Apport des datations radiocarbones à la typo-chronologie des sépultures des ive-xve siècles en Bourgogne

Carole Fossurier et Antoine Guicheteau

p. 105-109

Résumés

En Bourgogne, des diagnostics et surveillances de travaux situés à proximité d’édifices de culte ont mis au jour de nombreuses sépultures de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge ; l’absence de mobilier dans celles-ci a fréquemment nécessité le recours aux analyses radiocarbones pour préciser les contextes chronologiques. Malgré de nombreux biais dans le corpus d’étude inhérents à l’archéologie préventive, les résultats permettent d’affiner la typo-chronologie des contenants entre le ive et le xve siècle. Ainsi, l’apparition des sarcophages est précoce, les coffrages, quel que soit leur type, sont le mode d’inhumation le plus fréquent et les cercueils sont rares.

In Burgundy, diagnoses and surveillance of work near religious buildings have revealed numerous burials from Late Antiquity and the Middle Ages; the absence of grave goods in these burials has frequently required the use of radiocarbon dating to specify the chronological contexts. Despite the numerous biases in the study corpus inherent in preventive archaeology, the results allow us to refine the typochronology of the containers to between the 4th and 15th centuries. Thus, sarcophagi appeared early on, coffering of various types was the most frequent mode of burial and coffins were rare.

Entrées d’index

Mots-clés : Bourgogne, Antiquité tardive, Moyen Âge, datation au radiocarbone, cercueil, sarcophage, coffrage

Keywords : Burgundy, Late Antiquity, Middle Ages, radiocarbon dating, coffin, sarcophagus, coffering


Texte intégral

1En France et en Bourgogne, l’évolution de l’aménagement du territoire a conduit à la multiplication d’opérations archéologiques préventives situées au centre des agglomérations (Carré et al. 2009). Diagnostics et surveillances de travaux mettent alors régulièrement au jour des sépultures médiévales en contexte stratifié, fréquemment situées à proximité d’édifices de culte (Fig. 1a). En l’absence d’informations pertinentes relatives à leur chronologie, la nécessité d’assurer les datations des tombes a conduit à multiplier les recours aux analyses radiocarbones. Plusieurs paramètres sont à l’origine du développement de ces processus, les principaux étant la baisse des coûts et la rapidité de mise en œuvre des datations. En effet, ces deux éléments permettent de les intégrer aux rapports de diagnostic et de faciliter la compréhension des vestiges ainsi que l’établissement de prescriptions archéologiques.

Fig. 1 - A. Localisation des opérations - diagnostics et surveillances de travaux ; B. Contraintes techniques sur le site de Mâcon (71) “Rue Gambetta”, mise au jour partielle d’une sépulture avec blindages de sécurité.

A : A. Guicheteau, Inrap. B : C. Capdeville, Inrap.

1. Établissement du corpus

2Les modalités d’interventions en diagnostics et surveillances de travaux sont souvent difficiles, particulièrement en milieu urbain (Fig. 1b). En effet, les conditions de sécurité permettent rarement de dépasser des profondeurs importantes à moins d’avoir recours aux blindages : ces derniers limitent alors les observations possibles. En outre, le passage de nombreux réseaux ne permet pas toujours une implantation optimale des sondages ; les vestiges archéologiques sont d’ailleurs fréquemment détruits par ces derniers. Ceci implique de multiples défauts dans le recueil des données : celles-ci ne sont en effet pas le résultat d’une réflexion sur le site en lui-même, du point de vue topographique ou chronologique par exemple, mais sont conditionnées par les paramètres d’accessibilité aux sépultures et essentiellement par les possibilités offertes par l’emprise de sondage.

3Outre ces inconvénients résultant de la nature des sites en eux-mêmes, d’autres biais sont liés à la pertinence des opérations pour l’établissement d’une typo-chronologie. En effet, leur localisation dépend éminemment de l’aménagement du territoire : elles ne connaissent donc pas une répartition homogène sur la région observée. De plus, les analyses radiocarbones ne se font qu’en l’absence de mobilier associé aux sépultures, celles ayant des dépôts ne font ainsi pas l’objet de datations absolues et sont écartées de cette analyse. Les tombes étant fréquemment incomplètes dans ces opérations, les identifications typologiques nettes sont également relativement rares et toutes les datations 14C réalisées dans des contextes a priori correspondant à la problématique n’ont pas pu être utilisées, cela d’autant plus que le choix des échantillons faisant l’objet d’une datation n’est que rarement lié à la typologie des sépultures. Les choix méthodologiques de cette étude ont donc conduit à restreindre nettement le corpus de tombes, de nombreuses datations ayant été écartées.

2. Des évolutions typologiques ?

4Établi depuis 2013, le corpus provient de treize sites, explorés à l’occasion de onze diagnostics et de deux surveillances de travaux, pour un total de 20 sépultures (Fig. 2). Cet effectif est évidemment très faible mais il permet cependant d’indiquer des tendances et d’affiner la typo-chronologie régionale. Les contenants se répartissent ainsi en six sarcophages en calcaire et grès, quatre cercueils, six coffrages en bois et quatre coffrages en pierres.

Fig. 2 - Les différents types de contenants du corpus.

