Chapitre premier. Le matériel rocheux et sa mise en place
p. 26-46
Texte intégral
1Dans les Andes centrales entre les 11e et 12e degrés de latitude Sud, il faut distinguer les plateaux surmontés de massifs isolés des chaînons de la Cordillère Occidentale.
2Les plateaux orientaux sont différents des plateaux occidentaux. A l'Est du Mantaro, des formes de plissements, lourdes et cassées, développées dans un matériel assez rigide ployé en anticlinoriums et en synclinoriums, sont tronqués par une surface d'aplanissement. A l'Ouest, en contrebas des chaînons de la Cordillère Occidentale mis en place par des poussées tangentielles dirigées vers l'ENE, on a une alternance de larges cuvettes remplies d'un Tertiaire continental ou volcanique dont les couches sont parfois très redressées à proximité de la Cordillère, et de bombements comme celui de Yauli, où affleure le Paléozoïque. Les grès, les calcaires et les marnes du Mésozoïque constituent des reliefs structuraux entre les dômes et les bassins (fig. 5).
A) LA STRATIGRAPHIE
1) Le Paléozoïque
3Le Paléozoïque affleure dans l'anticlinal de Tarma, à l'Est des bassins de Huancayo et de Junin, dans le bombement de Yauli et dans la vallée du Mantaro en amont de la Oroya.
a) LE PALÉOZOÏQUE INFÉRIEUR
4Le Paléozoïque inférieur est encore peu connu, mais les recherches actuellement entreprises par F. Mégard devraient en préciser la stratigraphie et la tectonique. Harrison signale que certaines séries appartiendraient peut-être au Précambrien (74 et 75). Des schistes et des phyllades déposés dans un grand géosynclinal affleurent pratiquement tout au long du versant oriental des Andes, de l'Argentine à la Colombie. Ces roches apparaissent dans la vallée du Mantaro, entre San Blas et Paccha (Harrison, 79). Les schistes et les phyllades sont disposés en lits minces séparés par des pellicules de chlorite et de séricite tendre, blanche et verte. Ils sont vigoureusement plissés et redressés à la verticale. De grosses veines de quartz zèbrent ces séries. Les plissements dans ces couches restées compétentes, sont orientés NW – SE, comme dans les formations supérieures. Près de Malpaso cette série est traversée par des intrusions de granite gris à grains fins sur lesquels reposent en discordance le Permocarbonifère et le Trias.
5Aux environs de Yauli, dans la vallée un peu en aval de cette bourgade, des schistes et des ardoises brunes et grises parsemés de lits de quartz affleurent sur plusieurs kilomètres en direction du SE. La série semble concordante sur le Carbonifère, tandis qu'au « nœud de Pasco », des roches très semblables sont nettement discordantes sous le Carbonifère (Jenks, 92).
6Les auteurs rangent également dans le Paléozoïque inférieur des séries fort différentes de cette sédimentation pélitique plus ou moins métamorphisée. Mac Laughlin (105) baptise formation « Excelsior » un matériel de bordure de cordillère (laves disposées en coussins, cendres rhyolitiques, conglomérats mêlés à des grès grossiers, lentilles calcaires et ardoises grises). Il considère que ces séries, qu'il a étudiées dans la région de Cerro de Pasco, sont siluriennes. Pour Jenks (92) et Harrison (74 et 75) elles seraient dévoniennes. Des formations similaires par leur faciès affleurent sur les flancs du dôme de Yauli ainsi que dans l'anticlinorium de Tarma. A l'Est de Huancayo, ces séries, redressées à la verticale comprennent des cendres et des laves rhyolithiques rougeâtres cisaillées ainsi que des paquets importants de phyllades sériciteuses et des grès avec des conglomérats. L'ensemble dont la puissance paraît très variable selon les affleurements, aurait une épaisseur maximum de 5.000 m.

Fig. 5. — Schéma géologique des Andes centrales (bassin supérieur du Mantaro).
C. P — Cerro de Pasco ; H = Huancayo ; Ja = Jauja ; La O = La Oroya ; Ju = Junin ; T = Tarma ; V = Viuda ; Y = Yauli.
7Dans ce matériel jusqu'à présent peu étudié du Paléozoïque inférieur, il faut distinguer une phase géosynclinale, marquée par l'entassement des pélites, et une phase bordière de cordillère caractérisée par des dépôts volcaniques et une sédimentation détritique épicontinentale. La formation « Excelsior » appartient à cette phase. En se construisant la guirlande volcanique externe aurait provoqué le plissement des couches du géosynclinal qui, au Pérou, sont très plissées tandis qu'en Bolivie elles sont restées plus tabulaires, du moins dans la Cordillère Royale.
b) LE PALÉOZOÏQUE SUPÉRIEUR
8Le Paléozoïque supérieur est bien représenté dans les Andes orientales où il a été étudié par Newell, Chronic et Roberts (10). Ces auteurs ont fait des coupes précises, en particulier près de Tarma et ont établi une chronologie.
9Le Carbonifère inférieur, dans la région de Tarma, comprend des grès gris vert passant aux pélites bitumineuses du Carbonifère supérieur qui est épais de 300 m. Des calcaires s'interstratifient dans les pélites ; des fusulines trouvées dans le dépôt le font dater du Pennsylvanien moyen. Il repose en discordance sur le Dévonien.
10Le Permien a deux faciès, l'un marin, l'autre continental. Le faciès marin affleure surtout dans le Sud du Pérou et dans la presqu'île de Copacabana. Il se compose d'ardoises noires et de bancs calcaires massifs. Cette série n'est guère représentée dans les Andes centrales où affleure le Permien continental (formation Mitu de Mac Laughlin, 105). « Mitu » comprend des grès arkosiques, des rhyolites et des conglomérats ; des lentilles salifères, venant probablement de « Mitu » montent en diapirs dans la couverture mésozoïque, à San Blas, à l'ouest de Junin. Près de Yauli, des tufs et des brèches volcaniques qui reposent sur la formation « Excelsior » seraient l'un des faciès volcaniques de « Mitu ». A Cerro de Pasco, les conglomérats de « Mitu » recouvrent, en forte discordance, les séries du Paléozoïque inférieur qui sont métamorphisées.
