Chapitre 2. Un nouveau pôle de dévotion : la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Dormants (12e-19e siècles)
p. 49-84
Texte intégral
1Le 12e siècle vit un changement d’échelle majeur avec la construction d’une chapelle beaucoup plus vaste que les oratoires précédents, en lien avec le développement du culte des Sept-Dormants de Marmoutier dont témoigne la rédaction de deux Vitae, une version courte et une version longue, traduites et étudiées par J.-H. Foulon. Après avoir analysé les transformations topographiques et architecturales que connurent les deux terrasses entre la fin du haut Moyen Âge et la fin du 11e siècle, avant la construction de la nouvelle chapelle, la légende des Sept-Dormants sera résumée et la rédaction de ces textes datée afin de comprendre dans quel environnement spirituel fut forgé ce culte qui déboucha sur la formation d’un nouveau pôle de dévotion dans la partie occidentale du monastère, tout près de l’entrée principale.
2.1. Les transformations topographiques du 11e siècle
2L’environnement de l’oratoire Notre-Dame à la fin du haut Moyen Âge reste assez mal connu. L’événement marquant de cette période est la construction dans la seconde moitié du 11e siècle de la tour des Cloches, ce qui eut des répercussions immédiates sur l’oratoire alto-médiéval et ses abords – au niveau de la deuxième terrasse surtout –, mais aussi au siècle suivant lorsque fut édifiée une chapelle semi-rupestre (Fig. 48).
Fig. 48 – Proposition de restitution du coteau après la construction de la tour des Cloches dans la seconde moitié du 11e siècle.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
2.1.1. La « grotte de Saint-Léobard » : un habitat troglodytique alto-médiéval ?
3L’origine et les transformations de la « grotte de Saint-Léobard », creusée au niveau de la deuxième terrasse à une altitude d’environ 65 m NGF, sont plus qu’incertaines, autant du fait de la nature excavée des vestiges que des transformations opérées au fil des siècles et singulièrement lors de la restauration de 1886-1887 (mur de façade, autel, carrelage), qui limitent grandement les observations (Marmoutier 2018 : 34‑39). Les quelques éléments topographiques disponibles suggèrent que le coteau présentait originellement une pente faible voire un léger ressaut mis à profit pour ouvrir la cavité.
4Plusieurs états d’une habitation troglodytique antérieure à l’aménagement du puits d’extraction situé au fond de la cavité peuvent être restitués, en se fondant sur la topographie de la cavité, la forme et la hauteur des ciels, ainsi que sur les techniques de creusement (Fig. 49, états 1a à 1d). On peut ainsi proposer le développement suivant :
1-a) un espace quadrangulaire de 4,45 m sur 2,15 m et environ 2,20 m de hauteur sous ciel, auquel on pourrait associer les quatre niches creusées dans la paroi nord, et dont la façade n’était sans doute percée que d’une porte ;
1-b) un agrandissement au nord-est, auquel peut être associée une grande niche située dans l’angle nord-est, aujourd’hui bouchée ;
1-c) un second espace à l’est, dont les contours sont assez flous, a pu exister de manière autonome et n’avoir été rattaché à la salle occidentale que secondairement ; le fond d’une niche quadrangulaire visible sur la paroi orientale constitue le seul vestige d’aménagement dans ce secteur, dont l’attribution à cette phase reste incertaine ;
1-d) un agrandissement au nord, caractérisé par un ciel voûté relativement bas et des parois incurvées (forme générale en cul-de-four).
Fig. 49 – Proposition de phasage de la grotte de Saint-Léobard pendant le haut Moyen Âge.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
5En l’absence d’éléments datant (céramique, charbon, forme architecturale caractéristique), la datation alto-médiévale des cavités repose exclusivement sur l’hypothèse de leur antériorité aux couloirs et au puits d’extraction que l’on peut attribuer, avec un peu plus de confiance, à la période de construction de la tour des Cloches. Le plan quadrangulaire des espaces excavés pourrait constituer un indice en faveur d’une datation autour des 9e-10e voire 11e siècles, par opposition au plan plutôt circulaire des cavités inférieures qui elles sont attribuées au début du haut Moyen Âge.
2.1.2. La construction de la tour des Cloches
6Les abords de l’oratoire Notre-Dame connaissent de profondes transformations dans la seconde moitié du 11e siècle, à l’occasion de la construction de la tour des Cloches, imposant clocher séparé de l’église abbatiale (Fig. 50)25.
Fig. 50 – Le coteau de Marmoutier et ses abords dans la seconde moitié du 11e siècle.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2013.
Implantation et architecture de la tour des Cloches
7La partie inférieure de l’édifice, seule conservée, présente un plan carré de 13 m de côté, doté de murs de 1,80 m d’épaisseur pourvus de trois contreforts plats sauf au nord où il n’y en a que deux (Fig. 51 et Fig. 52). Elle comporte deux salles voûtées superposées, communiquant par un escalier, aujourd’hui bouché, logé dans une tourelle circulaire située à l’angle sud-ouest de la tour. La salle haute était à l’origine éclairée par quatre fenêtres rectangulaires ouvertes dans les murs sud et est, et la salle basse par deux baies couvertes en plein cintre, l’une au sud et l’autre à l’est, aujourd’hui obturées. Un escalier à vis en pierre, construit au pied de la tour et à demi-engagé dans le coteau, desservait à mi-hauteur la salle basse et 3 m plus haut à la fois la tourelle d’angle de la tour et l’oratoire Notre-Dame26. La partie sommitale de la tour, endommagée une première fois en 1591, à nouveau en 1707 et finalement détruite en 179227, était composée d’un étage carré en retrait, d’un beffroi octogonal et d’une flèche de pierre. Sous ses allures de tour maîtresse, le clocher dominait l’abbaye et la vallée du haut de ses 50 m, le sommet de la flèche culminant à environ 110 m NGF.
Fig. 51 – La tour des Cloches et la chapelle des Sept-Dormants à la fin du 17e siècle ; détail de la Vue de Gaignières, 1699.

BnF, VA.407.
Fig. 52 – Plan du 2e étage (a) et coupe transversale nord/sud (b) de la tour des Cloches.

Dussol 2014 : vol. 3, Fig. 30 et Fig. 42.
8Si extérieurement la tour des Cloches apparaît comme un ouvrage intégralement construit en moyen appareil de tuffeau jaune posé contre le flanc du coteau, en partie basse l’édifice présente une architecture mixte, partiellement excavée et partiellement construite. Ainsi, la salle haute a été creusée dans le roc sur près d’un quart de sa surface (au nord) et jusqu’à environ 3 m de hauteur, comme l’atteste le rocher visible au pied des murs nord et ouest (Fig. 53). Plus de la moitié du volume de la salle basse a été excavée, ne nécessitant la construction de murs qu’au sud et à l’est, ainsi que de la voûte (Fig. 54).
Fig. 53 – Vue de la paroi nord de la salle haute.

Dussol 2014 : Fig. 77.
Fig. 54 – Vue de la voûte effondrée de la salle basse.

Dussol 2014 : Fig. 80.
9Le principal avantage offert par l’implantation à flanc de coteau est celui d’une économie des matériaux, au moins pour le premier niveau de l’édifice : le terrassement du site et le creusement de la salle basse ont permis d’extraire la pierre nécessaire à l’érection des murs, tandis que les parois rocheuses conservées ont permis d’économiser une quantité importante de pierre et de mortier.
10La localisation de la tour résulte autant de la volonté de la communauté que de contraintes topographiques. D’après son architecture et ses dimensions, la tour était destinée à être vue de loin, dans la vallée autant que sur le plateau, de sorte à « signal[er] le monastère au voyageur tout en exprimant sa puissance temporelle » (Lorans 2014 : 322). Son caractère ostentatoire interdisait sans doute de la placer au nord ou à l’est de l’église, où elle aurait apparu moins monumentale, en particulier depuis la Loire et la ville de Tours. À l’ouest, l’emplacement surélevé libre le plus proche a été choisi, à un endroit où le coteau marque un retrait vers le nord et une pente relativement prononcée, juste à côté de l’oratoire Notre-Dame qui a été préservé, non sans quelques transformations.
Une construction accompagnée d’aménagements importants
11Le chantier de construction de la tour des Cloches a nécessité une importante quantité de pierre, qui a pu être extraite sur place, pour partie en tirant profit des creusements nécessaires à l’installation du niveau inférieur de la tour, et majoritairement dans des carrières dédiées.
12La carrière dite « de la tour des Cloches » (Fig. 55) semble avoir été ouverte à cette occasion, à une altitude comprise entre 58 et 60 m NGF, c’est-à-dire au niveau de la salle inférieure28. Elle est constituée de deux ensembles de galeries se développant sur environ 80 m d’ouest en est et 60 m du nord au sud, soit une surface de 1 240 m2 et un volume exploité de 2 500 m3 environ, ce qui peut avoir suffi à la construction de tout l’édifice, en plus de la pierre tirée du creusement du niveau inférieur de la tour29. Sur le plan de la carrière, les murs figurés sur les côtés nord et ouest de la tour suggèrent une communication avec la salle basse, ce qui pouvait grandement faciliter l’approvisionnement du chantier, au moins pour la construction de la base quadrangulaire de la tour. La salle basse étant presque totalement comblée de gravats, la relation entre la carrière et la tour est néanmoins impossible à vérifier aujourd’hui.
Fig. 55 – Plan de la carrière dite « de la tour des Cloches », à hauteur de la première terrasse.

