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D’Angora à Ankara (1919-1950) : la naissance d’une capitale

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Jean-François Pérouse

Introduction

Texte intégral

Au flottement des relations à l’état de nature, la ville substitue son principe de stabilité et de continuité. Elle donne à la communauté politique la solidité de la pierre avec laquelle elle édifie ses monuments. L’affluence des produits, la diversité des formes de travail, y attirent des éléments divers de population, qui s’y fondent. On n’imagine guère la possibilité de formations d’États là où il ne se trouve pas déjà d’importantes fondations de villes pour fixer, varier, et étendre les relations. C’est surtout par les villes que se sont perpétuées en France les traditions et la langue de Rome. (....) La ville est aujourd’hui, en Amérique ou en Australie, le signe par excellence de la possession européenne, le noyau de l’État.
P. Vidal de la Blache, 1898, « La Géographie politique. À propos des écrits de Mr Fr. Ratzel », Annales de Géographie 32, LXXII°, p. 107-108.

  • 1 Pages 84 & 100 de la traduction française (1972) ; voir note n° 28.

Une ville qui est une capitale a été choisie pour tenir ce rôle et ce rôle est révocable, (...) Une ville qui n’a jamais été capitale peut le devenir en vertu du prestige acquis par son héroïsme au cours d’une crise historique.
A. Toynbee, Cities on the move, 19701.

Quelques préalables

Un travail de circonstance à un moment charnière ?

  • 2 Nous pensons au « club d’Ankara » (Ankara Kulübü) – implanté dans diverses grandes villes – rasse (...)

1Il faut bien le reconnaître : les soixante-dix ans de la promotion d’Ankara au rang de capitale n’ont pas fait l’objet, le 13 octobre 1993, d’une véritable commémoration – à l’exception de quelques cercles dont l’audience est à présent restreinte2, dans un pays pourtant souvent enclin à célébrer solennellement les moments clé de son histoire. Est-ce à dire que la promotion d’Ankara, qui a comme anticipé et préparé la mise en place du nouveau régime, n’apparaît plus comme un événement essentiel de l’histoire turque, digne d’être conséquemment rappelé ? Il y a tout lieu de le penser, à la lumière d’un certain nombre d’indices convergents.

  • 3 La « petite phrase » prononcée par la premier ministre Tansu Çiller, et largement répercutée par la (...)

2De fait, jusqu’à récemment presque incontestée, la prééminence directionnelle d’Ankara est maintenant de plus en plus mise en cause dans le discours politique comme dans les pratiques du pouvoir central turc. Et ce, ouvertement, même au plus haut niveau de l’État, auquel incombe pourtant la charge de préserver et perpétuer l’héritage kémaliste. Ainsi, l’idée d’une réforme administrative allant dans le sens d’une déconcentration des pouvoirs de décision et de gestion, semble faire son chemin. Dans cette optique, un projet qui vise à mettre en place un système administratif plus « rapproché » des administrés est en voie d’être adopté par le gouvernement actuel (non sans sous-entendus électoralistes d’ailleurs). Appuyé avant tout sur une réforme des finances locales, le projet, s’il est voté, aurait pour conséquence de réduire le pouvoir d’intervention de la capitale dans les affaires régionales et locales3. Ce qui constituerait une sérieuse rupture.

  • 4 Cf. Cumhuriyet, 11/11/1991.
  • 5 À ce sujet signalons que la distinction secteur public/secteur privé est assez difficile à faire, s (...)

3Dans ces conditions, si rien ne vient entraver le processus qui s’amorce, les rapports entre Ankara et Istanbul – la métropole trois fois plus peuplée et concentrant de surcroît l’essentiel des activités économiques – seraient immanquablement redéfinis. On imagine combien les milieux économiques turcs, prompts à se plaindre du pointillisme centralisateur des autorités ankariotes, sont favorables à cette réforme et agissent de tout leur poids pour sa rapide mise en œuvre. D’ailleurs, le transfert à Istanbul, décidé en 1990, de la prestigieuse « Banque d’Affaires » (İş Bankası) – fondée à Ankara en 1924 – a inauguré un mouvement de désaffection de la capitale4, de la part d’instances financières et économiques pourtant organiquement liées à l’État5.

4C’est pourquoi l’expression de « deuxième République », qui s’est considérablement banalisée depuis les élections d’octobre 1991, doit être entendue dans toutes ses implications. Elle traduit la volonté croissante de couper avec l’ordre politique ancien, dont Ankara, en tant que capitale, constituait un des principaux piliers, au plan administratif et symbolique.

5Notre propos, ici, n’est évidemment pas de faire des prédictions. Néanmoins, on peut souligner la corrélation existant entre les nouvelles orientations politiques qui se dessinent, et le devenir d’une ville ab origine liée à un certain mode de pouvoir. C’est la raison pour laquelle, au moment même où Ankara paraît menacée dans ses prérogatives premières, il est peut-être utile de revenir sur les moments de son « instruction » au rang de capitale, sans céder à un passéisme de mauvais aloi. Par ailleurs, les mutations en cours confirment, s’il est besoin, qu’il n’y a pas d’analyse urbaine possible, quelle que soit l’échelle retenue, qui puisse faire l’économie de la dimension politique. Et singulièrement, bien sûr, quand il s’agit d’une capitale.

« Mais pourquoi donc Ankara ? »

6Sur le ton de « mais qu’allait-il donc faire dans cette galère ? », la question nous a fréquemment été posée. Parmi les diverses raisons invocables, il en est une qui ne relève ni de l’anecdote, ni du hasard. C’est celle qui consisterait à soutenir qu’un objet d’étude (potentiel) est d’autant plus attractif qu’il est (injustement ?) malmené ou négligé. Ankara semble bien appartenir à cette catégorie.

7En effet, en dépit de sa taille (au moins 2,5 millions d’habitants d’après le recensement de 1990) et de sa relative proximité (à trois heures et demie de Paris par avion), Ankara demeure très méconnue en France. On ne fera pas la liste des contrevérités que contiennent les rares guides de tourisme qui lui consacrent quelques pages. D’ailleurs, pour ces mêmes guides, Ankara est une ville dénuée d’intérêt, où s’attarder est pure folie. Ainsi, y passer une journée serait largement suffisant, puisque, hormis le « musée des civilisations anatoliennes » et le mausolée d’Atatürk, la ville n’offrirait rien d’attrayant. On devrait se contenter d’y transiter. Il est vrai qu’elle n’a rien de très pittoresque à faire valoir : apparemment trop occidentale et apparemment trop récente pour être dépaysante, trop continentale aussi. En bref, quand elle en a une, Ankara a mauvaise réputation. Pire : quand on la compare à Istanbul, vieux procédé par lequel on exalte l’une pour rabaisser l’autre, Ankara passe pour être une cité ennuyeuse et sans charme aucun.

  • 6 De fait, en l’an 2000, la Turquie est, avec l’Égypte et, dans une moindre mesure, l’Algérie, le pay (...)

8Peu importent ces images et ces jugements de valeur émanant de touristes ou de diplomates en quête d’immédiat exotisme. Il y a plus grave : négliger Ankara c’est en fait manquer tout un pan de l’histoire propre de la Turquie et tout un pan de la réalité turque contemporaine. Car réduire la Turquie à ses périphéries balnéaires nous semble dommageable pour la compréhension d’un des plus grands pays riverains du bassin méditerranéen6. De la sorte, s’intéresser à Ankara c’est se pencher sur le cœur d’un État neuf, dans ses prétentions à s’implanter et s’ancrer, par le biais d’une capitale, « point de fixation » privilégié, sur une terre d’occupation multiséculaire.

9Aussi, sans vouloir faire œuvre de réhabilitation, il nous est apparu important de nous attacher au cas d’Ankara, en tant que réalisation modèle, voire vitrine, tout au moins à l’origine, d’un des principaux États du Proche et Moyen Orient.

« La naissance d’une capitale »

  • 7 Cf. Gilbert Dagron, 1974 : Naissance d’une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 45 (...)

