Typo-chronologie des sépultures à inhumation en Bourgogne-Franche-Comté

Jérémy Maestracci, Carole Fossurier, Alexandre Burgevin, Sylvie Cocquerelle, Franck Ducreux, Antoine Guicheteau, Régis Labeaune, Annamaria Latron, Johan Lecornué, Stéphane Lenda, Katia Meunier, Luc Staniaszek, Valérie Taillandier et Corinne Thévenet

p. 81-95

Résumés

Cette analyse présente les variations typologiques de plus de 3000 sépultures à inhumation répertoriées en Bourgogne-Franche-Comté : elle fait suite à un important travail de collecte de données. L’approche issue d’un séquençage chronologique particulier est d’abord présentée au travers des périodes classiques : Néolithique, âge du Bronze, âge du Fer, Antiquité, Moyen Âge, époque moderne et contemporaine. Ensuite, l’étude synthétise l’évolution des caractéristiques des tombes, sur un temps long et selon de multiples aspects : influence de la biologie, présence de mobilier, inhumations habillées et enveloppes souples, contenants, morphologie des fosses, position et orientation des défunts, sépultures individuelles ou multiples, présence de marqueurs de surface et de monuments funéraires.

This paper presents typological variations of more than 3,000 burials listed in Bourgogne - Franche-Comté, based on an extensive dataset. An initial chronological sequencing approach was used over the following periods: Neolithic, Bronze Age, Iron Age, Antiquity, Middle Ages and Modern times. The study then synthesized the development of graves over an extended period according to different aspects: biological influence, presence of goods, clothed burials and shrouds, containers, structure of grave pits, position and orientation of bodies, individual or multiple burials, presence of surface markers and funeral monuments.

Entrées d’index

Mots-clés : typologie, chronologie, Bourgogne-Franche-Comté, sépulture, inhumation, pratique funéraire

Keywords : typology, chronology, Bourgogne - Franche-Comté, burial, inhumation, funeral practices


Texte intégral

1En Bourgogne-Franche-Comté, la question de la typo-chronologie n’avait fait l’objet que de travaux ponctuels attachés à des zones géographiques ou des périodes chronologiques très restreintes. La Rencontre offrait donc l’opportunité de mener un travail sur un très large corpus principalement issu de l’archéologie préventive. Dans cette optique, l’association d’un maximum de chercheurs ayant fouillé et étudié des sépultures dans la région était indispensable et a permis un travail à grande portée. La méthode d’analyse est présentée dans l’article “Typo-chronologie des sépultures à inhumation dans le quart le nord-est de la France : méthodes pour la modélisation du temps et l’élaboration d’une typologie” (Burgevin et al., dans ce volume).

2Le cadre géographique est fixé par le découpage administratif actuel, la région Bourgogne-Franche-Comté. Aucune limite chronologique n’a été définie afin de pouvoir étudier toutes les tombes à inhumation dont l’enregistrement était exploitable : les sépultures de crise sont toutefois écartées du corpus car relevant d’une gestion hors norme des défunts de même que les ossements en position secondaire qui ne s’intègrent pas dans le cadre d’une typo-chronologie basée sur l’inhumation primaire. Le corpus s’étend sur un peu plus de 7 200 ans, de 5340 ans av. J.-C. pour la plus ancienne sépulture à 1900 ap. J.-C. pour la plus récente. Les sources sont essentiellement les rapports d’opération et quelques publications. Le tableau dénombre 3 074 sépultures (Fig. 1) mais l’échantillonnage, non exhaustif, compte plusieurs biais :

  • certaines époques sont sous-représentées pour plusieurs raisons : des périodes livrant peu de sites au Néolithique, au début de l’âge du Bronze et du premier âge du Fer ; une pratique réduite de l’inhumation au profit de la crémation à la fin des âges du Bronze et du Fer ; des données difficilement exploitables car incomplètes pour les fouilles anciennes ou fragmentaires pour certaines opérations1;

  • des zones géographiques sont peu fouillées car peu aménagées (Nièvre, massifs du Jura et du Morvan, Haute-Saône) (Fig. 2) ;

  • l’effectif de certaines périodes est presque exclusivement constitué par les sépultures d’un seul site (Antiquité et époque moderne).

Fig. 1 - Répartition des effectifs du corpus selon les périodes chronologiques, les séquences, le sexe et l’âge.

Dates Période conventionnelle Séquence Effectif Femme Homme Sex-ratio Adulte Enfant Nourrisson (0-1 an)
[-5300:-2200[ Néolithique 1 38 5 6 1,20 24 4 0
[-2200:-1600[ Âge du Bronze 2 15 0 2 - 4 4 0
[-1600:-850[ Âge du Bronze/ 1er âge du Fer 3 75 10 7 0,70 34 25 1
[-850:--475[ 1er âge du Fer 4 13 3 0 - 7 1 0
[-475:-150[ 2e âge du Fer 5 132 23 35 1,52 90 32 4
[-150:400[ Antiquité 6 1047 16 14 0,88 530 230 215
[400:850[ Antiquité tardive Premier Moyen Âge 7 879 236 244 1,03 674 123 9
[850:1500[ Second Moyen Âge 8 76 24 13 0,54 63 7 4
[1500:1900] Époques moderne et contemporaine 9 799 193 142 0,74 642 42 67
Total 3074 510 463 0,91 2068 468 300

Fig. 2 - Carte de densité des sépultures en région Bourgogne-Franche-Comté.

