Un nouvel ensemble funéraire viiie-xiie siècle à Mérignac (Gironde) ?
A new funerary site from 8th-12th century in Mérignac (Gironde)?
p. 227-239
Résumés
Au printemps 2017, une fouille a été menée dans l’îlot 2 de la future ZAC du centre-ville de Mérignac par le Centre Archéologie Préventive de Bordeaux Métropole. Au cours de cette opération a été mis au jour un ensemble funéraire daté du viiie au xiie s. et qui a livré 112 sépultures pour un total de 131 sujets. Toutes les classes d’âge sont représentées. Les défunts ont bénéficié d’architectures funéraires principalement de deux types : les tombes en fosse ou les contenants en bois non cloués. Ce nouvel échantillon de tombes datées du premier Moyen Âge participe à l’enrichissement des données sur les modes d’inhumation pratiqués à cette époque dans la région et au renouvellement de la typo-chronologie des sépultures médiévales. Le site de Mérignac permet en outre de développer des problématiques relatives à la gestion d’un espace funéraire sur une période de plus de trois siècles. Enfin, la localisation même du site, située à une quarantaine de mètres de l’église romane, conduit à intégrer Mérignac ZAC Centre-Ville îlot 2 dans le corpus des sites permettant de réfléchir à l’implantation et au développement des paroisses au Moyen Âge.
In spring 2017, the Centre Archéologie Préventive de Bordeaux Métropole carried out an excavation in block 2 of the future ZAC (mixed development zone) in the centre of Mérignac. During this campaign, a group of burials dating from the 8th to 12th centuries was uncovered, yielding 112 burials for a total of 131 subjects. All age groups were represented. The deceased benefited from two main types of funerary architecture : standard sunken graves and unstudded wooden containers. This new sample of tombs dating from the early Middle Ages helps to enrich the data on burial methods used in the region at that time, and to renew the typo-chronology of medieval burials. The Mérignac site also provides an opportunity to develop issues relating to the management of a burial ground over a period of more than three centuries. Finally, the location of the site itself, some forty meters away from the Romanesque church, means that Mérignac ZAC Centre-Ville îlot 2 can be included in the corpus of sites that allow us to consider the establishment and development of parishes in the Middle Ages.
Entrées d’index
Mots-clés : espace funéraire, sépulture, premier Moyen Âge, architecture funéraire en bois, phasage, circulation
Keywords : funerary space, burial, early Middle Age, wooden funerary architecture, phase-dating, traffic
Texte intégral
Introduction
1Le centre-ville de Mérignac, commune de la banlieue occidentale de la métropole bordelaise en Gironde, a depuis la fin des années 1970 fait l’objet de différentes opérations archéologiques avec des sondages programmés qui ont été réalisés de 1977 à 1985 sous la direction de J. Sautreau (1981a ; 1981b ; 1982 ; 1984). À partir des années 2000, le réaménagement du centre-ville concernant quatre îlots, situés à proximité de la vieille église Saint-Vincent (Fig. 1) et qui se développent sur les berges de la Devèze, l’îlot 4 en rive sud, les trois autres en rive nord, a entraîné la prescription de plusieurs diagnostics archéologiques successifs sur les îlots 1, 3 et 4, effectués par l’Inrap (Scuiller 2007 ; Scuiller 2009 ; Elizagoyen 2010), et sur l’îlot 2, réalisé par le Centre Archéologie Préventive de Bordeaux Métropole (Michel Gazeau 2016). C’est à la suite de ce dernier qu’a été prescrite la fouille présentée dans cet article (Réveillas 2019).
Fig. 1 - Contexte archéologique de l’îlot 2 de la ZAC du Centre-Ville de Mérignac.

C. Michel Gazeau.
2L’environnement précis du secteur a pu être établi lors de la fouille réalisée par l’Inrap au centre de l’îlot 3 (Béague-Tahon 2013). La présence d’un paléochenal d’orientation différente du cours actuel de la Devèze, comblé dans la deuxième moitié du ier s. av. J.-C., a pu être confirmée.
3La première occupation humaine avérée semble être deux fossés à la datation imprécise (Protohistoire ou Antiquité), documentés par la fouille dirigée par l’une d’entre nous (Réveillas 2019). La période antique est cependant fortement représentée grâce aux découvertes réalisées lors des investigations de J. Sautreau dans l’église Saint-Vincent (1981a ; 1981b ; 1982 ; 1984), qui ont permis la mise au jour, à environ 1,40 m de profondeur et sur une superficie d’environ 100 à 150 m², du plan très partiel d’un bâtiment maçonné interprété comme la pars urbana d’une petite villa. En outre, le diagnostic mené par l’Inrap en 2006 a permis l’identification sur l’îlot 1 d’une occupation humaine pérenne de l’Antiquité à nos jours (Scuiller 2007).
