Mourir à Arpi (Pouilles, Italie du Sud) : typo-chronologie des sépultures à inhumation entre le vie et le ier siècle avant J.-C.
p. 439-445
Résumés
Le site daunien d’Arpi est implanté dans la plaine alluviale du Tavoliere des Pouilles. Les premières attestations d’une occupation remontent à l’âge du Fer, mais c’est surtout à partir du ive s. que l’agglomération prend progressivement de l’importance. Le site est défini par un agger qui renferme une superficie de 1 000 ha et protège une aire destinée à accueillir non seulement l’habitat, mais aussi les nécropoles et des espaces réservés à l’agriculture et aux pâturages. Le croisement des informations fournies par la topographie des tombes, leur typologie, leur mobilier, leur chronologie et les données anthropologiques, complète les connaissances sur les transformations urbaines et sociales d’une des plus grandes agglomérations dauniennes entre le vie av. J.-C. et le ier s. ap. J.-C.
The Daunian site of Arpi is located in the alluvial plain of Tavoliere in Apulia. The first testimonies of an occupation date from the Iron Age, but the settlement started to grow in importance particularly from the 4th century BC onwards. The site is delimited by an agger that covers 1000 ha; it protects a space where there were not only dwellings, but also necropolises and land devoted to agriculture and pasture. All the data provided by the topography of tombs, their typology, their items, their chronology and anthropology information complete our knowledge of the urban and social transformations that happened in one of the larger Daunian cities between the 6th century BC and the 1st century AD.
Entrées d’index
Mots-clés : Arpi, Daunie, période hellénistique, romanisation, nécropole, hypogée
Keywords : Arpi, Daunia, Hellenistic Period, Romanization, necropolis, hypogeum
Remerciements
Nous remercions Giuseppina Stelo (EFR/CJB) pour l’élaboration des planches sur lesquelles s’appuie cette présentation et Florence Monier (CNRS, AOrOc, UMR 8546, PSL) pour sa relecture attentive.
Texte intégral
1La ville daunienne d’Arpi, située à 8 km au nord-est de Foggia et aujourd’hui invisible, est implantée dans la plaine alluviale du Tavoliere des Pouilles, à proximité d’un cours d’eau navigable, le Celone. Les premières attestations d’une occupation du site remontent à l’âge du Fer, mais c’est surtout à partir du ive s. que l’agglomération prend progressivement de l’importance au contact des peuples voisins, en particulier des populations osco-samnites, des Grecs, notamment ceux de Tarente, puis des Romains2.
2Le parcours de l’agger, identifié par la photo aérienne (Fig. 1)3, dont l’édification est datée entre le viie et le milieu du vie s., renferme une superficie de 1 000 ha (Rossi 2011) et constitue une limite apte à protéger une aire destinée à accueillir non seulement l’habitat, mais aussi les nécropoles et des espaces réservés à l’agriculture et aux pâturages. Un tel mode d’organisation propre à d’autres sites dauniens (Ordona, Ascoli Satriano, etc.) est illustré sur le terrain par la proximité entre aires funéraires et résidentielles.
Fig. 1 - Photo aérienne de 1954 du site d’Arpi.

