1La région de San Ramon-La Merced, située en contrebas de la grande flexure andine, est drainée par le Chanchamayo et ses affluents qui, réunis, forment le Péréné. Son paysage comprend des collines aux flancs raides, couvertes de forêt, qui s'étagent de 800 à 1400 m, et des terrasses alluviales, généralement emboîtées, de part et d'autre du Chanchamayo et qui sont défrichées.

A) CLIMAT ET SOLS

2Ces collines au pied des Andes et en lisière des plaines amazoniennes baignent dans un climat tropical humide. La moyenne des températures, à San Ramon, est de 23,5° (annuaire statistique péruvien) et les pluies, plus fortes lorsque le golfe des basses pressions équatoriales descend dans l'hémisphère Sud, varient de 1500 à 2000 m par an ; s'il y a une saison des pluies caractérisée, il n'y a pas non plus de mois sans pluies.

3San Ramon se trouve à 845 m d'altitude. La variation des températures moyennes mensuelles n'excède pas deux degrés ; on observe une très légère baisse en juillet et en août, mois où les pluies sont rares et où les nuits sont plus fraîches par suite d'une plus grande sécheresse de l'air. Les températures peuvent alors dépasser 30° dans la journée, sous abri et s'abaisser à 6 ou 8° pendant la nuit (observations personnelles et Drewes, 44). Ces variations sont très favorables à la végétation ; les maxima coïncident avec l'optimum biologique des plantes tandis que la fraîcheur nocturne limite les pertes des produits de la photosynthèse causées par la respiration. De décembre à mars, il tombe plus de 200 mm par mois et le total des précipitations dépasse deux fois ce qui est perdu par évapotranspiration potentielle (Tosi, 144). Sauf entre juin et septembre, tous les mois reçoivent plus de 100 mm d'eau. Cependant, la répartition des pluies n'est pas toujours régulière. Par exemple en 1964, il n'a pratiquement pas plu de janvier à mars et les averses les plus violentes sont tombées en avril et en mai. Il est malgré tout très exceptionnel qu'il y ait plus de quinze jours sans précipitations. L'origine des pluies est diverse. Le matin des nuages noient les reliefs et se dissipent vers 10-11 h. Les pluies associées à ces nuages dépendent de la condensation due au refroidissement nocturne, surtout sensible de mai à juillet. D'autres précipitations sont cyclonales et sont déclenchées lorsque le front intertropical longe les Andes. En fin d'après-midi tombent de grosses averses de convection.

4Sur les collines, la raideur des pentes, supérieure en moyenne à une trentaine de degrés, empêche le développement de sols profonds d'altération. L'horizon A est peu épais ; il est probable que le rythme d'accumulation des matières organiques, sous forêt, est égal à celui de leur destruction et de leur oxydation par les microorganismes et les réactions chimiques du sol. Si l'on ne note pas une épaisse accumulation de feuilles, un mince manteau, très continu, formé des dernières feuilles tombées recouvre le sol et le protège de l'action des gouttes de pluie ou du filet d'eau ruisselant des feuilles. Sous les feuilles et l'horizon A qui n'a que quelques centimètres on passe à un horizon B, marron-gris ou marron-rouge, puis à la roche en place se désagrégeant plus ou moins en arènes.

5Sauf là où se sont produits des glissements et des arrachements de terrain récents et qui sont ensuite stabilisés par la prairie, la forêt dense couvre les reliefs. Elle comprend plusieurs étages : celui des grands arbres de 30 à 40 m de haut comme les « nogales » (Juglas neotropical et tabuleia), le « palo de sangre » au bois rouge. La plupart sont toujours feuillus, mais quelques-uns perdent leurs feuilles pendant la brève saison sèche, comme les Jacarandas, les Cordia et les Bombax (Tosi, 144), d'autres fleurissent lorsqu'ils sont sans feuilles et c'est une des beautés de la forêt que la floraison des arbres donnant des taches roses et jaunes se détachant, en juin, sur le vert des collines. Les grands arbres ont un tronc lisse et gris, une écorce mince et une base pyramidale marquée par le soutènement des racines étalées en éventail. Un deuxième étage se trouve à une dizaine de mètres au-dessus du sol et il se caractérise par l'enchevêtrement des palmiers, des grandes fougères et des lianes.

6Ces forêts, qui peuvent s'accrocher sur des pentes extrêmement raides, parfois supérieures à 50° et presque dépourvues de sol, ont été partiellement défrichées dans la région de San Ramon-La Merced qui est l'un des centres de colonisation agricole les plus importants du piémont amazonien, le plus proche de Lima et où le climat est favorable à presque toutes les cultures tropicales.

B) LE MODELE DES COLLINES

7Les collines sont modelées dans les granites et les grès et, entre La Merced et San Ramon, dans de hautes nappes alluviales disséquées.