J. Maestracci, Inrap.

1. Caractéristiques des inhumations par période

3Dans un premier temps, pour une caractérisation préalable des sépultures à inhumation, la typologie a été décrite par période chronologique : Néolithique (Néolithique ancien, moyen et récent ; Campaniforme) ; âge du Bronze ; âge du Fer (premier âge du Fer/Hallstatt ; second âge du Fer/La Tène) ; Antiquité (Haut-Empire ; Antiquité tardive) ; Moyen Âge (premier Moyen Âge ; second Moyen Âge) ; époque moderne et contemporaine (Fig. 3 et 4).

Fig. 3 - Exemples d’inhumation par périodes chronologiques - Préhistoire et Protohistoire.

a : Sépulture néolithique (séquence 1) à Chichery  “la Fosse Chantrot” (C. Fossurier, Inrap) ; b : Sépulture campaniforme (séquence 1) à Longvic  “les Quétinières” (A. Labeaune, F. Gauchet, Inrap) ; c : Sépulture de l’âge du Bronze (séquence 3) à Migennes  “le Petit Moulin” (L. Staniaszek, Inrap) ; d : Sépulture du premier âge du Fer (séquence 4) à Concoeur et Corboin  “Tumulus Olivier” (R. Labeaune, Inrap, d’après Ratel 1976) ; e : Sépulture du second âge du Fer (séquence 5) à Pierre-de-Bresse  “la Bottière” (C. Fossurier, Inrap).

Fig. 4 - Exemples d’inhumation par périodes chronologiques - périodes historiques.

f : Sépulture antique (séquence 6) à Autun  “Pont-L’Evêque” (B. Soum, Inrap) ; g : Sépulture de l’Antiquité tardive (séquence 7) à Mâcon  “Rue Gambetta” (C. Fossurier, Inrap) ; h : Sépulture du premier Moyen Âge (séquence 7) à Pontarlier  “les Gravilliers” (S. Baudin, Inrap) ; i : Sépulture du second Moyen Âge (séquence 8) à Autun Saint-Pancrace (Y. Labaune, Service Archéologique de la Ville d’Autun) ; j : Sépulture d’époque moderne (séquence 9) à Dijon  “Pont des Tanneries” (Inrap, équipe de fouille).

1.1. Le Néolithique (- 5300/- 2400, séquence 1)

Néolithique ancien, moyen et récent (- 5300/- 2400)

4L’échantillon concernant le Néolithique est relativement faible (34 sépultures inventoriées). Aucune donnée n’était disponible pour la Franche-Comté. En Bourgogne, les sites se trouvent principalement dans l’Yonne et dans une moindre mesure en Côte-d’Or. Le corpus observé se compose majoritairement d’individus adultes, aussi bien des hommes que des femmes, les enfants étant peu représentés. En ce qui concerne les dépôts funéraires, leur présence est courante, mais pas systématique : ils sont essentiellement constitués d’éléments de parures et de poteries. La majorité des individus inhumés sont déposés en position contractée, surtout sur le dos ou sur le côté gauche, plus rarement sur le côté droit. Au Néolithique moyen comme au Néolithique ancien, la position contractée sur le côté gauche est nettement préférée à celle sur le côté droit (Rottier et al. 2005 ; Augereau et al. 2011). La fosse sépulcrale est principalement de forme ovale, sa largeur étant bien souvent supérieure à la morphologie du défunt. Plusieurs cas de tombes à niche (ou en alcôve) sont attestés, le défunt est alors placé dans un surcreusement latéral, formant une cavité réservée à cet effet. Quelques coffrages en bois ou en pierres ont été identifiés. De rares cas d’enveloppes souples (linceul2 ou natte) sont connus. Alors qu’au Néolithique ancien, les sépultures sont simples, des sépultures doubles ou collectives existent au Néolithique moyen et récent. Le Néolithique moyen dans l’Yonne est également marqué par l’apparition des nécropoles monumentales de type Passy (Constantin, Mordant et Simonin 1997). Pour la première fois au Néolithique, on voit apparaître des sujets inhumés sur le dos. Leur analyse a permis de caractériser le “type Balloy” qui se définit par “un caveau aménagé dans une fosse pour accueillir un défunt inscrit au sein d’un contenant mobile rigide” (Chambon, Mordant et Pariat 2007).

Campaniforme (- 200/- 2200, séquence 1

5Au Campaniforme (- 2400/- 2200), le domaine funéraire est très méconnu. Inexistants en Franche-Comté, les quelques exemples attestés sont dispersés en Bourgogne. Les sépultures individuelles succèdent aux sépultures mégalithiques de plateaux dès une phase précoce de la période. Les quatre individus, aussi bien adultes qu’enfants, sont déposés en position étendue ou contractée. Les défunts sont généralement inhumés avec du mobilier ; les dotations sont essentiellement composées de parures minérales et animales, d’objets liés à l’habillement et d’un ou plusieurs gobelets céramiques. La fosse sépulcrale est quadrangulaire ou ovale et ses dimensions sont suffisamment grandes pour accueillir un coffrage en bois, plus rarement en pierre. Certaines de ces fosses sont inscrites dans un tumulus circulaire de petite taille (3 à 8 m de diamètre) ou une cabane funéraire.

