1Le versant oriental des Andes est, géologiquement, moins connu que le piémont et la plaine amazonienne où des recherches pétrolières ont permis l'analyse des structures. L'une des dernières études en date est celle de Koch (99), qui a travaillé dans le bassin moyen de l'Ucayali et dans celui du Huallaga. Des anticlinaux, plus étroits à l'Ouest qu'à l'Est, sont parallèles aux Andes. Ils sont faillés et déversés vers l'Est. Des séries mésozoïques affleurent dans leur cœur. Ils encadrent de larges bassins synclinaux où sont conservées des couches rouges pélitiques et gréseuses, éogènes. La sédimentation récente est réduite et marque peut-être un arrêt de la subsidence. Tschopp (154 et 155), en Ecuador, décrit une structure analogue. En Bolivie (Ahlfeld et Branisa, 1), la bande subandine est formée de chaînons étroits, faillés et déversés vers l'Est, séparés les uns des autres par d'amples bassins allongés remplis de conglomérats et de sables tertiaires. Ainsi une même famille structurale se retrouve à l'Est des Andes. Néanmoins d'importantes différences régionales se notent ; on les remarque surtout au pied de la grande flexure orientale. A Tingo Maria, de lourds plis faillés, déversés, reprennent les calcaires massifs du Trias et du Lias, compris entre le Paléozoïque ployé par la flexure à l'Ouest et une mince bande où se conservent en position synclinale des couches des « Capas rojas » au pied de la Cordillère Azul. Celle-ci, dernier relief orienté important avant la grande plaine amazonienne, est un « horst » où les couches cénozoïques et mésozoïques sont plissées et cassées par une série de failles dénivelant des blocs poussés vers l'Est. Mais au Sud, dans la région de la Merced, à l'Ouest, un grand batholite sépare les séries paléozoïques vigoureusement plissées et flexurées, des couches mésozoïques et cénozoïques aux pendages modérés qui affleurent à l'Est sous la forêt.

A) LES ROCHES

2Le grand batholite à granite pophyroïde rose de la Merced est au pied de la flexure en contact avec un tuf calcaire noir, très dur, à grains extrêmement fins qui paraît concordant sur les phyllades paléozoïques (Chase, 23 et Douglas, 40).

1) Les roches sédimentaires et volcaniques

3Granites et phyllades sont les roches les plus répandues sur les flancs des vallées orientales, tout au moins dans leur partie moyenne. Les schistes sériciteux et les phyllades sont plissées à la verticale. Cette formation géoynclinale, puissante de plusieurs milliers de mètres, est fortement métamorphisée. En raison des plissements et des broyages, il est difficile d'évaluer avec précision l'épaisseur de la série. Les auteurs, on le sait, ne sont pas d'accord entre eux pour les dater. Harrison, dans son étude sur la géologie des Andes orientales (75), les considère comme dévoniennes ; Jenks (91 et 92) se range à son avis. Pour Mac Laughlin (105), elles seraient du Silurien ; quant à Steinmann (140 et 141), il indique que les phyllades très plissées entre Ambo et Virroy, dans la haute vallée du Huallaga, seraient du Précambrien, car elles seraient recouvertes en discordance par des séries ordoviciennes. Dans la vallée du Chanchamayo, entre Carapata et Huacapistana, une série de plusieurs mètres de phyllades est coupée de gneiss et de granites (Douglas, 40).

4Les formations schisteuses du Paléozoïque inférieur, où les roches volcaniques sont absentes (à la différence de celles qui affleurent dans les Andes centrales), sont en contact avec les séries, pétrographiquement très variées, du Paléozoïque supérieur. Dateraient de cette période les tufs calcaires noirs, les brèches pourpres et les conglomérats volcaniques qui affleurent, lourdement plissées, de part et d'autre de la confluence du premier rio Colorado en amont de San Ramon. Les roches, très semblables, trouvées près de Palca, seraient également d'après Douglas (40) de la même période. Les études de Newell (110) décrivent les séries du Paléozoïque supérieur dans les régions d'Ambo et de Tarma où elles sont nettement discordantes sur celles du Paléozoïque inférieur.

5Les faciès sédimentaires sont marins, mais la sédimentation est fréquemment perturbée par des apports clastiques déposés par des courants de turbidité, issus des bordures des cordillères dominant la fosse d'avant-pays. Le Carbonifère d'Ambo comprend 900 m de grès gris-vert, interstratifiés avec des pélites sombres. Ces couches reposent sur les dépôts marins du Pennsylvanien moyen qui affleurent largement à Tarma. Localement, des coulées de rhyolites arment les séries sédimentaires et s'accompagnent de cendres et de brèches ; elles ont des couleurs qui vont du rouge pourpre au gris-vert.

2) Les granites

6Les granites n'affleurent pas de façon aussi continue que ceux du batholite dans le bas du versant pacifique. Cependant ils occupent de grandes étendues sur les flancs des vallées descendant vers l'Amazonie. Ainsi dans la vallée du Chanchamayo en aval de Palca, comme dans celle du Paucartambo, les affleurements des roches granitiques couvrent une surface supérieure aux phyllades et aux schistes dans lesquels ils sont intrusifs.

