L’eau et ses usages à Blois du xe au xiiie s. comme éléments structurants de l’espace urbain
Water and its uses in Blois as a formative force in urban planning from the 10th to the 13th c.
p. 255-266
Résumés
Blois est une ville moyenne installée sur la Loire. Le fleuve est exploité pour ses ressources halieutiques et énergétiques (pêcheries et moulins), et il permet la circulation des marchandises. Depuis la construction de l’enceinte au xiiie s., la ville a été contrainte dans ses murs jusqu’à la fin de la période moderne. Du xe s. au xiiie s., la croissance urbaine est visible dans la ville et en Loire grâce aux nombreux aménagements fluviaux. Les espaces investis sur les deux rives du fleuve, ports et lieux d’accostage de bateaux, sont très dépendants de la position des ponts successifs et de celle de l’enceinte. La forme du système viaire semble aussi étroitement associée à la logique spatiale des activités commerciales. Les usages de l’eau à Blois sont des révélateurs de la croissance urbaine et des fixateurs de la structure urbaine sur le temps long. Cela se traduit par la création de corridors « fluviaires » bien visibles dans le paysage.
Blois is a medium-sized town on the Loire. The river was used for its halieutic and energy resources (fisheries and watermills) and facilitated the circulation of goods. From the construction of the town walls during the 13th c. the city was confined within its boundaries up to the end of the modern period. From the 10th c. until the 13th, urban development is visible in the town, as well as on the Loire, through numerous reworkings to its banks and course. The areas developed on both sides of the river, its ports and moorings, were closely influenced by the successive bridges and later by the town wall. The road network was also closely linked to the requirements of commercial activity. The uses of water in Blois are indicative of urban development and the fixative features of its topography over the long term. A result of this is the creation of river routes very visible in the landscape.
Entrées d’index
Mots-clés : morphologie urbaine, corridor fluviaire, réseau viaire, eau, Moyen Âge, Blois, Loire
Keywords : urban morphology, river corridor, road network, water, Middle Ages, Blois, Loire
Texte intégral
1. Le contexte environnemental : présence de l’eau
1Blois, ville moyenne installée sur la Loire, fait l’objet d’un projet de recherche pluridisciplinaire depuis 2013 qui a pour objectif l’étude de la ville sur la longue durée. La ville est perçue dans un environnement ligérien élargi, le val de Blois, cadre propice pour l’étude du site où se jouèrent les prémices de la fabrique urbaine et dans lequel la ville se développe depuis deux millénaires.
2Le lit du fleuve est large de 1,7 à 2,45 km et limité par des coteaux relativement abrupts (Fig. 1). Le lit mineur occupe une position excentrée dans la vallée. Au nord, il n’est séparé de la base du versant que par une mince bande de terrains alluviaux de 80 à 500 m de large recouverte de dépôts anthropiques. Cela a été le lieu de développement privilégié de la ville dès son origine à la fin du ier s. av. J.-C. ou au début du ier s. ap. J.-C. La position des traits de rive ne peut être qu’estimée avant le xiiie s., mais les connaissances archéologiques permettent néanmoins de déterminer une bande étroite de 300 m de largeur, espace dans lequel les berges devaient se trouver avant cette période, qu’elles soient aménagées ou non.
Fig. 1 - La topographie ligérienne et la présence de l’eau dans le val de Blois

Sources graphiques : composantes du RGE® 2018, équipe du PCR Blois, V. Aubourg.
3En rive droite, le plateau calcaire est entaillé par l’Arrou. Un promontoire résulte de cette incision au niveau de la confluence avec le fleuve. La canalisation souterraine de l’Arrou, mais aussi des Mées, rend aujourd’hui leur tracé difficilement décelable. Leur confluence serait à localiser au niveau du centre-ville actuel, en rive droite (Le Doussal 2015 : 129-133). Le tracé des Mées est plus conjecturel que celui de l’Arrou, bien mieux documenté. Les Mées seraient un affluent de l’Arrou ou de la Loire (Lorain 1981 : 13). Près des Mées, le quartier de la rue Foulerie concentre durant les époques médiévale et moderne les activités textiles (foulons) et de tannerie qui auraient opportunément profité de la présence du ruisseau (Fig. 2).
Fig. 2 - Blois au xiiie s. sur fond cadastral napoléonien

Sources graphiques : ADLC 41, 3P2 18, V. Aubourg.
4La mise en place d’un voûtement discontinu pour l’Arrou est au moins attestée en 1518 (Guignard et Sauvage 2020 : 16). Ce cours d’eau est une contrainte pour la circulation, car il ne peut être franchi qu’aux endroits où un pont est aménagé (Fig. 2). Quelques textes postérieurs au début du xive s. renseignent sur la perception qu’avaient les habitants de ce cours d’eau (Guignard et Sauvage 2020 : 12-16). L’Arrou représente des dangers multiples notamment lors des fortes intempéries qui entraînent parfois des inondations qui occasionnent des dégâts sur les fondations des habitations. Il engendre aussi des risques sanitaires – même si cette réalité n’est pas nécessairement toujours ressentie ainsi par les habitants, ou a contrario est parfois exagérée. On suppose qu’il devait alimenter le fossé de ville au pied du promontoire castral au nord, au niveau de la Porte-Côté auprès de laquelle le cours d’eau s’engouffrait sous l’enceinte avant son parcours urbain. Ce modeste ruisseau était aussi pourvoyeur d’eau pour les activités domestiques et artisanales.