Spéléo-Club de Touraine, 1987.
13Une autre solution a dû être mise en place pour acheminer les blocs sur le chantier des niveaux supérieurs, depuis l’extérieur de l’édifice cette fois. C’est certainement à cette occasion que le dessus de l’oratoire a fait l’objet d’un important terrassement sur environ 25 m de long et au moins 8 m de large jusqu’à l’habitation troglodytique (actuelle grotte de Saint-Léobard, à la cote 65,35 m NGF). Le mur M.6013, construit en moyen appareil de tuffeau jaune similaire à celui de la tour, arraché à l’ouest et présentant un retour à l’est 7,75 m avant la tour, a pu avoir un rôle de soutènement des terres et du rocher (Fig. 56 ; Marmoutier 2016 : 80-81) ; cela n’a pas semblé nécessaire à l’approche de la tour où le coteau est moins haut et présentait une pente plus douce d’après les quelques points d’observation dont on dispose et un relevé du début du 18e siècle où son profil est clairement dessiné (cf. infra, § 2.3.3, Fig. 78 et Introduction, Fig. 11). On ne peut toutefois exclure l’existence d’un mur de moindre hauteur, aujourd’hui disparu ou masqué par le talutage en ciment du 19e siècle. Dans l’habitat troglodytique, deux galeries de reconnaissance creusées depuis les parois nord ont permis d’atteindre un puits d’extraction quadrangulaire qui aboutit 6 m plus bas dans la galerie la plus à l’ouest de la carrière « de la tour des Cloches » (Marmoutier 2018 : 38).
Fig. 56 – Relevé pierre à pierre et vues du mur M.6013.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
Une construction structurante à long terme
14La construction de la tour des Cloches et de l’escalier à vis associé eut des conséquences immédiates et à long terme tant sur l’aménagement des terrasses occidentales de l’abbaye que sur l’architecture de l’oratoire Notre-Dame et de la chapelle des Sept-Dormants qui lui succéda moins d’un siècle plus tard (cf. infra).
15La tour a été accolée à l’abside de l’oratoire, dont la baie axiale fut obstruée par la tourelle d’escalier de l’angle sud-ouest. S’il s’agissait de la seule source d’éclairage naturel direct de l’oratoire, alors une nouvelle baie a dû être aménagée dans le tronçon sud de l’abside (M.6007). En l’absence de percement dans ce mur, seul un éclairage indirect depuis les cavités occidentales et à l’aide de bougies assurait la visibilité à l’intérieur du sanctuaire.
16D’un point de vue spatial, les conséquences sont multiples :
le nouvel escalier facilite l’accès au coteau et impose en même temps une circulation depuis l’est, en passant au pied de la tour30 ;
le terrassement nécessaire au chantier de construction de la tour est étendu vers l’ouest, formant ainsi la deuxième terrasse du coteau, ce qui aura aussi une incidence sur l’architecture de la chapelle des Sept-Dormants ;
plus largement, la tour constitua plus tard une des limites du prieuré des Sept-Dormants, avec l’enceinte à l’ouest, la rupture de pente au sud et le plateau au nord.
2.2. Les Sept-Dormants de Marmoutier : origine et fonctions d’une légende forgée au 12e siècle31
2.2.1. Deux versions d’une même légende
17Les études, rares et déjà anciennes, sur la légende des Sept-Dormants ont isolé deux vitae : l’une courte, qui aurait été rédigée à Marmoutier ; l’autre longue qui serait une interpolation de la première. S’il n’y a pas lieu de contester l’existence de ces deux versions bien attestées par les manuscrits, la datation de ces textes comme leur transmission exigeaient une révision à partir de l’ensemble de la tradition manuscrite. Sur le plan chronologique, il est probable que la version courte existait dès les années 1140 (v. 1139-1147), et de façon assurée vers 1150-1156, formant une vita prima, alors que la version longue (vita secunda), a été rédigée entre 1156 et 1181, date à laquelle elle fut recopiée par Guibert de Gembloux qui résidait alors à Marmoutier32. Le moine originaire du Brabant a joué un rôle majeur dans la transmission des manuscrits, beaucoup plus compliquée que ne le supposait Sharon Farmer (Farmer 1991 : 310-311). L’absence totale de la version courte dans les manuscrits provenant de Marmoutier comme le contenu du texte lui-même et son vocabulaire conduisent, entre autres arguments, à l’attribuer désormais avec certitude à la collégiale Saint-Martin, même si le Grand Monastère a pu en être le commanditaire. En revanche, la version longue introduit de nombreux développements pieux ayant trait à la jeunesse, l’humilité, l’obéissance et la pauvreté de Martin, à l’aide de multiples citations bibliques, qui déséquilibrent le récit. Elle témoigne d’une réécriture qui serait le fait d’un moine de Marmoutier. Le but était d’exalter le Grand Monastère comme pôle martinien, tant par la présence de la cellule du saint que par l’existence des tombes de ses sept cousins, les Sept Dormants, qui devaient contribuer à le valoriser, non à l’éclipser.
2.2.2. Le récit légendaire
18Le récit des Sept-Dormants de Marmoutier est lointainement inspiré par la légende des Sept-Dormants d’Éphèse consignée par Grégoire de Tours sous deux versions différentes, une version longue, la plus ancienne, connue sous le titre de Passio Septem Dormientium, une version brève, la plus récente, incluse dans le livre sur la Gloire des Martyrs, les deux textes ayant été rédigés dans les années 580-590, alors que la question de la résurrection faisait l’objet de controverses dans l’Église (Judic 2018 : 48 et 52-54 ; traduction des deux récits p. 59-68). Une filiation fut créée par les auteurs anonymes du 12e siècle qui attribuèrent leur récit à Grégoire au moyen d’une lettre d’authentification que l’évêque de Tours aurait adressée à celui de Bourges, Sulpice. Leur mort à Éphèse conduisit également l’auteur primitif à s’inspirer de la légende de la mort de saint Jean dans la même cité. Le prologue biblique indique qu’il serait resté « étranger à la corruption de la chair ». Le fait que l’abbaye possédait une église Saint-Jean fondée dans les années 488/9-495/6, traditionnellement localisée à l’est de l’abbatiale, suggère une implantation volontaire de l’oratoire Notre-Dame qui lui aurait fait pendant à l’ouest, dans une construction réfléchie de l’espace monastique.
19Malgré cette attribution fictive et la similitude du titre, seuls deux éléments du récit primitif ont été retenus par les auteurs du 12e siècle, comme l’a déjà souligné dom Oury : le nombre symbolique de sept et la localisation de l’essentiel du récit dans une grotte (Oury 1981 : 320), mais sans dépendance textuelle directe. Cette caractéristique avait une forte résonance à Marmoutier, au 6e comme au 12e siècle, compte tenu de la présence de nombreuses cavités creusées par les frères ou par des ermites gravitant autour de la communauté, tel Leobardus. Les autres éléments du récit médiéval sont bien différents : les Dormants de Marmoutier sont de véritables morts qui n’ont que l’apparence de Dormants ; ils ne se sont jamais réveillés contrairement aux jeunes gens endormis dans une grotte d’Éphèse où ils avaient trouvé refuge pour y prier ensemble pendant les persécutions de l’empereur Dèce (vers 250).
20La légende des Sept-Dormants de Marmoutier insiste sur les différents liens qui unissent Martin et ses cousins : des liens de sang d’abord mais aussi des liens spirituels puisqu’il les convertit au christianisme. Pour établir la relation familiale entre Martin et ses cousins, l’auteur, à la fois savant et imaginatif, inventa de toutes pièces une généalogie qui était susceptible de séduire un public aristocratique (Fig. 57). Alors que Martin est présenté comme le fils aîné du fils aîné du roi des Huns (Hongrie actuelle) Flore – lui-même fils du roi Aumare – et, par sa mère, comme descendant d’un souverain saxon et d’un empereur romain, les Sept Dormants sont les fils de deux jeunes frères (jumeaux ?) du père de Martin. Martin est donc fortement valorisé par une double origine royale et par son statut d’aîné exprimé par le prénom de Florus qu’il portait, comme son père et son grand-père, avant son propre baptême. Après sa conversion, nous dit la légende, il prit le nom de Martin qui était celui d’un grand-oncle évêque, qui baptisa les sept cousins avec un de ses frères, également évêque, en Hongrie.
Fig. 57 – Généalogie des Sept Dormants de Marmoutier.

21Une fois baptisés, les sept hommes rejoignirent Martin en Touraine et, après avoir séjourné quelque temps dans sa communauté monastique, ils partirent en pèlerinage à Rome, Jérusalem et Compostelle. Après cinq années de voyage, ils revinrent à Marmoutier et y firent profession entre les mains de leur cousin. Ils rapportaient de nombreuses reliques qui furent placées dans l’abside de l’église majeure et dans l’autel consacré par Martin lui-même dans une grotte convertie en oratoire, lieu de réclusion et de prière des sept religieux. La légende relate leur décès survenu vingt-cinq ans après celui de Martin, le même jour, alors qu’ils étaient prosternés en oraison. Assis sur leurs sièges pendant sept jours, ils auraient effectué de nombreux miracles avant d’être inhumés par l’évêque Brice, successeur de Martin, devant l’autel de l’oratoire.
2.2.3. La portée historique de ce récit et l’essor du culte des Sept-Dormants aux 12e-13e siècles
22L’installation définitive à Marmoutier de ces sept frères, apparentés à Martin, transforme l’établissement en une sorte de monastère familial réunissant ses parents de sang et ses frères en esprit : ce faisant, le lien existant entre Martin et la communauté, tant primitive que celle du 12e siècle, est renforcé du point de vue matériel et symbolique. Les moines représentent toujours la famille de Martin d’un point de vue spirituel. Par ailleurs, le fait que des parents de Martin reposent à Marmoutier place le monastère sur un pied d’égalité quasi identique avec la collégiale de la rive gauche qui conserve le corps du saint. Il existe donc une étroite complémentarité entre les deux établissements qui sont les gardiens de ces reliques et les détenteurs authentiques du culte martinien, d’où l’archevêque et la cathédrale ont été finalement exclus à la suite des très nombreuses querelles qui ont marqué tout le 11e siècle et jusqu’aux années 1115-1119. L’enjeu était notamment de préserver la paix monastique troublée par la procession et la messe publique organisées par l’archevêque à l’époque de Pâques jusqu’au Repos de Saint-Martin (Foulon à paraître a).
23La révision, entre 1156 et 1180, de la vita prima, découpée en neuf leçons selon l’usage liturgique canonial, en une vita secunda étoffée, plus conforme à l’usage monastique en douze leçons, et l’enrichissement du récit par des considérations pieuses montrent la volonté des moines de Marmoutier de développer le culte des Sept-Dormants dans la seconde moitié du 12e siècle. Le fait que le coutumier de Marmoutier attribuable pour les strates les plus anciennes aux années 1140 évoque une procession à la chapelle dite de Sainte-Marie33 et d’autres indices textuels montrent que la dédicace aux Sept-Dormants n’est pas acquise ni au 11e siècle, ni dans la première moitié du 12e siècle. En revanche, deux mentions contenues dans des actes des années 1155-1165 témoignent de la desserte de l’édifice par un certain Rovallonius, qualifié une fois de prêtre, une fois de chapelain des Dormants34, et donc du changement de dédicace intervenu entre l’ancien et le nouvel édifice. Le qualificatif de Dormants l’emporte désormais comme référence à ce lieu de culte : ainsi, après dix ans d’abbatiat, soit en 1187, Hervé de Villepreux renonça à sa charge pour se retirer dans une grotte qu’il avait fait aménager à proximité des Dormants (ad dormientes) et où il vécut en reclus, selon une forme de piété personnelle, jusqu’à sa mort en 120335.
24Un autre texte témoigne de la connaissance des sept frères : la vie de l’ermite Guillaume Firmat († v. 1095), écrite vers 1156-1178 par Étienne de Fougères ou par un anonyme à cause des disparités de style avec la vie de Vital de Savigny (Moolenbroek 1990 : 54-56 et 213-214). Ce récit mentionne un début de vie érémitique situé en dehors de Tours, ad locum qui vulgo septem fratres appellatur (BHL 8914, AASS, avril, t. III, p. 336-343, ici p. 337). Guillaume Firmat, ancien chanoine de Saint-Venant de Tours, y aurait bâti une cabane (vers 1070 ?) pour vivre avec sa mère in solitudinis eremo. Le récit est totalement fantaisiste, mais il atteste vers 1160-1170 la renommée auprès d’un évêque de Rennes extérieur à Tours d’un lieu populaire appelé Sept-Frères par le vulgus, qui renvoie très probablement aux Sept Dormants, d’ailleurs qualifiés plusieurs fois dans la vita de « sept frères ». C’est aussi l’identification proposée dans l’Histoire religieuse de la Touraine (Oury 1975 : 66) ; voir également Morin 1914 : 244.
25Ainsi, Firmat, membre d’un établissement satellite de la collégiale Saint-Martin situé juste en dehors du castrum, au sud, est passé de la rive gauche à la rive droite, mais sur un autre lieu martinien (locus secretus et remotus) où Martin, à la recherche de solitude, aurait vécu une vie semi-érémitique avec vingt-quatre disciples (Vita Martini, § 10.4, p. 274, avec la même expression solitudo eremi). Il existe donc une logique thématique et topographique dans le changement de lieu, mais l’appellation des sept frères l’emporte désormais sur le souvenir de la cellule de Martin.
26Si la construction du nouveau lieu de culte était certainement achevée vers 1160, quand son desservant apparaît comme témoin, et comme le suggèrent aussi les représentations figurées d’époque Moderne (cf. infra, § 2.4.4), il est cité pour la première fois quelques décennies plus tard, dans la Vie de Monseigneur saint Martin, rédigée en vers français au début du 13e siècle par le chanoine de Saint-Martin Péan Gatineau (mort après 1227). L’église dans laquelle gisent les Sept Dormants est devenue un lieu de pèlerinage particulièrement fréquenté par les Tourangeaux au temps de Pâques, formant un nouveau pôle de dévotion plus excentré que le Repos36. Toutefois, il faut attendre le 16e siècle pour voir une première attestation liturgique certaine avec la mention de la fête des Sept-Dormants, le 12 novembre, soit le lendemain de la saint Martin d’hiver, dans un bréviaire imprimé de 153637. Ce constat incite à supposer que le culte était tourné au milieu du 12e siècle vers l’extérieur, de façon à attirer les pèlerins et à focaliser les dévotions populaires des laïcs à proximité du portail, et non pas destiné à stimuler la piété interne de la communauté monastique qui en connaissait le caractère légendaire et l’objectif, à savoir fournir une généalogie prestigieuse à Martin. Il fallut attendre le 16e siècle pour que les moines, oublieux de l’origine lointaine du récit, y accordent foi et promeuvent un office spécifique qui manifeste un culte communautaire (office propre noté, sur papier, ajouté à la fin du BM Tours ms. 483-B). La chapelle était alors devenue un prieuré autonome, quoique situé à l’intérieur de la clôture, fait particulièrement rarissime (cf. chap. 3).
2.3. La construction de la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Dormants au pied de la tour des Cloches
27Bien que plus modeste que la tour des Cloches qui la domine, la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Dormants est l’un des principaux monuments de l’abbaye que l’on montre systématiquement aux visiteurs jusqu’au 17e siècle. Son édification accompagne le développement du culte des Sept-Dormants à Marmoutier dès le milieu du 12e siècle (Fig. 58). Les vestiges conservés et les archives ne laissent entrevoir que quelques bribes de son architecture (une petite église de style roman38) et de son histoire ponctuée de catastrophes, dont celle de 1747 qui lui fut fatale.
Fig. 58 – Proposition de restitution des terrasses occidentales de Marmoutier au 12e siècle.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
2.3.1. Implantation et architecture générale de la chapelle
28La situation topographique et le mode de construction de la chapelle sont assez similaires à ceux de la tour des Cloches (Fig. 59). L’édifice se singularise ainsi des autres bâtiments de l’abbaye par :
son implantation à flanc de coteau et sur deux niveaux, si l’on considère le mur gouttereau nord bâti sur la deuxième terrasse ;
une structure mixte, une partie étant excavée et l’autre maçonnée ;
l’absence ou la quasi-absence de fondation, les murs reposant directement sur le rocher plus ou moins retaillé pour les accueillir ; dans le cas de M.6003, la contrainte architectonique étant presque nulle, les bâtisseurs ont construit un des piliers directement sur le sol damé d’une cavité préexistante ;
l’intégration dans la nouvelle construction de l’oratoire antérieur, dont seule l’abside a été partiellement démolie à cette occasion.
Fig. 59 – Proposition de restitution 3D du coteau occidental de Marmoutier au 12e siècle.