10Le titre de ce travail, on l’aura noté, est en partie une citation, ou plutôt une reprise. Il reprend effectivement le titre d’une thèse d’histoire consacrée aux tout débuts de Constantinople7, capitale de l’empire d’Orient à partir de 330. S’y référer ainsi n’est-ce pas artificiellement mêler les genres et les époques ? N’est-ce pas revendiquer un peu à la légère, voire avec beaucoup de présomption, un patronage immérité ? Nous espérons que non, à condition cependant de bien circonscrire les possibles « dénominateurs communs ».

  • 8 Cf. Naissance d’une capitale... op. cit., p. 29.

11Outre le fait qu’Ankara ait dû se définir et se construire par rapport à Istanbul, lointaine héritière de Constantinople/Byzance, l’intérêt de l’étude de M. Dagron réside pour nous dans l’accent mis sur la description d’un long processus, jamais inéluctable, qui doit beaucoup aux vicissitudes politiques et militaires de la fin de l’empire romain. En effet, c’est dans un contexte instable de guerre, au lendemain de la victoire de Constantin sur Licinius (septembre 324), que celui-là décide de « fonder une ville qui porte son nom »8. Ce faisant, l’empereur « hésite sur le choix de l’emplacement », entre Sardique, l’actuelle Sofia, Ilion (un des noms de Troie), Chalcédoine (de l’autre côté du Bosphore), Thessalonique et Byzance. C’est en novembre 324 que finalement le choix se porte sur Byzance. Et dès 325 les premiers « grands travaux sont entrepris ».

  • 9 Cf. Naissance d’une capitale... op. cit., p. 48.
  • 10 Cf, Naissance d’une capitale... op. cit., pp. 525-530 (« La population de Constantinople aux IVe (...)

12Par ailleurs, M. Dagron souligne bien l’incertitude qui règne quant à l’avenir de la nouvelle capitale : « ...beaucoup pensent (...) que la nouvelle capitale est le caprice d’un empereur qui ne survivra pas à son fondateur »9. Il montre aussi en quoi la volonté que manifeste l’empereur d’y vraiment résider contribue à « conférer à sa ville un statut de capitale ». Autrement dit, seul un pouvoir politique physiquement installé et visible peut consacrer une fondation urbaine. Enfin, les analyses du chapitre XVIII retiennent notre attention, en ce sens qu’elles établissent à quel point, en matière de politique d’habitat, « l’initiative privée et l’intérêt ont pris très tôt la relève de la politique impériale »10. Sans forcer outrageusement les parallèles, on verra que le cas d’Ankara, quelque seize siècles après n’est en définitive pas sans similitudes. Le « clin d’œil » qu’accomplit le titre n’est peut-être pas, en fin de compte, aussi déraisonnable qu’il n’y paraît.

  • 11 À propos de cinéma, nous cherchons toujours le film (de propagande) turco-soviétique intitulé Le cœ (...)
  • 12 Toujours dans une optique comparative, toutes choses égales, cf. Alain Dieckhoff, 1993 : L’inventio (...)
  • 13 Cité dans Deux siècles de géographie française, choix de textes, dir. de P. Pinchemel, 1984, Paris, (...)

13Dans un tout autre ordre d’idée, toujours en ce qui concerne les connotations et autres associations immédiates, suscitées par le titre – et à ce stade assumées – on pourrait aussi citer La naissance d’une nation du cinéaste D.W. Griffith (film muet de 1915)11. Effectivement, la naissance d’Ankara, à certains égards, participe d’une plus vaste histoire (encore à relater) qu’elle paraît remarquablement résumer. Car c’est aussi – et de manière consubstantielle – la naissance d’une nation, la nation turque (d’Anatolie), issue dans la violence et la douleur, d’un ensemble pluriethnique disloqué. Ce sont d’autres conditions d’émergence que celles des États-Unis. Mais on peut déceler des analogies significatives dans ces deux moments fondateurs12. Et dans les débuts d’Ankara, il y a, toute proportion gardée, un peu de ce « spectacle passionnant et admirable d’un (...) peuple en voie de se faire, cherchant sa personnalité », tel que le contemple encore A. Siegfried aux États-Unis en 192513. La comparaison a d’ailleurs été faite alors à plusieurs reprises par des observateurs européens, elle n’est pas entièrement incongrue. Et à la vérité, cette effervescence propre aux moments fondateurs, agités de projets et de débats, n’a pas été sans nous déterminer dans nos orientations de recherche.

14Ainsi, une fois le terrain choisi, il restait à construire notre objet d’étude et à définir un point de vue justifiable. La tâche était là plus ardue, du fait de l’éclatement à la fois disciplinaire, géographique et linguistique des sources et surtout de l’absence de « modèle à suivre ».

La définition de l’« objet »

15Un objet de recherche n’est pas donné tel quel. Il est à construire, avec prudence et sens critique. Et cette construction doit être explicitée dans toute la mesure du possible. Tentons donc de savoir à quoi l’on s’engage.

La capitale, un « objet » singulier ?

  • 14 Cf. M. Seurat, 1985 : « Le quartier de Bâb Tebbâné à Tripoli (Liban) : étude d’une ‘asabiyya urba (...)

16Une précision s’impose immédiatement, quant au terme « objet », qui peut induire en erreur, et que nous préférons donc désormais employer entre guillemets. Par le recours (provisoire) à ce terme, nous ne voulons pas opérer une « réification de l’urbain »14 (voire une personnalisation), nuisible à une analyse ouverte, qui tienne compte de toutes les forces, changeantes, contradictoires, qui concourent à circonscrire un champ urbain. La ville n’est pas une entité à part entière, étanche, et étudiable exclusivement « de l’intérieur ». C’est une résultante, un complexe, où entrent en ligne de compte et en conflit de multiples facteurs, d’ordre très divers, et dont le paysage urbain n’est qu’une des expressions.

  • 15 Désormais, chaque fois que nous parlerons de « capitale » (sans autre spécification), il s’agira (...)
  • 16 Comme semblerait le laisser entendre P. Claval (1991), évoquant la « géopolitique au début du siè (...)
  • 17 Attesté dès 1509, le terme de « capitale » vient en effet du latin caput, la tête, le chef ; « où (...)
  • 18 cf. J. Derrida : « L’autre cap », Le Monde, 29 septembre 1990, supplément « Liber », pp. 11-13 ; (...)

17Cela posé, nous avons choisi d’étudier une capitale – et plus précisément une capitale politique15, c’est-à-dire un « objet » géographique, original et stimulant, dont nous ne pensons pas, a priori, qu’il ressortisse uniquement à la « géopolitique » passée16. C’est de fait un objet spécifique à plusieurs titres. En premier lieu, par le rôle directeur – plus ou moins coercitif – qu’une capitale exerce à l’échelle du pays entier placé sous sa tutelle. Ce qui signifie que toute capitale entretient des liens à la fois matériels et immatériels avec un territoire national qu’elle est censée régir. Elle est une autorité, une « tête »17 – suivant la métaphore organique qui a présidé à la conception du mot – et une référence, voire un phare rayonnant18. L’étude d’une capitale appelle donc des analyses à petite et moyenne échelle. Nous en sommes conscient, mais nous ne privilégierons pas ce point de vue, du moins pas tout au long de notre travail.

  • 19 À propos de la capitale saoudienne, cf. C. Chaline : « Riyad ou l’urbanisme de l’abondance », L’inf (...)
  • 20 À propos de la capitale ivoirienne, cf. J.-L. Chaléard & A. Dubresson 1993 : « Yamoussoukro ou de l (...)

18« Objet » singulier, en second lieu, par l’image du pouvoir (ou des) qui la façonne, qu’elle renvoie et reflète inévitablement. En effet, toute capitale exprime – que ses concepteurs et dirigeants successifs l’aient voulu ou non –, dans son paysage comme dans son organisation, un certain ordre politique, économique et social. Par les liens privilégiés qui l’unissent aux pouvoirs qui la contrôlent, l’habitent et l’aménagent, la capitale n’est pas un ensemble de lieux agencés de façon innocente ou indifférente. Aussi, que l’État vienne à changer de politique économique ou de système idéologique de référence, sa capitale s’en ressentira d’une manière ou d’une autre, avec un décalage plus ou moins long. De même, que la société vienne à se recomposer et se restructurer... À ce propos, les capitales d’Europe de l’Est et des Républiques de l’ex-URSS sont d’ores et déjà des laboratoires des mutations politiques, économiques et sociales en cours. Cette co-variation entre État et capitale est d’autant plus claire que la capitale est « récente » : une capitale jeune est, en quelque sorte, plus lisible dans ses structures qu’une vieille capitale. Riyad19 ou Yamoussoukro20 résistent peut-être moins à l’analyse, en tout cas au premier abord, que Londres ou Le Caire.

