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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Introduction 1. Les éléments structurants du paysage et les pôles d’occupation durant le haut Moyen Âge 2. Les constructions 3. Les pratiques agro-pastorales 4. Les structures de stockage 5. Les activités artisanales 6. Le statut social des habitants Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    L’archéologie des ve-xiie siècles en région Centre-Val de Loire

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    Un village au haut Moyen Âge (fin vie s.-xe/xie s. ap. J.-C.) : organisation et caractérisation de l’habitat (ZAC Portes du Loiret, Saran, Loiret)

    A village in the early Middle Ages (late 6th c.-10th/11th c. AD): organization and characterization of the habitat (ZAC Portes du Loiret, Saran, Loiret)

    Amélie Laurent-Dehecq, Coline Lejault, Yannick Mazeau, Justin Hahn, Laure de Souris et Magali Labille

    p. 189-204

    Résumés

    Entre 2008 et 2021, la ZAC Portes du Loiret à Saran (90 ha) a fait l’objet d’opérations de diagnostics (73 ha) et de fouilles préventives (16 ha) suivant les différentes tranches de l’aménagement. Le site est investi depuis le Néolithique avec deux pics d’occupation pour la période de La Tène finale et du haut Moyen Âge. Les études, en partie achevées, permettent de dresser un premier bilan synthétique sur l’évolution du paysage et les composantes des occupations dans la longue durée. L’examen du réseau parcellaire a mis en évidence une fixation du paysage depuis La Tène jusqu’au début du xxe s. Entre la fin du vie-début viie s. et les xe-xie s., différents pôles d’occupations domestiques et agro-pastoraux se succèdent et se développent au sein du réseau parcellaire. Durant le viiie s., un village est créé autour d’un carrefour de voirie et se maintient jusqu’au xe-xie s. L’article présente une synthèse sur la typologie des éléments de construction (bâtiments sur poteaux, structures semi-excavées et souterraines) ainsi que des structures dédiées au stockage. Les pratiques agricoles et les activités artisanales (poterie, tissage) sont abordées au travers des études de mobilier. Plusieurs arguments permettent d’envisager une organisation communautaire des occupations alto-médiévales : la mise en place du réseau parcellaire et de voies de circulation, la structuration des pôles d’occupation au sein de ce réseau et la présence d’aires fonctionnelles spécialisées. Le statut social des habitants est également discuté.

    Between 2008 and 2021, the ZAC Portes du Loiret in Saran (90 ha) was the subject of diagnostic operations (73 ha) and preventive excavations (16 ha) following the different phases of development. The site has been occupied since the Neolithic period, with two peaks of occupation during the Final La Tène period and the Early Middle Ages. The studies, which are now partly complete, provide an initial overview of the evolution of the landscape and the components of occupation over the long term. Examination of the plot network has revealed that the landscape was fixed from the La Tène period until the early 20th century. Between the end of the 6th-beginning of the 7th century and the 10th-11th centuries, various centres of domestic and agro-pastoral occupation succeeded one another and developed within the plot network. During the 8th century, a village was created around a crossroads and remained in existence until the 10th-11th centuries. This article presents a summary of the typology of the construction elements (pole-mounted buildings, semi-excavated and underground structures) as well as the structures used for storage. Agricultural practices and craft activities (pottery, weaving) are addressed through the study of artefacts. There are a number of arguments in favour of a communal organisation of Alto-medieval occupations: the establishment of a network of plots and roads, the structuring of occupation centres within this network, and the presence of specialised functional areas. The social status of the inhabitants is also discussed.

    Entrées d’index

    Mots-clés : Loiret, habitat rural, haut Moyen Âge, village, artisanat, activités agro-pastorales

    Keywords : Loiret, rural habitat, Early Middle Ages, village, crafts, agro-pastoral activities

    Texte intégral Introduction 1. Les éléments structurants du paysage et les pôles d’occupation durant le haut Moyen Âge 1.1. Les éléments structurants du paysage 1.2. Les pôles d’occupation 2. Les constructions 2.1. Les bâtiments sur ossature boisée 2.2. Les structures semi-excavées 2.3. Les structures souterraines 3. Les pratiques agro-pastorales 4. Les structures de stockage 5. Les activités artisanales 5.1. La poterie 5.2. Le travail du textile 5.3. Les autres activités 6. Le statut social des habitants Bibliographie Notes de bas de page Auteurs

    Texte intégral

    Introduction

    1Entre 2008 et 2021, la ZAC Portes du Loiret à Saran, au nord-ouest d’Orléans, dans le Loiret (90 ha) a fait l’objet d’opérations de diagnostics (73 ha) et de fouilles préventives (16 ha) suivant les différentes phases d’aménagement (Laurent à paraître a et b ; Laurent et Morin 2014 ; Laurent-Dehecq, Payet-Gay et Fencke 2019 ; Laurent-Dehecq et Payet-Gay à paraître a et b) (Fig. 1).

    Fig. 1 - Localisation des opérations archéologiques sur la ZAC Portes du Loiret à Saran et ses environs (Loiret).

    A. Laurent-Dehecq, Département du Loiret.

    2Ce premier bilan synthétique concerne l’étude des zones A, B, C et E. Il a mis en évidence une occupation alto-médiévale (2 200 Faits) héritée d’un espace investi dès la Préhistoire (silex en position résiduelle) puis occupé à partir de La Tène finale, par des établissements ruraux, au nord des zones C et E, et à la période antique, probablement sous la forme de fossés parcellaires1. Elle est rythmée par trois périodes, entre la fin du vie s. et les xe-xie s., durant lesquelles un réseau parcellaire se fixe et structure des pôles d’occupations successifs. L’habitat alterne entre une forme polynucléaire et mononucléaire (village).

    3À partir des éléments de synthèse (Laurent-Dehecq, Payet-Gay et Fencke 2019 : 1965-1989), l’évolution de ces pôles d’occupation et leurs caractéristiques majeures sont présentées à travers des points thématiques.

