L’occupation du haut Moyen Âge (seconde moitié vie-début ixe s.) des “Hauts Vergers”, à Gidy (Loiret) : habitat et ensemble funéraire
Early medieval occupation (second half 6th-early 9th century) of the “Hauts Vergers” site at Gidy (Loiret): settlement and burial complex
p. 179-188
Résumés
En périphérie immédiate du bourg de Gidy (Loiret), le site des “Hauts Vergers” est attesté entre la seconde moitié du vie s. et le début du ixe s. Sur un substrat antique mal défini, un habitat et un parcellaire évoluent le long d’un chemin. Un petit ensemble funéraire, installé à la fin de l’occupation, est composé uniquement d’enfants. La présence d’un dépôt secondaire de deux crânes d’enfant dans un silo implique une manipulation et un choix des résidents qu’il reste à éclairer. Le mobilier fournit quelques indices d’un statut modérément aisé des habitants.
On the immediate outskirts of the village of Gidy (Loiret), the Hauts Vergers site has been documented from the second half of the 6th century to the beginning of the 9th century. On an ill-defined roman bedrock, a settlement and a plot of land developed along a road. A small funerary complex, installed at the end of the occupation, is composed entirely of children. The presence of a secondary deposit of two children’s skulls in a silo implies manipulation and a choice on the part of the residents that remains to be clarified. The artefacts provides some clues to the moderately well-off status of the inhabitants.
Entrées d’index
Mots-clés : Loiret, premier Moyen Âge, habitat rural, sépulture, silo, four domestique
Keywords : Loiret, Early Middle Ages, rural settlement, burial, silo, domestic oven
Note de l’éditeur
Avertissement de l’éditeur
En raison du décès brutal de l’auteure, Laure de Souris, le 21 avril 2022, cet article n’a pas pu être finalisé. Le poster réalisé pour les Journées de Chartres de 2021 contenait déjà un texte développé et une dizaine de figures. Le Comité d’organisation et de publication a souhaité valoriser ce travail préliminaire et le publier sous forme d’un article à titre posthume. Les données ont été reprises par Stéphane Joly, nourries du rapport et légèrement adaptées à ce format, avec l’accord de Yannick Mazeau, son compagnon, et du Service de l’Archéologie préventive du département du Loiret (chef de service : Jean-Michel Morin). Les principaux coauteurs du rapport ont été associés.
Texte intégral
La fouille et son contexte
1En périphérie immédiate du bourg de Gidy (Loiret), à 15 km au nord-ouest d’Orléans, une fouille de 870 m² menée en 2017 a permis d’étudier l’évolution d’une occupation entre la seconde moitié du vie s. et le début du ixe s. (Souris et al. 2018).
2Gidy se trouve sur le plateau à faible relief de Beauce. L’emprise est à proximité de la vallée peu marquée de la Retrève1 et à environ 150 m au sud-ouest du petit centre bourg historique. Le diagnostic (Noël 2016) et la fouille qui en a suivi constituent la première intervention près de ce bourg centré autour de l’église paroissiale Saint-Sulpice et son cimetière (Fig. 1). Ce secteur reste mal documenté. Les connaissances se limitent à de rares découvertes anciennes et imprécises, le bâti conservé, une campagne de prospections pédestres (Médevielle 2001) et le développement très récent de l’archéologie préventive sur des secteurs périphériques, en particulier rue du Stade (Souris 2016) et les “Hauts Vergers” (Mercey 2018). Alors que les premières mentions des lieux-dits alentour “Huneau”, “Marmogne” et “Cuny” datent des environs de l’an mil, celle de Gidy n’est pas attestée avant le milieu du xiie s. (Soyer 1979 : 46, 85, 89 et 365).
Fig. 1 - Les interventions archéologiques et les sites et indices de sites médiévaux près du bourg de Gidy (cadastre de 1808, AD45 : 3P154/5, section D ; 3P154/7, sections F, G, H et J et 3P154/8, section L).