1.2. Âge du Bronze (- 2200/- 850 Séquence 2 et 3)

6La synthèse des données de cette période demeure difficile en raison des nombreux biais et lacunes existant dans la documentation qui privilégient largement les zones de plaines et les sites d’habitat qui s’y développent à partir du Néolithique final. Les zones de plateaux et les côtes bourguignonnes, pour lesquelles de nombreuses nécropoles sont attestées, demeurent à l’écart des recherches. Cette période compte ainsi 68 sépultures répertoriées, datant essentiellement de l’âge du Bronze moyen, la fin du Bronze final étant mal représentée, l’inhumation laissant alors place à la crémation3. Le sex-ratio est quant à lui équilibré et un tiers des individus sont immatures ; l’échantillon se répartit essentiellement sur deux grands sites (Migennes (Yonne), Damparis-Choisey [Jura]) (Müller 2007 ; Baudais et al. 2014). Le mobilier funéraire est diversifié et se sépare en deux groupes avec d’une part de la vaisselle de stockage et d’autre part de la vaisselle de service, de l’armement, du petit mobilier et de la parure4. Les dotations peuvent parfois être d’importance. Certaines inhumations semblent se faire en linceul ou en vêtements mais la présence d’enveloppes souples reste difficile à mettre en évidence à cette période. Lorsque cela était déterminable, la plupart des inhumations ont été faites en coffrage de bois ou de pierres à l’exception d’un contenant monoxyle. Les fosses sont très fréquemment rectangulaires aux bords arrondis, quelques-unes étant ovales. La plupart des défunts sont inhumés sur le dos avec toutefois quelques individus sur les côtés droits ou gauches. Leur tête est située majoritairement au nord-ouest mais toutes les orientations sont observées. Les inhumations individuelles sont de règle, mais les sépultures doubles se rencontrent également sur un certain nombre de sites. Plusieurs types de marquage des tombes existent, lorsqu’ils ont été repérés : enclos circulaires à fossés interrompus ou non, petits et grands tertres (respectivement au Bronze ancien et au Bronze moyen) et autres monuments funéraires construits sur poteaux.

1.3. Âge du Fer (- 850/- 50, séquences 4 et 5)

Premier âge du Fer (Hallstatt) (- 850/- 475, séquence 4)

7Le premier âge du Fer ne comprend que très peu d’inhumations, 20 sépultures constituant le corpus, la pratique de la crémation étant très répandue à cette période. Les sites répertoriés se situent essentiellement dans la zone de Dijon (Côte-d’Or) à laquelle ont été ajoutées les sépultures les mieux documentées du tumulus de Courtesoult (Haute-Saône). L’échantillon, trop faible, ne permet pas d’étudier les répartitions par sexe ou par âge. Le mobilier déposé est constitué par de l’armement, de la vaisselle de service et des éléments de parures. Quelques individus ont été inhumés en enveloppes souples sans qu’il soit possible de préciser si elles correspondent à des linceuls ou des vêtements. Les défunts sont déposés en coffrage de bois ou de pierre. Ces derniers sont souvent constitués de dalles sur chant et de dalles de couverture. Les fosses sont rectangulaires ou sub-rectangulaires. Les individus reposent presque tous sur le dos, un seul étant sur le côté gauche. Aucune orientation ne semble privilégiée. La plupart des inhumations sont individuelles, à l’exception d’une sépulture double. Les tombes sont très fréquemment installées au sein de tumulus mais elles se trouvent aussi parfois entourées d’enclos circulaires ou quadrangulaires.

Second âge du Fer (La Tène) (- 475/- 50, séquence 5)

8Le second âge du Fer est illustré par un échantillon de 131 sépultures dont la grande majorité a été mise au jour récemment dans l’extrême nord-ouest des plaines de Saône, en périphérie de Dijon (Côte-d’Or). Ce corpus est principalement représentatif des ve-ive s. av. J.-C., le iiie s. est quant à lui peu présent ; les deux derniers siècles avant le changement d’ère ne sont pas documentés en raison du retour quasi exclusif de la crémation5. L’échantillon présente un sex-ratio équilibré6 et environ un quart d’individus immatures, mais très peu de “0-1 ans”. Ces défunts sont souvent habillés et dotés d’un costume funéraire dominé par quelques objets de parure et d’habillement (fibule[s], ceinture). L’armement est rare et le dépôt de vaisselle ou de nourriture est quasi inexistant à cette période, comme plus largement à l’échelle du Centre-est de la France et du Plateau suisse. Les tombes sont identifiées dans des espaces funéraires dont l’origine peut remonter à l’âge du Bronze, ou dans des monuments (tumulus, enclos) fondés ex nihilo. Certaines sépultures prennent place dans des fosses sépulcrales installées dans l’habitat, plus rarement dans des silos, autour du début du ive s. av. J.-C. Les fosses adoptent une forme rectangulaire ou ovale et accueillent des inhumations essentiellement disposées dans un coffrage, de préférence en bois et calé par des pierres. Les défunts sont presque exclusivement étendus sur le dos, toute autre position (contracté sur le côté, sur le ventre) restant très marginale. Toutes les orientations sont représentées, la tête étant plus rarement à l’est. La topographie des nécropoles et les monuments (en particulier les enclos) influencent fréquemment ces orientations. Les inhumations individuelles sont majoritaires et les cas de tombes doubles associent souvent un adulte à un enfant.

1.4. L’Antiquité (- 50/400)

Haut-Empire (- 50/250, première moitié de la séquence 6)