    1. Les éléments structurants du paysage et les pôles d’occupation durant le haut Moyen Âge

    4Les analyses de l’orientation parcellaire et de la stratigraphie permettent de mieux cerner le paysage dans lequel s’insèrent les pôles d’occupation. Bien que l’exercice soit délicat, compte tenu des curages successifs des fossés parcellaires, trois états ont été mis en évidence. Des pôles d’occupation de nature domestique, agro-pastorale et artisanale ont été identifiés durant les trois périodes et se positionnent au sein du réseau parcellaire au bord des axes de circulation (Fig. 2).

    Fig. 2 - Plans synthétiques des états de voirie et des pôles d’occupation par période, d’après l’étude des zones A, B, C et E (fin du vie s. aux xe-xie s., ZAC Portes du Loiret, Saran).

    A. Laurent-Dehecq, Département du Loiret.

    1.1. Les éléments structurants du paysage

    5À la fin du vie-début du viie s. est mis en place un premier état de voirie parallèle et perpendiculaire à l’axe de la voie Orléans-Chartres, installée probablement dès La Tène finale (voies ES 12, 72 et 88). Un réseau de fossés parcellaires orthogonal s’insère autour des axes de circulation.

    6Quelques modules rectangulaires regroupant plusieurs parcelles se distinguent. Leur superficie varie de 7 750 m² à 9 980 m² avec une largeur comprise entre 44 et 85 m et une longueur comprise entre 116 et 144 m. Des haies, dont une est attestée, et des talus sont également envisagés en guise de partition de parcelles.

    7Le paysage à cette période est donc fermé. Les assemblages malacologiques issus de plusieurs fossés de la zone E révèlent qu’ils sont probablement tous restés ouverts un certain temps de manière à ce qu’ils soient envahis par les herbes mais sans jamais voir s’installer de points d’eau stagnante significatifs. Les parcelles sont probablement des prairies en herbe ayant servi de pâturages au bétail qui aurait maintenu des herbages courts. L’étude de la faune corrobore cette hypothèse (cf. infra).

    8Durant le viiie s. (2e état), la partie sud de la voie principale (ES 12), axée nord-sud, est modifiée et est mieux identifiée : elle bifurque et se prolonge vers le sud-est. Elle forme un carrefour avec une nouvelle voie (ES 13). Cette dernière est probablement reliée à la voie Orléans-Chartres à l’est. Le chemin ES 88 est prolongé vers l’est de façon à suivre les modifications du tracé de l’ES 12 mais n’est plus actif durant le viiie s. Le chemin ES 72 perdure sans doute jusqu’au ixe s.

    9Entre le viiie et les ixe-xe s., le paysage est sans doute plus ouvert, notamment autour du carrefour de voirie principal. En effet, les axes des fossés se maintiennent mais les fossés comblés suggèrent des agrandissements de parcelles, à moins que des haies ou des talus n’aient été mis en place sur ces anciennes limites parcellaires.

    10Le troisième état est daté des xe-xie s. Le réseau de voirie se concentre sur les voies ES 12 et 13. La partie nord de la voie ES 12, près du virage vers l’ouest, est contrainte voire interrompue par l’installation d’une structure excavée sur son fossé bordier oriental. L’organisation parcellaire est plus difficile à percevoir. Sans trop de certitude, des modifications pourraient se poursuivre avec un regroupement de parcelles et la division de certaines d’entre elles.

    1.2. Les pôles d’occupation

    11Entre la fin du vie-début du viiie s., trois pôles à vocation domestique et agro-pastorale coexistent. Les deux premiers ont été mis en évidence de part et d’autre de la voie ES 12. Le pôle no 1 se développe entre les deux premiers états de la voie ES 12 et au sud du chemin ES 88. Il est surtout dédié aux pratiques agricoles (ensilage et marnage) et situé à proximité d’un atelier de potier détecté à l’ouest (Laurent-Dehecq à paraître a). Une zone funéraire (quatre sépultures) est installée le long ou dans le prolongement possible du premier état de la voie ES 12. Trois autres sépultures isolées sont également situées à proximité du chemin ES 88. Un puisard est probablement installé dès cette période.

    12Le pôle no 2 regroupe deux bâtiments d’habitation, des bâtiments annexes et un puits suivant un maillage assez lâche. Cet ensemble est mis en place durant le 1er état du réseau de voirie et parcellaire et probablement au début du 2e état de ce réseau.

    13Plus à l’est, le pôle no 3, partiellement décapé, comprend une zone funéraire (deux sépultures) et un bâtiment annexe. Il est positionné au bord de la voie ES 13 et de la voie Orléans-Chartres, durant les deux premiers états de voirie et du parcellaire. Entre ces pôles, les parcelles sont cultivées ou utilisées pour l’élevage, essentiellement des bovins.

    14Durant le viiie s., les deux premiers pôles d’occupation sont abandonnés au profit d’un nouveau noyau qui se développe autour du carrefour de voirie principal. Un puits est construit sur ce carrefour et le puisard antérieur associé à une parcelle est abandonné durant la 2e moitié du viiie s. Ce nouveau pôle d’occupation, interprété comme un village2, est composé de huit unités d’habitations associées à des annexes agricoles et artisanales liées au tissage (un atelier attesté). Chaque unité est intégrée dans une parcelle et les bâtiments se concentrent au bord des voies sur une bande large de 20 à 25 m. À l’arrière, les espaces sont vides, certainement dédiés aux pratiques agricoles (potager, culture de céréales et légumineuses, viticulture) et pastorales (élevage de caprinés dominant suivi des bœufs puis des porcs). Deux zones artisanales dédiées à la poterie ont été identifiées aux extrémités nord (un four, viiie s.) et sud (un tour, 2e moitié ixe s.) du village. Des sépultures sont installées en bord de voirie à proximité des habitations de façon isolée ou par petits groupes (huit individus). Une autre sépulture démontre la poursuite de l’ensemble funéraire de la période précédente à l’extrémité est de la voie ES 133. Sur ces zones étudiées, les inhumations s’arrêtent à la fin du ixe s.

    15En outre, au cours du ixe s., un pôle agro-pastoral supplémentaire est créé plus au sud, en zone A.