  • 21 Sur la notion de « raison d’être » d’une nation, cf. Norman J.G. Pounds, 1963; Political Geography, (...)

19À cet égard, l’Ankara que nous voulons étudier, n’est pas n’importe quelle capitale. C’est celle d’un État (radicalement ?) neuf, encore hésitant quant à sa forme, à ses prérogatives et à sa capacité d’action ; c’est aussi celle d’une nation dont la « raison d’être »21 demeure contestée, tant à l’intérieur des frontières nouvellement définies, qu’à l’extérieur. À Ankara, pour employer les concepts allemands, la Stadtbildung se confond avec la Staatbildung. Plus exactement même, dans le cas turc (anomalie sans équivalent ?), nous verrons que la capitale a même officiellement précédé la consolidation de l’État sous la forme d’une république.

  • 22 Parmi lesquelles il faut citer celle de J.-P. Garnier, 1972 : Les problèmes urbains à la Havane et (...)
  • 23 Voir un exemple très original, qui concerne le Sud-Pacifique : P. Schöller 1978 ; „Rezente Staatent (...)
  • 24 voir note 21.
  • 25 The Earth and the State, 1939 (1e éd.), New York, Henry Holt and Cy Inc. ; voir spécialement les pa (...)
  • 26 Voir notamment dans la traduction française (partielle) publiée chez Fayard (1988), les pages 137-1 (...)
  • 27 Voir note 7.
  • 28 Oxford University Press, 1970 ; trad. française (M. Matignon) : Les villes dans l’histoire. Cités e (...)
  • 29 Dont nous n’oublierons pas, pour notre part, La politique des États et leur géographie, Paris, Ad C (...)

20Ces spécificités posées, voyons dans quelle mesure l’objet « ville – capitale » a déjà pu être traité en tant que tel et surtout dans ses rapports avec la (re)construction d’un État. À l’exception de quelques études22, les capitales ont donné lieu à un nombre assez restreint de travaux en géographie urbaine, traditionnelle. Pour trouver des analyses portant vraiment sur la capitale en tant qu’objet particulier, il faut, semble-t-il, davantage se tourner vers la géographie politique, germanique23 ou anglo-saxonne. En effet, dans l’article épais de R. Hartshorne (1950), comme dans le « manuel » de N.J.G. Pounds (1963)24, ou, plus tôt, chez D. Whittlesey (1939)25 les capitales occupent une place importante, comme expressions d’organisations et de rapports de force politiques. Et à vrai dire, déjà, dans la Politische Geographie de F. Ratzel (1e éd. originale en 1897), on trouve de pénétrantes analyses relatives à la question de la localisation des capitales (Ratzel en reste toutefois à la petite échelle)26. Par ailleurs, on ne peut négliger l’attention accordée par quelques historiens à l’« objet-capitale » en lui-même : citons entre autres M. Dagron, précédemment évoqué27, et surtout Arnold Toynbee. S’il est très connu (et contesté) – nous n’avons pas à en juger ici – pour ses essais d’histoire universelle, A. Toynbee l’est beaucoup moins pour son petit ouvrage, pourtant remarquable, Cities on the move28. En effet, les chapitres III à VII de cet ouvrage – placé sous le patronage de J. Gottmann29 –, envisagent la question des capitales sur le temps long, et, ce faisant, fourmillent d’indications et de comparaisons qui donnent à réfléchir.

  • 30 Ici les exemples sont nombreux : Abija (Nigéria), Saint-Pétersbourg de Pierre-Le-Grand, New Delhi, (...)
  • 31 Cf. Eléni Kalafati : « La construction d’une ville nouvelle. Prescriptions et planification », in M (...)
  • 32 L’expression non homologuée d’« État neuf » ne doit pas induire en erreur : elle désigne un État ré (...)

21De ce point de vue, on pourra mettre en parallèle Ankara avec les capitales créées par des États jeunes, comme Washington à la fin du XVIIIe siècle, ou avec celles créées par des États plus établis, mais animés d’une volonté de réforme du mode d’administration ou de mise en valeur du territoire national30. Souvent, de fait, les coupures politiques – changement de régime, réorientation idéologique majeure –, voire économiques, s’accompagnent d’un transfert de capitale. Par ailleurs, on ne peut évacuer le cas des capitales, d’États neufs ou anciens, installées dans des villes déjà riches d’une longue histoire : telles Athènes (1833)31, Rome (1870), ou même Berlin (1992). Là, il n’y a pas création urbaine mais seulement réaménagement, plus ou moins radicalement entrepris. Quoi qu’il en soit, les trois cas de figure sommairement différenciés, capitale neuve pour un État neuf, capitale neuve pour un État ancien, et capitale dans une ville ancienne pour un État neuf32 ou ancien, devront nous aider à dégager l’originalité ankariote.

22À ce stade, pour résumer, on admettra les postulats suivants : la localisation d’une capitale n’est jamais tout à fait innocente, pas plus que son organisation interne. La capitale est aussi un indicateur, sensible aux fluctuations et soubresauts du politique, comme à ceux des sociétés qui l’animent. Elle a cependant, on ne saurait l’oublier, sa logique propre de structuration.

L’étude d’un processus de construction

  • 33 Voir par exemple les écrits de l’historien B.N. Şimşir.
  • 34 cf. « Athènes : trois méthodes pour l’étude d’une agglomération millionnaire », L’espace Géographiq (...)

23Cet « objet » qu’est Ankara-capitale sera plus précisément abordé sous l’angle de sa genèse. Qu’est-ce à dire ? C’est un acte de (re)création, puis surtout une tentative de construction et d’aménagement que nous nous proposons d’examiner. Ce que certains auteurs turcs dénomment le « devenir-capitale » (başkentin oluşu) d’Ankara33, voire, par un néologisme difficilement traduisible, başkentleşme (le suffixe -leşme évoquant l’idée de dynamique à l’œuvre). Ainsi, la construction et l’aménagement sont à distinguer de la croissance économique ou démographique. En cela, le « devenir-capitale » ne peut être assimilé à la « capitalisation », définie comme « la croissance démographique et économique de la capitale », telle que l’entend G. Burgel34. Si ces aspects, économie et démographie, vont être évidemment pris en compte, ils ne le seront qu’à titre secondaire. L’accent portera plutôt sur les « stratégies de constitution d’une capitale » et leurs effets spatiaux. En filigrane pointe une série de questions que l’on pourrait ramasser ainsi : « comment se structure une capitale ? », « selon quelle logique, s’il y en a une, se réalise l’accumulation des attributions qui définissent une capitale ? ».

  • 35 cf. Jean Labasse, 1971 : L’organisation de l’espace, Paris, Hermann ; voir principalement les chapi (...)
  • 36 Voir l’article de C. Chaline cité à la note 19.
  • 37 cf. J.C. David, 1986: « Alep-Damas. La fonction de capitale comme facteur de transformation de la v (...)

24Ce qui nous préoccupe donc, ce sont les modalités suivant lesquelles une capitale « prend figure », à la fois par des politiques volontaristes35, impulsées et contrôlées par l’État, et par des processus spontanés échappant officiellement à la rationalité politique déclarée. C’est là à vrai dire un moment privilégié de la dialectique urbanisme (de projet)/urbanisation36, où le premier terme est censé intégralement commander au second. Mais il s’agit simultanément d’analyser un processus de transformation urbaine – car Ankara n’est pas entièrement une création ex-nihilo – liée à la « fonction de capitale »37, dont se trouve subitement investie une ville préexistante.

  • 38 C’est pourquoi nous souscrivons entièrement au point de vue suivant de C. Raffestin : « La nouvelle (...)