1) Les roches

8Le batholite de La Merced est en contact par faille avec les grès tendres, lités, roses et blanchâtres de Yurimaqui (Chase, 23). Ces grès, qui seraient crétacés, ont des pendages de 10 à 20° ; ils sont médiocrement consolidés et se composent de grains quartzeux non usés, de grands cristaux d'orthose rose qui pourraient provenir de l'attaque, au Crétacé, du batholite voisin. Ceci supposerait l'affleurement, dès le Mésozoïque, des granites de La Merced et leur désagrégation dans un milieu où l'altération n'était pas poussée, les grains de quartz et d'orthose n'étant ni corrodés ni altérés. La faille qui guide partiellement la vallée d'Oxapampa et passe à 2 km de Pampa Hualey ne se signale pas par un escarpement. Elle met en contact les grès et les granites que la plupart des auteurs s'accordent à considérer comme hercyniens ou même calédoniens (Douglas, 40 ; Steinmann, 141). Le rejet de la faille serait très considérable et cet accident établit la limite entre l'aire structurale andine et l'aire amazonienne.

9Au pied de la flexure, à l'Ouest de San Ramon, le batholite est en contact avec un tuf calcaire très résistant, coupé en gorge par la rivière.

10Le granite est très semblable à celui décrit près de Huachon ou entre Santa Isabel et Yaupi bajo ; il est porphyroïde, holocristallin et présente de grandes plages d'orthose rose, de cristaux de quartz comportant de nombreuses inclusions, de l'albite en échiquier, quelques plagioclases, un peu de biotite et de petits cristaux d'hornblende. Les plus grands cristaux dépassent 5 mm et peuvent atteindre 1 cm. En lame mince, ils apparaissent peu altérés, mais ils sont traversés de fissures ouvertes et on observe des froissements autour des masses de quartz.

11La roche, qui affleure dans les tranchées des routes et localement sur les berges des rivières, est découpée par de grandes diaclases dont les unes, orientées NNW-SSE, ont des inclinaisons de 45 à 60° vers le SW, les autres NE-SW sont subverticales. Parallèlement aux pentes des grandes vallées on remarque de grandes diaclases conformes, de détente et parfois le fauchage d'un paquet de granite par appel au vide. Le granite fissuré est friable ; il éclate sous le marteau et se décompose très facilement en arènes grossières.

2) Les versants dans les granites

12Ils se caractérisent par leur raideur, leur pente est comprise entre 30 à 50°, et ils n'ont pas de concavité basale développée. Sur les crêtes, la convexité est réduite. Le réseau des crêtes est dendritique. A proximité des confluences du Chanchamayo, du Colorado et de l'Oxapampa, les pentes passent à des parois rocheuses.

13Les versants couverts de forêt sont ravinés. Quand la pente dépasse 30°, la roche n'est qu'à une vingtaine de centimètres de la surface, sous un tapis de feuilles et un horizon humique parsemé de fragments de roche. L'horizon B est supprimé et le manteau d'arènes est pelliculaire. Les racines des arbres s'étalent dans l'horizon humide ou pénètrent profondément dans les fissures de la roche, facilitant ainsi l'amarrage des plus grands arbres.

14Dans le haut des pentes raides, le manteau d'arènes couvrant les granites ne comprend qu'une faible fraction d'éléments de moins de 50 microns. Les limons plus ou moins argileux sont entraînés par le ruissellement et le lessivage oblique, les sables sont anguleux, cassés, mais on peut observer un début de ferruginisation sur les plus gros grains ; des quartz sont jaunis ; dans la fraction inférieure à 200 microns, les plagioclases sont blanchis et les ferromagnésiens sont oxydés, ce qui traduit une altération un peu plus poussée qu'à Yaupi bajo, dans un même matériel au modelé analogue mais situé dans un étage où les températures moyennes sont de 6 à 7° inférieures. Dans la roche en place friable, il est extrêmement difficile de séparer des argiles ; les quelques éléments argileux isolés montrent, à l'analyse aux rayons X et à l'analyse thermique différentielle qu'il s'agit d'illites et peut-être de kaolinites (résultats obtenus au laboratoire de l'Institut de géographie de Paris).

15En revanche, un échantillon d'arènes, prélevé à la base du même versant, à l'amorce d'une légère concavité et à une trentaine de centimètres de la surface, montre une plus forte concentration d'éléments fins : dans la fraction inférieure à 2 mm la granulométrie indique que 25 % du sédiment est formé de limons et d'argiles et 9 % d'argiles. Parmi ces dernières la kaolinite est abondante, mais on relève également des illites, de fins fragments de quartz et de l'hématite (analyse faite au Centre de recherches géochimiques de Nancy). A la dimension des argiles les plagioclases ont disparu. La kaolinite semble produite grâce à un bon drainage sur la pente enlevant les reliquats de plagioclases et les ions bivalents. Dans les tamisages supérieurs à 200 microns, les plagioclases sont blanchis, les grands orthoses sont corrodés et les quartz jaunis. L'altération est donc nettement plus poussée que dans le haut du versant. Elle s'effectue dans le manteau de désagrégation mais non pas dans la roche en place.