7Les granites sont généralement potassiques, ce qui les distingue de ceux du versant pacifique qui sont surtout calcosodiques. Le granite de Huachon (de Rumichaca pour Harrison, 73) est un granite porphyroïde rose, aux grains de quartz atteignant 5 mm, aux grandes plages d'orthoclase rose et de plagioclases blancs. Il est traversé de filons de lamprophyres à grains fins et de quartz aurifère. Le granite de Santa Isabel, dans la vallée du Paucartambo et le granite de la Merced sont très semblables ; ils ne doivent former qu'un seul batholite.

8Dans le bassin de Huanuco, le granite le plus répandu est une roche à grains moyens, riche en quartz (40 %), en orthoses, toujours perthitiques (40 %), associés à quelques plagioclases plus petits et à un peu de biotite. Dans la vallée du Chanchamayo, la rivière coupe deux volumes granitiques. En amont de Huacapistana, un granite passant à un gneiss, est en contact, à l'Ouest, avec des porphyres et à l'Est avec des phyllades. Un échantillon récolté au-dessus de la confluence avec le rio Huasahuasi, montre une roche à 30 % de quartz, des plagioclases séricitisés, des feldspaths potassiques perthitiques (microclines) de la hornblende chloritisée et de l'épidote remplissant les fissures. En aval, la vallée coupe pendant une dizaine de kilomètres, de part et d'autre d'Utcayacu un batholite composé de grains fins, très riches en quartz et en feldspaths, surtout potassiques ; c'est un granite à deux micas, à biotite mais également à muscovite qui bouche les fissures en minces filets blancs. Ce granite qui, par endroits, a un aspect gneissique, rappelle le granite à deux micas, tranché en gorge par l'Urubamba à Machu Pichu.

9Les divers épisodes de la granitisation de l'Est des Andes sont difficiles à dater, les couches dans lesquelles les granites sont en intrusion étant elles-mêmes médiocrement connues.

10Une première incertitude concerne le batholite Huachon-la Merced. A l'Est de cette dernière agglomération, près de Pampa-Hualey, il est en contact avec les grès de Yurimaqui, qui sont basculés vers l'Est. Chase les date du Crétacé. Une faille normale, au rejet très considérable, de direction NNW-SSE, sépare les granites des grès. Elle est remplie de filons basiques, de gabbros et d'olivine (vallée d'Oxapampa). Cette faille marque peut-être la limite du domaine andin et du domaine structural amazonien. Au-dessus de Huachon, le batholite est en contact avec un calcaire jaune massif, sans fossile, qui ressemble beaucoup à celui du Trias. Otto Welter (161), qui a fait une rapide reconnaissance géologique dans la région, considère que le granite rose pénètre en intrusion dans le calcaire ; il note au contact de l'épidote et la kaolinisation du granite. Mais pour Harrison (73), ce calcaire est pincé en écaille et les altérations hydrothermales accompagnent les plans de faille.

11Les granites de la vallée moyenne du Chanchamayo pénètrent dans les phyllades, mais la disposition des cristaux, souvent orientés comme ceux des gneiss, le remplissage des fissures par l'épidote et la muscovite témoignent d'une histoire complexe que seuls des pétrologues pourraient débrouiller.

B) ESQUISSE DE L'HISTOIRE GEOLOGIQUE

12Après le dépôt pélitique dans le géosynclinal du Paléozoïque inférieur, il semble qu'il y ait eu une phase de plissement accompagnée d'une première granitisation (phase calédonienne), précédant la mise en place des séries du Paléozoïque supérieur. A la fin du Primaire, une nouvelle phase de plissement (hercynienne) est moins vigoureuse. Ces roches sont à nouveau plissées, mais cette fois avec leur couverture sédimentaire mise en place au cours du Secondaire lors de l'orogénie laramienne (fin du Crétacé). Il ne semble pas que l'on ait une phase névadienne entre le Jurassique et le Crétacé. Enfin, dans le piémont, les couches rouges éogènes sont plissées et cassées avant ou au début du grand soulèvement andin (Pontien ?). L'existence de terrasses quaternaires basculées, l'entaille en gorges de blocs soulevés après le dépôt de nappes alluviales du Quaternaire ancien témoignent de la persistance de mouvements tectoniques dans le piémont jusqu'à une date récente. En bordure de la plaine amazonienne, des escarpements de faille très frais et continus, que l'érosion n'a guère eu le temps d'attaquer, indiquent l'existence d'une néotectonique.

13Une des caractéristiques du matériel ployé par la flexure est son fort degré de broyage, qui n'exclut pas la conservation de noyaux plus résistants, granites mais surtout rhyolites, conglomérats et tufs calcaires que les rivières entaillent en gorge. Les failles sont nombreuses ; elles guident le tracé des vallées latérales qui s'installent dans les zones de faiblesse de la structure.

14Comme pour le flanc occidental des Andes à la latitude de Lima, les contraintes tectoniques répétées, en fragmentant les volumes rocheux, leur ont conféré une grande souplesse qui a permis le jeu de la flexure sans entraîner la formation de grands blocs, séparés par des escarpements de failles. La flexure est l'accident tectonique majeur, les failles n'intervenant que secondairement dans la structure.