25Sur ces bases, nous analyserons cette capitale à une période bien déterminée de son histoire, celle de sa mise en place, en forme et au monde. En d’autres termes, au risque de froisser ceux qui estiment qu’il n’est de géographie que des organisations spatiales, actuelles, nous avons préféré nous consacrer à une période passée, les années 1919-195038. Pour un premier cadrage, les deux dates limite retenues sont des dates d’abord politiques : 1919, c’est, après l’épreuve fatale de la Première Guerre mondiale pour l’Empire ottoman, le début d’une réaction, turque et anatolienne, contre les prétentions territoriales des puissances vainqueurs. 1950, à l’autre extrémité, marque le terme de trente années de vie politique dominées par le parti unique fondé par M. Kemal. Cette dernière coupure est aussi, dans une moindre mesure, à la fois culturelle, économique et démographique. Elle coïncide, si l’on peut dire, avec le triomphe du modèle américain (tant en architecture que dans l’éducation), avec une ouverture brusque au marché mondial (c’est-à-dire en premier lieu aux importations et autres aides américaines), ainsi qu’avec une nette accélération, corrélée à ces mutations, de l’exode rural.

26En vérité, les années 1919-1950 sont les années fondatrices d’Ankara, jusque-là très peu, ou seulement partiellement, étudiées. Certes, nous aurions pu privilégier l’Ankara actuelle, en nous contentant de l’« historique de service », qui aurait succinctement évoqué les premières années de la capitale, reprenant toutes les approximations et autres inexactitudes, invariablement véhiculées sur cette époque trouble. Mais nous aurions manqué une période cruciale.

27Il y a à ce choix « historique » des raisons plus contingentes, qu’on ne peut, non plus, sous-estimer. En effet, l’Ankara contemporaine fait l’objet de travaux de la part de nationaux in situ, que, du fait de la distance de notre terrain, nous aurions eu du mal à « concurrencer ». Nous n’aurions pu que faire « double emploi », avec tous les mal-entendus et les risques que comportent la distance, et les questions de langue. Il fallait donc prendre en compte notre condition d’étranger et de « géographe de cabinet » forcé, qui nous inclinait à travailler prioritairement sur les sources européennes, et à partir de documents rapidement défrichés ou photocopiés lors de « séjours éclair ». C’était à ce niveau seulement, étant donné nos conditions de travail, que nous pouvions prétendre apporter quelque chose à la meilleure connaissance de la capitale turque.

Sources et méthodes

Quelles sources ? Parti pris et limites

28Pour répondre aux questions pressenties, nous avions en mains plusieurs types de sources, entre lesquels il a souvent fallu, sinon choisir, du moins établir des priorités. Celles-ci nous ont parfois été dictées par les circonstances, des considérations linguistiques ou des contraintes d’ordre administratif. On peut tout d’abord différencier deux ensembles, les sources d’époque d’une part, et les « sources » plus contemporaines, d’autre part.

  • 39 Cf. Kazım Öztürk, 1990 : Atatürk’ün TBMM. Açık ve gizli oturumlarındaki konuşmaları (discours d’Ata (...)
  • 40 On trouvera ainsi dans les annexes générales, revue par revue, les articles se rapportant à notre s (...)

29En ce qui concerne le premier ensemble, on doit introduire une autre division, entre les sources turques, d’un côté, et les européennes, de l’autre. Au sein des sources turques, nous avons sciemment privilégié les « procès-verbaux » de l’Assemblée nationale (T.B.M.M. Zabıt Ceridesi, dénommées par la suite Tutanakları). Ce choix nous semble conforme à nos orientations, dans la mesure où l’Assemblée fut un des principaux lieux de débat et de définition de la politique urbaine de l’État. C’est aussi grâce à ces « procès-verbaux » que nous avons pu suivre pas à pas le processus d’établissement du cadre juridique de la construction. Cette source cruciale a été enrichie à l’aide de compléments récents, rendant publics des débats longtemps tenus secrets39. Par ailleurs, nous nous sommes employés à dépouiller les principales revues d’architecture et d’urbanisme de l’époque, qui fournissent de précieux renseignements sur la construction d’Ankara40, sous des angles d’ailleurs assez diversifiés. En outre, à ces sources ont été ajoutées, mais de manière beaucoup moins systématique, des sources journalistiques et littéraires. Pour ce qui est des journaux, les séries exploitées sont très lacunaires. Cependant, les organes officiels ou officieux du gouvernement, comme Hakimiyet-i Milliye, devenue Ulus en 1934, ont pu être plus suivis que les autres. Aussi, de manière évidente, il ressort que nous n’avons pas épuisé, et de beaucoup, toutes les sources turques possibles : les « archives de la municipalité » (Belediye arşivi) – que nous n’avons pu qu’effleurer –, celles de la « Direction Générale des fondations pieuses » (Vakıflar Genel Müdürlüğü) – abordées de « seconde main » –, comme les archives privées de certains architectes-urbanistes ou de certains politiques appellent encore bien des recherches.

  • 41 Série Levant 1918-1940 « Turquie » ; les dossiers suivants ont été tout particulièrement féconds  (...)
  • 42 Cf. Ankara Ankara... bir Başkentin Doğuşu (...la naissance d’une capitale), Ankara, Bilgi Yayınevi, (...)

30En parallèle, les sources européennes de l’époque se ventilent aussi en plusieurs sous-ensembles. En tête on placera les sources diplomatiques, françaises essentiellement, consultées au ministère des Affaires étrangères (et que l’on abrégera de la sorte : AMAE)41. Quant aux sources diplomatiques anglaises, nous n’y avons pas eu accès directement, mais par le biais des travaux de B.N. Şimşir, qui les a minutieusement exploitées42. Du côté allemand, au sens large de la communauté germanophone, ce sont les revues d’architecture et d’urbanisme de l’entre-deux-guerres qui ont été dépouillées, de même que les fichiers de certaines grandes universités techniques (comme la Technische Hochschule de Berlin). Aussi, de même que pour les sources turques, les sources « germaniques » – nous n’en avons que trop conscience – mériteraient de plus amples investigations : les archives privées d’H. Jansen ou de C. Holzmeister, par exemple, objets de travaux en cours, nous sont restées inaccessibles.

  • 43 Die Entwicklung der Wohngebiete der Stadt Ankara seit 1923 unter besonderer Berücksichtgung des G (...)
  • 44 Cf. Drakakis-Smith D.W. & Fischer W.B., 1976: « Slums and squatters in Ankara. Case studies in four (...)
  • 45 Akinobu Terasaka & Itsuki Nakabayashi, 1992 : Geographical Views in the Middle Eastern Cities, III (...)
  • 46 Ankara, étude de géographie urbaine, 2 vols, ronéot., 295 p., Thèse pour le doctorat en géographie, (...)
  • 47 Les structures commerciales des quartiers périphériques d’Ankara. Les petits commerces de « Gecekon (...)
  • 48 C. Chaline, 1989 : Urbanisme et développement. Évaluation de quatre schémas directeurs métropolit (...)

31S’agissant des sources et documents contemporains, il est difficile de proposer une classification claire et convaincante. On se limitera à quelques remarques. Du côté européen, on note, en Allemagne, une certaine prospérité des « études turques », liée entre autres raisons à la présence d’une importante communauté immigrée. Cependant, depuis la thèse d’Erkan Şen43 (1975), à notre connaissance, aucun travail n’a été conduit, sur Ankara spécifiquement. En Grande-Bretagne, comme aux États-Unis, les références semblent se réduire à quelques articles44. Par ailleurs, du côté japonais, les dernières publications du Groupe d’étude sur les villes du Moyen Orient de l’université Ryutsu Keizai n’appportent rien de vraiment inédit. En effet, dans le n° III de la série, entièrement consacré à Ankara, les quelques pages relatives à la première moitié du vingtième siècle (pp. 23-24 & pp. 38-41) répercutent des erreurs charriées depuis des années45. En France, depuis la thèse d’H. Bolot (1973)46, il faut aussi signaler le travail de Semra Teber Demirel (1984)47 et une très pertinente étude comparative48 qui concerne, en partie seulement, Ankara.

32Toutefois, dans toutes ces études « occidentales », c’est l’agglomération contemporaine qui retient en premier lieu l’attention, et le plus souvent sous l’angle de l’habitat non intégré ou non réglementaire (dénommé gecekondu en turc).