16Dans le granite, friable par suite de la désagrégation cristalline, la circulation de l'eau est rapide, mais elle est facilitée par des fissures supérieures à une centaine de microns, parfaitement visibles à la loupe mais qui ne sont pas enregistrées au perméamètre à mercure. En effet un cube prélevé dans un bloc de granite cohérent, récolté dans une tranchée de route (près du rio Colorado) indique, au perméamètre, une faible macroporosité (0,23 %) (supérieure à 7 microns mais inférieure à une soixantaine de microns), tandis que la microporosité inférieure à 7 microns est très élevée : 5,97 %. La porosité à l'eau (méthode Goddard) est, pour le même échantillon de 1,5 %. La microporosité devrait, apparemment, favoriser l'altération de la roche, cependant la facilité de la dégagrégation de la roche en arènes l'empêche d'être effective. L'érosion mécanique sur les pentes raides est plus importante que l'action chimique qui ne peut s'exercer que lorsque le débit colluvial se ralentit à la base de la pente et que le pourcentage d'éléments fins augmente, facteur important de ralentissement de la circulation de l'eau dans les dépôts de pente. Il faudrait cependant analyser les eaux lessivant la couverture colluviale pour connaître l'importance du départ de matière dissoute et essayer d'estimer ainsi le rôle de l'érosion chimique.

17L'érosion mécanique est partout visible sur ces pentes fortes ; les arrachements et les glissements en paquets sont importants. Comme sur les versants entre Yaupi bajo et Santa Isabel, ils se produisent souvent près des crêtes, à la suite du basculement des arbres pendant les orages. Le renversement des grands arbres et de leurs racines provoque une déchirure dans la pente, blessure dans le versant qui concentre le ruissellement et est l'amorce d'un ravin. Ces ravins, dont la longueur dépasse plusieurs centaines de mètres, sont larges de 10 à 20 mètres et profonds de 4 à 5 m. Ils ont leur tête nettoyée jusqu'à la roche en place dont l'affleurement correspond à un plan de diaclase. En se creusant, le ravin provoque sur ses bords d'autres arrachements et des éboulements. Les granites friables des blocs se désagrègent en arènes qui sont facilement entraînés par le ruissellement concentré. Les déchirures sont ensuite colonisées par la prairie qui constitue une étape de dégradation de la forêt. La couverture herbeuse protège le versant beaucoup plus efficacement que les grands arbres de la forêt. La prairie s'installe rapidement et peut en quelques semaines cicatriser les blessures et limiter le ruissellement diffus, qui est aussi peu efficace sous la forêt à cause du tapis de feuilles que sur la prairie aux hautes touffes de graminées très serrées (figure 30).

18Les éboulements en masse se produisent également à la suite d'une rupture de la pente d'équilibre du versant, soit par le sapement latéral de la rivière, soit par l'ouverture d'une tranchée de route. Ces glissements-éboulements (le phénomène commence par un glissement en paquets et s'achève en éboulement) se produisent le long de plans de diaclases conformes à la pente. Ils sont facilités par le remplissage des fissures par les produits de désagrégation et de décomposition qui servent de lubrifiants.

19Aussi, comme on peut l'observer habituellement sous un climat chaud et humide et à un « stade de jeunesse » de la topographie, les versants reculent parallèlement à eux-mêmes en conservant leur pente. Bien que le lessivage soit actif dans le mince manteau arénacé et que le rôle de la reptation ne doive pas être ignoré (bien qu'il soit difficile de le préciser), ce sont surtout les mouvements de masses, par saccades, glissements et éboulements qui président à l'attaque des versants. Le nettoyage de leur base est facilité par l'amenuisement des éléments composant le matériel colluvial.

3) Les versants dans les grès tendres

20Le modelé des collines gréseuses est un peu différent. Les convexités sommitales sont plus marquées. Le paysage se compose de lourdes croupes souvent dépourvues de forêt et revêtues d'une prairie (les pajonales), de versants raides, rectilignes et boisés, mais dont la pente est moins forte que dans les granites (de 20 à 30° dans la Colonie du Péréné). Les glissements et arrachements sont exceptionnels, car si la roche se désagrège très facilement en arènes, elle ne fournit pas de paquets rocheux, par suite du faible rôle joué par les diaclases dans ce matériel. Ces grès se comportent comme des granites extrêmement friables (les sables qui les constituent paraissent issus des granites roses), mais où le rôle joué par l'arénisation est plus important que celui tenu par la fissuration en grandes diaclases. Il n'en est pas de même dans les granites où c'est d'abord le découpage des volumes rocheux en blocs séparés par des plans de diaclases qui intervient dans la morphologie, la désagrégation granulaire n'intervenant qu'en deuxième ligne.

21Sur les grès, en coupe, au milieu d'une pente de 20°, on passe d'un horizon superficiel humique, noirâtre, d'une dizaine à une quinzaine de centimètres d'épaisseur à une arène de désagrégation lessivée en haut, légèrement rubéfiée à proximité de la roche en place en cours d'arénisation.

22Les prairies sommitales, « les pajonales », sont peut-être à mettre en liaison avec la perméabilité des grès où la vitesse d'infiltration des eaux limite l'altération et le ruissellement. Il s'agit peut-être de reliques d'un climat où le contraste des précipitations saisonnières était plus fort qu'il ne l'est actuellement, favorisant la savane au détriment de la forêt. Dans quelle mesure aussi les feux allumés par les indiens « campas » sont-ils responsables de la disparition de la couverture arborée dans un milieu où les conditions édaphiques seraient plus favorables à la prairie qu'à la forêt ? Les questions restent posées. Mais la genèse des « pajonales » des croupes gréseuses est différente de celle des lambeaux de prairies des versants granitiques qui couvrent les secteurs où les arrachements sont fréquents.