A. Sarcophage trouvé lors du diagnostic réalisé place Saint Germain à Auxerre (89)  ; B. Sépultures en coffrage de bois observées à Mâcon (71) “Rue Gambetta”  ; C. Coffrage de pierres dégagé à Givry (71) “Rue du Hameau de Varange”  ; D. Sépulture en cercueil à Avrolles (89) “Place des Justes” .

A : A. Burgevin, Inrap. B : C. Fossurier, Inrap. C : A. Guicheteau, Inrap. D : C. Fossurier, Inrap.

5Les résultats mettent en évidence la présence précoce des sarcophages dans la région, notamment dans les grands ensembles urbains (sites de Mâcon “Rue Gambetta”, Dijon “Rue Danton”, Auxerre “Place Saint Germain” - Capdeville (dir.) 2020 ; Alix (dir.) 2019 ; Burgevin (dir.) 2019) (Fig. 3a) ; ils apparaissent ainsi dès l’Antiquité tardive. Le type perdure durant l’ensemble du haut Moyen Âge, son utilisation étant plus fréquente à la fin de l’Antiquité et à la période mérovingienne.

Fig. 3 - Chrono-typologie.

A. Sépultures du corpus d’étude et datations radiocarbones ; B. Typo-chronologie interprétative des sépultures médiévales en Bourgogne établie à partir exclusivement des datations radiocarbones.

A : Oxcal et A. Guicheteau/Inrap, collectif : Alix (dir.) 2016, 2019 ; Burgevin (dir.) 2013, 2019 ; Capdeville (dir.) 2020 ; Guicheteau (dir.) 2018a, 2018b, 2019 ; Lagorsse (dir.) 2020 ; Latron (dir.) 2016 ; Œil de Saleys (dir.) 2018 ; Pertuisot (dir.) 2016 ; Saint-Jean Vitus (dir.) 2016). B : Collectif/C. Fossurier, Inrap.

6Les coffrages, participant d’un mode de construction in situ similaire, caractérisent la période alto-médiévale, qu’ils soient en bois ou en pierre, puisqu’ils sont de loin le mode d’inhumation le plus fréquent ; dans les cas étudiés ici, ils apparaissent durant l’Antiquité tardive et semblent disparaître au cours du Moyen Âge. Plus précisément, les coffrages en bois sont présents dès l’Antiquité tardive et jusqu’au xie s. et semblent ensuite laisser place aux cercueils, du moins dans le corpus. Les coffrages de pierre paraissent quant à eux faire la transition entre les sarcophages et les cercueils, et leur usage semble contemporain des coffrages de bois, s’étendant de l’Antiquité tardive à la fin du haut Moyen Âge.

7Le nombre de cercueils s’élève à quatre occurrences se situant pour un cas à l’Antiquité tardive (Mâcon “Rue Gambetta”), un autre au ixe s. et deux sont postérieurs à l’an 1000. De manière générale, sur l’ensemble des cas étudiés ici, ils encadrent le haut Moyen Âge : tandis que le cercueil de l’Antiquité tardive peut se rattacher aux traditions antiques, celui du ixe s. annonce la multiplication des cercueils au cours des siècles postérieurs.

8Sur le corpus d’étude, les datations radiocarbones ont ainsi permis d’affiner la typo-chronologie entre le ive et le xve s. (Fig. 3b) et complètent les données disponibles sur l’ensemble de la région obtenue par d’autres méthodes de datation. Ainsi, la chronologie des sarcophages s’est révélée plus ancienne qu’attendue en Bourgogne, ces derniers étant désormais nettement présents dès le ive s. La typologie semble faire apparaître des tendances avec la présence des coffrages, de bois ou de pierre, très représentés durant le Moyen Âge alors que le nombre d’occurrence de cercueils paraît plus faible à cette période, ceux-ci existant pourtant nettement à l’Antiquité tardive et à la fin de la période carolingienne.

Conclusion

9Les datations radiocarbones ont connu un développement récent, à partir de la fin de l’année 2013 en ce qui concerne cette étude, mais elles restent soumises aux circonstances particulières dont témoigne le corpus. Ainsi, l’échantillonnage paraît relativement restreint suite aux choix méthodologiques : au vie s., où les sépultures sont souvent datées grâce au mobilier, très peu de tombes sont analysées ici. De même, le Moyen Âge central et le bas Moyen Âge sont peu représentés, le contexte archéologique suffisant presque toujours à inscrire chronologiquement les sépultures dans le cadre de ces interventions. Les datations absolues, après mise en relation avec les autres données archéologiques et notamment le mobilier disponible, se sont systématiquement insérées dans la chronologie des sites et sans incohérence. Elles ont cependant parfois questionné les anciennes typo-chronologies : par exemple, la précocité de l’usage du sarcophage a pu être démontrée, notamment dans le cas de certains types précis.

10Ce premier retour sur expérience d’un changement des méthodes de travail induit par la facilité à procéder à des analyses 14C amène une réflexion sur la sélection des échantillons à des fins de datations : faut-il privilégier les tombes perçues comme les plus anciennes ou les tombes bien identifiées typologiquement ? En l’absence fréquente de fouilles sur ce type de site et en dépit du caractère limité des opérations, diagnostics et surveillances de travaux apportent donc des informations qualitativement et quantitativement importantes. Celles-ci contribuent abondamment, à l’échelle régionale, à l’élaboration de la typo-chronologie des sépultures ; elle devrait être complétée par la multiplication des interventions dans les années à venir.

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