5En rive gauche, la présence de la Noue et du Cosson, ainsi que celle d’une ancienne chenalisation ligérienne ont longtemps favorisé le maintien de zones humides (boires) qui contraignirent l’expansion urbaine au sud et compliquèrent le franchissement de la vallée (Fig. 1). Dans cette plaine alluviale, dès l’installation des premières sociétés humaines, les habitats – aujourd’hui dans l’emprise du quartier de Vienne – auraient été cantonnés, au nord par le chenal principal, et au sud par des zones marécageuses, lesquelles sont attestées au moins depuis la période romaine (seconde moitié du iiie s. – Beta-391988, 1680 ± 30 BP) jusqu’au haut Moyen Âge (seconde moitié du viiie s. – Lyon-13596(GrA), 1180 ± 30 BP) et l’époque contemporaine (Josset et al. 2019b : 353). Dès la période médiévale, le franchissement du lit majeur s’est effectué par le pont Saint-Michel au sud, mentionné en 1202, et par les ponts Chartrains (ou Ponts chastrés) au nord cités en 1343 (Dupré 1876 : 276-277).
2. Les usages de l’eau à Blois entre les xe-xiiie s. comme marqueur de la dynamique urbaine
2.1. Le xe-xie s. : franchir la Loire, défendre la ville et faire commerce
6C’est dans le courant des viiie et ixe s. que l’on place l’ascension marquante des vicomtes et comtes de Blois. Dans la ville, cette époque voit l’affirmation des puissances laïques et ecclésiastiques dont les établissements occupent de vastes emprises en rive droite. Alors que le castrum implanté sur le promontoire est extrêmement bien connu sur le plan matériel, les entités monastiques ne sont pas perçues avec autant de précision. Le rôle politique central du comté de Blois dans le royaume fut confirmé au xe s., en particulier sous le règne de Thibaud le Tricheur (vers 910-vers 975) (Chédeville 2000).
2.1.1. Le pont du milieu du xe s.
7Les vestiges de piles, datés de peu après 956, sont partiellement conservés sur une longueur de 75 m, soit un quart de l’espace maximum à franchir (Aubourg et Josset 2022). La projection de l’axe de ce franchissement aboutit à des amorces de voies aujourd’hui disparues sur les deux rives, mais représentées sur le plan napoléonien (Fig. 3). Cet ouvrage inaugure un nouveau passage localisé plus d’une centaine de mètres en amont du franchissement antique (Fig. 1). Cela met en lumière une évolution très nette du paysage urbain, qui pour autant ne bouleverse pas le parcellaire antique qui probablement structure toujours la ville en mutation. Il s’agirait plutôt d’un changement du centre de gravité du flux terrestre perpendiculaire au fleuve. Il reste désormais à juger des causes et des conséquences de cette nouvelle implantation.
Fig. 3 - Blois au haut Moyen Âge, ses franchissements connus et les tracés englobants sur fond cadastral napoléonien.

Sources graphiques : ADLC 41, 3P2 18, V. Aubourg et G. Simon.
8La situation de carrefour d’itinéraires fluvial et terrestres occupée par la ville de Blois se trouve ainsi confirmée par la position et la pérennité du franchissement, et l’on peut imaginer son importance à l’échelle régionale voire supra régionale (Aubourg et Josset 2021). En ce sens, la construction du pont, peut-être par Thibaud le Tricheur, est propre à conforter le statut de pôle économique et politique de la ville durant le xe s., en particulier vis-à-vis de ses rivaux politiques.
9Les premières mentions de navigation sur la Loire apparaissent dans un diplôme de 816 de Louis le Pieux (Noizet 2007 : 50, note 10). Ce dernier consigne l’exemption de tonlieu pour la collégiale Saint-Martin de Tours. L’exonération porte sur la navigation de douze bateaux circulant sur la Loire, l’Allier, le Cher, la Vienne, la Mayenne, la Sarthe et le Loir. Ces bateaux pouvaient ainsi librement desservir les possessions du chapitre (Noizet 2007 : 50-51). Dans une des chartes de Marmoutier datée de la toute fin du xe s. la reine Berthe, femme d’Eude Ier de Blois, donne exonération sur chaque bateau dans le port de Blois (portum Blesis) (Noizet 2007 : 148-149). Les moines sont propriétaires à la fin du Moyen Âge d’une grèneterie proche de la Loire, certainement peu éloignée du lieu d’accostage des denrées. À travers l’histoire de l’abbaye de Marmoutier, on suit la navigation sur la Loire et les liens forts avec les comtes de Blois, dans les actes des xie et xiie s. (Zadora-Rio 2014). Malgré l’absence de trace archéologique de ce port, il est néanmoins possible à partir de la lecture des textes de restituer celui-ci en rive droite. De plus, ne peut-on pas considérer qu’une grande partie de la rive droite pouvait servir de grèves pour l’accostage des bateaux ?