11Des recherches plus précises devraient permettre de localiser et de définir les différents cycles orogéniques du Paléozoïque. Un des points importants à retenir de l'histoire du Paléozoïque est la formation des cordillères successives. Les faciès d' « Excelsior » présentent de nombreuses analogies avec ceux de « Mitu » ; ils constituent le témoignage de « structures pacifiques ».

Fig. 6. — Echelle stratigraphique des Andes centrales péruviennes.
2) Le Mésozoïque
12Les séries de la couverture mésozoïque, déposées dans l'eugéosynclinal andin, affleurent largement sur les plateaux des Andes centrales et forment la plus grande partie du matériel des chaînons de la Cordillère Occidentale.
a) LE TRIAS
13Le Trias joue un rôle majeur dans la topographie des plateaux situés à l'Est du Mantaro et au Sud de Huancayo. Harrison (75) le voit concordant sur les conglomérats « Mitu » à l'Est et au NE de Junin. En revanche Boit (9 et 10) a remarqué que, dans la région de Cerro de Pasco, la base du Trias, qui repose sur le Paléozoïque supérieur, est formée de brèches calcaires tectonisées. Au-dessus de Tarma on retrouve également cette brèche qui indique peut-être une friction et le glissement de la dalle calcaire sur le Paléozoïque sous-jacent et discordant. Le Trias, à la Cima, au Sud de Junin, et sur les plateaux à l'Ouest de Huancayo, se compose de calcaires massifs aux bancs coralifères très résistants. Parfois de minces lits marneux s'interstratifient dans les calcaires. A la Cima la puissance de la série triasique serait de 1800 m (Harrison, 79). Mac Laughlin (105) a fait analyser un échantillon calcaire particulièrement représentatif de la série, qui comprend : 47,9 % de CaO, 0,8 % de MgO, 11,5 % de SiO2, 1,3 % d'Al2O3.
14Le Lias est concordant sur le Trias ; il est marin. A des pélites rouges orangées et des ardoises succèdent des calcaires dolomitiques coupés de lits marneux. Lias et Jurassique sont bien représentés au SW de Huancayo où Harrison (80) note une puissance de 1200 m pour ces séries à proximité de l'hacienda Laive. Mac Laughlin (105) donne le nom de « Paria » à des calcaires jurassiques dont les bancs inférieurs sont assez fortement dolomitiques.
15La sédimentation dans les cuvettes situées sur l'emplacement des Andes centrales était fort différente de celle qui se produisait aux mêmes époques à l'emplacement de la bordure pacifique actuelle. Le long du littoral, les séries du Jurassique comprennent des laves très épaisses, déposées dans un milieu sous-marin et qui s'interstratifient de dépôts de bordure de cordillère mis en place par des courants de turbidité.
16Dans les Andes centrales, l'alternance des bancs calcaires épais et des séries schisteuses et marneuses a joué un grand rôle lors des phases tectoniques postérieures ; elle favorise d'une part la rupture en grands blocs de la dalle triasique reposant sur un socle souvent plus souple, mais aussi des plissements disharmoniques entre le Trias, les marnes et les schistes du Lias et les calcaires du Jurassique supérieur.
b) LE CRÉTACÉ
17Le Crétacé tient également une grande place dans les séries de la couverture qui se sont déposées dans l'eugéosynclinal andin.
18On ne remarque pas de discordance, tout au moins dans les Andes à l'Est de Lima entre le Jurassique et le Crétacé. Mais l'absence de Néocomien traduit une lacune dans la sédimentation.
19Au cours de l'Aptien, la subsidence s'accentue entre la cordillère de la côte qui se soulève et le géanticlinal du Marañon qui rejoue. De part et d'autre de ce géanticlinal dont le rôle est capital dans l'histoire géologique des Andes centrales au cours du Secondaire, la sédimentation est différente (Wilson, 164) :
- à l'Est, le Crétacé inférieur est formé par deux séries continentales gréseuses séparées de calcaires et de schistes marins (formation Chonta, Bénavidès, 5 et 6) ;
- à l'Ouest, dans l'actuelle région côtière des grauwackes, des schistes et des roches volcaniques s'entassent à la même époque.
20Les grès du Crétacé inférieur, dans les Andes centrales, ont 800 m d'épaisseur à Goyllarisquisca, station proche de Cerro de Pasco qui a donné son nom à ces grès (Mac Laughlin, 105). La roche est formée de grains de quartz (95 % de grains de quartz arrondis ou subarrondis de taille moyenne) unis par un ciment siliceux qui localement peut être très résistant. De minces lits de schistes bitumineux et d'anthracite interrompent la monotonie de la sédimentation gréseuse. Les lits ont été laminés par les plissements au cours desquels ils ont servi de lubrifiant entre des couches dures.
21Ces grès sont recouverts par l'Albien moyen de la formation « Chulec » (village à quelques kilomètres au nord de la Oroya). « Chulec » a de 100 à 200 m de puissance et comprend une série inférieure (marnes et calcaires gréseux tendres) et une série supérieure de calcaires marrons en lits fins. L'alternance des lits marneux et des calcaires favorise les plissements souples. Des changements latéraux de faciès liés à une extension progressive des dépôts marins vers l'Ouest, indiquent le déplacement de la transgression et les mouvements en bordure de la cuvette de sédimentation.
22A l'Albien moyen, succèdent les calcaires noirs, bitumeux, comprenant des bancs silicifiés, qui constituent la formation « Pariatambo » ; leurs puissances sont très variables : de quelques mètres à 200 m, ce qui traduit la différence de sédimentation.
23Le Cénomanien et le Turonien sont représentés par les calcaires « Jumasha » dont la stratification est massive et la couleur grise. Ils peuvent atteindre 500 m à l'hacienda Jumasha, au NW de la pampa de Junin où ils sont assez purs tandis qu'ils sont plus dolomitiques à la Viuda. A Morococha, ils ont 400 m d'épaisseur mais seulement 200 m près de la Oroya (Harrison, 79 et 82 ; Wilson, 164).