9L’échantillon de la période antique présente un important biais : une seule nécropole rassemble presque toutes les données (Autun “Pont l’Évêque” (Saône-et-Loire)) (Venault et al. 2008 ; Labaune 2011). La typo-chronologie est établie à partir de celle-ci : en effet, excepté sur ce site, très peu d’inhumations ont été répertoriées pour cette période alors que leur existence est connue de longue date dans la région. Ceci résulte essentiellement du fait que de nombreuses fouilles sur les nécropoles antiques sont anciennes. 921 sépultures constituent le corpus : ce sont pour moitié des inhumations d’enfants, les adultes n’ayant quant à eux pas pu être sexés. Les dépôts d’objets liés sont très présents dans les sépultures mais en nombre variable ; ils sont essentiellement constitués de vaisselle de service en céramique, de récipients en verre et d’éléments vestimentaires (chaussures principalement). Des monnaies sont en outre parfois déposées dans les tombes particulièrement dans celle des jeunes enfants, souvent au niveau de la tête. La présence d’enveloppes souples n’a pu être analysée suite à la mauvaise conservation des sépultures dans la plus grande partie des cas : elles semblent toutefois présentes dans certaines tombes, souvent en lien avec des éléments d’habillement. L’immense majorité des inhumations se fait dans des fosses rectangulaires parfois relativement profondes, en cercueils. Ces derniers paraissent très fréquemment adaptés à la morphologie des défunts, les adultes ayant apparemment des contenants plus grands que les enfants. Des sépultures dites en bâtières ont également pu être observées sur différents sites tandis que la fin de la période voit l’apparition du sarcophage. Les très jeunes individus, souvent âgés de moins de 1 an paraissent avoir des contenants spécifiques dans plusieurs cas : la plupart sont ainsi inhumés en imbrex (un seul retourné sur le corps ou deux en vis-à-vis). Sur le même principe, des moitiés d’amphore ont vraisemblablement été utilisées. De petits coffrages faits de tegulae ou de bois ont également pu être destinés à ces très jeunes individus. Des coffrages en bois accueillaient aussi vraisemblablement des inhumations d’enfants plus âgés et d’adultes mais le type reste minoritaire. Les individus, dont la position était observable, reposaient sur le dos7 ; leur orientation suivait généralement la topographie générale de la nécropole, la majorité des têtes se trouvant à l’ouest. La norme est la sépulture individuelle et aucun cas de sépulture multiple n’a été recensé dans notre corpus. Les sépultures étaient souvent marquées par des stèles funéraires. Elles se situaient fréquemment dans des enclos dont les tailles sont très variables, de 8 à plus de 40 m de côté.

Antiquité tardive (250/400, seconde moitié de la séquence 6)

10Le corpus compte 126 sépultures réparties sur six sites présents sur l’ensemble de la région. Aucune différence n’a été notée selon le sexe ni selon l’âge mais aucun individu très jeune n’a été recensé. La nature et la quantité des dépôts sont variables selon les nécropoles : lorsqu’ils existent, ils sont pour l’essentiel constitués de vaisselle de service ou de parures, les objets liés à l’armement ou les monnaies étant plus rares. La présence d’enveloppes souples n’est que peu observée mais reste très probable au regard des éléments de mobilier liés à l’habillement. La majorité des inhumations se fait en cercueil de bois auxquels s’ajoutent d’anecdotiques cercueils de plomb. Les coffrages de bois sont également relativement présents au sein du corpus ; leur variante sous forme de couvertures en bois disposées sur des banquettes aménagées dans les parois de la fosse est aussi notable à cette époque. Cette période voit également l’apparition, dans la région, des premiers sarcophages recensés8. Les fosses dans leur partie supérieure sont presque exclusivement rectangulaires, leur creusement pouvant parfois être adapté pour former les banquettes précédemment citées. Les défunts reposent sur le dos, leur orientation variant selon plusieurs axes, la tête étant fréquemment située à l’ouest. Les tombes répertoriées sont toutes individuelles. Très peu de marqueurs de surface, telles des stèles, ont été observés ; certaines sépultures prestigieuses sont toutefois installées au sein de mausolées ou de monuments du même ordre.

1.5. Moyen Âge (400/1500)

Début du Moyen Âge (400/8500, première moitié de la séquence 7)

11Le haut Moyen Âge présente un échantillon relativement diversifié avec 878 sépultures ne serait-ce que parce qu’il inclut les périodes mérovingiennes et carolingiennes : la période mérovingienne est nettement mieux représentée, la période carolingienne ne comptant que 16 sépultures. Les sites se répartissent sur l’ensemble du territoire mais une seule nécropole rassemble une part importante des données du début du haut Moyen Âge (Doubs “La Grande Oye” [Doubs]) (Urlacher, Gizard et Passard-Urlacher 2000).

12À cette période, les modes d’inhumation ne semblent pas influencés par le sexe ou l’âge des défunts. La présence de dépôt quant à elle varie entre les époques mérovingienne et carolingienne : les éléments vestimentaires sont très fréquents au début de la période mérovingienne puis se raréfient avant d’être quasiment absents durant la période carolingienne. De même, alors que des objets liés à l’armement ou à la toilette sont souvent associés aux sépultures mérovingiennes, leur quantité se réduit pour disparaître à la période carolingienne. Les sépultures habillées sont très répandues à la période mérovingienne et restent bien attestées à la période carolingienne. À cette dernière époque, le linceul est également souvent utilisé seul. Malgré la diversité des sépultures altomédiévales, le coffrage est le contenant prépondérant, sous toutes ses formes. En effet, celui-ci peut présenter différentes morphologies et différents matériaux. Il peut être en bois, en pierres, ou les deux, mais également en pierres jointes au mortier ou même en mortier. Ses formes vont du rectangle au trapèze en passant par des tombes naviformes à la période mérovingienne tandis que les logettes céphaliques paraissent plus présentes à la période carolingienne. Les coffrages ne sont cependant pas les seuls contenants : à la période mérovingienne, de nombreuses sépultures se font aussi en sarcophages, de calcaire majoritairement mais aussi de grès. Les cercueils présentent également quelques occurrences sur l’ensemble de la période. De même, les contenants monoxyles sont assez rares mais c’est l’une des seules périodes pour lesquels ils ont été identifiés. Les types de contenants paraissent relativement peu influencés par l’âge des inhumés. Plus d’une dizaine de tombes couvertes de dalles de pierre mais sans autre élément de coffrage sont recensées. Elles semblent caractéristiques du début du haut Moyen Âge mais persistent jusqu’à l’an mille. Le premier Moyen Âge et particulièrement l’époque mérovingienne voit aussi de nombreuses tombes rupestres, ces dernières étant présentes jusqu’au xiiie s. La quasi-totalité des fosses sont rectangulaires ou s’adaptent à la forme du contenant dans de très rares occurrences, notamment pour les tombes naviformes. Les défunts sont presque toujours inhumés sur le dos, la position de la tête à l’ouest étant nettement prédominante mais non exclusive. Les sépultures sont, pour l’immense majorité, individuelles mais il existe quelques cas de sépultures multiples. Certaines tombes pouvaient être signalées à l’aide de poteaux ou d’empierrements surmontant la sépulture. Peu de monuments ont été retrouvés associés aux inhumations : il semble que de petits bâtiments construits sur poteaux et/ou sablières pouvaient de manière marginale encadrer des tombes particulières au sein des nécropoles mérovingiennes.