10Le pont, ainsi qu’au moins une installation portuaire, devaient être contrôlés et protégés par le pouvoir comtal. L’analyse morphologique du parcellaire de la ville et de son val, à partir du cadastre numérisé du début du xixe s., des données parcellaires inédites présentes dans les forêts près de Blois provenant du projet SOLiDAR, des documents anciens (textuels, iconographiques et planimétriques) et des données issues de l’archéologie préventive a permis de déterminer des tracés englobants. Ainsi, l’analyse montre, de part et d’autre de l’ouvrage, plusieurs structures morphologiques englobantes, peut-être des enceintes formées de fossés et de talus (Fig. 3 : tracés englobants 6 et 8). Le tracé englobant no 6 de la rive gauche, de seulement 60 m de diamètre environ, est centré sur l’axe sud de la construction du xe s. – ce qui indique un fonctionnement simultané. Cet espace correspondrait à une tête de pont permettant de contrôler son entrée. En rive droite, le tracé englobant no 8 serait une première enceinte. Cette entité morpho-historique fonctionnerait d’une part avec un port et d’autre part avec un pont. Elle prendrait appui sur le tracé de l’enceinte de l’abbaye de Bourgmoyen au sud et le cours de l’Arrou au nord-est. Le débouché du franchissement aboutirait en son centre.
2.1.2. Le pont du milieu du xie s. et des vestiges de pêcherie ?
11Une fondation de pile en bois conservée sous une pile du pont de pierre médiéval est le vestige d’un pont bâti au milieu du xie s. (Fig. 3) (Aubourg, Josset et Blondel 2021).
12La période de construction, le milieu du xie s., correspond au règne de Thibaud III de Blois, successeur d’Eudes II de Blois, petit-fils de Thibaud le Tricheur. Après la perte de la Touraine en 1044, le comte de Blois est privé d’un important passage sur la Loire à Tours, ouvrage construit en 1034-1037 à l’initiative d’Eudes II (Galinié 2007). Moins de dix ans plus tard, Thibaud III se voit sans doute contraint de faire bâtir à son tour un nouveau pont à Blois. Quand en 1089, le comte de Blois, Étienne, confirme à l’abbaye de Pontlevoy la possession de deux moulins situés près ou sur le pont de Blois « duos molendinos ad pontem Ligeris », on peut envisager qu’il est fait là mention de l’ouvrage dont les vestiges ont été récemment découverts (Bernier 1682 : XIII, Preuves). Dans cette hypothèse, l’existence avérée de moulins permettrait de considérer plus aisément celle d’autres aménagements contemporains, tels que duit(s) et pêcherie(s). Les vestiges très lacunaires identifiés à l’aval du franchissement pourraient leur appartenir (Fig. 3 : 5).
13La position de ce franchissement consacre un passage original, en particulier avec une nouvelle connexion au réseau local en rive gauche. En rive droite, l’axe confirme le statut et le rôle structurant majeurs d’une rue qui file dans le fond de la vallée de l’Arrou et qui franchit le coteau pour rejoindre l’itinéraire terrestre Blois-Chartres. Ce nouveau parcours de la traversée nord-sud de l’agglomération semble marquer, sur les deux rives, un basculement du centre de gravité de la ville médiévale, sous la surveillance des seigneurs laïcs et sans doute à l’initiative du comte.
14Dans la même période, à la fin du xie s., une charte accordée par le comte Étienne et la comtesse Adèle exempte les habitants de Blois du droit de buttage, à condition qu’ils édifient un « mur » (Bernier 1682 : 293 ; Lesueur 1970 : 20 et 21). Si le droit de buttage correspond bien à l’entretien des fossés et talus qui forment une enceinte, l’existence d’une structure fortifiée avant la fin du xie s. devient donc très probable. L’analyse morphologique du parcellaire permet d’identifier une organisation qui pourrait être contemporaine du pont et correspondre à une nouvelle structure défensive urbaine (Fig. 3, tracé englobant no 9). Désormais, l’Arrou ainsi que le débouché des Mées feraient alors partie intégrante de la ville.
2.2. Les xiie-xiiie s. : le fleuve au cœur de la croissance urbaine ?
15Par leur profusion, les vestiges fluviaux des xiie et xiiie s. font apparaître cette période comme une époque de forte activité avec en point d’orgue la construction de l’enceinte et la reconstruction du pont de pierre. Les aménagements fluviaux peuvent être appréhendés à différents niveaux d’interprétation : structure par structure, celles-ci reflètent en effet, suppose-t-on, la mise en place de projets originaux et indépendants (individuels ou collectifs) ; considérées dans leur ensemble, du fait de leur contemporanéité probable, les structures forment des aménagements fonctionnellement cohérents, néanmoins plus ou moins difficiles à interpréter compte tenu de la nature partielle des vestiges. Ces structures isolées ou trop peu documentées (trop incomplètes) sont la manifestation de la vigueur des activités qui se déploient alors sur le fleuve.