4La date d’abandon du site antique n’est pas connue. Sa transformation en lieu de culte date peut-être des viie-viiie s. ; la construction de l’église datant du xie s. Sous l’abside de l’église ont été repérées une trentaine de sépultures postérieures à un sol en tuileau daté du haut Moyen Âge (Sautreau 1981a). L’une d’entre elles a pu être datée de la fin du viiie s. par radiocarbone et deux sarcophages mérovingiens typiques (à cuve trapézoïdale) ont été fouillés, l’un dans l’abside, l’autre dans le bras du transept. Ces quelques indices pourraient être des arguments en faveur d’une église précoce, comme le proposait C. Higounet en raison de la titulature “Saint-Vincent” de l’église qu’il rattachait au transfert des reliques du saint depuis Saragosse jusqu’à Paris au vie s. (Higounet 1963). La fouille réalisée par l’Inrap au centre de l’îlot 3 a aussi permis d’observer qu’au début de l’époque médiévale, les berges de la Devèze ont fait l’objet de travaux visant à les stabiliser (pieux de maintien) autant qu’à en contenir les éventuels débordements (fossés d’écoulement) (Béague-Tahon 2013). L’autrice avance l’hypothèse de la présence soit d’un habitat, soit d’un lieu de culte, dès cette époque au niveau de l’église Saint-Vincent. Ces aménagements sont cependant rapidement délaissés. Par la suite, la fouille conduite d’avril à juin 2017 par l’une d’entre nous, sur une emprise de 900 m² environ (îlot 2) a révélé un ensemble funéraire de 112 tombes, dont la plupart sont attribuables aux viiie-xe s. (Réveillas 2019).
5Pour le second Moyen Âge, le diagnostic Inrap de 2006 a permis d’observer les vestiges du cimetière de l’église (Scuiller 2007). Seule la partie funéraire de la zone a fait l’objet d’une prescription de fouille qui s’est déroulée en 2009 et a été opérée par la société Archéosphère (Rigeade 2009). La parcelle du cimetière a révélé une continuité d’utilisation du xiie au xixe s., six phases étant distinguées en fonction des pratiques funéraires et des extensions ou rétractions de l’espace cimétérial. Une activité agricole du xiie s. a également été découverte dans l’angle nord-est de la fouille de 2017, ainsi que quelques sépultures datées des xie-xiie s.
6Enfin, pour l’époque moderne, des pieux liés à un niveau tourbeux des anciennes berges de la Devèze, au niveau de l’îlot 4, sont exclusivement associés à du mobilier de cette période (Elizagoyen 2010).
1. Un ensemble funéraire du premier Moyen Âge important
7La fouille de 2017 du CAP de Bordeaux Métropole a permis la mise au jour de 112 sépultures, pour un total de 131 sujets en incluant les ossements en position secondaire. Les tombes ont été retrouvées principalement dans la moitié sud du site et en particulier dans le quart sud-est. Sept sont situées dans le quart nord-ouest. Le quart nord-est est en revanche complètement vide d’inhumations, sans que cela ne puisse être expliqué par la présence d’une structure ou d’un bâtiment (Fig. 2).
Fig. 2 - Plan avec phasage des sépultures.

T. Balbin-Estanguet, M.-C. Daverat.
1.1. Chronologie et mise en phase des sépultures
8Au regard des résultats obtenus pour la fouille voisine près de l’église Saint-Vincent, le diagnostic réalisé sur cet îlot avait proposé une datation comprise entre le xie et le xve s. pour les sépultures mises au jour (mais non fouillées). La typo-chronologie des tombes ainsi que la stratigraphie générale du site, avec de nombreux recoupements par des fosses et un fossé abritant du mobilier céramique daté du xiie s. et de la faune (suidés en position primaire) datée par radiocarbone entre 1028 et 1184, ont conduit à soupçonner une occupation funéraire plus précoce pour une majorité des sépultures. Le fossé est notamment responsable de la destruction d’un nombre indéterminé de tombes au regard du nombre d’ossements en position secondaire mis au jour dans son comblement. L’une des inhumations (1239) a cependant été réalisée en coffrage en pierres, typologie bien connue sur le territoire métropolitain et qui se retrouve notamment pour le second Moyen Âge au nord de l’Aquitaine (Réveillas et al. 2022). Il est à noter que cette tombe est celle située dans l’angle sud-est de la fouille, au plus près de l’église. Plusieurs éléments ont ensuite été croisés afin de proposer une mise en phase des sépultures plus précise. Les recoupements étant assez fréquents entre les tombes, il a été possible de réaliser un premier phasage stratigraphique, complété par les informations sur les couches dans lesquelles avaient été installées les sépultures. Enfin, une première batterie de datations radiocarbone devant être envoyée rapidement1, il a été décidé de s’intéresser dans un premier temps à la question topographique, à savoir si le développement dans l’espace pouvait être corrélé à un développement chronologique de manière nette. Trois squelettes ont donc été ciblés sur ces critères, un à l’extrémité sud-sud-est, un à l’extrême nord et un entre les deux. Le quatrième a été distingué car il était recoupé par un autre, présentant une orientation différente. Six autres individus ont ensuite été choisis dans un deuxième temps, en privilégiant cette fois-ci les recoupements et les changements d’orientation. La sépulture la plus au nord est datée entre 714 et 9402, trois présentent des datations similaires entre 771 et 9943, deux entre 894 et 10304, deux entre 978 et 11555 et deux entre 1025 et 10606. Ces dernières sont localisées dans l’angle sud-est, au plus près de l’église, à proximité du coffrage en pierres.