Fin du premier et second Moyen Âge (8500/1500, séquence 8)

13L’échantillon correspondant au Moyen classique est relativement faible : aucune fouille récente n’a été effectuée sur la région et la plupart des opérations correspondent à des suivis de travaux ou à des “tours d’église” avec des sépultures mal datées et souvent partielles : l’effectif s’élève ainsi à 76. Ces tombes se trouvent sur l’ensemble de la région mais avec un maillage très irrégulier. L’échantillon, contenant plus de femmes que d’hommes, ne montre pas de différence significative selon le sexe mais présente une proportion plus faible d’individus immatures par rapport aux adultes. À cette période, le mobilier funéraire est presque absent des sépultures : les dépôts se font sous la forme de rares céramiques, essentiellement des vases à encens. Des éléments liés à l’habillement ou à la parure sont aussi parfois observés. Les épingles sont également relativement fréquentes et souvent associées à des inhumations en linceul. La présence d’enveloppes souples est par ailleurs attestée, sous forme de linceuls ou de vêtements : seuls quelques cas ont été identifiés à cette période. Au Moyen Âge central, le cercueil remplace progressivement le coffrage de bois ou de pierre et devient le mode d’inhumation majoritaire : alors que le coffrage est très présent au xe s., il commence à se raréfier à partir du xie s. pour devenir minoritaire à partir des xii-xiiie s. Les tombes semblent toutes installées dans des fosses rectangulaires ou sub-rectangulaires. Les défunts reposent sur le dos. Leur tête est dans l’immense majorité située à l’ouest mais leur orientation peut être influencée par des éléments topographiques, essentiellement des édifices de culte et des limites de cimetières. L’inhumation individuelle est la norme, aucun cas de sépultures multiples n’ayant été observé dans le corpus. L’architecture de surface est très rarement identifiée à cause des contextes stratifiés propres à la période médiévale ; les marquages des tombes ne sont donc presque jamais observables bien que l’organisation des cimetières les laisse supposer.

1.6. La période moderne et contemporaine (1500/1900, séquence 9)

14L’échantillon de la période est constitué essentiellement d’un seul site (Dijon “Pont des Tanneries” [Côte-d’Or]) (Chopelain et Fossurier (dir.) 2015) aussi est-il difficile de percevoir d’éventuelles évolutions, les sites complémentaires ayant pour la plupart des sépultures mal datées ou dont la typologie est incertaine. Le corpus est ainsi composé par 799 tombes. Les modes d’inhumations ne semblent pas varier selon le sexe ou l’âge mais le corpus, s’il comprend un nombre relativement important d’individus âgés de 0 à 1 an, ne contient proportionnellement que peu d’autres individus immatures. Du mobilier était parfois associé aux sépultures, essentiellement des objets de piété comme des chapelets ou des médailles. Quelques éléments de parure, bagues notamment, et des monnaies se trouvaient aussi occasionnellement dans ces inhumations. Le port de vêtements a souvent pu être attesté, la plupart du temps grâce à l’analyse taphonomique. Les cercueils restent la norme, dans la continuité du Moyen Âge. Leurs dimensions tendent à se standardiser. Ils sont presque toujours en bois et à quelques exceptions près en plomb. Ils ne sont toutefois pas le mode unique d’inhumations : celles-ci se font aussi quelques fois en linceul simple ou de manière plus mixte avec un linceul placé dans un cercueil. De très rares coffrages de bois ont aussi été notés. Les individus adultes reposent pour la plupart sur le dos, ceux qui sont âgés de “0-1 an” pouvant être inhumés sur le dos ou, dans une moindre mesure, sur les côtés droit ou gauche. L’orientation principale des individus suit un axe ouest-est, tête à l’ouest, mais des individus tête à l’est ou au nord ont également été observés, les contraintes topographiques (présence d’un édifice de culte ou de clôtures) paraissant jouer également un rôle important dans l’orientation des sépultures. Hormis les sépultures de crise, deux types de tombes existent, les sépultures individuelles et les fosses communes : les inhumations individuelles sont les plus fréquentes mais la présence de fosses communes se normalise progressivement. L’architecture de surface est très rarement identifiée et les marquages ne sont pas forcément retrouvés : ils pouvaient se faire sous la forme de poteaux, de croix ou de stèles.

2. Synthèse régionale

2.1. La question des types

15Après l’établissement de types en fonction de critères morphologiques et architecturaux, les catégories de tombes à inhumations se sont révélées peu discriminantes d’un point de vue chronologique. Suite à ce premier classement, l’utilisation des types n’est pas apparue pertinente dans le cadre d’une synthèse régionale : ce sont les caractéristiques des sépultures elles-mêmes qui ont été utilisées pour comprendre l’évolution des tombes dans le temps et l’espace et ce sans créer de types précis9.

2.2. Influence de la biologie

16Le corpus présentait un sex-ratio équilibré et aucun lien n’a pu être établi selon ce critère entre les modes d’inhumation, quelle que soit la période prise en compte. Quelques différences apparaissent en fonction du sexe, notamment sur le nombre d’objets associés au défunt10.