23Sur les pentes gréseuses, la reptation doit être efficace, dans un milieu où le ruissellement limité et où les éboulements sont exceptionnels.

24La raideur des pentes, dans la vallée du Péréné, entre La Merced et Satipo est liée également à l'enfoncement du réseau hydrographique dans des blocs dont le soulèvement semble s'être poursuivi jusqu'à une date récente. Le grand cañon, profond de 1000 m et peut-être plus, du rio Huancabamba, entre Oxapampa et Pozuzo, qui tranche un haut massif dressé entre deux secteurs plus bas, traduirait le soulèvement en grands blocs de certaines parties du piémont.

C) LES NAPPES ALLUVIALES ET LES TERRASSES

25L'un des aspects originaux des reliefs dans la région de San Ramon-La Merced est l'existence de nappes alluviales étendues, disséquées et entaillées en terrasses. Chaque nappe a ses caractéristiques propres.

1) Le lit actuel et la basse terrasse (t’)

26Le lit actuel des rivières est plus ou moins encombré de bancs de galets et de grèves sableuses que le courant retouche lors des crues. Dans le lit du Tulumayo, quelques kilomètres en amont de la confluence de San Ramon, d'énormes blocs pavent le lit et excèdent les possibilités des plus fortes chasses d'eau actuelles. Ils engravent le fond et ils ont probablement été déposés par des laves torrentielles ; on y trouve des granites gris et des rhyolites allogènes. Leur plus grande dimension peut atteindre 2 à 3 m.

27Dans le lit du Chanchamayo, près de La Merced, les plus gros galets ne dépassent pas une cinquantaine de centimètres et ils sont déplacés lors des grandes crues. Les roches les plus abondamment représentées sont les granites gris (type Utcayacu), les rhyolites rouges, des calcaires cristallins. Les phyllades et les granites roses qui affleurent pourtant largement dans le bassin ne fournissent pratiquement pas de galets ; ils sont trop fragiles. Les galets de granite gris sont émoussés aux angles (indice de l'émoussé médian d'un lot de 40 d'une longueur comprise entre 7 et 10 cm : 277). Les sables sont bien lavés mais leur triage est assez médiocre ; ils ne sont pas usés. Les cristaux d'orthose et de quartz qui proviennent des granites roses porphyroïdes sont très abondants ; ils sont généralement nettoyés de la mince pellicule ferrugineuse qui les recouvre dans les dépôts du bas des pentes. Quelques grains de quartz émoussés, mais portant encore des traces de ciment, viennent des grès paléozoïques. Dans les tamisages inférieurs à 200 microns on peut observer des paillettes de biotite dont la présence indique la faiblesse des altérations. Ainsi le matériel du lit de la rivière provient, pour les galets, des roches qui affleurent dans les vallées du versant oriental des Andes, et pour les sables, des granites roses des collines. Les éboulements et les ravinements contribuent à l'engravement du lit de la rivière dans les bassins et sur les paliers, comme en aval de La Merced. On remarque également un engraissement sablo-limoneux rouge du lit dans les secteurs défrichés et où le ruissellement est actif sur les pentes à nu.

28Dans la région de La Merced, sur la rive gauche du Chanchamayo, de petits torrents apportent, lors des fortes averses, des galets arrachés à une haute terrasse.

29Au-dessus du lit d'inondation actuel, une terrasse à 3 m (t’) est progressivement rongée par les divagations de la rivière. Les éléments de cette terrasse sont surtout caillouteux et les galets sont analogues à ceux du lit actuel, tant en ce qui concerne la composition pétrographique que le degré d'émoussé. Ce dépôt alluvial est bien lavé ; quelques lentilles sableuses s'interstratifient dans les galets. La basse terrasse est recouverte d'un limon jaune, riche en très petits grains de quartz, qui sert de support aux plantations de bananiers et d'agrumes. Des lambeaux de t’ se voient sur la rive gauche du Chanchamayo, près de l'hacienda Naranjal en amont de San Ramon et le long de la rive gauche du Tulumayo avant sa confluence.

2) Les moyennes terrasses (t” a et t” b)

30Le niveau alluvial inférieur est dominé par des lambeaux de terrasses peu constants, emboîtés généralement dans une haute terrasse ou plaqués contre les versants rocheux. Ils s'étagent sur plusieurs niveaux, de 15 à 50 m au-dessus des rivières (figure 31).

31La terrasse (t” a) sur laquelle est établi le terrain d'aviation de San Ramon se trouve à 25 m environ au-dessus de la rivière ; il en est de même pour celle couverte de plantations d'orangers des haciendas Francia et Najanral. Le matériel de la terrasse du champ d'aviation est très sableux, quelques rares galets, peu roulés, sont répartis dans l'arène ; ils ne sont pas altérés. L'analyse granulométrique des sables montre un bon triage au-dessus de 300 microns. Le matériel arénacé provient pour la plus grande partie des granites roses. Les grains sont formés de cristaux, souvent cassés, pratiquement pas usés ou seulement très légèrement arrondis aux angles pour les orthoses. Ce matériel alluvial, pas altéré, est peu limoneux ; il est de ce fait très perméable et la surface de la terrasse s'assèche vite après les pluies. Il est possible que ce lessivage rapide, s'il limite l'altération chimique, permette le nettoyage des particules fines.

