Conclusion générale
p. 115-116
Texte intégral
1Dès l’entrée dans le site depuis la porte Sainte-Radegonde, le visiteur d’aujourd’hui découvre les terrasses occidentales de Marmoutier qui renvoient d’emblée aux origines du monastère, au temps de Martin où une partie des frères occupait des grottes qu’ils avaient eux-mêmes creusées dans le rocher, même si les cavités préservées et l’aménagement même des terrasses demeurent très difficiles à dater, tant les transformations ont été nombreuses depuis la fin du 4e siècle. Les usages successifs des terrasses, révélés par la fouille, les sources écrites et l’iconographie, témoignent de leur constante utilisation et de la place importante qu’elles ont tenue dans la construction mémorielle du monastère, tout au long du Moyen Âge et de l’époque Moderne.
2La fouille a montré la présence de quelques tombes rupestres – des membres de la communauté probablement – et de cavités à vocation probable d’habitation, qui précèdent la construction d’une petite chapelle en partie troglodytique dédiée à la Vierge avant le milieu du 9e siècle, date à laquelle elle est rénovée et agrandie par le comte Vivien. Le seul texte qui en parle, daté de 846, évoque aussi les tombes de disciples de Martin à l’intérieur de l’oratoire dont les vestiges conservés sont ténus et dont le plus notable correspond à la moitié nord de l’abside contre laquelle a été construite la tour des Cloches dans la seconde moitié du 11e siècle. La vocation funéraire de la terrasse inférieure a été confirmée par la mise au jour d’une trentaine de sépultures rupestres, presque toutes fouillées, ou plutôt violées ou vidées, à partir du 16e siècle si ce n’est avant : le procès-verbal rédigé en 1769 par les mauristes met les perturbations constatées dans les fosses sur le compte des Huguenots ; à leur tour les Sœurs de la Congrégation du Sacré-Cœur de Jésus menèrent des recherches en 1868 contribuant sans doute à la disparition des derniers squelettes en place, dont deux seulement furent préservés et fouillés par nos soins.
3Cet espace privilégié, proche de l’entrée occidentale du monastère, changea de statut au milieu du 12e siècle à la suite de la rédaction d’une Vie des Sept Dormants de Marmoutier. Une version brève rédigée par la collégiale Saint-Martin fut suivie d’une version longue voulue par les moines de Marmoutier. Ce récit légendaire identifia certaines tombes à celles de sept cousins de Martin, en lieu et place des premiers disciples du saint, ce qui transformait Marmoutier en monastère familial : son prestige accentué, le « grand monastère » pouvait davantage rivaliser avec la collégiale qui abritait le tombeau du saint sur la rive gauche de la Loire. La construction d’une chapelle beaucoup plus vaste, englobant l’oratoire troglodytique, permit le développement d’un culte populaire qui détourna les fidèles du Repos de Saint-Martin dont la communauté se réserva l’accès après son intégration dans l’abbatiale gothique. Ainsi, le culte des Sept-Dormants de Marmoutier eut des conséquences à la fois internes, sur l’organisation spatiale de l’enclos, et externes, en quelque sorte, en renforçant le prestige du monastère face à la communauté canoniale, en partie rivale, de Saint-Martin.
4Devenu le siège d’un prieuré situé à l’intérieur même de l’abbaye, ce qui est très rare, la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Dormants bâtie à la fin du 12e siècle au pied de la tour des Cloches conserve le caractère semi-rupestre de l’oratoire du haut Moyen Âge, sous la forme d’un édifice maçonné de style roman : façade principale à l’est, clocher au sud, collatéral nord creusé dans le roc, et l’enveloppe maçonnée englobant – à la manière de poupées russes – la partie souterraine du sanctuaire originel. Le prieuré des Sept-Dormants, dont les ressources sont maigres, est constitué à la fin du Moyen Âge et à l’époque Moderne de ce lieu de culte, mais aussi de la maison du prieur, de caves, d’une fuye, de jardins et de vignes étagés sur quatre terrasses aménagées au fil des siècles.
5Embellie et rénovée aux 15e et 16e siècles, la chapelle subit de nombreuses dégradations à l’époque Moderne, à la suite de l’effondrement des parties hautes de la tour des Cloches en 1591 et 1707, puis d’une partie du coteau lui-même, dont la chute emporta une bonne moitié de l’édifice en 1747. Ses ruines ayant été abattues en 1786, la chapelle n’est plus qu’un souvenir quand la Révolution sonna le glas du « grand monastère ». Mais moins d’un siècle plus tard, les terrasses occidentales devinrent de nouveau un lieu de dévotion populaire grâce à la restauration des cavités par la communauté du Sacré-Cœur de Jésus, menée entre les années 1860 et 1880.
6Aujourd’hui, malgré les tristes dégradations des dernières décennies, les terrasses occidentales demeurent un lieu de mémoire, au même titre que le Repos de Saint-Martin situé un peu plus à l’est. Souhaitons qu’une prochaine restauration de cette partie du site soit entreprise par la Ville de Tours pour perpétuer le souvenir des Sept Dormants de Marmoutier.

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