M. Chartier et D. Morleghem, UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
29La configuration générale de la chapelle des Sept-Dormants n’est pas sans rappeler celle de l’église paroissiale Sainte-Radegonde (à l’origine Saint-Ouen) toute proche du monastère (280 m à l’ouest), adossée au coteau et ouvrant au nord sur une vaste salle creusée dans le roc, et surmontée d’un clocher en pierre auquel on accède par un escalier rupestre (Fig. 60 et Fig. 61). Ou encore la chapelle Sainte-Radegonde, construite dans le courant du 11e siècle à flanc de coteau environ 650 m à l’est de la ville de Chinon. Elle est constituée de deux nefs : celle du sud est maçonnée et accolée au coteau, avec un mur gouttereau au nord de faible hauteur et posé sur le rocher ; celle du nord est intégralement creusée dans le tuffeau et séparée de la précédente par quatre piliers (Fig. 62 et Fig. 63).
Fig. 60 – Plan de l’église Sainte-Radegonde à Tours.

Relevé et DAO : G. Simon.
Fig. 61 – Coupe de l’église Sainte-Radegonde à Tours.

Relevé et DAO : G. Simon.
Fig. 62 – Plan général de la chapelle Sainte-Radegonde située sur le coteau oriental de la ville de Chinon.

Relevé et DAO : D. Morleghem, 2018.
Fig. 63 – Coupe transversale nord-sud de la chapelle Sainte-Radegonde de Chinon.

Relevé et DAO : D. Morleghem, 2021.
30L’originalité de la chapelle des Sept-Dormants tient dans le fait que le nouvel édifice englobe le lieu de culte antérieur. Vu de l’extérieur, il n’existe qu’une chapelle uniforme construite dans un style roman, comme on peut le voir sur les deux vues cavalières de la fin du 17e siècle (Fig. 64 et Fig. 65). Mais à l’intérieur, matériellement tout autant que dans l’esprit des religieux et des visiteurs, il existe deux entités, l’une ancienne et creusée dans le roc, l’autre nouvelle et bâtie en pierre. En 1769 encore, dans le procès-verbal d’ouverture des tombeaux des Dormants, Augustin-Anselme de Lys, chanoine de l’église de Saint-Omer, rend compte de cette dualité de l’édifice :
« une ancienne chapelle située dans l’enclos de la dite abbaye creusée dans la montagne et près la tour de l’église, la dite chapelle vulgairement appelée la Chapelle des Sept-Dormans, haut de neuf pieds, longue de vingt-un pieds trois pouces y compris l’endroit où sont placés les tombeaux dont est parlé cy-après, et large de quatorze pieds neuf pouces, près laquelle dite chapelle avait été construite une autre chapelle voûtée en pierres de taille ayant aux deux bouts un autel » (Grandmaison 1855 : 46).
Fig. 64 – La chapelle vue de l’est ; détail de la Vue de Gaignières, 1699.

BnF, VA.407.
Fig. 65 – La chapelle vue du sud ; détail du Monasticon Gallicanum, 1672-1689.

BnF, ms. Lat. 11818-11821.
31Sur la base des archives et des vestiges conservés, on peut restituer un édifice maçonné d’environ 14,60 m de long sur 7,80 m de large hors-œuvre, d’une hauteur sous voûte estimée de 7,60 m, couronné d’une toiture à deux pans culminant à 13 m de hauteur (Fig. 66). Mais il ne s’agit là que de la partie aérienne de la chapelle, à laquelle il faut ajouter trois espaces excavés au nord : la galerie nord de l’oratoire du haut Moyen Âge (espace no 1), un collatéral (espace no 2) séparé du vaisseau central par un mur percé de trois arches (M.6003) et donnant à l’ouest sur une petite salle quadrangulaire (espace no 3). L’édifice était flanqué au sud d’un clocher qui d’après le procès-verbal de l’effondrement de 1747 était « bâti en flèche couvert d’ardoise39 » (ADIL-H.943 ; Source P).
Fig. 66 – Proposition de restitution 3D de la chapelle romane.

M. Chartier et D. Morleghem, 2018.
32La construction de la chapelle a nécessité de détruire l’abside de l’oratoire40, remplacée par la façade orientale du nouvel édifice au niveau de la tête des tombes rupestres F.2522 à F.2524 et F.2628, soit à 3,30 m de la tour des Cloches, ce qui a permis d’aménager un espace d’environ 30 m2. Les seuls vestiges de cette façade sont d’une part une saignée dans le roc au niveau des tombes F.2522 et F.2523, d’autre part, au sud de M.6007, les restes d’une maçonnerie (UC 60327) correspondant sans doute à la fondation du mur, dont la largeur est d’environ 70 cm. Cette façade s’appuyait contre le rocher formant la voûte de l’oratoire et était renforcée à l’est par un contrefort central ; elle était percée d’une porte dans sa partie sud et de deux baies au niveau de la deuxième terrasse.
33Notre connaissance du mur gouttereau sud repose uniquement sur les vues cavalières de la fin du 17e siècle, dont les différences sont toutefois assez notables (toiture, localisation du clocher, baies), chacune étant juste sur certains points et se permettant des libertés sur d’autres. La disposition des baies sur le gouttereau sud et le pignon est n’est qu’hypothétique ; la restitution proposée vise à optimiser l’éclairage de l’intérieur de la chapelle. Pour cette façade, c’est la représentation du Monasticon Gallicanum qui semble devoir être privilégiée. On propose ainsi de restituer :
une hauteur d’environ 8 m ;
à l’ouest un contrefort dans la continuité de M.6009 dont la partie nord est conservée sous l’escalier construit par les Sœurs entre les deux terrasses inférieures ;
quatre baies hautes éclairant directement le vaisseau central, séparées par un clocher à base quadrangulaire qui a pu jouer un rôle de contrefortement ;
quatre autres baies sur deux registres permettant l’éclairage en partie basse d’un couloir auquel on accédait depuis la façade orientale et en partie haute du dessus de l’oratoire.
34Le mur gouttereau nord n’est pas conservé, mais il devait être dans le prolongement vertical de M.6003, comme l’est aujourd’hui le parapet construit par les Sœurs. Édifié directement sur le rocher de la deuxième terrasse, il devait être haut d’environ 4,30 m.
35Les sondages réalisés sur la deuxième terrasse ont permis d’identifier un possible drain creusé dans le roc parallèle au mur gouttereau nord (Fig. 67 ; Marmoutier 2017 : 70 ; Marmoutier 2021 : 11‑12).
Fig. 67 – Creusement linéaire est/ouest sur la deuxième terrasse, au débouché de l’escalier de Saint-Léobard, identifié comme un possible drain au pied du mur gouttereau nord de la chapelle romane ; vu depuis l’ouest.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2017.
36Le pignon occidental de l’édifice est plus difficile à cerner. Il peut être localisé environ 2,50 m à l’ouest de M.6009, au niveau de la paroi occidentale de l’espace 3. Sa hauteur devait varier en fonction du profil du coteau sur lequel il était assis. On peut envisager au moins une baie centrale pour l’éclairage de l’intérieur de l’édifice.
2.3.2. L’intérieur de la chapelle : organisation de l’espace et ornementation
37À quoi ressemblait l’intérieur de la chapelle des Sept-Dormants lors de sa construction ? Là encore, le peu de vestiges conservés et les quelques sources modernes à notre disposition laissent de nombreux points en suspens et obligent à une large part d’extrapolation d’après les quelques indices disponibles, une approche régressive et des comparaisons régionales (Fig. 68).
Fig. 68 – Proposition de restitution 3D de l’intérieur de la chapelle Notre-Dame-des-Sept-Dormants au 12e siècle.