S. Joly, Inrap.
3Au sein de l’emprise restreinte, la stratification est à peu près absente suite à une érosion des sols. À de très rares exceptions, les 88 entités archéologiques (EA) identifiées appartiennent à une occupation qui s’étend entre la seconde moitié du vie s. et le début du ixe s. Deux périodes principales ont pu être distinguées : seconde moitié du vie-fin viiie s. (période 2) et seconde moitié du viiie-début ixe s. (période 3). La fouille intégrale et manuelle des vestiges a favorisé la collecte systématique du mobilier, notamment des terres cuites architecturales (TCA). Les lots sont relativement importants et les différentes catégories de mobilier ont pu être étudiées.
Un secteur fréquenté pendant l’Antiquité
4Du mobilier antique a été découvert régulièrement, sans concentration particulière, et en position redéposée : 42 restes de céramiques correspondant à au moins 11 individus, 262 fragments de TCA pesant 36,4 kg, 2 tesselles et 1 bague en alliage cuivreux. La majorité du mobilier en céramique se rattache aux iiie-ve s., voire jusqu’au vie s. L’ensemble témoigne d’un probable habitat proche qui reste encore insaisissable. Au sein des autres interventions alentour, seuls quelques vestiges du début du Haut-Empire ont été repérés rue du Stade (Souris 2016 : 25‑34).
La structuration de l’espace au haut Moyen Âge : un réseau parcellaire et un probable chemin
5L’organisation générale des vestiges montre l’existence d’un probable axe de circulation nord-sud, rectiligne (Fig. 2). Les évolutions parcellaires suggèrent de légers déplacements latéraux de ce chemin. Il sépare et borde plusieurs secteurs distincts : domestique au nord (espace bâti, four domestique, aire d’ensilage), funéraire au sud et probablement agro-pastoral (espace “vide”) ailleurs, notamment dans le tiers ouest, aux parcelles fossoyées. La rareté des modifications du parcellaire et des recoupements entre les vestiges témoignent de la stabilité de l’occupation et de la structuration des espaces.
Fig. 2 - Plan de l’occupation de la seconde moitié du vie-début du ixe s.

L. de Souris, SAP, CD45 et S. Joly, Inrap.
6Les 19 fossés, ou portions de fossés, s’associent et se succèdent au haut Moyen Âge sur le tiers ouest de l’emprise. Leur conservation moyenne atteint seulement 0,20 m de profondeur. Leurs comblements sont très homogènes. Des recreusements sont parfois perceptibles. Les orientations successives varient parfois très légèrement. Aucune parcelle n’est perçue dans son intégralité. Leurs limites apparaissent rectilignes et régulières. Quatre trous de poteau le long des fossés pourraient appartenir à des aménagements légers les accompagnant (clôture ou système d’entrée par exemple). Les interruptions correspondent à autant d’accès ménagés vers le chemin nord-sud supposé.
7Après le début du ixe s., le site n’est plus occupé. La structuration altomédiévale de ce secteur de Gidy ne laisse aucune trace sur le parcellaire du cadastre de 1808.
Un habitat mal identifié
8Une cinquantaine de vestiges, plutôt concentrés dans la moitié nord de l’emprise, appartiennent à un habitat difficile à appréhender. Une quinzaine de modestes trous de poteau, regroupés en trois petits ensembles, témoignent de probables constructions dont les plans restent mal assurés. La présence de TCA altomédiévales suggère l’existence de toitures en dur pour certains édifices, ce qui nécessite des supports importants. Ces constructions-là sont probablement en dehors de l’emprise ou n’ont pas laissé de traces évidentes, des solins de pierre, souvent posés à même le sol ou très légèrement fondés, ayant pu complétement disparaître au vu de l’arasement général.