    16Au cours des xe-xie s., le village mis en place autour du carrefour se maintient tandis que trois nouvelles unités sont installées un peu à l’écart au nord (nos 9 et 10) et à l’est (no 11). Plus au sud (zone A), le pôle agro-pastoral est pérennisé. Au sein du village, la configuration des unités d’habitation est similaire à celle de la période précédente. Huit unités se distinguent. Pour cinq d’entre elles, les bâtiments d’habitation sont reconstruits in situ avec des états de réfections ou remploi partiel de poteaux et sont équipés chacun d’un souterrain-refuge (nos 1, 2, 3, 5 et 6). Une autre unité à vocation agricole perdure également à l’est de la voie ES 12 (no 7). Deux nouvelles unités d’habitation sont mises en place dans le prolongement de celles à l’ouest et à l’est de la voie ES 12 (nos 4 et 8). L’unité no 8 est matérialisée par un souterrain, le sixième présent sur le site, sans bâtiment repéré en surface.

    17L’activité agro-pastorale est de même nature que celle de la période précédente. L’activité de tissage semble se maintenir et celle de la poterie est intégrée au sein du village (deux fours).

    2. Les constructions

    2.1. Les bâtiments sur ossature boisée

    18Entre la fin du vie s. et les xe-xie s., 39 bâtiments se répartissent sur les zones étudiées (A, B, C et E). L’ossature de ces bâtiments est construite en matériaux périssables (bois, torchis) mais certaines des toitures sont probablement en terre cuite architecturale4.

    19Les plans des bâtiments restent hypothétiques et il faut envisager, dans certains cas, la présence de parois rejetées ou de sablières basses (sans tranchées de fondation) qui n’ont pas laissé de traces (Fig. 3). Un essai de typologie est proposé à partir des surfaces estimées de ces bâtiments. Globalement les surfaces augmentent à partir du viiie s. et peuvent atteindre jusqu’à 200 m² (maison-mixte).

    Fig. 3 - Plans des bâtiments sur ossatures boisées (fin du vie s. aux xe-xie s., ZAC Portes du Loiret, Saran).

    K. Payet-Gay, Département du Loiret.

    20D’un point de vue architectural, il est impossible d’établir une typologie précise des plans compte tenu de la difficulté de restituer les bâtiments. En effet, ceci est lié au fait que les trous de poteau ne sont pas tous datés, que leur morphologie n’est pas ici un critère discriminant et que plusieurs états de bâtiments se superposent. En dépit de ce constat, quelques éléments peuvent être dégagés :

    • les bâtiments comptent une à trois nefs ;

    • le plan globalement rectangulaire est majoritaire mais celui trapézoïdal est observé ;

    • certains bâtiments sont probablement équipés d’auvents de plan triangulaire (ex : bâtiment 48) ou rectangulaire (ex : bâtiment 16), entre la fin du viiie et le xe s. et peut-être durant les xe-xie s. Leur fonction est discutée (protection contre le vent, entrée, escalier pour atteindre l’étage, fonction ostentatoire, marqueur aristocratique…) (Bonin 1998 ; Valais 2012) ;

    • un seul bâtiment a été construit sur tranchées de fondation avec de gros poteaux porteurs (ES 19, période 5). Son plan est peut-être incomplet avec la présence possible d’une partie construite sur sablières basses. Un étage est envisagé eu égard à la morphologie des poteaux. Ce mode de construction unique sur le site interroge sur la fonction de ce bâtiment daté du ixe s., situé à l’entrée du village le long de la voie ES 13. Il semble plutôt dédié au stockage par la présence d’un silo puis d’un probable cellier. Aucun marqueur de statut spécifique n’a été identifié au travers du mobilier. Seule la présence d’une tesselle en verre avec une feuille d’or interroge sur sa provenance mais est probablement exogène à ce bâtiment ;

    • certaines constructions plus modestes correspondent probablement à des abris équipant les aires d’ensilage.

    2.2. Les structures semi-excavées

    21Quatorze structures semi-excavées se répartissent sur les trois périodes mais une évolution morphologique et technologique dans la longue durée est observable (Fig. 4). Les surfaces augmentent entre la fin du vie s. (1,5 et 16 m²) et les ixe-xe s. (entre 6,5 et 40 m²) puis se maintiennent durant les xe-xie s. (entre 10 et 20,7 m²). La conservation et l’étude des sols de circulation dans près de la moitié des cas a contribué fortement à leur interprétation.

    Fig. 4 - Plan des bâtiments semi-excavés (fins du vie s. aux xe-xie s., ZAC Portes du Loiret, Saran).

    K. Payet-Gay, Département du Loiret.

    22Les petites structures (entre 1,5 et 3,2 m²) seraient plutôt dédiées aux pratiques agricoles et pastorales (stockage, abris animaux ?) et n’apparaissent qu’au cours de la période 4. Celles de taille moyenne (entre 6,5 et 12 m²) sont interprétées comme des celliers ou bien comme des annexes agricoles ou artisanales. Deux d’entre elles, datées de la période 5, sont intégrées au sein d’habitation (EA 6487 et 62273 dans l’ES 51 et l’ES 15 associé aux ES 16 et 17). Ces deux groupes correspondent aux “fonds de cabane” communément décrits sur les autres sites ruraux français.

    23D’autres structures sont de plus grandes dimensions et atteignent entre 16 et 40 m². Elles correspondraient plutôt à des celliers ou à des pièces à vivre d’après les aménagements internes (présence de pots de stockage, fours, foyers et/ou silos). Compte tenu de ces critères, l’ES 45 (période 4), interprétée de prime abord comme une annexe artisanale ou agricole, pourrait être un cellier.

    24La majorité de ces excavations ont une profondeur conservée entre 0,18 et 0,62 m sans lien de corrélation avec une période ou une fonction. Dans trois cas, elles présentent des profondeurs plus importantes, entre 0,85 et 1,10 m. Elles ne sont attribuées qu’à la dernière période et leur aménagement interne est plus complexe. Interprétée comme pièce à vivre, pour l’une d’entre elles, un rattachement avec un bâtiment en surface est attesté (ES 23) ; pour les deux autres, un étage et une partie construite en surface sont envisagés. Des exemplaires de ce type ont été mis au jour sur la ZAC du Bourg à Ingré et à Villiers-le-Sec (Épaud et al. 2019).