24La sédimentation crétacée dans l'eugéosynclinal andin est d'une puissance très variable. Au cours du Crétacé les zones de subsidences se sont constamment déplacées et les franges bordières de la cuvette étaient mobiles. A la Viuda, le Crétacé a 2000 m ; il n'a plus que 722 m à Morococha et 590 à la Oroya (Wilson, 164). Les variations d'épaisseur et les changements dans les rapports des couches ont joué un grand rôle pendant les phases de plissements.
25Dans la région comprise entre Cerro de Pasco et Huancayo, les traces d'une orogénèse névadienne sont peu nettes tandis qu'elles sont visibles de part et d'autre de la Cordillère Blanche. En revanche la phase des plissements laramiens a affecté l'ensemble de la couverture mésozoïque.
3) Le Cénozoïque
26Les séries du Tertiaire, dans les Andes centrales sont surtout continentales, détritiques, ou bien volcaniques. L'eugéosynclinal mésozoïque se divise en une guirlande de cuvettes subsidentes plus réduites.
a) LES « CAPAS ROJAS ».
27Au cours de l'orogénèse laramienne (phase « péruvienne » de Steinmann, 141), la couverture mésozoïque se ploie en dômes et cuvettes qui se remplissent de grès rouges à grains très fins, médiocrement cimentés passant à des pélites brun rouge. Ces séries sont coupées de conglomérats de quartzites dont les galets parfaitement roulés sont maintenus par un ciment siliceux très dur. En haut et à la base de la série apparaissent des bancs de calcaires lacustres qui peuvent avoir de 10 à 100 m de puissance. Quelques laves et des cendres peuvent s'interstratifier localement dans les « Capas rojas ». Ces séries ont des épaisseurs extrêmement variables. Deux mille mètres à Pomacocha, au SW de Yauli mais quelques centaines de mètres à Huaron. On retrouve également ce type de sédimentation près de Puno (Newell, 109), mais aussi en Amazonie (Koch, 98 et Ruegg, 126) où la formation, plus épaisse que dans les Andes, a été étudiée par les géologues pétroliers.
28Cette sédimentation dans des bassins continentaux subsidents, continentaux, avec peut-être des transgressions marines localisées, s'est effectuée probablement à proximité du niveau de base général, dans un milieu chaud, sous un climat tropical caractérisé par une saison humide et une saison sèche. Ce climat a dû être marqué par des phases plus sèches accompagnées du dépôt d'évaporites (gypse dans des lagunes). La rubéfaction est liée à la présence d'une fine pellicule d'hématite sur les grains. La plupart des sables sont quartzeux. Les galets émoussés signalent un transport fluviatile tandis que les blocs anguleux emballés dans une matrice médiocrement triée sont des dépôts de laves torrentielles. Mais bancs de galets et laves torrentielles pouvaient s'étaler au même moment comme ce fut le cas dans l'étage inférieur de la montagne andine au cours des périodes pluviales du Quaternaire.
29A Pomacocha, les « Capas rojas » sont apparemment concordantes sur les calcaires crétacés. Ces séries sont concordantes là où les couches sont les plus épaisses et l'épaisseur maximale correspond généralement aux aires de subsidence les plus profondes et les plus prolongées. Au contraire, sur les bords des bassins, la discordance stratigraphique atteint plusieurs degrés : 5° au Sud de la Oroya, 10° à Santo Domingo, au Sud de Huaron.
30La rareté des fossiles ou leur absence de signification paléontologique rendent difficile la datation de ces séries rubéfiées. Steinmann (141) considère qu'elles sont du Crétacé supérieur ; d'après Wilson (164), elles auraient commencé à se déposer à la fin du Crétacé et la sédimentation aurait duré pendant tout l'Eocène. Harrison (64 et 79), prudemment, indique qu'elles sont post-crétacées, sans autre précision. Ruegg (126) et Newell (109), le premier en Amazonie, le second dans la région du lac Titicaca, signalent qu'elles seraient éocènes et même probablement oligocènes.
b) LA « SÉRIE BIGARRÉE ».
31Des séries, presque exclusivement volcaniques, très colorées, recouvrent les « Capas rojas ». Dans les Andes centrales, elles se localisent de part et d'autre des chaînons de la Cordillère Occidentale. Harrison (73 et 75) a donné le nom de « bigarrées » (abigarradas) aux séries rouges, vertes, jaunes et noires qui comprennent des laves andésitiques, des tufs et des cendres rhyolitiques ; dans la haute vallée du Rimac, entre Rio Blanco et Casapalca, elles sont coupées de séries sédimentaires : quelques bancs discontinus et d'inégale épaisseur de grès et de calcaire (série Bellavista). Au SW de Huancayo (Harrison, 80), dans la région des plateaux où s'établit la ligne de partage des eaux entre le Pacifique et l'Atlantique, la puissance de la formation est d'au moins 2500 m. La série commence par des andésites sombres interstratifiées de cendres rouges, se poursuit par des tufs volcaniques dans lesquels apparaissent des pélites, des marnes et des calcaires, et elle s'achève par des laves. L'épaisseur des couches est en rapport avec la proximité des évents volcaniques et le volume des flots de laves.
32Dans la vallée du Rimac, les « séries bigarrées » remplissent le synclinal de Rio Rlanco, en amont de l'Infernillo. Des bancs de laves et de tufs andésitiques sont lités comme des couches sédimentaires. Au-dessus de Casapalca elles couvrent en concordance les « Capas rojas » (formation Rimac de Steinmann) qui sont ployées en anticlinal. A l'Est de la Viuda, la série volcanique a 1100 m d'épaisseur. Si localement, les laves sont en concordance avec les « Capas rojas », de très nombreuses discordances se voient entre la Viuda et Huaron.