9L’un des éléments les mieux conservés est un four culinaire domestique (Fig. 3). Son aire de cuisson 10018 est circulaire de presque 1 m de diamètre (surface 0,70 m²) et sa fosse de travail 10019 quadrangulaire (surface 4,64 m²). Quatre petits trous de poteau, dont deux encadrent le four, matérialisent une probable construction protectrice associée. Le mobilier en céramique (70 NR/14 NMI) découvert dans les comblements est datable de la seconde moitié vie-viie s. L’étude archéomagnétique donne à 95 % l’intervalle d’âge [580-725] de n. è. avec [655-685] comme période la plus probable (pic à 81 % centré sur 670). Les observations micromorphologiques, complétées par les analyses de phytolithes, attestent des aménagements de sol (jonchée de végétaux puis marne), un recreusement du fond et deux cycles nets d’utilisation/nettoyage du four. Des excréments d’herbivores (peut-être des ovi-caprinés) contenant des graminées et des déchets de traitement de récoltes (décorticage de céréales) sont utilisés comme combustibles. Les couches supérieures révèlent la présence de parois en terre, fabriquées avec les matériaux du substrat, ainsi que celle d’un toit de chaume qui appartiennent probablement à la destruction du bâtiment associé.
Fig. 3 - Le four domestique 10018/10019 de la seconde moitié du viie s.

L. de Souris, SAP, CD45.
10Cinq silos sont attestés. Ils sont tous datés de la dernière période d’occupation (seconde moitié du viiie-début ixe s.). Les profils sont piriformes avec des voûtes nettes et des goulots qui s’esquissent. Leurs dimensions sont modestes. Les capacités de stockage individuel sont comprises entre 0,19 et 0,55 m3 (moyenne de 0,38 m3), ce qui reste faible par comparaison avec le corpus régional (Dabek 2012). Quatre sont regroupés en une petite aire d’ensilage, peut-être en association avec d’autres petites fosses dont l’interprétation reste moins assurée. Le dernier silo (10006), au nord, est voisin d’une fosse de stockage (10005). La conservation des profils piriformes et l’absence d’effondrement suggèrent un comblement rapide après abandon, ce que confirment l’identification de remblais assez massifs contenant des rejets domestiques plutôt abondants (et deux crânes d’immature dans 10030). La fosse 10005 possède des caractéristiques évoquant une fonction de stockage : une forme oblongue de 2 m de long et 1,20 m de large et un profil à parois concaves et fond plat, avec une profondeur conservée de 0,36 m. Le très abondant mobilier (un lot de céramiques de 300 NR/12 NMI dont une cruche engobée lissée, deux plaquettes de métier à tisser en os, du mobilier métallique notamment une dent de peigne à carder) confirme une fonction secondaire de dépotoir, la proximité d’un habitat et sa datation de la seconde moitié du viiie-début ixe s.
11Une trentaine de fosses se répartissent sur l’ensemble de la surface, sans organisation ou concentration évidente. La plupart sont mal conservées et avec des caractéristiques trop ubiquistes pour que leurs fonctions soient interprétées.
Un ensemble funéraire d’immatures en bord de chemin
12Sept inhumations individuelles primaires d’immature sont installées au sud des structures d’habitat et sur le bord oriental du chemin supposé, selon son axe ou perpendiculairement à celui-ci (Fig. 4). S’y ajoute probablement une fosse vide (10050) dont les caractéristiques sont très similaires. Elles se concentrent sur à peine 10 m², à l’exception des tombes 10063 et 10098 qui restent proches. Aucune limite de l’espace funéraire n’est matérialisée. Les deux crânes déposés dans le silo 10030, au centre de l’emprise, montrent l’existence d’autres défunts dans les environs. Soit l’espace funéraire s’étend hors des limites exiguës du décapage, soit il en existe un autre à proximité. Au sud, l’organisation des sépultures disposées perpendiculairement au chemin, et en particulier l’espace vide de 2 à 3 m de large qu’elles encadrent, pourrait indiquer un espace contraint de circulation, simple accès vers l’est à une parcelle ou un chemin secondaire.