  • 49 Principalement dans les revues Mimarlık, Arkitekt et Coğrafya Araştırmaları.
  • 50 Ankara Büyük Şehir Belediyesi, 1992 : Ancyra, Angora, Ankara. Kent bibliografyası, Ankara ; cette b (...)
  • 51 Cf Tarih İçinde Ankara (Ankara dans l’histoire), 1984, Ankara, O.D.T.Ü.
  • 52 Ankara Konuşmaları, Ankara, TMMOB Mimarlar Odası Ankara Şubesi Yayınları, 1992.
  • 53 Cf. M. Hekimoğlu : « Eski Meclis’e yeni sahip » (nouveau propriétaire pour l’ancienne Assemblée), C (...)

33Il en va tout autrement en Turquie. En effet, depuis quelques années on note un récent renouvellement de la « documentation turque » sur Ankara, qui oblige, en quelque sorte, à refaire le point. De fait, on assiste à un réel mouvement de redécouverte du passé (même proche) d’Ankara. En témoignent, outre un foisonnement d’articles49 de qualité et de portée variables, l’apparition en 1991 d’une revue spécialisée, la « revue d’Ankara » (Ankara Dergisi), toute consacrée à cette « réhabilitation », et celle d’une vaste et confuse bibliographie de 413 pages, sortie en janvier 199250. Les deux publications sont d’ailleurs des initiatives de l’instance chargée de gérer le « Grand Ankara », de plus en plus soucieuse de développer et de faire connaître l’histoire propre de l’agglomération. En écho, on doit aussi signaler les initiatives prises par le département « Architecture et planification urbaine » de l’Université Technique du Moyen-Orient (O.D.T.Ü.) d’Ankara51, ou par la section ankariote de la chambre des architectes (TMMOB Mimarlar Odası Ankara Şubesi). À l’actif de cette dernière, nous ne citerons que les « Entretiens d’Ankara »52, qui condensent les dernières recherches concernant la capitale. C’est dans le même esprit que des efforts sont entrepris, enfin, pour valoriser le patrimoine historique de la capitale. Depuis peu, en fait, la vieille ville est réinvestie et même traitée comme un élément attractif de l’agglomération. Dans ce cadre, un plan de restauration de l’habitat traditionnel a été lancé dans la citadelle, ainsi que des travaux de dégagement autour d’une des plus vieilles mosquées de l’ancien noyau urbain (Hacı Bayram). Parallèlement, il est question d’installer l’organisme de gestion du « Grand Ankara » (ou Anakent), dans le deuxième bâtiment de l’Assemblée nationale (construit en 1924-1925), c’est-à-dire au cœur même de l’ancienne ville53.

  • 54 De cette « veine », cf. : B.E. Behar, 1992 ; İktidar ve Tarih. Türkiye’deResmi Tarih” Tezinin olu (...)

34De plus, grâce à l’enrichissement et à la diversification des sources suite aux changements politiques des dernières années, les points de vue portés sur le passé se sont assez sensiblement diversifiés et nuancés. Aux histoires officielles, étroitement partisanes, s’ajoutent ainsi des histoires plus critiques, qui jettent un éclairage nouveau sur la Guerre d’indépendance, les débuts de la République, comme la période du parti unique54.

35Pour toutes ces raisons, un travail de synthèse, au moins, n’était pas inutile, qui tienne compte de toutes ces approches et de tous ces apports nouveaux. De fait, même s’il subsiste des zones d’ombre, le notable enrichissement de la documentation a permis de lever quelques approximations et d’éclaircir quelques questions demeurées obscures. C’est dans cette optique d’information et de clarification qu’il nous a semblé important de dresser des annexes ayant trait tant à la chronologie, à la toponymie, qu’aux patronymes. Conçus au départ pour nous repérer et pour faciliter notre lecture des documents, ces outils ont été intégrés au « produit final ». En ce sens, notre travail est une introduction à une période et un ensemble de problèmes tout juste défrichés ; il « balise » un terrain encore mal arpenté, pose des jalons et propose des analyses sans jamais prétendre dire le dernier mot. Sa seule ambition, en définitive, est de faire un bilan cohérent et distancié de ce qu’on peut considérer maintenant comme établi.

Questions de méthode

36Les contours de l’objet et les sources principales définis, il faut mettre au point un angle d’analyse adapté. Or, pour étudier les débuts d’Ankara, c’est-à-dire la mise en place de la capitale comme nouvelle organisation urbaine (donc sociale et politique), nous disposons de plusieurs « modèles ».

  • 55 Notre liste, chronologique, n’est évidemment pas exhaustive :
    M. Clerget, 1934 : Le Caire, étude de (...)

37En premier lieu, nous pourrions ranger les monographies de géographie urbaine. Et particulièrement celles relatives aux pays du bassin méditerranéen ou aux pays sous-développés : de la thèse de M. Clerget sur Le Caire (1934), à celle de A.-M. Seronde sur Rome (1977)55. L’inconvénient majeur, c’est qu’elles portent souvent sur des unités urbaines de grande taille, qui soulèvent des problèmes spécifiques et appellent une approche adaptée qui ne saurait convenir au cas d’Ankara (20 000 habitants en 1920, 300 000 en 1950). De même, si nous partageons les présupposés de R. Ferras, communs à ceux de G. Burgel, selon lesquels « (...) l’urbain est la résultante de deux types d’intervention, la grande entreprise, émanation d’une organisation économique, et l’appareil politique... », il nous est difficile de le suivre au-delà, dans toute sa démarche. Ce, à la fois pour des raisons d’objet de recherche (nous nous attachons au processus), et de sources (par exemple, l’appareil statistique à notre disposition ne nous permet pas de mener une étude du « prolétariat » ankariote, analogue à celle que conduit R. Ferras dans son Livre second). En somme, si riches et pertinentes que puissent être ces monographies urbaines, elles ne nous aident que partiellement à asseoir notre approche.

  • 56 En se cantonnant, ici, à quelques études en langue française, cf. :
    J. Sauvaget, 1941 : Alep, Thèse (...)
  • 57 cf. E. Wirth : „Zur Konzeption der Islamischen Stadt. Privatheit im islamischen Orient versus Öffen (...)
  • 58 Cf. X. de Planhol : « Espaces des villes islamiques. Forces économiques et composantes culturelles (...)

38Pour y parvenir, en second lieu, nous disposons d’études caractéristiques par leur souci de l’environnement culturel de l’objet analysé ; ici, en l’occurrence, la civilisation islamo-orientale. En d’autres termes, après les modèles par la similitude (relative) des « objets », ceux par la communauté de l’espace géographico-culturel dans lequel les « objets » s’insèrent. Dans cette catégorie nous plaçons les études urbaines des « orientalistes »56 ou apparentés. Tous ces travaux présentent le mérite de prendre en compte une dimension prégnante quand on appréhende les villes de l’aire islamique57. Toutefois, le risque latent, c’est de croire à une absolue différence de la ville musulmane, parfois à tort érigée en « idéal-type », illusion à laquelle on ne saurait sans dégâts se laisser entraîner. D’autant qu’Ankara est la capitale d’un État résolument laïc depuis 1928. Il importera donc de ne pas sous-estimer les logiques d’organisation communes à toutes les villes contemporaines, quelle que soit l’aire de civilisation à laquelle elles appartiennent, tout en étant attentif à certains éléments de singularité58.

39Ceci posé, notre démarche sera – mais avec tous les garde-fous et toutes les restrictions qui s’imposent – à la fois chronologique (génétique) et monographique.

40Chronologique, d’une part. En effet, l’analyse d’un processus peut difficilement passer outre la dimension-temps. Mais celle-ci peut être intégrée et « prise en charge » de diverses manières.

41La plus évidente tient au fait que l’idée de procès (la naissance) implique une durée, c’est-à-dire des rythmes, des phases, des séquences, des étapes. De même, les urgences qui ont guidé à la construction ont varié avec le temps. Et si la capitale a ses propres rythmes de métamorphose, elle répercute aussi ceux des pouvoirs et des populations qu’elle abrite. En conséquence, il nous faudra restituer les vitesses de transformation du paysage urbain, ses pulsations, ainsi que les moments d’intervention ou d’irruption de tel ou tel acteur. C’est pourquoi, aussi, nous essaierons de fixer des images successives de la capitale, tout au long de sa genèse.

  • 59 En ce qui concerne les principaux acteurs, on pourra se référer aux annexes qui contiennent des brè (...)
  • 60 De même, les annexes contiennent une chronologie des principales lois et mesures qui ont jalonné et (...)