9Très vite, il est cependant apparu qu’un élément supplémentaire pouvait être employé afin d’effectuer cette mise en phase. La lecture du plan a en effet permis de distinguer des variations d’orientation plus ou moins marquées. Afin d’être le plus objectif possible, les orientations ont été définies selon un angle par rapport au nord et des intervalles ont été choisis ; une couleur leur a été attribuée. Pour les sujets dont l’angle était situé en limite (autour des 292,5° par exemple), les éléments ont été croisés avec la stratigraphie. Il a ainsi été possible de proposer l’hypothèse de huit phases d’inhumation pour cet ensemble funéraire (Fig. 2).
10La première phase correspond aux 33 individus inhumés selon une orientation ONO-ESE, parmi lesquels se situent les quatre sujets ayant livré les datations radiocarbone les plus anciennes7. Ces sépultures sont ensuite perturbées par des tombes qui leur sont perpendiculaires, orientées NNE-SSO (phase 2), 31 individus appartiennent à ce sous-ensemble. Les tombes de la phase 2 sont elles-mêmes recoupées par des fosses dans lesquelles les sujets ont été déposés selon un axe nord-sud plus marqué (phase 3 ; 8 individus), un sujet a été daté entre 894 et 1030. À partir de cette phase, plusieurs tombes sont installées dans un nouvel encaissant8, qui scelle deux sépultures à proximité l’une de l’autre, l’une de la phase 1, l’autre de la phase 2. Sont ensuite installées 9 sépultures présentant la même orientation que lors de la première phase (phase 4). Les 13 tombes de la phase 5 possèdent elles aussi une composante ouest mais un léger décalage vers le nord est observable, elles sont orientées NO-SE. L’une des tombes est datée entre 894 et 1030. Les 11 sépultures de la phase 6 ne recoupent pas de fosses de la phase 5 mais deux d’entre elles ont livré une datation un peu plus récente, entre 978 et 1151 pour l’une et entre 993 et 1155 pour l’autre ; on peut également noter qu’elles leur sont perpendiculaires, avec un décalage vers l’est par rapport aux inhumations de la phase 2. La phase 7 regroupe 6 tombes parmi les plus récentes dont l’orientation diffère de manière marquée des précédentes, deux étant datées au radiocarbone, respectivement entre 1025 et 1159 et entre 1025 et 1160. Enfin, la phase 8 n’est représentée que par une sépulture, aperçue dans la berme est et qui est postérieure à la couche qui scelle la sépulture datée par radiocarbone entre 1025 et 1160. Comme indiqué précédemment, ces tombes les plus récentes sont toutes situées dans l’angle sud-est du site, soit au plus près de l’église Saint-Vincent. Ces deux dernières phases sont sans doute à rapprocher des premières identifiées lors de la fouille de l’îlot 1 en 2009 (Rigeade 2009 : 121)9.
1.2. Les pratiques funéraires
1.2.1. Les fosses
11Le plan de 81 fosses a pu être observé au moins partiellement, il est resté indéterminé pour 30 sépultures. Les fosses de plan rectangulaire sont les plus fréquentes, aux angles arrondis (19 cas) ou non (14 cas), suivies par celles de plan ovalaire (24 cas). On peut également noter la présence de sept voire huit fosses anthropomorphes. La longueur des fosses entières oscille entre 52 et 298 cm, leur largeur entre 43 et 115 cm. Leur hauteur est conservée entre 6 et 52 cm. La taille, en particulier la longueur, est fonction de l’âge de l’individu et de l’architecture funéraire employée. Pour les sujets adultes, la longueur de la fosse est ainsi de 190 cm au minimum. Dans le cas des sépultures dont l’architecture funéraire obéit à la définition de la “tombe en fosse” telle que la définit F. Blaizot10, que la fosse soit anthropomorphe ou non, les dimensions du creusement mesurent généralement entre 180 et 200 cm (à l’exception de la sépulture 1481, qui mesure 250 cm) alors que les sépultures d’adultes ayant bénéficié d’un contenant en bois ont une longueur qui est quasiment toujours supérieure à 200 cm, dépassant même dans sept cas les 250 cm.
12Au total, lorsque les limites de creusement ont pu être observées entièrement, le nombre de tombes dont la longueur de fosse est supérieure à 200 cm est de 30 (environ 60 %) tous âges confondus, 28 pour les seuls sujets adultes (73,7 %). Si l’on rajoute les fosses contenant un squelette entier et dont la longueur minimale a pu être estimée, le nombre de tombes dont la longueur est supérieure à 200 cm est de 37, soit 59,7 %. Les fosses de grande dimension se retrouvent pour la période sur d’autres sites proches (Gradignan, Jau-Dignac et Loirac en Gironde) (Cartron et Castex 2010 ; Réveillas en cours) ou plus éloignés (vallée du Rhône par exemple) (Blaizot et Savino 2006). Les cimetières du second Moyen Âge voient en revanche une diminution de la taille des creusements, plus adaptés à un espace contraint (Rigeade 2009 ; Réveillas en cours par exemple).
13La largeur des fosses est moins dépendante de l’âge de l’individu que la longueur11 mais elle est en revanche reliée à l’architecture funéraire, même si cela est moins évident. Les fosses couvertes sont ainsi souvent plus étroites que les tombes ayant accueilli un contenant mais ce n’est pas systématique. Il convient cependant de garder à l’esprit le fait que le niveau d’ouverture des tombes n’a pas été perçu et que les largeurs observées ici ne sont que des minima. En effet, pour la sépulture 1102 par exemple, la largeur au sommet n’est pas la même qu’en fond de fosse (respectivement 110 et 87 cm), avec un ressaut et au-dessus de celui-ci des parois évasées. Il est donc possible que ce cas ne soit pas isolé.