    25Les fosses de petites surfaces sont dépourvues de poteaux. Ceci n’exclut pas la présence d’une charpente dont les fondations n’auraient pas atteint le substrat ou bien auraient été fixées sur des sablières basses ou posées sur des pierres. Les autres fosses de plus de 10 m² présentent au moins un poteau interne relié à la construction des charpentes ou au sous-bassement d’un étage dans certains cas.

    2.3. Les structures souterraines

    26Les six souterrains sont datés des xe-xie s. (Fig. 5)5. Creusés dans la marne calcaire, jusqu’à 6 m de profondeur, ils se développent sur des longueurs de 11 à 43 m. Ils sont à la fois utilisés comme refuge et comme lieu de stockage. Ils sont rattachés à un bâtiment d’habitation préservé en surface, sauf pour l’ES 74.

    Fig. 5 - Plan des souterrains (xe-xie s., ZAC Portes du Loiret, Saran).

    K. Payet-Gay, Département du Loiret.

    27Les accès se font par des escaliers ou des rampes. Chaque plan est unique, mais ils présentent des traits communs tels que la présence de galeries sinueuses de 0,60 à 0,70 m de largeur ainsi que des puits d’extraction et d’aération. Certains sont équipés de chatières, de portes, de cellules d’1,2 m² en moyenne ou de salles de 3 à 5 m². Des niches pour l’éclairage sont les seuls aménagements de confort conservés.

    28Par analogie avec le site de Montfort dans le Maine-et-Loire (Hunot 2011), l’existence hypothétique d’un accès à un 7e souterrain à l’emplacement du silo fouillé dans l’habitation semi-excavée ES 53 est pressentie6. En effet, il s’agit de la seule habitation au sein du village qui ne soit pas équipée de souterrain. Toutefois, elle est aussi la seule à disposer d’une pièce semi-excavée, marquant peut-être une exception à la règle.

    3. Les pratiques agro-pastorales

    29Les pratiques agro-pastorales sont dominantes sur le site pour toutes les périodes.

    30L’activité agricole est mise en évidence à partir des carporestes, du mobilier métallique et des structures (silos et bâtiments). La période de la fin du vie s.-début du viiie s. (période 4) est plutôt renseignée par la nature des aménagements tandis que les suivantes, entre le viiie s. et les xe-xie s. (périodes 5 et 6), sont mieux documentées par le mobilier. La céréaliculture, la culture des légumineuses, la viticulture et l’arboriculture sont pratiquées. La présence de prairies est démontrée au moins dès la fin du vie s. – début du viiie s. La rotation des cultures est attestée à partir des viiie-ixe s. Différentes étapes liées à la culture des plantes ont été mises en évidence : le travail de la terre, les semailles, l’élimination et l’entretien des végétaux, la moisson et vraisemblablement la fenaison. L’étape du battage des céréales n’a pas été perçue mais il est possible que quelques fosses, peu profondes, lui soient associées. Enfin, la capacité de stockage des récoltes sur le site est importante pour les deux dernières périodes (cf. infra). Ainsi, il apparaît une augmentation des productions agricoles, contemporaine à l’implantation du village dès le viiie s. jusqu’aux xe-xie s. En effet, durant ces périodes, il semble bien que l’activité agricole soit à la fois tournée vers l’autoconsommation mais aussi vers l’extérieure (commerce et/ou centre de stockage pour d’autres habitats en périphérie).

    31Des pratiques agraires spécifiques ont été identifiées telles que le marnage, activité importante qui perdure dans la longue durée. Des fosses d’extraction de marne7 sont positionnées en périphérie des unités d’habitations, le long des voies de circulation. Leurs volumes prélevés (surface > à 100 m² par période et profondeur des fosses variant entre 0,20 et 1,10 m) et leur disposition interpellent. Une partie des fosses est située à cheval sur les fossés bordiers de la voie principale occasionnant une gêne éventuelle sur le trafic et sa durée. S. Leturcq relève, pour le bas Moyen Âge, des cas où certains fossés ou talus étaient temporaires et actifs suivant les activités agricoles (Leturcq 2004 : 82).

    32Enfin, se pose la question du commerce de cette matière première au même titre que le fumier dès la fin du vie-viie s. jusqu’aux xe-xie s. (Leturcq 2004 : 60 ; Poirier et Nuninger 2012). Le marnage est une activité courante mentionnée dans les baux et les comptes de seigneuries après le xe s. (Leturcq 2004 : 60).

    33L’élevage est également une activité importante (NR = 7113 ; PR = 82,3 kg)8. Pour la fin du vie s.-début du viiie s., la prédominance des bœufs est observée sur les caprinés (mouton et chèvre) et les porcs. Cet assemblage est similaire à celui du faciès “mérovingien” observé en Île-de-France alors qu’en région Centre – Val de Loire, les porcs dominent habituellement la triade. Une partie de l’élevage est dédiée à la consommation, notamment celle des porcs comme le révèlent les âges d’abattage. L’autre partie correspond aux animaux de réforme, pour la reproduction et leur utilisation pour leur force de travail.

    34Entre le viiie s. et les xe-xie s., les caprinés dominent sur les porcs et les bœufs. Les pics des âges d’abattage des caprinés concernent les individus de 2 et 3 ans (consommation) et de 4 ans et plus (production de laine ou de lait). Leur prédominance n’est pas courante dans le nord de la France. Suivant les sites de comparaisons (Yvinec 1997 ; Frère et Yvinec 2009 ; Clavel et Yvinec 2010 : 76‑77), elle est expliquée par le statut social privilégié de certains habitants (dans le cas de sites ecclésiastiques), par des conditions liées à la nature du sol de type prairies ou marais salants (sites en Picardie) ou pour les besoins de l’artisanat textile comme sur le site voisin de La Chapelle-Saint-Mesmin (Loubignac 2015). Il semble que cette tendance est confirmée à l’échelle régionale (Frère 2013 : 6, notamment sur la ZAC des Vergers à Saran). Sur la ZAC Portes du Loiret, l’hypothèse est qu’elle serait associée à une adaptation au terrain marno-calcaire et à l’activité textile attestée par les autres vestiges.

