Décomposition de l’empire et concrétisation de l’alternative tchécoslovaque (automne 1916 – automne 1918)
p. 241-242
Texte intégral
1L’Autriche-Hongrie a subi, depuis le début du conflit, des pertes qu’elle n’a pas été en mesure de compenser. L’efficacité des outils de mobilisation du patriotisme s’étiole à mesure que les manques s’installent et que la population, dans son immense majorité, souffre des différents dérèglements imposés par la guerre. Sur le plan militaire pourtant, l’Autriche-Hongrie ne connaîtra plus, sauf en juin 1918, d’échec comme elle en a connu au cours des deux premières années de conflit. L’armée austro-hongroise, même continûment affaiblie, tient ses positions. Au moment où commence la troisième année de guerre, l’organisation des exilés est encore dans les limbes, même si les informations circulent et que les liens avec l’intérieur ont été maintenus et s’organisent. La situation évolue lentement et les principales dynamiques sont plutôt internes à l’Empire et aux Pays tchèques.
2Elles peuvent se décomposer en trois grands temps à l’intérieur desquels interrogations politiques, thrombose progressive de l’appareil de production et de distribution, montée des clivages au sein des différentes catégories de population se manifestent, sans que les autorités autrichiennes semblent en mesure d’apporter des réponses susceptibles d’apaiser les tensions.
3Le premier automne du règne de Charles, qui succède à François-Joseph décédé fin novembre 1916, est dominé par la recherche de solutions politiques et institutionnelles susceptibles de raffermir l’empire. Le contexte y est peu propice, la réorganisation de l’espace politique tchèque répond à la radicalisation du Nationalverband et aux projets des Puissances centrales pour les régions polonaises. La politique tchèque reste dominée par les activistes, les échos des manques croissants et des difficultés matérielles de la population sont désormais plus audibles. Les difficultés croissantes de la population et la révolution russe de février en particulier convainquent Charles de convoquer de nouveau le Reichsrat en mai 1917. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie, même confuse et maladroite, d’apaisement des tensions dont les amnisties prononcées en faveur des condamnés politiques, début juillet, constituent un moment important.
4Dans un second temps en effet, après ces amnisties concomitantes du premier engagement des volontaires tchécoslovaques sur le front russe, la tension politique qui s’exprime désormais au Reichsrat prend des formes plus radicales de remise en cause de l’administration de la guerre par le gouvernement. L’alignement croissant de l’Autriche sur son allié allemand, les projets de fractionnement administratif des Pays tchèques selon un partage linguistique et national provoquent une évolution de la politique intérieure tchèque et la mise à l’écart des activistes. La critique de l’administration de l’État s’amplifie, des solutions « nationales » sont recherchées dans un contexte d’affaiblissement sensible des solidarités k.u.k.
5À la fin du printemps 1918, le rapprochement tchéco-slovaque se matérialise, les positions de l’Entente ont évolué vers la reconnaissance de l’autorité du Conseil national de Paris et l’Autriche-Hongrie n’a plus aucune marge de manœuvre diplomatique, politique et économique. Dans ce troisième et dernier temps, alors que la disparition de l’Autriche-Hongrie a été actée par la reconnaissance des différents Conseils nationaux – dont le tchéco-slovaque – l’armée austro-hongroise, même épuisée par les manques qui l’affectent depuis des mois, combat jusqu’au moment où l’écho de l’implosion de l’empire lui parvient et provoque son effondrement sur le front austro-italien.
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