1.2.2. Les architectures funéraires
14Deux types principaux d’inhumations ont été reconnus sur le site, les tombes en fosse et les contenants en bois non cloués12.
15Dans le cas des premières, 29 occurrences (30,9 %) ont pu être identifiées. Sept voire huit ont bénéficié d’un creusement anthropomorphe dans le substrat calcaire, surtout marqué au niveau de la tête et du décrochement des épaules (Fig. 3). Huit ont un plan rectangulaire, huit un plan ovalaire ; les autres présentant un contour quadrangulaire sans précision (deux cas) ou irrégulier (un cas) (Fig. 4). Il n’est pas déterminé dans deux cas. L’identification de cette architecture funéraire a principalement reposé sur l’étude des profils longitudinaux et transversaux du fond de fosse ainsi que sur l’observation des restes osseux in situ, notamment les éventuels pendages d’ossements. Le corps reposait directement sur le fond de la fosse, sans aménagement particulier pour 25 individus. Il a été possible de proposer pour quatre autres sujets l’hypothèse d’un dispositif de surélévation du corps en raison des déplacements osseux constatés (Réveillas 2019). Les tombes en fosse sont peu fréquentes à la phase 1 (11,5 %) et absentes durant la phase 4 (mais les effectifs sont limités), elles se développent à la phase 2 (41,9 %) et au cours des phases 3, 5, 6 et 7 (respectivement 50 %, 27,3 %, 30 % et 50 %, mais les effectifs sont beaucoup plus faibles).
Fig. 3 - Exemple de fosse anthropomorphe.

M.-C. Daverat.
Fig. 4 - Exemple de contenant monoxyle.

V. Parcollet.
16Cinquante-et-un défunts (54,3 %) ont quant à eux bénéficié d’un contenant en bois non cloué, sans qu’il ne soit toujours possible de le caractériser plus précisément (coffrage, contenant monoxyle ou cercueil chevillé). La principale distinction qui peut être observée sur le site de l’îlot 2 à Mérignac est la présence d’un dispositif de surélévation du contenant ou non. Ainsi, 20 à 21 (39,2 à 41,2 %) contenants ont été surélevés contre 14 à 15 (27,5 à 29,4 %) pour lesquels cela ne semble pas avoir été le cas. Il n’a pas été possible de le savoir pour 11 tombes (21,2 %). Dans un cas, le fond n’était pas construit et pour les trois dernières sépultures l’hypothèse d’un contenant monoxyle a été proposée (Fig. 5).
Fig. 5 - Exemple de fosse de contour ovalaire.

M. Rivollat.
17La surélévation du fond du contenant se traduit par d’importants mouvements au niveau du squelette (Fig 6). Les ruptures au niveau des planches et des traverses sur lesquelles le défunt reposait entraînent des dislocations similaires d’une tombe à une autre. Ces phénomènes ont été observés à plusieurs reprises pour la même période sur des sites proches, par exemple à Bruges (Gironde) (Masson 2017 : 97) ou à Jau-Dignac et Loirac (Gironde) (Cartron et Castex 2010 ; Réveillas et al. 2012).
Fig. 6 - Exemple de fosse couverte avec dispositif en surélévation.

M. Rivollat.
1.2.3. Le traitement du corps
18Lorsqu’il a été possible de le déterminer, tous les sujets ont été déposés sur le dos. Comme indiqué auparavant, les orientations se répartissent en revanche en deux grands groupes, l’un où la tête a été placée grossièrement à l’ouest (entre 268° et 328°), suivant ainsi plus ou moins les recommandations chrétiennes (Lorans 2000), l’autre où la tête a été disposée globalement au nord-nord-est (entre 3° et 42°). Comme nous le verrons ultérieurement, ces changements sont plutôt à mettre en relation avec l’organisation de l’espace funéraire. Les membres supérieurs sont la plupart du temps en extension, légèrement repliés ou fléchis à 90°. Les membres inférieurs sont presque toujours en extension lorsqu’ils sont observables.
19L’étude archéothanatologique a permis de déduire la présence d’une enveloppe souple dans douze tombes, elle est probable pour quatre individus et envisageable dans quinze cas. Plusieurs défunts présentent également des indices en faveur d’un support pour la tête en matière périssable en raison des déplacements observés au niveau du crâne, de la mandibule et des vertèbres cervicales.
20Aucun mobilier n’a été retrouvé dans les sépultures.
1.3. La population
1.3.1. Composition par âge et par sexe
21Parmi les 131 sujets mis au jour, 41 sont décédés à moins de 20 ans, 2 entre 15 et 24 ans et 88 à plus de 20 ans. L’espérance de vie à la naissance de l’échantillon est de 40 ans, chiffre assez élevé comparé à ce que l’on peut observer pour les populations du passé parmi les plus aisées où l’âge de 40 ans est la limite supérieure (Masset 1987 ; Sellier 1995 ; Sellier 1996). Différents quotients de mortalité ont été calculés et comparés aux valeurs de S. Ledermann (1969) pour les tables de mortalité du réseau 100 avec des espérances de vie à la naissance de 25 ans et de 35 ans (intervalles de confiance à 95 %)13. Le quotient 20q0, qui représente le quotient de mortalité des individus décédés avant 20 ans, est égal à 328,24 ‰, ce qui est supérieur à la valeur minimale trouvée pour une population à l’espérance de vie à la naissance de 35 ans, 300,80 ‰. Le quotient 15q0 (sujets décédés avant 15 ans), égal à 282,44 ‰, est quant à lui très légèrement inférieur à la valeur minimale de 284,45 ‰ pour une espérance de vie à la naissance de 35 ans. Ce dernier quotient indique une représentation quasi normale en sujets décédés à moins de 15 ans.