Bradford 1957 : pl. VIII.
3Dans le cadre du programme “Arpi project. Formes et vie d’une cité galiote” que conduit depuis 2014 le Centre Jean Bérard en collaboration avec l’Università degli Studi di Salerno et la Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio per le Province di Barletta-Andria-Trani e Foggia, les recherches ont porté sur l’ensemble des fouilles réalisées sur le site depuis les années 1930, en partie restées inédites (Pouzadoux et al. 2016a ; Pouzadoux et al. 2016b ; Pouzadoux et al. 2019).
4L’un des enjeux était de procéder à la cartographie encore jamais réalisée des vestiges mis au jour et d’évaluer les types d’informations que la distribution des tombes pouvait fournir sur l’organisation de la ville, tant du point de vue topographique que chronologique. Avec celle du quartier d’habitation de l’aire de Montarozzi, l’organisation des nécropoles constitue en effet l’un des phénomènes les plus significatifs de la structuration de cette grande agglomération. Le croisement des informations fournies par l’emplacement des tombes, leur architecture, le matériel funéraire, la chronologie et les observations anthropologiques, complète les connaissances sur les transformations urbaines et socio-économiques qui ont intéressé une des plus grandes cités italiotes entre le vie s. av. J.-C. et le ier s. ap. J.-C. (Munzi et al. 2020).
5L’étude a considéré huit ensembles de tombes provenant de fouilles programmées : Drago 1939-1941 (Drago 1950 ; Rossi 2015 ; Muntoni et Rossi 2017), Tinè Bertocchi 1965-1966 (Tinè Bertocchi 1985), Mazzei 1985 et 1989 (Mazzei 1995), Mazzei 1992-1997 (Munzi et al. 2015 ; Basile et Pouzadoux 2018), Mazzei 1998-1999 et 2001 (Mazzei 1999), Guaitoli 20054, Corrente 2009 (Corrente et al. 2010) et de découvertes réalisées à l’occasion des grands travaux effectués sur le site de 1969 à 1992 (construction d’un tronçon de l’autoroute Adriatica A14, implantation à partir des années 1980 d’un réseau d’irrigation par l’entreprise SAFAB) (Pouzadoux et al. 2019), ainsi que quelques lots de sépultures retrouvées, pour un total d’environ 250 contextes funéraires dispersés sur l’ensemble du site, avec parfois quelques phénomènes de concentration (Fig. 2) (Munzi et al. 2020). En raison de spoliations antiques et de pillages récents, certaines de ces tombes n’ont pas livré de mobilier ou de restes osseux des défunts, rendant difficile leur datation (NMI 88).
Fig. 2 - Plan du site d’Arpi avec positionnement des grands travaux et des ensembles de tombes.

DISPAC, Univ. degli Studi di Salerno, L. Fornaciari, avec la collaboration de V. Soldani, SABAP Foggia.
6L’étude des contextes funéraires permet d’observer des variantes dans les différentes typologies identifiées et d’en préciser la chronologie (Fig. 3-5). À l’exception d’une tombe à fosse sous un tumulus datable de la première moitié du viiie s. (Type I, NMI 1) (Tinè Bertocchi 1985), pour les phases allant du milieu du vie à la première moitié du ive s., il s’agit exclusivement de sépultures en fosse, circulaires ou rectangulaires, avec des parois à profil oblique ou vertical, généralement couvertes par des dalles de pierre calcaire et parfois avec un décrochement horizontal destiné à les supporter (Type II, NMI 32). Il existe aussi quelques cas d’inhumations dans un contenant en céramique, dont la chronologie reste imprécise (Type IV, NMI 4).
Fig. 3 - Typologie des sépultures à inhumation.

Archives de la SABAP Foggia.
Fig. 4 - Graphique de distribution des sépultures par type.

Centre Jean Bérard, CNRS-EFR.
Fig. 5 - Chrono-typologie des sépultures à inhumation d’Arpi.