    35La proportion d’équidés (cheval et âne) est stable sur les trois périodes (entre 2,3 et 3,5 % du NR total). Les chiens sont également représentés. Ce n’est qu’à partir des viiie-ixe s. que les restes de coq domestique, de cerf, d’oiseau et de rongeur apparaissent. Ces deux derniers sont surreprésentés aux xe-xie s. car ils ont été mieux conservés dans les souterrains. Enfin, le lapin, le chat et le chevreuil ne sont identifiés que durant cette période dans de très faibles proportions. Les espèces relevant de la chasse ont probablement été consommées sur le site. L’activité de la chasse est renseignée également au travers du mobilier manufacturé.

    36Ces activités agro-pastorales s’insèrent dans un contexte communautaire mis en évidence par la structuration du site. L’évolution du paysage, avec un maintien des habitats entre le courant du viiie et les xe-xie s., interroge sur la gestion des espaces agricoles. Il est important de souligner que ces espaces sont situés directement à l’arrière des zones d’habitation et d’artisanat et qu’aucune séparation de ces ensembles n’a été mise en évidence. Il est possible que des espaces potagers s’y intercalent.

    37En l’absence de texte, plusieurs questions sont soulevées sur la place des paysans dans l’économie rurale au haut Moyen Âge (Devroey 2003 : 79‑145 ; Leturcq 2004 ; Feller 2017 ; Nissen-Jaubert 2012) : Les habitants sont-ils à la fois des laboureurs et des éleveurs ? Qui sont les propriétaires ? Des règles de gestion commune pour l’exploitation des terres existent-elles ? Le dimensionnement des parcelles répond-il aux besoins individuels ou communautaires ?

    4. Les structures de stockage

    38Les fosses de stockage prennent la forme de silos, de coffres, de celliers et de souterrains. Les autres modes de conservation sont aériens : les greniers, les combles et les granges. D’autres fosses sont potentiellement dédiées à cette fonction. Cependant, en raison de leur morphologie ubiquiste ou de leur état de conservation, elles n’ont pas été interprétées comme telles.

    39Au total, 162 silos sont attestés entre la fin du vie et les xe-xie s. (période 4 à 6) auxquels s’ajoutent 27 silos fouillés plus au sud, en zone A et B, soit au total 189 silos. Plusieurs critères sont étudiés, la morphologie, le volume et leur contexte de découverte :

    • trois types morphologiques ont été identifiés : globulaire, cylindrique et tronconique. Ce dernier n’est employé qu’entre le viiie et les xe-xie s. (périodes 5 et 6), les autres profils étant répartis sur les trois périodes. La proportion de profil globulaire se réduit au cours du temps (de 50 à 31,7 %) alors que le profil cylindrique se maintient globalement (entre 41,8 et 50 %). Ce dernier est majoritaire pour les périodes 5 et 6 ;

    • le nombre de silos et les capacités d’ensilage augmentent dans la longue durée, soit d’une part entre 6 et 101 silos et, d’autre part, entre 3,5 à 79,3 m3 entre les périodes 4 et 6. Le volume moyen passe de 0,58 à 0,78 m3. L’indice de variabilité des volumes montre une même hétérogénéité de contenance pour les périodes 5 et 6 ;

    • les silos sont majoritairement en aire d’ensilage, soit 56,6 % du total, contre 31,2 % en milieu extérieur (souvent en position isolée) et seulement 12,1 % en milieu intérieur (bâtiment). Les répartitions par période selon les contextes du nombre de silos et de leur volume total révèlent une même tendance. Le nombre de silos dans les aires d’ensilage et leur volume augmentent dans le temps et il est doublé entre les périodes 5 et 6. Le nombre de silos en milieu extérieur et leur volume se stabilisent pour ces mêmes périodes. Enfin, en plus faible quantité, les silos n’ont été identifiés au sein des bâtiments que pour les périodes 5 et 6. Leur nombre et leur volume diminuent en période 6.

    40En outre, aucun dépôt sédimentaire lié à l’utilisation des silos n’a été préservé. Il faut donc rester prudent concernant la détermination du type de denrées stockées (céréales, légumineuses, tubercules).

    41Les six souterrains datés des xe-xie s. sont également concernés par cette fonction. D’après le mobilier et les analyses, des pots de stockage ont été entreposés et l’hypothèse d’entreposage de fourrage pour les animaux est avancée grâce à l’analyse des phytolithes. Bien qu’ils n’aient laissé aucune trace, ils sont également propices à la conservation de salaisons, de charcuteries, de fromages ou de boissons.

    42Des coffres ne sont répertoriés que pour les viiie-ixe/xe s. Cinq sont attestés : deux dans des bâtiments (habitation ES 51 et bâtiment de stockage ES 19) et trois appartiennent à une aire d’ensilage (ES 18). Cinq celliers probables, intégrés ou accolés à une habitation, sont datés entre le viiie et les xe-xie s. Leur surface varie entre 10 et 20 m² (EA 6 487/622773 et EA 4410) voire 40 m² (ES 52). Leur profondeur conservée est comprise entre 0,18 et 0,60 m. Les volumes estimés varient entre 2 à 17,6 m3. Les celliers isolés, plus hypothétiques, sont datés de la période 4 (ES 45) et de la période 6 (ES 61).

    43Trois bâtiments sont possiblement des greniers et sont attribués à la période 4 (ES 89) et plus largement au haut Moyen Âge (ES 65 et 70). Leur surface oscille entre 5 et 15 m². La fonction de grange fait partie des interprétations possibles pour les bâtiments ES 19 (période 5 ; 37,6 m²) et 117 (période 6 ; 24,7 m²) car ils renferment notamment des structures de stockage excavées.