Vue en écorché avec le clocher situé sur le mur gouttereau sud.
M. Chartier et D. Morleghem, UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
38Un couloir étroit devait longer au sud l’ancien oratoire, permettant d’accéder depuis l’est à la nef maçonnée. On peut restituer un vaisseau principal de 14,55 m de long d’ouest en est sur 7,80 m de large du nord au sud41, couvert d’une voûte en berceau dont l’intrados se situait probablement à 7,60 m de hauteur.
39Le seul collatéral, au nord, est creusé dans le rocher, au-delà de l’emprise de l’édifice maçonné et sous la deuxième terrasse. Long de 11,10 m et large de 2,25 m, il était séparé du vaisseau principal par un mur ajouré de trois arches larges de 2 m et hautes de 2,20 m (M.6003 ; ARC 2567 à 2569 ; Fig. 69 et Fig. 70), qui conservent quelques traces d’un badigeon blanc et de faux-joints rouges. Ce mur est construit en petit appareil irrégulier hormis les ouvertures présentant un moyen appareil régulier pour les piliers comme pour les arcs42. La section occidentale du mur fournit un très bon exemple d’association entre le creusé et le maçonné : ici, les bâtisseurs ont conservé une bande de roche afin de réduire de 82 cm la hauteur à maçonner, mais seulement au nord dans la partie la moins visible, le parement sud du mur ayant été élevé depuis le sol du vaisseau principal.
Fig. 69 – Vue générale depuis le sud-est du mur M.6003.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2016.
Fig. 70 – Relevé pierre à pierre et principe de construction de M.6003.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2017.
40À l’ouest, un passage peu large – aujourd’hui fort usé – donnait accès à un espace rectangulaire d’au moins 10,35 m de long du nord au sud et de 3,50 m de large d’ouest en est, dont l’unique aménagement correspond à une niche taillée en hauteur dans la paroi nord. Cette salle dont seule l’extrémité nord, soit la partie creusée dans le roc, est conservée sur 3,50 m de long, devait se poursuivre au sud, mi-creusée mi-maçonnée, jusqu’au mur gouttereau. Elle ouvrait sur le vaisseau principal de la chapelle via un large passage – ou une porte ? – dont le piédroit nord est conservé dans M.600943. La réflexion autour de l’éclairage de l’édifice permet d’envisager un mur surmonté d’un arc diaphragme. Cet espace quadrangulaire correspond sans doute à une forme de narthex facilitant la sortie des fidèles du côté ouest.
41Exception faite de son abside en grande partie détruite, l’oratoire alto-médiéval n’a subi que peu de transformations au cours du chantier de construction de la chapelle ; son architecture a peu ou prou été préservée jusqu’en 1879, date à laquelle une partie de son toit s’effondre. Une description partielle en est donnée dans le procès-verbal de 1769, qui ne concerne toutefois que la partie méridionale où se trouve « un autel taillé dans le roc dont la table [est] formée de six pierres », en face duquel sont placés « sept tombeaux creusés dans le roc » (Grandmaison 1855 : 46-47). « Les dits sept tombeaux étaient renfermés de deux côtés par des murs taillés dans le roc et des deux autres par une muraille de la hauteur de trois pieds trois pouces [1 m environ] », l’ensemble étant « long […] de vingt-un pieds trois pouces [6,90 m] y compris l’endroit où sont placés les tombeaux […] et large de quatorze pieds neufs pouces [4,79 m] ». Cette configuration est assez conforme à ce que permettent de restituer l’analyse régressive des vestiges et l’unique source iconographique de l’intérieur de la chapelle qui soit disponible, c’est-à-dire le dessin réalisé en 1646 par L. Doomer, qui représente sept cénotaphes alignés en face d’un autel, avec une porte dans le mur méridional (cf. Introduction, Fig. 9). Le voyageur Léon Godefroy, qui visite l’abbaye en 1638, décrit le sanctuaire comme « un grand quarré de pierre semblable à un très large tombeau où ils ont chacun leur statue aussi de pierre » (Pécard 1855 : 187), ce qui évoque plutôt des gisants. L. Doomer a pu dessiner de mémoire et ainsi transcrire davantage l’atmosphère et l’organisation générale de la cavité que le détail de ses aménagements. L’auteur du procès-verbal de 1769 ne donne quant à lui guère d’information au sujet des couvertures ou des monuments surmontant les tombes qui ont été ouvertes ; tout au plus mentionne-t-il des « pierres sépulcrales qui […] avaient été rompues sur leur largeur » (p. 47) ou, surmontant la sixième tombe seule demeurée inviolée, « une pierre sépulcrale […] sur laquelle il s’est trouvé aucune inscription, mais seulement une espèce de double croix » (p. 47), qui correspond sans nul doute à un couvercle de sarcophage orné d’un motif à triple traverse44. S’il y a eu des gisants ou des cénotaphes ayant la forme de sarcophages, comme le montre le dessin de L. Doomer, alors ils ont été retirés de la chapelle entre 1646 et 1769 ; peut-être après l’effondrement de 1747 ? Quoi qu’il en soit, la mise en scène des tombeaux des sept saints est difficile à dater. On serait tenté de l’associer à la construction de la chapelle, qui aurait pu intégrer l’emploi de sarcophages ou de gisants pour valoriser les sept cousins supposés de Martin. Mais rien n’exclut une largesse ultérieure de l’un des prieurs des Sept-Dormants ou d’un abbé de Marmoutier, comme on en a quelques témoignages entre le 13e et le 17e siècle.
42Au nord de cet espace s’ouvraient, à l’ouest, une alcôve quadrangulaire voûtée en berceau presque totalement disparue aujourd’hui et à l’est, une galerie longue d’environ 8 m, d’origine alto-médiévale, terminée par une petite alcôve dont la paroi occidentale accueille une grande niche. Cette niche pourrait-elle correspondre à l’un des autels décrits dans les sources anciennes ?
43Dans son Histoire de Marmoutier, Dom Martène mentionne deux autels, l’un taillé dans le rocher, dont il ne précise pas la localisation, l’autre maçonné et situé au-devant des sept tombes des Dormants (Chevalier 1874-1875 : t. I, p. 9). En 1795, d’après dom Abrassart, ce dernier est toujours visible mais dans un piètre état, la table ayant disparu et sa surface ayant diminué (Chevalier 1874-1875 : t. I, note 1, p. 134). Le procès-verbal de 1769 évoque une chapelle « ayant un autel aux deux bouts45 » (Grandmaison 1855 : 46), certainement celui qui faisait face aux tombeaux au sud, et peut-être un autre correspondant à la niche creusée dans la paroi ouest de l’alcôve nord.
2.4. Embellissements et restaurations de la chapelle au cours du Moyen Âge et à l’époque Moderne
44Les travaux qui affectent la chapelle à la fin du Moyen Âge et à l’époque Moderne sont documentés par quelques sources écrites, la plupart extraites du manuscrit de Dom Martène et de son continuateur Dom Abrassart. La brièveté des mentions textuelles ne permet pas toujours d’appréhender la nature des travaux réalisés ni de savoir s’ils concernent la partie maçonnée à l’ouest et/ou la partie creusée dans le rocher à l’est. Les vestiges matériels, peu nombreux, restent par ailleurs difficiles à dater.
45Les rares vestiges conservés et quelques mentions médiévales, modernes et contemporaines, laissent entrevoir les transformations de la chapelle – en particulier de la partie maçonnée – au cours du Moyen Âge et de l’époque Moderne. Malheureusement les sources sont trop laconiques pour que l’on saisisse pleinement l’ampleur et la nature des chantiers d’embellissement et de restauration46.
2.4.1. Un premier remaniement aux 14e-15e siècles (?)
46Les premiers travaux réalisés dans la chapelle consistent en un nouveau décor de faux-joints rouges, en l’installation d’un sol de carreaux vernissés, et peut-être en l’aménagement d’une tribune contre le mur occidental M.6008 (Fig. 71).
Fig. 71 – Proposition de restitution 3D de l’intérieur de la chapelle au début du 16e siècle.

M. Chartier et D. Morleghem, UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
Un nouveau décor de faux-joints rouges
47La reprise du décor de faux-joints rouges est attestée par quelques lambeaux conservés à l’intérieur des arcs de M.6003 (Marmoutier 2017 : 57‑58). La peinture repose sur un enduit de chaux qui recouvre le premier décor ou directement sur les blocs du mur, suggérant une détérioration du décor d’origine (Fig. 72 et Fig. 73). Si les assises dessinées ont sensiblement les mêmes dimensions que dans le décor précédent, les joints sont plus fins (à peine 1 cm) et plus réguliers.
Fig. 72 – Relevé pierre à pierre des arcs 2567 et 2568 qui conservent les traces de deux décors de faux-joints rouges.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2017.
Fig. 73 – Vue des restes de faux-joints rouges, épais en haut à gauche, plus fins au centre.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2017.
48Ces décors de faux-appareil sont particulièrement en vogue aux 12e-14e siècles, dans les édifices religieux autant que dans l’habitat civil. Si le premier état de peinture correspond à la construction de la chapelle dans le courant du 12e siècle, le second état, associé à l’installation du pavement (EA 2670) et du corbeau (EA 2676), doit sans doute être attribué à une large période allant de la fin du 13e au 15e siècle si l’on s’appuie sur la datation proposée pour les carreaux glaçurés (cf. infra).
La mise en place d’un sol carrelé entre le 14e et le début du 16e siècle
49La fouille de la première terrasse a mis en évidence, au nord-ouest du vaisseau principal de la chapelle, une surface plane d’environ 5 m de long sur 1,50 m de large, plus basse d’à peine 5 cm par rapport au niveau de sol du collatéral nord et sur laquelle subsistaient quelques rares lambeaux de mortier blanc grossier (Fig. 74). Il s’agit de la couche d’installation d’un pavement de terre cuite dont deux morceaux glaçurés de couleur vert foncé sont encore conservés en place à l’angle de M.6003 et M.6009 ; les nombreux éléments retrouvés dans le comblement des structures rupestres, glaçurés ou non, appartiennent sans doute à ce carrelage (Fig. 75)47.
Fig. 74 – Vues de négatifs de carreaux et d’un unique encore en place dans l’angle nord-ouest du vaisseau principal de la chapelle.

Clichés UMR 7324 CITERES-LAT, 2017.
Fig. 75 – Les carreaux vernissés mis au jour lors des fouilles de la première terrasse en 2016 et 2017.

A. Longelin, 2017.
50Parmi les éléments de sols en terre cuite exhumés sur la première terrasse, on dénombre quinze carreaux glaçurés à l’état de fragments ou complets. Leur technique décorative repose sur l’utilisation d’une argile orangée et d’une barbotine blanche, combinées avec une glaçure colorée ou non par des oxydes métalliques, de manière à obtenir du vert très foncé, un vert plus clair, du brun et du jaune. Quatre carreaux possèdent un décor géométrique ou figuratif estampé, c’est-à-dire imprimé sur une faible épaisseur afin d’être rempli de la barbotine blanche qui crée le contraste coloré sous la glaçure. Les dimensions des carreaux les mieux conservés permettent de distinguer au moins six modules géométriques : des triangles rectangles d’environ 8 × 6 cm, 5,4 × 11 × 12,5 cm, 12,5 × 8 cm et 18 × 13 cm, des carrés de 6 à 6,5 cm de côté et un probable rectangle de 7 cm de largeur. Ces mesures confirment la possibilité d’emboîter ces différentes formes pour composer un pavage. Par ailleurs, l’épaisseur des carreaux est homogène et avoisine 3 cm. Si l’on ajoute les caractéristiques identiques des terres utilisées, la probabilité d’avoir affaire aux fragments d’un même sol est donc forte. L’usure parfois très importante des carreaux est également à noter. Seuls deux carreaux estampés sont suffisamment bien conservés pour y distinguer un motif. On remarque ainsi un dessin de rosace délimitée par un cercle et un liseré ainsi qu’une trame géométrique qui pourrait être un champ héraldique.
51La technique utilisée pour ces carreaux est largement diffusée en Angleterre et en France entre son apparition vers le deuxième quart du 13e et le 15e siècle (Orgeur 2005 : 3). Les formes géométriques et la gamme chromatique employées peuvent être rattachées à des exemples bien connus tels les sols du palais de la Berbie à Albi, datés de la fin du 13e siècle, où l’on retrouve l’agencement de plusieurs modules de triangles et les deux tons de vert (Garric et Pradalier 2002). La qualité des carreaux étudiés n’est toutefois pas remarquable : l’estampage est très peu profond et la mise en forme peu soignée (les côtés de certains carreaux ne sont que partiellement formés et débordent du gabarit aux marges de la surface de pose). Cependant, les quelques fragments découverts ne doivent pas laisser présumer de l’aspect du pavage entier. La mention de la découverte de carreaux de faïence lors des fouilles effectuées par les Sœurs dans la seconde moitié du 19e siècle (Poüan 1881 : 42) laisse la possibilité d’un pavement alliant deux techniques de fabrication (glaçure plombifère et stannifère), dont l’existence est connue pour le 14e siècle, comme au château de Suscinio (Métreau et al. 2012).
52Le chanoine Poüan, dans sa notice sur la chapelle des Sept-Dormants, suggère une datation un peu plus récente pour ce sol de carreaux que des sources anciennes appellent un « lambris » et qu’il attribue à l’abbatiat de Matthieu Gautier dans la première moitié du 16e siècle (Poüan 1881 : 41, note 2).
Les vestiges d’une tribune ?
53Le piquetage et l’examen de l’extrémité occidentale de M.6003 ont mis en évidence l’installation de deux corbeaux en pierre dont un seul est encore en place (Marmoutier 2017 : 53‑54 ; Marmoutier 2018 : 30).
54Un corbeau est encore présent à l’angle entre M.6003 et M.6009, à 1,77 m de hauteur par rapport au sol de la chapelle (Fig. 76a). Il présente un profil en quart de rond et mesure 22 cm de large sur 26 cm de haut ; un ressaut de 1 cm individualise un bandeau de 15 cm de haut. L’installation de ce bloc correspond à une reprise assez soignée au cours de laquelle M.6003 a été ré-enduit et repeint comme l’attestent quelques traces de badigeon blanc et de peinture rouge similaires à celles observées sous les arcs 2567 et 2568 (cf. infra). L’emplacement d’un second corbeau a été identifié 1,30 m à l’est, recouvert en partie par un des murs de l’escalier du 19e siècle (M.6008) (Fig. 76b). Comme le premier, il est situé légèrement plus bas que l’intrados des arcs de M.6003.
Fig. 76 – Vues du corbeau conservé (a) et de l’empochement pour un second corbeau (b) sur le mur M.6003.