17L’âge au décès a une influence sur l’architecture funéraire, particulièrement à l’Antiquité11. À cette période, les contenants ne sont pas les mêmes entre les “0-1 an”, les jeunes enfants ou les individus plus âgés. Les “0-1 ans” sont très fréquemment inhumés en imbrex. Ils peuvent être également enterrés dans des céramiques complètes ou non (fréquemment des amphores) ou dans de petits coffres en bois ou en terres cuites architecturales. Au haut Moyen Âge, les contenants monoxyles et les sarcophages paraissent peu utilisés pour les enfants.

2.3. Mobilier, inhumations habillées et enveloppes souples

18L’enregistrement de la quantité de mobilier, par type, permet d’observer des variations au cours du temps (Fig. 5). Sous réserve de faibles effectifs, les périodes pré et protohistoriques comptent du mobilier associé au défunt dans plus de la moitié des tombes. La tendance est alors à l’augmentation passant d’une moyenne de deux objets par individu au Néolithique (séquences 1 et 2) à plus de trois au Hallstatt (séquence 4). À partir de La Tène (séquence 5), la quantité de mobilier associé aux sépultures décroît régulièrement jusqu’à l’époque moderne, pour laquelle moins de 2 % des défunts comptent au moins un objet (Fig. 6). La variation du nombre et du type d’objets semble donc être un phénomène de longue durée dont les questionnements dépassent le cadre de la typo-chronologie.

Fig. 5 - Nombre moyen d’objets par sépulture et par période chronologique.

Fig. 6 - Pourcentages des tombes ayant livré du mobilier par période.

Séquence chronologique Fréquence relative (%)
1 51
2 20
3 59
4 63
5 37
6 15
7 16
8 3
9 1

19L’observation de l’évolution des catégories d’objets associés aux défunts livre cependant de grandes tendances. Les éléments d’armement se concentrent aux périodes pré- et protohistoriques avec un pic à l’âge du Bronze. Une nouvelle augmentation de leur nombre est nettement visible à l’époque mérovingienne, particulièrement en Franche-Comté. Les offrandes animales sont également observées avant les périodes historiques, avec un pic à l’âge du Bronze. Au contraire, l’adjonction de monnaies au défunt est marquante à l’Antiquité et persiste à l’époque mérovingienne. Ce phénomène réapparaît de manière marginale à l’époque moderne.

20Les éléments de vaisselle, séparés en deux catégories fonctionnelles, stockage ou service12, sont déposés dans les tombes à toutes les époques et jusque dans les périodes récentes bien que de manière marginale au second âge du Fer et à partir du second Moyen Âge. Ainsi, la présence de vaisselle dans les sépultures est plus importante avant les périodes historiques et persiste de manière moins probante à l’Antiquité (Fig. 7).

Fig. 7 - Nombre moyen d’objets selon leur type, par sépulture et par période.

21En ce qui concerne le mobilier porté, la pratique de l’inhumation habillée est très répandue, toutes époques confondues : elle semble cependant plus évidente à certaines périodes (Fig. 8). En effet, presque toutes les sépultures présentent des signes de port de vêtements (d’après le mobilier et/ou la taphonomie) à l’exception des individus inhumés en linceul13 ; aux périodes historiques et plus particulièrement à partir du second Moyen Âge, de plus en plus de défunts sont enterrés en linceul et sans doute sans habits. Les enveloppes souples, au sens large, apparaissent très tôt avec des nattes au Néolithique (dès 4800 av. J.-C.). Elles se déclinent plus tard sous la forme de vêtements ou de linceuls, difficiles à distinguer et souvent associés à des contenants rigides (coffrages et cercueils notamment, Fig. 9).

Fig. 8 - Nombre d’éléments d’habillement par sépulture et par période chronologique. Le nombre de sépulture par période figure entre crochets.

Fig. 9 - Proportion des principaux types de contenants en fonction du temps.

2.4. Contenants (Fig. 9)

22Les contenants sont de formes diverses, fréquemment rectangulaires ; quelques-uns sont anthropomorphes, trapézoïdaux ou naviformes, particulièrement au début du Moyen Âge. Ils sont souvent uniques mais différents types de contenants doubles existent, comme les chambres funéraires avec un contenant rigide dans un espace coffré (notamment les sépultures de type Balloy (Chambon 2007)), les cercueils en plomb dans des sarcophages en pierre ou dans des cercueils de bois ou encore, dans un cas particulier, un cercueil sous une bâtière en tuiles.

23Les coffrages en tant que construction in situ existent sous des formes et des modes architecturaux très variés dans la région. Présents à presque toutes les périodes mais rares à l’Antiquité, ils sont souvent le réceptacle majoritaire d’inhumation avec un mode et des matériaux de construction spécifiques pour chaque époque14 ; ils se raréfient cependant à partir du second Moyen Âge pour presque totalement disparaître par la suite, surtout à l’époque moderne. Ils sont construits avec du bois, de la pierre, des tuiles et briques, des assemblages mixtes de bois et de pierres ou des pierres liées au mortier. Les assemblages de pierres peuvent se présenter sous différents modes de construction avec des dalles ou de petits murets notamment.

24Les tombes en bâtière, en imbrex ou en céramique peuvent être conçues comme des formes de coffrage. Les bâtières sont exclusivement présentes dans la région durant l’Antiquité au sens large du terme. Elles sont construites à partir de différents types de briques et de tuiles qui correspondent souvent à des matériaux de récupération. Les sépultures en imbrex et céramique sont quant à elles réservées aux individus âgés de “0-1 an” (voir supra).

25Les contenants monoxyles sont présents, dans notre corpus, presque exclusivement à l’époque mérovingienne à l’exception d’un cas au premier âge du Fer.