    44Ces résultats montrent une diversité des modes de stockage et une importante capacité de conservation des denrées. Elle révèle une intensification de l’activité agricole et des besoins de stockage durant le haut Moyen Âge. L’explication est probablement économique, avec des productions dédiées aux habitants du site, mais aussi tournées vers l’extérieur. D’un point de vue fonctionnel, la présence concomitante des silos avec les autres types de structures pose la question de leur spécificité, peut-être adaptée à un mode de conservation de végétaux en particulier ou à une utilisation ciblée.

    5. Les activités artisanales

    5.1. La poterie

    45Les fouilles des zones A, B, C et E ont fourni un corpus de céramique alto-médiéval en très grande quantité expliquée par la présence de l’artisanat potier sur le site (228 000 NR ; 12 657 NMI ; 1,5 t). Les zones artisanales sont positionnées directement en périphérie des ateliers mis au jour à environ 400 m au nord sur le secteur de “la Médecinerie” (Jesset 2015a, Laurent-Dehecq à paraître b).

    46Pour la période 4, l’activité potière ne se traduit qu’au travers de ratés de cuisson datés de la 2e moitié du vie-viie s. dans des fossés parcellaires en zone B. La découverte d’un four de potier dans une parcelle voisine à l’ouest, aux Parières, conforte l’idée d’un secteur artisanal à proximité (Laurent-Dehecq à paraître a).

    47Pour la période 5, cet artisanat est représenté par un four daté du milieu du viiie s., localisé à la sortie nord du village qui est mis en place dans le même temps (Fig. 6). Ce four est caractérisé par une chambre de cuisson circulaire dotée de quatre languettes rayonnantes pour le support de charge. Sa morphologie et les ratés de cuisson (pâte de Saran 1 ; 9 495 NR ; 659 NMI, 49,9 kg ; Fig. 6) sont comparables et contemporains à ceux étudiés sur le site de “la Guignace” (Bouillon et Capron 2015), plus au nord. Il est probable que les productions issues de ce four viennent compléter ponctuellement celles de “la Médecinerie” et de “la Guignace”. Seule une possible crapaudine de tour de potier est rattachée à cette activité.

    Fig. 6 - Structures de l’artisanat potier et exemples de productions de céramique (2e moitié du viiie au xe-xie s., site de la ZAC Portes du Loiret, Saran).

    C. Lejault, Département du Loiret).

    48Plus tardivement, un probable atelier de potier est installé au sud du village, abritant un tour de potier, comblé durant la 2e moitié du ixe s. Il est similaire à un exemple de la ZAC des Vergers à Saran (Jesset 2001).

    49Durant la transition des ixe-xe s., la céramique est fabriquée en pâte de Saran 1 et également en pâte de Saran 40 et 41 (Fig. 6). La provenance de la poterie de cette phase de transition est indéterminée mais une hypothèse sur la production in situ peut être avancée. En effet, il est possible que les deux fours de potier de la période 6, ou au moins l’un d’entre eux, aient fonctionné un peu plus tôt (EA 6676 et 63400). Outre la présence probable d’un tour de potier durant cette phase, un autre indice interpelle : un des pics de datation 14C des US liées à l’utilisation des deux fours, calibré à 95 % de probabilité, est compris entre 900 et 920/925 ap. J.-C. Malgré cette donnée pour le four 6676, il est peu probable qu’il ait été utilisé dès la fin de la période 5 car il est situé dans l’emprise de l’habitation ES 119 datée de cette même période. En effet, les fours de potiers peuvent être abrités par des appentis mais ne sont pas positionnés dans des espaces totalement fermés. A contrario, il est possible que le four de potier 63400 soit utilisé dès la transition des ixe-xe s.

    50Pour la période 6, ce sont deux fours de potier de grandes dimensions qui sont utilisés dans la partie nord du village (Fig. 6). Leur morphologie est similaire avec une chambre de cuisson circulaire à oblongue équipée d’une imposante languette centrale supportant la charge à cuire. Des comparaisons sont faites avec des fours de “la Médecinerie” datés du ixe s. et celui du site “Rue du Vieux Moulin” à Traînou daté de la fin du xie-début xiie s. (Jesset 2015b). Sur notre site, les deux fours ont livré de la céramique (pâte de Saran 40 et 41, Fig. 6) en quantité très importante (114 098 NR ; 4145 NMI ; 556,15 kg) et datée de la 2e moitié xe-1re moitié xie s. À cette période, les ateliers de “la Médecinerie” ne seraient plus actifs. Il faut préciser, qu’à l’instar des autres périodes, aucune autre structure associée à la chaîne opératoire de cet artisanat n’a été identifiée. Seule une possible crapaudine de tour de potier est rattachée à cette activité.

    51En outre, aucune argilière n’a été mise en évidence à l’instar de celles fouillées plus au nord, sur la Guignace ou sur la zone D.

    52Enfin, la provenance des terres cuites architecturales, en quantité importante sur le site, notamment entre le viiie et les xe-xie s., interroge. Durant la période 5, il est très probable qu’elles soient produites localement, sur le secteur de “la Médecinerie” où des fours de tuiliers ont été mis au jour. Ainsi, l’emploi des terres cuites pour les toitures des constructions traduit peut-être plus un caractère opportuniste qu’un niveau social en particulier des habitants.

    53En conclusion, l’activité potière sur le secteur de la ZAC Portes du Loiret est mise en place dès la fin du vie-début du viie s. et se poursuit au-delà du début du xe s. En l’état actuel des connaissances, il semble que les productions des périodes 4 et 5 viennent compléter celles issues des ateliers de la Médecinerie et de la Guignace alors que celles de la période 6 prennent plutôt le relais de ces ateliers qui périclitent à partir du xe s. Les futures investigations sur le secteur et dans le bourg permettront sans doute d’éclairer ces points.