Clichés UMR 7324 CITERES-LAT, 2017).
55La modélisation 3D du site a permis de tester plusieurs hypothèses, la plus probable étant qu’à ces deux corbeaux au nord devaient répondre deux autres similaires sur le mur gouttereau sud. Ces quatre supports soutenaient alors vraisemblablement une plateforme en bois d’une profondeur maximale d’1,50 m occupant toute la largeur du vaisseau principal de la chapelle. Si cette structure a pu servir de tribune afin d’augmenter le potentiel d’accueil des fidèles, sans doute a-t-elle pu également être employée comme palier pour monter de la première (à l’intérieur de la nef) à la deuxième terrasse (à l’extérieur), dans le cadre d’une modification de la circulation sur le coteau et à l’intérieur de la chapelle tout particulièrement.
Une mention énigmatique au 15e siècle
56Le chanoine Poüan nous dit par ailleurs que dans la seconde moitié du 15e siècle, l’abbé Guy Vigier (le Jeune ?) fit « recouvrir » l’oratoire (Poüan 1881 : 42, citant Chalmel ; Rabory 1910 : 332). La brièveté de la mention ne permet guère de connaître la réalité de ce « recouvrement » : il peut s’agir de la réfection de la couverture (en quel[s] matériau[x] ?) autant que du lambrissage de la charpente à l’intérieur de l’édifice.
2.4.2. La chute de la flèche de la tour des Cloches en 1591 : des dégâts difficiles à évaluer
57Dans la nuit du jeudi au vendredi précédant la tenue du chapitre général en 1591, l’incendie causé « par la négligence d’un sonneur, qui laissa sa chandelle allumée au chevet de son lit en se couchant », fit s’effondrer « la flèche toute de pierre de taille » de la tour des Cloches qui « renversa la chapelle des Dormants » (Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 466)48. La localisation et l’ampleur des dégâts restent difficiles à évaluer, mais la couverture a dû largement souffrir de cet effondrement et des blocs ont aussi pu endommager l’intérieur de l’édifice. La partie souterraine de la chapelle, où se trouvent les tombes des Dormants, ne semble avoir été touchée qu’à la marge, dans l’angle nord-ouest (ce qui correspond à l’extrémité du collatéral nord) : son ciel de roche est resté intact jusque dans la seconde moitié du 19e siècle. La reconstruction de l’arche orientale de M.6003 et la construction d’un mur en remplacement de la paroi rocheuse de l’alcôve nord-ouest de la partie souterraine sont peut-être à mettre en lien avec cet accident. Encore une fois, la datation de ces réparations reste difficile à établir ; on serait tenté de les rattacher à la campagne de travaux de 1690 (cf. infra), tout en s’interrogeant alors sur l’état de délabrement dans lequel l’édifice aurait été laissé pendant un siècle.
2.4.3. Une charpente temporaire ou un appentis au-dessus de la chapelle ?
58Plusieurs sources permettent de restituer une charpente à pente unique appuyée contre M.6013 et la tour des Cloches, dont la forme exacte et la datation restent toutefois incertaines (Fig. 77 et Fig. 78)49.
Fig. 77 – Proposition de restitution 3D de l’état moderne du coteau et de la chapelle.

M. Chartier et D. Morleghem, UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
Fig. 78 – Proposition de restitution en plan de l’état moderne du prieuré des Sept-Dormants.

1) percement d’un couloir vers le sanctuaire d’origine alto-médiévale ; 2) remaniement de l’extrémité orientale du collatéral nord (M.6013) ; 3) réalisation de rocailles ; 4) couvrement de l’espace oriental de la seconde terrasse par une toiture en appentis (en vert) ; toute la chapelle : recouvrement des parois (traces d’enduit de chaux sur les murs et le rocher, enduit de tuffeau avec traces de peintures).
UMR 7324 CITERES-LAT, 2018).
59Un relevé réalisé en 1707 à l’occasion d’un autre dégât situé au sommet de la tour des Cloches (Fig. 79) montre une demi-ferme à entrait (67,40 m NGF), poinçon et contrefiches plaquée contre le mur occidental de la tour, dont on peut encore aujourd’hui voir les différents empochements et des lambeaux de mortier (Fig. 80). Au nord, une série d’empochements creusés dans le mur de soutènement M.6013 a pu accueillir, distantes de 2,60 m, deux autres demi-fermes à entrait (68,20 m NGF) sur jambe de force et contrefiche pouvant supporter un arbalétrier (Fig. 81). Le contrefort 2558 semble constituer la limite occidentale de cette charpente, comme le suggèrent plusieurs petits creusements correspondant à des aménagements de porte (trous d’encastrement de gonds ou de loquets).
Fig. 79 – Relevé de la tour des Cloches et du rocher à la suite de l’effondrement dû au coup de foudre de 1707.

ADIL-H.229.
Fig. 80 – Vue de la partie inférieure de la façade occidentale de la tour des Cloches montrant les vestiges d’une charpente en appentis disparue, depuis l’ouest.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2016.
Fig. 81 – Relevé et proposition de restitution des empochements et des vestiges de la charpente à pente unique entre la chapelle et le mur M.6013.

UMR 7324 CITERES-LAT, 2017.
60Ces traces ont longtemps été considérées comme les vestiges en négatif d’une charpente « temporaire » construite après la chute du clocher en 1591. L’étude des éléments conservés et l’examen minutieux des rares sources iconographiques et écrites correspondantes invitent à une autre interprétation, à savoir celle de l’aménagement d’un espace couvert au nord de la chapelle et à l’avant de la moitié nord de la façade orientale de l’édifice (Fig. 82). Les arguments en défaveur d’une couverture temporaire sont notamment :
d’abord, la distance (plus de 3 m) entre la tour et la façade orientale de la chapelle, dont le pignon est encore largement conservé en 1776 ; la partie orientale de la charpente ne servait donc pas à couvrir une partie endommagée de la chapelle, mais un espace au pied de la tour des Cloches et pouvait aussi servir de préau à l’entrée de l’église ;
ensuite, dans la partie occidentale, l’ancrage des entraits est à 2,40 m au-dessus du niveau de circulation de la deuxième terrasse, soit à peu près à mi-hauteur du mur gouttereau restitué et par conséquent plus bas que l’intrados des voûtes de la chapelle ; cette hauteur permet néanmoins le passage d’un homme ;
par ailleurs, pour atteindre le mur gouttereau sud depuis M.6013, il aurait fallu employer des entraits d’au moins 11,50 m de longueur, ce qui n’est certes pas impossible mais apparaît disproportionné dans le cadre d’une reconstruction nécessitée par une situation de crise à laquelle les maigres revenus du prieuré des Sept-Dormants n’ont sans doute pas permis de répondre rapidement.
Fig. 82 – Proposition de restitution 3D (vue zénithale) des terrasses à l’époque Moderne, figurant entre autres l’appentis entre la chapelle, le mur M.6013 et la tour des Cloches.