Fig. 4 - Caractéristiques et datations des inhumations. Vue du crâne 1026.2 déposé dans le silo 10030. Vue de la sépulture 10098.

L. de Souris, SAP, CD45 et S. Joly, Inrap.
13Le rare mobilier en céramique redéposé dans les comblements des sépultures fournit cinq terminus post quem des viie-viiie s. (Fig. 4). Six datations radiocarbones permettent d’affiner la chronologie. L’essentiel des distributions de probabilité se concentrent sur un intervalle allant de la seconde moitié du viiie s. à la fin du ixe s. L’arrêt des inhumations coïncide peut-être avec la fin de l’occupation que la céramique ne situe pas au-delà du début du ixe s. La céramique (49 NR/5 NMI) du silo 10030 permet d’assurer que les deux crânes sont déposés pendant la seconde moitié viiie-début ixe s.
Les pratiques funéraires et la population inhumée
14Les creusements oblongs sont installés le long du chemin et orientés selon les deux axes principaux de l’occupation : N-S et ENE-OSO. Les longueurs varient de 0,77 à 1,40 m (moyenne de 1,17 m), les largeurs de 0,40 à 0,71 m (moyenne de 0,55 m) et les profondeurs de 0,02 à 0,16 m (moyenne de 0,11 m). Les fonds sont généralement plats ou légèrement concaves. Malgré leur densité, les sépultures ne sont pas recoupées, ou alors très légèrement. Un marquage au sol et/ou un laps de temps réduit entre chaque inhumation est envisageable. La conservation des individus et de la matière osseuse est médiocre. Les ossements sont très friables et les épiphyses le plus souvent absentes.
15Les sujets reposent sur le dos, sauf 10058 qui semble être sur son côté droit. Aucun dépôt mobilier ne les accompagne. Aucune architecture funéraire n’est conservée mais l’étude taphonomique révèle la variété habituelle des espaces de décomposition (fosse ou coffrage en bois, avec la présence ponctuelle d’une enveloppe souple). Les comblements des fosses sont homogènes et peu caractéristiques.
16Seuls des enfants issus des classes d’âge [1-4] et [5-9] sont présents. Les deux crânes déposés dans le silo appartiennent à la classe d’âge des [10-14]. Une sélection des individus par l’âge est évidente. La question d’un regroupement familial ne peut être appréhendée en l’absence d’étude paléogénétique qui n’a pas été menée. L’absence d’adulte fragilise de toute façon cette hypothèse. Les observations sur l’état sanitaire des sujets se limitent à cinq caries pour un individu et une hypoplasie linéaire de l’émail d’une dent d’un autre.
17Si les sépultures altomédiévales découvertes dans la sphère domestique sont un phénomène désormais bien connu depuis plus d’une vingtaine d’années, la présence exclusive d’enfants est plus atypique au vu de l’habituel déficit d’individus jeunes sur la plupart des sites de la région Centre-Val de Loire (Gaultier 2010 : 4546). Localement, des comparaisons sont à envisager avec les ensembles de sept enfants des viie-viiie s. à Saran, ZAC des Portes du Loiret – zone D (Laurent-Dehecq et Payet-Gay à paraître), des 22 sépultures (moins de dix ans) de l’ensemble 4.2 et les huit autres (moins de cinq ans) de l’ensemble 6 des viiie-ixe s. à Saran, Zac des Vergers (Jesset 2001 : 142-143) et celui de sept à dix2 individus (moins de neuf ans) des viiie-ixe s. des “Tirelles” à Chilleurs-aux-Bois (Fournier 2010 : 825-828). Les vastes emprises décapées de ces trois sites montrent à chaque fois l’existence conjointe de sépultures isolées, en nombre parfois élevé, et de groupes dont la plupart comprennent aussi des adultes. Si un des apports des grands décapages de l’archéologie préventive est de révéler la multiplicité des espaces funéraires contemporains et parfois voisins, les questions soulevées, notamment en terme de recrutement, restent non résolues.