2.2.1. Les aménagements en Loire
16L’étude des vestiges du pont maçonné, dit « médiéval », complète une documentation textuelle quasi inexistante avant la fin du xiiie s. (Aubourg, Grappy et Josset 2007 : 179). La plus ancienne, qui a été réalisée en 1941 par F. Lesueur sur une arche de pierre conservée dans une cave de la rive droite, permet d’estimer la durée de vie du franchissement de bois du xie s. (Fig. 2). Le fait que l’enceinte du xiiie s. – datation alors admise et confirmée depuis (cf. infra) – soit stratigraphiquement postérieure aux maçonneries de l’arche de pierre préservée donne un terminus ante quem à cette construction dont on imagine qu’elle a pu se substituer au pont de bois. Ensuite, à partir des caractéristiques techniques, l’auteur qui affirme que la construction « ferait plutôt penser à un travail du xiie siècle que du xie » distingue de facto l’arche conservée du franchissement mentionné en 1089 (Lesueur 1941 : 13). Il est finalement envisageable qu’un ouvrage en bois du milieu du xie s. ait été remplacé par un nouvel édifice en pierre, peut-être au xiie s., lui-même reconstruit, voire profondément modifié vers la fin du xiiie s., peut-être à la suite des vastes travaux de construction de l’enceinte urbaine.
17Quelques éléments permettent d’affiner la chronologie de cette superstructure. Plusieurs piles de pierre ont désormais un terminus post quem propre :
au plus tard à la fin du xiiie s. et, peut-être, dès le xiie s. pour les piles 6 et 7, chacune dotée de deux becs opposés (Aubourg et al. 2021 : 113-116) ;
deuxième quart xiiie s. – troisième quart xive s. et deuxième quart xiiie s. pour les aménagements 54 et 46 associés à la pile 2 (Fig. 2 : 14 et 15). Cette dernière, qui diffère des autres piles dérasées, a une forme allongée très singulière.
18Les autres piles connues, de forme pentagonale, n’ont pas d’éléments de datation associés.
19À la lecture de ces vestiges, on peut aisément imaginer plusieurs états d’ouvrages correspondant plus sûrement à des reconstructions partielles du même pont maçonné. Il en va d’ailleurs de même pour les moulins pendus installés sur le parapet occidental de la superstructure, peut-être présents avant 1089.
20De nombreux autres aménagements ont été détectés, plus ou moins proches du franchissement, tous mis en place au xiie ou xiiie s. Ce sont pour l’essentiel des alignements de pieux dont les interprétations sont plus ou moins aisées. Mais au-delà de la question fonctionnelle de chaque structure, il est essentiel de considérer ces constructions sous l’angle du ou des systèmes qu’elles contribuent à former. Ce sont donc leur dépendance fonctionnelle que l’on veut ici souligner et tenter d’expliquer.
21En premier lieu, on reconnaît une grande pêcherie dite du pont (Aubourg et Josset 2017). Elle est dotée d’un duit qui semble n’avoir aucun contact avec le pont de pierre médiéval, son tracé passant entre les piles 9 et 10 (Fig. 2 : 21 et 22). Cette implantation a garanti le bon approvisionnement en eau des moulins pendus présents sur le franchissement et des dispositifs de pêcherie fixe installés plus en aval, à l’extrémité du duit.
22En amont des piles 5 et 6, les structures 44 et 45 (Fig. 2 : 16 et 17) semblent s’être succédé dans un espace restreint, peut-être pour alimenter une pêcherie, un moulin pendu ou un dispositif embarqué. Toujours en amont du pont, un amas de pieux (Fig. 2 : 18) est précisément localisé entre les piles 13 et 14 qui délimiteraient l’arche marinière du pont. Si la fonction de cette structure 53 reste encore incertaine, sa relation avec le pont et l’activité qui en découle directement semble néanmoins étroite.
23Au plus près des piles, à l’aval, un alignement de pieux et quelques bois plantés épars à proximité de la pile 6 pourraient correspondre à des vestiges de supports de maison(s) installée(s) sur la pointe de la pile. Des alignements similaires ont été relevés à l’arrière des piles 5 et 8 (Fig. 2 : 10 et 13).
24En aval de la pile 2, la structure 54 (Fig. 2 : 14) est un aménagement rectiligne, proche de la rive gauche actuelle qui lui est parallèle. Elle pourrait être une digue qui délimiterait un espace étroit le long de la berge. La structure 46 (Fig. 2 : 15) participerait à cette organisation de bord de fleuve.
25Un dispositif semblable à celui de la pêcherie-du-pont est reproduit en aval avec la pêcherie du Foix. Les datations archéologiques qui lui sont liées sont similaires. Les recherches attestent que les aménagements ont connu plusieurs phases d’utilisation et d’entretien sur environ un siècle et demi à partir du milieu du xiie s. À l’extrémité nord du duit, qui d’ailleurs s’interrompt à plusieurs dizaines de mètres de la berge actuelle de la rive gauche, les structures 18 et 19 (Fig. 2 : 19 et 20) sont disposées de part et d’autre selon un axe différent. Les vestiges de la structure 18 matérialisent un duit constitué de plusieurs alignements de pieux avec des éléments mis en place vers la fin du xiie s. et plus sûrement le début du xiiie s. On ne saurait confirmer sa relation avec les vestiges épars de la structure 19 pour laquelle l’abattage d’un pieu intervient au début du xive s. Pour la structure 18, plusieurs hypothèses sont émises. Il pourrait s’agir des témoins d’une pêcherie, un dispositif pour alimenter et fixer un moulin-bateau ou la limitation d’un couloir navigable dans le prolongement des aménagements situés à l’arrière de la pile 2.