M. Chartier et D. Morleghem, UMR 7324 CITERES-LAT, 2018.
61Au contraire, l’aménagement d’un appentis entre la chapelle, la tour des Cloches et le coteau pourrait s’expliquer par un nouvel usage, utilitaire (stockage par exemple ?), de la deuxième terrasse, dont la location en tant que jardin et verger est attestée à partir de 1721. Cela peut apparaître paradoxal alors que la chapelle fait l’objet, dans la seconde moitié du 17e siècle, de travaux de rénovation et d’embellissement (cf. infra), mais sans doute faut-il y voir des statuts différents pour les espaces du prieuré, la première terrasse où se trouve la chapelle restant dévolue à la liturgie et accessible à la dévotion populaire tandis que les terrasses supérieures sont réservées à des usages plus profanes (habitation, vigne, jardin, etc.).
2.4.4. La restauration de la chapelle par les Mauristes à la fin du 17e siècle ?
62Dom Martène, transcrivant des fragments du Rerum Memorabilium Liber de la communauté, aujourd’hui disparu, nous apprend l’existence et le cadre d’une campagne de travaux importants après une longue période de « négligence », ce que l’on peut comprendre comme l’absence de réparations après les dégâts subis dans le siècle passé et sans doute aussi, plus généralement, l’absence d’entretien de l’édifice :
« L’oratoire des Sept-Dormants, que l’insouciance de nos devanciers avait très fort négligé, revêtit à cette époque une nouvelle forme, reçut un nouveau lustre, grâce au concours généreux de D. Alexandre Thérin, qui projetait de mener en ce lieu la vie érémitique. Les frais de cette restauration furent faits, partie par le monastère, et partie par le frère de D. Thérin, préchantre de Saint-Hilaire de Poitiers. » (traduction Poüan 1881 : 48‑49, d’après dom Martène [Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 598]).
63Le chanoine Poüan dans sa notice de 1881 cite le Catalogue raisonné… de Chalmel pour préciser qu’« en 1691, probablement le jour de la fête des Dormants, on chanta solennellement la première messe sur l’autel reconstruit à neuf de leur église » (p. 50-51).
64Les peintures décrites dans le procès-verbal d’ouverture des tombeaux en 1768 sont peut-être aussi à rattacher à cette campagne :
« Nous avons observé sur lesdits murs, des images peintes en noir et représentant sept religieux, avec les attributs dont sont ordinairement accompagnées les images des saints et dont les noms sont inscrits dans l’ordre qui suit en commençant du côté du dit autel : Sanctus Clemens, Sanctus Primus, Sanctus Loetus, Sanctus Theodorus, Sanctus Gyriachus, Sanctus Godentius, Sanctus Innocentius. Nous avons observé que ces saints étaient représentés avec des habillements conformes à ceux de la Congrégation ; ce qui prouve que ces images n’ont été peintes que dans le siècle dernier. » (Grandmaison 1855 : 47)
65Plusieurs couches de peinture sont encore visibles, mais bien mal conservées, lorsque les Sœurs redécouvrent et « fouillent » la première terrasse en mars 1868, comme l’a retracé Bastien Chérault à partir des informations publiées dans La semaine religieuse et figurant dans l’ouvrage de Sœur Robinet (Robinet 1947-1954 t. VII, p. 71 et t. IX, p. 19 notamment ; Chérault 2012 : 160). On sait ainsi que furent observées des « traces de peintures murales » après avoir abattu « les murs fermant les arceaux de la grotte et celles de saint Gatien ». La « voûte » de la chapelle est décrite comme « peinte en bleu avec des étoiles d’or », les murs couverts de « têtes d’anges » et de « visages accompagnés de fleurs de lys, d’étoiles, de lettres et de diverses inscriptions illisibles ». Ces dernières correspondent sans doute aux noms des sept saints encore bien lisibles en 1768. Les vestiges matériels attribuables à ces grands travaux sont peu nombreux et lacunaires.
66C’est vraisemblablement de cette période qu’il faut dater la reconstruction du tiers oriental de M.6003, où sont réutilisés des blocs de la maçonnerie romane (des claveaux notamment) et mis en œuvre de nouveaux blocs de moyen appareil dans un faciès de tuffeau jaune différent de l’édifice originel. Le mur oriental du collatéral nord, qui le sépare du sanctuaire où se trouvent les tombes des Dormants, présente une facture similaire et peut donc être associé à ces travaux. C’est aussi à cette période que l’on peut attribuer le percement de la galerie reliant le fond de la grotte des Dormants au collatéral nord de la chapelle (Fig. 79, no 2).
67Le piquetage des murs 6003 et 6009 a mis en évidence quelques restes très ténus, immédiatement sous l’enduit de chaux du 19e siècle, sous la forme d’un enduit composé de poudre de tuffeau jaune avec des nodules de chaux, à la surface lissée et peinte. Sa surface et les couleurs sont très mal conservées : aucun tracé et aucune forme particuliers n’ont été identifiés ; on observe seulement des aplats sombres où semblent dominer le rouge et le noir. On retrouve quelques traces de cet enduit sur les piliers orientaux de M.6003, mais aucune n’a été relevée sur les parois rocheuses de l’espace renfermant les tombeaux, ce qui ne veut toutefois pas dire qu’il n’y en a jamais eu.
68Enfin, il faut signaler la découverte en 2017, à l’entrée orientale de la chapelle, d’un pavement en grès (47 blocs) conservé sur 1,50 m de long et 90 cm de large, présentant un léger pendage vers le sud-est (Marmoutier 2017 : 58). Les fouilles du 19e siècle ayant fortement perturbé la zone, il est difficile de dire si cet aménagement s’étendait à tout l’espace entre la façade de la chapelle et la tour des Cloches. Le mobilier céramique retrouvé dans la couche d’installation des pavés suggère une datation postérieure au 14e siècle.
69Il est intéressant de noter que la restauration est entreprise et en (grande ?) partie financée par un personnage, le frère de dom Alexandre Thérin, préchantre de Saint-Hilaire de Poitiers, qui projetait d’établir là sa retraite comme le firent d’autres avant lui. En effet, depuis sa création les revenus du prieuré des Sept-Dormants sont bien trop modestes pour permettre l’entretien et l’embellissement de la chapelle. De fait, les travaux les plus anciens, liés à la mise en place du culte des sept saints, semblent avoir été décidés et financés par les abbés de Marmoutier. Ce n’est apparemment pas le cas en 1690 puisque c’est l’attrait pour la vie érémitique d’un membre du clergé poitevin qui provoque la restauration de la chapelle. Pour la communauté, qui connaît sans doute aussi des difficultés financières, la ferveur populaire ne justifie alors peut-être plus d’investir dans l’entretien du lieu.
2.4.5. Une seconde destruction partielle en 1707
70Le malheur frappe une nouvelle fois la chapelle le 18 septembre 1707, comme le relatent assez précisément le compte-rendu de visite du lendemain et un devis pour les réparations du clocher du 8 avril 1708 (Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 556). La foudre tombée sur la tour des Cloches provoque la chute de débris « sur la couverture de la chapelle des Sept-Dormants, qui se trouve au pied [causant] la ruine en partie de la couverture de ladite chapelle » d’après le compte-rendu de visite. Le devis précise que cela « a causé un grand débris à la couverture et cassé deux chevrons lesquels il convient remettre et refaire dix toises de ladite couverture » – presque toute la longueur de l’édifice donc –, pour un coût de cinquante livres – soit à peu près les revenus annuels du prieuré à la fin du 17e siècle. En août 1708, les débris de la tour sont toujours sur la chapelle (Dussol 2014 : 15). Une transaction entre le comte de Clermont et l’abbé de Marmoutier en octobre 1742 relative à des réparations à faire dans l’abbaye, entre autres sur la tour des Cloches, laisserait à penser que les dégâts de 1707 n’ont alors toujours pas été réparés (Dussol 2014 : 16).
2.5. De la chapelle moderne à la chapelle contemporaine
2.5.1. De l’abandon à la destruction de la chapelle dans le courant du 18e siècle
L’effondrement de 1747
71Dans la nuit du 20 au 21 mars 1747, la première terrasse du prieuré des Sept-Dormants s’effondre. Cet événement est connu grâce à deux procès-verbaux conservés aux Archives départementales d’Indre-et-Loire. Le premier correspond à l’audition de cinq « témoins », habitants de Sainte-Radegonde ou de Saint-Avertin, présents à l’entrée de l’abbaye le matin du 21 à l’arrivée du bailli ; chacun fait état d’un ou plusieurs grands bruits durant la nuit et du constat, au petit matin, de l’effondrement de la chapelle et du roc tombés dans la cour devant l’église abbatiale. Le second document, cosigné par Nicolas Grosset, maître maçon, et André Goisbault, maître couvreur, experts mandatés par le bailli le 24 mars, est plus intéressant puisqu’il établit l’état des lieux du sinistre, évoque les matériaux de la chapelle, donne des dimensions et propose même une estimation des dégâts. Le sinistre est imputé à « l’inondation des eaux pluviales », mais il ne s’agit là que de la goutte d’eau finale si l’on peut dire ; en effet, le coteau est creusé de nombreuses galeries d’extraction et parcouru de fissures parallèles à son trait qui l’ont progressivement fragilisé.
72Le procès-verbal précité et les vestiges archéologiques conservés permettent d’affirmer que le coteau s’est effondré de l’angle sud-ouest de la tour des Cloches (tombes rupestres éventrées) à l’extrémité ouest de la deuxième terrasse (arrachement d’un mur orienté nord-sud) sur environ 50 m de longueur et une dizaine de mètres de profondeur (Fig. 83 et Fig. 111). Le rapport d’expertise fait état de la nécessité du « décombrement des terres en la longueur de vingt huit toizes sur sept de hauteur et cinq toizes de profondeur », ces débris devant correspondre à la partie occidentale de l’effondrement où l’on trouve surtout du rocher et les terres de la deuxième terrasse. Plus loin, il est fait mention spécifiquement de la chapelle :
« la chutte dudit roch a occasionné la chutte de l’église et chapel des Sept-Dormants avons remarqué que le clocher qui estoitcy devant bâtis en flesche couvert dardoise est renversé comme aussy partie de l’eglise est aussy renversé en la longueur de sept toizes et demye sur quatre de largeur dans loeuvre, lesquels materiaux dardoise sont tous brisé et grande partie de la charpente rapport a leur chutte du rocher et les murs de sorte qu’il ne reste plus de laditte chapel des Dormans qu’une longueur de vingt quatre pied la ou est la voûte de haut et qui fait face au midy et l’emplassement des Sept Dormans qui pût reussir en retablissant tout la charpente et couverture du dessus, desquels reste de laditte chapelle des Dormans attendu que tout ce qui reste de charpente et couverture est en perril iminent rapport a la chutte et estonnement du rocher et terrasse » (ADIL-H.943 ; Source P).
Fig. 83 – Vue des ruines du coteau en 1776 par L.-F. Cassas, 1776.

© Musée des Beaux-Arts de Tours, D. Couineau.
73Après quoi les experts estiment à 6 500 livres le montant des réparations, ou plutôt de la reconstruction quasi intégrale de la chapelle : seules les parties troglodytiques (collatéral nord et espace contenant les tombes des Dormants) sont bien conservées, les quelques maçonneries restantes menaçant ruine. Pour diverses raisons, la chapelle ne fut pas reconstruite. Au milieu du 18e siècle, cet édifice et le culte des Sept-Dormants n’ont plus la même importance pour la communauté martinienne. Et alors que la situation financière du monastère n’est pas des plus florissante, que de nombreux bâtiments – dont l’église abbatiale – ont besoin d’être rénovés ou reconstruits, on peut comprendre que l’édifice qui a fait l’objet d’une importante campagne de rénovation un demi-siècle plus tôt ne soit pas une priorité. Les maigres revenus du prieuré (environ 55 livres par an) n’auraient guère aidé si celui-ci existait encore.
État des lieux en 1769
74Le 17 mai 1769, à l’occasion du chapitre général de la Congrégation de Saint-Maur, une délégation conduite par Augustin-Anselme de Lys, prêtre et chanoine de Saint-Omer, procède à l’ouverture des tombeaux attribués – selon eux – aux Sept Dormants, dans ce qu’il reste de la partie troglodytique de la chapelle (Grandmaison 1855). Le procès-verbal commence par une description de ce qui subsiste de « la dite chapelle vulgairement appelée la Chapelle des Sept-Dormans », tant de la partie « où sont placés les tombeaux » que de l’« autre voûtée en pierre de tailles (sic) ayant aux deux bouts un autel » ; c’est notamment sur la base de ces informations qu’il a été possible de restituer l’édifice médiéval et l’ornementation due aux Mauristes (p. 47).
75Malgré le détail des descriptions, du fait d’une part des destructions qui suivirent, d’autre part des fouilles et de la reconstruction de la fin du 19e siècle, il demeure difficile d’établir avec certitude quelles tombes rupestres ont été ouvertes. Mais ce sont bien des tombes creusées dans le roc, munies encore pour certaines de leur couverture – brisée certes – qui ont été ouvertes ; il ne reste rien des statues évoquées par Léon Godefroy ou des sarcophages dessinés par Lambert Doomer dans le courant du 17e siècle. Ces sept tombeaux sont situés face à « un autel antique taillé dans le roc » : « vis-à-vis ledit autel sept tombeaux creusés dans le roc [les dimensions sont données], dont six des dits tombeaux étaient rangés sur la même ligne, et le septième placé derrière iceux, les pieds vers la ville de Tours et la tête vers la montagne ; les six autres au contraire tournés vers le dit autel » (p. 46-47). On serait tenté de reconnaître ici l’autel dessiné par Doomer en 1646, qui pourrait correspondre à l’autel alto-médiéval F.2533-3534-2536 (cf. chap. 1, § 1.3.1), et les tombes orientées sud-ouest/nord-est F.2511, F.2518, F.2519 et F.2520, à la tête desquelles se trouve la tombe F.2512 qui elle est orientée nord-sud. Les deux tombes manquantes doivent, selon toute logique, se trouver au nord de F.2511, à l’intérieur de la chapelle contemporaine.
La destruction des ruines et la condamnation des espaces souterrains en 1786
76Presque quarante ans après la terrible nuit de mars 1747, on se résout à démolir les ruines de la chapelle, comme l’indique une brève mention de la « Chronique de Marmoutier de 1785 à 1789 » :
« […] la démolition des ruines de la chapelle des Sept-Dormants, dont le rocher avoit entraîné une grande partie dans sa chute en 1747. On fit en même temps murer l’espace qui contient les tombeaux des Sept-Dormants, dont on avoit fait l’ouverture en 1769 pendant le chapitre général. On ne les voit maintenant que par une petite fenêtre qu’on a laissée du côté du midi » (Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 581).
77De ce mur, encore visible lorsque les Sœurs du Sacré-Cœur redécouvrirent le site dans le dernier quart du 19e siècle, il ne reste rien aujourd’hui, et l’espace souterrain de la chapelle se trouve réduit, comme nous allons le voir.
2.5.2. La construction d’une nouvelle chapelle en 1879-1881
78Le dernier acte de la chapelle se joue à la fin du 19e siècle lorsque les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus, propriétaires de Marmoutier depuis 1847, redécouvrent les terrasses et particulièrement les maigres restes de la chapelle des Sept-Dormants, et entreprennent alors de les restaurer50. Comme au 12e siècle, la légende des Sept-Dormants est exploitée pour contribuer au renouveau martinien à Marmoutier, à travers l’érection d’un nouvel édifice pouvant accueillir les fidèles venus en pèlerinage.
79Au cours des premiers mois de 1868, l’effondrement d’un arbre sur le coteau met au jour une cavité, ce qui réveille l’intérêt des Sœurs pour les grottes de Marmoutier dont la restauration engagée en 1859 au Repos de Saint-Martin s’acheva en 1894 sur les terrasses occidentales (Chérault 2012 : 177‑187). Sans doute s’agit-il du collatéral nord de la chapelle, dont les arches ont été condamnées huit décennies plus tôt ; les autres grottes du coteau ne furent découvertes que plus tard. Sous la conduite de la mère Digby, et avec l’ardent soutien de Monseigneur Guibert, archevêque de Tours – dans un premier temps du moins – des « fouilles » sont opérées du 27 au 30 mars sur la première terrasse (cf. chap. 4, § 4.3.1). Les cloisons qui ferment la « grotte » sont abattues et laissent apparaître, sur les murs comme sur les parois, des vestiges de peintures (anges, étoiles, noms des Dormants). Sont également mises au jour plusieurs tombes rupestres dont certaines contenaient encore des squelettes entiers ; l’une d’elles, sous un mur « très moderne » (celui construit en 1786 selon toute vraisemblance), est alors considérée – à tort – comme le seul sépulcre saint conservé51. Une pierre portant une inscription est également découverte, dont les quelques lettres conservées n’empêchent pas le chanoine Bosseboeuf de reconstituer un texte funéraire complet52. Car les Sœurs, conscientes de l’intérêt de leur découverte, ont fait appel aux archéologues de Tours, dont les conclusions au sujet des tombes – d’après les Sœurs – rejoignent celles de 1769, mais qui ne produisirent aucun plan ni rapport malheureusement.
80Les projets « archéologiques » et religieux des Sœurs sont bien vite stoppés, car dès avril l’archevêque de Tours demande à « [laisser] dormir en paix ceux que le temps a respectés » (cité par Chérault 2012 : 160). Il n’est pas le seul à freiner les ardeurs des Sœurs vivant à Marmoutier. Mais les fidèles affluent déjà à la sainte grotte, sans qu’aucun aménagement n’ait été réalisé. Il faut attendre un dramatique événement en 1879 pour faire avancer le projet de reconstruction de la chapelle des Sept-Dormants. Dans la nuit du 27 au 28 mars – une période apparemment propice à ce type d’accident… – un éboulement détruit une partie de la voûte du sanctuaire souterrain qui protégeait les tombes. Autorisation est alors donnée de restaurer le lieu. C’est le chanoine Brisacier, qui a œuvré à la restauration de plusieurs églises de Touraine, qui est chargé de dresser les plans de la nouvelle chapelle dont la première pierre est posée le 11 juin 1879 et la construction achevée en mars 1881 (Fig. 84 et Fig. 85).
Fig. 84 – Vue générale depuis l’ouest de la nouvelle chapelle et de ses abords.