32Une terrasse à 40-50 m (t" b) subsiste par lambeaux. C'est sur l'un d'entre eux qu'est construite la bourgade de La Merced. Le long des rios Chanchamayo, de part et d'autre de la confluence avec les rios Colorado et Oxapampa, des fragments de terrasses sont accrochés sur les versants, au-dessus de la rivière. Au moment du dépôt de ces cailloutis, l'Oxapampa rejoignait le Chanchamayo 200 m à l'Est de la confluence actuelle, au-delà d'une petite colline rocheuse que lèche la rivière. Le matériel de ces terrasses, dont la couleur générale est grise, est formé de sables, de quelques limons entourant des lits de galets discontinus. De gros blocs qui peuvent mesurer un mètre de long sont déposés, presqu'à plat, dans la formation alluviale dont le matériel est hétérogène. On y trouve des grès fins, de rares calcaires noirs, des conglomérats volcaniques, des rhyolites, des granites gris et, très exceptionnellement des blocs se désagrégeant de granite rose. Les granites gris et les granodiorites sont couverts d'une auréole d'altération légèrement rougeâtre tandis que les rhyolites sont parfaitement saines. L'indice d'émoussé médian d'un lot de 40 granites gris de 7 à 10 cm est de 296 à La Merced et de 320 à une trentaine de kilomètres en aval près de la confluence avec la rivière d'Oxapampa. Le triage dans la matrice est médiocre. Les sables sont peu usés et souvent ferruginisés ; les quartz sont très abondants. En dessous de 300 microns on remarque la présence de hornblendes, mais les biotites sont absentes. Cette terrasse semble s'abaisser légèrement, vers l'aval par rapport au plancher alluvial actuel. Elle est en moyenne d'une dizaine de mètres plus bas à la confluence du rio Oxapampa qu'à La Merced.

3) La haute terrasse (t’”)

33Une nappe alluviale, très étendue, domine d'une centaine de mètres les rivières. A San Ramon elle est très disséquée et forme un relief de collines. Sa surface est à 80 m environ à La Merced et à plus de 100 m une dizaine de kilomètres en aval. Elle disparaît dans la région de la confluence avec le rio Oxapampa où les rivières s'encaissent dans la roche en place.

34Les collines de cailloutis, entre La Merced et San Ramon, ont des pentes raides (40 à 45°) et lorsqu'elles dominent des terrasses alluviales inférieures, le contact se fait par une pente concave douce, due à l'accumulation par le ruissellement des éléments fins. Elles sont griffées par de nombreux ravins rectilignes, sans ramification, disposés avec régularité. Si localement des glissements en paquets peuvent se produire lors d'un sapement de la base du versant, les éboulements sont beaucoup moins importants que sur des pentes d'une valeur analogue dans le batholite.

35Cette nappe (t’”) ennoie un relief de collines granitiques aux flancs raides. Elle est formée de cailloutis (rhyolites, dont l'indice d'émoussé du galet médian en face de l'hacienda Najanral, au débouché dans le bassin de San Ramon, est de 210), de quelques calcaires noirs, de rares phyllades et de granites gris qui se désagrègent partiellement. Dans la nappe se juxtaposent des dépôts nettement alluviaux, comportant des galets qui dépassent rarement une trentaine de centimètres, des lentilles sableuses, et des formations plus torrentielles, médiocrement lavées, hétérométriques, pouvant contenir des blocs de plus de 60 cm de longueur. Un échantillon prélevé dans une lentille sableuse, en face de l'hacienda Najanral, montre des grains de quartz très abondants, peu usés, mais ferruginisés dans les creux ou couverts d'une patine brune.

36Entre San Ramon et La Merced, le Chanchamayo, surimposé sur cette nappe, recoupe à deux reprises des collines granitiques ennoyées.

4) La formation alluviale ancienne (t^IV)

37A l'entrée dans le bassin de San Ramon, à la sortie des gorges et en face de l'hacienda Najanral, la nappe de la terrasse t’” repose sur des alluvions plus anciennes, altérées, non consolidées. Ces alluvions grossièrement litées, sont basculées d'environ 25° vers l'Ouest (angle mesuré grâce à la route et à une petite tranchée perpendiculaire). Ce dépôt descend au moins jusqu'au niveau du talweg actuel car le Chanchamayo l'érode latéralement. Il comprend de gros blocs dépassant 50 cm, des rhyolites couvertes d'une pellicule rousse, des granites gris se désagrégeant. Le dépôt comme la matrice est médiocrement trié ; 25 % de la fraction inférieure à 2 mm se compose de limons et d'argiles. Les grains, peu usés, sont tous altérés, les quartz sont corrodés, les plagioclases blanchis, les orthoses kaolinisées, les hornblendes ferruginisés et les biotites ont disparu.

38Cette formation disparaît en aval. En revanche, à une dizaine de kilomètres au Sud, sur le flanc de la flexure au pied de laquelle coule le Tulumayo, des lambeaux de cailloux fluviatiles s'accrochent sur les versants jusqu'à 1250 m, soit à 450 m au-dessus du Tulumayo. Les granites sont complètement décomposés ; on voit parfois les restes d'une auréole ferrugineuse orangée. Mais les rares quartzites et les rhyolites sont bien conservées. L'indice d'émoussé médian d'un lot de rhyolites est de 260. La matrice fine est abondante. La fraction argileuse (4 % de la matrice de moins de 2 mm) les montmorillonites sont très abondantes et elles sont associées à de l'illite, à un peu de kaolinite et à de la chlorite (analyse effectuée au Centre de recherches géochimiques de Nancy). Le pourcentage de Fe₂0₃ est faible : 3 %.