33Associés à ces épanchements volcaniques on trouve des petits stocks bien délimités et fortement minéralisés. A Morococha une dacite verte à phénocristaux de feldspaths et de ferromagnésiens, qui est en intrusion dans les calcaires crétacés, est elle-même pénétrée par une roche granodioritique (Douglas, 40). D'après Harrison, le Mishipanahui serait formé d'un gabbro à hypersthène à cristaux d'orthoclase. Sur les bords de l'intrusion affleurent des roches à deux temps de consolidation. D'autres stocks basiques percent la couverture ou ont été mis en valeur par l'érosion différentielle à Conocancha, à Santa Ana et à Carhuacayan. Cependant les intrusions acides sont fréquentes et de nombreuses veines d'altération hydrothermales, remplies d'oxydes de zinc, de plomb et d'argent, les accompagnent. Le stock de Huaron est formé par une micromonzonite. A Huacravilca, au SW de la dépression d'Ingahuasi, un petit batholite de granite gris passant sur les bordures à un porphyre quartzifère, coupe et métamorphise par endroits les calcaires du Trias.
34Le manque de fossiles rend difficile la datation des sédiments interstratifiés dans les laves. Les recherches d'âge absolu dans les épanchements volcaniques et dans les roches des intrusions fourniront peut-être des résultats dont l'interprétation restera délicate dans une région où les actions hydrothermales se sont poursuivies tardivement.
35Ce volcanisme est peut-être oligocène et s'est probablement poursuivi au Miocène. Des laves se sont répandues à la fin du dépôt des « Capas rojas », mais d'autres les recouvrent en discordance. Ce volcanisme affecte surtout la bordure occidentale des plateaux et des secteurs proches de la Cordillère occidentale où les mouvements tectoniques sont plus vigoureux et paraissent s'être poursuivis plus longtemps que dans les Andes orientales. Les laves de la série « bigarrée » ont dû s'épancher au cours des phases de détente précédant les compressions tangentielles qui ont mis en place les reliefs de la Cordillère Occidentale ; on les trouve localement chevauchées par des lambeaux de Crétacé (secteur du Pic Yanqui-Signal de Tayc).
c) DES LAVES
36Des laves, non plissées, reposent sur la « série bigarrée ». Au NW du Mishipanahui, des collines accidentées sont les restes de volcans formés par un matériel de laves, de tufs surtout acides, et de cendres très colorées. Au NW de l'altiplano de Junin, un épais manteau de tufs rhyolitiques et d'ignimbrites recouvre en discordance les calcaires et les « Capas rojas ». Son démantèlement par l'érosion donne les reliefs de la « forêt de pierre ». Les couvertures d'ignimbrites sont fréquentes dans les Andes péruviennes ; Francis en a décrit dans le Sud (63) ; elles habillent le flanc occidental, basculé et flexuré, de la Cordillère Noire. Une coulée plombe même la plus ancienne terrasse quaternaire dans la vallée de la Fortaleza. Cependant à la latitude de Lima, le volcanisme quaternaire est absent, à la différence du Sud du Pérou où de grands cônes comme celui du Misti, qui domine Arequipa, se sont construits, au moins en partie, au cours du Quaternaire.
37Ces épanchements d'ignimbrites marquent généralement la fin de l'activité volcanique régionale et, d'après Stille (143), la fin du cycle orogénique.
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38Pour conclure ce bref schéma de la stratigraphie des Andes, il faut remarquer qu'à plusieurs reprises et à des époques différentes on retrouve le même style de sédimentation, lié à la construction et à la destruction des cordillères dans la frange pacifique en bordure du continent. Cependant au Mésozoïque, l'eugéosynclinal andin a été rempli par des dépôts carbonatés et détritiques qui affleurent largement dans les Andes centrales où le matériel volcanique, datant des mêmes époques, est absent.
39Dès 1929, Steinmann avait établi une chronologie des grandes orogénèses andines postérieures au Paléozoïque qu'il situe à la fin du Crétacé (phase péruvienne), à la fin du Miocène (phase incaïque), au cours du Pliocène (phase quetchua). Il faut noter que les Andes sont rarement restées immobiles pendant de longues périodes. Cela explique que les discordances stratigraphiques locales soient nombreuses et que l'épaisseur des couches varie considérablement d'un point à un autre, en raison du jeu des aires de sédimentation ; ces variations latérales et ces changements de faciès jouent un grand rôle dans les formes de plissement qui affectent ces séries.
B) LA STRUCTURE DES CHAINONS DE LA CORDILLÈRE OCCIDENTALE
1) Le style
40Du 12° au 9° de latitude Sud, la ligne des crêtes des chaînons coïncide approximativement avec la ligne de partage des eaux entre le Pacifique et l'Atlantique. Il n'en est pas de même plus au Sud, où les reliefs orientés disparaissent et sont remplacés par d'importants recouvrements de laves et par des volcans plus ou moins démantelés. Tandis qu'à la latitude de Lima les limites des bassins versants sont nettes et les captures absentes, plus au Sud le draînage est incertain et des déversements, dûs le plus souvent à des diffluences ou des obturations glaciaires, s observent dans la région des plateaux de laves au-dessus de Castrovirreyna.
41Les chaînons, calcaires et gréseux, orientés au NNW, ont des altitudes supérieures à 5000 m. Leur hauteur, de façon générale, augmente du Sud au Nord, comme si le paroxysme tectonique avait été progressivement plus vigoureux : ainsi les sommets culminent à 5200 m à la Viuda, à plus de 5500 m dans la Cordillère de Raura et ils dépassent 6000 m dans l'admirable cordillère de Huayhuash où le jaillissement des dalles de grès et de calcaires permet le développement des plus belles parois des Andes péruviennes : de nombreuses voies d'escalade y restent à ouvrir.
42Ces hautes montagnes ont été mises en place par des mouvements tangentiels accompagnés de décrochements obliques. Les plissements affectent des séries lithologiquement différentes, mais mésozoïques et, très localement, cénozoïques. Les chaînons sont étroits : leur largeur au Nord de Lima ne dépasse guère 4 à 5 km.
43Les cordillères occidentales se caractérisent par des plis en échelons ; les couches sont faillées, cassées, déversées et poussées les unes sur les autres vers l'Est et l'ENE. Des calcaires et des grès crétacés chevauchent les « Capas rojas » et la série « bigarrée » volcanique. Des failles de décrochement, orientées NNE-SSW, décalent les plis les uns par rapport aux autres (Harrison, 68 et 71). Vus d'avion, les plis, à l'Ouest de la cordillère de Raura, s'imbriquent comme des tuiles sur un immense toit incliné vers l'Ouest. Cependant au SE, les intrusions tertiaires au Ticlio et l'importance des séries volcaniques perturbent le schéma tectonique que l'on peut suivre de la Viuda à Huayhuash.