Carte postale dans Robinet 1940-1950 t. IX.
Fig. 85 – Intégration de la chapelle de 1881 au pied de la tour des Cloches, avec à gauche le mur roman M.6013 et à droite le mur M.6006 de l’abside du haut Moyen Âge.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2011).
81Cette nouvelle chapelle, édifiée dans un style néo-roman, est plus petite encore que la partie souterraine de la chapelle médiévale. Elle clôt un espace principal de 7 m de long d’ouest en est et de 4,25 m de large du sud au nord (une partie du ciel a été reconstituée en ciment), dans lequel a été aménagé un autel contre la paroi orientale (Fig. 86 à Fig. 89). En face de lui sept plaques rectangulaires ajourées en fonte portant le nom des sept saints ont été disposées en deux rangées de trois orientées à l’est, la dernière étant orientée nord-sud, respectant ainsi les termes du procès-verbal de 1769. L’ensemble est fermé au sud par un mur en pierre de taille de tuffeau blanc composé de deux arcatures en plein cintre accueillant des baies élancées dont les vitraux ont été réalisés par l’atelier Lobin53, et à l’ouest par un petit tronçon de mur dans lequel est percée une porte (Fig. 90) ; l’ensemble est couronné d’une série de modillons dans le style roman. Le sol est couvert d’une mosaïque d’inspiration paléochrétienne représentant notamment un chrisme et des colombes. Au nord, la galerie d’origine alto-médiévale et la galerie moderne rejoignant l’ancien collatéral nord de la chapelle sont toujours accessibles : une alcôve de plan quadrangulaire et au ciel plat a été creusée pour accueillir une statue de saint Gatien, supposé avoir fréquenté la grotte et célébré l’office sur un des autels disparus ; au fond de la cavité, un autel imitant une sorte de rocaille (mélange de mortier et de blocs de tuffeaux et de silex) a été construit, qui lui accueillait une statue de la Vierge à l’enfant (Fig. 91 et Fig. 92).
Fig. 86 – Vue de l’intérieur de la chapelle en 1951.

ADIL, fonds Arsicaud, 5Fi001604.
Fig. 87 – La partie sud de la chapelle en 2016.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2016.
Fig. 88 – Vue rapprochée de l’autel de la chapelle en 1951.

ADIL, fonds Arsicaud, 5Fi001602.
Fig. 89 – Vue intérieure de la chapelle en 1951 ; la façade méridionale et ses vitraux, depuis le nord-est.

ADIL, fonds Arsicaud, 5Fi001603.
Fig. 90 – Vue de la chapelle depuis l’ouest.

ADIL, 10Fi235-0060.
Fig. 91 – Vue des alcôves est et nord, avec les statues de saint Gatien et de la Vierge à l’Enfant, fin 19e ou début 20e siècle.

ADIL, 10Fi235-0058.
Fig. 92 – Les alcôves est et nord de la chapelle en 2016.