22Le profil de mortalité permet de constater que la valeur faible du quotient 15q0 est en réalité uniquement due à une sous-représentation en enfants de moins d’un an (Fig. 7). Toutes les autres classes d’âge présentent des valeurs conformes à une mortalité théorique. Les tout-petits ont pu bénéficier d’un secteur qui leur était réservé ailleurs au sein du cimetière, mais ils ne sont pourtant pas totalement absents ici. L’hypothèse d’une moindre conservation des restes squelettiques des plus jeunes individus, comme cela a parfois pu être discuté (Guy, Masset et Baud 1997 ; Bello et al. 2002)14 n’apparaît pas satisfaisante car des os de tout-petits ont été découverts, y compris dans les couches remaniées. Les phénomènes de destruction des tombes par les recoupements entre elles ou par l’évolution de l’occupation du site après le xiie s. peuvent avoir été plus marqués pour les très jeunes enfants en raison de la petite taille des fosses et éventuellement de la plus faible profondeur d’enfouissement de ces corps. Les autres quotients de mortalité pour les sujets de moins de 20 ans présentent des valeurs basses par rapport aux données de S. Ledermann, avec un minimum pour la classe d’âge des 10-14 ans. Toutes les classes d’âge ont donc été accueillies dans cet espace funéraire, au moins dans cette partie, puisque ses limites est et sud ne sont pas connues.
Fig. 7 - Distribution des âges au décès pour les sujets immatures et les jeunes adultes. Comparaison avec les valeurs théoriques de S. Ledermann (1969) (réseau 100).

H. Réveillas.
23Parmi les 88 adultes mis au jour, 26 sont de sexe masculin, 32 de sexe féminin et 30 de sexe indéterminé.
24La légère différence observée entre le nombre d’hommes et le nombre de femmes n’est pas statistiquement significative15 et peut s’expliquer par la quantité de sujets de sexe indéterminé. Cet équilibre du sex-ratio est maintenu durant toutes les phases.
1.3.2. L’état sanitaire
25Les défunts inhumés sur le site de l’îlot 2 à Mérignac présentent des pathologies osseuses et dentaires qui peuvent être qualifiées de banales (arthrose, enthésopathies, traumatismes, caries…), dans des proportions qui ne se démarquent pas des données obtenues sur des sites géographiquement proches et/ou contemporains (Réveillas 2014 ; Masson 2017). Il est toutefois possible de signaler la présence de plusieurs cas probables de maladie pulmonaire. Plusieurs individus (un homme décédé entre 30 et 59 ans, un enfant décédé entre 0 et 4 ans, un sujet de sexe indéterminé décédé à plus de 20 ans et un grand adolescent) présentent en effet des lésions serpigineuses en face interne du crâne (Hershkovitz et al. 2002). Un autre (décédé entre 5 et 14 ans) présente des appositions périostées observées en face interne d’une côte droite (Weston 2008). Cette hypothèse peut aussi être avancée pour un enfant décédé entre 2 ans et demi et 6 ans et 8 mois, une femme décédée à plus de 30 ans et une jeune femme : tous présentent des lyses osseuses sur plusieurs côtes, parfois accompagnées d’un remaniement osseux. Il pourrait s’agir d’une infection de type tuberculose ou brucellose (Ortner 2003 : 227‑263). La tuberculose peut également être fortement soupçonnée pour un sujet immature décédé entre 5 et 14 ans, atteint à la fois au niveau de cinq côtes (deux droites et trois gauches), de la cinquième vertèbre lombaire et des tibias, et pour un homme décédé à plus de 20 ans, qui présente des appositions périostées importantes au niveau du coude droit (humérus et ulna). Enfin, nous pouvons noter la présence de deux sujets porteurs d’ostéomyélite au niveau d’un os du membre inférieur, donc particulièrement handicapante.
2. Fonctionnement et organisation de l’espace funéraire
2.1. Caractéristiques biologiques et architecture funéraire
26L’architecture funéraire employée ne semble pas fonction du sexe ou de l’âge des individus. L’utilisation d’un contenant en bois plutôt qu’une fosse couverte n’apparaît pas ainsi reliée à l’âge de l’individu. Il n’existe pas non plus de relations perceptibles entre l’architecture funéraire et l’état sanitaire ou les pathologies, qu’elles soient osseuses ou dentaires.