26Les sarcophages, uniquement en pierre en Bourgogne - Franche-Comté, sont majoritairement en calcaire et parfois en grès15. Ils apparaissent dès l’Antiquité tardive (au milieu du iiie s.) et leur utilisation culmine à l’époque mérovingienne. Ensuite, ils se raréfient et ne réapparaissent que ponctuellement à partir du Moyen Âge central.

27Les cercueils sont présents, mais rares, durant la Protohistoire ; Souvent chevillés à cette période, ils s’avèrent difficiles à mettre en évidence. À l’Antiquité, ils deviennent le mode principal d’inhumation avant d’être supplantés par les sarcophages et les coffrages. Les cercueils les remplacent ensuite au cours du second Moyen Âge pour devenir le mode majoritaire puis exclusif à la fin de l’époque moderne. À cette période, les cercueils présentent alors une forte standardisation de leurs dimensions. La plupart, toutes périodes confondues, sont faits en bois excepté quelques-uns en plomb durant l’Antiquité tardive et l’époque moderne.

2.5. Morphologie des fosses

28Les fosses recevant des défunts sont presque toujours initialement à destination funéraire à l’exception des silos réutilisés pour l’inhumation, particulièrement à l’âge du Fer. A contrario, certaines fosses, creusées dans la roche, deviennent elles-mêmes des contenants aux viie-xiiie s.

29La forme dominante des creusements est rectangulaire. Toutefois des fosses ovales existent, particulièrement au Néolithique. Des morphologies plus rares sont observées à différentes périodes : des niches au Néolithique, des creusements avec banquettes à l’Antiquité tardive et des fosses à logette céphalique surtout du viiie au xiiie s. ap. J.-C.

30Les dimensions des fosses varient nettement en fonction des époques (Fig. 10 et 11). Les tendances sont indépendantes de l’âge des défunts. Les longueurs, largeurs et surfaces sont petites au Néolithique, sans doute en lien avec la position contractée des individus. Elles grandissent à la période suivante, l’âge du Bronze, puis leur taille diminue régulièrement jusqu’à l’Antiquité16. Une nouvelle augmentation de leur format est observée à la période mérovingienne, elle est suivie d’une baisse continue jusqu’à l’époque moderne où les dimensions des fosses se standardisent. Quelques cas particuliers comme les chambres funéraires présentent toutefois des grandeurs hors normes.

Fig. 10 - Boîtes à moustaches représentant la surface des sépultures des individus adultes par séquence chronologique.

Fig. 11 - Longueurs, largeurs et surfaces moyennes des fosses par séquence chronologique.

Séquences 1 2 3 4 5 6 7 8 9
Effectifs 24 4 32 10 89 531 673 61 451
Longueur moyenne (m) 1,54 2,5 2,45 2,22 2,22 2,06 2,24 1,92 1,77
Largeur moyenne (m) 0,95 1,4 1 0,63 0,77 0,63 0,82 0,56 0,44
Surfaces moyennes (m²) 1,59 3,65 2,54 1,51 1,72 1,4 1,87 1,28 0,82
Ecart-type des surfaces (m²) 1,11 2,05 1,22 0,32 1,1 0,81 0,57 0,6 0,35

2.6. Position et orientation

31Dans la majorité des cas, les inhumés sont déposés en extension excepté au Néolithique où la position contractée est prédominante : cette position disparaît progressivement jusqu’à l’âge du Fer pour n’être plus qu’anecdotique par la suite17. La très grande majorité des défunts est inhumée sur le dos (96 %). Les dépôts sur le ventre et le côté sont habituels au Néolithique ancien et rares par la suite. Leur importance est légèrement plus marquée aux époques mérovingienne et moderne.

32L’orientation des défunts varie également avec le temps (Fig. 12). Au Néolithique et au début de l’âge du Bronze, la plupart des individus ont la tête à l’est bien que toutes les orientations soient observées18. De la fin de l’âge du Bronze au début du premier âge du Fer, les défunts sont orientés selon toutes les directions. Ensuite, à la seconde moitié du premier âge du Fer, ils ont majoritairement la tête au nord. Durant le second âge du Fer, les orientations principales sont au nord et au sud, voire à l’ouest, tandis qu’à l’Antiquité elles sont essentiellement à l’ouest19. Cette direction devient quasiment exclusive au Moyen Âge. À l’époque moderne, les défunts sont surtout inhumés tête à l’ouest mais cette tendance varie en fonction d’autres contraintes, notamment topographiques20.

Fig. 12 - Variations des orientations des sépultures en fonction de la chronologie.

2.7. Sépultures individuelles et multiples

33La norme, quelle que soit la période, est la sépulture individuelle. Elle représente 95 % des inhumations recensées. Notre corpus compte 97 sépultures doubles (4 % du total), retrouvées principalement à quatre grandes périodes : la fin du Néolithique récent/début de l’âge du Bronze [-2200 ;-2000], la première moitié de La Tène [-500 ;-300], l’époque mérovingienne [500 ;800] et l’époque moderne [1750 ;1850] (Fig. 13). Les sépultures qui comptent plus de trois défunts sont extrêmement rares (moins de 1 % du corpus) et sont chronologiquement concentrées aux mêmes périodes. Toutes périodes confondues, le nombre d’individus par tombe n’influence pas la typologie des inhumations, excepté dans le cas des sépultures collectives du Néolithique.

Fig. 13 - Densités de probabilité des sépultures multiples, contenant 2 individus et plus de 2 individus en fonction du temps.