18Cette cohabitation des vivants et des morts pendant le haut Moyen Âge est évoqué au ixe s. par l’évêque Jonas d’Orléans rappelant l’habitude qu’ont les propriétaires terriens d’ensevelir les morts in agri suis, “dans leurs champs” (Lauwers 2005 : 26). L’arrêt des inhumations des “Hauts Vergers”, probablement au moment de la fin de l’habitat au début du ixe s., ou un peu après, pourrait coïncider avec la mise en place du système paroissial entre le ixe s. et le xiie s. qui aboutit au contrôle des lieux d’inhumation par l’Église et la genèse du modèle du cimetière paroissial médiéval et moderne, espace collectif accueillant l’ensemble des défunts d’une paroisse (Lauwers 2005 ; Treffort 2010 ; Zadora-Rio 2013).
19Cet ensemble funéraire est situé à 150 m au sud-ouest de l’église Saint-Sulpice3 et de son cimetière. La seule découverte funéraire du bourg est celle, mal documentée, d’un sarcophage du premier haut Moyen Âge4, à la Ferme du Château (017AH) (Noël 2016), 100 m au nord-ouest de l’église. Sur la commune, un autre ensemble funéraire du premier haut Moyen Âge est attesté, 2 km au nord-ouest du bourg, près de la Ferme de Rouilly (002AH)5 (Calvo 1975 : 86). Malgré l’absence de données pour Gidy actuellement, l’hypothèse la plus probable est qu’une nécropole communautaire du haut Moyen Âge est située près de l’église actuelle et que l’ensemble funéraire des “Hauts Vergers”, tout proche, coexiste avec elle6.
Le dépôt secondaire de crânes dans un silo
20Dans le silo 10030, deux crânes entiers d’enfants ont été trouvés au fond ou près du fond, à l’écart l’un de l’autre près des parois nord et sud, au sein d’une couche de remblais avec des rejets domestiques. Ces restes ne portent aucune trace de modification osseuse d’origine anthropique. En position secondaire, le choix de ces deux crânes, sans autres ossements humains, implique néanmoins qu’il y a eu une manipulation et un choix volontaire d’un os à forte symbolique avant leur dépôt double. Une simple gestion opportuniste de restes humains perturbés lors d’un creusement par exemple et simplement rejetés ici impliquerait la présence d’autres ossements, surtout s’il y a au moins deux individus. Un parallèle peut être fait avec le dépôt volontaire et soigné de trois crânes non fracturés avec leurs mandibules inférieures dans un silo des viiie-début xe s. à Sissonne (Aisne) (Martin 2011 : 123). Un projet de recherches plus large portant sur les restes humains (des inhumations aux simples ossements) dans des silos au premier Moyen Âge permettra d’éclairer la diversité de ce type de pratique sans doute très complexe (Peytremann et Poignant 2017).
La culture matérielle
21Par comparaison avec de nombreux sites ruraux du premier Moyen Âge en région Centre-Val de Loire et vu la surface restreinte fouillée, le mobilier reste relativement abondant et diversifié. Les différentes catégories de mobilier se concentrent spatialement plutôt dans la partie nord de l’emprise, localisation probable des espaces domestiques.
22La céramique médiévale totalise 1 101 restes pour 115 individus et environ 11 kg (soit un taux de fragmentation moyen de 10,83). Elle provient de 42 EA distinctes. Le mobilier apparaît fragmenté et plutôt en position secondaire. Les assemblages sont néanmoins assez homogènes et plusieurs remontages entre EA sont avérés. Quantitativement, la majorité du corpus se rattache à la période 3 (seconde moitié viiie-début ixe s.). Les productions, les formes et les décors notamment ceux à la molette attestent un approvisionnement exclusif auprès des ateliers de potier de Saran, distants d’à peine 4 à 5 km au sud. Les pots à cuire, majoritaires, accompagnés de quelques cruches, coupes et gobelets, forment le répertoire domestique habituel.