39Ces lambeaux alluviaux, glissant sur les versants, se raccordent à la terrasse (t^IV) basculée de l'hacienda Naranjal, mais 400 m d'altitude séparent ces témoins d'une ancienne nappe alluviale dont les uns ont été déposés par le Chanchamayo et les autres par le Tulumayo, qui s'encaisse actuellement très en contrebas de ces cailloutis, dans les granites roses du batholite.

5) Essai d'interprétation des alluvions

40L'analyse des formes du relief et des terrasses de la région de San Ramon-La Merced permet de tenter la reconstitution de l'évolution morphologique de ce secteur du piémont au cours du Quaternaire.

41On a ainsi, successivement :

• le dépôt d'alluvions (t^IV) à la confluence du Tulumayo et du Chanchamayo, qui a été suivi de mouvements tectoniques importants : jeu de la flexure le long du Tulumayo, accompagné du soulèvement des cailloutis et du creusement du lit de la rivière dans les volumes granitiques. Il est possible que ce soulèvement dans le Sud se soit accompagné d'une subsidence dans la cuvette La Merced-San Ramon, évidée dans les granites tendres mais qui est probablement déprimée ;
• l'enlèvement d'une partie du matériel détritique (t^IV) est suivie par la mise en place d'une nappe alluviale (t’”), liée à une forte érosion sur les versants de la montagne andine, surtout dans la partie moyenne des vallées. Les galets se déposent dans le piémont, à la rupture de pente, et ils ennoient un relief différencié ;
• l'érosion, en terrasse, de t’”, par des rivières moins chargées est suivie des phases de remblaiements alluviaux coupés de phases de creusement. Ainsi se forme le système des moyennes terrasses, emboîtées (t” a et t” b) ;
• la basse terrasse, à 3 m, t’, marque un épisode alluvial récent et limité, l'excédent de la charge des rivières au débouché de la montagne.

42Il est tentant d'essayer d'établir des corrélations entre ces dépôts et les différentes périodes morphoclimatiques notées dans les Andes depuis la fin du Tertiaire.

43La formation alluviale la plus ancienne (t^IV) pourrait être contemporaine du dépôt des séries lacustres « Jauja » dans le bassin de Huancayo. Sous toute réserve elle pourrait être alors « villafranchienne ». Elle ne peut pas être raccordée à des formations de la même époque, absentes des vallées du versant oriental des Andes.

44La nappe de 100 m (t’”) correspond à la glaciation « Mantaro » de la sierra et aux grands cônes-terrasses jaunes des vallées entre 2500 et 3000 m. Ses dépôts alternativement torrentiels et fluviatiles sont liés à une forte érosion sur les versants de la montagne andine.

45Au cours du grand « interglaciaire » qui suivit, les rivières entaillent cette nappe à une période où l'érosion sur les versants était ralentie ; leur débit, surtout en hivernage, restait suffisant pour qu'elles s'enfoncent dans les alluvions déposées pendant la période plus humide précédente.

46Les moyennes terrasses emboîtées dans la nappe de 100 m marquent les oscillations climatiques qui se retrouvent dans la sierra sous la forme des différentes crues glaciaires du Quaternaire récent. La terrasse (t” b), de 50 m, de La Merced correspond à la première poussée froide du Quaternaire récent (g”b).

47On peut établir une corrélation entre les phases plus humides et froides de la sierra et les périodes de remblaiement du piémont amazonien, qui sont les mêmes que celles affectant le désert côtier. Dans les deux cas l'étalement des nappes détritiques traduit l'excès de la charge des rivières à leur entrée dans le piémont.

48La plupart des terrasses sont formées d'un matériel arraché aux versants des vallées andines ou issu de dépôts alluviaux antérieurs. La terrasse de 20 m du champ d'aviation de San Ramon est constituée de sables provenant des granites roses. Elle correspond à une érosion vigoureuse sur les versants granitiques s'accompagnant d'un engorgement corrélatif de la cuvette de San Ramon. Cette érosion, comme nous le montrent les phénomènes actuels, était compatible avec la présence d'une couverture forestière dense, liée à une forte pluviosité. L'érosion sous forêt, caractérisée surtout par des glissements de terrain, est plus forte que sur la savane qui protège mieux le sol.

49Une partie au moins des collines granitiques entre La Merced et San Ramon sont exhumées des nappes alluviales du Quaternaire ancien.

50La faiblesse des altérations dans ce milieu tropical humide est assez remarquable. Même dans la plus ancienne formation alluviale (t^IV) les galets subsistent et le pourcentage des argiles et des limons dans la matrice ne dépasse pas 25 %. Les quelques argiles, variées, n'indiquent pas une altération très poussée et la concentration des oxydes de fer reste réduite. Ceci est, à première vue, surprenant dans un milieu tropical humide où la moyenne des températures annuelles est actuellement de 24° et les précipitations comprises entre 1,5 et 2 m. Mais il faut lier la faiblesse des altérations à un bon drainage, tant sur les versants que sur les terrasses entaillées par les rivières, permettant le lessivage des particules fines au fur et à mesure de leur élaboration. Cependant, dans d'autres régions du piémont, des terrasses qui datent probablement des mêmes époques sont, elles, profondément altérées.