    5.2. Le travail du textile

    54L’activité textile est pratiquée durant les périodes 5 et 6 dans l’emprise du village (Fig. 7). Un atelier de tisserand est antérieur à la 2e moitié du ixe-début xe s. Un autre, daté des xe-xie s., est plus hypothétique. Cette activité apparaît également au travers du mobilier lié aux différentes étapes de la chaîne opératoire : le peignage/cardage (dents de peigne à carder : 8 NMI), le filage (fusaïoles : 4 ou 5 NMI), le tissage (pesons : 3 NMI ; broches : 4 NMI) et la finition (lissoirs : 8 NMI). Il est réparti à proximité ou au sein des habitations du village. Enfin, la prépondérance des caprinés et les âges d’abattage (production de laine) attestent l’importance de cet artisanat dans l’économie locale. En revanche, aucun carporeste de plantes textiles ou tinctoriales n’a été mis en évidence.

    Fig. 7 - Mobilier du travail textile (période alto-médiévale, site de la ZAC Portes du Loiret, Saran).

    Y. Mazeau, Département du Loiret.

    5.3. Les autres activités

    55Quelques rares objets attestent également le travail du bois et peut-être celui du fer sur le site. Les témoins rattachés à une activité métallurgique sont si ténus (quelques scories) qu’il est impossible d’affirmer qu’un forgeron a travaillé sur place ou dans les environs proches. Il n’est cependant pas totalement exclu que ce travail ait été conduit ponctuellement sur le site.

    6. Le statut social des habitants

    56Plusieurs arguments permettent d’envisager une organisation communautaire des occupations dès la fin du vie-début du viie s. : la mise en place d’un parcellaire et de voies de circulation, l’organisation de pôles d’occupation au sein de ce réseau et la présence d’aires spécialisées. À partir du viiie s., l’installation d’un noyau principal, caractérisé par des unités d’habitations au sein du parcellaire et concentrées le long des voies, et la présence d’un puits central renforcent ces arguments. Ce noyau peut être qualifié de “village” compte-tenu de sa configuration : huit unités d’habitations, des zones funéraires, des indices d’une vie communautaire et des activités économiques établies sur un territoire (Leturcq 2004 : 103 ; Peytremann 2014 : 88-89 ; Feller 2017 : 73-75). Il perdure jusqu’aux xe-xie s., avec le maintien de la majorité des unités d’habitations et un renforcement des activités agro-pastorales et potières durant la dernière période.

    57Le statut social des habitants est discuté. Les critères pour définir un statut privilégié doivent être pris avec précaution (Gentili et Valais 2007 ; Peytremann 2013 ; Hurard 2017 ; Rego 2018). Plusieurs indices convergeraient vers l’existence d’une élite rurale au sein du village entre le viiie et les xe-xie s. (périodes 5 et 6) :

    • les dimensions importantes des habitations et des équipements internes, tels que les foyers ou les plaques foyères, du verre à vitre, des lampes en céramique (peut-être à modérer car elles étaient produites in situ), des éléments de coffre ou de meuble ainsi que de serrurerie. Durant la période 6, l’équipement des habitations en souterrains-refuges s’ajoute à cette liste ;

    • la concomitance des activités agro-pastorales avec des activités de stockage et artisanales : les sources de revenus sont donc importantes et diversifiées. Une partie des productions semble être dédiée au commerce ;

    • quelques éléments de parure (fibule cloisonnée), objets liés à l’écriture (spatule à cire et canivet), au domaine militaire et de la chasse (pointe de flèche, fer de lance, arc, carreau d’arbalète et peut-être balle de fronde) ainsi que ceux de l’équipement animal (éléments d’harnachement) ;

    • quelques objets en verre, marqueurs d’un niveau plutôt aisé pour ces périodes, sont représentés : une tesselle avec une feuille d’or, une dizaine de fragments de récipients en verre (gobelet, coupe) et un fragment de verre à vitre.

    58Ainsi, il est difficile d’estimer si l’ensemble des habitants ou une partie d’entre eux possèdent un statut social intermédiaire ou plus élevé. La dispersion du mobilier caractéristique confirme du habitat ne se distingue particulièrement de ses voisins. La question de la permanence d’une élite sur le site est également posée ; la présence ou le passage d’un homme en armes sur le site est d’ailleurs proposée à partir de l’étude du mobilier métallique. La présence d’une élite pourrait être expliquée par un besoin de surveillance et/ou de la gestion des ressources céréalières ou artisanales. D’autres questions restent en suspens concernant les liens hiérarchiques entre :

    • les paysans et les artisans,

    • les habitants du village et d’autres pôles secondaires en périphéries,

    • le pôle artisanal de “la Médecinerie”, celui de “la Guignace” et ceux de La ZAC Portes du Loiret.

    59En l’absence de sources textuelles, l’hypothèse est que l’autorité en place soit du premier rang, comtale voir royale (Jesset 2001 : 40) et que les ateliers de potiers soient donc sous la protection de cette autorité. Les donations royales aux grandes abbayes au xe s. pourraient coïncider avec l’arrêt des productions de céramique à Saran. Notons qu’à cette période, les biens peuvent être également cédés à une autorité laïque. Ici, les productions perdurent durant les xe-xie s. Ainsi, toute prudence gardée, deux hypothèses s’imposent : soit les donations sont plus tardives, soit le village et sa périphérie, et donc les ateliers de la ZAC Portes du Loiret, ne dépendent plus de l’autorité comtale ou royale mais bénéficient peut-être encore de privilèges, à l’instar du fisc d’Ingré (Loubignac 2015). La présence de souterrains-refuges durant les xe-xie s. témoigne d’une période de conflits dont la temporalité et l’intensité ne peuvent être estimées. D’après la restitution des plans d’occupation des territoires, le site est probablement localisé à la frontière entre le domaine royal et le domaine comtal (comte de Blois). Ainsi, situé dans un espace stratégique, il était sans doute nécessaire de protéger les ressources et de mettre en place une autorité locale sur le site.

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    Notes de bas de page

    1Les périodes 1 à 3 correspondent respectivement à la Préhistoire, la Protohistoire et l’Antiquité. Le haut Moyen Âge est découpé en trois périodes basées sur les productions céramiques du site (fours de potier) : période 4 (fin vie-début viiie s.), période 5 (viiie-transition ixe/xe s.) et période 6 (xe-xie s.)