23Trois groupes techniques sont identifiés. La pâte à cuisson oxydante et surface brute (G.T.1-1-1) est de loin la mieux représentée (87 % des NR et 89,2 % des NMI). La pâte à engobe rouge couvrant combiné à un polissage des surfaces externes (G.T.1-1-3) (12,5 % des NR et 7,6 % des NMI) apparaît vers le milieu du viiie s. et concerne principalement des cruches destinées à la consommation des liquides. La proportion de ces vases engobés lissés pourrait signaler un statut social relativement aisé des habitants car elle dépasse celle de la majorité des occupations rurales de la région (inférieur à 5 % du NMI) tout en n’atteignant pas celles des sites de prestige (supérieur à 10 % du NMI) (Jesset, Bouillon et Josset 2007). En particulier, une cruche engobée lissée avec un décor repoussé complexe témoigne d’un certain luxe (Fig. 5).
Fig. 5 - Quelques éléments matériels remarquables de la fosse 10005 de la seconde moitié viiie-début ixe s. et du silo 10029 de la seconde moitié viiie s.

C. Lejault, SAP, CD45 et Y. Mazeau, SAP, CD45.
24Le mobilier manufacturé (83 NR/45 NMI), hors vaisselier en céramique et TCA, se répartit de façon équivalente entre les périodes. Le domaine de production (17 NMI) comprend quatre meules plates rotatives à bras (grès et meulière) pesant 16,7 kg, de discrets déchets métallurgiques (scories et culots de forge : 6 NMI et 0,2 kg), deux plaquettes en os de métier à tisser (Fig. 5), trois possibles dents de peigne à carder et deux poinçons en fer. Le domaine domestique (16 NMI) comprend une base apode de verre à boire, huit couteaux en fer, cinq clous d’assemblage, un crampon de menuiserie et un moraillon articulé (serrurerie de coffret). Le domaine personnel (3 NMI) comprend une boucle (de ceinture ?), une bague en alliage cuivreux antique supposée redéposée et une possible spatule-sonde en fer. Le reste, surtout des fragments de tiges ou de tôle en fer, correspond à des objets inclassables car incomplets, indéterminés ou polyvalents.
25Le corpus de faune (477 NR/7,4 kg), relativement fragmenté, comporte de nombreux indéterminés (297 NR/1,3 kg). La triade domestique domine largement les espèces déterminées : le bœuf (104 NR/5,2 kg), le mieux représenté, est associé aux caprinés (48 NR/341 g) et au porc (16 NR/217 g). La présence ponctuelle d’équidés (6 NR/353 g), coq (3 NR/4 g), oiseau (2 NR/2 g) et chien (1 NR/15 g) est aussi attestée. Les rares âges d’abattage déterminés et l’épiphysation des os montrent que les bœufs et équidés sont plutôt des animaux de réforme alors que les porcs et caprinés sont plus jeunes, probablement destinés à un usage alimentaire. Un capriné périnatal pourrait indiquer un élevage sur place. Des traces de découpe, notamment sur au moins un équidé adulte, et d’exposition au feu confirment qu’il s’agit de restes de consommation. Deux ensembles de vertèbres thoraciques de bœuf en connexion témoignent d’un probable rejet de boucherie dans le fossé 10010, au nord.