2.2.2. L’enceinte urbaine, le trait de rive et ses aménagements
26À partir du xe s., l’urbanisation continue de l’espace qui sera ensuite délimité par l’enceinte édifiée au xiiie s. est chose dorénavant acquise. Cependant, il est impossible de lui donner forme et l’on doit supposer que la densité urbaine devait connaître d’importantes disparités au sein de l’agglomération. La lecture du parcellaire ancien permet de proposer des hypothèses d’enceintes primitives d’origine médiévale, plus précisément du haut Moyen Âge (cf. supra tracés englobants nos 6 et 8). Les historiens de Blois envisageaient également l’existence d’au moins une enceinte antérieure au xiiie s, et ce, à partir de sources épigraphique et textuelles (Bernier 1682 : 293 ; Lesueur 1970 : 20 et 21 ; Aubourg et Josset 2002 : 14-17). En réalité, il n’y a pas de doute sur la présence d’une enceinte antérieure au xiiie s. En revanche, les incertitudes sont nombreuses en ce qui concerne leur nombre, leur date, leur forme et leur localisation. D’après l’étude réalisée sur les vestiges de l’enceinte, la construction de la fortification interviendrait entre le deuxième et le troisième quart du xiiie s. (Lafont 2017 : 1-2) (Fig. 2). On dispose désormais d’un repère chronologique bien borné pour un événement capital pour le développement de Blois.
27Peut-on estimer le poids de l’héritage des formes (urbaines) préexistantes à la construction de cette enceinte ? Dans quelle mesure son tracé est-il en germe dans d’autres réalisations antérieures de même type ? – et ce, particulièrement vis-à-vis de sa position par rapport au fleuve ? La relation à la Loire est importante à saisir, mais, par manque de données, il est difficile de l’envisager avant le xiiie s. Le rempart édifié à cette période, qui est représenté sur plusieurs vues d’époque moderne, redessine le trait de rive, en particulier en aval du pont (et du port dit Vieil). Si cela ne saurait être assurément le reflet fidèle de la réalité médiévale, ces représentations sont très instructives car on sait que la géométrie du fleuve ne sera progressivement artificialisée et retracée par un système de levées qu’à partir du xvie s. (de Person 2001 : 9).
28On suppose que la position des portes, porte Garnaud, porte du Pont, porte ou poterne du Port-Vieil, est directement guidée par la présence antérieure des rues qui y aboutissent. Comme la porte Garnaud et la rue Madeleine se trouvent juste en face de la pêcherie-du-pont, attestée au plus tard au xiie s., l’emplacement de la porte dans l’enceinte du xiiie s. pourrait avoir été dicté par la présence antérieure de la pêcherie. Ce serait alors reconnaître le rôle déterminant de l’aménagement fluvial, et de l’activité économique et vivrière qui lui est rattachée, dans le positionnement de la porte de ville. Les contacts des deux grandes pêcheries n’ont pas été perçus avant le chemin de halage actuel. On peut seulement estimer la distance qui sépare le rempart médiéval et le vestige connu le plus proche de la pêcherie-du-pont (caisson structure 24, Fig. 2 : 23) à une quarantaine de mètres.
29Quant aux rues qui viennent buter contre le mur de ville (rue du Département, rue des Jacobins et ruelle sans nom en 1810), il est permis de penser qu’elles desservaient directement la rive du fleuve avant que ne soit établie l’enceinte. On devrait donc imaginer un système défensif urbain antérieur dont la forme différerait de celle de l’enceinte du xiiie s. avec des ouvertures différentes, ou bien une courtine ou un talus décalé, plus proche du fleuve. C’est ainsi que l’implantation du rempart du xiiie s. a entraîné la disparition d’une partie du parcellaire, en conséquence de quoi plusieurs rues seraient devenues des impasses.
30La documentation laisse beaucoup de place à la conjecture pour penser l’état des berges et des aménagements qui s’y trouvent avant l’érection de l’enceinte. En rive droite, la berge suit à peu de distance le tracé de l’enceinte urbaine, au moins à partir du xiiie s. (Lafont 2017 ; Belleforest 1575). Une bande étroite de terrain devait longer le pied du rempart. On peut y voir une zone de circulation au bord du fleuve – d’usage peut-être saisonnier – qui permettait le halage et l’accès aux diverses installations fluviales. Parmi celles-ci, deux secteurs d’accostage sont connus, le Port-Vieil et le port Garnaud. Juste à l’aval de la ville close, le port du Foix (arrivoir de la place de Grève) serait en usage avant l’édification de l’enceinte du xiiie s. (Cosperec 1994 : 42-43).