2.8. Marqueurs de surface et monuments funéraires

34Si des signalisations de surface existent à toutes les périodes, vraisemblablement sous forme de poteaux ou d’empierrements de surface, toutes les sépultures n’en étaient pas forcément pourvues21. Des marqueurs en pierre comme des stèles ou des statues sont moins fréquemment identifiés : dans la région, ces éléments sont très présents à l’Antiquité et quelques occurrences ont été retrouvées au Moyen Âge et à l’époque moderne. Les monuments funéraires peuvent quant à eux prendre plusieurs formes du Néolithique à l’âge du Fer ainsi qu’à l’époque mérovingienne : cabanes funéraires, constructions sur poteaux et tumulus. Des enclos de différentes formes, circulaires, quadrangulaires ou allongés, sont aussi essentiellement présents du Néolithique au haut Moyen Âge.

Conclusion

35L’approche typo-chronologique proposée par la Rencontre du Gaaf fut une excellente occasion d’actualiser et de synthétiser les connaissances concernant la pratique de l’inhumation en Bourgogne-Franche-Comté sur un large spectre chronologique. Le corpus de plus de 3 000 sépultures a permis de résumer les caractéristiques des inhumations par grande période, du Néolithique à l’époque moderne. Au-delà de la création d’un référentiel, ce travail s’est attaché à saisir l’évolution des modes funéraires au cours du temps. Des tendances de très longue durée ont pu être mises en évidence. Le nombre d’objets déposés dans les tombes croît régulièrement du Néolithique au Hallstatt pour diminuer ensuite jusqu’à l’époque moderne. La position et l’orientation des individus relèvent également de longs et lents changements, les positions contractées de la Préhistoire laissant progressivement place à l’extension totale du corps au cours de la Proto histoire. Les variations architecturales des sépultures, notamment la taille et la forme des fosses évoluent également sur la longue durée. En parallèle, cette synthèse montre que les facteurs biologiques, âge au décès et sexe, influencent de manière variable les caractéristiques des sépultures. Le genre a visiblement un impact très limité sur la constitution de la tombe, quelles que soient les périodes, alors que l’âge par l’opposition enfant/adulte peut influencer la forme de la tombe, notamment au cours de l’Antiquité.

36Cette approche typo-chronologique reste incomplète dans l’étude de l’évolution des sociétés humaines sous l’angle des pratiques funéraires puisqu’il y manque encore la dimension géographique. L’étude des caractéristiques typologiques dans leur variation spatiale en relation avec les facteurs chronologiques permettra, plus tard, d’isoler les facteurs culturels pour comprendre leur évolution et leur répartition sur le vaste territoire du quart nord-est de la France.

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Notes de bas de page

1Les contraintes liées aux diagnostics autour des églises ou aux opérations limitées au suivi de travaux réduisent considérablement les données exploitables, notamment pour les sépultures.

2Le linceul est initialement constitué d’une toile mais il sera fréquemment utilisé dans cet article comme un terme générique rassemblant la plupart des enveloppes souples drapant le mort.

3Cette étude ne prend pas en compte les individus inhumés en position assise dans des silos car ceux-ci semblent relever de pratiques funéraires hors norme (Rottier, Piette et Mordant 2012).

4Cette différence ne semble pas liée à des aires géographiques ou chronologiques différentes.

5Les inhumations de La Tène moyenne et finale du site de Besançon “Remparts Dérasés” ne sont pas incluses au corpus, faute de données abouties disponibles.

6Une légère surreprésentation féminine est observable, elle n’est toutefois pas significative.

7La position des très jeunes enfants n’a pu être observée.

8La fouille très récente du site d’Autun “Ruelle Saint Pierre”, non intégrée à cette analyse car en cours d’étude, a mis en évidence la présence de tombes en bâtières ainsi que des types hérités du Haut-Empire pour les “0-1 an” (amphore, coffre en tuiles).

9Par exemple, le type de sépulture construite en fosse rectangulaire de taille humaine renfermant un individu allongé sur le dos, dans un contenant en bois et sans mobilier associé, se retrouve à presque toutes les époques. La définition d’un tel type pour la discrimination chronologique est donc inopérante. En revanche, le suivi individuel de chacune de ces caractéristiques sur un temps long, notamment de leur fréquence relative, permet de mieux comprendre leur évolution.

10Sans tenir compte de la chronologie, les femmes ont un nombre d’objets associés moyen supérieur à celui des hommes (0,90 contre 0,70), la différence étant significative selon le test de Mann-Whitney (p= 0,021). Ce phénomène ne sera pas détaillé dans cet article.

11Bien entendu, pour toutes les périodes, la taille de l’individu qui est liée à son âge influence les dimensions de la tombe. Nous ne détaillerons pas non plus ici les nombreux biais qui conduisent à une sous-représentation des individus immatures.

12La vaisselle de service est bien plus représentée dans les tombes que la vaisselle de stockage.

13Dans ce dernier cas, il n’est pas réellement possible de déterminer la présence de vêtements.

14Comme par exemple les coffrages de bois ou les tombes à dalles.

15Pour une typologie détaillée des sarcophages à la période mérovingienne, il est possible de se reporter aux travaux de Henrion et Büttner (Henrion 2004 ; Büttner et Henrion 2009).

16Ces faibles dimensions peuvent être liées au corpus issu principalement d’un seul site.

17À partir de l’Antiquité, la position contractée est réservée aux très jeunes enfants à quelques rares exceptions près notamment pour les individus souffrant de pathologies.

18Cette observation est à nuancer au regard du faible effectif.

19Idem note 16.

20Travail en cours dans le cadre du PCR “Les cimetières modernes ʻhors les mursʼ dans le nord-est de la France” dirigé par Myriam Dhor et Carole Fossurier. 

21La faiblesse du corpus sur cette question liée à la rare conservation des niveaux de surface ne permet pas d’entrer dans les détails de la chronologie.


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