2) Les coupes
a) DE BANOS A PUYANCA.
44En amont de Banos, les grès du Crétacé inférieur forment un anticlinal faille passant à un synclinal très étroit, pincé, où les calcaires du Crétacé moyen sont laminés et redressés à la verticale. A l'Est, ce synclinal est en contact par faille avec un anticlinal dédoublé (Harrison, 81). Au SW du lac d'Aguashuaman, près de Santander, la dalle des grès de Goyllarisquisca du Cerro Cojchacan chevauche par une faille plate les séries volcaniques tertiaires. Au Nord de la cordillère de Puyanca les couches sont ployées en éventail, resserrées à la base et déversées vers l'Ouest. Le Sud de la chaîne est constitué par un anticlinal faillé, redoublé, plissoté ; à sa retombée vers l'Est, il est en contact avec un synclinal où les « Capas rojas » sont redressées à la verticale (figure 7).
45De façon générale, les grandes masses peu compétentes de calcaires massifs ou de grès se chevauchent par des failles faiblement inclinées ou bien elles recouvrent ou compriment les séries plus tendres de schistes, de pelites ou celles, finement litées, de bancs marneux et calcaires. Les « Capas rojas » et des lits de cendres ont facilité les chevauchements et les glissements par paquets.
b) LE SECTEUR DE L'ALCOY ET DU PIC YANQUI.
46A 15 km au SW de Puyanca, la grande dalle calcaire de l'Alcoy, inclinée de 30° vers le SW, repose en concordance sur les grès du Crétacé inférieur. Elle présente un grand front de 400 m de commandement tourné vers l'Est. En revanche, le pic Yanqui, à 4 km de l'Alcoy, est un anticlinal de grès du Crétacé inférieur, durs et cassants, qui chevauche par une faille inverse sub-horizontale les séries volcaniques tertiaires (fig. 7).
47Le signal de Tayc est un paquet de calcaires, ployé en un synclinal faillé au milieu, poussé sur les séries volcaniques « bigarrées » ; les séries marneuses et schisteuses inférieures sont froissées à proximité du plan de chevauchement (fig. 7).
48Une grande faille à déplacement horizontal traverse le lac de Parioncocha et décroche les structures entre le signal de Tayc et le Pic Yanqui.
c) LA CORDILLÈRE DE LA VIUDA.
49Une coupe (figure 7), tracée de l'WNW à l'ENE, montre :
- A l'Ouest un synclinal déversé, dissymétrique, rempli de laves, de cendres et d'un épais manteau d'andésite, y recouvre une mince série de conglomérats, de quartzites rougeâtres qui doivent appartenir aux « Capas rojas ». Les galets sont fortement tectonisés et les conglomérats sont coincés entre deux failles de compression.
- La cordillère de la Viuda est un anticlinal cassé, déversé vers l'Est, peut-être redoublé dans les calcaires du Crétacé supérieur qui semblent anormalement épais. Les bancs calcaires, alternant avec des lits marneux, forment de belles dalles structurales, glissant parfois, par appel au vide le long des couches marneuses. Dans le cœur de l'anticlinal les grès du Crétacé constituent un noyau résistant et peu compétent. Le flanc oriental de l'anticlinal est accidenté par un pli-faille passant à une faille de chevauchement qui recouvre les « Capas rojas » près de Yantac.
d) DE SANGRAR AU RUA RUNTAY.
50Ce style de plis-failles, déversés vers l'ENE, compliqués par des pincements des couches et localement par de petites écailles, se continue dans la région de Sangrar (Harrison, 79). A l'Ouest de la vallée supérieure du Corpacancha, des séries sédimentaires minces sont déversées sur les « Capas rojas » ; elles sont elles-mêmes recouvertes par des lambeaux de laves de la série « bigarrée » qui ont giclé sur les calcaires. Il est plus difficile, en l'absence de séries pouvant servir de repère, de suivre la tectonique des laves tertiaires à l'Ouest de la ligne de partage des eaux, autour des lacs de Milloc et de Huampar. Les fractures NS et NE-SW sont fréquentes, associées à des rebroussements des séries au contact des plans de faille. Il est possible de relever des jeux de blocs poussés les uns sur les autres vers le NE, notamment au Cerro Leon-cocha et au Cerro Chichis,

Fig. 7. — Coupes dans les chaînons de la Cordillère occidentale.
(1) série bigarrée volcanique (tertiaire) ; (2) capas rojas éogènes (pélites, quelques conglomérats et bancs calcaires) ; (3) calcaires du Crétacé moyen et supérieur ; (4) marnes, schistes et calcaires marneux du Crétacé moyen ; (5) grès du Crétacé inférieur.
51La haute vallée du Corpacancha, en amont de Chupas, est creusée dans un anticlinal redoublé, dissymétrique, évidé dans les « Capas rojas », auquel succède à l'Est un synclinal faillé dans les laves de la série « bigarrée ». Le bord exhaussé du synclinal constitue les sommets du Rua Runtay (5477 m) et de la Vicuñita (figure 7). Les secteurs anticlinaux sont donc en creux tandis que les synclinaux constituent les reliefs.
e) LA CORDILLÈRE AU TICLIO ET AU SUD DU COL.
52Douglas (40), Steinmann (140 et 141) et Mac Laughlin (105) ont fait des coupes, de part et d'autre du Ticlio, qui indiquent assez bien la physionomie de la structure de la cordillère dans ce secteur. Les séries mésozoïques, dans la vallée du Rimac, n'apparaissent que dans les gorges de l'Infernillo où elles sont en contact par faille avec la série bigarrée qui remplit le synclinal de Rio Blanco. En amont, à Casapalca, le synclinal passe à un anticlinal de « Capas rojas ». A proximité du Ticlio, les couches rouges sont ployées en anticlinaux dont les charnières sont étirées et les têtes bourrées par ces volumes plastiques ; les bancs calcaires et les conglomérats forment des barres rocheuses, au même titre que les coulées de laves de la « série bigarrée ». Des stocks intrusifs de dacites et de rhyolites ont armé ces anticlinaux, au Yanasinga notamment ; les failles qui tranchent les plis sont fortement minéralisées.