Cliché UMR 7324 CITERES-LAT, 2016.
2.6. Les tombes des Sept-Dormants : témoignages historiques et légende
82Pour clore ce chapitre, il a paru nécessaire de rappeler l’incertitude qui entoure la localisation et la forme des tombes des Sept Dormants au cours des siècles. Comme l’a démontré J.-H. Foulon, la présence des sept cousins de Martin à Marmoutier est une construction littéraire du 12e siècle, qui s’appuie entre autres sur une réalité matérielle, celle d’un oratoire semi-rupestre alto-médiéval associé à des sépultures creusées dans le roc, à l’intérieur comme à l’extérieur. Malgré leur importance, ces tombeaux ne sont documentés que par quelques rares mentions textuelles des 12e, 17e et 18e siècles et par un dessin du 17e siècle ; les tombes visibles aujourd’hui à l’intérieur de la chapelle ont été aménagées à la fin du 19e siècle.
83Notons d’abord que toutes les sources s’accordent sur la localisation des tombes saintes, c’est-à-dire dans la partie souterraine de la chapelle et en face d’un autel qui existait déjà à la fin du haut Moyen Âge.
84La première mention du sépulcre des sept cousins de Martin est contenue dans la Vie courte des Sept Dormants rédigée dans la seconde moitié du 12e siècle (cf. § 2.1) :
« Il fut décidé de les ensevelir tels qu’ils étaient vêtus, dans la cellule même qui leur servait d’oratoire, devant l’autel de ce même oratoire qu’avait consacré le bienheureux Martin et où il avait déposé les reliques des saints » (Vie courte des Sept Dormants, leçon 9, traduction J.-H. Foulon, à paraître b).
85Cette brève évocation correspond bien à l’état alto-médiéval de l’édifice dédié à Notre-Dame, qui précède la construction d’une chapelle semi-troglodytique englobant le sanctuaire souterrain ancien. C’est-à-dire des tombes creusées dans le roc (F.2511, 2518 2519 et 2520 notamment) en face de l’autel de l’abside du second état de l’oratoire (F.2534, 2533 et 2536). S’il est évidemment impossible de dire si la chapelle romane est déjà construite au moment de la rédaction de la légende, il est plus assuré que l’état des tombes rupestres et du cœur souterrain du sanctuaire n’a guère changé par rapport aux décennies (siècles ?) passées et qu’aucun monument particulier (cénotaphe notamment) n’a encore été érigé. La visibilité des tombes rupestres explique ainsi en partie la création de la légende autant que celle-ci les exploite, sept d’entre elles étant choisies pour matérialiser effectivement les tombes des saints.
86Il faut attendre le deuxième quart du 17e siècle pour trouver de nouvelles mentions explicites des tombeaux. La première est contenue dans le récit du voyage effectué en 1638 par Léon Godefroy, qui note au sujet de la chapelle des Sept-Dormants :
« Hors du corps de l’église on monte à la chapelle des Sept-Dormants, où sur un grand quarré de pierre semblable à un très large tombeau ils ont chacun leur statue aussi de pierre. Ils étoient parens de sainct Martin et estans morts en un même temps durant l’espace de huict jours qoique privez de vie furent neantmoins jugés seulement dormir, d’où le nom et l’occasion de batir la chapelle est venu » (Pécard 1855 : 187).
87L’expression « statue de pierre » évoque plutôt des gisants, ce qui est toutefois contredit par la seconde source de cette époque que constitue le dessin de Doomer ; cela pourrait aussi renvoyer – avec moins de conviction cela dit – à des plates-tombes ou éventuellement à des sarcophages-cénotaphes. Dans la première hypothèse, les monuments funéraires pourraient être datés entre le 13e et le 15e siècle. L’auteur ne dit rien de la disposition des « statues ».
88Le second document dont on dispose est un dessin du néerlandais Lambert Doomer réalisé quelques années plus tard, en 1646, qui figure sept sarcophages à couvercle en bâtière, de couleur blanche (du tuffeau blanc ?) reposant sur le sol et alignés (tous pied à l’est) contre le mur occidental du sanctuaire. Il s’agit là de cénotaphes assez simples, sans rapport avec la disposition des tombes rupestres du haut Moyen Âge évoquées plus haut. Dans quelle mesure cette représentation est-elle fidèle à la réalité ? Sur plusieurs points les vestiges matériels coïncident avec les éléments figurés (maçonneries, parois, autel), mais les sépulcres n’ont laissé aucune trace sur le site. Tout autant que les gisants, la mise en scène de sarcophages en tuffeau blanc fabriqués spécifiquement pour la chapelle ne paraît pas aberrante à cette période.
89Un peu plus d’un siècle plus tard, après l’effondrement du coteau survenu en 1747, les témoignages n’évoquent plus que des tombes creusées dans le rocher. Qu’est-il advenu des « statues » ou des sarcophages évoqués précédemment ? La partie souterraine de la chapelle n’ayant pas subi de dégât, ils ne peuvent qu’avoir été déplacés, mais à quelle date et vers quel lieu ? Quoi qu’il en soit, ils ne sont plus visibles en 1769 puisque ce sont des tombes creusées dans le sol que la délégation de mauristes transportée sur le coteau ouvre, sans mentionner d’autres monuments funéraires particuliers. L’autel est encore visible, mais dans un piteux état ; il ne reste donc qu’à trouver ou ouvrir sept tombeaux. Une série de tombes orientées ouest-est et une dernière orientée nord-sud font l’affaire. On rappellera que l’une d’elles, la seule intacte alors fouillée, est située sous un mur qui l’a justement protégée, mais qui de fait la rendait peu visible ; il s’agit plutôt d’une tombe alto-médiévale couverte par une maçonnerie médiévale54. C’est cette disposition avec une tombe orientée nord-sud à la tête des autres qui constitua dès lors la réalité historique, et c’est sur cette base que les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus recherchèrent les tombes des saints en 1868 et reconstituèrent le sépulcre des Sept-Dormants sous la forme de deux rangées de tombes orientées est-ouest et d’une tombe orientée nord-sud.
Conclusion
90À partir du milieu du 12e siècle, le culte légendaire des Sept-Dormants fut développé afin de rehausser le prestige de Marmoutier hissé au rang de monastère familial avec les sept corps des cousins supposés de Martin. Sur le plan architectural cela se traduisit par la construction d’une nouvelle chapelle qui engloba une partie de l’oratoire primitif. La restitution topographique et architecturale de l’ensemble reste délicate en raison de l’importance des démolitions subies par le site à partir du 18e siècle, qu’il s’agisse du lieu de culte ou des tombes attribuées aux sept frères.
91En revanche, les sources écrites, sans être très nombreuses, témoignent bien de la volonté de la communauté de créer un nouveau lieu de dévotion, destiné aux laïcs, à proximité immédiate de la porte occidentale, accès principal du monastère. Le fait que l’oratoire ait un desservant attitré, un prêtre chapelain, montre bien qu’il n’était pas d’abord destiné aux dévotions des moines.
92Du point de vue de la circulation interne et de la procession du temps de Pâques, cause de nombreux désordres, le développement du culte des Sept-Dormants avait le grand avantage de détourner le pèlerinage pascal vers un lieu excentré, proche de l’accès principal en direction de Tours, les fidèles traversant la Loire sur l’unique pont établi entre la résidence des comtes d’Anjou, rive gauche, et l’église Saint-Symphorien, dépendant de Marmoutier, rive droite (cf. Introduction, Fig. 1). La cellule de Martin était ainsi mise à l’abri des empiètements du monde extérieur pouvant troubler la paix communautaire. À quelques dizaines de mètres de distance, se dressaient désormais deux chapelles, toutes deux partiellement troglodytiques et dominant la voie qui traversait le monastère d’ouest en est (Fig. 50). À cette période le Repos, creusé dans la roche, était associé à une chapelle située en avant, accessible par un escalier de trente marches selon le témoignage de Guibert de Gembloux vers 1180-1181 (Creissen et Lorans 2019 : 123 ; Foulon et Lorans à paraître). Il fut intégré à l’extrémité du bras nord du transept de la grande abbatiale gothique édifiée dans le courant du 13e siècle, tel un reliquaire géant commémorant la présence de Martin sur le site neuf siècles plus tôt. Intégré à l’église majeure, il ne fut plus perceptible par les personnes allant et venant dans le monastère, tandis que la nouvelle chapelle des Sept-Dormants, érigée au pied de la tour des Cloches, véritable balise de Marmoutier, s’imposait à la vue de tous ceux qui franchissaient la porte de l’enclos et ce jusqu’à son effondrement en 1747 à la suite de la chute du rocher.
Notes de bas de page
25Pour une présentation détaillée de l’édifice, voir l’étude réalisée en 2014 par C. Dussol (Dussol 2014) ; pour une synthèse sur les différentes fonctions de la tour et sa datation, se reporter à Lorans 2014 : 318‑322.
26Cette tourelle d’escalier, encore mentionnée dans le procès-verbal de l’effondrement du coteau en 1747 (ADIL-H.943 ; Source P), ne dessert plus la tour à la fin du 17e siècle à laquelle on accède dorénavant depuis la façade orientale et sans doute en passant par le porche de l’église abbatiale (Dussol 2014 : 68‑70).
27Sur l’effondrement de la flèche en pierre à la fin du 16e siècle à la suite d’un incendie d’origine accidentelle, voir Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 466 ; Salmon 1854 : 389‑390. Sur les dommages causés par la foudre tombée sur la flèche le 17 septembre 1707, voir le relevé et le procès-verbal de la visite du clocher en date du 19 septembre 1707, ainsi que le devis pour les réparations du 6 avril 1708 (ADIL-H229). Sur la destruction de la partie sommitale en 1792, voir Chérault 2011 : 30.
28Aujourd’hui inaccessible, son plan a été levé en 1987 par le Spéléo-Club de Touraine ; les annotations se limitent à la hauteur accessible des galeries (entre 1,10 et 2,90 m), la présence de murs au sud et d’une chatière au nord, ainsi qu’à quelques informations sur la stabilité de la cavité ; les altitudes au sol et au ciel de la cavité sont également données, ce qui permet de se représenter son état de comblement. Sur les carrières de Marmoutier, voir Mauvais 2022.
29Le cubage précis des matériaux nécessaires à l’édification de la tour des Cloches reste à faire. Cela dit, un rapide et très schématique calcul permet d’évaluer autour de 500 m3 le volume de blocs de moyen appareil (en supposant une épaisseur de 45 cm) nécessaire à l’édification de la base quadrangulaire conservée. Les niveaux supérieurs, très ajourés, peuvent représenter un volume similaire. Ce à quoi il faudrait ajouter des blocs grossiers employés dans le fourrage des murs. Les déchets d’exploitation laissés à l’intérieur de la carrière représentent environ un cinquième du volume exploité (soit ~ 500 m3), ce qui veut dire qu’environ 2 000 m3 de pierre ont pu être employés.
30Ce que renforça le déplacement des accès aux salles inférieure et supérieure à la fin du 17e siècle (Dussol 2014), et jusqu’à aujourd’hui depuis l’aménagement d’un escalier en béton par les Sœurs à la fin du 19e siècle.
31Cette section s’appuie sur l’étude très détaillée de ces Vitae conduite dans le cadre du programme de recherche franco-allemand Coenotur par Jean-Hervé Foulon et abordée d’une part dans un article (Foulon à paraître a), d’autre part dans un ouvrage incluant l’édition et la traduction de la Vie courte (Foulon à paraître b). Nous renvoyons le lecteur à ces deux publications pour connaître l’ensemble de la démonstration, notamment en ce qui concerne la filiation des manuscrits en deux branches distinctes, leur contexte de rédaction et leur datation.
32Dom Oury attribuait la version longue aux alentours de 1240 (Oury 1981 : 326).
33Le coutumier de Marmoutier, ch. XV et n. 258, p. 98-99.
34Rovallonius sacerdos de Dormientibus, AD du Maine-et-Loire, 40H1, no 45a (1155, ap. le 23 mai-1162, 29 août) ; Rovallonius capellanus Dormientibus, Cartulaire manceau de Marmoutier, éd. Laurain, vol. 1, p. 140, section de Château-du-Loir, no 19, acte daté entre 1155 et 1165. Nous remercions vivement Claire Lamy de nous avoir signalé ces deux actes.
35…et in recluso, quod sibi ad dormientes latenter excidi fecerat, sexdecim annis in religione multa, oratione continua, et abstinentia praedura inibi vixit… ; Chronique des Abbés de Marmoutier, dans Recueil des Chroniques de Touraine, p. 324.
36« Cil vij. dormant, en une yglise/Gisent, a Mermoustier, sanz faille ; / Poi est hom a Tors qui n’i aille, / Quant vet au pardon en Pasqour », dans Das altfranzösische Martinsleben des Péan Gatineau aus Tours. Neue nach des Handschrift revidierte Ausgabe, éd. W. Söderhjelm, Tübingen, 1899, p. 4, vers 68-71.
37Breviarium ad usum Majoris monasterii Turonis [Tours], M. Chercele, 1536, f o cccxi.
38Les descriptions qui suivent s’appuient sur la synthèse et la modélisation réalisées en 2018 en collaboration avec M. Chartier. Pour la justification détaillée des choix opérés, voir Marmoutier 2018 : 56‑61.
39Le matériau de couverture d’origine peut être discuté. L’usage de l’ardoise en Touraine est avéré à partir du 14e siècle.
40La partie nord de la maçonnerie fait alors l’objet de menues réparations pour remplacer des blocs manquants ou rejointoyer quelques endroits (Marmoutier 2016 : 76).
41Ces dimensions correspondent à « la partie de l’église renversée », données dans le procès-verbal de 1747 (ADIL-H.327 ; Source P). La longueur correspond à celles cumulées du collatéral nord et de l’espace adjacent à l’ouest.
42L’ARC 2569, à l’est, se singularise autant par ses dimensions un peu plus faibles que par sa mise en œuvre ; il s’agit d’une reconstruction moderne.
43La distance entre le piédroit et l’angle nord du vaisseau principal est de 2,40 m. Si l’on considère qu’il en était de même au sud, alors la largeur de ce passage (sous un arc ?) serait de 2,50 m.
44Ce motif ornemental caractéristique du Poitou a été observé sur le couvercle de la tombe F.2512 (pourrait-il s’agir de celui vu en 1769 ?) et sur un sarcophage du haut Moyen Âge réutilisé pour une inhumation au sein de l’église abbatiale romane (Marmoutier 2006 : 20-21). Sur l’origine, la chronologie et la diffusion du motif à traverses multiples, se référer à (Morleghem 2016 : t. I, 334-343 ; Morleghem, Flammin et Rougé à paraître).
45Comme souvent dans les procès-verbaux la description se perd en détails et digressions. Il semble toutefois que les deux autels évoqués, dont l’un sera décrit quelques lignes plus bas, soit à rattacher à l’intérieur de la chapelle rupestre plutôt qu’à la chapelle maçonnée où l’on ne trouve d’ailleurs aucun endroit où les placer.
46L’Histoire de Marmoutier mentionne à plusieurs reprises des catastrophes qui ont touché l’ensemble du monastère, et donc potentiellement la chapelle des Sept-Dormants : ainsi, en 1562 « fut du tout pillée la dite abbaye de Mairemoustier par les huguenots » (Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 373), tandis qu’en 1664 « un ouragan de grêle produit d’immenses ravages » (Chevalier 1874-1875 : t. II, p. 550).
47L’étude morphologique et technique de ces carreaux a été réalisée en 2017 par Alexandre Longelin (Marmoutier 2017 : 55‑56). Les deux paragraphes qui suivent sont de sa plume.
48Dom Martène s’appuie ici sur le supplément à la chronique des abbés de Marmoutier : Anno 1591, combusta est turris forte fortuna idque incuria ac negligentia cujusdam ex pulsatoribus nomine Trenchan qui in lecti sponda lectum ingressus/ acdormiturus lumen accensum deposuit ac fixit ; ex quo statim accensa sunt ligna ejusdem turris, concameratum lapidea tabulatu cecidit, et ruinam intulit tum Septem Dormentium sacello, tum etiam fornici vicino ac proximo ecclesiae ; quae ruina hucusque magno nostro omniummoerorepatet haec in nostris omnium oculis ubi contigerunt quantus dolor fratrum animos perculerit non facile est explicare. Itaque evenit die jovis, vigilia capituli generalis (Salmon 1854 : 389‑390). Voir aussi Poüan 1881 : 43 ; Rabory 1910 : 361.
49Pour une description détaillée des vestiges, voir Marmoutier 2016 : 80‑82.
50Pour ce qui concerne le devenir des terrasses et de la chapelle après la Révolution, cf. supra, § 2.5.1 et chap. 4. Et plus largement, sur le devenir de Marmoutier après la Révolution, se référer au travail de synthèse de B. Chérault soutenu en 2012. Pour une version plus romancée et religieuse, mais non moins intéressante, on peut se reporter au manuscrit de Sœur Robinet.
51Cette croyance repose sans doute sur une mise en correspondance hasardeuse entre le procès-verbal de 1769 et les vestiges mis au jour en 1868, à savoir que l’une des tombes saintes avait été conservée intacte grâce à une maçonnerie qui la recouvrait.
52Sur cette inscription, voir la notice dans le Corpus des Inscriptions de la France Médiévale (Treffort 2020 : 39‑40) ; cf. également chap. 1, § 1.3.2.
53Voir l’étude réalisée par J. Motteau en 2016 et 2017 (Marmoutier 2016 : 116‑117 ; Marmoutier 2017 : 96‑97).
54Cette tombe reste difficile à localiser, elle peut aussi bien s’être trouvée au nord qu’au sud du groupe évoqué plus haut, dans le premier cas alors à l’intérieur de la chapelle contemporaine.

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