance financière envers les commerçants ; dès 1966, elle fit faillite, et l’intervention directe du Ministère ne put amener une reprise des activités.

29Après la reprise de la réforme et la relance du mouvement coopératif à partir de 1963, de nouvelles coopératives privées furent créées, le plus souvent sous l’impulsion du Ministère.

30— la coopérative de Deir al-Assafir, fondée en 1965, est un cas particulièrement intéressant puisqu’il s’agit d’un propriétaire, exproprié d’une partie de ses terres, qui crée avec un groupe d’habitants du village une coopérative d’élevage de vaches laitières. Un prêt de 154.000 L.S. consenti par le Ministère et les 30.000 L.S. apportées par les trente coopérateurs permirent d’acheter les bêtes et de construire une salle de traite et une étable pdur les génisses ; en 1970, le troupeau comptait près de 400 vaches, et le nombre des coopérateurs était passé à 54. Un véritable esprit de coopération animait le village ; il est certain que l’énergie, la compétence du chef de la coopérative, l’ascendant qu’il exerçait sur les autres membres de la coopérative, furent un des facteurs de réussite de cette expérience, la première du genre dans la région.

31Les créations de coopératives privées se poursuivirent jusqu’en 1970. Au total, huit coopératives furent encore fondées ; toutes avaient pour but de faciliter pour le paysan l’accès au crédit bancaire ; une seule, celle de Sahnaya, avait un but plus particulier : l’organisation de la vente du lait. Plusieurs projets de production ou de commercialisation communes ne furent pas réalisés.

2. Les coopératives de la Réforme Agraire

32Créées au fur et à mesure des distributions de terres, les premières coopératives de la réforme agraire apparaissent dès 1958-59 dans les villages du sud-est du Marj, où sont expropriées les familles Ibish et Yusuf. Hijané, Beitariyé, Ghozlaniyé étaient des villages pauvres, d’ouvriers agricoles et de métayers ; trop inexpérimentés pour entreprendre eux-mêmes les cultures de légumes d’été, ceux-ci préférèrent souvent donner une partie de leurs terres en location pour ces cultures, en dépit des règlements de la réforme agraire ; la coopérative servit à obtenir des prêts pour financer les cultures de céréales.

33Dès cette première époque de la réforme, un centre de Développement Rural fut créé dans un des villages du Marj, Harran al-Awamid, et un conseiller agricole y fut spécialement affecté pour s’occuper des coopératives du secteur.

34Mais c’est à partir de 1968-69 que les coopératives de la réforme agraire apparaissent en nombre dans l’oasis, au moment où s’effectue la plus grande partie des distributions de terres. La dernière est fondée en 1972. Nous avons vu plus haut quels étaient les bénéficiaires de ces distributions : anciens métayers ou locataires, simples ouvriers ou bédouins ; la coopérative rassemble donc des paysans souvent différents par leur origine ; alors que dans le Marj ils peuvent représenter une part importante de la communauté villageoise, dans les villages de la Ghouta ils sont parfois assez isolés ; mais dans le cas d’un hosh, c’est la coopérative qui a, en quelque sorte, scellé une nouvelle communauté villageoise. Suivant le rythme des distributions, les premières coopératives sont créées dans la Ghouta orientale.

35La coopérative de Hosh Bala, créée sur la propriété de l’ancien président de la République, Shukri Quwatli, a été conçue comme une coopérative-modèle. Les terres étaient plantées en arbres fruitiers et cultivées par des ouvriers qui habitaient à l’intérieur du hosh. 128 hectares ont été partagés entre 80 familles, choisies parmi celles des anciens ouvriers ; les autorités avaient reçu 250 demandes de terres ; en plus des demandes qui purent être satisfaites, un lot fut attribué à un diplômé d’une école d’agriculture, qui habita à la ferme ainsi qu’un certain nombre de familles ; les autres restèrent logées dans les villages voisins. Un projet de village-modèle n’a finalement pas vu le jour. Les ressources de la coopérative comprirent, en plus de la rente versée par les paysans pour le rachat des terres et du 1 % sur les prêts de la Banque Agricole, les revenus de 2,5 ha. donnés en location ou plantés en peupliers, et ceux de la location de dix moto-pompes qui se trouvaient sur les terres confisquées et étaient devenues propriété de la coopérative. Un tracteur fut rapidement acheté et loué aux membres pour les travaux de labours, ainsi qu’un appareil pour le traitement des arbres fruitiers. Une partie des bénéfices réalisés fut mise en réserve, et la coopérative possédait, trois ans après sa fondation, un important capital ; une autre partie des bénéfices fut répartie entre les coopérateurs et entre les membres du conseil d’administration à titre d’idemnité. Mais les récoltes et leur commercialisation restèrent l’affaire du seul paysan ; aussi, en dépit de la présence de la coopérative, les paysans continuèrent-ils à demander des avances aux commerçants, pour compléter les prêts en nature accordés par la banque.