31En rive gauche, aucune enceinte n’est attestée pour cette période. La berge se trouverait à peu près au pied de la levée le long du chemin de halage actuel – si l’on extrapole à partir de la localisation de la culée du pont de pierre médiéval (Josset et al. 2019a : 94-129, fig. 312) – c’est-à-dire au maximum entre 18 et 21 m de la structure 54 qui prolonge la pile 2 de ce pont. Sur la même rive, la documentation peu fournie révèle deux lieux d’accostage privilégiés, mais seulement pour le xve et le début du xvie s. : le « grand arrivoir » en 1487 (ADLC, G 1053) et le « petit arrivoir » en 1506 (ADLC, G 1042). On peut les identifier à des ports dotés d’un minimum d’infrastructures, à la différence du reste de la grève, probable vaste zone d’échouage. Les arrivoirs sont implantés à proximité du pont du xiiie s. et ils bordent la rive au plus près des secteurs les plus anciennement occupés de la rive gauche. Leur position est donc centrale par rapport au quartier de Vienne et aux principaux flux qui l’irriguent. On peut donc seulement supposer leur existence au xiiie s., et antérieurement, en admettant aussi que les arrivoirs ont pu être déplacés et changer de forme en fonction de l’évolution des berges et de l’urbanisation de Vienne.
2.2.3. Les activités fluviales coexistantes
32Grâce aux vestiges archéologiques connus dans le lit mineur et aux données textuelles, trois types d’activités sont en lien direct avec l’usage de l’eau : nautiques, énergétiques et halieutiques (Pouyet 2019 : 99-100).
33La navigation est l’activité que l’on perçoit indirectement par la seule présence des ports. Au regard de l’emprise des ouvrages, des duits et dispositifs fixes de capture des pêcheries, on mesure l’ampleur de la contrainte pour la navigation, néanmoins effective compte tenu de la position des principaux ports de la ville. D’une manière générale, se trouve posée ici la question de la densité des aménagements fluviaux à partir de quoi, pour certains secteurs, l’on devine des activités fluviales intenses. C’est d’ailleurs plus particulièrement le cas aux abords du pont où se trouvaient également les moulins et, comme on l’a vu, bien d’autres aménagements susceptibles d’encombrer les voies de passage que sont les arches.
34Les activités énergétiques (liées aux moulins) et halieutiques (liées aux pêcheries) sont imbriquées à Blois. Les pêcheries sont effectivement souvent associées à des ponts, des moulins placés sur le duit ou bien sur des ponts, les deux en même temps n’étant pas exclus. Les deux grandes pêcheries de Blois ont été en activité simultanément au moins au xiiie s. Les duits alimentent moulins et pêcheries situés dans le chenal principal, en rive droite. Les pêcheries assurent subsistance et négoce aux habitants. Les besoins en poissons sont dictés par la foi chrétienne qui s’accompagne d’un régime alimentaire strict. En réponse à une pêche particulièrement intensive, avec un impact négatif sur les stocks de poissons, le fonctionnement des pêcheries est très tôt réglementé, dès la fin du xiiie s. (Duples-Agier 1853 : 43-45).
35L’emplacement des pêcheries par rapport à la ville place de facto ces ouvrages au cœur de l’espace urbain, et en particulier de son activité économique. Pour apprécier cela, il suffit de prendre en compte la position des principaux ports de la ville. Le Port-Vieil côtoie l’abbaye de Bourgmoyen (Fig. 2), il se trouve juste à l’aval du pont, précisément dans l’espace de la pêcherie qui lui est associée. Le port Garnaud est implanté au niveau de l’abbaye Saint-Lomer, une centaine de mètres peut-être en aval de la pêcherie-du-pont. Enfin, le port du Foix occupe une situation centrale dans le dispositif de la pêcherie du Foix. C’est bien dans cet espace que devaient circuler de préférence les bateaux. En conséquence, on devine bien la nécessité de ménager dans les constructions fluviales, telles que les duits, les passages nécessaires pour la circulation des embarcations, passages encore mal repérés dans les vestiges actuels. Il est d’ailleurs probable que le déploiement des grands aménagements dans le lit mineur a connu des évolutions notables rendant difficile leur identification sans une étude exhaustive des ouvrages. Mais l’on doit aussi imaginer que la navigation et les lieux d’accostage devaient continuellement être adaptés en fonction de l’évolution saisonnière du milieu.
3. L’importance des usages de l’eau durant ces quatre siècles
36Les usages de l’eau à Blois entre le xe et le xiiie s. apparaissent comme des morphogènes de la structure urbaine sur le temps long. En effet, c’est en l’état des connaissances durant ces quatre siècles que se met en place un certain nombre d’infrastructures liées à l’eau (franchissements, ports) qui vont guider la fabrique de la ville, tout en s’inscrivant dans un site qui contraint lui-même la structuration de l’espace.
3.1. Les franchissements de la Loire comme explication du processus de concentration parcellaire et d’organisation viaire
37L’existence de trois ponts successifs dans un espace relativement restreint du lit du fleuve a guidé pour une part l’organisation de la voirie et maintenu une concentration de l’habitat le long de quelques voies (Fig. 4).