2.2. Éléments de topographie funéraire
2.2.1. Répartition des sujets selon l’âge, le sexe et les pathologies
27Aucune spécialisation de l’espace n’apparaît selon le sexe (Fig. 8). La question peut se poser pour l’âge (Fig. 9) puisque l’on peut voir que les sujets les plus jeunes semblent absents au nord-nord-ouest et peu présents à l’ouest. La densité de tombes est cependant plus faible de manière générale dans ces secteurs-ci. De plus, à l’ouest, plusieurs perturbations contemporaines ont pu entraîner la disparition des sépultures des sujets les plus jeunes. Il ne semble pas y avoir non plus de spécialisation selon les atteintes dégénératives telles que l’arthrose ou les nodules de Schmorl. Un potentiel regroupement de sujets victimes de fractures est visible (Fig. 10) pour des individus appartenant aux phases 1 et 2. Ils sont situés en bordure de l’espace le plus dense en sépultures mais ne sont pas non plus isolés, d’autres inhumations sont proches. Enfin, on peut noter que les deux sujets ayant souffert d’une ostéomyélite apparaissent plus isolés, au nord-ouest de l’espace le plus densément occupé. Tous deux suivent la même orientation et appartiennent a priori à la troisième phase de dépôt des corps.
Fig. 8 - Répartition des individus selon l’âge et le sexe.

H. Réveillas, M.-C. Daverat.
Fig. 9 - Répartition des individus selon l’âge.

H. Réveillas, M.-C. Daverat.
Fig. 10 - Individus présentant au moins une fracture.

H. Réveillas, M.-C. Daverat.
2.2.2. Organisation de l’espace
28Quelle que soit la phase, les sépultures sont principalement installées dans la moitié sud de l’emprise de fouille, sept apparaissant plus dispersées dans le quart nord-ouest (Fig. 2 supra). L’espace vide sur le plan entre les deux groupes est dû au fossé postérieur, responsable de la destruction d’un nombre indéterminé de tombes.
29Les sépultures attribuées à la phase 1 (Fig. 11) semblent s’aligner sur l’axe du fossé plus ancien (cf. supra) situé un peu plus au nord et qui était peut-être alors encore visible. Les tombes sont principalement implantées dans le quart sud-est de la fouille. Trois d’entre elles apparaissent un peu, voire très à l’écart, au nord-ouest de l’ensemble que l’on peut qualifier de principal. Au regard de la position de la sépulture la plus septentrionale par rapport à la berme, il n’est cependant pas impossible qu’elle ne soit pas véritablement isolée mais à rattacher à un autre ensemble hors de l’emprise de fouille. Lors du diagnostic, aucune inhumation n’avait été retrouvée dans la tranchée la plus proche, mais des structures de la période contemporaine avaient été mises au jour (Michel Gazeau 2016 : 35). Aucune sépulture ni même d’ossements humains en position secondaire n’ont en revanche été découverts dans le quart nord-est du site. Un vide est également perceptible au sud-ouest. Dans les deux cas, la non-utilisation de l’espace est délicate à associer à la présence d’une structure construite en bois ou en adobe, aucune fosse de type trou de poteau n’ayant été mise au jour, même si cela a pu être détruit par les sépultures postérieures au sud-ouest ou arasé au nord-est.
Fig. 11 - Localisation des sépultures de la phase 1 (zoom moitié sud).

D. Mouquet et T. Balbin-Estanguet.
30Au sein de l’ensemble principal, une organisation raisonnée semble avoir eu cours (Fig. 11). Plusieurs alignements sont en effet visibles, le plus important regroupe 11 tombes. La sépulture 1558 au nord est quant à elle légèrement décalée vers l’est. Les fosses sont parfois très proches et se recoupent dans certains cas. À l’est, trois sépultures prises dans la berme (1016, 1112 et 1380) paraissent également avoir été disposées en rangées. Enfin, un dernier alignement peut être suspecté de l’autre côté, à l’ouest, au niveau des tombes 1055, 1374, 1596 et 1602. L’espace de circulation entre la rangée centrale et la rangée orientale est d’environ 4 m, il est d’environ 1,50 m entre la rangée centrale et la potentielle rangée occidentale. Outre ces alignements, nous pouvons noter la présence de regroupements par paires, correspondant peut-être à des alignements avortés. C’est le cas pour les sépultures 1213 et 1514 (deux femmes), 1216 et 1219 (deux sujets de sexe indéterminé), 1389 et 1555 (deux enfants) voire 1484 et 1532 (une femme et un sujet de sexe indéterminé). Ce fonctionnement par petits groupes est fréquent dans les ensembles funéraires de cette période (Peytremann 2003 ; Peytremann 2013 : 229‑233), la question des regroupements familiaux est souvent posée.
31Les sépultures de la phase 2 présentent une orientation à 90° par rapport à celles de la phase 1, elles sont grossièrement nord-sud, la tête du défunt disposée au nord (Fig. 12). Ces tombes ne vont pas au-delà d’une limite matérialisée par les inhumations les plus septentrionales de la phase 1, la plus au nord étant la sépulture 1535. Elles investissent en revanche fortement l’espace délaissé par ces dernières au sud-ouest. Dans les zones communes, les relations avec les sépultures précédentes sont variables. Dans quatre cas, la perturbation est notable, la nouvelle fosse étant creusée en grande partie dans l’ancienne ; dans sept cas seuls les bords de fosse sont légèrement atteints.
Fig. 12 - Localisation des sépultures de la phase 2 (zoom moitié sud).