53A l'Est du Ticlio, les séries sédimentaires du Crétacé supérieur, doucement inclinées vers le NE, présentent des fronts de « cuestas » au Nord de Morococha.
54La cordillère, au Sud du Ticlio, est formée par une succession de chaînons orientés : des crêts calcaires passent à des plis isoclinaux dans le secteur Pomacocha-Huallacocha. Au SW, Harrison (76) remarque que les crêtes sont modelées dans des barres de rhyolites comme à Milpu ou dans des anticlinaux, cassés et étroits, aux flancs redressés à 80°, formés de calcaires et de grès (Dollfus, 27).
***
55La mise en place de ces reliefs orientés est récente, néogène. Les mouvements tangentiels ont dû coïncider avec le grand gonflement andin ou tout au moins à son début. La région de la Cordillère occidentale se caractérise par son mobilisme pendant tout le Tertiaire. Les aplanissements n'ont pas eu le temps de se développer et ceux qu'on observe sont limités et n'ont qu'une valeur locale : ainsi le tronquage, en glacis, à l'Est de la Cordillère de Puyanca, des pélites des « Capas rojas ». Un petit poljé s'est élaboré dans les calcaires, serrés entre les laves tertiaires et les grès du Crétacé inférieur autour du lac de Colancayo, à 3 km du col de la Viuda. Mais ces fragments de surface aplanie n'ont aucune valeur cyclique générale. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'au moment où ces chaînons se mettaient en place, l'érosion aplanissant les plateaux situés plus à l'Est continuait à s'exercer,
56L'action des glaciers et les processus de gélivation ont bien mis en valeur les différences lithologiques à l'échelle du banc ou de la couche. Ainsi les marnes sont nettoyées entre les calcaires à la Viuda. Cependant les grands volumes tendres, placés en position culminante, n'ont pas été vigoureusement déblayés. Des « Capas rojas » se trouvent sur la ligne de partage des eaux vers 5000 m d'altitude, aussi bien à l'Ouest de Poma-cocha qu'à l'Ouest de Huaron. Les « séries rouges », à Casapalca, modelées en grands versants pentus, ne sont guère plus évidées que les laves.
57La plupart des chaînons sont des reliefs structuraux, parfois presque originels et que l'érosion n'a pas retouchés vigoureusement ; c'est le cas de la dalle de l'Alcoy et des sommets de la Cordillère de Raura. La structure et la tectonique expliquent la disposition et la forme des reliefs de la Cordillère occidentale, dont la fraîcheur, si l'on fait abstraction du nettoyage glaciaire quaternaire et du délitage périglaciaire récent, contraste avec le modelé usé, raboté par l'érosion, des plateaux du Mantaro.
C) LA STRUCTURE DES PLATEAUX DU MANTARO
58Trois grands ensembles structuraux s'étendent entre le pied des chaînons de la Cordillère Occidentale et les têtes des vallées qui tranchent le versant flexuré oriental. La région, draînée par le Mantaro, a une cinquantaine de kilomètres de largeur. A l'Est, l'anticlinorium paléozoïque affleure, couvert localement par les séries mésozoïques. Au centre, le Mantaro coule dans le secteur vigoureusement plissé de la couverture secondaire. A l'Ouest du fleuve se succèdent les cuvettes et les bombements qui s'étendent au pied de la Cordillère Occidentale (Harrison, 78).
1) L'anticlinorium paléozoïque et sa couverture mésozoïque
a) A L'EST DU BASSIN DE HUANCAYO
59A l'Est du bassin de Huancayo, les séries primaires sont puissantes ; les pélites et les grès du Paléozoïque inférieur (le « flysch » d'Harrison, 75), les cendres et les rhyolites carbonifères, les phyllades vertes et grises sont redressées à la verticale. La racine d'un synclinal mésozoïque, qui s'élargit vers le Nord, est pincée dans le « socle ». Elle est disposée en éventail, resserré à la base et comprend des calcaires du Trias, des marno-schistes du Lias et des calcaires jurassiques. Les plissements entre le Primaire et le Secondaire sont disharmoniques. Les séries paléozoïques sont cisaillées et probablement découpées en écailles (figure 8 A) ; l'étude géologique entreprise par Mégard devrait permettre de débrouiller la stratigraphie et la tectonique du Primaire.
b) A L'EST DE JUNIN
60A l'Est de Junin les formes de plissements sont différentes ; la couverture secondaire affleure plus largement et suit les accidents du substratum paléozoïque.
61Au Nord de Tambo del Sol, les séries calcaires s'étalent sur une dizaine de kilomètres de largeur. Le Jurassique est soulevé par flexure au-dessus des remblaiements quaternaires de la pampa de Junin. La dalle triasique est ployée en une large voûte redoublée par le repli synclinal de Lulicocha (figure 8 C). Elle comprend à l'Est un pli en éventail ayant au centre un paquet de schistes du Lias. Le contact avec le Paléozoïque s'établit, semble-t-il, par faille.
62Au Sud, entre Carhuamayo et Huayre, en lisière orientale de la pampa de Junin, le Secondaire se réduit au Trias, moins épais qu'au Nord. Il recouvre le flanc occidental d'un anticlinal dédoublé et faillé, de 6 à 8 km de large ; le Dévonien et le Carbonifère y affleurent, vigoureusement plissés. Cet anticlinal passe, sur son flanc Est par pli-faille ou flexure à un synclinal dissymétrique où un panneau de Trias est conservé. Basculés vers l'Ouest, les calcaires forment la « pseudo-cuesta » du Hornomachay. Le Trias est apparemment concordant sur le Carbonifère qui est lui-même complètement discordant sur le Paléozoïque. Cependant, à la base des calcaires du Trias, des brèches indiquent probablement un glissement de la couverture à la surface du Paléozoïque (figure 8 B).