38L’existence de ces moyens de franchissement est à l’origine d’une partie de l’organisation de la voirie en pattes d’oie successives à mesure que l’on se rapproche des ponts, point de passage contraint. Cette disposition s’observe aussi pour tout passage obligé comme une porte et un accident du relief. L’enceinte du xiiie s. entretenue jusqu’au xviiie s. a fixé ce système viaire à l’extérieur de la ville et le nouveau pont du xviiie s. n’a pas bouleversé profondément l’organisation des rues.
39Ce système de polarisation des voies vers les points de franchissements de la Loire a entraîné une captation durable des flux de personnes et de marchandises par les axes qui menaient à un de ces ponts, produisant le long de ces derniers un parcellaire ténu densément bâti (Noizet et Clémençon 2019 : 198). La chaîne d’explication est relativement simple : les voies les plus fréquentées sont celles qui attirent le plus les commerçants qui cherchent la meilleure localisation possible pour vendre leurs biens ou services. Les terrains longeant ces voies deviennent donc très demandés, la pression foncière augmente et les parcelles voient leur largeur se réduire pour maximiser le nombre de commerces pouvant ouvrir une boutique sur rue. Ce phénomène s’auto-organise, le parcellaire laniéré et dense qui s’étend le long de ces axes résulte peut-être d’un projet originel, mais c’est bien la pression foncière qui maintient leur forme sur une longue période. Les flux concentrés sur ces ouvrages de franchissement sont donc morphogènes de la densité parcellaire observable de part et d’autre de la Loire, le long des rues actuellement dénommées rues Croix-Boissée, Saint-Lubin, du Bourg Saint-Jean et du Commerce.
3.2. Les ports comme explication de la disposition des voies et des parcelles le long des rives
40La présence d’au moins quatre ports au Moyen Âge, trois en rive droite et un en rive gauche permet d’expliquer aussi, d’une part la densité parcellaire de certaines zones du cadastre ancien et d’autre part l’implantation de la voirie (Fig. 4).
Fig. 4 - Disposition des voies et des parcelles le long des rives superposées au plan de Blois du xiiie s. sur fond cadastral napoléonien.

Sources graphiques : ADLC 41, 3P2 18, G. Simon.
41L’espace le plus fortement urbanisé, c’est-à-dire le plus dense au début du xixe s., est celui qui borde les ports médiévaux, lieux d’approvisionnement, mais aussi d’exportation pour les habitants. Comme pour le passage des ponts, c’est l’activité de commerce liée aux ports qui explique cette densité. Les artisans et commerçants cherchent à s’établir au plus près des lieux de chargement et de déchargement et ont donc tendance à étaler leurs activités près de la rive au détriment d’une densification des espaces en retrait. Ce phénomène de densification des rives s’accompagne d’une multiplication des voies plus ou moins perpendiculaires au fleuve afin de desservir au mieux le port qui prend le plus souvent au Moyen Âge la forme d’une grève en milieu fluvial.
42Cette configuration de répétition de voies parallèles se retrouve dans d’autres ports sur la Loire ou la Vienne comme à Tours où le port des chanoines de Saint-Martin est aussi desservi par une série de rues parallèles et perpendiculaires à la rive (Galinié et al. 2003) ou encore à Candes-Saint-Martin (Philippon et Gaultier 2015).
43À Blois, ce phénomène s’observe très bien au niveau du port du Foix où six voies parallèles débouchent sur le fleuve, si l’on excepte l’îlot bâti postérieurement sur la rive, ou face à l’arrivoir de Vienne en rive gauche. En revanche, en rive droite, au niveau du Port-Vieil, la situation est plus complexe. Son emprise exacte au Moyen Âge n’est pas connue. Il devait selon toute vraisemblance être plus étendu que l’emprise représentée sur la gravure de Belleforest et devait s’étendre plus au nord (Belleforest 1575). Ainsi, on retrouve quatre à cinq voies prenant la forme d’une vaste patte d’oie et débouchant sur le fleuve. Cette forme particulière du réseau viaire s’explique par la combinaison des deux logiques spatiales, celle du port qui multiplie les voies d’accès à la berge et celle de la voie principale qui attire à elle les autres rues, un phénomène accentué ici par l’orographie.
3.3. Les corridors fluviaires comme explication de l’orientation parcellaire
44Enfin si les infrastructures humaines apparaissent à l’origine de l’organisation parcellaire et viaire, la forme et les orientations de ces dernières relèvent en grande partie de l’adaptation du parcellaire urbain à l’hydrographie du site même de Blois, un phénomène déjà analysé pour d’autres villes (Noizet 2005 ; Noizet, Mirlou et Robert 2013) (Fig. 5).
Fig. 5 - Corridors fluviaires sur fond cadastral napoléonien.

Sources graphiques : ADLC 41, 3P2 18, G. Simon.