T. Balbin-Estanguet.
32L’hypothèse de quatre rangées peut être proposée. Deux, les plus au nord, sont parallèles entre elles et aux sépultures de la phase 1, les deux autres sont également parallèles entre elles mais se développent selon un axe légèrement différent (alors que ce n’est pas le cas pour les tombes). L’espace de circulation entre chaque rangée est réduit, notamment entre d’une part les rangées septentrionales (0,80 m) et d’autre part les méridionales (0,80 m). Les sépultures hors rangées se situent en majorité entre celles-ci ou légèrement décalées par rapport à l’une ou l’autre.
33Une seule sépulture, 1535, apparaît un peu à l’écart. Parmi les inhumations “débordantes”, nous pouvons noter que deux d’entre elles (1361 et 1410) ont été implantées le long de la rangée principale de la phase 1, tout comme les sépultures 1025, 1092 et 1565 (associées aux rangées septentrionales de la phase 2). Cette localisation est peut-être souhaitée, ce qui impliquerait alors une persistance de la signalisation des tombes de ce secteur. La durée d’utilisation de l’espace funéraire étant relativement courte ici, cela ne paraît pas impossible. Comme pour la phase 1, des paires peuvent être proposées : 1153 et 1156 d’une part et 1141 et 1398 d’autre part. On peut aussi s’interroger ici sur la proximité de ces petits groupes avec des sépultures antérieures (1395 pour 1141 et 1398 par exemple) et la question de regroupements familiaux reste posée.
34La phase 3 regroupe des sujets déposés approximativement selon un axe nord-sud, légèrement dévié par rapport à l’orientation des tombes précédentes (Fig. 2). Trois (1022, 1186 et 1599) ont été insérées dans les espaces disponibles et trois (1207, 1421 et 1481) ont recoupé des sépultures de la phase 2. Quatre de ces six sépultures appartiennent aux rangées proposées pour cette même phase 2. L’individu 1421 a été inhumé au sein du groupe constitué des sujets 1141, 1395 et 1398 issus des deux phases précédentes. Deux individus (1225 et 1386) ont été installés au nord-ouest, à distance des autres, ce sont les deux victimes d’ostéomyélite (cf. supra).
35Les sépultures de la phase 4 présentent la même orientation que celles de la phase 1 (plutôt ouest-est) mais leur sont postérieures puisqu’elles recoupent celles des phases 1 à 3 (Fig. 2). Quatre d’entre elles (1364, 1371, 1576 et 1639) viennent s’insérer dans les rangées nord-sud préexistantes. Deux (1138 et 1576) se rapprochent du groupe constitué par les inhumations 1141, 1395, 1398 et 1421. Les deux dernières (1222 et 1418) ont en revanche été mises au jour dans le secteur nord-ouest de la fouille.
36Les sujets de la phase 5 ont été déposés selon une orientation nord-ouest/sud-est, la tête au nord-ouest (Fig. 2). Une légère rotation est donc perceptible par rapport à ceux des phases 1 et 4. Toutes les sépultures sont regroupées dans un espace assez restreint, dans le quart sud-est du site. Il est difficile de parler de rangées, même si elles sont, pour huit d’entre elles, implantées à l’emplacement des deux rangées les plus à l’ouest de la phase 1. Si la mémoire des alignements est conservée, celle des tombes en elles-mêmes ne l’est peut-être pas, les recoupements étant fréquents.
37Durant la phase 6, une rotation à 90° par rapport à la phase 5 a lieu, comme au moment du passage entre les phases 1 et 2 (Fig. 2). Les défunts sont déposés la tête au nord, avec un désaxage par rapport à ceux de la phase 2 de la même amplitude que celui entre les phases 1 et 4 d’une part et la 5 d’autre part. Les effectifs étant faibles, aucune organisation ne se détache. Nous pouvons uniquement signaler la présence de deux sépultures de cette phase encadrant une tombe de la phase 3 (1481), constituant ainsi potentiellement un petit groupe. Aucune inhumation de cette période n’a été réalisée dans le secteur nord-ouest du site. Enfin, les individus de la phase 7 ne présentent pas tous la même orientation mais ont été rassemblés sur la base d’arguments stratigraphiques et typochronologiques (coffrages en pierres) associés aux datations radiocarbone (Fig. 2). Le sujet 1436, orienté ouest-est avec une très légère composante sud, a été découvert au nord de la rangée occidentale de la phase 1. L’individu 1273, orienté NE-SO, a été découvert près de la berme sud. Les quatre autres inhumations sont concentrées sur une surface réduite, dans l’angle sud-est de la fouille. Deux d’entre elles (1010 et 1646) sont orientées ouest/est, les deux autres (1004 et 1239) NO-SE. Elles traduisent la rétraction de l’espace funéraire au plus près de l’église Saint-Vincent, phénomène observé pour des ensembles du Val de Loire, à Rigny-Ussé ou Joué-lès-Tours par exemple (Zadora-Rio et Galinié 1996 ; Papin et al. 2018). Il laisse alors place à une occupation agricole et/ou domestique, sans que l’on puisse véritablement trancher.