Centre Jean Bérard, CNRS-EFR.
7C’est à partir du milieu du ive s. que, à côté de ces typologies plus simples, sont documentées les tombes dites à grotticella (Type V, NMI 74), véritables chambres funéraires de dimensions variables creusées dans le substrat calcaire (la crusta, une calcarénite locale), auxquelles on accédait par une rampe (dromos) ou un puits. Ces dernières sont organisées avec une (Type V.A, NMI 51) ou plusieurs cellae (Type V.B, NMI 12), de forme circulaire, subcirculaire ou quadrangulaire ; dans au moins trois cas, la façade et le début du couloir d’accès étaient enduits et peints (Mazzei 1999 ; Corrente 2015).
8Au cours de la même période, font aussi leur apparition les tombes à chambre hypogée, construites en grand appareil de blocs de calcaire, à plan quadrangulaire et rampe d’accès (Type VI, NMI 17). Elles sont souvent peintes à l’extérieur et à l’intérieur. Le type le plus ancien, daté du milieu du ive s., est illustré par la Tombe des Cavaliers qui a un plan rectangulaire, un vestibule, une cella avec une décoration figurée et une couverture de dalles à plat (Type VI.C, NMI 1)5. Daté de la même période ou un peu plus tard, on trouve le cas isolé d’une tombe à chambre avec les parois composées d’assises de blocs superposés à double pente (Type VI.B, NMI 1)6.
9À partir du dernier quart du ive s. et dans la première moitié du iiie s., l’architecture la plus répandue devient celle de la tombe à chambre hypogée, construite en gros blocs et avec une couverture de dalles en bâtière (Type VI.C, NMI 10). Un exemple significatif est constitué par la Tombe du Trône. Elle présente en façade une décoration peinte polychrome à laquelle elle doit son nom : une femme assise sur un siège entourée de servantes et d’objets liés aux activités domestiques7.
10Ce dernier type est progressivement supplanté, au cours du iiie s. et pendant la première moitié du iie s., par les tombes à chambre avec voûte en berceau et face externe décorée de deux colonnettes (Type VI.D, NMI 4). Le Tombeau de la Nikè, dont le mur d’entrée peint simule une façade à toit en bâtière, mais dont la chambre possède une voûte en berceau, marque le passage entre ces deux types8. Un exemple significatif de cette nouvelle architecture est l’Hypogée des Amphores9. Ce tombeau, auquel on accédait par un couloir enduit et peint, était précédé par un vestibule extérieur avec deux colonnes ; l’intérieur était organisé en une antichambre étroite et une cella avec deux lits en briques.
11La version la plus monumentale des tombes à chambre avec voûte en berceau est l’Hypogée de la Méduse10, composé d’un majestueux dromos, d’un vestibule précédé d’une colonnade et d’une pièce flanquée de deux cellae, chacune munie d’un lit (Type VI.E, NMI 1). L’ensemble était enduit et décoré de peintures et d’une mosaïque.
12À côté de ces tombeaux et des sépultures en simple fosse (Type IIA-B, NMI 6), dès le dernier quart du ive s. av. J.-C. et jusqu’au ier s. ap. J.-C., apparaissent des tombes en fosse en forme de T (Type II.C, NMI 3) ou avec revêtement (fosses couvertes de tuiles plates disposées en bâtière et fosses parementées de tuiles, de briques, de pierres et mixtes ; Type III, NMI 13).
13Aucune étude anthropologique approfondie n’a été réalisée jusqu’à présent, si ce n’est pour quelques petits lots de sépulture11. Le rite attesté est uniquement l’inhumation. Un réexamen de la documentation disponible, différente pour chacune des interventions, est en cours (G. Sachau-Carcel) dans le but de récupérer des informations sur les gestes funéraires. L’attention est portée en particulier sur les pratiques sépulcrales (structure de la tombe, position du cadavre et du matériel funéraire) et post-sépulcrales (réouverture de tombe, manipulation des restes, réduction du squelette, etc.). Les données de fouille mettent en évidence, surtout dans les tombes à grotticella, la présence de sépultures plurielles (dépôts successifs ou simultanés ?) et d’ossements réduits appartenant à un ou plusieurs sujets déposés précédemment. Parmi les tombes à fosse, sont signalés jusqu’au milieu du ive s. quelques cas de sépultures doubles (NMI 13).
14À l’intérieur des sépultures, jusqu’au milieu du ive s., les individus sont déposés en décubitus dorsal avec les membres inférieurs fléchis, alors qu’ensuite les sujets sont inhumés sur le dos, membres inférieurs en extension et supérieurs en extension ou en légère semi-inflexion.
15À côté des restes des défunts est généralement présent du matériel d’accompagnement – pièces d’habillement, éléments de parure et mobilier – qui permet de préciser la chronologie des sépultures et de fournir des informations sur le statut social et parfois sur l’identité des individus.
Bibliographie
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Notes de bas de page
2Sur l’histoire d’Arpi : Grelle 1995.
3Sur les recherches archéologiques à Arpi : Mazzei 1995.
4Arpi trafugata e ritrovata. Dal cielo alla terra. Nel 2005 lo scavo di una tomba a grotticella, Exposition temporaire, Museo del territorio, Foggia, Juin 2017.
5Russo 2015, avec bibliographie antérieure.
6Corrente 2010.
7Pouzadoux et al. 2019.
8Mazzei 2002-2003.
9Mazzei 1995.
10Mazzei 1995.
11Capitanio 1968-1969 (Fouilles Tinè Bertocchi 1965-1966) ; Corrente et al. 2010 (Fouilles Corrente 2009).
Auteurs
UAR 3133 CNRS-EFR Centre Jean Bérard
UAR 3133 CNRS-EFR Centre Jean Bérard

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