6) Quelques types de régions du piémont amazonien

a) LA RÉGION DE TINGO MARIA

51La région de Tingo Maria, dans la vallée du Huallaga, est très arrosée. Les précipitations sont près de deux fois supérieures à celles enregistrées à San Ramon ; les semaines sans pluies sont exceptionnelles. La température moyenne annuelle est, par suite de la pluviosité, très légèrement inférieure à celle de San Ramon, pour des altitudes analogues.

52La structure est très différente de celle de San Ramon-La Merced. Les granites sont absents. Tingo Maria est logée dans une longue gouttière située entre la grande flexure qui ploie les séries paléozoïques et la Cordillère Azul, formée d'une série de plis faillés, étroits et soulevés en horst. Le Huallaga et son affluent le Tulumayo coulent dans un secteur déprimé mais structuralement complexe.

53Le relief se caractérise par un « kegel karst » dans les calcaires mésozoïques, par un modelé plus mou, de collines arrondies dans les « Capas rojas », et par l'étalement des nappes alluviales, plus ou moins disséquées mais toutes fortement altérées.

54Les calcaires, durs, cristallins, gris ou noirs, sont modelés en grands mornes, aux parois verticales, souvent creusées de grottes (grottes des Chauves-souris et des Dindons dans la vallée du Monzon). Ils sont couverts par la forêt, même sur les pentes les plus raides : les racines des arbres se glissent dans les diaclases qu'elles agrandissent par dissolution. Les produits d'altération, peu abondants dans ces calcaires purs, sont en outre vigoureusement nettoyés par le ruissellement, actif dans une région où il tombe quatre mètres d'eau par an. Les calcaires, aux reliefs ruiniformes et escarpés (la hauteur des mornes atteint 400 à 500 m) dominent des nappes alluviales, formées d'un matériel allogène, généralement altéré et imperméable. De grosses sources jaillissent au pied des volumes calcaires et elles ont un débit constant.

55Ce karst hérissé voisine avec des collines plus arrondies, aux croupes sommitales convexes et dont les versants plans évoluent par solifluction dans les pélites des « Capas rojas », qui se délitent en masses argilo-limoneuses ou qui glissent par paquets le long de plans de clivages, lorsque le profil d'équilibre du versant est rompu, notamment par sapement latéral de la base par une rivière.

56Le système des terrasses alluviales est complexe. Dans la vallée du Monzon, établi au contact des calcaires et des couches rouges on remarque deux terrasses : une basse terrasse (t’), au matériel limoneux gris-jaune, à 3-5 m au-dessus du plancher alluvial actuel, une terrasse plus élevée, à 25-30 m (t”), complètement argileuse où subsistent seulement quelques galets de quartz dans une matrice orangée.

57En revanche le jeu des terrasses est beaucoup plus compliqué entre Tingo Maria et la Cordillère Azul, notamment à l'Est du Tulumayo. En partant de cette rivière on a la succession suivante : une basse terrasse (t’) à 5 m, des lambeaux de terrasses (t”) à 25-30 m, puis une terrasse à 50 m (t” b ou t’” ?), au matériel déjà très altéré et argileux, jaune orange, où subsiste cependant l'empreinte des galets ou leurs sequelettes. Au-dessus de ces terrasses, nettement définies, on observe des séries de nappes argileuses où cependant des dragées de quartz sont conservées ainsi que quelques galets de quartzites et de rhyolites, en très mauvais état, mais qui indiquent l'origine alluviale de la formation.

58Ces nappes s'étagent de 150 m à 350 m au-dessus du Tulumayo sur les flancs de la Cordillère Azul. Elles ennoient un large bassin, en aval de Pomahuasi, partiellement évidé par le Tulumayo qui coupe, en aval, une barre calcaire fossilisée sous les alluvions. Ces nappes sont entaillées en glacis emboîtés, s'inclinant de la Cordillère Azul vers l'axe Tulumayo-Huallaga. Au contact de la Cordillère Azul, le glacis supérieur est localement recouvert par des cônes de déjection torrentiels récents, où les galets friables de grès rouges sont conservés.

59En attendant des recherches ultérieures, ces formes peuvent s'interpréter de la façon suivante : un ennoyage du piémont, peut-être au Villafranchien (t^IV), auquel correspond, de l'autre côté de la Cordillère Azul, la nappe des cailloutis altérés de la pampa du Sacramento, aurait été gondolé par le soulèvement de la Cordillère Azul et attaqué en glacis au cours de phases sèches. Il faut noter que la surface de ces glacis est argileuse et que l'on ne remarque aucun cuirassement ferrugineux. Les nappes inférieures correspondraient aux épandages du Quaternaire ancien et du Quaternaire récent. Si la succession des terrasses est assez semblable à celle de la région de La Merced, leur matériel est beaucoup plus altéré : même la moyenne terrasse (t”) est, dans la vallée du Monzon, argileuse et les galets, sauf ceux de quartz, sont décomposés. Cette altération est-elle seulement liée à des précipitations plus abondantes (actuellement deux fois plus qu'à La Merced) ou à de plus médiocres conditions de drainage ? Seules des recherches plus détaillées permettraient de résoudre ce problème.