42Cependant, il n’est pas question de s’arrêter là. Car un processus de construction met en œuvre et implique des acteurs59, des cadres juridiques et administratifs60, des moteurs, parfois complémentaires, parfois antagonistes. Aussi, nous nous emploierons à dégager chacune de ces composantes, en essayant d’évaluer, à différentes étapes du processus, leur poids relatif et leur combinaison. De fait, les acteurs dominants peuvent changer en trois décennies et ceux qui se proclament dominants peuvent ne pas l’être à l’examen. De même, à une logique de développement urbain, peut se substituer une autre. Nous aurons à en rendre compte, sans oublier le contexte tant historique, politique, qu’économico-social.

  • 61 À cet égard, cf. C. Chaline, 1989 : Urbanisme et développement. Évaluation des schémas directeurs d (...)

43Par ailleurs, l’étude d’un processus de construction volontaire ne peut manquer de confronter des modèles (de construction), qu’ils soient ouvertement revendiqués ou tacites, aux résultats, c’est-à-dire à la ville « réelle ». Il s’agira donc de savoir quels sont les modèles urbains qui ont présidé à la construction d’Ankara, dans quelle mesure ceux-ci ont évolué, et dans quel sens ils ont été infléchis61. La norme et l’écart sont indissociables.

44En outre, on s’attachera à faire ressortir l’ampleur des enjeux suscités par la mise en place et la conduite du processus de construction. En effet, qui dit projet urbain à initier et « piloter » dit simultanément « choix », et assez immanquablement conflits d’intérêts et polémiques. On imagine aisément que selon les intérêts et les options politiques, les formes urbaines envisagées et défendues n’ont pas été les mêmes. C’est pourquoi, nous nous efforcerons de souligner les différents points de vue exprimés à l’occasion de telle ou telle décision d’urbanisme. Même en régime de parti unique, les divergences d’intérêt sont perceptibles.

45Étude chronologique, d’autre part, ne signifie pas obligatoirement absorption dans le passager et l’éphémère, au mépris des permanences, des temps longs et lents. Nous ferons donc en sorte que le souci des évolutions et mutations ne soit pas exclusif d’un sens des constantes.

  • 62 Cf. « La ville : lieu de rencontres entre géographes, historiens et architectes », La Recherche en (...)

46Enfin, ce n’est pas parce qu’on traite du passé, en étant de surcroît attentif à la chronologie, qu’on ne fait, nécessairement, que de l’« histoire », au sens académique et cloisonné de l’expression. Et quand bien même, d’ailleurs. En effet, ainsi que le souligne M. Roncayolo, la « ville », comme objet d’étude, se situe à l’intersection de plusieurs des disciplines actuellement constituées et différenciées. Elle est un « lieu de recontres »62. Donc, sans renier nos origines, nous ne nous embarrasserons d’aucune « querelle de limites », en évitant, cependant, de verser dans un œcuménisme informe.

  • 63 En nous réclamant des remarquables « Contes de l’urbanisme ordinaire » de R. Borruey ; ss la dir. d (...)
  • 64 On se rappellera la réflexion de L. Febvre : « Des études régionales qui excluraient toute comparai (...)
  • 65 « Ainsi “la ville”, case exemplaire, mais surveillée par le géographe descriptif, rejette ipso fact (...)

47Démarche monographique, en second lieu. Pour faire le lien avec le premier aspect, nous pouvons rapprocher le terme de chronologie avec celui de chronique, voire de conte63 (puisqu’il s’agit un peu d’une épopée). Relater un processus c’est toujours, d’une façon ou d’une autre, décrire. Mais toute description focalisée sur un « objet » apparemment ponctuel (mais en fait composante d’un système) n’est pas nécessairement une dérive impressionniste, ni une monographie bornée64. Il a déjà été précisé que l’« objet-capitale » ne saurait être examiné en lui-même et par lui-même, comme une entité (fictivement) close et arbitrairement clôturée. Aussi, nous nous emploierons à maintenir en permanence une exigence comparative, qui nous évitera de verser dans le « travers idiographique ». Cependant, pour nous, la « description », qui peut revêtir des formes très variables, n’a pas à être discréditée a priori65. Celle que nous revendiquons, loin de toute provocation, s’apparenterait en définitive au célèbre « mixte » (vidalien), en tant que « description raisonnée » et « explicative ».

  • 66 Pour une étude caractéristique de ce genre d’approche (très riche et informative par ailleurs), cf. (...)
  • 67 Comme le fait, en autres, E. Dalmasso (1971) ; voir dans la deuxième partie, chapitre I, C) « La fo (...)

48En dernier lieu, compte tenu de certains des modèles possibles, invoqués plus haut, insistons sur notre refus d’une approche fonctionnelle, qui privilégierait la distribution et l’évolution des fonctions de la capitale66, au travers d’une analyse de la population active, doublée d’une analyse « secteur d’activité » par « secteur d’activité ». L’état des statistiques de cette période nous empêche de procéder ainsi. En outre, traiter le statut de capitale comme une « fonction »67 aisément définie, au même titre que les « fonctions économiques, militaires et religieuses... » (aux contours tout aussi discutables d’ailleurs), nous paraît, dans le cas d’Ankara, plutôt inadapté.

Notes

1 Pages 84 & 100 de la traduction française (1972) ; voir note n° 28.

2 Nous pensons au « club d’Ankara » (Ankara Kulübü) – implanté dans diverses grandes villes – rassemblant des nostalgiques de l’époque kémaliste.

3 La « petite phrase » prononcée par la premier ministre Tansu Çiller, et largement répercutée par la presse turque (stambouliote en majorité) au mois d’août 1993 est claire ; « La Turquie ne peut plus être administrée seulement d’Ankara » (Türkiye artık sadece Ankara’dan yönetilemez) ; cf. Hürriyet, 3/8/1993.

4 Cf. Cumhuriyet, 11/11/1991.

5 À ce sujet signalons que la distinction secteur public/secteur privé est assez difficile à faire, sinon fallacieuse, en Turquie.

6 De fait, en l’an 2000, la Turquie est, avec l’Égypte et, dans une moindre mesure, l’Algérie, le pays le plus peuplé du bassin méditerranéen, avec plus de 65 millions d’habitants. Ne serait-ce qu’à ce titre, s’en trop désintéresser nous paraît regrettable.

7 Cf. Gilbert Dagron, 1974 : Naissance d’une capitale. Constantinople et ses institutions de 330 à 451, Paris, P.U.F., « Bibliothèque Byzantine » ; c’est aussi le titre d’un ouvrage en turc : B.N. Şimşir, 1988 : Ankara, Ankara... bir başkentin doğuşu, Ankara, Bilgi Yayınevi ; dans la série des consonances formelles, on peut mentionner aussi l’article de C.A. Doxiadis (1967) ; « Naissance d’une capitale, Islamabad, Ville nouvelle de deux millions d’habitants », 2000 : Développement, Aménagement du territoire, Région, n° 2, pp, 29-35.

8 Cf. Naissance d’une capitale... op. cit., p. 29.

9 Cf. Naissance d’une capitale... op. cit., p. 48.

10 Cf, Naissance d’une capitale... op. cit., pp. 525-530 (« La population de Constantinople aux IVe et Ve siècles »).

11 À propos de cinéma, nous cherchons toujours le film (de propagande) turco-soviétique intitulé Le cœur de la Turquie : Ankara (Türkiye’nin kalbi : Ankara), tourné durant les années trente par Yurtkevitch ; cf. Mehmet Kemal, 1983 : Türkiye’nin kalbi : Ankara, Istanbul, Can Matb., pp. 5-6.

12 Toujours dans une optique comparative, toutes choses égales, cf. Alain Dieckhoff, 1993 : L’invention d’une nation, Israël et la modernité politique, Paris, Gallimard ; nous y reviendrons au sujet du choix de Tel-Aviv comme capitale en 1947.

13 Cité dans Deux siècles de géographie française, choix de textes, dir. de P. Pinchemel, 1984, Paris, C.T.H.S., « Mémoires de géographie » 13, p. 151.

14 Cf. M. Seurat, 1985 : « Le quartier de Bâb Tebbâné à Tripoli (Liban) : étude d’une ‘asabiyya urbaine », in Mouvements communautaires et Espaces urbains au Machreq, CERMOC, Beyrouth, p, 46.