Conclusions
38Ce nouvel échantillon de tombes datées de la période carolingienne participe donc à l’enrichissement des données sur les modes d’inhumation pratiqués au premier Moyen Âge et au renouvellement de la typo-chronologie des sépultures médiévales dans la région bordelaise. Tous les défunts ont été déposés classiquement pour la période, sur le dos, mais leur orientation est parfois apparue beaucoup plus surprenante, avec une alternance de dépôts approximativement ouest-est et nord-sud, sans que les contraintes de l’espace ne puissent toujours l’expliquer. Les recoupements étant nombreux, sept phases de fonctionnement dans le cimetière ont pu être proposées sur la base de datations radiocarbone et d’arguments stratigraphiques et typo-chronologiques et, à chaque phase à l’exception de la dernière, correspond une orientation des corps. Les premiers défunts ont ainsi été déposés globalement ouest-est, ceux de la deuxième phase nord-sud, etc. Il n’y a pas de différence au niveau des architectures funéraires selon la phase à l’exception de la dernière (présence de coffrages en pierres).
39Les sépultures s’installent principalement dans la moitié sud du site, sept apparaissant plus dispersées au nord-ouest (phases 1, 3 et 4 seulement). L’espace vide entre les deux groupes est dû au fossé postérieur (cf. supra). L’utilisation de l’espace funéraire apparaît comme particulièrement rigoureuse, en particulier pour les quatre premières phases. Des hypothèses quant à des rangées ont pu être proposées, faisant ainsi apparaître différents espaces de circulations et conduisant à s’interroger sur la perpétuation de la mémoire des tombes et leur signalisation. Outre ces alignements, des rassemblements par petits groupes semblent également avoir existé. La question de regroupements familiaux se pose alors. Des réponses à cette interrogation pourraient être apportées par une étude des variations anatomiques non métriques, voire une analyse paléogénétique. La fin de l’occupation funéraire au xiie s. se traduit par une diminution de sépultures sur le site et une rétraction de l’espace, quatre des six dernières tombes étant installées dans l’angle sud-est, au plus près de l’église Saint-Vincent. Il s’agit bien a priori d’une réduction de l’espace et non d’un déplacement, les fouilles des années 1970 et 1980 dans l’église au sud-est ayant mis en évidence la présence d’inhumations dans un vaste espace dès le viiie s., voire plus tôt en raison de la découverte de fragments de sarcophages mérovingiens (Sautreau 1981 b ; Sautreau 1984). Sur le côté nord de l’édifice religieux se développe ensuite un cimetière à partir de la fin du xe s. jusqu’à l’époque moderne (Rigeade 2009). Cette polarisation autour de l’église et ce resserrement du cimetière sont les caractéristiques du processus qui s’enclenche à la fin du haut Moyen Âge et s’achève aux xiie et xiiie s., avec la prise en main par l’Église des espaces funéraires, “désormais sacralisés et gérés par les clercs” (Lauwers 2015 : 59). Le site est alors libéré pour de nouvelles activités, comme en témoignent plusieurs silos et fosses datés du xiie s.
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Notes de bas de page
1Le Centre Archéologie Préventive fonctionnant avec un marché annuel entre Bordeaux Métropole et Beta analytic, il était nécessaire d’engager les dépenses avant la fin de l’année et donc malheureusement avant l’étude proprement dite du site.
21232 (Beta – 479694).
31055 (Beta – 479696), 1210 (Beta – 627175) et 1219 (Beta – 479697).
41159 (Beta – 627174) et 1386 (Beta – 627178).
51298 (Beta – 627177) et 1529 (Beta – 627179).
61010 (Beta – 479695) et 1273 (Beta – 627176).
7Entre 714 et 968, 771 et 965, 773 et 968 et 776 et 994.
8Argilo-limoneuse, cette couche pourrait correspondre à un épisode de débordement de la Devèze, sans qu’il ne soit possible d’éliminer l’hypothèse d’un apport anthropique.
9La reprise des données de ce site a été réalisée dans le cadre d’un Master 2 en Archéothanatologie à l’Université de Bordeaux durant l’année universitaire 2022-2023 par T. Ernoult.
10“Le terme de ‘tombe en fosse’ (type 1) est employé ici dans le cas où la fosse constitue le réceptacle du corps : généralement, le squelette repose directement sur son fond, et toujours au contact de ses parois. Cela n’exclut cependant pas une architecture, en l’occurrence un couvercle, et parfois un plancher surélevé ; l’absence de parois construites s’avère être le seul élément discriminant” (Blaizot 2011 : 34).
11Qui est d’autant plus importante que l’individu est grand en taille.
1294 individus possédaient un squelette suffisamment bien conservé et représenté pour pouvoir discuter de l’architecture funéraire, sur les 111 comptabilisés en position primaire.
13Nous avons privilégié ces espérances de vie, classiquement utilisées lors des études de la répartition par âge des sujets immatures par classes d’âge car l’intervalle qu’elles définissent est le plus souvent rencontré en démographie historique. Les anomalies apparues ont confirmé que le résultat obtenu pour l’espérance de vie à la naissance (40 ans) ne correspondait probablement pas à la réalité.
14Bien que cela ne soit pas le cas sur de nombreux sites comme Jau-Dignac et Loirac (Gironde) ou Provins (Seine et-Marne), par exemple (Cartron et Castex 2010 ; Portat, Guillon et Delattre 2011).
15Test bilatéral de Fisher p=0,7102 et X²=0,31118 p=0,577.
Auteurs
-
Hélène Réveillas
Service Archéologie de Bordeaux Métropole, Université de Bordeaux, UMR 5199 PACEA.
-
Marie-Caroline Daverat
Service Archéologie de Bordeaux Métropole, UMR 5607 Ausonius.

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