45D’un point de vue morphologique, en reprenant le concept de corridor « fluviaire » formalisé par Hélène Noizet à partir des mots « fluvial » et « viaire » (Noizet 2005 : 111). L’objet fluviaire est un objet hybride qui prend en compte, sur une longue durée, les caractéristiques physiques et sociales de ce lieu qui est à la fois ru, rue, chenal, parcellaire… (Chouquer 2003). En effet, les chenaux ont guidé la forme des rues et chemins, de sorte que l’on retrouve régulièrement des voies le long des chenaux quand ceux-ci ne partagent pas le même espace, comme c’est le cas de l’Arrou dans une partie de son cours. Ainsi, trois éléments principaux permettent d’évaluer l’influence spatiale de ces corridors sur la fabrique urbaine : la rue et le chenal (l’élément morphogène), les lignes parcellaires et les espaces surfaciques associés. Ces trois éléments combinés forment un corridor, c’est-à-dire un axe de pénétration d’une forme dans l’ensemble du parcellaire. Dans la zone urbanisée de Blois et dans son pourtour immédiat, trois corridors ont été définis.
46Le premier, le plus structurant à l’échelle du val, est l’ensemble des parcelles et linéaments parcellaires qui puisent leurs orientations dans le cours de la Loire et celui des Mées qui lui est parallèle et qui forme donc le même corridor. À l’origine de cet objet, la Loire, qui est bordée de part et d’autre, sur ses rives, par des séries de voies parallèles permettant les déplacements dans la vallée, elle-même à l’origine de l’orientation des parcelles qu’elles desservent.
47Le deuxième corridor qui structure fortement l’espace urbain est associé à l’Arrou qui dessine un axe de pénétration dans la ville qui vient buter contre le corridor ligérien. Il a guidé à la fois l’orientation des voies et la densité parcellaire en offrant une zone relativement plane et profonde en bord de Loire dans laquelle l’habitat a pu s’établir. L’évolution de cette forme, selon les tronçons, a dû correspondre à plusieurs réalités socio-spatiales (intra-urbain et densité urbaine, extra urbain et densité moyenne liée à une occupation de faubourg), dont les transformations sont encore difficiles à décrire, ce qui s’explique par la masse d’informations dispersées à mobiliser pour cela.
48Le troisième est celui de la Noue et du Cosson qui ont longtemps limité l’extension urbaine au sud-est. Il constitue un corridor dont l’histoire semble assez simple : il s’agit d’un ancien chenal de la Loire. Cette zone devient « une boire » fortement humide et très fréquemment inondée pendant les périodes de hautes eaux dans laquelle le Cosson a trouvé un espace de déploiement. Cet espace attesté au moins depuis la période gallo-romaine semble avoir accueilli des fonctions agropastorales propres à répondre au besoin ponctuel d’exutoire des hautes eaux. Il nécessite de ce fait des infrastructures de franchissement qui remontent au moins au Moyen Âge (pont Saint-Michel et ponts Chartrains). Durant la période moderne, il semble que la fonction d’exutoire des eaux devienne principale avec la construction de levées.
49L’histoire de ces trois corridors reste en grande partie à étudier. Si l’origine hydrographique de ces objets est connue, il conviendra dans l’avenir de définir les différentes étapes de formation et leurs enchaînements qui seront à même d’expliquer la résilience de la forme globale sur le temps long.
Conclusion
50Blois, ville de fleuve depuis l’Antiquité, ne semble s’être approprié la Loire qu’entre le xe et le xiiie s. à travers la mise en place d’infrastructures de transports (ports et franchissements) renforçant le rôle de carrefour commercial de la ville à l’échelle régionale. La Loire a aussi été exploitée pour ses ressources halieutiques et énergétiques (pêcheries et moulins) qui révèlent une croissance urbaine importante voire un pic d’occupation caractérisé par une coexistence d’activités concurrentes dans un espace relativement réduit qui ont dû être à l’origine de conflits.
51La construction d’une enceinte au xiiie s. semble fixer durablement l’ensemble des infrastructures aquatiques jusqu’à la fin de la période moderne. Ainsi les usages de l’eau qui s’établissent à Blois entre le xe et le xiiie s. sont à l’origine d’une partie de la forme urbaine encore visible aujourd’hui. En devenant, à partir de la fin du xe s., un carrefour d’échange sur la Loire, avec ses ponts successifs et ses ports, Blois, comme beaucoup de villes de fleuve, voit son système viaire répondre à cette activité : d’une part, du fait de la polarisation des voies par une série de pattes d’oie vers le point de passage, et d’autre part, par la multiplication des voies parallèles et perpendiculaires au fleuve, le long des ports. Ces pôles concentrent l’activité commerciale, qui du fait de sa stabilité relative durant plusieurs siècles, crée un système parcellaire et bâti dense qui est aujourd’hui encore visible. L’eau est aussi un facteur de la constitution de la forme urbaine sur le temps long en inscrivant l’expansion urbaine dans des contraintes impensées que constitue le réseau hydrographique d’origine. Les objets morphologiques tels que les corridors « fluviaires » sont également porteurs d’une histoire complexe ; bien qu’encore peu étudiés, ils expliquent en grande partie les orientations parcellaires.
Bibliographie
Sources
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Auteurs
Ingénieur DRAC Centre-Val de Loire, UMR 7324 CITERES-LAT.
Inrap, UMR 7324 CITERES-LAT.
Maître de conférences à l’École nationale d’Architecture de Paris-Val de Seine, EA 7540 EVCAU, UMR 7324 CITERES-LAT.

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