15 Désormais, chaque fois que nous parlerons de « capitale » (sans autre spécification), il s’agira de la capitale politique ; dans les autres cas, capitale économique, religieuse..., nous préciserons à l’aide de l’épithète convenue.

16 Comme semblerait le laisser entendre P. Claval (1991), évoquant la « géopolitique au début du siècle » : « (...) on risque de s’arrêter à telle ou telle catégorie spatiale (État, capitale, frontière...), qui sont certes importantes, mais qui peuvent masquer des sociétés en mouvement ». (Nous soulignons) ; cf. « De Thucydide à la nouvelle classe de service », in ss la dir. de J. Levy, 1991 : Géographies du politique, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, coll. « Références », p. 62.

17 Attesté dès 1509, le terme de « capitale » vient en effet du latin caput, la tête, le chef ; « où il s’agit de la tête et de la vie » dit le Littré à l’entrée « capital, ale ».

18 cf. J. Derrida : « L’autre cap », Le Monde, 29 septembre 1990, supplément « Liber », pp. 11-13 ; dans cette variation autour du terme « cap », J. Derrida, prenant acte des mutations politiques récentes en Europe (entité entendue au sens large), se pose la « question du lieu au moins symbolique pour une capitale de la culture européenne, d’un lieu qui ne soit ni politico-étatico-parlementaire, ni un centre de décision économique ou administratif, ni déterminé par sa centralité géographique, la taille de son aéroport ou une capacité d’accueil de ses infrastructures hôtelières à la mesure du volume d’un parlement européen (...) ».

19 À propos de la capitale saoudienne, cf. C. Chaline : « Riyad ou l’urbanisme de l’abondance », L’information géographique 2, vol 51, 1987, pp. 45-51 & P. Bonnenfant : « Riyadh, métropole d’Arabie », Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie 20(2-3), pp. 395-420.

20 À propos de la capitale ivoirienne, cf. J.-L. Chaléard & A. Dubresson 1993 : « Yamoussoukro ou de l’ivoirite d’une mégalomanie », Les cahiers de Fontenay 69/70, pp. 173-189.

21 Sur la notion de « raison d’être » d’une nation, cf. Norman J.G. Pounds, 1963; Political Geography, New York..., Mc Graw-Hill Book Company, p. 2-24 & R. Hartshorne, 1950: « The functional approach in political geography », Annals of the Association of American Geographers 40, p. 95-130.

22 Parmi lesquelles il faut citer celle de J.-P. Garnier, 1972 : Les problèmes urbains à la Havane et la construction du socialisme à Cuba, Thèse de doctorat de 3e cycle, Université Toulouse-Le-Mirail, 1972.

23 Voir un exemple très original, qui concerne le Sud-Pacifique : P. Schöller 1978 ; „Rezente Staatentbildung und Hauptstadt-Zentralität im Süd-Pazifik”, Erdkunde 38, p. 228-239.

24 voir note 21.

25 The Earth and the State, 1939 (1e éd.), New York, Henry Holt and Cy Inc. ; voir spécialement les pages (dans la deuxième éd. de 1944) 223-234 & 461-476 & 553-555 & 585-587.

26 Voir notamment dans la traduction française (partielle) publiée chez Fayard (1988), les pages 137-138.

27 Voir note 7.

28 Oxford University Press, 1970 ; trad. française (M. Matignon) : Les villes dans l’histoire. Cités en mouvement, Paris, Payot en 1972 ; précisons que cet ouvrage systématise des analyses esquissées dans la somme écrite par Toynbee (A Study of History, New York, Oxford University Press, 1954), dans le septième volume.

29 Dont nous n’oublierons pas, pour notre part, La politique des États et leur géographie, Paris, Ad Colin, coll. « Sciences politiques », 1952.

30 Ici les exemples sont nombreux : Abija (Nigéria), Saint-Pétersbourg de Pierre-Le-Grand, New Delhi, Canberra, Brasilia ; à propos de cette dernière, cf. C. Heuze 1986 : « Émergence d’une capitale, Brasilia », Cahiers des Sciences Humaines, Orstom 22(3-4), p. 429-443 & Sir W. Holford 1962, « Brasilia : the federal capital of Brazil », Geographical Journal CXXVIII(1), p. 15-18.

31 Cf. Eléni Kalafati : « La construction d’une ville nouvelle. Prescriptions et planification », in Ministère de la Culture, Caisse des fonds Archéologiques, Athènes, ville capitale, Athènes, Affaires Européennes, 1985, pp. 100-149 ; précisons que d’un point de vue démographique, Athènes, à l’heure de sa promotion (1833) – avec environ 20 000 habitants – est beaucoup plus proche d’Ankara en 1919, que Rome et Berlin en leur temps.

32 L’expression non homologuée d’« État neuf » ne doit pas induire en erreur : elle désigne un État récemment institué dans des formes légales (Constitution...) et récemment reconnu (ou en passe de l’être) par ses pairs ; à un État neuf peut correspondre soit une nation accédée récemment à la conscience d’elle-même, soit une nation forte d’une vieille histoire.

33 Voir par exemple les écrits de l’historien B.N. Şimşir.

34 cf. « Athènes : trois méthodes pour l’étude d’une agglomération millionnaire », L’espace Géographique 3, 1972, p. 183-193 ; à noter qu’à cette date, G. Burgel prévoit de libeller sa thèse « étude de la formation d’une capitale », alors qu’elle s’intitulera, finalement, en 1975, « (...) étude de la croissance d’une capitale (...) » ; si la nuance fait sens, notre optique s’apparenterait plus à la première version (délaissée), qu’à la seconde.

35 cf. Jean Labasse, 1971 : L’organisation de l’espace, Paris, Hermann ; voir principalement les chapitres III, V, VI et VII.

36 Voir l’article de C. Chaline cité à la note 19.

37 cf. J.C. David, 1986: « Alep-Damas. La fonction de capitale comme facteur de transformation de la ville », Bulletin de la Société Languedocienne de Géographie 20(2-3), pp. 369-394 ; nous émettons plus bas des réserves sur l’expression « fonction de capitale ».

38 C’est pourquoi nous souscrivons entièrement au point de vue suivant de C. Raffestin : « La nouvelle géographie, en évacuant l’histoire dans une large mesure a cru fonder l’autonomie de la géographie qui n’est qu’un leurre » ; cf. « Théorie du réel et géographicité », EspaceTemps 40/41, 1989, p. 29.

39 Cf. Kazım Öztürk, 1990 : Atatürk’ün TBMM. Açık ve gizli oturumlarındaki konuşmaları (discours d’Atatürk durant les sessions secrètes et ouvertes à l’Assemblée), I & II, Ankara & T.B.M.M. Gizli Celse Zabitleri (Procès-verbaux des sessions secrètes à l’Assemblée), vol. I-IV, Ankara, 1980.

40 On trouvera ainsi dans les annexes générales, revue par revue, les articles se rapportant à notre sujet ; les revues sélectionnées sont Mimarlık, Mimar/Arkitekt, Belediyeler/İller ve Belediyeler et Karınca.

41 Série Levant 1918-1940 « Turquie » ; les dossiers suivants ont été tout particulièrement féconds : n° 17 : « Consulat d’Angora » ; n° 432 : « Travaux Publics » (Mai 1918-Déc.1924) ; n° 433 : « Travaux Publics » (Janv. 1925-Déc. 1929) ; n° 658 : « Travaux publics ». Dossier Général. (1930-1936).

42 Cf. Ankara Ankara... bir Başkentin Doğuşu (...la naissance d’une capitale), Ankara, Bilgi Yayınevi, 1988.

43 Die Entwicklung der Wohngebiete der Stadt Ankara seit 1923 unter besonderer Berücksichtgung des Gecekondus Phäenomens, thèse, soutenue à Sarrebruck (qui ne consacre que quelques pages à l’Ankara de la première moitié du siècle).