26Le corpus de TCA (303 NR/47 NMI/40,7 kg) comprend quatre groupes techniques différents. Le groupe C (41 NR/5 NMI/4,3 kg) s’apparente aux productions saranaises du haut Moyen Âge alors que les autres sont des productions antiques, dont le nombre implique peut-être un réemploi, comme élément de toiture ou simple matériau. Ce groupe C provient de 7 EA distinctes. Son emploi est attesté dès le début de l’occupation mais environ 80 % de ces éléments se rattachent à la dernière période (seconde moitié du viiie-début ixe s.). Si la plupart de ces éléments restent morphologiquement indéterminés, au moins trois tegulae, une plaque ou possible tegula (Fig. 5) et une brique/dalle sont avérées. Dans l’Orléanais, les ateliers de Saran et Ingré ont produit et diffusé pendant tout le haut Moyen Âge des matériaux de construction, utilisés principalement dans des habitats privilégiés et en majorité urbains (Jesset 2021). Aux portes des ateliers, ils se retrouvent aussi en quantité notable sur des habitats plus classiques comme celui de la ZAC Portes du Loiret à Saran (6132 NR/642 kg pour les vie-ixe s.) étudié sur 16 ha et comportant plusieurs pôles d’occupation dont un hameau/village7 (Lejault et Laurent-Dehecq 2019).
27Les deux prélèvements carpologiques (17 l chacun) réalisés ont livré trop peu de restes, tous carbonisés, pour être pertinents (7 pour le silo 10028 et 35 pour le silo 10029). Tout au plus attestent-ils la présence d’orge vêtue, blé, raisin et fève.
Conclusions
28L’exiguïté de l’emprise contraint la compréhension de cette occupation et en particulier de ses évolutions spatiales et fonctionnelles entre la seconde moitié du vie s. et le début du ixe s. L’ampleur du site, qui se développe clairement hors des limites, reste inconnue.
29Sur un substrat antique mal défini se développent et évoluent un parcellaire, un chemin, un habitat et, lors de la dernière période, un petit ensemble funéraire. La structuration apparaît stable, avec peu de recoupements. Les orientations principales sont respectées et les évolutions du parcellaire plutôt réduites. Au sein du décapage restreint, les caractéristiques du site s’avèrent assez habituelles, pour la période et la région considérées. Si les constructions, certaines avec des toitures en dur, restent mal identifiées, la présence d’une unité d’habitat et d’exploitation agro-pastorale est assurée par les vestiges reconnus (four culinaire, silos, trous de poteau et fosses). Le mobilier atteste la préparation et la consommation alimentaire, les productions textiles et métallurgiques discrètes (sans doute tournées vers l’autoconsommation), l’ameublement et les équipements domestiques et le possible élevage sur place. Les capacités d’ensilage apparaissent modestes.
30La particularité principale du site est que son ensemble funéraire, installé comme souvent en bord de chemin, est uniquement composé d’enfants. La présence d’un dépôt secondaire de deux crânes d’enfant dans un silo implique une manipulation et un choix des résidents qu’il reste à éclairer.
31Quelques indices suggèrent un statut modérément aisé des habitants. Le taux assez élevé de cruche à engobe rouge est le plus évident. La plupart des autres restes (verre apode, élément de serrurerie, restes d’équidés) pointent aussi vers une certaine aisance mais ils demeurent quantitativement trop anecdotiques pour être pertinents. L’emploi régulier et notable de TCA altomédiévale dans les constructions est un marqueur supplémentaire même si la proximité des ateliers rend sa pertinence plus discutable. Seule une analyse comparative sur la présence de TCA au sein d’autres sites de consommation proches permettra de mieux évaluer l’effet de proximité.
32En contexte villageois, le site des “Hauts Vergers” apporte nécessairement un éclairage sur la dynamique du bourg de Gidy, dont l’église paroissiale est à environ 150 m, mais leur relation reste encore à établir. Si la création, le développement puis l’abandon de l’un sont connus, rien encore ne permet de le relier à la trajectoire de l’autre8 dont les antécédents au premier Moyen Âge sont encore flous.
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Souris 2011. Souris L. de - Chilleurs-aux-Bois (Loiret), rue de l’Église, Rapport de sauvetage urgent, CD45, Orléans.