36Les créations se poursuivirent en 1969 et 1970 dans les villages situés à la limite de l’oasis : à Shafouniyé, à Harasta al-Qantara, à Shabaa. Dans ce dernier village qui rassemblait des ouvriers travaillant sur les terres des Shamaa ou d’autres grands propriétaires, 170 familles ont reçu des lots, presque toutes les familles du village ; ici donc, une coopérative coïncide avec un village entier.

37Ces coopératives de la réforme avaient toutes le même statut et le même rôle : obtention des prêts de la Banque Agricole et répartition entre les coopérateurs selon le plan de production : entretien et location de moto-pompes et éventuellement de matériel agricole. Cependant les paysans ne renoncèrent pas à recourir au système très souple des avances en argent consenties par les commerçants du souq à qui ils livraient leurs récoltes de légumes ; quant aux récoltes de fruits, elles furent toujours confiées au ḍammān qui empruntait lui aussi au commerçant pour régler au paysan le prix convenu et couvrir ses frais.

38La carte ci-jointe (fig. 16) montre la répartition des deux types de coopératives dans l’oasis : les coopératives privées se situent, à quelques exceptions près, dans un rayon proche de Damas et dans la Ghouta occidentale où la réforme n’est pas intervenue ; tandis que les coopératives de la Réforme Agraire sont toutes groupées dans la Ghouta orientale et dans le Marj ; cette répartition illustre encore une fois la présence de deux types de structure agraire dans l’oasis.

3. Une expérience de coopérative de production

39La coopérative d’élevage laitier de Maadadiyé fut la seule expérience de coopérative de production tentée dans la région. Installée sur les terres d’une ferme voisine du village de Deir al-Assafir, elle fut certainement inspirée par l’expérience tentée dans ce village par l’ancien grand propriétaire. Sur les 28 paysans du village qui reçurent des terres à Maadadiyé, 14 acceptèrent d’entrer dans la coopérative d’élevage, à participation égale. Les autorités firent un projet ambitieux, non pas tant par le nombre de bêtes — 50 étaient prévues au début, une centaine plus tard — que par la qualité des installations, en particulier de la salle de traite. La coopérative débuta avec 32 vaches frisonnes importées ou achetées aux autres stations d’élevage de Syrie ; chaque coopérateur mit dans le lot commun 5 donoms pour être cultivés en fourrage ; deux membres de la coopérative travaillèrent en permanence à la station et reçurent un salaire. Le lait fut vendu à l’usine de produits laitiers de la Ghouta, tandis qu’une partie du croît allait aux abattoirs. Les bénéfices furent répartis également entre les coopérateurs.

40Objet de soins attentifs de la part du Ministère de l’Agriculture, cette première coopérative de production eut cependant des débuts difficiles ; les frais engagés étaient considérables, l’expérience des coopérateurs insuffisante et, malgré l’aide technique et vétérinaire apportée, les pertes de veaux à la naissance furent nombreuses et les rendements en lait minimes. L’Union des coopératives de Damas intervint alors pour sauver ce qui était considéré comme une expérience pilote ; le soutien apporté et les progrès accomplis par la coopérative figurent en bonne place dans le rapport d’activité de l’Union pour les années 1971-1972 : la coopérative avait acheté 30 vaches de plus et acquis un tracteur ; elle avait commencé à rembourser les emprunts faits à la banque. Le rapport félicitait les responsables de ce pas en avant dans la voie socialiste.

Fig. 16. Coopératives privées et Coopératives de la Réforme Agraire

4. L’action de l’Union locale des coopératives

41Ce rapport de l’Union des coopératives de Damas fournit un exemple des types d’intervention et d’activité que pouvait avoir une union locale, des ressources dont elles disposait et des problèmes qu’elle devait affronter, au moment où le mouvement coopératif allait prendre un tournant décisif avec la loi de fusion de 1974.

42Le soutien aux coopératives du département en difficulté était un des points principaux du rapport. A côté de celle de Maadadiyé, trois coopératives avaient été choisies, dont l’une se trouvait dans l’oasis : celle de Jdeidet al-Khas dont nous avons mentionné plus haut la fondation et les difficultés. Cette coopérative souffrait à nouveau de très graves problèmes financiers ; un conseil d’administration nommé par l’Union obtint de nouveaux crédits et réalisa plusieurs projets : construction d’un entrepôt, d’une station de vente de carburants. Une bonne récolte de coton permit à la coopérative de commencer à rembourser ses dettes.