    2Cette interprétation est fondée sur l’historiographie et repose sur plusieurs critères : un regroupement plus ou moins serré d’unités d’exploitations, des zones funéraires, les traces matérielles d’une vie communautaire par la présence d’un réseau viaire et fossoyé ou encore celle d’une place, d’activités économiques établies sur un terroir (artisanat, pratiques agro-pastorales) (Laurent-Dehecq, Payet et Fencke 2019 : 1143-1144).

    3Cet ensemble comprend au total quatre individus dont l’un d’entre eux a une datation indéterminée.

    4Le corpus de terre cuite architecturale sur les zones A, B, C et E réunit 11 130 restes pour un poids de 1 240,2 kg sur plus d’un tiers des Faits alto-médiévaux. L’ensemble des éléments d’une taille supérieure à 2 cm a été collecté et étudié. Les restes se répartissent dans tous les types de contextes dont les sépultures. La majorité se concentre autour du carrefour de voirie. En outre, les fragments de torchis (4,2 kg) et de parois de fours (1,8 kg) ont été examinés (Laurent-Dehecq, Payet-Gay et Fencke 2019 : 1707-1740).

    5Pour leur description et leur fonction : Épaud et al. 2019 ; Laurent-Dehecq, Payet-Gay et Fencke (dir.) 2019 : 1533-1539.

    6Lors de la fouille manuelle du silo, le substrat calcaire paraissant bien en place, un sondage à la pelle mécanique n’a pas été envisagé. Il aurait peut-être permis de s’en assurer.

    7La marne était aussi utilisée dans la construction des sols dans les pièces semi-excavées. Il est probable qu’elle ait été employée aussi dans la composition des murs qui n’ont pas laissé de traces.

    8Pour les zones A, B, C et E.

    Auteurs

    • Amélie Laurent-Dehecq

      CNRS, UMR 7324 CITERES-LAT.

    • Coline Lejault

      Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.

    • Yannick Mazeau

      Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.

    • Justin Hahn

      Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.

    • Laure de Souris

      † Service régional de l’Archéologie du Centre-Val de Loire, UMR 5199 PACEA.

    • Magali Labille

      Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.

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      1Les périodes 1 à 3 correspondent respectivement à la Préhistoire, la Protohistoire et l’Antiquité. Le haut Moyen Âge est découpé en trois périodes basées sur les productions céramiques du site (fours de potier) : période 4 (fin vie-début viiie s.), période 5 (viiie-transition ixe/xe s.) et période 6 (xe-xie s.)

      2Cette interprétation est fondée sur l’historiographie et repose sur plusieurs critères : un regroupement plus ou moins serré d’unités d’exploitations, des zones funéraires, les traces matérielles d’une vie communautaire par la présence d’un réseau viaire et fossoyé ou encore celle d’une place, d’activités économiques établies sur un terroir (artisanat, pratiques agro-pastorales) (Laurent-Dehecq, Payet et Fencke 2019 : 1143-1144).

      3Cet ensemble comprend au total quatre individus dont l’un d’entre eux a une datation indéterminée.

      4Le corpus de terre cuite architecturale sur les zones A, B, C et E réunit 11 130 restes pour un poids de 1 240,2 kg sur plus d’un tiers des Faits alto-médiévaux. L’ensemble des éléments d’une taille supérieure à 2 cm a été collecté et étudié. Les restes se répartissent dans tous les types de contextes dont les sépultures. La majorité se concentre autour du carrefour de voirie. En outre, les fragments de torchis (4,2 kg) et de parois de fours (1,8 kg) ont été examinés (Laurent-Dehecq, Payet-Gay et Fencke 2019 : 1707-1740).

      5Pour leur description et leur fonction : Épaud et al. 2019 ; Laurent-Dehecq, Payet-Gay et Fencke (dir.) 2019 : 1533-1539.

      6Lors de la fouille manuelle du silo, le substrat calcaire paraissant bien en place, un sondage à la pelle mécanique n’a pas été envisagé. Il aurait peut-être permis de s’en assurer.

      7La marne était aussi utilisée dans la construction des sols dans les pièces semi-excavées. Il est probable qu’elle ait été employée aussi dans la composition des murs qui n’ont pas laissé de traces.

      8Pour les zones A, B, C et E.

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      Laurent-Dehecq, A., Lejault, C., Mazeau, Y., Hahn, J., Souris, L. de, & Labille, M. (2024). Un village au haut Moyen Âge (fin vie s.-xe/xie s. ap. J.-C.) : organisation et caractérisation de l’habitat (ZAC Portes du Loiret, Saran, Loiret). In B. Bazin, F. Capron, A. Corrochano, & S. Joly (éds.), L’archéologie des ve-xiie siècles en région Centre-Val de Loire (1‑). Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France. https://doi.org/10.4000/13ibu
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      Laurent-Dehecq, Amélie, et al. « Un village au haut Moyen Âge (fin vie s.-xe/xie s. ap. J.-C.) : organisation et caractérisation de l’habitat (ZAC Portes du Loiret, Saran, Loiret) ». L’archéologie des ve-xiie siècles en région Centre-Val de Loire, édité par Bruno Bazin et al., Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France, 2024, https://doi.org/10.4000/13ibu.

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      Bazin, B., Capron, F., Corrochano, A., & Joly, S. (éds.). (2024). L’archéologie des ve-xiie siècles en région Centre-Val de Loire (1‑). Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France. https://doi.org/10.4000/13ib9
      Bazin, Bruno, Capron François, Alexis Corrochano, et Stéphane Joly, éd. L’archéologie des ve-xiie siècles en région Centre-Val de Loire. Tours: Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France, 2024. https://doi.org/10.4000/13ib9.
      Bazin, Bruno, et al., éditeurs. L’archéologie des ve-xiie siècles en région Centre-Val de Loire. Fédération pour l’édition de la Revue archéologique du Centre de la France, 2024, https://doi.org/10.4000/13ib9.
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