44 Cf. Drakakis-Smith D.W. & Fischer W.B., 1976: « Slums and squatters in Ankara. Case studies in four areas of the city », Town Planning Review, vol. 47, n° 13; cf. Ö. Altaban & M. Güvenç, « Urban planning in Ankara », Cities, mai 1990, pp. 149-158;

45 Akinobu Terasaka & Itsuki Nakabayashi, 1992 : Geographical Views in the Middle Eastern Cities, III « Ankara », The study Group on Middle Eastern Cities, Ryutsu Keizai University ; à noter qu’un des articles de ce recueil, écrit par Ruşen Keleş, comporte une étonnante comparaison Ankara/Tokyo (pp. 28-29).

46 Ankara, étude de géographie urbaine, 2 vols, ronéot., 295 p., Thèse pour le doctorat en géographie, Université de Paris 1 ; voir le résumé fait par X. de Planhol : « Aspects de la géographie sociale d’Ankara », Revue Géographique de l’Est 1-2, pp. 99-107.

47 Les structures commerciales des quartiers périphériques d’Ankara. Les petits commerces de « Gecekondu » d’Ankara, Thèse de 3° cycle, ss la dir. du professeur X. de Planhol, Université de Paris IV, 1984 ; à ceci on doit adjoindre un article de X. de Planhol, fait à partir de mémoires de maîtrise (de A.-M Hébrard & B. Brillion) : « Ankara : aspects de la croissance d’une métropole », Revue Géographique de l’Est 1-2, pp. 155-187.

48 C. Chaline, 1989 : Urbanisme et développement. Évaluation de quatre schémas directeurs métropolitains : Ankara, Le Caire, Rabat, Tunis, Paris, SEDES.

49 Principalement dans les revues Mimarlık, Arkitekt et Coğrafya Araştırmaları.

50 Ankara Büyük Şehir Belediyesi, 1992 : Ancyra, Angora, Ankara. Kent bibliografyası, Ankara ; cette bibliographie comprend 2921 titres.

51 Cf Tarih İçinde Ankara (Ankara dans l’histoire), 1984, Ankara, O.D.T.Ü.

52 Ankara Konuşmaları, Ankara, TMMOB Mimarlar Odası Ankara Şubesi Yayınları, 1992.

53 Cf. M. Hekimoğlu : « Eski Meclis’e yeni sahip » (nouveau propriétaire pour l’ancienne Assemblée), Cumhuriyet dergi, 15/12/1991, p. 301 ; de même, à propos du destin controversé du « Küçük Tiyatro » (ex vakıf apartman), cf Aydınlık, 24/9/1993.

54 De cette « veine », cf. : B.E. Behar, 1992 ; İktidar ve Tarih. Türkiye’deResmi Tarih” Tezinin oluşumu (1929-1937), (Pouvoir et histoire. L’émergence de la thèse de l’« histoire officielle » en Turquie...), Istanbul, AFA Yayınları.

55 Notre liste, chronologique, n’est évidemment pas exhaustive :
M. Clerget, 1934 : Le Caire, étude de géographie urbaine et d’histoire économique, Le Caire, Imprimerie E. & R.Schindler.
E. Dalmasso, 1971 : Milan, capitale économique de l’Italie, Étude géographique, Gap, Ophrys.
L-P. Garnier, 1972 : Les problèmes urbains à la Havane et la construction du socialisme à Cuba (voir supra).
G. Burgel, 1975 : Athènes, étude de la croissance d’une capitale méditerranéenne, Service de reproduction des thèses de l’université Lille III et Librairie Champion (Paris), 781 p. ; du même G.B., signalons « Notes sur le développement de l’agglomération d’Istanbul », Bulletin de l’Association des Géographes Français 355/356, juin-septembre 1967, pp. 51-63.
R. Ferras, 1976 : Barcelone, croissance d’une métropole, Service de reproduction de thèse de l’université Lille III (thèse éditée aussi chez Anthropos, à Paris, en 1978).
A.-M. Seronde, 1977 : Rome, croissance d’une capitale, Thèse pour le doctorat d’État, Université Paris I, 600 p.

56 En se cantonnant, ici, à quelques études en langue française, cf. :
J. Sauvaget, 1941 : Alep, Thèse préparée à la faculté des lettres de Paris, Geuthner, 1 vol. , 302 p. (voir le résumé par R. Blachère, Journal Asiatique, n° 234-235, 1943-1945, pp. 373-379). L’étude va des origines à 1831.
A. Adams : « Le “bidonville” de Ben Msik à Casablanca : contribution à l’étude du prolétariat musulman au Maroc », Annales de l’Institut d’Études Orientales, VIII, 1949-1950, pp. 69-90.
M. Bazin, 1969 : « Erzurum : un centre régional en Turquie », Revue Géographique de l’Est, n° 3-4, pp. 269-314.
R. Ilbert 1981 : Héliopolis, 1905-1922. Genèse d’une ville, Paris, CNRS Éditions.
P. Marthelot : « Le Caire, nouvelle métropole », Annales Islamologiques, VIII, IFAO, Le Caire, 1969, pp. 189-221.
A. Raymond : « Le centre d’Alger en 1830 », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 31/1, 1981, pp. 73-81.
M. Seurat, 1985 : « Le quartier de Bâb Tebbâné à Tripoli (Liban) : étude d’une ’asabiyya urbaine », ...art. cité, voir note n° 15.
On mettra enfin à part les nombreux travaux de l’équipe URBAMA (« Urbanisation du Monde Arabe »/Tours), qu’il s’agisse de la série des Cahiers ou des études plus ponctuelles publiées sous son égide.

57 cf. E. Wirth : „Zur Konzeption der Islamischen Stadt. Privatheit im islamischen Orient versus Öffentlichkeit in Antike und Okzident”, Die Welt des Islams, XXXI, 1991, pp. 50-92.

58 Cf. X. de Planhol : « Espaces des villes islamiques. Forces économiques et composantes culturelles dans les structures commerciales des villes islamiques », L’espace Géographique 4, p. 315-322 ; de même, ainsi que l’affirme M. Seurat (1985, p. 46), « (...) un peu de culturalisme ne saurait nuire (...) ».

59 En ce qui concerne les principaux acteurs, on pourra se référer aux annexes qui contiennent des brèves notices classées par ordre alphabétique ; tous les noms propres affectés d’un astérisque (*) dans le corps du texte figurent en annexe.

60 De même, les annexes contiennent une chronologie des principales lois et mesures qui ont jalonné et accompagné le processus de construction.

61 À cet égard, cf. C. Chaline, 1989 : Urbanisme et développement. Évaluation des schémas directeurs d’Ankara, du Caire, de Rabat, de Tunis, Paris, SEDES.

62 Cf. « La ville : lieu de rencontres entre géographes, historiens et architectes », La Recherche en architecture, un bilan international, Paris, Parenthèses, 1986, p. 53-61 ; on pourrait même ajouter des disciplines, sans restriction, aux trois mentionnées par M.R.

63 En nous réclamant des remarquables « Contes de l’urbanisme ordinaire » de R. Borruey ; ss la dir. de J. Levy, 1991 : Les géographies du politique, Paris, Presse de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, Coll. « Références », pp. 85-97.

64 On se rappellera la réflexion de L. Febvre : « Des études régionales qui excluraient toute comparaison seraient néfastes si elles étaient vraiment possibles » ; cité par V. Berdoulay, 1981 : La formation de l’école française de géographie (1870-1914), Paris, Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, C.N.R.S., p. 214.

65 « Ainsi “la ville”, case exemplaire, mais surveillée par le géographe descriptif, rejette ipso facto, l’invasion ou la transfusion d’apports exogènes, métaphysiques ou théologiques : le nom de Jérusalem n’y pénètre pas, alors qu’elle en constitue l’origine, sinon le fondement. » ; cf. F. Dagonet, 1984 ; Le nombre et le lieu, Paris, J. Vrin, p. 118.

66 Pour une étude caractéristique de ce genre d’approche (très riche et informative par ailleurs), cf. E. Delaruelle : « Avignon capitale », Revue de Géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest, 1952, XXIII, pp. 233-264.

67 Comme le fait, en autres, E. Dalmasso (1971) ; voir dans la deuxième partie, chapitre I, C) « La fonction de capitale politique retrouvée (1796-1814) », et plus précisément le titre I) « Les conséquences de la fonction politique » (p. 112) ; d’ailleurs, dès l’avant-propos, l’auteur caractérise son projet comme une « étude géographique des fonctions milanaises ».

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