Fig. 8. — Coupes (en partie d'après Harrison) :
A : de Huancayo à la Cordillère du Huaytapallana ;
B : de la pampa de Junin (Huayre) à la haute vallée du Paucartambo ;
C : e la pampa de Junin (Ninicaca) au bassin supérieur du Huachon ;
D : plateaux au SW de Huancayo.
(1) Crétacé inférieur ; (2) Jurassique supérieur et moyen ; (3) Lias ; (4) Trias ; (5) Carbonifère et Permien ; (6) Paléozoïque inférieur.
63Le style des déformations sur la bordure du grand anticlinal paléozoïque de l'Est de la pampa de Junin paraît plus simple que celui de Huancayo où les séries primaires, à l'Est du bassin, qui sont inégalement plastiques et compétentes, ont été plus vigoureusement plissées. Cependant, l'orientation des axes structuraux reste la même et les déversements des plis se font vers l'Est ; les plissements se compliquent de pincements des séries tendres entre les volumes rocheux plus résistants : ainsi les cendres et les pélites sont laminées, entre les masses de rhyolites, de grès ou de calcaires.
64La couverture mésozoïque, sédimentaire, suit approximativement les accidents du substratum, d'un socle resté souvent plus souple que la dalle de calcaire triasique qui le recouvre. Les calcaires du Trias paraissent, à l'Est de Junin, avoir été déchirés en grands panneaux au cours d'orogenèses qui affectent également le Paléozoïque. Des couloirs, ultérieurement recreusés, aménagés par l'érosion, se seraient établis dans les déchirures, à l'Ouest d'Hornomachay et au Sud de Tarma. Mais seule une recherche géologique précise, appuyée sur une bonne cartographie, pourra confirmer ce qui n'est qu'une hypothèse.
2) Les plateaux mésozoïques du Mantaro
65On regroupe sous ce titre les reliefs où affleurent les calcaires, les grès et les schistes de la couverture mésozoïque et qui sont en position synclinale par rapport aux anticlinoriums paléozoïques de l'Est. Cette région de plis de couverture, dont l'axe de drainage est constitué par le Mantaro, est tronquée par des aplanissements. Elle s'étend sur 170 km du NNW au SSE et sur une trentaine de kilomètres de large.
a) AU SW DE HUANCAYO
66Au SW de Huancayo, la structure de part et d'autre de la pampa d'Ingahuasi paraît assez simple (Harrison, 80). A l'Ouest, c'est le Trias, épais de 600 à 1200 m, qui commande la structure. La dalle, ondulée, des calcaires massifs, s'élève par flexure au-dessus des séries tertiaires ; la flexure doit traduire un soulèvement en horst du socle sous-jacent. « Capas rojas » et série « bigarrée » la recouvrent à l'Ouest. Le Trias se ploie en synclinaux allongés, étroits, orientés NW-SE, où sont conservés les racines des plis, qui émergent en barres formées de calcaires jurassiques et de grès du Crétacé inférieur. Le stock du Huacravilca soulève les couches à son contact et les métamorphise localement en marbre.
67Au NE de la dépression d'Ingahuasi l'épaisseur du Trias diminue. Les plateaux entre Ingahuasi et le Mantaro se présentent comme un voussoir plissé (figure 8D). La flexure orientale est armée d'un sill de dacite ; au centre un pli-faille chevauche un synclinal dissymétrique où affleurent les grès du Crétacé inférieur. Au-dessus du Mantaro, un anticlinal cassé, passe par faille ou flexure à la plaine de Huancayo. Les dépôts de pente encroûtés limitent la vue des affleurements. Cependant il semble que des paquets de calcaires aient glissé le long de la pente, par appel au vide. Ceci est particulièrement apparent dans les gorges en aval du bassin de Huancayo.
68Les accidents, failles ou flexures, s'ils sont brutaux, ne sont pas très continus et reflètent une tectonique cassante marquée par un jeu de « horsts » et de « grabens » et par des décrochements. Dans les « grabens », des paquets de roches ont glissé puis ont été ultérieurement comprimés, comme dans la vallée du Mantaro entre Chongos et la Mejorada.
69Le Sud de la plaine de Huancayo est fermé par une double ondulation synclinale se redressant vers le SSE et qui affecte les calcaires du Trias, la mince couche du Lias et la série plus épaisse du Jurassique moyen.
b) LES « HAUTEURS » (ALTURAS) DU MANTARO
70Les « hauteurs » (alturas) du Mantaro, qui flanquent l'Ouest du bassin de Huancayo entre Sicaya et Jauja, correspondent à un lourd anticlinal coffré, de 8 à 9 km de large, aux flancs faillés et dont le centre est affecté par une légère inflexion synclinale où sont conservés des calcaires du Jurassique. La retombée périclinale au Nord est tranchée par le Mantaro. Dans les gorges, les calcaires sont broyés et tordus, probablement par un décrochement Ouest-Est, difficile à localiser exactement par suite de l'ennoyage des calcaires sous les séries fluviolacustres « Jauja ».
71Au Nord de la bourgade de Jauja, les plis se relaient en ondulations décalées les unes par rapport aux autres. Le Sud de l'anticlinal est accidenté par un décrochement qui guide la vallée du Cunas.
c) LE CAUSSE DE JUNI
72Le causse de Juni, entre Jauja, Tarme et la Oroya, est un plateau ondulé aux altitudes comprises entre 4000 et 4300 m. A l'Est, les calcaires du Trias, discordants sur le Carbonifère, se terminent par une puissante corniche dominant la vallée de Tarmatambo. Au centre du causse, les calcaires jurassiques sont plissées inharmoniquement : les séries schisteuses et marneuses du Lias servent de lubrifiant, bourrent les têtes anticlinales et s'étirent dans les charnières. La couverture jurassique est souple et se caractérise par un style de plis déversés vers l'Est, accidentés de failles de recouvrement faiblement inclinées. Cette orientation indique une poussée tangentielle en direction de l'Est marquée par le glissement et le décollement des couches du Lias sur le Trias plus rigide (figure 9 A).