43Un autre point du rapport concernait l’aide que l’Union avait offerte à l’ensemble des coopératives du muhafazat pour la mise au point de leur plan de production, et l’aide financière supplémentaire qu’elle leur avait apportée sous forme de prêts saisonniers. Elle avait également assuré des transports de fourrage, acheté 4 tracteurs, 3 moissonneuses et 2 camionnettes, et avait loué ce matériel aux coopératives à des prix raisonnables, s’efforçant ainsi de mettre fin à l’exploitation dont elles étaient l’objet de la part des entrepreneurs de travaux agricoles et des propriétaires de machines. En dépit d’un certain nombre de déboires (pannes, défaut de rendement), l’action était estimée positive.

44L’Union avait essayé d’autre part de jouer un rôle dans la commercialisation des productions des coopératives. Elle avait fait porter son effort sur les tomates dont la région de Damas est grande productrice. Mais elle avait rencontré de grandes difficultés, tant de la part des producteurs qui ne se pliaient à aucune discipline de livraison ni de conditionnement et ne respectaient pas leur contrat dès que le cours du marché était supérieur à celui de l’usine, que de la part de la société de conserve qui ne pouvait absorber les grandes quantités livrées au plein de la saison, offrait des prix trop bas, et ne payait les livraisons que deux ou trois mois après qu’elles avaient été effectuées.

45L’effort de l’Union avait enfin porté sur l’éducation des "masses paysannes" et la formation des cadres des coopératives. Des sessions d’alphabétisation avaient été organisées dans plusieurs coopératives ; de même avait eu lieu une session de formation comptable destinée aux fils des coopérateurs ; 75 personnes avaient pu participer à des stages de formation de trésoriers et de secrétaires de dépôt ; enfin des stages pour le travail des tapis avaient été organisés pour les filles.

46La dernière partie du rapport était une sorte de bilan moral. Les responsables remarquaient que, si toutes les coopératives existantes du département avaient adhéré à l’Union (123 au total), on enregistrait très peu de nouvelles créations de coopératives. Ils pensaient que l’Union souffrait d’un manque de moyens financiers et de personnel technique et qu’en définitive elle n’était véritablement soutenue ni par le gouvernement, qui lui refusait ces moyens et ce personnel, ni par les coopératives adhérentes, avec lesquelles la nature des liens organiques n’était pas suffisamment définie.

47Ces conclusions par lesquelles s’achève le rapport sont significatives de l’incertitude que connaissait le mouvement coopératif dans la période qui a précédé la promulgation de la loi de 1974.

Les associations paysannes coopératives dans l’oasis après 1974

48En 1973, à la veille de la nouvelle législation, la distinction entre coopérative privée et coopérative de la Réforme Agraire ayant disparu en 1972, deux types d’associations paysannes pouvaient exister dans un village, le syndicat et la coopérative. La figure 17 montre leur répartition dans l’oasis ; un certain nombre de villages possédaient à la fois un syndicat et une coopérative. On comptait 80 syndicats dans l’ensemble de l’oasis. Les coopératives étaient au nombre de 53, chiffre qui ne doit pas faire illusion. Seul un faible pourcentage des terres cultivées et des paysans de l’oasis était concerné. Pour le mouhafazat de Damas, 80,7 % des terres cultivées ne relèvent pas du secteur coopératif à cette date.

49La loi de 1974 eut comme résultat de faire passer le nombre des coopératives de 53 à 85 et celui des coopérateurs de 4.800 à près de 8.900, pour la Ghouta et le Marj. Mais la superficie de terres relevant du secteur coopératif n’augmenta pas dans les mêmes proportions, car les paysans syndiqués avant 1974 et non inscrits dans une coopérative étaient les moins pourvus en terres ou de simples ouvriers agricoles.

50Comme le montre le tableau sur les coopératives de l’oasis de Damas en 1978, la quasi-totalité des 92 coopératives agricoles qui étaient recensées à cette date étaient classées sous la rubrique « à buts multiples » ; 6 étaient inscrites comme spécialisées dans l’élevage des vaches ou des moutons, et avaient donc pour but de faciliter à chacun des coopérateurs l’obtention des crédits nécessaires à son élevage, les soins des bêtes, la production et la vente du lait restant une affaire individuelle. Seules, 2 coopératives étaient inscrites comme coopératives de production, celle de Maadadiyé étudiée plus haut, et celle de Hosh Salhiyé tout récemment fondée. Entre 1975 et 1978, les adhésions se sont multipliées, puisque le nombre total des membres des coopératives est passé de 8.900 à 13.500. La superficie des terres relevant du secteur coopératif s’est accrue également et atteignait pour l’oasis 31.000 hectares.

