Introduction
p. 9-10
Texte intégral
1L’oasis de Damas, ou Ghouta, semblait conserver à travers les siècles une image immuable. Au xxe siècle, et surtout depuis 1950, elle a connu une rapide mutation dont les causes et les aspects sont multiples. Le travail que nous présentons ici étudie l’un des aspects de cette mutation, la modification des structures agraires par une volonté politique qui s’est traduite dans une série d’actes législatifs, regroupés sous le titre de Réforme Agraire.
2Quand cette recherche a été entamée, en 1970, la réforme n’était pas achevée. Les opérations d’expropriation et de distribution étaient terminées, mais la création de coopératives sur les terres distribuées était en cours. C’est par des enquêtes dans ces coopératives que s’est établi notre premier contact avec les habitants et la vie agricole de l’oasis. Après une longue interruption, cette étude a été reprise en 1976 et s’est poursuivie jusqu’en 1979. Au cours de cette deuxième étape, nous avons pu avoir accès aux dossiers d’expropriation des propriétaires touchés par la réforme agraire ainsi qu’aux études précédant les distributions des terres aux paysans. Il nous est apparu alors possible d’entreprendre une étude monographique sur la réalisation de la réforme agraire dans l’oasis et d’y mettre en évidence la complexité d’une telle opération dans une région que sa richesse, ainsi que l’ancienneté et la qualité de ses relations avec la capitale, distinguaient des autres régions touchées par la même réforme. Ce travail a abouti à la rédaction d’une thèse de troisième cycle, préparée sous la direction du professeur Jean Pelletier et soutenue à l’Université de Lyon II en janvier 1980.
3La première partie de l’étude regroupe en une large introduction les éléments qui ont contribué à la naissance et à la perpétuation d’un paysage très fortement marqué par le travail de l’homme : nous avons présenté les éléments physiques, les données humaines — peuplement et aménagements hydrauliques — et consacré un chapitre à l’histoire des structures agraires, replacées dans le cadre plus large de l’histoire politique de la Syrie depuis la fin de l’Empire ottoman. Ces divers éléments nous ont permis de dresser un tableau de la propriété et de la vie agricoles dans l’oasis à la veille de l’Union avec l’Égypte et des premières lois de réforme agraire.
4Les deuxième et troisième parties constituent le corps principal du travail : elles analysent la législation de la réforme agraire dans ses diverses étapes ainsi que les phases successives de ses applications dans l’oasis. Pour ces chapitres, l’essentiel de notre documentation provient des archives du Ministère de l’Agriculture et de la Réforme Agraire ainsi que de très nombreuses enquêtes effectuées dans l’oasis. Nous tenons ici à remercier les autorités syriennes pour leur compréhension et pour l’aide apportée à de nombreuses reprises sur le terrain. Notre reconnaissance va aussi aux membres des coopératives agricoles de l’oasis et aux habitants de la Ghouta, qui nous ont permis de comprendre une évolution complexe dont la réforme agraire n’était qu’un des éléments.
5En effet, en même temps qu’était réalisée cette réforme, l’oasis subissait, dans un contexte régional de bouleversement économique, une transformation rapide qui nous a amenée à nous intéresser, dès la fin des années soixante-dix, à l’impact des opérations qui venaient de s’achever. Au début des années quatre-vingt, cette mutation s’était encore accélérée : dans une région en expansion démographique rapide et soumise à une forte inflation, le poids économique de la production agricole avait diminué. L’afflux de devises à la suite des deux chocs pétroliers avait permis au pays d’accéder au marché mondial des céréales et marginalisé la paysannerie locale. L’oasis elle-même se couvrait de constructions de type urbain, planifiées ou illicites, qui faisaient disparaître des pans entiers de l’ancien paysage rural. Après 1984, les devises étrangères se font rares en Syrie et une crise d’un type nouveau change une fois encore le cours des choses.
6Nous avons cependant pensé que la publication même tardive de ce travail pourrait offrir au lecteur un témoignage concret des difficultés rencontrées par un régime arabe socialiste désireux de modifier, grâce à un appareil législatif complexe, les structures économiques et sociales dans un milieu rural.
NOTES SUR LA TRANSCRIPTION
7Pour les noms géographiques — noms des villages, des fermes et des canaux de l’oasis en particulier — de même que pour les noms de famille, nous avons gardé une orthographe proche de la prononciation locale et en harmonie avec les noms portés sur les cartes. Le lecteur trouvera à la fin du volume la liste de ces toponymes et noms de famille dans leur orthographe arabe.
8Quant aux termes arabes employés dans le texte, la transcription Arabica a été utilisée afin d’éviter toute confusion.
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