Souris 2016. Souris L. de - Gidy (Loiret), rue du Stade, Rapport de diagnostic, CD45, Orléans, 156 p.
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Soyer 1979. Soyer J. - Les noms de lieux du Loiret, recherche sur l’origine et la formation des noms de lieux du département du Loiret, réédition, Horvath, Roanne, 735 p.
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Notes de bas de page
1Ce cours d’eau est à écoulement essentiellement souterrain. Il a en outre été canalisé au xxe s. dans ce secteur. La très faible pente rend sa vallée presque imperceptible topographiquement. Pourtant, des inondations, assez régulières et parfois spectaculaires voire dévastatrices, sont bien connues des riverains. Son impact sur le réseau de peuplement de ce secteur est sans commune mesure avec une topographie d’apparence très douce.
2Deux fosses sont vides et une autre du même ensemble n’a pas été fouillée.
3Les connaissances de cet édifice restent très limitées. Un enfeu daterait du xiie s. (Nollent 1957 : 374). Sa dédicace pourrait être un indice de l’ancienneté d’un lieu de culte. Le culte de cet évêque de Bourges se développe rapidement après sa mort en 647. Ce vocable est populaire dans la région, notamment dans le diocèse d’Orléans avec huit attestations. Il faut néanmoins rester prudent car, au contraire de la Touraine (Zadora-Rio 2008), l’Orléanais ne dispose pas encore d’un référentiel de vocable considéré comme des marqueurs chronologiques fiables. En outre les vocables sont souvent attestés tardivement, notamment lorsque l’unicité d’édifice dans une paroisse ne nécessite pas de précision, comme c’est le cas à Gidy. Rien n’est connu du cimetière.
4Dans cette partie du Loiret, les datations les plus probables pour l’utilisation du sarcophage vont de la fin du ve s. au viiie s. (Capron et al. 2022 : 86).
5Lors de travaux agricoles en 1973 trois sépultures ont été repérées : deux en fosse et la dernière en sarcophage taillé dans un calcaire coquillier jurassique provenant probablement du Nivernais (Calvo 1975 : 86).
6Le développement de l’archéologie préventive en contexte villageois confirme régulièrement que le cimetière paroissial se développe sur une nécropole communautaire altomédiévale. Le but de cet article n’est pas de faire une recension des exemples, même locaux. Citons simplement le cas de Chilleurs-aux-Bois, où un groupe d’immatures et une quinzaine de sépultures isolées sont présents aux Tirelles et la Rouche à 500/600 m au nord-ouest de l’église (Fournier 2010 : 506-508, 728-732, 779-782, 825-828) où est attestée une nécropole des viie-viiie s. (Baratin 1975 ; Souris 2011).
7Les fouilleurs mettent surtout en avant l’opportunisme découlant de la proximité des ateliers (voir A. Laurent-Dehecq et al. dans le présent volume). La présence d’une population assez aisée, au statut social intermédiaire voire plus élevé, est aussi avérée par d’autres indices. C’est donc peut-être plutôt la conjonction de ces facteurs qui explique la récurrence des toitures en TCA du site.
8L’exemption de redevance de la cure de Gidy en 1369-1370 du fait de sa pauvreté, comme 1/3 environ du reste de l’archidiaconé de Beauce (Longnon 1903 : 326) est un indice pour supposer le faible développement économique et démographique de Gidy à cette date.
Auteurs
† Service régional de l’Archéologie du Centre-Val de Loire, UMR 5199 PACEA.
Inrap Centre-Île-de-France, UMR 7324 CITERES-LAT.
Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental d’Eure-et-Loir, UMR 7041 ArScAn.
Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.
Service Patrimoine et Archéologie du Département de la Vendée, UMR 6566 CReAAH.
Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.
Service de l’Archéologie Préventive, Conseil Départemental du Loiret.

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