51Ces nombreuses adhésions nouvelles sont dues, pour une part, à la simplification de l’organisation des coopératives : ainsi, beaucoup de petits et moyens propriétaires sont entrés dans les anciennes coopératives de la Réforme Agraire, jusque là réservées aux bénéficiaires des distributions. Mais elles sont dues surtout aux très grandes facilités de prêt consenties par la Banque Agricole aux coopératives. Le tableau n° 6 donne l’évolution de ces prêts pour les trois années, 1974, 75 et 76. Pour la campagne 1977-78, nous n’avons pas pu obtenir les chiffres globaux, mais nous avons pu consulter de très nombreux plans de production de coopératives et constater l’augmentation des demandes de crédits d’investissement, achats de vaches laitières, de plants d’arbres fruitiers, de matériel. Plus récemment encore, des offres particulièrement intéressantes ont été faites par la banque pour l’achat de serres permettant la culture des tomates ou des concombres pendant l’hiver.

52Dans le domaine de la commercialisation des productions, les efforts des coopératives restent limités. L’Union locale des paysans a essayé de jouer un rôle : elle a cherché pour l’instant à organiser les livraisons des productions qui font l’objet d’un marché d’Etat, betteraves, coton, céréales ; une livraison venant du secteur coopératif est payée 2 P.S. de plus par kilo. L’Union a également passé un contrat avec la société de conserves de tomates, comme l’avait fait l’ancienne Union des coopératives ; mais elle a dû retenir au paysan une somme remboursable à la livraison pour l’obliger à respecter ses engagements. Quant aux fruits et aux légumes livrés sur le marché de Damas, les coopératives pas plus que l’Union n’ont tenté d’organisation rationnelle de la commercialisation — tri, conditionnement, vente groupée — pour faire échec à la domination absolue du marché par les commerçants en gros des halles de Damas. C’est une société d’Etat, créée sous l’égide du Ministère du Ravitaillement, qui est en train d’intervenir progressivement sur ce marché.

53En passant des contrats avec cette société, les coopératives de l’oasis pourraient jouer un rôle plus important encore que celui qui est le leur actuellement.

Tableau N° 5. LES COOPÉRATIVES DE L’OASIS DE DAMAS EN 1978

Tableau N° 5. LES COOPÉRATIVES DE L’OASIS DE DAMAS EN 1978

REMARQUES SUR LES CHIFFRES REPRÉSENTANT LES PRÊTS DE LA BANQUE AGRICOLE

541) Deux branches de la Banque Agricole couvrent les besoins de l’oasis : la branche de Douma pour le nord-est de la Ghouta et le Marj ; la branche de Damas pour les autres secteurs de la Ghouta, la vallée du Barada en amont de Damas et celle de Kisswé.

552) La banque prête à 5,5 % au secteur privé et à 4 % aux secteurs coopératif et public.

563) Les prêts annuels sont accordés essentiellement en nature, sous forme de semences et d’engrais. La banque avance peu de sommes en liquide.

574) Pour les plantations d’arbres, les cinq premières années la banque ne réclame que l’intérêt du prêt ; le remboursement du capital commence la sixième année.

585) En ce qui concerne les betteraves, la banque avance en bloc à l’usine (secteur public) la somme qui correspond aux contrats passés par l’usine avec les paysans. Ces contrats sont faits vers le mois de février et l’usine peut alors demander l’argent et les engrais correspondants.

596) Certaines variations importantes dans le volume des prêts s’expliquent par la variation des prix internationaux ; ainsi la montée des cours mondiaux des engrais en 1974 explique le chiffre élevé des prêts au titre des légumes pour la région de Douma cette année-là et la baisse des années suivantes.

607) L’augmentation des demandes de prêts dans le secteur coopératif en 1976 est due au gonflement de ce secteur après la loi fusionnant les coopératives et les syndicats qui entre en application en 1975.

618) Les demandes de prêts pour l’achat de matériel agricole sont beaucoup plus importantes dans le secteur privé que dans le secteur coopératif.

62A partir de 1976, la banque pousse à certains investissements selon les indications du Plan : par exemple, les prêts pour l’achat de vaches laitières importées (jusqu’à 100.000 L.S. par coopérative, en 1977) ; en 1977, l’effort principal devait porter sur les plantations d’arbres fruitiers.

TABLEAU N° 6°. Prêts consentis par la Banque Agricole
(Région de Damas)

TABLEAU N° 6°. Prêts consentis par la Banque Agricole(Région de Damas)

TABLEAU N° 6b. Prêts consentis par la Banque Agricole
(Région de Douma)

TABLEAU N° 6b. Prêts consentis par la Banque Agricole(Région de Douma)

Notes

1 La coopérative de Deir al-Attiyé à 80 km au nord de Damas avait été créée par les paysans pour remettre en état une canalisation ancienne et organiser l’irrigation des terres du village.

Table des illustrations

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Titre Tableau N° 5. LES COOPÉRATIVES DE L’OASIS DE DAMAS EN 1978
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Titre TABLEAU N° 6°. Prêts consentis par la Banque Agricole(Région de Damas)
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Titre TABLEAU N° 6b. Prêts consentis par la Banque Agricole(Région de Douma)
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