73Dans la vallée du Mantaro les plis sont souvent isoclinaux ; les couches marneuses, les grès tendres, les lits calcaires sont intensément plissés. Il semble que dans l'axe de la vallée empruntée par le Mantaro il y ait eu un affaissement en coin de la couverture suivie d'une compression qui a fait gicler les couches les plus plastiques.

Fig. 9. — Coupes (en partie d'après Harrison) :
A : de la Oroya (vallée du Mantaro) à la haute vallée de Tarmatambo, à travers le causse de Juni ;
B : vallée du Mantaro à Malpaso ;
C : du « diapir » de San Blas à Ondores (pampa de Junin) ;
D : de Pomacocha au Mantaro (un peu en aval de la Oroya) à travers le dôme de Yauli.
(1) Capas rojas ; (2) calcaires du Crétacé inférieur et supérieur ; (3) marnes et calcaires marneux du Crétacé moyen ; (4) grès du Crétacé inférieur ; (5) calcaires du Jurassique supérieur et moyen ; (6) marnes du Lias ; (7) calcaires du Trias ; (8) Paléozoïque supérieur ; (9) Paléozoïque inférieur.
d) LES PLATEAUX AU SW DE JUNIN
74Les plateaux au SW de Junin, entre le Mantaro et l'altiplano, reflètent une disposition structurale assez proche de celle du causse de Juni. La série triasique est plissée en anticlinaux coffrés, aux flancs raides et failles ; le Crétacé est conservé dans des anticlinaux étroits et allongés du NW au SE. Lorsque le Jurassique affleure largement on remarque une succession d'anticlinaux et de synclinaux, accidentés de failles de décrochement transversales, mais alternant assez régulièrement. Cependant des intrusions percent la couverture : diapir salifère de San Blas (figure 9 C), stock de porphyre quartzifère de Chisausiri. Des failles quadrillent les plateaux : failles de décrochement NE - SW (reconnaissables au déplacement horizontal des séries sur plusieurs centaines de mètres et à l'existence de brèches tectoniques), failles de direction méridienne, failles normales passant à des plis-failles et orientées dans le sens des grands axes de plissements du SSE au NNW. Cependant ces axes ne sont pas toujours constants. La marqueterie tectonique du socle sous-jacent perturbe la régularité des plissements. Malheureusement l'absence de cartes topographiques ne permet pas toujours de localiser avec précision ces accidents visibles sur le terrain ; en outre la circulation n'est pas toujours facile sur les immenses domaines d'élevage de la Compagnie de la Cerro de Pasco.
75Le socle affleure en amont de Malpaso dans la vallée du Mantaro, sur une trentaine de kilomètres de longueur et trois à quatre de large (Harrison, 79). Il est constitué de phyllades traversées de granites et recouvertes en discordance par des laves carbonifères. Les plis de la couverture mésozoïque viennent buter contre ce môle (figure 9 B). Au Sud d'Atocsaico, le Secondaire est pincé et déversé dans un synclinal comme s'il avait été comprimé par un déplacement oriental du bloc paléozoïque. Au SW, l'érosion a dégagé un sillon périphérique dans les schistes, et les calcaires mésozoïques présentent un front de cuesta tourné vers le massif primaire.
D) DOMES ET CUVETTES A L'OUEST DU MANTARO
1) LE DÔME DE YAULI
76Le dôme de Yauli fait apparaître les phyllades grises et brunes du Paléozoïque inférieur et les conglomérats du Carbonifère qui culminent à plus de 5000 m. Au SE du dôme, près de Suitocancha, les couches mésozoïques plongent sous une vaste cuvette remplie de « couches rouges » couronnées par des placages volcaniques de la « série bigarrée ». A l'Est, près du Mantaro, les séries sédimentaires s'inclinent modérément vers l'Est et leurs pendages sont compris entre 5 et 10°. Le Crétacé inférieur et moyen affleure très largement en surfaces structurales ; il est recouvert selon une faible discordance par les « Capas rojas » bien conservées dans un bassin situé à l'Ouest du Mantaro entre la Oroya et Canchayllo (figure 9 D).
77Au Nord et au NE de Yauli, les séries crétacées plongent vers le synclinal de Santa Ana en présentant une série de cuestas à regard méridional. Le synclinal de Santa Ana est une large cuvette à fond plat où sont accumulées des « Capas rojas » et du matériel volcanique tertiaire. Les couches, à proximité du Mantaro et du môle paléozoïque, sont plus vigoureusement redressées.
78A l'Ouest de Yauli les chaînons de la Cordillère occidentale, dont l'orientation est presque méridienne, alternent avec des sillons qui, aux époques froides du Quaternaire étaient remplis par les glaces, comme la vallée de Pomacocha.
2) LA CUVETTE VOLCANIQUE DE CHUQUI
79La cuvette volcanique de Chuqui est une dépression structurale mais non pas topographique. Elle s'étend sur une quarantaine de kilomètres au Nord du Mishipanahui et a de dix à quinze kilomètres de large. Les assises du synclinal sont formées par des « Capas rojas » et des laves de la série bigarrée qui sont vigoureusement redressées à proximité de la Cordillère occidentale. Les couches rouges au Nord de la mine d'Alpamarca sont localement subverticales mais elles sont recouvertes en discordance par les laves de la série « bigarrée ». A l'Est la cuvette de Chuqui est bordée par des petits dômes calcaires et gréseux discontinus, qui sont cassés et accidentés du chevauchement des têtes anticlinales, chevauchements facilités par l'existence de lits charbonneux dans les grès crétacés. Au Nord de Santo Domingo, le Crétacé plonge sous les « Capas rojas » tandis qu'au Sud, les séries calcaires, plissées asymétriquement soit en genou soit en éventail déversé, se suivent jusqu'à près de Morococha.
80Le centre de la cuvette de Chuqui est rempli de laves et de cendres très colorées, vertes, oranges et rouges. Ce matériel, remanié en surface par les glaces quaternaires et la solifluction, n'est pas plissé. Si l'on disposait de bonnes cartes et d'une couverture complète de photographies aériennes, on devrait pouvoir délimiter une série de volcans dont l'observation sur le terrain laisse deviner l'existence.
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