60A 100-150 km en aval de Tingo Maria, le Huallaga coule vers le Nord dans une gouttière structurale dissymétrique entre le grand versant andin flexuré et les prolongements septentrionaux de la Cordillère Azul. A Huite et le long de la rivière d'Uchiza, la basse terrasse de 3 m est inondable pendant les crues. La berge de la rivière laisse voir des galets frais, gris, bien roulés et dont la dimension moyenne est comprise entre 4 et 6 cm. Ils sont couverts par une couche de 50 cm à 1 m de sables fins ou de limons gris déposés par la rivière lors des crues. C'est sur cette basse terrasse que se font les défluvations et les recoupements de méandres, caractéristiques de la dynamique des rivières amazoniennes.

61Les lambeaux de terrasse (t”), à 20-25 m, montrent un matériel très altéré ; des argiles jaunes orangées emballent des galets qui se décomposent dans la masse. Cette terrasse a des sols imperméables, marécageux où poussent sur des sols noirs hydromorphes des boisements de palmiers. L'eau qui s'écoule de ces marécages est parfaitement claire.

62Par endroits, les terrasses disparaissent et plongent sous les alluvions actuelles, comme entre Huite et la Morada. Il semble ainsi qu'il y ait dans la vallée du Huallaga central des zones localement subsidentes entre des secteurs se soulevant, parfois accompagnés de la montée de diapirs salifères.

b) LA RÉGION DE JAEN BAGUA.

63Cette région du piémont amazonien du Nord du Pérou est drainée par le Marañon et ses affluents, avant le coude de Retema. Elle est située entre 600 et 800 m d'altitude ; son climat est sec. Les précipitations ne dépassent probablement pas 600 mm par an, ce qui est peu dans une zone chaude située à proximité de l'équateur. Elle est couverte par un « bush » à cactus et à épineux, assez surprenant lorsqu'on remonte le « pongo » de Retema qui établit la limite entre la forêt tropicale dense, toujours verte, ombrophile et la végétation xérophile de Jaen.

64Ce bassin s'étend entre la retombée des Andes à l'Ouest et une cordillère amazonienne dont les crêtes culminent vers 1500-2000 m. La Cordillère est tranchée, à un abaissement d'axe, par le Marañon au « pongo de Retema ». Cette cuvette, au Néogène, devait être subsidente ; elle est remplie de marnes et de grès tendres, faiblement plissés et basculés qui donnent de modestes reliefs structuraux, des cuestas discontinues.

65La région semble avoir été recouverte au Quaternaire ancien ou à la fin du Tertiaire par des nappes de cailloutis qui sont remarquablement peu altérés. Des lambeaux sont conservés sur le revers des cuestas, d'autres tapissent le fond des bassins ; certains paquets sont nettement basculés selon le pendage des couches sous-jacentes. Des mouvements tectoniques, postérieurs à la mise en place de cette nappe, auraient donc affecté le bassin et ce sont eux qui ont créé les conditions de pendage favorables à la formation des « cuestas ».

66Mais après la phase de remblaiement des cailloutis fluviatiles et le gondolement tectonique, on peut observer l'élaboration de glacis d'érosion limités qui, en contrebas des reliefs les plus importants, tranchent indifféremment les marnes et les cailloutis.

67Le long des rivières drainées en permanence s'étagent deux terrasses : l'une, t’, à 5 m au-dessus du lit d'inondation, l'autre (t”) à 15-20 m. L'une et l'autre sont formés de galets roulés, non cimentés et qui ne sont pas altérés.

68Les sols, sur lesquels poussent des cactus et des épineux sont gris, grumeleux, très peu épais au-dessus des marnes ou des grès tendres.

69L'absence d'altérations profondes est surprenante ; elle prouve que le caractère sec de cette région, abritée des vents pluvieux par une cordillère orientale, s'est maintenu pendant tout le Quaternaire.

70Ainsi les trois régions de La Merced, de Tingo Maria et de Jaen-Bagua, situées à des altitudes semblables dans le piémont amazonien, sont différentes par leur structure comme par l'inégale intensité des précipitations. Dans les trois régions on constate la même chronologie du Quaternaire : mise en place d'une nappe alluviale très importante, probablement à la fin du Tertiaire et au début du Quaternaire, suivie de mouvements tectoniques qui sont partout sensibles ; dépôt de cailloutis au cours de la période plus froide et humide dans la sierra, correspondant à la glaciation « Mantaro », mais à Bagua, élaboration de glacis d'érosion ; nappes alluviales, à galets roulés, du Quaternaire récent, partout entaillées en terrasses. L'absence de cuirassement ferrugineux est également à noter.

71Cependant, les altérations varient et ont varié en fonction des précipitations, dans des milieux où les moyennes des températures sont très semblables. Il est intéressant de constater que les différences de pluviosité enregistrées actuellement dans les trois régions paraissent s'être maintenues pendant le million d'années du Quaternaire et cela, malgré les changements climatiques